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Coulon O. 2010-2011 Droit des contrats spéciaux 1

Droit des contrats spéciaux · Droit des contrats spéciaux 1. ... Ce cours s'inscrit naturellement dans le prolongement du cours de Bac2 sur le droit des obligations

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Droit des contrats spéciaux

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Ce cours s'inscrit naturellement dans le prolongement du cours de Bac2 sur le droit des obligations. On rentrera cette fois dans les particularités de certains contrats : vente, bail, mandat...Du reste, ce cours entretient des liens étroits avec le cours de droit des biens.

Un recueil de textes légaux constituera notre instrument de travail. On trouvera pour le surplus deux syllabi : l'un sur la vente, l'autre sur les contrats restant.

« Le spécialiste des petits contrats est parmi les juristes un peu comme le joueur de triangle dans un orchestre. » Jean Carbonnier

Ce cours recouvre un domaine extrêmement vaste. L'on trouve d'une part les contrats nommés (par le code civil ou des lois particulières), d'autre part les contrats innomés. Il y a une pléthore de contrats particuliers.

Tenons nous-en aux contrats essentiels. Le premier contrat analysé sera le contrat de vente ; viendront ensuite les contrats de service, par lesquels les prestataires s'engagent à faire quelque chose. Parmi ceux-ci, nous verrons le contrat de mandat, le contrat d'entreprise, et le contrat de dépôt. Nous verrons par la suite les contrats de bail ; enfin, nous terminerons par le contrat de transaction.

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Partie 1. Le contrat de vente

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Chapitre 1. Introduction – notions générales et conditions de validité du contrat de vente

Section 1. Les textes gouvernant le contrat de vente

Quels sont les textes gouvernant le contrat de vente ? De nombreux textes s'y attachent : – ceux du code civil (art. 1582 et s.) ;– toute la théorie générale du contrat (vice de consentement, sanctions de l'inexécution) ; – les lois particulières s'appliquant à des contrats de vente particuliers :

– loi Breyne de 1971 sur la construction d'habitation et la vente d'habitation à construire ou en voie de construction ;

– loi du 14 juillet 1991 remplacée par une loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection du consommateur, dont les art. 74 et 75 attireront notre attention. Cette loi s'applique dans les rapports entre entreprise et particuliers.

– Loi du 12 juin 1991, qui régit en partie la vente à tempérament (crédit à la consommation).

– Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandise. On y trouve des dispositions sur l'obligation de délivrance, sur les sanctions de l'inexécution, sur la formation du contrat etc.

– Vente de bien de consommation entre un vendeur professionnel et un consommateur, visée par la loi du 1 septembre 2004. Cette loi a intégré dans le code civil les art. 1649bis et suivant, relatifs à la garantie des biens de consommation. Ces textes transposent une directive européenne. Cette loi est impérative, les parties ne peuvent donc pas y déroger.

Il peut arriver qu'une même vente soit soumise à des dispositions légales venant de différentes lois. Toute la difficulté tient du fait que toutes ces lois ne sont pas toujours conciliables. Ex : un

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consommateur commande par internet un aspirateur. C'est un contrat de vente à distance. Voilà un contrat qui peut solliciter l'application de nombreuses règles : les art. 1582 et s. du code civil ; loi du 6 avril 2010 (contrat de vente entre une entreprise et un consommateur), intéressante à plus d'un titre : en cas de clauses abusives [art. 74-75], pour les règles du contrat conclu à distance [ art. 44 et s., prévoyant notamment un droit de rétractation de 14 jours] ; les art. 1649Bis et s...

Section 2. Notions préliminairesNous sommes ici en terrain connu.

§1. Un contrat translatif de propriété La vente est un contrat translatif de propriété, qui contient donc une obligation de dare. Cette obligation de dare, prévue à l'art. 1583, s'exécute en règle générale solo consensu, c'est-à-dire par le seul échange des consentements, et dès l'échange des consentements. Partant, dès l'échange des consentements, la propriété passe du vendeur à l'acheteur : dès qu'il y a accord sur le prix et l'objet, l'acheteur sera donc la plupart du temps propriétaire, même si ce dernier n'a pas encore payé le prix ou réceptionné le bien. C'est là le sens de l'art. 1583 « dès qu'on est convenu de la chose et du prix ».

C'est un texte remarquable, qui ne se trouve pas dans tous les systèmes juridiques. Certains systèmes prévoient que le transfert de propriété a lieu au moment de la délivrance, ou du payement du prix. Ce système est donc propre au droit français et au droit belge.

§2. Un contrat consensuel La vente est un contrat consensuel : il se forme par le seul échange des consentements. L'échange des consentements produit un double effet : non seulement il forme la vente, mais il transmet en plus la propriété du vendeur à l'acheteur. L'écrit n'est donc pas une condition de validité de la vente. Cela étant, l'écrit peut parfois être utile, notamment en matière de preuve. En effet, dès l'instant où le montant dépasse 375 €, la vente doit en principe être prouvée par écrit. Cet écrit doit être établi en double exemplaires originaux (art. 1325) signés par les parties. L'écrit a donc ici une fin probatoire. Mais l'écrit peut également remplir d'autres rôles : pour les ventes d'immeubles, il faut une transcription de la vente au registre des hypothèques, ce qui nécessite un acte notarié (art. 1 de la loi hypothécaire). Enfin, il peut arriver que l'écrit soit une condition de validité du contrat. La vente devient alors un contrat solennel. Ainsi en va-t-il des ventes à des consommateurs en dehors de l'établissement de l'entreprise (ventes tupperware), comme l'indique la loi du 6 avril 2010.

C'est également un contrat synallagmatique. Cette qualification est importante, puisque des règles particulières s'y attachent.

C'est du reste un contrat commutatif et à titre onéreux.

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Voilà donc les caractéristiques essentielles du contrat de vente.

Section 3. Les éléments essentiels Tout contrat de vente doit contenir deux éléments essentiels, sans quoi l'on a pas affaire à une vente. Au mieux le contrat sera-t-il d'une nature autre (contrat de donation par exemple), au pire sera-t-il nul. Quels sont ces deux éléments ? Le transfert de propriété, et le payement d'un prix.

§1. Le transfert de propriété

A. Notions La vente étant un contrat contenant une obligation de dare, le vendeur se doit de transférer la propriété. L'art. 1598 indique que tout ce qui est dans le commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation. On se rend compte que certains biens sont donc inaliénables : le palais de justice ; le bétail élevé aux hormones. Certaines lois peuvent pour le surplus interdire la vente de certains biens.On peut aussi bien vendre un bien corporel qu'un bien incorporel (brevet par exemple).

Le mot vente est souvent utilisé dans un sens impropre. Ainsi par exemple, lorsqu'on dit que tel club a vendu tel joueur, il ne s'agit en réalité pas d'une vente, cette dernière ne pouvant porter sur une personne. La loi elle-même utilise parfois ce terme à tort : la loi du 14 juillet 1991 s'appliquait au contrat de vente entre consommateurs et vendeurs ; cette loi avait une conception très large du vendeur, considérait que celui qui vendait des produits, mais aussi des services, était vendeur (ex : banquiers). Sur le plan du droit des obligations, les vendeurs de service n'étaient pas en réalité des vendeurs, mais des entrepreneurs, des bailleurs, des mandataires etc.

La loi du 6 avril 2010 ayant abrogé la loi du 14 juillet 1991 ne parle plus de vendeur de produits ou de service. On parle dorénavant d'un contrat conclu entre un consommateur et une entreprise.

Le second exemple d'usage malheureux du terme de vente par la loi est celui de la loi 1994 sur l'organisation de voyages et d'intermédiaire de voyage. Comment le législateur qualifie-t-il le fait de réserver un voyage ? Il parle de vente ! Or on ne vend pas un voyage, on l'organise. Le concept de vente de voyage, aussi pratique soit-il, n'est donc pas rigoureux et ne saurait être admis.

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B. Moment du transfert de propriété

1. Principe : un transfert solo consensuLa vente contient, puisque translative, une obligation de dare, qui pèse sur le vendeur. La question qui se pose à son propos est de savoir quand le transfert de propriété a lieu. A partir de quel moment l'obligation de dare est-elle parfaite ? L'art. 1583 répond à la question : dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix. Il faudra bien entendu aussi que le vendeur livre la chose : c'est là une obligation de facere, la propriété ayant déjà été transférée.

2. Exceptions

Il y a toutefois des exceptions dans lesquelles le transfert de propriété n'est pas immédiat : il est différé. L'obligation de dare ne s'effectue alors plus en un instant de raison : il faut un certain temps avant que l'acheteur ne devienne propriétaire.

Ces exceptions peuvent tenir soit à la nature de la chose, soit à la volonté commune des parties.

a. Relatives à la nature de la chose

* La chose de genre En cas de vente de chose de genre, le transfert de propriété n'aura lieu qu'au moment de la spécification de la chose, c'est-à-dire au moment où l'on pourra identifier ce qui revient à l'acheteur.

* Les ventes commerciales Pour les ventes commerciales, la règle est autre : on enseigne généralement que le transfert de propriété n'a pas lieu au moment de la spécification, mais bien au moment de la livraison. (Ex : je deviens propriétaire du mazout à partir du moment où il se trouve dans ma cuve).

* Les choses futuresSi la vente porte sur des choses futures, le transfert de propriété aura lieu au moment où la chose existera.

* Le corps certain – la clause de réserve de propriété Plus intéressante est l'hypothèse dans laquelle la vente porte sur un corps certains. Le transfert de propriété est ici retardé en vertu de la volonté des parties. Cela se fait pas l'insertion dans le contrat d'une clause de réserve de propriété. Par cette clause, le vendeur se réserve la propriété jusqu'à un certains moment, qui correspond généralement au moment où l'intégralité du prix aura été payée. Ou bien, le transfert de propriété est différé jusqu'au moment de la passation de l'acte notarié en matière de vente immobilière. Il est en effet fréquent que le compromis de vente contienne une clause indiquant qu'on sera propriétaire de l'immeuble au moment où les parties seront passées devant notaire.

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Quels sont les avantages et inconvénients de ces clauses ?

- Avantage de la clause de réserve de propriété L'avantage est que le vendeur reste propriétaire, ce qui lui procure une position de force. Le vendeur a non seulement un droit de créance (réclamer le prix à l'acheteur), mais a en plus un droit réel (propriété). Cette clause est utile en cas d'acheteur rencontrant des difficultés financières, voire en faillite. Ex : un commerçant a acheté des voitures à crédit (12 mensualités). Après quelques mensualités, l'acheteur est déclaré en faillite. Qui dit faillite dit désignation par le tribunal de commerce d'un curateur de faillite. Les biens du failli vont être placés sous l'autorité de la justice, c'est-à-dire du curateur. Ce dernier devra vendre l'actif du failli au meilleur prix pour désintéresser les créanciers. Le curateur ne pourra toutefois vendre que ce qui appartient au failli ! C'est ici que la clause présente toute son utilité. Le vendeur pourra exercer son droit de revendication sur la chose !

Ces clauses de réserve de propriété, prévues à l'art. 101 de la loi sur les faillites, sont donc fort intéressantes pour le vendeur, puisque ce dernier échappe au concours des créanciers.

En cas d'absence de clause, le vendeur sera un vendeur privilégié spécial sur meuble (art. 20, 5° de la loi hypothécaire). D'autres créanciers seront privilégiés, parfois de manière supérieure ! Ainsi en va-t-il du FISC, de l'ONSS... Ce privilège risque donc d'être dépassé par d'autres privilège.

Cette clause est valable, sous certaines conditions. La clause doit d'abord être écrite ; elle doit du reste l'avoir été au plus tard au jour de la livraison du bien.

Le vendeur doit ensuite pouvoir prouver que c'est bien la chose qu'il a vendue (plaque qui figure sur la machine par exemple). On doit du reste prouver que le bien se trouve toujours en nature dans le patrimoine de l'acheteur : il faut donc pouvoir identifier le bien, tel quel, dans le patrimoine de l'acheteur. Le bien doit donc être identifiable.

Enfin, le vendeur doit faire état de cette clause rapidement, c'est-à-dire avant la clôture de rédaction du procès verbal de récupération des créances (art. 101).

Si toutes ces conditions sont réunies, l'on pourra faire valoir la clause de réserve de propriété.

- Inconvénient de la clause de réserve de propriété L'inconvénient est que le vendeur risque de devoir subir l'adage « res perit domino » : la chose, détruite ou perdue par cas de force majeur, périt au risque du propriétaire.La théorie des risques jouera donc au détriment du vendeur.

Ex 1 : Je vends un immeuble. Il a été convenu que l'acheteur deviendra propriétaire le jour où il aura payé l'intégralité du prix. Il y a 6 mois qui vont s'écouler entre le moment où la vente a été conclue et le moment où le prix doit être totalement payé. Trois mois après la vente, l'immeuble est détruit. La question qui se pose est de savoir si l'acheteur doit encore payer le prix. Peut-il demander restitution du prix déjà payé ? Nous sommes dans un cas de force majeure. Qui est propriétaire ? S'il n'y a pas de clause de réserve de propriété, c'est l'acheteur qui est propriétaire depuis le compromis de vente. S'il y a une clause qui diffère le transfert de propriété, le vendeur est toujours propriétaire et assume donc les risques de la chose. Partant, il ne peut pas réclamer le payement du prix ! Il doit donc restituer ce

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qu'il a déjà reçu de l'acheteur.

Que faire face à une telle hypothèse ? Le vendeur pourra non seulement se réserver la propriété de l'immeuble, mais en plus transférer les risques à l'acheteur ! C'est une clause draconienne, mais tout à fait licite.

Ex 2 : Je passe commande auprès d'un négociant en vin de 100 bouteilles. Ce négociant dispose de 1000 bouteilles. Tout se fait par téléphone, et il est convenu que je viendrai prendre livraison des 100 bouteilles dans une semaine. Imaginons que la cave soit saccagée par des vandales.Qu'advient-il dans ce cas ? Il n'y avait pas ici eu de spécification, or nous sommes dans les choses de genre. « Genera non pereunt ». Le vendeur peut-il invoquer un cas de force majeure ? Non, car il n'y a pas d'impossibilité d'exécution, étant donné la nature du bien (chose de genre). Le vendeur n'est donc pas libéré de son obligation ! L'acheteur pourra lui appliquer l'exception d'inexécution pour ne pas payer le prix.

[ ces deux exemples sont tuyaux].

§2. Le payement du prix

A. Un prix fixé en argentLe prix doit nécessairement être fixé en argent. Si la contrepartie au transfert de propriété n'est pas une somme d'argent (mais bien un échange par exemple, auquel cas il s'agit d'un contrat d'échange, art. 1705 et s. ; ou une prestation de service, auquel cas on est dans un contrat innommé sui generis, tel que le bail de nourriture * [un propriétaire décide d'aliéner un bien au profit d'une autre personne, l'acquéreur, qui en contrepartie s'engage à fournir des prestations d'aliments en nature jusqu'au décès de l'aliénateur]), ce n'est pas un contrat de vente !

* c'est une expression malheureuse. Le bail ne transfère pas la propriété, ce qui est pourtant bien le cas ici. Ce n'est pas un contrat de vente car la contrepartie n'est pas pécuniaire.

B. Un prix certain Le prix doit être certain. Cela signifie que le prix doit être déterminé ou à tout le moins déterminable à l'aide de critères objectifs, et non pas déterminable sur base d'un nouvel accord ou sur la base de la décision de l'une d'elle (auquel cas le critère est subjectif).Exemples de critères objectifs : 50€ / m² ; 40€ / m³ ; vente moyennant payement d'une rente viagère de 10000 € / an.Exemples de vente non valables : vente au juste prix ; vente à la valeur...

Le prix peut être fixé par les parties. Peut-il l'être par une partie ? C'est possible pour le contrat d'entreprise. Mais l'art. 1591 nous indique, pour le contrat de vente que : « le prix de la vente doit

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être déterminé et désigné par les parties ».Un tiers peut-il fixer le prix ? Y a-t-il place pour une tierce décision obligatoire ? L'art. 1592 énonce « le prix peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers. Si le tiers ne veut ou ne peut faire estimation, il n'y a point vente ». Ce texte a fait coulé beaucoup d'encre. Voici quelques développement à son sujet.

Les parties peuvent s'en remettre à l'arbitrage d'un tiers (architecte en cas de vente d'immeuble par exemple). Quel est le contrat qu'il y a entre le « vendeur » et « l'acheteur » ? Est-ce déjà un contrat de vente, alors que l'architecte n'a pas encore donné son avis / son accord ? Pour certains auteurs, il n'y a pas encore de vente, aussi longtemps que le tiers n'a pas fixé le prix. C'est un contrat sui generis. Une autre tendance est dire qu'il y a déjà vente. Si d'aventure l'architecte ne veut pas sa mission, la vente sera caduque.

Un autre problème se pose : quelle est la nature de la relation existant entre les parties et le tiers ? Le tiers n'est pas un arbitre au sens du code judiciaire, puisqu'il n'est pas chargé de trancher un litige. Ce n'est pas non plus un expert au sens du code judiciaire. Qu'est-il alors ? La thèse dominante voit en lui un mandataire ! Le vendeur et l'acheteur chargent l'architecte d'une mission : accomplir un acte juridique en leur nom et pour leur compte : fixer le prix. Le vendeur et l'acheteur sont alors de co-mandants. Une thèse plus récente, qui a vu le jour en flandre, veut voir dans cette relation une nouvelle figure juridique : la tierce décision obligatoire.

Certains points ne prêtent toutefois pas le flanc à la contestation.Si le tiers ne veut pas accepter sa mission, il n'y a pas vente ! Partant, il ne serait pas possible de demander au juge qu'il désigne un autre architecte. Si l'architecte accepte sa mission, le prix qu'il va fixer s'impose aux parties, sauf si le tiers s'est trompé ; sauf s'il a commis une fraude (l'architecte était complice de l'une des parties) ; si le tiers a outrepassé sa mission, sortant du cadre de son rôle (il devait fixer le prix de vente de la maison non meublée et a donné un prix de vente pour maison meublée).

Que se passe-t-il lorsque les parties veulent chacun désigner leur propre expert, alors que par la suite l'une des parties refuse de désigner son propre expert ? Le juge peut-il choisir l'expert ? Non, car c'est un élément essentiel du contrat. Tout ce que pourra obtenir le créancier sera des dommages et intérêts.

C. Un prix ni simulé, ni dérisoire : un prix sérieux

1. Notions

Le prix doit aussi être sérieux, ce qui signifie qu'il ne peut être ni simulé, ni dérisoire.

Si les parties au contrat ont indiqué que le prix de vente est de 10 000 €, mais que par ailleurs elles ont conclu une autre convention dans laquelle il a été stipulé que l'acheteur ne devra pas payer ses 10 000 euros, on est dans une hypothèse de simulation. Les parties font croire à une vente dans un acte ostensible, mais en réalité, les parties sont d'accord pour dire que le prix ne devra pas être payé. Il y a donc un accord secret, une contre-lettre, et on est ici dans le cadre d'une libéralité, d'une

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donation.

Le prix ne peut pas être dérisoire. Il peut être élevé ou bas, mais il y a toutefois une limite, un plancher en deçà duquel les parties ne peuvent aller.Ex : on vend une voiture de collection pour 100 €. Dans cette hypothèse, c'est un prix qui ne représente rien, c'est un prix vil.

Comment réagir face à une telle hypothèse ? Une controverse existe : certains considèrent que le prix dérisoire équivaut à l'absence de prix. Partant, l'un des éléments essentiels est absent, de sorte que la vente est entachée d'une cause de nullité. Un autre raisonnement est parfois tenu : il consiste à dire que ce n'est pas une vente, mais bien une donation.

2. Sanction d'un prix non sérieux : le cas de l'action en rescision

a. Notions

Dans certains cas exceptionnels, la vente pourra faire l'objet d'une action en rescision, en raison d'un prix trop faible. C'est la rescision de la vente d'immeuble pour lésion de plus de 7/12ème. On trouve dans le code civil des dispositions nombreuses : le législateur s'est longuement étendu sur cette matière. Les art. 1174 à 1685 sont consacrés à la rescision de la vente immobilière, et se situent dans la section 2 d'un chapitre 6, intitulé « de la nullité et de la résolution de la vente ». Ce chapitre débute par un article dont il faut quelque peu se méfier : c'est l'art. 1658, qui est une sorte d'introduction.

« ...la vente peut être résolue par l'exercice de la faculté de rachat (vente à réméré) et par la vileté du prix (lésion en matière immobilière ». Cet article est mal rédigé lorsqu'on parle de résolution par la vileté. Ce n'est pas une action en résolution qui doit être intentée, mais bien une action en rescision.

La résolution est la sanction d'un manquement dans l'exécution du contrat ! Le problème ne se situe pas là, mais bien dans le contenu même du contrat.

b. Conditions de l'action en rescision

Quelles sont les conditions auxquelles cette action en rescision peut être intentée ? Art. 1674 et s.

Les textes relatifs à la rescision sont de stricte interprétation. Ce sont donc des textes qui dérogent au principe de la liberté contractuelle, puisqu'en principe, les parties fixent librement le prix. Etant de stricte interprétation, on ne peut donc pas étendre ces dispositions à d'autres hypothèses. Ex : on ne ne peut pas appliquer ces textes à la vente mobilière.

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Seule la vente d'immeuble est ici concernée, pas les autres contrats (échange).

Ce sont des textes qui sont impératifs. Le but du législateur est de protéger ici le vendeur, qui est considéré comme une partie faible. La preuve s'en trouve à l'art. 1674 « quand même il aurait expressément renoncé dans ce contrat à demander cette rescision ».

* La vente d'un immeuble

Ces art. 1674 et s., s'appliquent donc aux ventes d'immeubles. Toutes peuvent donc à priori faire l'objet de cette action. Il se peut même qu'une vente aléatoire d'immeuble puisse être rescindée. Une vente aléatoire d'immeuble est l'hypothèse d'un contrat de vente d'immeuble où les parties ne connaissent pas encore exactement le prix (ex : vente d'immeuble avec payement d'une rente viagère ; vente d'immeuble avec réserve d'usufruit). En principe, si on a une vente d'immeuble aléatoire, il n'y a pas lieu à l'action en rescision. Sauf si nous sommes dans une vente pour laquelle il n'y a manifestement aucun aléa. Ex : la personne qui vend l'immeuble en viager est âgée de 100 ans ; la rente annuelle est de 5 000 €. On sait ici, par hypothèse, que le vendeur fait une mauvaise affaire ! Dans pareille hypothèse, il sera possible pour le vendeur, ou plus vraisemblablement pour ses héritiers, d'intenter une action en rescision pour lésion de plus de 7/12ème.

Toutes les ventes d'immeubles donc, sauf celles faites par autorité de justice (art. 1684). C'est la vente qui a lieu à la suite d'une saisie. On considère qu'il y a ici suffisamment de garanties légales (intervention d'un notaire, dispositions du code judiciaire etc.).

Seules les ventes d'immeuble sont donc concernées. Une vente portant sur un meuble ne pourra donc pas être rescindée. Cela signifie-t-il pour autant que les intérêts du vendeur mobilier sont totalement sacrifiés ?

Comment pourrait faire l'acheteur mobilier pour remettre en cause une vente qu'il regretterait ? En utilisant la lésion qualifiée et le dol. La lésion qualifiée vise la disproportion manifeste entre les prestations réciproques, qui résulte d'un abus par l'autre partie de la position d'infériorité du co-contractant. Le vendeur pourra obtenir l'anéantissement de la vente sur base de l'art. 1382. Le dommage résulte d'une faute de l'autre partie, qui a abusé de ma position, j'ai donc droit à une réparation. Cette réparation peut être une réparation en nature : une augmentation du prix ou l'annulation de la vente.

On peut également songer au dol, qui permettrait d'annuler une telle vente mobilière.

* La qualité de vendeur

Le législateur ne protège donc que les vendeurs immobiliers. Pas les acheteurs. Comment explique-t-on cela ? Par des raisons historiques : les art. 1674 et s., nous viennent du droit romain. On voulait à l'époque protéger des propriétaires désargentés. Cette action en rescision a traversé les siècles pour arriver au code civil de 1804.

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Le législateur le dit expressément : art. 1683 : « la rescision pour lésion n'a pas lieu en faveur de l'acheteur ».

L'acheteur, pour se protéger, pourra lui aussi se protéger grâce à la lésion qualifiée et l'art. 1382.

* Une lésion de plus de 7/12 du juste prix Cette lésion subie par le vendeur est chiffrée : elle doit être de plus de 7/12 par rapport au juste prix.Le prix est donc inférieur au 5/12 du juste prix. On va apprécier cette lésion de 7/12 en se situant au moment de la conclusion de la vente. Que se passe-t-il dans l'hypothèse suivante : une personne souhaite vendre un immeuble et un candidat se manifeste. Une option d'achat est consentie. Le vendeur promet unilatéralement de vendre le bien au candidat, et lui laisse une option, c'est-à-dire la possibilité de réfléchir pendant 15 jours. Si le bénéficiaire lève cette option, le contrat se forme. Le propriétaire s'engage à vendre le bien pour 200 000 €. Le 1er février 2010, une option d'achat est consentie, avec un délai de réflexion de 3 mois. L'option d'achat est levée par le bénéficiaire dans le délai. On suppose que dans l'entre-temps, les autorités communales ont annoncé un projet de développement important du quartier (construction d'un hôpital). Partant, tous les immeubles connaissent une importante plus value. L'immeuble a dès lors triplé de valeur, et vaudrait au jour de la levée 600 000 €. La question qui se pose est la suivante : le vendeur peut-il exercer l'action en rescision ? L'affaire a été soumise aux tribunaux. La Cour de Cassation a raisonné de manière conforme au principe : la lésion s'apprécie au moment de la conclusion du contrat de vente ; or le contrat le conclut au moment où les deux volontés se rencontrent, c'est-à-dire au moment où l'option est levée. Il y a donc possibilité de lésion.

Cette jurisprudence est une manière de protéger le promettant contre des situations d'imprévisions.

* Un délai de 2 ans

L'action en rescision compromet la sécurité juridique, le commerce immobilier. Il faut donc l'exercer relativement rapidement : on a 2 ans pour contester la vente, selon l'art. 1676. La loi ajoute que ce délai ne connait pas de cause de suspension ou d'interruption.

L'art. 3 de la loi hypothécaire impose du reste qu'en marge de l'acte de vente à la conservation des hypothèques, soit indiqué une mention « Cette vente fait l'objet d'une action en rescision ». Pourquoi cette mention ? Pour attirer l'attention des personnes qui voudraient acheter le bien à l'acquéreur. Si un sous-acquéreur veut se porter acheteur, il verra cette mention, et y réfléchira à deux fois : si j'achète ce bien, je risque de le perdre si l'action vient à aboutir.

* La preuve de la lésion

Le législateur attache beaucoup d'importance à la preuve de la lésion.

Il faut d'abord estimer la valeur du bien (art. 1677 à 1680).

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L'art. 1677 indique que le juge devra d'abord vérifier l'existence de faits assez graves et vraisemblables. Si le juge estime que c'est effectivement le cas, le juge doit alors désigner des experts (3 experts) (désignés par le tribunal, sauf si les parties se mettent d'accord sur les experts). Ces 3 experts remettront un rapport au juge. Ce rapport ne lie toutefois pas le juge.

Voilà donc les conditions.

c. Effets de l'action en rescision

Quels sont les effets qui s'attachent à l'action en rescision ?

* L'option de l'acheteur

C'est une forme d'action en nullité. Elle présente certaines particularités. En effet, le vendeur qui a démontré toutes les conditions pour obtenir gain de cause, n'est pas assuré de récupérer son bien. Il bénéficie en effet d'une option. Cette option est exposée à l'art. 1674 et aux art. 1681 et s. De deux choses l'une : soit l'acheteur décide de restituer l'immeuble, auquel cas l'action en rescision fonctionne comme une action en nullité : la vente est anéantie ; soit l'acheteur veut conserver le bien. Il devra alors offrir un complément de prix (art. 1681), en retirant un dixième du juste prix (on payera donc 9/10 du juste prix).

Lorsque l'acheteur décide de ne pas offrir un complément de prix, la vente est rescindée, avec toutes les conséquences désagréables que cela peut avoir pour des tiers, qui avaient traité avec l'acheteur. Peut être l'acheteur avait-il déjà revendu le bien ; ou bien a-t-il déjà conféré une servitude sur le bien.

* Une rescision avec effet rétroactif Que se passe-t-il lorsque la vente est rescindée ? La rescision opère avec effet rétroactif ! Donc, l'acheteur n'a pas pu valablement revendre le bien, concéder une hypothèque ou une servitude sur le bien.Tous les droits des tiers vont donc tomber. Sont-ils complètement démunis ? Pas tout à fait.

* Protection des tiers

- L'option du tiers possesseur D'abord, le code contient l'art. 1681, al. 2, qui indique « le tiers possesseur a le même droit, sauf sa garantie contre son vendeur ». Le 1/3 possesseur est le titulaire d'un droit réel : tout qui est titulaire d'un droit réel (usufruit, servitude, sous-acquéreur, titulaire d'hypothèque). Tous les 1/3 possesseurs ont la possibilité d'offrir au vendeur le complément de prix. Cela permet de consolider la vente initiale, et permet au possesseur de conserver son droit réel.La loi ajoute « sauf sa garantie contre son vendeur » : le tiers possesseur pourra se retourner contre l'acheteur et exercer son action en garantie d'éviction.

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- L'article 3 de la loi hypothécaire La seconde forme de protection est la mention marginale de l'art .3 de la loi hypothécaire. Cette mention est une forme de publicité. Si on veut acheter un bien, le notaire se rendra à la conservation des hypothèques. S'il voit la mention, on réfléchira à deux fois avant d'acheter ce bien, car il y a un risque de voir une action en rescision aboutir et nous faire perdre le bénéfice du bien.

- Le tiers titulaire d'un droit de créanceEnfin, troisième forme de protection : si le tiers n'est pas titulaire d'un droit réel, mais uniquement d'un droit de créance (ex : l'acheteur a loué le bien à un tiers, qui a donc un droit de créance) . La vente est rescindée, le vendeur recouvre la propriété du bien, et ce dernier pourrait considérer le tiers locataire comme un occupant sans droit. Il y a toutefois une partie de la doctrine et de la jurisprudence qui considèrent que les actes d'administration conclus par l'acheteur avec un tiers tels qu'un bail de moins de 9 ans subsistent, pour autant que le tiers soit de bonne foi.

Section 4. Les conditions de validité de la vente

§1. L'accord des parties et un consentement de qualité

Quelles sont les conditions de validité de la vente ?

Il faut un accord sur la chose, sur le prix (éléments essentiels), mais aussi sur tous les éléments substantiels, c'est-à-dire des éléments qui par nature ne sont pas essentiels mais que les parties ont décidé d'essentialiser.

Il y a vente à partir du moment où les parties se sont donc accordées sur les éléments essentiels et substantiels.

Il faut également que les consentements ne soient pas viciés : ni dol, ni erreur, ni violence.

On trouve parfois une clause qui figure souvent dans les ventes d'œuvre d'art. Cette clause indique que l'acheteur renonce par avance à demander la nullité de la vente du chef d'erreur. S'il apparait que ce tableau que l'on croyait authentique est en réalité une copie, on sera victime d'une erreur. On ne pourra toutefois pas demander la nullité.

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Réserve toutefois : si le propriétaire, vendeur, connaissait le défaut d'authenticité, savait que ce bien était un faux, et qu'il l'a présenté malgré tout comme un authentique, il y a de sa part un dol, des manœuvres dolosives au sens de l'art. 1116. Le droit ne protège pas le dol ! Dans ce cas, la clause de renonciation ne pourrait pas jouer : la victime du dol pourrait faire annuler cette vente.

§2. Des parties juridiquement capablesIl faut également que les parties soient juridiquement capables. Il y a toutefois en matière de vente quelques dispositions particulières : ce sont les art. 1594 à 1597.

Ces dispositions ne présentent plus réellement d'intérêt pratique, sauf l'art. 1596.

Le principe est que toute personne peut vendre ou acheter, sauf les incapables. A cela, l'on doit ajouter les personnes énumérées aux art. 1595 et s., notamment celles énumérées à l'art. 1596 « les mandataires des biens qu'ils sont chargés de vendre ».

A. Le cas du mandataire De quoi s'agit-il ? Lorsqu'une personne, un mandat, charge un mandataire de vendre un de ses biens (un de ses immeubles par exemple), le mandataire se voit investi d'une mission de confiance. Il doit donc trouver sur le marché le meilleur prix. La loi interdit au mandataire de succomber à la tentation de se porter personnellement contre partie. Pour éviter de mettre le mandataire face à un conflit d'intérêt, la loi interdit au mandataire de se porter contre partie : il ne peut pas conclure le contrat de vente en son nom.

L'art. 1596 énonce un principe général de droit : toute personne qui est représentante d'autrui ne peut pas se constituer personnellement contre partie. Si elle le fait malgré tout, la vente est entachée d'une cause de nullité, elle est annulable. C'est une nullité relative, à la disposition du seul mandant (prescription de la nullité relative par 10 ans). Le mandant peut bien entendu renoncer à cette nullité.

B. La clause d'inaliénabilitéToujours dans le problème des incapacités, vient ensuite le problème des clauses d'inaliénabilité. Ces clauses interdisent à l'acheteur, au donataire (celui qui bénéficie de la donation) ou au légataire d'aliéner le bien (vendre le bien à autrui par exemple). Qu'en est-il de la validité de ces clauses ? Elles sont en principe nulles, car elles vont à l'encontre du principe de libre circulation des biens. On dégage ce principe général de droit notamment de l'art. 1598 : toutes les choses dans le commerce doivent pouvoir être vendues.

Ces clauses sont donc en principe nulles, sauf si elles sont justifiées par des principes sérieux, et que d'autre part, l'inaliénabilité est limitée dans le temps. Si ces deux conditions sont réunies, la clause est valable.Quels pourraient être ces motifs sérieux ? Le donateur donne à ses enfants un bien immobilier. Il craint qu'ils ne dilapident le patrimoine, car ils ne sont pas encore assez sérieux. Il interdit donc la revente des biens avant une période de 10 ans.

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Qu'advient-il dans l'hypothèse où, malgré cette clause, les donataires aliènent le bien ? La question des sanctions est assez controversées : la vente pourra être annulée, et d'autre part, le donateur pourra, par une action en justice, obtenir la révocation de la donation. Le bien reviendra donc dans le patrimoine du donateur.

§3. Une chose

A. Notions Autre condition de validité de la vente : il faut une chose. Cette chose doit répondre à certaines caractéristiques.

Le premier point est qu'il faut qu'au moment de la vente, la chose existe (art. 1601). Si la chose n'existe pas (ex : je vous vends un morceau de lune), la vente est nulle.

Si elle existait avant la conclusion de la vente, mais qu'elle a disparu quelques heures avant la conclusion, la vente sera tout aussi nulle (ex : option d'achat d'une semaine. Avant de lever l'option, le bien disparait : la vente ne sera pas possible). Que se passe-t-il dans l'hypothèse où la vente a disparu en partie ? (ex : je vous propose de m'acheter 5 voitures d'occasion ; au moment où on lève l'option, il ne reste que 3 voitures). C'est l'hypothèse de la perte partielle de l'objet. Une disposition du code civil traite de cette hypothèse : art. 1601 « si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle ; si une partie seulement de la chose est périe, il est au choix de l'acquéreur d'abandonner la vente ou de demander la partie conservée en faisant déterminer le prix par le ventilation ». Dans ce cas, la loi nous dit que l'acheteur a un choix : soit il annule la vente (si on se situe après la levée, et on se rend compte après la levée qu'il manque 3 voitures) ; soit il indique qu'il garde les voitures restantes, en demandant une diminution du prix.

Exercices : Hypothèse : on vend 5 voitures. On les conduit dans un garage. Lors du trajet, une des voitures est accidentée. Moi acheteur, je conduis mes voitures dans un de mes garages et subi un accident. Que faire ?

Hypothèse 2 : je lève l'option, et les 5 voitures sont toujours dans l'entrepôt du vendeur. J'indique que je viendrai en prendre livraison dans les 15 jours. Le vendeur est victime d'un vol, et il a laissé les clés sur le tableau de bord (donc il commet une faute).

Hypothèse 3 : les voitures sont dans l'entrepôt du vendeur. Il est fermé à clé, avec des caméras de sécurité. Malgré cela, les voitures sont volées. Lorsque je viens prendre possession, le vendeur s'indique victime d'un cas de force majeure.

B. Le cas de la vente de la chose d'autruiOn trouve dans le code, toujours relativement à l'objet, un texte particulier : l'art. 1599. Il nous dit « la vente de la chose d'autrui est nulle ; elle peut donner lieu à des D/I lorsque l'acheteur

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a ignoré que la chose fut à autrui ».C'est la problématique de la vente de la chose d'autrui. Ex : un voleur de voiture vend la voiture à une tierce personne. Ex 2 : un immeuble est en copropriété. Trois des 4 copropriétaires vendent cet immeuble à un acheteur. Ils le font à l'insu du 4ème copropriétaire.Ex 3 : une agence vend un immeuble sans mandat du propriétaire.

Que se passe-t-il en pareille hypothèse ? On tombe dans la problématique de la vente d'autrui. Comment explique-t-on cela ? Le vente est translative de propriété. L'acheteur doit devenir propriétaire, et le devient en principe immédiatement. Le voleur qui vend la voiture à un acheteur n'est pas propriétaire. La vente ne peut donc pas valablement se conclure. Cette vente est entachée d'une cause de nullité.

Le texte de l'art. 1599 est particulier : la nullité est réservée au seul acheteur. C'est donc une nullité relative. Comment expliquer cela ? L'explication que l'on donne est la suivante : l'acheteur, lorsqu'il apprend que le bien qu'il a acquis n'appartenait pas au vendeur, réalise qu'il y a une épée de Damoclès au dessus de sa tête. Il sait qu'il y a un risque : que le verus dominus, le véritable propriétaire, ne se manifeste. Il y a donc un risque d'éviction. L'acheteur sait qu'il risque d'être évincé. S'il est victime d'une éviction, l'acheteur peut se retourner contre son vendeur. S'il l'acheteur veut éviter ses déboires, il peut prendre de l'avance et demande la nullité de la vente : il restitue alors le bien à son vendeur, qui en restituera le prix.

On aurait pu raisonner différemment : d'autres droits le font. On aurait pu par exemple indiquer que le vendeur, en vendant une chose qui ne lui appartient pas, n'exécute pas son obligation de dare. L'acheteur peut alors intenter une action en résolution pour inexécution de l'obligation de dare. C'est le raisonnement suivi par certains droits étrangers.

Il est des hypothèses où l'acheteur ne bénéficie pas de l'action en nullité. Il y a alors vente de la chose d'autrui, mais l'acheteur ne pourra toutefois pas demander la nullité de la vente. Quelles sont ces hypothèses ? Ce sont d'abord celles dans lesquelles la vente n'a pas pu opérer transfert de propriété immédiat. On vise notamment la vente de chose de genre. Ex : je m'engage à vous vendre 50 bouteilles de Bordeau.

On trouve les hypothèses dans lesquelles l'acheteur ne risque plus d'être inquiété. Quelles sont ces hypothèses ? Supposons que le voleur viennent à hériter de la victime du vol. Dans ce cas, l'acheteur perd l'action en nullité, puisqu'il ne risque plus d'être perturbé. Supposons aussi que l'acheteur se prévale de l'usucapion. Il a possédé le bien pendant un certain laps de temps (10, 20, ou 30 ans en matière immobilière). Dans ce cas, l'usucapion fait son oeuvre, et cet acheteur va devenir propriétaire par le biais de la possession prolongée.

L'art. 1599 donne donc une action en nullité au profit de l'acheteur. Le verus dominus ne peut lui pas le faire. Il bénéficie toutefois d'un droit de revendication, c'est-à-dire une action réelle en revendication.

Cette action, reconnue à l'acheteur, est ouverte à tout acheteur. Qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi. La loi ajoute que la vente de la chose d'autrui peut donner lieu à des D/I lorsque l'acheteur ignorait que la chose fut à autrui. Si l'acheteur est de bonne foi, il pourra donc non seulement

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demander l'action en nullité, mais aura en plus droit à des D/I, fondés sur l'art. 1382.

Ceci clôture la formation du contrat de vente.

Chapitre 2. La preuve et l'interprétation du contrat de vente

Section 1. La preuve du contrat de vente Reste à dire un mot de la preuve et de l'interprétation du contrat de vente.

Comment prouver que le contrat de vente a été valablement formé et en résoudre les questions d'interprétation ?

Comment prouver un contrat de vente ? Il faut se demander si c'est une vente civile ou une vente commerciale.

§1. La vente commerciale Si la vente est une vente commerciale (vendeur et acheteur sont des commerçants), la preuve de cette vente peut s'administrer librement, en vertu de l'art. 25 du Code de commerce. La preuve peut se faire par écrit, témoignages, indices, présomptions etc.

§2. La vente civile Si la vente est une vente civile (deux particuliers, qui vendent par exemple une voiture d'occasion), c'est l'art. 1341 qui prévaut. Dès l'instant où le prix dépasse 375 € il faut un écrit, en pratique un acte sous seing privé. Du reste, puisqu'il s'agit d'un contrat synallagmatique, cet écrit doit satisfaire à la formalité du double : deux exemplaires originaux, chaque partie ayant son original.L'écrit est donc requis, sauf impossibilité (art. 1348), auquel cas la preuve par témoignage et présomption est recevable. De la même manière, un commencement de preuve par écrit pourra être produit, ce qui rend aussi recevable la preuve par présomption et témoignage.

§3. La vente mixteSi la vente est mixte (un commerçant vend à un particulier), on applique les règles de manière dite

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distributive. Donc, si c'est le particulier qui refuse de payer le prix, il manque à une obligation civile. Le vendeur devra donc prouver la vente, en principe, par un écrit (art .1341 et 1325) ; si par contre le vendeur refuse de livrer la voiture, le particulier cherchera à faire la preuve d'une obligation commerciale et pourra le faire par toute voie de droit (écrit, témoignage, présomption).

Section 2. L'interprétation du contrat de vente

Comment interprète-t-on un contrat de vente ?

Il se peut que le contrat ne soit pas bien rédigé. Le principe est qu'il faut faire prévaloir la volonté commune des parties (art. 1156). Le juge doit faire prévaloir la volonté commune des parties. Il se peut toutefois que le juge ne parvienne pas à dégager cette intention commune. Dans ce cas, le juge va faire application d'une disposition particulière : l'art. 1602.

Il nous dit : « le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur ». Cette disposition particulière s'explique de la manière suivante, selon les termes de H. De Page : c'est parce que les vendeurs sont souvent des voleurs et des forbans qu'il faut interpréter le contrat contre les vendeurs.

En réalité, l'explication réside dans l'histoire du droit. Cet article 1602 remonte à l'ancien droit, notamment à un adage de Loisel « qui vend le pot dit le mot ». Le vendeur est donc la personne la mieux placée et connait le mieux sa chose. Il lui appartient donc de décrire sa chose de manière idéale. S'il ne rédige pas correctement le contrat, tant pis pour lui.

Cet article ne joue que dans l'hypothèse où il y a un doute irréductible sur l'intention commune des parties. Il faut donc que le juge ne soit pas capable de dégager l'interprétation commune des parties.

Ce texte connait quelques limitations : on ne peut interprétation systématiquement un contrat de vente contre le vendeur.

Il faut d'abord un contrat présentant un doute irréductible !

Certains auteurs estiment du reste que les ventes commerciales (entre deux commerçants) échapperaient à l'art. 1602 al. 2. Ceux là estiment que dans une vente commerciale, c'est l'acheteur qui est en position de force. Le contrat ne doit donc pas s'interpréter ici en faveur de l'acheteur. Cette opinion reste controversée.

La troisième limitation n'est, elle, pas controversé. S'il y a dans le contrat de vente des clauses exceptionnelles stipulées en faveur de l'acheteur, ces clauses échappent à l'art. 1602 al. 2. ex :

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clauses pénales pour sanctionner un retard du vendeur. De telles clauses ne doivent pas s'interpréter contre le vendeur !

Cet article 1602 al. 2 est, pour les ventes entre vendeurs professionnels et consommateurs écarté. Voilà donc un champ important qui échappe à l'art. 1602 al. 2. Pourquoi ? Car la loi de protection des consommateurs (loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection du consommateur) énonce une règle d'interprétation préférentielle : c'est l'art. 40 §§ 1et 2. Cet article indique : « lorsque toutes ou certaines clauses d'un contrat entre une entreprise et un consommateur sont écrites, ces clauses doivent être rédigées de manière claires et compréhensibles. En cas de doute sur le sens d'une clause, l'interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ». On prévoit donc de nouveau une interprétation en faveur de l'acheteur. Cette règle ressemble assez fort à celle de l'art. 1602 al. 2.

Il y a toutefois deux différences.Pour l'art. 40 §2, il n'est pas nécessaire que le doute soit irréductible. Dès que le juge a un doute sur le sens de la clause, il doit retenir une interprétation en faveur de l'acheteur. Si la clause qu'il a sous les yeux a un sens douteux, il doit immédiatement retenir une interprétation favorable au consommateur.

La seconde différence : en cas de doute sur le sens d'une clause, c'est l'interprétation la plus favorable qui prévaut ! Cela veut dire que si le consommateur avance plusieurs interprétations qui lui sont favorables, le juge devra retenir la plus favorable !

Chapitre 2. Modalités diverses du contrat de vente et promesses de vente

Nous commençons par une série de ventes particulières.

Section 1. Les ventes à l'essai

§1. Notions généralesC'est l'hypothèse dans laquelle une vente est conclue, mais sera suivie d'essai de la chose par l'acheteur. Ex : on achète un cheval de course. On demande à pouvoir l'essayer pendant quelques temps.Exemple classique : un livre est envoyé. S'il ne nous satisfait pas, on peut le renvoyer.

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Cela peut correspondre à des situations très différentes.

Dans certains cas, la vente sera assortie d'une condition, tantôt suspensive, tantôt résolutoire.L'essai ultérieur n'est donc ici qu'une condition, qui affecte la vente.

Dans d'autres hypothèses, la vente à l'essai est en réalité mal nommée : il n'y a pas encore vente, mais seulement une promesse unilatérale de vente.

Comment savoir si l'on est dans le cas d'une vente assortie d'une condition, ou dans l'hypothèse d'une promesse unilatérale de vente ? On doit regarder la volonté commune des parties.

§2. La vente sous condition suspensive Art. 1588.« La vente faite à l'essai est toujours présumée faite sous condition suspensive ». Donc la vente est conclue, il y a déjà vente, mais les effets de la vente sont suspendus à la réalisation de la condition. En d'autres termes, les effets de la vente sont suspendus au caractère concluant de l'essai.

Ex : on achète un chien de chasse. Les usages veulent que l'acheteur peut essayer le chien pendant quelques semaines. Si après quelques semaines, on voit que le chien ne court pas après le gibier, l'essai n'est pas concluant. Dans ce cas, la vente a été conclue sous une condition suspensive, l'essai ne s'avère pas concluant, et la vente ne sortira donc pas ses effets. On restituera le chien au vendeur.

La première remarque est que le caractère concluant de l'essai n'est pas abandonné à la discrétion de l'acheteur. Le juge, si la question lui est posée, devra se demander si, de manière générale, selon l'opinion commune, l'essai est concluant ou non.

La seconde remarque est que la vente est conclue, sous condition suspensive. Donc, aussi longtemps que la condition suspensive ne s'est pas réalisée, le vendeur est toujours propriétaire de l'animal. Quid si le chien vient à mourir deux jours après la conclusion de la vente, sans faute de la part de l'acheteur (cas de force majeure) ? L'acheteur doit-il payer le prix de vente ? La réponse est négative car le vendeur est toujours propriétaire. Si par contre le chien meurt d'une crise cardiaque après que l'essai s'est révélé concluant, l'acheteur doit payer le prix, la condition ayant été réalisée.

Troisième remarque : quid si l'acheteur, de mauvaise foi, indique que l'essai n'est pas concluant ? Comment contraindre à l'exécution en nature ? Le juge peut demander la désignation d'un expert, qui examinera alors le bien. S'il estime que le bien répond aux attentes, la vente sera pleine et entière.

Ce texte est supplétif de volonté : les parties peuvent prévoir le contraire. Elles peuvent donc affecter la vente d'une condition résolutoire.

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§3. La vente sous condition résolutoireLa vente est conclue, elle sort tous ses effets, sous la condition résolutoire d'un essai non concluant.Ex : je vous ai vendu le chien de chasse. Mais, s'il s'avère par la suite que le chien ne convient pas, la vente sera résolue. L'essai est non concluant. Dans cette hypothèse-ci, la vente est conclue et sort tous ses effets, dès le jour de sa conclusion ! L'acheteur est déjà propriétaire. Donc si le chien vient à périr d'une crise cardiaque, c'est à charge de l'acheteur !

§4. La simple promesse unilatérale de venteL'essai de la chose est ici laissé à l'entière discrétion du candidat acheteur ! On achète des vêtements dans une boutique. On les essaie, et on trouve que ça ne nous va pas. On retourne les vêtements au magasin.

C'est là un essai avec caractère subjectif ! On ne se demande pas ici si, dans l'opinion générale, l'essai est concluant ! Pas de caractère objectif donc ! C'est ici une promesse unilatérale de vente. Le vendeur dit « Essayez la robe. Si elle vous convient, je promets de vous la vendre ». C'est une vente au gré de l'acheteur. L'expression est malheureuse, car en réalité, il n'y a pas encore vente.Ex : art. 1587.

Section 2. Les promesses de vente et promesses d'achat

§1. Promesses de venteLe code leur consacre l'art. 1589. « La promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix »

C'est une expression qui, en réalité, est ambiguë, équivoque. Derrière une promesse de vente peuvent se dissimuler de nombreuses figures juridiques.

A. Promesse de vente, acte unilatéralD'abord la promesse de vente peut bien n'être qu'une offre de vente, c'est-à-dire un acte juridique unilatéral (engagement par déclaration de volonté unilatérale).

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B. Promesse de vente, contrat synallagmatiqueDeuxième acception possible, la promesse de vente peut correspondre à une promesse bilatérale de vente, appelée aussi en matière immobilière un « compromis de vente ». C'est une expression qui n'apporte rien en droit, sinon la confusion. Les documents sont souvent rédigés par des non-juristes ! La question qui se pose est « qu'est-ce que ce document ? ».

On a une partie qui promet de vendre, et l'autre partie qui dit « je vous promets de l'acheter ». On a donc des promesses croisées. En réalité, c'est une vente ! Le compromis de vente n'est rien d'autre qu'une vente d'immeuble, qui est donc déjà conclue !

Certains réservent le terme de promesse bilatérale ou de compromis à la vente sous seing privé, ou à la vente avec certaines modalités (clause de réserve de propriété etc.).

C. Promesse de vente, contrat unilatéral : option d'achat

On trouve aussi les promesses unilatérales de vente ! La promesse unilatérale de vente nous mène dans un monde tout différent de la promesse bilatérale.

1. DéfinitionLa promesse unilatérale n'est pas un contrat synallagmatique, mais bien unilatéral, par lequel une personne, le promettant, s'engage à vendre un bien, souvent immeuble, pour un prix déterminé (200 000 €), pour autant que le bénéficiaire lève l'option. Seul le promettant a une obligation ! Il promet de vendre l'immeuble !

Dans ce cas-ci, il n'y a pas encore vente : elle n'est pas encore parfaite ! Ce genre de figures se retrouve souvent dans des contrats de bail. Ex : je vous donne en location l'immeuble. Si vous le souhaitez, vous pouvez l'acheter pour un prix de 200 000 €.Cette promesse unilatérale de vente est aussi appelée « option d'achat ».

2. Effets d'une option d'achat Quelles sont les conséquences juridiques qui s'attachent à une promesse unilatérale de vente ?

a. Le bénéficiaire de l'option dispose d'un droit de créance D'abord, la promesse unilatérale de vente n'est pas translative de propriété ! Le bénéficiaire de la promesse n'est donc pas propriétaire du bien, et ne le deviendra que s'il lève l'option ! Donc, le bénéficiaire a seulement un droit de créance ! Ce droit de créance peut du reste être cédé ! Ex : j'ai obtenu une option sur un immeuble. Je peux la céder à un tiers.

b. Le bénéficiaire de l'option n'a pas d'obligationLe bénéficiaire de la promesse n'a pas l'obligation de lever l'option. En pratique toutefois, on

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constate que dans les promesses unilatérales de vente figurent certaines clauses, qui imposent le payement par le bénéficiaire de la promesse d'une indemnité !

La question qui se pose est de savoir ce qu'est cette clause qui prévoit le payement d'une indemnité de 10 %.

Est-ce une clause pénale ? La question n'est pas innocente : qui dit clause pénale dit possibilité d'en demander la réduction au juge si le montant est manifestement excessif (art. 1231 §1). La réponse est non : il ne s'agit pas d'une clause pénale. Donc, le juge ne peut pas réduire le montant de cette indemnité. Pourquoi n'est pas une clause pénale ? Parce qu'une clause pénale est la sanction d'une faute, d'un manquement contractuel. Or ici le bénéficiaire n'a pas commis de faute !

Alors qu'est-ce que cette indemnité ? On parle ici d'une indemnité pour l'immobilisation du bien ! Le propriétaire qui consent une option au bénéficiaire accepte de rendre le bien indisponible pendant la durée de l'option ! Cette immobilisation a un prix !

c. La levée de l'option et ses conséquences Autre question à propos de la promesse : que se passe-t-il à la levée de l'option ? Avec la levée de l'option, de nombreuses conséquences juridiques vont surgir.

D'abord, la levée de l'option donne naissance au contrat de vente ! Donc, puisque la vente est conclue, le transfert de propriété aura lieu. L'acheteur devient donc propriétaire. D'autre part, puisque la vente est conclue au moment de la levée de l'option, ce sera ce moment qu'il faudra prendre en considération pour apprécier l'antériorité des vices-cachés.

Que se passe-t-il dans l'hypothèse où le bénéficiaire a levé l'option, et le promettant refuse d'aller plus loin ? Le bénéficiaire de l'option, devenu acheteur, peut agir en justice pour obtenir la condamnation du vendeur à se rendre chez un notaire, à défaut de quoi le jugement tiendra lieu d'acte authentique en vue de la transcription à la conservation des hypothèques.

4. Quid si le vendeur a vendu le bien ?Dernière question à propos de la promesse : que se passe-t-il lorsque le promettant accorde un délai de réflexion d'un mois, puis revient sur son engagement ? Ex : Après 15 jours, le propriétaire vend l'immeuble à 300 000 à un tiers, au lieu de le vendre à 200 000 € au bénéficiaire de la promesse.

Le bénéficiaire de la promesse peut tout d'abord agir en dommages et intérêts contre le promettant.

La question la plus intéressante est de savoir si le bénéficiaire ne pourrait pas s'en prendre au tiers ?On applique ici les principes du droit des obligations, la théorie de la tierce complicité !

Si le tiers est de bonne foi et ignorait l'existence de la promesse unilatérale de vente, dans ce cas, on ne peut pas reprocher une faute au tiers et sa position est inattaquable. Si par contre le tiers acquéreur était de mauvaise foi et connaissait l'existence de la promesse, le tiers s'est alors rendu complice de la violation par le promettant de son obligation contractuelle. Il commet donc une faute aquilienne. Cette faute ayant causé un dommage au bénéficiaire de la promesse, il pourra agir contre le tiers sur base de l'art. 1382.

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Pour lui réclamer quoi ? Des D/I pour le préjudice subi. Le promettant et le tiers complice seront alors condamnés in solidum au payement de D/I.

Le bénéficiaire de la promesse peut aussi réclamer la réparation en nature ! On peut donc demander la nullité, l'inopposabilité de la vente conclue entre le promettant et le tiers. Donc, puisque c'est comme si il n'y avait pas eu de vente, le bénéficiaire de la promesse peut alors lever l'option.

(on laisse tomber le pacte de préférence).

§2. Promesse d'achatOn a des situations particulières : les promesses d'achat.

On voit un immeuble qui est mis en vente, pour un prix de 200 000 €. On visite les lieux, et cela nous intéresse. L'agence immobilière nous fait signer un document, qui, pour la plupart du temps n'est pas rédigé par un juriste. Le document peut être rédigé de différentes manières.

Il peut être indiqué « par la présente, M. Untel, propriétaire, offre un délai de réflexion au candidat acheteur, de X temps, pour un prix de 200 000 € ». On signe ce document. Qu'est-ce que ce document ? Une promesse unilatérale de vente.

Il peut aussi être libellé autrement « par la présente, Tartenpion promet d'acheter l'immeuble pour un prix de 200 000 €, la promesse étant valable durant 15 jours ». Le promettant n'est plus ici le propriétaire, mais bien la personne qui a visité les lieux ! Le propriétaire pourra donc dire éventuellement « je retire le bien de la vente ». Cette fois-ci, c'est une promesse d'achat, et c'est le propriétaire qui a un délai de réflexion : il peut lever ou rejeter la promesse d'achat.

Pour le reste, le régime se calque sur les régimes de promesses de vente.

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Section 3. Les ventes au poids, au compte ou à la mesure, les ventes en bloc

Le code traite de ces hypothèses aux art. 1585 et 1586.

Il se peut que le vendeur vende, soit des marchandises en bloc (je vous vends le contenu de ma cave en bloc), ou au contraire, qu'il vende au poids, au compte ou à la mesure (je vous vends 500 kg de pommes).

§1. La vente au poidsL'art. 1585 traite de la vente de choses de genre. Il n'énonce rien de très original ! Le texte indique que « la vente n'est point parfaite en ce sens que les choses vendues sont aux risques du vendeur, jusqu'à ce qu'elles soient pesées etc. »Le terme énonçant que la vente n'est pas parfaite est malheureux : il y a bien vente !

L'adjectif parfait reçoit un sens tout différent de celui utilisé à l'art. 1583. Dans l'art. 1585, l'adjectif parfait a un autre sens : il signifie qu'aussi longtemps que les choses n'ont pas été pesées, comptées ou mesurées, elles sont aux risques du vendeur.Le législateur fait donc application de la règle « genera non pereunt ». Aussi longtemps que le vendeur n'a pas spécifié les choses vendues, qu'il n'a pas mesuré, compté ou pesé les choses, cela reste des choses de genre. Donc, si le contenu de la cave du vendeur venait à disparaitre à la suite d'un cas de force majeure, le vendeur reste tenu !

Par contre, à partir du moment où les choses ont été spécifiées, les risques pèseront alors sur l'acheteur, puisque ce dernier sera alors devenu propriétaire.

§2. La vente en blocVient ensuite l'art. 1586, qui nous dit «si au contraire les marchandises ont été vendues en bloc, la vente est parfaite quoique les marchandises n'aient pas encore été pesées, comptées ou mesurées ». Ici encore, l'adjectif parfait n'est pas approprié.

Nous sommes ici dans le cas d'une vente en bloc : « je vous vends en bloc le contenu de ma cave ». C'est dans ce cas la vente d'un corps certain et non plus des choses de genre. Donc, puisqu'il s'agit de la vente d'un corps certain, l'acheteur devient propriétaire dès la conclusion de la vente, dès que la vente a été conclue.

La propriété passe alors à l'acheteur. On comprend alors l'art. 1586. Puisque c'est une vente en bloc, l'acheteur devient propriétaire. Donc si le contenu de la cave venait à disparaitre, l'acheteur devrait encore payer le prix !

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Section 4. La vente avec arrhes et la vente avec acompte

§1. Les arrhes, moyen de déditAutre cas particulier : les ventes avec arrhes.

C'est l'art. 1590 qui traite des arrhes. « Si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maitre de s'en départir ».

L'hypothèse est la suivante : je vous vends un bien, et je vous dis : la vente est conclue, mais je vous laisse la possibilité de renoncer à cet achat. Mais si vous y renoncez, les arrhes me sont acquis. L'art. 1590 envisage aussi l'hypothèse dans laquelle le vendeur lui-même renonce à l'achat « le vendeur peut se départir, mais il devra restituer le double à l'acheteur ».

Juridiquement, qu'est-ce qu'une vente avec arrhes ? C'est une vente avec une faculté de dédit. La vente est conclue, mais chaque partie a la faculté de se dédire, de renoncer au contrat.

On peut aussi y voir une vente sous condition résolutoire potestative. Le contrat est conclu, mais sous la condition résolutoire de la volonté contraire d'une des parties.

Il est toutefois possible aux parties de faire jouer aux arrhes un autre rôle. Dans certains cas, les arrhes serviront de preuve de la vente. Dans ce cas, la vente est conclue, et les arrhes servent ici de preuve du contrat !

§2. La vente avec acompteLes arrhes peuvent aussi remplir le rôle d'un acompte : vous m'achetez un bien, payez-moi un acompte de 25 %. Si les arrhes jouent le rôle d'acompte, la vente est définitive. Elle ne peut plus prendre fin par la renonciation d'une des parties.

Concrètement, dans ce cas, si, après m'avoir versé les 25 %, vous me dites « je ne veux plus du bien, je vous laisse les 25 % », nous ne sommes plus dans une faculté de dédit. On peut donc réclamer les 75 % restants.

En pratique, les arrhes jouent le plus souvent le rôle d'acompte.

Ne confondons pas l'hypothèse de la vente avec arrhes ou la vente avec payement d'un acompte au sens d'avance sur le prix avec l'hypothèse, fréquente en pratique, qui est le cas suivant :

« Je vous vends un immeuble 300 000 €. Dans le contrat de vente, il est indiqué « si l'acheteur refuse de prendre possession de l'immeuble, refuse de passer l'acte authentique de vente, refuse de

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payer le prix, en ce cas, le vendeur aura le droit de résoudre de plein droit la vente pour faute de l'acheteur, sans préjudice du droit pour le vendeur de réclamer des D/I fixés à 25 % du prix de vente ».

C'est une clause résolutoire expresse. Dans ce cas, on a une fraction du prix de vente. Mais cette fraction n'est pas un acompte, des arrhes au sens d'une indemnité de dédit, ces 25 % constituent une clause pénale. Ils sanctionnent une faute du débiteur, de l'acheteur.

La clause pénale a un régime tout différent de celui de l'indemnité de dédit ou de l'acompte !

Si la clause pénale est manifestement excessive par rapport au dommage prévisible, le juge aura le pouvoir de réduire cette clause à hauteur du dommage prévisible (art. 1231 §1). Dans les contrats de consommation, la sanction sera une nullité relative (art. 74, 24° de la loi du 6 avril 2010).

Cette réduction ou cette annulation n'existe que pour les clauses pénales. Le juge ne pourrait pas réduire l'indemnité de dédit ou l'acompte !

Section 5. La vente à réméréAppelées aussi le « retrait conventionnel », ou ventes avec faculté de rachat.

Ce sont les articles 1659 à 1673. Quatorze articles sur les ventes à réméré !

§1. Définition de la vente à réméréIl s'agit d'une vente affectée d'une modalité particulière : elle est faite sous condition résolutoire purement potestative. Dans le contrat de vente figure une clause prévoyant que le vendeur a le droit, dans un certain délai qui ne peut pas dépasser 5 ans, de reprendre son bien, moyennant restitution du prix et de différentes sommes. Il a le droit de résoudre le contrat selon son bon vouloir. La vente est donc affectée d'une condition (il n'est pas certain que le vendeur voudra reprendre son bien), et s'il reprend son bien, la vente disparaitra, sera résolue, pour l'avenir mais aussi pour le passé.

Cette condition résolutoire est qualifiée de purement potestative parce qu'elle dépend de la potesta, c'est-à-dire de la seule bonne volonté du vendeur.

C'est donc une vente sous condition résolutoire. Elle ne doit pas être confondue avec la clause résolutoire expresse. Dans les deux cas, la vente est résolue, que ce soit par le jeu d'une condition résolutoire ou d'une clause résolutoire expresse. Mais dans la clause résolutoire expresse, la résolution est la sanction d'une faute qu'a commise l'acheteur ! Par contre, dans la vente à réméré, la vente est affectée d'une condition résolutoire ! L'acheteur n'a pas commis de faute, c'est le vendeur qui indique tout simplement vouloir reprendre son bien !

La vente à réméré suppose qu'il y ait dans le contrat une clause particulière. Les parties doivent

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donc avoir inséré cette possibilité pour le vendeur de reprendre son bien. S'il n'y a pas de clause dans le contrat, la vente est irrévocable, définitive.

On parle également de vente à réméré ou avec faculté de rachat. L'expression est malheureuse : si on parle de rachat, on laisse entendre que le vendeur va racheter son bien. On laisse donc entendre qu'il y a deux ventes ! Ce n'est pas le cas ! L'expression vente avec faculté de rachat n'est pas appropriée : il n'y a en réalité qu'une seule vente : celle que le vendeur a consenti à l'acheteur.Le fait que le bien revienne ensuite dans le patrimoine du vendeur se fait tout simplement par le jeu de la condition résolutoire.

Les conséquences sont importantes : si c'est la vente d'un immeuble, des droits et frais de notaire doivent être perçus. Les droits d'enregistrement s'élève à 12,5 % du prix de vente, au profit de la région. S'il y a deux ventes, on devra payer 25 % ! Par contre, si on indique qu'il n'y a eu qu'une seule vente, il n'y aura pas eu de double perception de droits d'enregistrement.

Rencontre-t-on souvent ce genre d'hypothèse ?

On peut l'envisager dans l'hypothèse d'une personne qui vend à contre cœur un de ses biens. Autrefois, la vente avec faculté de rachat était un moyen de crédit : On a une personne qui avait besoin d'argent. Il fut un temps où les prêts à intérêt étaient interdits (Moyen-Age). Les juristes ont développé la formule suivante. Celui qui avait besoin d'argent vendait l'immeuble à une banque ; la banque me verse un capital, mais elle me permet de rester dans les lieux comme locataire. En tant que locataire, il paye un loyer. Lorsque le vendeur n'a plus besoin de cet argent, il exerce la faculté de réméré. Il reprend donc son bien et restitue le capital à la banque. Le vendeur aura donc eu un capital pendant un certain temps, et la banque aura été rémunérée pour le capital puisqu'elle aura perçu des loyers.

A quoi sert la faculté de réméré, en pratique, à l'heure actuelle ? On la trouve dans la politique de l'urbanisme : une commune a créé un zoning industriel, où des entreprises vont s'installer. Il est fréquent que les communes qui vendent des parcelles à des entreprises prévoient une faculté de rachat. Si l'entreprise qui a acheté la parcelle ne respecte pas certaines règles d'urbanisme, la commune se réserve ainsi la possibilité de reprendre le bien sans devoir justifier de quoi que ce soit.

La vente a réméré nécessite l'existence d'une clause ! Il faut en plus que cette faculté s'exerce dans un délai de 5 ans maximum (art. 1661).

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§2. Les effets du réméréQuels sont les effets qui s'attachent au réméré ?

Il faut ici distinguer deux grandes périodes.

A. Avant l'exercice du réméréLa première période est celle qui précède l'exercice du réméré.

La vente est conclue, donc l'acheteur est devenu propriétaire. Le vendeur n'est donc plus propriétaire. Il assume donc les risques liés à sa propriété. Il n'est toutefois propriétaire que sous condition résolutoire, cette dernière étant l'exercice du réméré !

Le vendeur a lui une créance de réméré. Il a la faculté, le droit de reprendre son bien. Ce droit de créance peut être cédé.

B. Au moment du rachatLe vendeur peut déclarer à l'acheteur qu'il veut reprendre le bien. L'art. 1662 nous dit que le vendeur doit exercer l'action de réméré. Le terme « action » est inapproprié : ce n'est pas une action en justice. Il suffit d'une décision de reprendre le bien ! On fait alors part à l'acheteur de notre volonté de reprendre le bien. La vente s'en trouve dès lors résolue, et l'acheteur doit restituer le bien au vendeur, et le vendeur doit restituer le prix. C'est ce dont traite le code dans les art. 1665 et s.

Le vendeur a au surplus un droit de rétention : il peut dire qu'il ne restituera l'argent que lorsqu'il aura récupéré l'immeuble. Il y a donc une exceptio non adimpleti contractus.

La résolution de la vente opère avec effets rétroactifs. Cela peut être très fâcheux pour les tiers ! Il se peut en effet que l'acheteur de l'immeuble ait revendu le bien à un sous-acquéreur, ou il se peut que l'acheteur ait consenti une hypothèque, une servitude, un usufruit...

Que se passe-t-il si la vente est résolue ? L'acheteur est sensé n'avoir jamais été propriétaire. Tous les droits ayant pu être consentis par l'acheteur vont donc tomber ! C'est ce qu'indique l'art. 1673 al. 2. « Lorsque le vendeur rentre dans son héritage ( lorsqu'il récupère son immeuble) par l'effet du pacte de rachat, il le reprend exempt de toutes les charges et hypothèques dont l'acquéreur l'aurait grevé ». Toutes les charges tombent donc ! Toutes ? Non, il reste une exception « Il est tenu d'exécuter les baux faits sans fraude par l'acquéreur ». Si l'acheteur a loué le bien à un tiers, le bail subsistera. Le vendeur devra donc respecter le bail en cours, pour autant qu'il soit fait sans fraude et qu'il ait date certaine. L'idée est que les actes d'administration doivent être maintenus, malgré la disparition du contrat de vente.

Question : que se passe-t-il dans le cas d'une vente a réméré. L'acheteur revend le bien à un sous-acquéreur. Le vendeur exerce la faculté de rachat. Le vendeur va récupérer le bien entre les mains

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du sous-acquéreur. C'est ce que nous dit l'art. 1664. Est-ce que le sous-acquéreur peut ensuite se retourner contre son vendeur en garantie d'éviction ? (lien avec l'art. 1626) [réponse : ça dépend]

La seconde période est celle qui suit l'exercice du réméré.

[ à compléter par les notes au dessus]

Section 6. La vente avec déclaration de command

§1. Origine et définitionC'est une vente assortie d'une modalité particulière.C'est une vente immobilière dans laquelle l'acheteur se réserve la possibilité de désigner une tierce personne qui sera l'acheteur véritable. L'acheteur s'appelle le commandé, et le tiers, celui qui sera désigné comme acheteur véritable, s'appelle le command.

On appelle également ces ventes avec déclaration de command « vente avec élection d'ami ». Pourquoi ces opérations ? Tout simplement pour permettre à une tierce personne de rester dans l'ombre ! Le tiers envoie donc un commandé, qui va acheter le bien en son nom. La vente se conclu donc entre le propriétaire et le commandé. Le commandé indique qu'il est acheteur, mais qu'il se réserve la possibilité de laisser le bien à une tierce personne ! « Laissez-moi la possibilité de désigner une tierce personne comme acheteur ».

S'il s'agit d'une vente mobilière, on parle alors d'une vente avec une clause « acheteur à désigner ».

§2. Conditions de la déclaration de commandQue faut-il pour que ce genre d'opérations puissent se réaliser ?

Il faut que la clause soit expresse : le vendeur doit savoir que l'acheteur va peut-être désigner une autre personne. Il faut donc une clause expresse permettant à l'acheteur de désigner un command. Il faut également que l'élection d'ami intervienne dans un certain délai. « Je vous vends tel immeuble avec une clause de déclaration de comment ».

Il y a un avantage fiscal à cette opération : s'il s'agit d'une vente immobilière, et que cette vente répond aux conditions du code de droit d'enregistrement (art. 159 du Code des droits d'enregistrement), il n'y aura en définitive qu'une seule vente, en droit civil mais aussi en droit fiscal. De sorte qu'au total, il aura fallu payer 12,5 % de droits d'enregistrement et non pas 2 x 12,5 %.

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Cette figure n'est pas envisagée par le code civil. Il y a des controverses sur la nature juridique de cette figure. On a fait couler beaucoup d'encre sur la nature de cela : un mandat ? Un prête nom ? De stipulation pour autrui ?

Retenons qu'il s'agit là d'une figure sui generis, qui ne rentre dans aucun cas de figure prévu explicitement par le code. C'est une figure spécifique.

§3. Effets de la déclaration de commandLe plus important est de savoir ce qu'il advient des relations entre le vendeur, l'acheteur et le tiers command.

Les relations entre le vendeur et les commandés et command

Quid si l'acheteur commandé ne choisit pas une tierce personne ? Il est alors propriétaire ! Il doit donc payer le prix.

Quid si l'acheteur commandé exerce sa faculté de désigner un command ? L'acheteur informe le vendeur qu'il a élu command, désigné tierce personne. Dans ce cas, l'acheteur disparait de la circulation et n'a été qu'un simple intermédiaire. Il n'y a alors qu'une seule vente entre le vendeur et le command. Le vendeur réclamera donc payement du prix de vente au tiers command.

Qu'en est-il des relations entre le commandé et le command ? Il y a, dans les rapports entre commandé et command, une relation juridique, sui generis.

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Chapitre 4. Les effets du contrat de vente – obligations du vendeur

Le contrat de vente est un contrat synallagmatique, ce qui implique logiquement des obligations réciproques.

Quelles sont les obligations du vendeur ?

Le code consacre un chapitre à cette problématique : ce sont les articles 1602 et s. « Le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose ». Ce sont les obligations dites principales du vendeur.

Il y a toutefois d'autres obligations qui peuvent incomber au vendeur. A côté de ces obligations principales, il y a donc d'autres obligations qui peuvent peser sur le vendeur. On en cite trois : l'obligation de dare ; l'obligation de dresser un acte instrumentaire ; l'obligation de conservation de la chose.

Section 1. L'obligation de dareQue veut-on dire par là ? Si le contrat de vente porte sur un corps certain, et qu'il n'y a pas de clause de réserve de propriété, le transfert de propriété est immédiat, dès la conclusion de la vente.

L'obligation de dare aura donc existé une fraction de seconde : au moment même où le contrat a été conclu, l'obligation aura été exécutée instantanément.

Il y a toutefois des hypothèses dans lesquelles cette obligation va exister pendant un certain temps. Dans cette hypothèse, le vendeur devra exécuter matériellement cette obligation de dare.

On songe à la vente d'une chose future (moi, agriculteur, je vends la récolte de l'année prochaine).

S'il s'agit d'une chose de genre, le vendeur doit transférer la propriété. Que faut-il pour que ce transfert ait lieu ? Il faut, dit-on, une spécification de la chose vendue. Il faut que le vendeur spécifie la chose : qu'il sorte du lot les bouteilles qui me sont destinées. C'est une individualisation de la chose ; il faut au surplus l'intention du vendeur de me destiner ces bouteilles.

Certains commercialistes (professeurs enseignant le droit commercial) estiment que pour les ventes commerciales, le transfert de propriété a lieu, non pas au moment de la spécification, mais bien au

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moment de la délivrance, de la livraison de la chose (au moment où le mazout commandé se trouve dans ma cuve).

Section 2. Deux obligations éventuelles

§1. L'établissement d'un acte instrumentaireLa seconde obligation éventuelle est, pour certaines ventes, d'établir un acte instrumentaire, donc un écrit de vente. On songe particulièrement aux ventes immobilières. Les ventes immobilières répondent toujours au principe du consensualisme. Une vente verbale est parfaitement valable, même si elle porte sur un immeuble, de la même manière qu'une vente sous seing privé.Mais en matière immobilière, il faut plus : que les parties passent devant notaire afin de faire constater la vente dans un acte authentique, un acte notarié. Cet acte notarié n'est pas une condition de validité de la vente.Mais il y a à charge du vendeur cette obligation de passer devant notaire, afin d'assurer l'opposabilité de la vente immobilière aux tiers. La vente immobilière doit faire l'objet d'une mesure de publicité, ce qui nécessite une transcription à la conservation des hypothèques. Le conservateur des hypothèques ne peut transcrire que des actes notariés.

Que se passe-t-il lorsque le vendeur refuse de se rendre devant le notaire ? L'acheteur a la possibilité de l'assigner en justice et de demander au juge une passation forcée de l'acte de vente. Si le juge estime que tous les éléments essentiels et substantiels de la vente sont présents, il condamnera le vendeur à se présenter devant un notaire. Le juge ajoute qu'à défaut, le jugement prononcé tiendra lieu d'acte authentique en vue de la transcription à la conservation des hypothèques.

§2. L'obligation de conserver la chose jusqu'à la livraison

Autre obligation possible : obligation de conserver. Lorsque la délivrance ne se fait pas le jour de la conclusion de la vente, le vendeur va devoir garder la chose un certain temps. C'est une application de l'art. 1136. Des clauses particulières peuvent être prévues. Des problèmes peuvent aussi se poser : il se peut que la chose vienne à être volée, ou détruite, ou détériorée...

ex : je vous vends ma voiture, mais je viens vous la livrer dans 15 jours. Je dois donc la garder pendant ces 15 jours. Quid si la voiture vient à être volée ? Si elle est vandalisée ? Serais-je responsable des dégâts, de la disparition de la chose pendant le temps où la chose est sous sa garde ?On doit appliquer ici le principe du droit des obligations.

Si la chose a été détruite ou détériorée à cause d'un cas de force majeure : l'acheteur, propriétaire dès la conclusion de la vente, se voit appliquer l'adage res perit domino. Il doit donc en payer l'intégralité du prix.

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Si par contre il y avait dans le contrat de vente une clause de réserve de propriété (l'acheteur ne sera propriétaire qu'au payement du prix et à la livraison) : le vendeur subira alors l'adage res perit domino et ne pourra réclamer le payement du prix.

Si la destruction ou la détérioration résulte d'une négligence, il n'y a alors pas de cas de force majeure, et on tombe sur la responsabilité contractuelle : il y a faute de la part de vendeur qui a manqué à son obligation de conservation. Le vendeur devra des D/I, la vente pourra être résolue aux torts du vendeur ...

Venons-en aux deux obligations principales du vendeur : obligation de délivrer la chose, et obligation de garantir.

Section 3. Obligation de délivrer la chose L'obligation de délivrance et de garantie en droit commun

§1. Notions La vente relevant du droit commun fait peser sur le vendeur deux obligations principales : l'obligation de délivrance et l'obligation de garantie. Cette obligation de garantie se subdivise en garantie des vices cachés, et en garantie d'éviction. Ces ventes de droit commun sont visées aux art. 1604 à 1649.

ex de ventes de droit commun : vente entre particuliers ; entre entreprises ayant leur siège social dans un même pays.

Le code civil a choisi une option dualiste (à l'inverse du cas des ventes internationales et de la vente au consommateur : on choisit ici l'option moniste) : il distingue l'obligation de délivrance et l'obligation de garantie.

On trouve dans le code civil de longues dispositions consacrées à la délivrance. Ce sont les art. 1604 à 1624. On trouve d'ailleurs trop de textes à ce sujet.Ces textes sont supplétifs de volonté : c'est un modèle dont les parties peuvent s'écarter par des clauses contraires.

L'on se contentera d'évoquer les points les plus importants. L'on nous renvoie au code pour ce qui concerne les modalités de la délivrance etc. (lire les articles donc, notamment 1605, 1606 [tradition réelle = remettre le bien à l'acheteur]).

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§2. Que doit-on délivrer ?

A. La chose et ses accessoires matériels et juridiques

L'art. 1615 indique qu'on doit délivrer la chose, mais aussi ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. Ex : on achète un immeuble, le vendeur nous remet les clés. Dans cet immeuble, on doit y trouver tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel : pas question d'en retirer les éviers, les portes etc. On doit délivrer la chose, mais aussi ses accessoires : la cour de l'immeuble, le garage, etc. Le mieux étant de préciser dans l'acte quels sont les accessoires transférés.

Qu'est-ce qu'un accessoire ? Ce sont tous les éléments qui sont inséparables de la chose, sans lesquels l'usage de la chose tel que les parties l'ont envisagé ne serait pas possible.

Le plus important n'est pas là : les accessoires sont matériels, mais aussi les accessoires juridiques ! Ils doivent être cédés avec la chose vendue ! Que sont ces accessoires juridiques ? Les accessoires juridiques sont une série de droits, d'actions, considérés comme étant inséparables de la chose. Ce sont les droits attachés à la qualité de propriétaire : ce sont les droits propter rem.

Ex : une personne vend sa voiture d'occasion. Il se fait que la voiture est affectée d'un défaut caché. L'acheteur revend la voiture à un sous-acquéreur. Ce dernier découvre quelques jours plus tard l'existence du vice-caché. Quels sont les droits du sous-acquéreur ? Il peut tout d'abord se retourner contre son vendeur qui a une obligation de garantie des vices cachés (art. 1641 et s.). Mais il se peut que le vendeur ait fait faillite, ait disparu, ou qu'il ait prévu une clause de non garantie !La question qui se pose est de savoir s'il ne peut pas agir contre le vendeur primitif, de sorte qu'il ait un recours contre son vendeur et contre le vendeur initial.La doctrine et la jurisprudence indiquent qu'il y a bien un recours, fondé sur l'art. 1615 ! La délivrance de la chose porte sur la chose et ses accessoires.

Lorsque la première vente a été conclue, il y avait déjà un vice. Ce premier acheteur avait donc déjà une action contre le vendeur initial. Ce droit, cette créance, est transmise au sous-acquéreur. Donc, le sous-acquéreur se trouve investi de la créance que le premier acheteur avait envers le vendeur. Le sous-acquéreur a donc deux codébiteurs, tenus in solidum.[nb : vices cachés : 1641)

Le droit est transmis tel quel du premier acheter au second acheteur : avec ses points forts, mais aussi avec ses faiblesses ! Ainsi par exemple, il se peut que le vendeur initial puisse invoquer une clause d'exonération de garantie !

Il en va de même pour la responsabilité décennale. On a fait appel à un architecte et un entrepreneur. Après 2 ans, on vend le bien. Le nouvel acheteur découvre des vices cachés au bâtiment. L'acheteur pourra se retourner contre son vendeur en garantie des vices-cachés. Ne

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pourrait-il pas aussi agir contre l'architecte ou contre l'entrepreneur ? Il pourrait le faire sur la base de la responsabilité décennale des entrepreneurs et architectes (art. 1792 C. civ.).Si ce qui a été construit est affecté d'un défaut grave, le maitre de l'ouvrage a une action contre l'entrepreneur et l'architecte. Cette action est transmise de plein droit, automatiquement, à l'acheteur. L'acheteur peut alors agir en responsabilité décennale contre l'architecte, contre l'entrepreneur.Là encore, l'architecte ou l'entrepreneur peuvent se prévaloir d'éventuels moyens de défense.

B. Une chose conforme sur le plan quantitatif et qualitatif

La chose livrée doit être conforme à ce qui avait été convenu. Cette conformité s'apprécie sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif. Ex : on a commandé 100 bouteilles de vin, on en reçoit que 50. L'obligation de réception d'une chose conforme n'est pas satisfaite.Ex 2 : on a passé commande d'un livre, et il arrive avec une couverture déchirée.

Cette conformité s'apprécie aussi au regard de toutes les autres stipulations contractuelles : le bien doit être livré à l'endroit et au moment convenu.

§3. L'agréation Lorsque l'acheteur reçoit le bien et qu'il estime que le bien est conforme, il va agréer la chose. C'est l'agréation de la chose. L'agréation est un acte juridique unilatéral de l'acheteur par lequel il reconnait que la chose est bien conforme à ce qui avait été convenu. En agréant la chose, l'acheteur renonce à tout recours fondé sur l'obligation de délivrance.

De ce fait, on renonce à tout recours qu'on aurait pu introduire sur base de l'obligation de délivrance. Ex : la couverture du livre est abimée. On agrée malgré tout. On renonce à mettre en oeuvre la responsabilité du vendeur quant à ce défaut. L'agréation implique donc que le vendeur renonce à tout recours fondé sur des vices apparents. On ne pourra plus, par la suite, invoquer la responsabilité contractuelle pour ces vices apparents.

L'agrétion peut être expresse, ou tacite. Expresse : on signe un reçu, où on reconnait la réception du bien. Tacite : elle se déduit alors des circonstances. Ex : on a retiré la chose sans aucune protestation. Généralement, on considérera qu'il y a là une agréation tacite. Ex : on a reçu la chose et on en a payé le prix. On considérera parfois que le payement du prix vaut agréation tacite. Le tout est que le juge soit bien convaincu qu'il y a une volonté d'agréer.

§4. Sanction de la non conformitéQue se passe-t-il lorsque la chose qui est livrée n'est pas conforme ? Quelles sont les sanctions qui frappent le vendeur lorsque la chose livrée n'est pas conforme (livraison en retard, quantité ou qualité non conforme) ?On doit ici appliquer le droit commun des obligations. Ce droit nous dit qu'en cas de retard dans la délivrance, le créancier (l'acheteur) a le choix : il peut soit réclamer l'exécution en nature ; soit

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demander la résolution du contrat (si le retard est particulièrement grave, si je n'ai pas le temps d'attendre).C'est la règle prévue à l'art. 1184. C'est ce que prévoit du reste l'art. 1610 du Code civil. Il fait application du droit commun : « si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra à son choix demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession si le retard ne vient que du fait du vendeur ». L'art. 1611 ajoute « dans tous les cas, le vendeur est condamné à des D/I si l'acheteur a subi un préjudice ».

Ce qui est vrai du retard de livraison est vrai pour les autres manquements à l'obligation de délivrance. La chose est affectée de vices apparents ; certains accessoires manquent...On peut demander l'exécution en nature ou, en cas de manquement grave, la résolution.

On peut en plus soulever l'exception d'inexécution.

§5. Le vice apparent Enfin, dernière sanction du manquement à l'obligation de délivrance : que se passe-t-il dans l'hypothèse où le bien est affecté d'un défaut apparent ? Ce vice apparent n'existait pas au départ. Est-il possible de réclamer l'exécution en nature ? La réponse est oui : on peut demander l'exécution en nature pour ce manquement à l'obligation de délivrance. Ex : on livre des chaises rouges au lieu de chaises bleues.

Nous verrons tout à l'heure que pour la garantie des vices-cachés, l'art. 1644 écarte, selon l'opinion dominante, la possibilité de réclamer le remplacement ou la réparation de la chose.

§6. Le vice caché, ou vice rédhibitoireNous en arrivons à l'obligation de garantie des vices-cachés, ou vices rédhibitoires. Ce sont les art. 1641 et s. du code civil.

Le vendeur a deux obligations qui se succèdent dans le temps : il doit délivrer la chose, puis si l'acheteur considère que la délivrance est conforme, il va agréer cette chose. A partir de ce moment là commence à courir une autre obligation : celle de garantie des vices cachés.Par hypothèses, on ne peut agréer un défaut qui est caché ! L'agréation ne peut pas couvrir ce vice-caché ! Le vice caché fait l'objet dès lors d'une autre obligation : l'obligation de garantie des vices-cachés.Les art. 1641 et suivants ont une longue histoire. Ils remontent au droit romain : la garantie des « édiles curules ». Ces derniers avaient adopté une réglementation qui énumérait toute une série de vices-cachés dont les animaux ou esclaves ne pouvaient être affectés. Cette réglementation a traversé les siècles, notamment à propos des animaux.Ces textes nous sont parvenus dans le code civil.

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A. Condition de l'obligation de garantie des vices cachés

Quand le vendeur est-il garant ?

1. Un défaut de la choseL'art. 1641 nous indique que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il l'avait connu ».Pour qu'il y ait garantie des vices-cachés, il faut donc un vice, un défaut.

Le vice est tout d'abord la défectuosité intrinsèque de la chose. C'est ce qu'on appelle le vice conceptuel, ou le vice intrinsèque. (ex : la voiture ne roule pas ; la bouteille de coca explose à la figure du consommateur ; l'étalon est impuissant).

La jurisprudence est allée plus loin, considérant qu'à côté du vice conceptuel (ou intrinsèque), il y avait place aussi pour un vice extrinsèque, ou fonctionnel. Cette fois-ci, la chose que l'on a achetée est en soi impeccable, non affectée d'une défectuosité. Mais elle ne répond pas à l'usage auquel l'acheteur la destinait, cet usage devant être connu du vendeur.Ex : Cass., 1971. Une personne a acheté une voiture d'une marque X. L'acheteur achète auprès d'un autre concessionnaire une caravane, de marque Y. L'acheteur insiste auprès du vendeur de caravane sur le fait que la caravane doit pouvoir s'attacher à la voiture X. Le vendeur de caravane donne ses apaisements à l'acheteur. Mais cela ne marche pas : la caravane dévie de la trajectoire, il y a des secousses etc.L'acheteur de caravane demande en justice la résolution de la vente, de la caravane. Mais c'est l'accouplement qui pose problème : la caravane ne répond pas à l'usage auquel l'acheteur la destinait.

La Cour de cassation a admis ici la garantie des vices cachés. C'est un vice, non plus intrinsèque, mais bien fonctionnel.

2. Un vice d'une certaine gravité La seconde condition est que le vice doit être d'une certaine gravité. C'est ce qu'énonce l'art. 1641. Si c'est un défaut bénin, la garantie des vices cachés ne pourra pas jouer. Ex : on a acheté une voiture d'occasion. Quelques temps après la vente, on découvre qu'une griffe a été masquée à l'arrière de la voiture par le vendeur. Le vice est grave lorsqu'on peut dire qu'on aurait pas acheté le bien si on avait eu connaissance du vice, ou on aurait acheté ce bien qu'à un moindre prix.

Ex : jauge à huile du moteur qui est mal graduée, ce qui entraine une usure plus rapide du moteur ; immeuble attaqué par la mérule.

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3. Un vice antérieur au transfert de propriété Troisième condition : le vice doit être antérieur au transfert de propriété. Le vice doit donc être né avant le transfert de propriété. Pourquoi cette condition ? Parce que si le vice vient à naître après le transfert de propriété (ex : j'ai acheté un immeuble, et à ce moment, la mérule n'était pas présente. Puis j'ai laissé le bien état d'humidité pendant plusieurs mois et la mérule apparait). La Cour de Cassation indique que le vice doit exister avant le transfert de propriété, même en germe, même latent.

4. Un défaut cachéIl faut également que le défaut soit caché. Le vice doit être grave, antérieur au transfert de propriété, et caché. Si le vice est apparent, il est couvert par l'agréation ! Si c'est un vice apparent, la garantie des vices cachés ne peut jouer, comme l'indique l'art. 1642 « le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ». Si l'acheteur a connaissance du défaut au moment où il prend possession du bien, il ne peut pas agir en garantie des vices cachés ; si l'acheteur ne voit pas le défaut mais qu'il aurait pu le voir en l'examinant, on lui dira qu'il a été négligent ! Un acheteur normalement attentif se fait éventuellement accompagner d'un expert.Si le défaut avait pu être détecté par l'acheteur, la garantie des vices cachés ne pourra pas jouer.

5. Agir à bref délai Autre condition : il faut agir à bref délai. Cet article pose beaucoup de problème en pratique : il faut agir à bref délai : c'est l'art. 1648. Si l'on tarde, l'action sera rejetée.

Toute la question qui se pose est de savoir ce qu'est un bref délai. Il faut déterminer la durée du bref délai en fonction des usages des lieux, de la nature du bien etc. Le bref délai peut parfois consister en 2/3 jours, parfois en quelques semaines, voire en quelques mois.

Ce bref délai est un délai préfixe, c'est-à-dire un délai qui ne peut pas être allongé, ni interrompu. La seule cause de suspension que l'on admet est l'existence de pourparlers sérieux entre les parties. Ces pourparlers suspendent les délais. Ex : on se rend compte, après achat, qu'un des fauteuils est trop mou. On contacte le vendeur : les pourparlers suspendent le délai.

On a là toutes les conditions pour invoquer la garantie des vices-cachés. Il n'est pas requis que le vendeur soit de mauvaise foi. Cette garantie des vices-cachés joue à l'encontre de tout vendeur, qu'il soit de bonne ou mauvaise foi. C'est une obligation de garantie. Ce n'est pas une hypothèse de responsabilité. Même si le vendeur n'a strictement rien à se reprocher (il ignorait complètement l'existence de ce défaut) !

Nous verrons toutefois que la mauvaise foi du vendeur peut avoir certains effets secondaires ! Cela étant, le législateur et la jurisprudence attachent certaines conséquences à la mauvaise foi.

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B. Effets attachés à l'obligation de garantie

1. Option de l'acheteur Ces effets sont exposés dans le code civil à l'art. 1644. L'acheteur a une « option » entre une action rédhibitoire ou une action estimatoire (dite aussi action quanti minoris). « L'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se de faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par expert ». L'action rédhibitoire vise à la résolution de la vente : on rend la chose, et on nous en rend le prix.L'action estimatoire entraine une réduction du prix. L'acheteur a le choix. Le juge ne pourrait pas contrarier le choix de l'acheteur : si toutes les conditions sont réunies, l'acheteur choisit souverainement l'action rédhibitoire ou estimatoire.Le vendeur ne pourrait pas contrarier ce choix !

Attention : si la restitution du bien n'est plus possible pour l'acheteur (la voiture est déjà revendue), dans ce cas il doit se contenter d'une action estimatoire.

Cette action est ouverte contre tous vendeurs, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi.

La thèse dominante en Belgique considère que cet art. 1644 exclurait tout autre remède. L'acheteur ne pourrait donc pas demander la réparation du bien ou son remplacement ! Pourquoi ? Car dit-on, l'art. 1644 a un caractère limitatif ! C'est l'action rédhibitoire ou estimatoire ! Ce point de vue est contesté par M. Wéry.

2. Le vendeur de mauvaise foi : la possibilité de réclamer des D/I

Si le vendeur est de mauvaise foi, il devra, en plus de l'action rédhibitoire ou estimatoire, des D/I en vertu de l'art. 1645. « Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».

Si le vendeur est un professionnel (épicier, vendeur spécialisé, fabriquant), il est présumé connaitre les vices de ce qu'il vend ! Il est présumé de mauvaise foi ! Il a une obligation de compétence particulière en raison de son activité professionnelle. La conséquence est que le vendeur professionnel doit payer les D/I complémentaires sur base de l'art. 1645, sauf s'il peut démontrer son ignorance invincible. Cette présomption est donc réfragable. En pratique, la preuve de cette ignorance invincible est très difficile à rapporter.

C. Les clauses contraires Elles peuvent être tout d’abord des clauses relatives au délai dans lequel l’acheteur doit agir ! En

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effet le « bref délai » est très vague et donc les parties peuvent déterminer un délai conventionnel qui pourra être supérieur ou inférieur au bref délai du juge. Tout cela est parfaitement valable pour autant que ce délai ne soit pas trop court en ce sens que la découverte du vice ne pourra nécessairement avoir lieu qu’après l’écoulement du délai, cela équivaudrait à une absence de garantie !

Que se passe-t-il dans ce cas ? Est-ce permis ? Si on est dans une vente relevant du droit commun (entre 2 professionnels ou entre 2 particuliers ou d’un particulier à un professionnel), l’article 1643 du code civil nous dit que « le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connu, à moins que dans ce cas il n’ait stipulé qu’il ne serait obligé à aucune garantie ».

Ce texte veut dire que si le vendeur est de bonne foi, la clause de non garantie est autorisée ! Par contre, si le vendeur est de mauvaise foi, la clause de non garantie n’est pas autorisée ! Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices, présumé être de mauvaise foi, donc la clause est nulle sauf s’il démontre son ignorance invincible !

Si la vente est une vente relevant du droit de la consommation (vente par un professionnel à un consommateur) on tombe sur la problématique des clauses abusives de l’article 74 de la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection des consommateurs où l’on trouve un 15° qui nous dit qu’« est abusive et donc nulle la clause qui a pour objet de fixer un délai déraisonnablement court pour signaler à l’entreprise des défauts dans le produit livré ».L’interdiction de ce genre de clauses figure aussi dans le régime des biens de consommation, et la loi de 2004. Un article 1649octies du code civil nous dit que « sont nulles les clauses contractuelles qui écartent ou limitent les droits accordés aux consommateurs ».On trouve également des clauses contraires qui sont extensives de la garantie légale. Cette fois-ci la clause améliore la position de l’acheteur, elle lui accorde une position plus favorable que ce que le code civil prévoit.

(Ex de clause extensive : « L’acheteur en cas de vice caché a le choix entre la résolution de la vente, la réduction du prix, la réparation en nature, le remplacement »).(Ex de clause restrictive : « En cas de vice caché, l’acheteur aura le droit de réclamer la réparation du bien ». On pourrait dire que cette clause est une extension mais en réalité c’est une clause restrictive de garantie / clause de non garantie parce que celle-ci interdit à l’acheteur de réclamer la résolution de la vente ou la réduction du prix !)

Si la vente est une vente relevant du droit commun il faudra appliquer l’article 1643. Si le vendeur est de bonne foi, la clause est parfaitement valable. Si le vendeur est de mauvaise foi, la clause est nulle. Le vendeur professionnel est nulle sauf s’il démontre son ignorance invincible.

Si la vente est une vente de consommation, il faudra consulter les législations particulières… La loi du 6 avril 2010 en son article 74, 14° qui nous dit qu’ « est nulle la clause qui a pour objet de supprimer ou diminuer la garantie légale en matière de vices cachés prévus par les articles 1641 à 1649 ». Cette nullité, elle est prévue par un autre texte… L’article 1649octies qui nous dit que « sont nulles toutes les clauses contractuelles qui réduisent les droits du consommateurs ».

Quel est encore l’intérêt de la jurisprudence de la cour de cassation, selon laquelle le vendeur professionnel est présumé connaître les vices ? Quel en est son intérêt puisque les ventes d’un professionnel à un consommateur qui contiendraient des clauses de limitation de garanties sont

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visées par les articles 74, 15° de la loi de 2010 et par l’article 1649octies du code civil ?

Si on a une vente entre 2 professionnels on ne peut pas appliquer un régime concernant les ventes de biens de consommation. Pour faire tomber la clause il faudra donc invoquer la jurisprudence de la cour de cassation selon laquelle le vendeur professionnel est présumé connaître les vices. Le vendeur professionnel est tenu d’une réparation intégrale puisqu’il est présumé connaître les vices et donc l’article 1645 s’appliquera au vendeur professionnel.

Section V. L’obligation de délivrance dans la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises

On trouve ensuite les régimes particuliers : les ventes internationales (une vente entre deux entreprises qui n'ont pas leur siège social dans le même pays). Ces ventes internationales font l'objet de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandise, qui contient des dispositions particulières sur l'obligation de délivrance.

La Convention de Vienne date de 1980, faisant, partie du droit positif belge et présente cette particularité de reposer sur un régime moniste de l’obligation de délivrance. Qu’est-ce que cela signifie ?Le code civil belge repose sur une conception dualiste… Le vendeur a deux obligations : (1) il doit délivrer une chose conforme exempte de vices apparents et (2) il doit garantir l’acheteur contre les vices cachés.Et bien la Convention de Vienne rompt avec cette conception dualiste pour se baser sur une conception moniste. En effet, le vendeur n’a qu’une obligation, celle de délivrer une chose conforme au contrat. Cette obligation couvre tous les défauts… Les défauts apparents et les défauts cachés !

Que le vice soit apparent ou caché, la chose n’est pas conforme au contrat et donc les sanctions qui s’abattront sur le vendeur seront les mêmes ! Quelles sont ces sanctions prévues par la Convention de Vienne ?

- L’exécution en nature : L’acheteur a le droit d’obtenir l’exécution en nature par remplacement ou par réparation de la chose.

- L’exception d’inexécution : Si la chose n’est pas conforme, on suspend le paiement du prix !- La résolution du contrat : C’est l’équivalent de l’action rédhibitoire, l’acheteur pouvant

demander la résolution du contrat mais avec cette particularité de la Convention de Vienne parce que nous sommes en matière commerciale, les choses devant aller vite il faut des procédures très souples et donc la résolution est une résolution par notification, une résolution unilatérale et non juridique ! L’acheteur peut notifier au vendeur qu’il résout le contrat !

- La réduction du prix : C’est l’équivalent de l’action estimatoire, c’est une réduction proportionnelle à l’importance du vice ! Cette réduction proportionnelle ne doit pas être

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décidée par un juge, c’est également une sanction privée, c’est une réduction par notification !

- La responsabilité contractuelle : On peut réclamer en plus du remplacement, de la réparation, etc. des dommages et intérêts !

1ère remarque : La Convention de Vienne ne concerne que des ventes internationales, c’est-à-dire des ventes entre deux entreprises ayant leur établissement dans un des états signataires de la Convention.

2ème remarque : La Convention de Vienne n’a pas de caractère impératif, c’est un régime simplement supplétif de volonté.

Section VI. La garantie des biens de consommation

§1. La loi du 1 septembre 2004Enfin, on a la vente au consommateur : la vente de biens de consommation par un vendeur professionnel à un consommateur. On a énormément de ventes qui tombent sous le coup des art. 1649Bis et s. Ce sont les articles 1649bis et suivants du code civil qui traite de la garantie des biens de consommation. Ces textes figurent dans le code civil depuis septembre 2004 et transposent une directive européenne de 1999 qui imposait aux états membres de prévoir un régime de protection des consommateurs lorsqu’ils achètent des biens de consommation à un vendeur professionnel. Cette directive européenne aurait dû être transposée en 2002 mais la transposition s’est fait attendre en Belgique puisqu’il a fallu attendre septembre 2004.

Pourquoi ces retards ? Parce que c’est la première directive européenne qui touchait au cœur de code civil et touchait le contrat le plus usuel à savoir le contrat de vente ! Et des questions se sont posées pour savoir s’il ne faudrait pas revoir de fond en comble tout le contrat de vente, s’est posé aussi la question de savoir s’il fallait introduire ce droit de la consommation dans le code civil, etc.

Que peut-on dire de ces dispositions ? Et bien cette directive européenne s’est fortement inspirée de la Convention de Vienne de 1980 ! Cette inspiration se manifeste essentiellement dans le fait que pour les ventes de biens de consommation, par un vendeur professionnel à un consommateur, il existe une obligation unique de délivrance d’une chose conforme au contrat !

§2. Champs d'application des nouvelles règles

1ère remarque : Cette loi a un champ d’application très large puisque nous sommes tous à un moment ou autre des consommateurs.2ème remarque : C’est un régime qui est impératif au contraire de la Convention de Vienne ! Il n’est donc pas permis aux parties de déroger aux dispositions légales ! Les clauses contraires qui limitent ou suppriment les droits du consommateur sont nulles (art. 1649octies) ! Attention, les garanties extensives sont permises !3ème remarque : La conformité est définie dans le code civil, l’article 1649ter nous donne une

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définition assez longue de la conformité !4ème remarque : Les ventes visent les ventes par un vendeur à un consommateur de biens de consommation ! Et on trouve dans le code civil la définition du vendeur, du consommateur et des biens de consommation.

L’article 1649bis nous dit que « le consommateur c’est toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale ». « Le bien de consommation c’est tout objet mobilier corporel ». « Le vendeur est toute personne physique ou morale qui vend des biens de consommation dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale ».

§3. La garantie légale

Il faut insister sur 3 points :

A. Calcul du délaiLe point de départ du délai c’est le moment de la délivrance ! Ce n’est donc pas le moment où la vente est conclue mais bien le moment où le bien est délivré ! En pratique, conclusion de la vente et délivrance de la chose peuvent coïncider mais il y a des hypothèses dans lesquelles ce n’est pas le cas et donc le point de départ du délai c’est le moment de la délivrance.

La loi accorde au consommateur une garantie légale de 2 ans ! C’est ce qui ressort de l’article 1649quater du code civil qui nous dit que « le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien et qui apparaît dans un délai de 2 ans à compter de celle-ci ».

L’article 1649quater octroie également un autre délai… Lorsque le défaut a été constaté, un délai de prescription commence à courir, délai de prescription qui était un délai d’1 an : « l’action du consommateur se prescrit dans un délai d’1 an à compter du jour où il a constaté un défaut de conformité sans que ce délai puisse expirer avant la fin du délai de 2 ans ».

Il est possible aux parties de prévoir un délai d’information de l’existence du vice ! C’est ce qui ressort de l’article 1649quater, §2 qui nous dit que « le vendeur et le consommateur peuvent convenir d’un délai pendant lequel le consommateur est tenu d’informer le vendeur de l’existence du défaut de conformité ».

Le défaut de conformité doit exister au moment de la délivrance, nous dit le législateur. La difficulté pour le consommateur c’est de démontrer que le défaut existait dès le départ. Le législateur vient au secours du consommateur en prévoyant à l’article 1649quater, §2 que « sauf preuves contraires, le défaut de conformité qui apparaît dans un délai de 6 mois à partir de la délivrance du bien, est présumé exister au moment de la délivrance ». Cette présomption est réfragable !

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Le législateur belge a voulu ajouter un 5ème délai, répondant ainsi aux associations de consommateur. Les représentants des intérêts des consommateurs ont trouvé que la protection prévue par la directive européenne n’était pas maximale et ont envisagé le cas suivant : Que se passe-t-il lorsque le bien a été vendu au temps 0 et que le défaut n’apparaît qu’après 2 ans ? Ils ont trouvé inadmissible que le consommateur se retrouve sans droits et le législateur leur a donné raison !

Le législateur a prévu à l’article 1649quater, §5 qui nous dit que « les dispositions du présent chapitre sont applicables après le délai de 2 ans prévu au §1er ». L’idée est la suivante. Sur ce dispositif, le législateur belge est venu greffer le régime des articles 1641 et suivants du code civil. Après les 2 ans de garantie légale c’est donc la garantie de droit commun des articles 1641 et suivants qui prend le relai ! Et donc revoilà nos actions rédhibitoires et estimatoires (agir à bref délai, démontrer que le vice caché existait au moment de la conclusion de la vente, etc.) !

B. Les droits du consommateur

Remarque préalable : (Si on est un consommateur et qu’on a traité avec un vendeur professionnel, on ne peut invoquer que les articles 1649bis et suivants. On ne peut pas invoquer les articles 1641 et suivants).

1. La mise en conformité du bienL’article 1649quinquies prévoit que le consommateur a droit dans un premier temps à la mise en conformité du bien, c’est-à-dire l’exécution en nature et donc le remplacement du bien défectueux ou sa réparation ! Le consommateur doit obtenir cette mise en conformité sans frais et dans un délai raisonnable !

2. Les remèdes subsidiaires : résolution ou réduction du prix

Si cette mise en conformité n’a pas lieu dans un délai raisonnable ou sans inconvénients ou si elle est impossible… Dans un deuxième temps, le consommateur a alors droit à d’autres remèdes… Et bien, il peut réclamer la résolution de la vente aux torts du vendeur ou alors une réduction du prix !Et le législateur belge ajoute « tout cela sans préjudice du droit du consommateur à des dommages et intérêts ». Le consommateur peut donc obtenir en outre des dommages et intérêts s’il peut démontrer que le défaut lui a causé un préjudice.

Est-ce que le consommateur aurait des droits à faire valoir aussi envers le fabricant ou envers un autre vendeur dans la chaine ? (=> fabricant -> grossiste -> vendeur spécialisé -> détaillant -> consommateur). La loi n’en parle pas et pour cause parce que la directive européenne ne prévoit pas une telle action du consommateur contre le fabricant ou contre un vendeur de la chaine.

On retombe donc dans le droit commun et notamment à l’article 1615 du code civil qui nous dit que « le bien est vendu avec tous ses accessoires, matériels et juridiques ». Et donc si le bien était

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affecté d’un défaut dès le départ, il avait été vendu par le fabricant avec la garantie des vices cachés de l’article 1641 et suivants qui a été transmis par le détaillant au consommateur. Cette garantie des vices cachés, le consommateur pourra la faire valoir contre le fabricant et fera donc valoir les articles 1641 et suivants du code civil ! Le consommateur pourra réclamer au fabricant le bénéfice de l’action rédhibitoire, de l’action estimatoire et des dommages et intérêts.

Il ne faut pas confondre cette hypothèse du recours du consommateur contre le fabricant avec une autre hypothèse prévue à l’article 1649sexies du code civil qui nous dit que « lorsque le vendeur répond vis-à-vis du consommateur d’un défaut de conformité, il peut exercer à l’encontre du producteur ou de tout intermédiaire (…) un recours fondé sur la responsabilité contractuelle à laquelle ce producteur ou cet intermédiaire est tenu au cas sans que ne puisse lui être opposé une clause contractuelle ayant pour effet de limiter ou d’écarter cette responsabilité ».

L’hypothèse qui est visée est celle où le consommateur a fait valoir ses droits envers son vendeur en obtenant la résolution de la vente et des dommages et intérêts par exemple. L’article 1649sexies prévoit les recours du vendeur contre le fabricant ou l’un des intermédiaires contractuels. L’article 1649sexies nous qu’il y a un recours en responsabilité contractuelle !

Le législateur nous dit en outre que le producteur ou l’intermédiaire contractuel qui est assigné ne peut pas opposer une clause contractuelle qui aurait pour effet de limiter ou d’écarter cette responsabilité. Et donc, les clauses de non garanties ne peuvent pas être opposées au vendeur qui réclame réparation !

§4. La garantie conventionnelle ou commerciale

Il s’agit de la garantie qu’offre le vendeur au consommateur. Est-ce que le vendeur peut accorder n’importe quel type de garantie ? L’article 1649septies nous dit que la garantie doit tout d’abord être transparente, c’est-à-dire que la garantie doit établir en termes simples et compréhensibles le contenu de la garantie et les éléments essentiels nécessaires à sa mise en œuvre. Il doit aussi indiquer que le consommateur a des droits légaux et que ces droits ne sont pas affectés par la garantie conventionnelle.La garantie légale est impérative en ce sens que l’article 1649octies nous dit que « sont nulles les clauses contractuelles concluent avant que le défaut de conformité soit porté à l’attention du vendeur et qui directement ou indirectement écartent ou limitent les droits accordés au consommateur ». En d’autres termes, les clauses de garantie ne peuvent pas restreindre ou supprimer la garantie légale qui a été accordée par la loi au consommateur.

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Section VII. La garantie d’évictionOn trouve dans le code civil l’article 1625 qui nous dit que « la garantie que doit le vendeur à l’acquéreur a deux objets. Le premier est la possession paisible de la chose vendue. Le second : les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires ».

La garantie de la possession paisible de la chose c’est ce que l’on appelle la garantie d’éviction ! Il n’y a pas moins de 14 articles qui traitent de la garantie d’éviction (articles 1626 à 1640) !

Le législateur prévoit une double garantie d’éviction ! Le vendeur doit, tout d’abord, garantir l’acheteur contre tout troubles qui viendraient du vendeur ! C’est la garantie d’éviction du fait personnel.

Le vendeur doit aussi garantir l’acheteur contre les troubles venants des tiers ! C’est la garantie d’éviction du fait des tiers.

Il y a en droit belge qu’un seul régime de la garantie d’éviction, ce qui est dans le code civil s’applique à toutes les ventes !

§1er. La garantie d’éviction du fait personnelLe vendeur assume une obligation de non facere, il a l’obligation de ne rien faire qui soit de nature à contrarier la possession, le droit de propriété de l’acheteur !

(Ex : J’ai vendu un bien, je ne peux pas quelques temps plus tard revendre le même bien à autrui. En faisant cela, je perturbe la possession paisible de l’acheteur.)

Ou bien encore, j’ai vendu un terrain et malgré le fait que le terrain ait été vendu je continue à me promener sur ce terrain. En faisant cela, je trouble la possession paisible de l’acheteur.Ou bien encore, je vends un fond de commerce et je vais ouvrir un commerce concurrent à quelques centaines de mètres de là).

Lorsque l’on a des faits, des prétentions qui viennent perturber la jouissance paisible de l’acheteur, celui-ci peut agir ! Quelle est la sanction de la garantie du fait personnel ?

S’il s’agit d’un trouble de droit (ex : je vous ai vendu un immeuble et quelques temps plus tard je prétend être encore propriétaire ou avoir un droit d’usufruit ou de servitude alors que ce n’est pas le cas et j’agis donc en justice). Dans ce cas là, l’acheteur va réclamer l’exécution en nature. En termes de droit, l’acheteur va soulever une exception péremptoire de garantie qui est traduite par un adage : « qui doit garantie, ne peut évincer » ! En d’autres termes, l’exception est péremptoire, elle met fin au litige !

S’il s’agit d’un trouble de fait (ex : le vendeur est en train de troubler par ses actes la possession de l’acheteur en se promenant sur son terrain par exemple). Dans ce cas là, l’acheteur peut réclamer l’exécution en nature.La garantie du fait personnel est tellement importante que le vendeur ne peut pas s’en affranchir.

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Toute convention contraire serait nulle nous dit l’article 1628 du code civil.

§2. La garantie d’éviction du fait des tiersIl s’agit ici non plus d’une obligation de non facere mais bien d’une obligation de facere !Si l’acheteur est troublé dans sa possession par des prétentions venant de tiers (ex : un tiers dit qu’il a sur le terrain qu’on a acheté un droit de servitude). Dans ce cas là, l’acheteur peut réclamer au vendeur qu’il le garantisse, c’est la garantie d’éviction du fait des tiers !

A. Les conditions

1. Un trouble de droitIl faut tout d’abord que le tiers prétende avoir un droit sur la chose ! Le tiers prétend avoir un droit de bail, être usufruitier, bénéficier d’une servitude, etc.Si c’est un simple trouble de fait, tel que des voisins qui se rendent responsables de tapage nocturne, l’acheteur doit se défendre seul.Le trouble de droit se manifeste par une action ou par une exception ! Par une action, le verus dominus intente une action en revendication contre l’acheteur ou bien un tiers exerce une action confessoire de servitude ou d’usufruit !Mais il se peut aussi que le trouble de droit se traduise par une exception, l’acheteur constate que quelqu’un passe régulièrement sur son terrain, l’acheteur engage une action contre ce tiers et pour sa défense le tiers dit qu’il a un droit de passage, il soulève une exception, il prétend avoir une servitude !L’acheteur peut donc appeler son vendeur en garantie !

2. Un trouble actuelIl faut que ce trouble soit actuel et non futur ! En d’autres termes, il faut que l’acheteur soit perturbé dans sa possession paisible ! Si le trouble n’est que futur, si l’acheteur craint d’être perturbé par un tiers, la garantie d’éviction ne peut pas encore jouer.(Ex : J’ai acheté une voiture d’occasion et puis quelques temps plus tard je réalise que cette voiture d’occasion a été volée mais le propriétaire ne s’est pas encore manifesté. Juridiquement, l’acheteur n’est pas encore troublé, il ne peut pas mettre en œuvre la garantie d’éviction).(Ex : J’ai acheté un immeuble qui est grevé d’hypothèques prises par le vendeur au profit d’une banque. Je sais que la banque qui bénéficie des hypothèques pourrait peut-être faire vendre le bien si le vendeur ne paie pas ses dettes mais pour l’instant la banque ne bouge pas. Et bien le trouble est ici futur).

Quelle est toutefois la protection de l’acheteur lorsqu’il y a seulement un risque de troubles ? Les droits de l’acheteur sont doubles.L’acheteur apprenant que le bien appartient à quelqu’un d’autre pourrait demander la nullité de la vente sur la base de l’article 1599 du code civil.

L’acheteur pourrait également soulever l’exceptio timoris de l’article 1653 du code civil, c’est-à-dire l’exception d’inexécution anticipée. Le texte nous dit que si l’acheteur craint d’être troublé, il peut ne pas payer le prix aussi longtemps que le vendeur n’a pas dissipé ses craintes. Ex : l'acheteur

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a appris qu'il y avait des charges réelles qui pesaient sur l'immeuble achetée (hypothèque). Il y a donc un risque que le créancier hypothécaire vienne saisir l'immeuble. Ou bien, l'acheteur a appris que le bien vendu avait été volé.L'art. 1653 permet à l'acheteur qui a « juste crainte d'être troublé » peut suspendre le payement du prix, dans l'attente d'avoir eu tous ses appaisements.

3. Une cause antérieure à la venteLe trouble doit trouver sa cause dans un fait antérieur à la vente. S'il trouve son origine dans un événement postérieur à la vente, le vendeur n'est plus garant.

Ex : On achète un immeuble. Six mois plus tard, la région wallonne prend un arrêté d'expropriation

4. Les charges non déclaréesElle se dégage de la finale de l'art. 1626 « ...et non déclarées lors de la vente ».

Si le vendeur vend un immeuble, mais annonce la couleur, déclarant à l'acheteur que l'immeuble vendu est grevé d'un droit d'usufruit, d'une servitude etc., dans ce cas, l'acheteur ne pourra pas agir en garantie d'éviction contre lui.

Que se passe-t-il lorsqu'on achète un immeuble, sachant, sans que le vendeur ne l'ait déclaré, que l'immeuble est occupé par un locataire ? Peut-on par la suite agir contre le vendeur en garantie d'éviction lorsqu'on a connaissance d'une cause d'éviction ?

La Cour de Cassation indique que oui : l'acheteur conserve son recours en garantie d'éviction lorsqu'il a connaissance d'une cause de garantie.

Qu'est-ce qui amène la Cassation à dire cela ? Elle s'en tient aux termes employés dans l'art. 1626 « ...des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente ». Pour que le vendeur échappe à sa garantie, il doit donc déclarer ces charges à l'acheteur.

B. Portée de la garantie d'éviction du fait des tiersQue signifie pour un vendeur être garant du fait des tiers ?

La garantie d'éviction du fait des tiers est tantôt incidente, tantôt principale.

1. Garantie incidenteC'est l'exécution en nature de l'obligation de garantie. On a un tiers qui est engagé dans une procédure envers l'acheteur : il exerce une action en revendication. L'acheteur va appeler en garantie son vendeur. Il exerce une action incidente, qui va se greffer sur l'action principale.

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L'acheteur soulève ce qu'on appelle une exception dilatoire de garantie. Il demande donc au juge de différer l'examen du litige.

Le vendeur présent à la cause va essayer de faire rejeter la prétention du tiers : il va prendre fait et cause pour son acheteur.

Si le vendeur échoue, il n'aura pas pu exécuter en nature son exécution de garantie, et devra donc une garantie principale (D/I, résolution du contrat...).

Est-ce que l'acheteur a intérêt à appeler en garantie son vendeur ? Ne peut-il pas se défendre seul contre la prétention du tiers ? La réponse réside dans l'art. 1640 C. civ, duquel il ressort que l'acheteur a tout intérêt, lorsqu'il est inquiété par les prétentions d'un tiers, à appeler à la cause son vendeur. « La garantie pour cause d'éviction cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort sans appeler son vendeur si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande ».

Ex : acheteur d'un immeuble, occupé par un locataire. L'acheteur tente de mettre le locataire dehors. Il échoue. L'acheteur ne songe pas à appeler à la cause son vendeur. Le juge de paix estime, sur base des arguments avancés, que le locataire a le droit de rester dans les lieux. L'acheteur se réveille et va réclamer des D/I à son vendeur. A ce moment là, le vendeur pourra peut-être invoquer l'art. 1640. Le vendeur indique qu'il aurait lui invoqué l'art. 1743, qui impose que le bail ait une date certaine, donc qu'il ait été enregistré.

2. Garantie principale

a. Éviction totaleSi le vendeur n'a pas su défendre utilement son acheteur, et que ce dernier a été évincé totalement ou en partie, l'acheteur va alors se rabattre sur les sanctions des art. 1630 et s.

Ces articles sont largement une application du droit commun. L'acheteur évincé pourra réclamer certaines choses au vendeur.

Il pourra demander la résolution judiciaire de la vente, avec donc restitution du prix, éventuels intérêts etc. Il pourra au surplus demander des D/I (art. 1184 C. civ.).

b. Éviction partielle Si l'éviction est partielle, (on a acheté un terrain, et on va devoir supporter une servitude), quels sont les droits de l'acheteur ? La réponse figure aux art. 1636 et 1637. Si l'éviction est mineure (l'acheteur aurait acheté le bien malgré tout), alors la sanction sera l'octroi de D/I ; si par contre l'éviction partielle est d'une gravité telle que l'acheteur n'aurait pas acheté le bien s'il l'avait connue, la sanction sera alors la résolution de la vente (art. 1636), avec D/I éventuels.

Attention : le code, à l'art. 1636 parle de résiliation. Il s'agit pourtant d'une résolution, et non d'une résiliation ! Différence ? La résolution est une sanction d'un manquement contractuel ; la résiliation

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est la décision d'une partie de mettre fin au contrat pour convenance personnelle.

3. Les clauses contrairesLa garantie d'éviction du fait des tiers peut-elle faire l'objet de clauses contraires ?

Réponse : oui ! C'est ce qui ressort du code, à l'art. 1629 et 1630.

Ces clauses peuvent être de deux types.

a. Les clauses extensives de la garantie d'évictionCes clauses accordent à l'acheteur plus que ce que le code prévoit. On pourrait par exemple prévoir que le vendeur est garant de tous troubles, actuels ou futurs ; de droit ou de fait etc.

On pourrait également trouver des clauses pénales, ou résolutoires expresses : en cas d'éviction de l'acheteur, le vendeur devra à titre de D/I un montant de 10 000 € ; ou bien, en cas d'éviction de l'acheteur, il pourra résoudre le contrat sans devoir passer devant un juge.

b. les clauses restrictives ou exonératoires de garantieDans un contrat de vente, il pourrait être indiqué que le vendeur s'exonère de toute garantie du fait des tiers. Ou bien, le vendeur ne s'indique garant que de certains types de troubles de droit.

Ces clauses sont valables, sauf si le vendeur connaissait l'existence d'un trouble, et malgré tout s'est exonéré. C'est un cas de dol et la clause n'est alors plus valable.

c. Incidence de la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur

La loi du 6 avril 2010, qui reprend en son art. 74 la liste noire des clauses abusives, ne vise pas les clauses exonératoires ou limitatives de la garantie d'éviction, dans son art. 74 De telles clauses ne sont donc pas abusives ! Toutefois, l'art. 2.28 indique que si la clause crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de l'entreprise et du consommateur, elle est alors abusives. Reste à voir si la clause en question rentre dans cette définition.

Si le vendeur a prévu une clause de non garantie, et voilà que par la suite, l'acheteur est évincé par un tiers, quelle est la portée de la clause de non garantie ? L'art. 1629 répond à cette question. « Dans le cas d'une stipulation de non garantie, le vendeur, en cas d'éviction, est tenu à la restitution du prix. » L'acheteur ne pourra donc pas réclamer de D/I au vendeur, mais pourra à tout le moins réclamer la restitution. « A moins que l'acquéreur n'ait connu, lors de la vente, le danger de l'éviction, ou qu'il n'ait acheté à ses risques et périls ». Deux exceptions donc : si le vendeur connaissait le risque d'éviction, il ne peut plus réclamer le prix ; ou alors, il a acheté à ses risques et périls.

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Questions relatives au contrat de vente (tuyau)

Chapitre 5. Les autres effets du contrat de vente – obligations de l'acheteur

On trouve dans le code des textes relatifs à ces obligations : ce sont les art. 1650 à 1657.

Son obligation principale est bien entendu de payer le prix. Ce prix doit, en principe, être payé à l'endroit de la délivrance. On peut parfaitement prévoir le contraire.

L'acheteur peut être tenu de payer des intérêts (art. 1652).

Un mot à présent sur les sanctions. Que se passe-t-il si l'acheteur ne paye pas le prix ? Quid donc en cas de défaut de payement du prix ? On applique largement le droit commun des obligations.

Le premier droit du vendeur est le droit à l'exécution en nature, c'est-à-dire une action en payement du prix ! Cette condamnation pourra être assortie d'intérêts moratoires de retard, à compter de la mise en demeure (art. 1153). Le vendeur bénéficie dans cette hypothèse d'un privilège spécial sur meubles ou sur immeubles. Si c'est un privilège spécial sur meuble, l'art. 20, 5° de la loi hypothécaire le prévoit ; si c'est un privilège spécial sur immeuble, il est prévu par l'art. 27 de la loi hypothécaire. De quoi s'agit-il ? En deux mots, le vendeur est un créancier privilégié et non chirographaire. Donc, si le vendeur entre en concours avec d'autres créanciers, le produit de la vente des biens de son débiteur devra être affecté en priorité au vendeur.

Deuxième droit du vendeur : nous sommes dans un contrat synallagmatique ! Donc, les sanctions propres au contrat synallagmatique peuvent s'appliquer. Le vendeur peut soulever l'exception d'inexécution (non adimpleti contractus : art. 1616 et 1613 C. civ.). Par ailleurs, nous sommes dans un contrat synallagmatique, donc le vendeur peut réclamer la résolution judiciaire du contrat. Le contrat de vente pourra être résolu : art. 1654.

Si la vente était assortie d'une clause de réserve de propriété, le vendeur a une action en revendication : vous ne m'avez pas payé le prix, j'exerce alors mon action en revendication de manière à récupérer mon bien.

Enfin, on a toutes les sanctions contractuelles, que les parties peuvent prévoir dans les conditions générales du contrat. Elles peuvent prévoir des clauses pénales ; des clauses résolutoires expresses...

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Deux mots encore sur les obligations de l'acheteur.

Outre l'obligation de payer le prix, l'acheteur doit payer les frais de la vente (art. 1593). « Les frais d'acte et autres accessoires à la vente sont à la charge de l'acheteur » : l'acheteur paye les droits d'enregistrement par exemple. Sauf clauses contraires ! Car les parties peuvent décider de mettre les frais à charge du vendeur.

Enfin, l'acheteur a l'obligation de retirer la chose ! Que se passe-t-il si l'acheteur ne vient pas retirer ce qu'il a acheté ? C'est une obligation comme une autre : elle peut donc faire l'objet d'une exécution en nature. Cette condamnation peut éventuellement se faire sous astreinte. On a en plus une sanction particulière, à l'art. 1657 : c'est une hypothèse de résolution unilatérale. « en matière de vente de denrées et effets immobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation au profit du vendeur après l'expiration du terme convenu pour le retirement ».

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Partie II. Les contrats de service

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Les contrats de service est un terme qui n'apparait comme tel dans le code civil. C'est une qualification doctrinale.

Les contrats de service peuvent être de deux types. On a d'abord les contrats de service à titre gratuit ; viennent ensuite les contrats de service à titre onéreux.

Dans les contrats à titre gratuit, une personne s'engage contractuellement à fournir un service avec son co-contractant sans exiger en retour de rémunération. Mandat à titre gratuit ; comodat (ortho) ; dépôt à titre gratuit...

Les contrats de service à titre onéreux sont eux nombreux. On traitera de trois d'entre eux.

D'abord le contrat de mandat à titre onéreux, par lequel le mandataire accepte de représenter la personne à titre onéreux. Le service est ici l'accomplissement d'un acte juridique en notre nom et pour notre cause.

On trouve ensuite le contrat d'entreprise. Le prestataire de service est un entrepreneur, qui s'engage à une prestation matérielle ou intellectuelle (dentiste, constructeur, chirurgien).

On a ensuite le contrat de dépôt à titre onéreux. On dépose du mobilier dans les entrepôts d'un garde meuble. On descend à l'hôtel, et on y laisse des bagages.

Il est possible qu'en pratique, le contrat soit un mixte, un mélange de plusieurs de ces figures contractuelles. Dans certains contrats, le prestataire de service est chargé à la fois d'un mandat, d'un contrat d'entreprise et de dépôt.Ex : l'avocat : on lui demande de défendre nos intérêts. Il va faire des recherches, rédiger des conclusions, ira déposer ses conclusions au tribunal, nous y défendra. On a donc conclu un contrat de mandat et un contrat d'entreprise. On a donc un contrat mixte.

Ex 2 : l'agent immobilier : par certains côtés, il est mandataire. Par d'autres, il est entrepreneur. Lorsqu'un propriétaire de voiture dépose sa voiture au garage pour entretien, le garagiste a un contrat d'entreprise mais aussi de dépôt.

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Titre 1. Le contrat de mandatChapitre 1. Notions généralesSection 1. Définition Le premier réflexe du juriste est de se tourner vers le code, afin de voir s'il ne définit pas le mandat. L'art. 1984 nous donne une définition. Est-elle bonne pour autant ? Non ! Cette définition est défectueuse. « Le mandat ou la procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandat ou à son nom ». Défectueuse ? Pourquoi ? D'abord parce qu'on ne distingue pas mandat et procuration, alors qu'il y a pourtant lieu à le faire. La procuration est le preuve écrite du mandat.

Ensuite, parce qu'on indique que le mandat est un « acte ». Ce terme est inapproprié car trop vague, ambigu. C'est un contrat !

Enfin, on parle de « faire quelque chose ». C'est un terme vague ! En réalité, le mandataire a pour mission d'accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant.

Donc, si l'on devait ré-écrire l'art. 1984, on devrait dire que le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne pouvoir à une autre personne, le mandataire, d'accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant.

Le mandat est une figure fréquente en pratique ! Ex : agence immobilière ; représentation à une assemblée générale ; huissier de justice qui assigne en justice en notre nom ; gérant de fortune ...On trouve du reste des professionnels du mandat : l'huissier de justice, l'agent immobilier, l'avocat...

Les missions de l'avocat sont diversifiées : on peut charger un avocat d'étudier une question (dois-je introduire une action en justice ?), auquel cas l'avocat établit un dossier, agissant comme entrepreneur ; on peut lui demander d'introduire une action en justice contre notre voisin, auquel cas l'avocat rédige ses conclusions, et va les déposer au tribunal. En déposant ses conclusions, l'avocat agit au nom et pour le compte de son client : il agit alors en tant que mandataire. Lorsqu'il devra défendre le client devant le juge, l'avocat va plaider ! Ce n'est pas un acte juridique, c'est une prestation matérielle !

Il se peut que le client soit déçu et demande à l'avocat d'interjeter appel ! Ce faisant, l'avocat agit en tant que mandataire ! On voit donc qu'une même personne peut tantôt être mandataire, tantôt entrepreneur. C'est la même chose de l'agent immobilier.

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Section 2. ApplicationsQuelles sont les missions qui peuvent lui être confiées ? S'il s'occupe de la vente (visiter les lieux, apposer des affiches..), il agit alors comme prestataire. Il peut aussi se charger de signer le compromis de vente, auquel cas l'agent immobilier accomplit un acte juridique, agissant dès lors comme un mandataire.

Dans la figure du mandat, on a cette particularité que le mandat est nécessairement orienté vers un tiers contractant. Quand on conclut un contrat avec un dentiste (contrat d'entreprise), c'est un contrant entre lui et et moi !Le mandat présente lui la particularité d'amener le mandataire à traiter avec une tierce personne. Il sera le représentant du mandant, avec comme conséquences que si le mandataire déclare agir au nom et pour le compte du mandant, le contrat de vente (par exemple) se conclura entre le mandant et le tiers contractant ; le mandataire n'est qu'un simple intermédiaire.

Chapitre 2. Conditions de formation, caractéristiques et preuve du contrat de mandat

Section 1. Les conditions de formation du contrat de mandat

§1. Consentement Que faut-il pour qu'un contrat de mandat soit valablement formé ? Le mandat est en principe un contrat consensuel. Il nait donc du seul échange des consentements entre le mandant et le mandataire. L'écrit n'est donc en principe pas nécessaire.

Le contrat de mandat doit avoir un objet.

§2. Objet du contrat et étendue du mandat Le mandat a nécessairement pour objet l'accomplissement d'actes juridiques, au nom et pour le compte d'autrui. En principe, tous les actes juridiques peuvent être accomplis par voie de représentation, par un mandataire.On peut ainsi voter par procuration !

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Un acte juridique unilatéral peut tout aussi bien être accompli par voie de représentation. Ex : je charge mon avocat ou un huissier de mettre en demeure mon débiteur qui ne paye pas ses dettes.

Quelques actes sont à ce point personnels qu'ils ne peuvent pas être accomplis par voie de mandat. Ainsi en va-t-il du mariage ! Autrefois, on pourrait se marier par procuration. De la même manière, le testament est un acte tout à fait personnel. La signature est soumise au même régime : on ne peut donner mandat à quelqu'un d'imiter notre signature ! En dehors de ces quelques cas exceptionnels, tous les actes juridiques peuvent être accomplis par voie de représentation.

Les textes 1987 et 1988 sont eux mal rédigés. Quand on se demande quel est l'objet du mandat, on tombe sur les distinctions que proposent le code. Art. 1987 : « Le mandat est soit spécial, soit général » ; art. 1988 « il est soit exprès, soit conçu en termes généraux ».

Voilà des distinctions qui ont été à l'origine de nombreuses discussions.

A. Mandat général et mandat spécial – le champ d'application extrinsèque

Le mandat est soit spécial soit général. On vise par là le champ d'application extrinsèque du mandat, c'est-à-dire quelles sont les affaires pour lesquelles le mandant a choisi un mandataire ? Si le mandant confie au mandataire toutes ses affaires, le mandat est général. Si par contre, le mandant confie au mandataire une affaire, ou certaines de ses affaires, le mandat est alors spécial.

Par le mandat général, le mandat confie au mandataire toutes ses affaires. C'est l'hypothèse dans laquelle une personne quitte le territoire belge, et demande à son mandataire de s'occuper de tout : comptes en banque, gestion du patrimoine immobilier, créances et dettes etc.

Il se peut à l'inverse que le contrat soit spécial.

Cette distinction ne présente pas beaucoup d'intérêt : le mandat général est rarissime, voire impossible. Dans l'exemple de la personne qui quitte le territoire belge, peut-on dire qu'elle demande au mandataire de s'occuper de tout ? Non, car en s'installant à l'étranger, le mandant va lui-même accomplir des actes... Le mandat général reste donc un mandat spécial.

B. Mandat conçu en termes généraux et mandat exprès – le champ d'application intrinsèque

On a ensuite le champ d'application intrinsèque, prévu à l'art. 1988.On a déterminé quelles sont les affaires dont le mandataire peut s'occuper. Reste à savoir quels sont les actes juridiques que le mandataire peut accomplir à propos de ces affaires ? Ex : gérez mes immeubles. Que peut faire le mandataire ? Les vendre ? Les hypothéquer ? Le code nous dit « si le mandat est conçu en termes généraux, le mandataire ne peut accomplir que des actes d'administration ». Qu'est-ce qu'un mandat conçu en termes généraux ? C'est l'hypothèse dans laquelle le mandant demande qu'on s'occupe de telle ou telle affaire, sans entrer dans les détails. Dans ce cas, le mandataire ne peut accomplir que des actes d'administration, pas de disposition !

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Si le mandant veut permettre au mandataire d'accomplir des actes de disposition, il doit donner un mandat exprès : le mandant doit avoir indiqué quels sont les actes de disposition que le mandataire pourra accomplir (vendre, hypothéquer etc.).

Quelle est l'importance de la question ? C'est la détermination des pouvoirs du mandataire !

Ces distinctions peuvent se combiner : un mandat peut être spécial, tout en étant conçu en termes généraux : ex : je vous donne mandat pour gérer mes comptes bancaires. C'est un mandat spécial, mais conçu en termes généraux. On peut avoir un mandat spécial en terme exprès : je vous donne mandat de vendre cet immeuble.

La détermination du champ d'application extrinsèque et intrinsèque permet de déterminer les pouvoirs du mandataire ! Aussi longtemps que le mandataire demeure dans les limites de ses pouvoirs, la représentation pourra jouer. Les actes juridiques accomplis par le mandataire dans le cadre de ses pouvoirs lie donc le mandant envers le tiers contractant.

Par contre, si le mandataire dépasse les limites de ses pouvoirs, le mandant n'est pas lié par les actes !

§3. La capacité du mandataire Si l'on traite avec un incapable, un mineur d'âge, un dément (en gros, un incapable), l'acte sera entaché d'une cause de nullité. On pourra alors agir en justice pour obtenir la rescision ou l'annulation de l'acte.

En matière de mandat, l'art. 1990 constitue une disposition particulière. Ex : une personne est propriétaire d'un immeuble. Le mandant, pour pouvoir conclure un contrat de mandat, doit avoir la capacité contractuelle. Il faut donc pour le mandant une pleine capacité contractuelle.

Par contre, pour le mandataire, le représentant, le législateur se montre plus tolérant : art. 1990 « les mineurs émancipés peuvent être choisis comme mandataire ». La jurisprudence étend cette règle à d'autres incapables : le prodigue etc.

On peut donc valablement donner mandat à un incapable. Comment explique-t-on cela ? Tout simplement par le fait que le rôle du mandataire est simplement d'être un intermédiaire ! Lorsque ce mandataire aura trouvé un tiers contractant, il disparaitra de la circulation. Le contrat de vente ou de location par exemple, déploiera tous ses effets entre le mandant et le tiers contractant.

On voit donc que le fait que le mandataire soit incapable n'a aucune incidence sur la validité du contrat de vente ou de location. Cela étant, ce n'est peut-être pas très intelligent de conférer un mandat à un incapable : ce dernier va devoir défendre nos intérêts ! Il est possible que la vente (par exemple) ne soit pas conclue aux meilleures conditions ! Et cette vente sera bien valable !

Des raisons d'ordre juridique devraient aussi inciter à ne pas donner mandat à un incapable : art.

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1990 « Les mineurs émancipés peuvent être choisis comme mandataire, mais le mandant n'a d'action contre le mandataire que d'après les règles générales relatives aux obligations des mineurs ».

On a confié un mandat à un mineur d'âge. On estime que l'immeuble a été vendu à des conditions défavorables : 250 000 € alors qu'on aurait pu en obtenir le double ! La vente ne peut plus être remise en question !

On va peut-être songer à agir contre le mandataire et reprocher une faute de gestion au mandataire. On met alors en route la responsabilité contractuelle, notamment pour obtenir des D/I.

Mais l'art. 1990 indique que le mandataire peut se prévaloir des règles de l'incapacité pour échapper à une éventuelle condamnation à des D/I ! Voilà donc une seconde raison qui devrait inciter à ne pas conférer un mandat à un incapable.

Le texte de l'art. 1990 est rédigé en termes généraux : on pourrait a priori donner mandat à un enfant de 10 ans ! Peut-on même donner mandat à une personne qui n'a pas encore la capacité de discernement ? Ex : un enfant en bas âge, ou un dément profond. La réponse est non ! Il faut à tout le moins que le mandataire ait un minimum de capacité de discernement.

Section 2. Caractéristiques du contrat de mandat

§1. Un contrat consensuel

§2. Contrat intuitu personaeOn choisit avec soin la personne de notre mandataire. Ce caractère intuitu personae a des conséquences. Ainsi par exemple, le mandat prend fin au décès des mandataires ; ou par la faillite des mandataires.

§3. Contrat à titre gratuitC'est du moins ce qui ressort de l'article 1986. « Le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ». Voilà un texte qui s'inspire directement de la tradition romaine.

Le code civil de 1804 consacre cette tradition, en modifiant toutefois quelques données. Le contrat est alors dit gratuit non plus par essence, mais par nature.

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Si le mandat est par essence gratuit, on ne peut envisager une rémunération. Par contre, lorsque des juristes disent que tel contrat est gratuit par nature, on veut laisser entendre qu'il est possible de prévoir des exceptions. C'est ce que nous dit l'art. 1986 « le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire ».

Il y ici une formidable évolution : en 1804, la plupart du temps, le mandat était gratuit. A l'heure actuelle, ce n'est plus le cas du tout ! De nombreux professionnels ont des activités de mandataire : l'avocat lorsqu'il dépose des conclusions ; l'huissier de justice ; l'agent immobilier etc.

Pourtant, l'art. 1986 est toujours là ! La pratique a donc tendance à ériger le mandat onéreux en règle, mais le code lui part toujours du postulat inverse.

La jurisprudence s'est fondée sur l'art. 1986 pour admettre la réductibilité du salaire du mandataire, notamment la réductibilité des honoraires des agents immobiliers. On aura l'occasion de revenir sur ce point.

Cette gratuité du mandat explique aussi une autre règle du code civil : celle de l'art. 1992 al. 2, qui traite de la responsabilité du mandataire. Que se passe-t-il lorsque le mandataire a commis une faute de gestion (oubli d'un délai, négligence etc), qui peut éventuellement avoir causé un dommage ?

Le mandant peut demander réparation : c'est la responsabilité contractuelle du mandataire pour ses fautes de gestion. Le principe est de savoir si le mandataire s'est écarté du comportement qu'aurait eu un bon mandataire normalement diligent et prudent.

S'il y a faute, et qu'il y a dommage, le dommage devra être intégralement réparé ! Tout le dommage causé par la faute doit donc être réparé. L'art. 1992 al. 2 apporte là un tempérament « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion ; néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».

On peut deviner les controverses qui se sont développées en pratique. Que signifie « moins rigoureusement » ? Il y a bien 5 interprétations différentes de ces termes. Certains considèrent que le juge a un pouvoir modérateur (octroyer la moitié de la somme réclamée par exemple) ; d'autres, et c'est là la solution suivie en droit belge, estiment que l'appréciation moins rigoureuse doit porter sur le comportement du mandataire ! On va donc se demander comment un mandataire bénévole, normalement soigneux et diligent, aurait-il défendu les intérêts du mandant.

Dans cette interprétation, on arrive à une conclusion radicale : c'est tout ou rien ! Si on considère qu'un mandataire bénévole normalement soigneux et diligent aurait joué la combinaison qui aurait été indiquée par le mandant (pour le lotto), auquel cas il est condamné à l'intégralité des D/I ; ou on considère qu'il a agit en bon père de famille, auquel cas il n'est pas condamné du tout !

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Section 3. La preuve du contrat de mandat

C'est une question délicate. Elle va nous amener à distinguer les rapports entre mandants et mandataires et les rapports avec les tiers.

Le mandat à cette particularité d'amener le mandataire à traiter avec un tiers contractant.

§1. La preuve du contrat inter paresOn a des hypothèses dans lesquelles le mandataire peut contester avoir reçu un mandat. Ex : combinaison du lotto qu'il faut jouer pour quelqu'un. Pour se débarrasser du problème, on va tenter de dire qu'on était pas mandataire. Ex 2 : on fait appel à un avocat. On lui dit qu'on souhaiterait qu'il introduise un recours en annulation contre un acte administratif. L'avocat oublie et on ne reçoit aucune nouvelle. L'avocat nie avoir reçu la personne.

Il faudra, pour obtenir des D/I, prouver qu'il y a bien un mandat !

Ou bien, c'est le mandataire qui aimerait être rémunéré pour son travail ! Ce sera alors à lui à prouver l'existence du contrat de mandat.

A. Principe : nécessité d'un écritComment fait-on la preuve du contrat de mandat entre les parties ? On fait application du droit commun : art. 1341. Dès que l'acte dépasse 375€, il faut un écrit (acte sous seing privé en pratique). Si le mandat est un mandat à titre onéreux, il faut en plus satisfaire à la formalité du double prévue à l'art. 1325.

B. Formalisme particulier On peut toujours prouver le mandat par aveu, serment. On oublie pas non plus la possibilité d'un éventuel commencement de preuve par écrit ; enfin, l'art. 1348 ne doit pas non plus être laissé de côté : c'est l'impossibilité de produire un écrit.

La preuve par toute de voie de droit est recevable en cas d'impossibilité de produire un écrit.

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C. Pratique du mandat conféré par procuration sous seing privé

Peut-on faire la preuve du mandat par procuration ? C'est un écrit dans lequel le mandataire justifie de son pouvoir à l'égard des tiers. Ce document permet-il de faire la preuve du contrat entre mandant et mandataire ? Ex : je dois recevoir d'un de mes débiteurs 10 000 €. Le débiteur doit venir me payer de la main à la main, mais je suis à l'étranger. Je charge un mandataire de recevoir ces 10 000, en indiquant « par la présente, je donne procuration à Tartenpion d'encaisser les 10 000 € que le débiteur me doit ». Cette procuration fait-elle la preuve du mandat entre mandant et mandataire ? Non ! Cette procuration est destinée aux tiers contractants !

Lorsque le débiteur vient payer ses 10 000 €, il va les payer à Tartenpion, parce que dernier produit une procuration. Que va faire le débiteur ? Il va dire : remettez-moi la procuration ! Il me servira de preuve de payement !

La procuration est donc destinée au tiers. Normalement, le mandataire va la remettre au tiers ! Si on donne mandat par simple procuration, cela ne suffit pas, car le mandataire n'a plus d'écrit.

En pratique, il faut donc établir deux documents distincts : d'une part une procuration remise au mandataire, que ce dernier remettra au tiers contractant ; d'autre part, un écrit (ou deux pour la formalité du double) déterminant la rémunération, les pouvoirs etc.

§2. La preuve du mandat et les tiers : la forme de la procuration

Deux questions peuvent ici se poser.

A. Il se peut tout d'abord qu'un tiers cherche à faire la preuve du mandat.

Ex 1 : Le tiers est un débiteur, qui doit 10 000 € à Primus. Primus n'a pas encaissé personnellement les 10 000 € : il a chargé un mandataire d'encaisser cette somme : Secundus. Le débiteur paye les 10 000 € entre les mains de Secundus. Le débiteur, pour pouvoir se prétendre libéré, devra prouver qu'il a bien traité avec un mandataire du créancier. S'il peut prouver l'existence du mandat, le débiteur est libéré définitivement de la dette.

Ex 2, tiré de la jp : On a un bail de résidence principale. On a donc un bailleur propriétaire et un locataire. Nous verrons que ce bail de résidence principale a en principe une durée de 9 ans. Mais le bailleur, tout comme le locataire, a la possibilité de donner un congé, de résilier anticipativement le bail, pour des motifs énoncés à l'art. 3 de la loi : occuper personnellement les lieux ; faire des travaux importants ; résilier sans motifs, mais en payant une indemnité.

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Il faut évidemment que le bailleur notifie au locataire le congé. Au locataire, ou à son mandataire (avocat ou notaire du locataire). Supposons que le bailleur notifie le congé au notaire du locataire, ou à son avocat. Pour que le congé soit valable, il faudra ici aussi que le bailleur tiers par rapport au contrat de mandat, prouver que le locataire a bien donné mandat à son notaire / avocat.

Comment faire la preuve du mandat lorsqu'on est tiers ? La réponse est simple : puisqu'on est tiers par rapport au contrat de mandat, on peut faire cette preuve par toute voie de droit : témoignages, présomptions...ou écrit ! Et cet écrit est cette fois la procuration. Cette procuration peut être rédigée comme on l'entend. Elle devra être signée par le mandat. Pour le reste, il n'y a pas de formes imposées. La mention « bon pour pouvoir » n'est pas prescrite par la loi.

On peut également faire une procuration en blanc ! On laisse alors certaines rubriques en blanc : je donne procuration à ........................... de me représenter au prochain conseil facultaire. Il suffira d'indiquer un nom ! Ou bien : je donne procuration à Tartenpion d'accomplir ...................................................................... en mon nom et pour mon compte.

La procuration est la plupart du temps écrite (mais elle pourrait être verbale, ce qui n'est pas prudent). Mais on peut également avoir une procuration notariée ! Le notaire établit alors un acte notarié de procuration. Dans certaines hypothèses, on doit passer par devant notaire : l'hypothèque. C'est là un contrat solennel (acte notarié). Mais on peut se faire représenter chez le notaire, par un mandataire. Dans ce cas, ce mandataire doit avoir une procuration notariée (art. 76 de la loi hypothécaire : la procuration destinée à constituer une hypothèque doit être notariée).

On trouve aussi le formalisme d'opposabilité des mutations immobilières. La transcription à la conservation des hypothèques notamment ! On verra que le conservateur des hypothèques ne peut recevoir que des actes authentiques ; s'il y a procuration, le conservateur des hypothèques ne pourrait recevoir que des procurations authentiques.

B. Contestation de l'existence du contrat par le tiersHypothèse : Le chef du personnel a licencié un des travailleurs, pour motif grave. Puis, ce travailleur salarié conteste le licenciement, en indiquant que seul peut le licencier son employeur (à savoir la société). L'employé considère que le chef du personnel n'était pas compétent, puisqu'il n'était pas mandataire. Son licenciement n'étant pas régulier, il pourrait demander des indemnités !

La Cour de Cassation considère de manière constante que le tiers ne peut pas contester l'existence du mandat lorsque, tant le mandat que le mandataire affirment qu'il y a bien mandat.

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Chapitre 3. Obligations et responsabilité du mantaire

Section 1. Les obligations du mandataire A quoi s'engage-t-on lorsque l'on est mandataire ?

On trouve dans le code civil des dispositions toujours alertes : ce sont les art. 1991 à 1994. La doctrine moderne a su tirer de ces textes toute leur potentialité.

Il nous faut envisager différents cas de figure.

§1. L'exécution personnelle du mandat par le mandataire

Quelles sont les obligations du mandataire dans cette hypothèse ?

La doctrine distingue ici, au départ du code, deux grandes obligations. Cette conception découle de la thèse de Philippe Petel.

Tous les mandats, aussi sophistiqués soient-ils, reposent sur ces deux obligations.

A. Accomplir le mandat sans fauteLa première est d'accomplir le mandat sans faute.

1. Article 1991 et 1992 : le siège de la matièreCette première obligation se dégage des art. 1991 et 1992. 1991 : « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé et répond.... »1992 : « Le mandataire répond non seulement du dol, mais aussi... ».

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2. Respecter les instructions données par le mandataireAccomplir le mandat sans faute signifie respecter les instructions ! Le mandataire doit donc être docile, obéissant. Cela signifie d'abord faire tout ce qui a été promis ! Cela veut également dire respecter les instructions qui ont été remises quant aux modes d'exécution du mandat (ex : allez défendre mes intérêts dans tel pays ; vous y voyagerez en train ; vous logerez là etc.). Un tel mandat, dont les instructions doivent être respectées quant au mode d'exécution du mandat, est un mandat dit « impératif ».

Il se peut aussi que le mandataire n'ait pas donné d'instruction précise quant au mode d'exécution du mandat. On parle alors d'un mandat « facultatif ». Dans ce cas, le mandataire doit agir conformément aux intérêts du mandant, comme l'aurait fait un bon père de famille.

Voilà encore un terme malheureux : facultatif ! C'est malheureux, car le mandataire doit accomplir sa mission ! Si le mandat est dit facultatif, c'est quant à la manière d'accomplir sa mission. Le mandat facultatif est donc bien obligatoire.

Le mandataire ne peut pas aller au-delà des affaires qui lui ont été confiées. Il doit donc respecter les instructions quant aux affaires et quant aux actes juridiques pour lesquelles il a reçu un pouvoir.

3. Faire preuve de diligenceAccomplir le mandat sans faute signifie également faire preuve de diligence ! Le mandataire doit non seulement être obéissant, il doit aussi être diligent, c'est-à-dire se comporter comme le ferait un bon mandataire normalement prudent et diligent. La diligence s'accompagne parfois d'un devoir de persévérance. C'est ce que nous dit l'art. 1991 al. 2. « Il est tenu de même d'achever la chose commencée au décès du mandant s'il y a péril en la demeure ». Si le mandant vient à décéder, cela sonne en principe la fin du mandat. Le décès du mandant est donc une cause dissolution de plein droit du mandat.Mais le mandataire ne peut se désintéresser complètement de la chose ! S'il y a péril en la demeure, le mandataire doit achever son travail.

4. Le devoir de loyautéLe troisième devoir qui résulte de l'obligation d'accomplir le mandat sans faute est le devoir de loyauté. Ce devoir de loyauté prend une coloration particulière dans le contrat de mandat, qui est intuitu personae. La loyauté a ici 4 incidences !

a. Devoir de transparence Le mandataire doit annoncer la couleur au tiers contractant. Il doit révéler au tiers contractant sa qualité de mandataire. Il a un devoir de transparence.

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b. Obligation de respecter la finalité de la représentationC'est également l'interdiction de tout détournement de pouvoir. Il est interdit au mandataire de détourner ses pouvoirs de leur finalité. Il ne peut pas utiliser ses pouvoirs à des fins autres que celles pour lesquelles ses pouvoirs lui ont été conférés. Si le mandataire utilise les pouvoirs qui lui ont été conférés dans son intérêt personnel, ou bien dans l'intérêt du tiers, on dira que ce mandataire détourne les pouvoirs de leur finalité.

Ex : je suis propriétaire d'un immeuble. Je charge une agence immobilière de le vendre, sans indiquer de prix ; au mieux de mes intérêts donc. Supposons que l'agence immobilière vende l'immeuble à des connaissances, à un prix d'ami. Dans ce cas, le mandant, s'il peut démontrer l'existence du détournement de pouvoir, aura droit à faire valoir des sanctions.Quelles sont ces sanctions ? Le mandant peut :– Réclamer des D/I en mettant en cause la responsabilité contractuelle.– Remettre en cause le contrat passé entre le mandataire et le tiers. Est-ce possible ? Oui,

sur base de l'art. 1382. Si on peut démontrer que le tiers était de mauvaise foi, complice, on pourra obtenir la remise en cause, l'annulation, l'inopposabilité de ce contrat.

c. Interdiction de la contrepartieUn bon mandataire doit s'interdire d'être contrepartiste. C'est l'interdiction de la contrepartie. On ne peut pas se porter acquéreur d'un immeuble qu'on a été chargé de vendre. L'art. 1596 du code civil interdit au mandataire qui est chargé de vendre un bien de se porter personnellement acquéreur. S'il le fait malgré tout, la vente sera entachée d'une cause de nullité relative. Le mandant pourra demander la nullité de cette vente.

d. Interdiction du mandat doubleLorsque l'on est mandataire, la loyauté nous empêche de conclure un mandat double. Il est interdit au mandataire d'être le représentant de personnes dont les intérêts sont contradictoires. Il ne peut pas intervenir au nom et pour le compte de deux mandants dont les intérêts sont antagonistes.Ex : une agence immobilière a reçu de Primus un mandat de vendre un immeuble ; cette même agence a reçu de Secundus, un mandat d'acheter un immeuble. Dans cette hypothèse, l'agent immobilier ne pourrait conclure une vente entre Primus et Secundus. C'est en principe interdit : le mandataire est confronté à des intérêts contradictoires. Sauf évidemment accord des deux parties ! Si les deux mandants sont d'accord pour qu'une telle opération soit conclue, l'opération sera parfaitement valide !

B. Obligation de rendre compteLa seconde obligation est de rendre compte de sa mission.

L'art. 1993 indique : « tout mandataire doit rendre compte de sa gestion, et faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il n'eût point été du au mandant ».

De là se dégagent trois devoirs.

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1. Obligation d'informationLe premier devoir est d'informer le mandant de ce qu'on a déjà accompli, des démarches entreprises, du déroulement de la mission. Ce devoir d'information peut être spontané, ou n'intervenir qu'à la demande du mandant. Dans certaines hypothèses, le mandataire doit donc spontanément informer le mandataire du déroulement des opérations.

C'est le cas lorsque ce mandataire est confronté à ce qu'on appelle un « fait majeur ». ex : j'ai chargé une personne d'aller conclure une opération de vente à l'étranger. Le mandataire est confronté à des troubles, des émeutes dans la ville. Il doit m'en informer au plus vite, pour me permettre de prendre d'autres dispositions !

S'il n'y a pas de fait majeur, le mandataire ne doit pas fournir spontanément d'information. Tout se passe bien. Il devra toutefois le faire à la demande du mandant.

2. Obligation de reddition de compteLe second devoir est le suivant.

Lorsqu'on arrive à la fin de la mission (parce que la mission est achevée, ou par le décès du mandant), il faudra rendre compte, c'est-à-dire produire un compte de gestion au mandant. Ce compte de gestion doit être franc et loyal !

Que veut-on entendre par franc et loyal ? Il faut indiquer toutes les opérations accomplies par le mandataire : ventes, achats, emprunts etc.

Pourquoi doit-il être franc et loyal ? Parce que ce compte permettra au mandant de voir s'il accorde ou non à son mandataire la décharge. S'il y a décharge, les mandataires ne seront pas considérés comme responsables : ils ont donné entière satisfaction.

Que trouve-t-on dans le compte de gestion ? Traditionnellement, le compte de gestion se présente sous la forme d'un tableau à deux colonnes : l'une est consacrée aux dépenses ; l'autre aux recettes. Les recettes représentent ce que le mandant doit recevoir, mais plus encore ! Tout ce que le mandataire a reçu doit figurer dans les recettes, même des sommes éventuellement indues ! Le mandataire doit remettre une telle somme indue au mandant ! Même les éventuels pots de vin et dessous de table !

Au chapitre des dépenses, l'on trouve ce à quoi le mandataire a droit : éventuellement un salaire ; le remboursement de certaines dépenses...

Il restera alors à établir un solde, débiteur ou créditeur.

Si le solde est créditeur (recettes > que les dépenses), le mandataire doit évidemment verser ce solde.

Définissez le mandat impératif et facultatif.

Hypothèse de la substitution du mandataire ?

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C. Notion et licéité de la substitution du mandataireLe mandataire s'adresse ici à un mandataire substitué. Nous en arrivons donc à l'hypothèse de la substitution de mandataire.

1. Définition de la substitution du mandataireOn a un seul texte dans le code civil qui traite de la question : c'est l'art. 1994. Il s'agit tout simplement de l'opération par laquelle le mandataire transmet ses pouvoirs de représentation à autrui. Cet autrui s'appelle le mandataire substitué, donc le remplaçant.

La substitution de mandataire n'est rien d'autre en définitive que l'ajout d'un maillon dans la chaîne des représentants. Le mandataire se décharge de son pouvoir de représentation en le confiant à un mandataire substitué. C'est ce mandataire qui va traiter avec le tiers contractant. En pratique, on a des situations plus compliquées : des hypothèses dans lesquelles le mandataire substitué se substitue aussi !

C'est une hypothèse fréquente en pratique.Ex : un client s'adresse à un avocat. Ce dernier doit accomplir une série d'actes juridiques, tel que se constituer partie civile ; introduite une citation en justice ; demander la remise de l'affaire... Il n'est pas rare que l'avocat se fasse remplacer par un confrère ! C'est bien là une substitution de mandataire.

Ex 2 : le virement bancaire. On a un donneur d'ordre (celui qui donne un ordre de virement à sa banque) et le bénéficiaire (qui verra son compte crédité). Le compte bénéficiaire se trouve chez BNP, alors que le compte du donneur d'ordre se trouve chez ING. On donne une instruction de payement à ING : mandat d'effectuer un payement. ING n'a pas la maitrise du compte du bailleur : ING va donc transmettre l'ordre de virement à BNP, qui va créditer le compte de son client. Sur le plan juridique, en terme de droit civil, il s'agit là d'un mandat.

Ex 3 : on est membre d'une AG. Il y a une série de points sur lesquels il faut voter. On ne sait s'y rendre, et on donne donc mandat. Tartenpion lui-même prend un mandataire substitué.

2. Y a-t-il substitution de mandataire, lorsque le mandataire ne peut exécuter lui-même le mandat ?

Question : y a-t-il bien substitution dans l'hypothèse suivante : une personne s'adresse à son avocat pour introduire une action en justice. L'avocat va devoir s'adresser à un huissier de justice, qui citera à comparaitre le voisin. Comment faut-il analyser cette hypothèse ? On a longtemps eu la thèse dominante qui résonnait en terme de substitution de mandat : l'huissier était mandataire substitué. La Cour de cassation dans un arrêt décembre 1995 a condamné cette analyse. Pour la Cour, on ne saurait raisonner en terme de substitution de mandataire en l'hypothèse. Pourquoi ? Car la Cour indique que la substitution de mandataire suppose que le mandataire se décharge d'une mission qu'il aurait pu accomplir personnellement. Or, les huissiers de justice ont un monopole professionnel

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pour les citations en justice. On ne peut donc pas dire que le client avait donné mandat à l'avocat de citer le voisin. L'avocat n'avait pas cette possibilité de citer personnellement le voisin en justice. Il y avait donc un obstacle juridique à ce que l'avocat cite le voisin en justice. Comment faut-il dès lors analyser cette figure ?

Pour la Cour, le client donne mandat à son avocat : c'est le mandat qui a pour but de trouver un huissier de justice qui puisse citer à comparaitre. Il y a donc entre le client et l'avocat un mandat, dont l'objet est de trouver un huissier de justice. L'avocat va donc conclure, au nom et pour le compte de son client, un contrat entre le client et l'huissier de justice. Ce contrat est un autre mandat ! L'huissier de justice est engagé dans les liens d'un mandat entre le client et l'huissier de justice. L'huissier de justice n'est pas un mandataire substitué, c'est un mandataire tout court, du client ! Le client a donc deux mandataires.

3. Licéité de la substitution

Peut-on se substituer un mandataire ? La question est à première vue bizarre : le mandat est un contrat intuitu personae. Dès lors, c'est le débiteur qui doit s'exécuter ! En réalité, tout cela doit être nuancé : l'intuitu personae est une notion complexe. Il est toutefois parfois concevable de remplacer le débiteur !

L'art. 1994 indique : « le mandataire répond ce lui qu'il s'est substitué dans la gestion :1° : quand il n'a pas reçu le pouvoir de ce substituer quelqu'un2° : quand ce pouvoir lui a été.... »

Si on se livre à l'exégèse de l'alinéa 1, trois hypothèses apparaissent.

La première est l'hypothèse dans laquelle le mandataire a reçu l'autorisation de se substituer autrui. On donne un pouvoir de représentation à quelqu'un, et on indique que ce quelqu'un pourra se faire remplacer par autrui.

La seconde hypothèse est celle de la substitution interdite. On donne mandat à quelqu'un, et on indique qu'il n'est pas question de se faire substituer !

Enfin vient la troisième hypothèse, qui est la plus délicate : c'est l'hypothèse dans laquelle le mandat ne dit rien. La substitution n'a pas été autorisée expressément, ni interdite expressément. Certains auteurs considéraient que, le mandant étant intuitu personae, lorsque le mandat ne dit rien, il faut y voir une interdiction tacite, implicite, de la substitution.

Puis vient la seconde thèse, qui domine à l'heure actuelle et fut consacrée par la Cour de cassation en 2006. Selon cette thèse, le silence du mandat doit s'interpréter comme une autorisation tacite. Si les parties n'ont rien dit, ce silence doit s'interpréter comme une autorisation tacite, sauf s'il y avait un intuitu personae particulièrement marqué (ex : un grand chirurgien).

En définitive, contrairement à ce qu'Henri de Page écrit, il n'y a que deux hypothèses. Soit la substitution est autorisée, soit elle est interdite.

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D. Rapports juridiques nés de la substitution

1. Lorsque la substitution est autorisée

Quels sont les rapports à envisager ?

a. Rapports entre mandant et mandataire

La question est la suivante : le mandataire est-il contractuellement responsable des fautes du mandataire substitué ?

Nous avons vu qu'il existe un principe de responsabilité contractuelle du fait d'autrui : le patron répond des fautes de ses ouvriers.

Ce principe de la responsabilité contractuelle du fait d'autrui est écartée en matière de mandat ! Le mandataire ne répond en principe pas des fautes du mandataire substitué. C'est l'art. 1994 qui nous l'indique « le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion : quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un ; quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable ».

Ce texte envisage donc deux cas.

* La substitution autorisée avec indication du nom du substitutLe premier est l'hypothèse dans laquelle le mandant autorise la substitution, mais indique en plus le nom du mandataire substitué. Dans ce cas, le mandataire ne répond pas des fautes du mandataire substitué. Lorsque le nom a été indiqué par le mandant, le mandataire n'est donc pas contractuellement responsable des fautes de gestion. Cela vaut notamment dans l'exemple des virements bancaires.

La jurisprudence et la doctrine ont toutefois apporté un tempérament. Elles font peser sur le mandataire un devoir particulier de surveillance et d'assistance du mandataire substitué. Le mandataire reste le partenaire essentiel du mandant. En tant que tel, il ne peut pas se désintéresser complètement du mandat : il a un devoir de surveillance et d'assistance.

Il se pourrait que le mandataire voit sa responsabilité personnelle engagée si le mandant peut lui reprocher une mauvaise surveillance ou une mauvaise assistance du mandataire substitué. Il y aura donc une responsabilité personnelle pour défaut de surveillance / assistance. Restera alors à prouver ce défaut !

* La substitution autorisée sans indication par le mandant du nom du substitutDans la seconde hypothèse, la substitution est autorisée, mais sans que le nom du mandataire substitué soit indiqué ! Il y a donc responsabilité contractuelle du fait d'autrui, uniquement s'il y a une culpa in eligendo, une faute de choix. Cette faute est une faute particulièrement crasse, grossière. Le mandataire a choisi une personne qui est notoirement incapable et insolvable. Dans ce

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cas, le mandataire répondra des fautes de gestion du mandataire substitué.

Ici encore, la jurisprudence et doctrine ont apporté un tempérament : devoir de surveillance et d'assistance du mandataire envers le mandataire substitué. Le mandataire engagera alors sa responsabilité personnelle.

b. Rapports entre mandant et mandataire substitué

* Recours ouvert par l'art. 1994, alinéa 2, du Code civilLa réponse se trouve à l'art. 1994, al. 2. « Dans tous le cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est substitué ». Le mandant peut donc agir directement contre le mandataire substitué. On a donc un recours en responsabilité contractuelle contre le mandataire substitué. Le texte est clair à ce sujet.

Mais des questions se sont posées. « Agir directement contre le mandataire substitué » ? La doctrine s'est posé la question de savoir s'il y avait là un exemple d'action directe ? C'est la question suivante : on a un tiers à un contrat ; le tiers agit contre le débiteur de son débiteur, pour s'emparer de la créance de son débiteur, pour l'exercer contre le débiteur de son débiteur.

* Fondement de l'action rpévue par l'aricle 1994, alinéa 2La question s'est posée de savoir si l'art. 1994 al. 2 était un exemple d'action directe, telles qu'elles ont été construites.

Le mandant s'empare de la créance que le mandataire avait contre le mandataire substitué. C'est d'ailleurs ce que la Cour de cassation a décidé dans un arrêt de 1977 : elle considère que l'art. 1994 al. 2 est un exemple d'actions directes prévues par le législateur.

Cette thèse est à l'heure actuelle condamnée par la doctrine dominante. Comment explique-t-on le fait que le législateur ait utilisé l'expression « agir directement » ? Cette expression nous vient du contrat de mandat en droit romain. En droit romain, ce contrat de mandat donnait naissance à des actions : le mandant avait une action contre le mandataire ; le mandataire pouvait aussi exercer une action contre le mandant (pour récupérer ses dépens par exemple).

L'action du mandant contre le mandataire était l'actio mandati directa. Le mandataire avait lui contre le mandant une actio mandati contraria. L'expression qu'emploie le législateur en 1804 fait référence à l'actio mandati directa, à l'action directe du mandant contre le mandataire.

Lorsqu'une personne donne un mandat, elle lui donne pouvoir d'accomplir un acte juridique en son nom et pour son compte. Mais le mandant laisse aussi au mandataire la possibilité de se substituer autrui. Il lui donne en autre terme un second pouvoir ! Le pouvoir de se faire remplacer par autrui, c'est-à-dire le pouvoir de conclure un contrat de mandat.

En d'autres termes, le mandataire substitué est engagé envers le mandant dans le cadre d'un contrat de mandat. Le mandataire substitué n'est donc rien d'autre en définitive qu'un mandataire du mandant. Puisqu'il y a un contrat de mandat entre le mandant et le mandataire substitué, ce dernier peut agir directement contre le mandataire substitué ! Donc, l'article 1994 al. 2 n'est pas un exemple d'action directe. On ne peut pas comparer l'art. 1994 al. 2 à l'action directe du sous-traitant, ce sont

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des figures différentes.

* L'action prévue à l'art. 1994, alinéa 2, est-elle réciproque ?La question a son importance : y a-t-il réciprocité ? Le mandant peut agir directement contre le mandataire substitué ! Mais l'inverse est-il vrai ? Le mandataire substitué, qui a exposé des dépenses, qui a un salaire à réclamer, qui n'aurait rien obtenu du mandataire, peut-il agir contre le mandant ?

Deux thèses s'opposent ici.

La première est celle d'Henri de Page, qui répond par la négative. A l'appui de sa thèse, il invoque l'art. 1994, al. 2, qui indique que les actions directes ne peuvent être prévues que par le législateur, car elles dérogent au principe de la relativité des effets internes. Or, la loi n'a pas prévu d'action du mandataire substitué contre le mandant ! Donc, le mandataire substitué ne peut rien réclamer au mandant.

Vient ensuite une autre thèse, qui dit que le mandataire substitué peut se retourner contre le mandant. La jurisprudence française parle là d'une « juste réciprocité ».

En droit belge, la thèse moderne est dire qu'en réalité, entre le mandant et le mandataire substitué, on a un contrat de mandat ! Si le mandant peut agir contre le mandataire, l'inverse est vrai aussi ! Dans cette seconde thèse, dominante, le mandataire substitué peut donc se retourner contre le mandant.

c. Rapports entre mandant et tiers contractant

Le mandataire substitué a conclu un contrat avec un tiers.

Le contrat ainsi conclu se conclu en réalité entre le mandant et le tiers contractant ! Tout se passe comme si le mandant avait traité personnellement avec le tiers contractant. Le mandataire et le mandataire substitué n'étaient que des parenthèses.

Le tiers contractant pourra donc exercer des actions contre le mandant (ex : action en garantie des vices cachés).

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2. Lorsque la substitution est interdite

Dans ce cas, on a les mêmes questions que dans la première hypothèse.

a. Rapports entre mandataire et mandant

* Le mandataire répond-il des fautes du mandataire substitué ? Application de la responsabilité contractuelle

La réponse est oui, tel que l'indique l'art. 1994 al. 1 « Le mandataire répond de celui dont il s'est substitué dans la gestion, quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer ». Il répond donc des fautes, même en cas de force majeure !

b. Rapports entre mandant et mandataire substitué

* Fondement juridique de l'action

L'art. 1994 indique « dans tous les cas », donc également dans l'hypothèse où la substitution est interdite.

c. Rapports entre mandant et tiers contractant

* Le mandant est-il lié vis-à-vis du tiers contractant ? Absence d'effets de la substitution

J'ai donné mandat à une agence de vendre un de mes immeubles ; j'ai indiqué l'interdiction de se faire remplacer. Malgré cela, l'agence a pris un mandataire substitué. Y a-t-il bien contrat de vente entre moi et la personne qui a traité avec la seconde agence immobilière ? La réponse est en principe non ! Le mandant n'est pas lié envers le tiers contractant ! Il y a toutefois deux exceptions.

On trouve d'une part la ratification : rien n'empêche le mandant de ratifier l'acte juridique accompli par le mandataire substitué. La ratification permettra de couvrir l'absence de pouvoir.

La seconde exception est dégagée par la doctrine : si la substitution de mandataire n'a causé aucun préjudice au mandant, alors le tiers contractant pourra dire que le mandant est lié !

Voilà donc pour les obligations du mandataire. Il nous faut à présent examiner les effets du mandat, c'est-à-dire les oblations du mandant envers le mandataire.

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Chapitre IV. Obligations du mandant envers le mandataire

On trouve trois obligations.

Section 1. Paiement du salaireIl se peut que le mandataire doive être payé. Cette obligation existe toutes les fois où le mandat est à titre onéreux.

Le texte de départ est l'art. 1986. Il nous dit : « le mandat est gratuit s'il n'y a convention contraire » C'est là une tradition qui découle du droit romain. Le code civil s'empresse toutefois de déroger à la tradition indiquant que le mandat peut être à titre onéreux.

A l'heure actuelle, c'est plutôt le principe inverse qui prévaut : lorsqu'il y a un mandat, on considère que, sauf preuve contraire, le mandat est en principe rémunéré.

La rémunération peut tout d'abord avoir été prévue expressément. C'est la convention expresse qui prévoit la rémunération du mandataire. Pour les agents immobiliers, on trouve un arrêté-royal du 12 janvier 2007 (p. 131 du recueil), qui indique que la mission d'intermédiation fait l'objet d'un contrat écrit ; les clauses de ce contrat déterminent le tarif à payer par le consommateur. Dans un contrat conclu avec un agent immobilier, il faut donc que le tarif soit prévu (la plupart du temps, il s'agit d'un pourcentage).

S'il n'y a pas de convention expresse, on considère la plupart du temps que les circonstances permettent de déduire tacitement la nécessité d'une rémunération. Ex : Une personne est décédée. Dans son testament, elle nomme un exécuteur testamentaire, son neveu, avocat. Ce neveu accompli une série de démarches, et réclame à présent son salaire au reste de la famille. Cet avocat pourra indiquer que les circonstances sont telles qu'il a droit à une rémunération.

De sorte qu'à l'heure actuelle, les mandats gratuits restent exceptionnels.

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§1. Fixation du salaire ; réductibilité du salaire exorbitant

La grosse question qui se pose à propos du salaire est de savoir comment le fixer, et comment le contrôler en cas d'abus ?

On doit distinguer ici deux hypothèses.

A. La fixation unilatérale par le mandataireLa première est celle dans laquelle un contrat a été conclu entre un mandant et un mandataire, et le premier a laissé au second le soin de fixer sa rémunération, unilatéralement. On a ici un cas de partybeslissing.

Le mandataire fixe unilatéralement sa rémunération, sous réserve d'un contrôle judiciaire a posteriori éventuel. Si le mandant estime que le mandataire a exagéré au regard des services accomplis, il pourra demander au juge de diminuer la rémunération, sur base de l'abus de droit : vous n'avez pas déterminé la rémunération de bonne foi. On se base alors sur l'art. 1134 al. 3.

B. L'accord des parties sur la rémunérationLa seconde hypothèse est celle où les parties se sont accordées sur une rémunération. Ex : je m'adresse à un agent immobilier. Ce dernier indique dans le contrat que la commission sera de 4% sur le prix de vente qu'il obtiendra. Le client accepte cela. L'immeuble est vendu à 300 000 €, et très rapidement ! L'agent immobilier va trouver ensuite son mandant, indiquant qu'il doit payer 4%, soit 12 000 €. Soit le client paye ; soit le client indique que c'est cher payer, vu la rapidité de la vente (vous n'avez pas eu à faire grand chose !). Il n'est pas rare que les clients contestent la rémunération. Dans une jurisprudence constante (dernier arrêt en 2002), la Cour de cassation confère au juge du fond le pouvoir de réduire le salaire du mandataire lorsqu'elle est « sans rapport avec les services rendus », lorsqu'elle est manifestement supérieure à la valeur des services rendus. C'est une jurisprudence qui est appliquée régulièrement par les tribunaux.

Comment la Cour de cassation fonde-t-elle cette jurisprudence ?

La Cour de cassation a élaboré un raisonnement qui se fonde sur les dispositions du Code civil. Notamment sur l'art. 1986. Le texte nous dit : « le mandat est gratuit s'il n'y a pas de convention contraire ». La Cour de cassation part de ce texte, dépassé dans les faits, pour reconnaitre au juge un pouvoir de modération. Si une rémunération est prévue, elle doit être raisonnable !

Cette jurisprudence est critiquée par la doctrine. Entre autres reproches, on adresse le fait qu'il y a violation du principe de la convention loi ! Un autre raisonnement est donc proposé par la doctrine, se fonde lui plutôt sur la lésion qualifiée : il y a un abus des positions de faiblesse, de l'ignorance du client... Cet abus crée une disproportion entre les prestations réciproques etc.

La jurisprudence continue toutefois à évoquer la gratuité du mandat !

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Section 2. Obligation de tenir le mandataire indemne

Le mandataire doit être indemnisé. De quoi ? Des dépenses qu'il a pu faire. Il se peut que le mandataire ait consenti des avances. Il a avancé cet argent, il est normal qu'il puisse en réclamer la restitution à son mandant.

La loi indique, à l'art. 1999 al. 2 : « s'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ses remboursements et payement... ». On est mandataire et on a plaidé l'affaire, et on termine par perdre le procès. Le client ne pourra pas dire que, l'affaire étant perdue, il ne payera pas.

La loi envisage aussi, à l'art. 2000, les pertes que le mandataire a essuyée. Le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyé à l'occasion de sa gestion. Que sont ces pertes ? On a confié un mandat à une personne, qui est amenée à se rendre à l'étranger. Lors de son séjour, elle est tombée malade, a été séquestrée etc. Ce sont des pertes. Le mandant doit indemniser ce mandataire pour toutes ses pertes.

Ce sont les art. 1999 à 2001. C'est l'obligation d'indemniser le mandataire.

Section 3. Exécution de bonne foi du mandat

C'est en vertu du principe d'exécution de bonne foi ! Cela s'impose notamment au mandant.Le mandant doit notamment mettre le mandataire en mesure de s'exécuter : il faut lui donner tous les documents dont il peut avoir besoin ; répondre à ses mails etc.

La bonne foi impose également au mandant de donner à son mandataire quitus. C'est le droit d'obtenir décharge ! Le mandataire a accompli sa mission. Il rend compte de sa mission au mandant. Si le mandataire a accompli sa mission, il en être déchargé, il doit en être quitte. La décharge est importante, parce qu'à partir du moment où le mandataire a été déchargé, il ne peut plus être inquiété par le mandant ! Le mandant n'aura plus d'action contre le mandataire.

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Chapitre 5. Effets du mandat à l'égard des tiers

Reste à examiner la question des effets du mandat à l'égard des tiers.

Section 1. PrincipeDeux hypothèses doivent être distinguées.Le mandataire agit dans le cadre de ses pouvoirs

C'est ici comme si l'acte juridique avait été conclu directement entre le mandant et le tiers contractant. Les fautes du mandataire engageront donc le mandant lorsqu'elles sont commises dans les limites du mandat, c'est-à-dire lorsque le mandataire a accompli un acte pour lequel il avait été valablement mandaté. Dans cette hypothèse, les fautes du mandataire ne constituent pas un cas fortuit dans le chef du mandant.

La mauvaise gestion du mandataire qui risque de causer un préjudice au mandant ne permettra donc pas au mandant de s'exonérer des conséquences de cette faute. Le mandant pourra toutefois se retourner contre le mandataire : sa responsabilité sera appréciée avec plus ou moins de sévérité, selon que le mandat était à titre gratuit ou non.

Le mandataire a outrepassé ses pouvoirs, voire n'avait aucun mandat

Dans ce cas, le mandant n'est pas lié vis-à-vis du tiers contractant. Le mandant peut dire que pour lui, ce contrat, c'est comme s'il n'existait pas ! Je ne vous ai rien vendu !

Dans ce cas, le tiers contractant a en principe un recours contre le mandataire sur base de l'art. 1997 !

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Section 2. Faute du mandataireLes fautes du mandataire engagent-elles le mandant envers le tiers contractant ? Ex : une personne charge son avocat d'introduire un appel. Il néglige sa mission. Le client se trouve donc avec un jugement qui lui est défavorable ! Le client peut-il invoquer un cas de force majeure ? On demande qu'on nous permette d'introduire l'appel, malgré le délai, compte tenu de ce cas de force majeure !

Ex 2 : on a une personne qui a obtenu un jugement de condamnation. Le débiteur ne veut pas payer. Le créancier qui a un jugement de condamnation veut le mettre à exécution et s'adresse à un huissier de justice chargé de saisir les biens du débiteur. L'huissier insulte et agresse le débiteur ! Le débiteur peut-il dire que le créancier est responsable ? Le créancier peut-il dire qu'il n'y est pour rien ?

Pour répondre à cette question, il nous faut distinguer plusieurs hypothèses.

§1. Faute contractuelle commise dans l'exécution du mandat

On trouve d'abord les fautes contractuelles, de gestion, du mandataire.

La faute contractuelle du mandataire ne peut pas être invoquée par le mandant comme cas de force majeure ! La faute de gestion du mandataire engage donc le mandant envers le tiers contractant, ce n'est pas un cas de force majeure.

Le client ne pourra donc pas interjeter appel de la décision. Tout ce que le client pourra faire, c'est agir en responsabilité contractuelle contre son avocat.

Le mandataire est resté dans les limites de ses pouvoirs, il a été maladroit, mais il est resté dans les limites de ses pouvoirs.

§2. Faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire

On trouve ensuite les fautes aquiliennes du mandataire

A. PrincipeCe n'est plus une faute contractuelle, mais bien aquilienne. Ex: on a le mandataire d'une association de fait, d'un groupement, qui organise une conférence de presse. Lors de cette conférence, le mandataire tient des propos douteux. Les personnes qui se sentent injuriées agissent alors en justice. Peuvent-elles agir contre les mandants ?

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La réponse est négative : quand on donne un mandat, on donne pour mission au mandataire le pouvoir d'accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant. Or ici, ce mandataire n'a pas accompli un acte juridique ! Il a commis une faute aquilienne, qui est un fait juridique ! Le mandant peut donc dire que le mandataire a déraillé, est sorti de son mandat !

Donc, dans l'exemple précédent, les personnes insultées auront un recours en responsabilité aquilienne contre le mandataire, mais pas contre les mandants ! Voilà donc le principe.

B. Exceptions : le dol et la violenceViennent alors les exceptions !

Il y a certaines fautes aquiliennes qui vont engager le mandant. Quelles sont-elles ? Ce sont celles qui, dit-on, sont indissociablement liées à l'exécution du mandat, inhérentes à l'exercice du mandat.

Prenons deux (dol et violence) exemples unanimement admis.

Premièrement, le dol ou la violence du mandataire. On veut vendre notre immeuble. Et l'agence immobilière menace le candidat acheteur, ou lui ment, en dissimulant la présence de la mérule. Le contrat de vente est conclu malgré tout. L'agence immobilière a commis un dol, ou une violence ! Le dol / la violence sont des vices de consentement, mais aussi des fautes aquiliennes, une culpa in contrahendo. Le tiers contractant pourra obtenir l'annulation du contrat de vente, bien que le dol / la violence soit le fait du mandataire. Le tiers contractant pourra au surplus réclamer des D/I pour cette culpa in contrahendo.

Section 3. Le cas du mandataire ayant outrepassé ses pouvoirs

Le tiers contractant a traité avec quelqu'un qui n'avait aucun mandat, ou qui avait un mandat, mais qui en a dépassé les limites. Le principe est que le mandant peut indiquer qu'il n'est pas tenu par l'acte posé par ce mandataire (art. 1998).

Il y a toutefois des exceptions : ce sont les 3 tempéraments à l'absence ou au dépassement de pouvoir. Ce sont trois hypothèses dans lesquelles le mandant sera malgré tout tenu envers le tiers contractant.

La première hypothèse est la gestion d'affaire. Si le tiers contractant peut dire que l'intermédiaire avait la qualité de gérant d'affaire, il y a une hypothèse de représentation légale !

La seconde hypothèse est la ratification, c'est-à-dire un acte unilatéral du mandant. Il s'agit de l'acte par lequel le mandant s'approprie l'acte du pseudo-mandataire ou du mandataire qui a dépassé ses pouvoirs. La ratification couvre donc l'absence de pouvoirs ; elle le fait avec un effet rétroactif ! C'est comme si le mandant avait donné, ab initio, un mandat à l'intermédiaire. S'il y a une telle ratification, l'absence de pouvoir est couverte et on a ainsi un acte juridique entre le mandant et le tiers contractant.

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Ex 1 : exemple du travailleur salarié qui a été licencié pour motifs graves, par le chef de service. Le licenciement est un acte juridique unilatéral. Le travailleur salarié consulte un avocat, qui lui dit que le chef de service n'était pas compétent pour le licencier ! Il n'avait pas de pouvoir de représentation, il n'était pas mandataire de la société. Dans cette hypothèse, le travailleur salarié peut dire que le licenciement est irrégulier. Sauf si la société mandant couvre l'absence de pouvoir (le conseil d'administration ratifie le licenciement).

Ex 2 : hypothèse d'un immeuble en copropriété. Il y a 4 copropriétaires. 3 se portent-forts pour l'un. Il se peut que le 4ème ratifie la vente, qui opérera alors avec effet rétroactif.

Section 4. La théorie du mandat apparent

Vient enfin le dernier tempérament : le mandat apparent. (tuyau)

Il s'agit d'une figure déjà rencontrée dans le cours d'obligation. Le tiers traite, de bonne foi, avec quelqu'un dont il pense qu'il est mandataire. Ex : on a souscris une assurance responsabilité contre l'incendie. On a donc un contrat entre le preneur d'assurance et la compagnie d'assurance. On peut évidemment s'adresser à un intermédiaire : un courtier. Ce courtier sert d'intermédiaire, le contrat d'assurance est entre le preneur et l'assurance ! Un sinistre survient. Le contrat d'assurance impose au preneur de déclarer le sinistre, assez rapidement. Il n'est pas rare que des preneurs déclarent le sinistre non pas à l'assureur, mais au courtier ! Il se peut que le courtier ou l'agent n'avait pas le pouvoir de recevoir des déclarations de sinistre au nom de la compagnie d'assurance. Nous, preneur, on ignore cela ! Quelques mois plus tard, rien n'a bougé ; on appelle l'assurance, qui indique n'être au courant de rien, et que donc, elle ne doit rien ! Dans pareille hypothèse, on peut se prévaloir de sa bonne foi, en indiquant qu'en déclarant le sinistre au courtier, qui pour moi était mandataire, c'est comme si le sinistre avait été déclaré en bonne et due forme.

Ex 2 : il y a des primes d'assurance à payer à la compagnie. Il n'est pas rare que des preneurs d'assurance payent la prime sur le compte du courtier. Puis, il arrive que le courtier disparaisse. Là encore, on pourra dire « je me suis fié aux apparences, j'ai toujours cru que le courtier était votre mandataire, qu'il avait le pouvoir d'encaisser les primes ». Ici encore, on fera comme si la compagnie d'assurance avait donné mandat au courtier.

§1. Avant l'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1988

Comment fonde-t-on la théorie du mandat apparent ? Pendant longtemps, on l'a fondée sur base de l'art. 1382. La jurisprudence traditionnelle indiquait que le tiers contractant a subi un dommage (la compagnie d'assurance refuse d'intervenir) ; ce dommage résulte d'une faute, du mandataire mais

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aussi du mandant. La compagnie d'assurance ne s'est pas comportée en bon père de famille, elle a laissé se créer une apparence de mandat, elle a remis au courtier certains documents qui pouvaient laisser croire à l'existence d'un mandat... Il y a donc une faute aquilienne dans le chef de la compagnie d'assurance. Cette faute a causé un dommage, qu'il faudra donc réparer. La meilleure réparation est la réparation en nature : le mandant (ou pseudo-mandant), par sa faute aquilienne, a causé un dommage. On fera donc comme si le pseudo-mandant avait bien donné un mandat à l'intermédiaire, et donc, il y a un contrat qui va se nouer entre le pseudo-mandant et le tiers contractant.

Voilà pour le fondement traditionnel.

§2. Depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1988

Une autre théorie s'est développée.Cet arrêt va donner à la théorie du mandat apparent un second fondement.Nous sommes dans la région liégeoise. Il y a beaucoup de grèves, notamment dans l'usine cuivre et zinc. Ces usines sont bloquées par des piquets de grève placées par la FGTB. Les fournisseurs ne peuvent plus entrer dans l'entreprise. La direction assigne donc en référé le secrétaire général de la FGTB, et demande la levée de piquets de grève. L'avocat de la FGTB indique que la FGTB est une association de fait, et n'a pas une personnalité juridique ! Partant, pas possible de l'assigner en justice, puisque c'est une association de fait. L'avocat indique donc qu'il faudrait assigner tous les affiliés à la FGTB, ou alors assigner M. Degrève (le secrétaire général) pour autant qu'il ait obtenu mandat de chacun des affiliés.

Le juge du fond (Cour d'appel) indique : d'accord, il n'y a peut-être pas un mandat qui a été donné nominativement au secrétaire général, mais il y a une apparence de mandat : la direction de cuivre et zinc pouvait croire que M. Degreve avait reçu un mandat de chacun des affiliés. M. Degrève a donc pu être condamné à lever les piquets de grève.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a suivi le raisonnement.On ne reproche pas ici une faute sur base de 1382 aux syndiqués ! L'attendu de la Cour de cassation est que le pseudo-mandant est lié envers le tiers contractant lorsqu'il a, par un comportement imputable, créé ou laissé se développer une apparence de mandat qui a trompé les tiers de bonne foi. Les tiers de bonne foi, en pareille hypothèse, peuvent considérer qu'il y a mandat.

Depuis cet arrêt de 1988, il faut donc une apparence de mandat ; que le tiers qui s'est fié à cette apparence soit de bonne foi ; et il faut enfin que cette apparence ne soit pas le fruit du hasard (elle ne doit pas nécessairement trouver son origine dans une faute, mais bien dans un comportement imputable au pseudo-mandant).

Une question que se posent les auteurs est de savoir où est la différence entre une apparence imputable à une faute aquilienne et une apparence créée par un comportement imputable...

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Chapitre 5. La fin du contrat de mandat

On trouve dans le code civil des dispositions concernant l'extinction du mandat : art. 2003 à 2010.

Le mandat peut prendre fin de manière naturelle : il a été exécuté.

Il peut également prendre fin par la survenance du terme (le mandat était valable pour 6 mois).

Section 1. Les causes d'extinction anormales – de dissolution – du mandat

Les causes d'extinction anormales, dites aussi causes de dissolution du mandat.

§1. La mandataire et celle du mandantL'art. 2003 nous indique que le mandat finit par la mort du mandant ou du mandataire. Il faut que les héritiers du mandant puissent disposer librement du patrimoine du mandant, sans passer par un mandataire. Le mandat prend fin aussi par le décès du mandataire.

§2. La faillite ou déconfiture du mandataire ou du mandant

Le code ajoute que le mandat prend fin aussi par l'interdiction ou la déconfiture du mandant ou du mandataire, ainsi que par la faillite d'un de ces derniers. Cela s'explique par le caractère intuitu personae du mandat.

§3. L'interdiction du mandataire ou du mandant

De même, en cas d'interdiction (démence grave) apportée par un juge, le mandat prend fin.

On étend ce texte aux autres causes d'incapacité : mise sous administration provisoire ; mise sous curatelle etc.

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Que se passe-t-il lorsque le mandant (personne âgée) a donné procuration à un de ses parents (son fils par exemple) pour gérer ses comptes bancaires, et ce mandant vient à être placé sous administration. Le mandat prend fin.

Que se passe-t-il lorsque les facultés intellectuelles de la personne âgée, sans pour autant qu'il y ait mise en place d'un régime d'incapacité (simple incapacité de fait) ? Le mandat prend-il fin pour autant ? La personne âgée ne peut plus contrôler le travail du mandataire ! Selon la doctrine et la jurisprudence, le mandat subsiste ! Seule une incapacité juridique met fin de plein droit au mandat !

Comment protéger cette personne âgée ? Deux possibilités : la personne âgée peut donner mandat à plusieurs personnes, qui se surveilleront mutuellement ; lorsque le mandat prendra fin (notamment par le décès de la personne âgée), le mandataire doit alors rendre compte de sa gestion. A ce moment là, les héritiers de la personne âgée pourront demander un compte des dépenses et recettes et agit éventuellement en responsabilité contractuelle contre le mandataire indélicat.

Ce texte (art. 2003) est supplétif de volonté ! On peut donc prévoir que le mandat subsistera malgré le décès d'une des parties... Des clauses contraires sont donc envisageables.

§4. La résiliation unilatéraleC'est la décision d'une partie de mettre fin au mandat sans devoir pour ce faire reprocher une faute à l'autre partie.

Cette résiliation est traitée par le code aux art. 2004 à 2006 pour la révocation du mandataire par le mandat ; et par l'art. 2007 C. civ., pour la renonciation par le mandataire au mandat.

§5. La révocation« Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble ». Cette révocation n'est rien d'autre qu'une résiliation unilatérale, sans pour autant avoir des fautes à reprocher au mandataire. Cette révocation est dite ab nutum : elle intervient sans motif. La révocation opère du reste immédiatement, sans préavis ni indemnités. Cela s'explique par les origines historiques du contrat de mandat, qui était à l'origine un service d'ami.

La révocation est un acte unilatéral réceptice ! Il n'est parfait qu'à partir du moment où le mandataire en a été informé ! Aussi longtemps que le mandataire n'a pas été informé, il conserve ses pouvoirs. Il faut en plus informer les tiers ! La révocation ne sera effective aux yeux des tiers (et spécialement aux yeux de la banque) qu'à partir du moment où ces derniers en seront informés !

Que se passe-t-il en pratique assez souvent ? Je dis à mon mandataire qu'il n'a plus le pouvoir de disposer de mon compte bancaire. Le mandataire s'empresse d'aller retirer des sommes avant que la banque n'ait été prévenue. A l'égard de la banque, les sommes ont été valablement retirées ! C'est ce que dit le code aux art. 2005 et 2009.

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Cette révocation peut être expresse (mail, courrier recommandé) ou tacite, auquel cas elle se dégage des circonstances. C'est le sens de l'art. 2006. Ex : j'ai désigné un autre mandataire pour une autre affaire.

La première chose à dire à propos de la révocation est que le terme est quelque peu infamant. On ne dira pas que l'assemblée générale a révoqué ses administrateurs ou ses gérants. On préférera dire « a accepté la démission de ».

Le principe de la révocabilité ad nutum connait des tempéraments :

1° : On ne peut révoquer le mandataire comme un cow-boy : il faut y mettre des formes. On ne peut révoquer de manière injurieuse, de mauvaise foi, sans quoi on s'expose à des D/I.

2° : La révocabilité ad nutum est un principe supplétif ! On peut donc indiquer dans le contrat de mandat que le mandataire ne pourra être révoqué qu'après un délai de 6 mois ; ou moyennant payement d'une indemnité ; ou pour certains motifs uniquement... On peut même aller jusqu'à prévoir une clause d'irrévocabilité, par laquelle le mandant s'interdit de révoquer le mandataire. Ces clauses sont bien entendu dangereuse. Voilà pourquoi les législateurs les interdit parfois (en droit des sociétés, notamment les mandats d'administrateurs ; dans l'arrêté-royal de la p. 131 du recueil, qui indique, en son art. 2, que les clauses d'irrévocabiltié dans un contrat d'agence immobilière sont fortement encadrées).

Enfin, le mandat est nul lorsqu'il est illimité dans le temps et dans son objet ! Le mandat irrévocable doit donc nécessairement être limité dans le temps et dans son objet.

Dernier tempérament : certains mandats, par nature, sont irrévocables, même si on a pas de clauses contraires dans le contrat. C'est le cas notamment du mandat d'intérêt commun. C'est un mandat qui, par nature, est irrévocable. La notion de mandat d'intérêt commun n'est pas prévue dans le code. Elle fut consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 1993, rendu dans l'affaire de la Maison d'Édition Dupuis. Société familiale à l'époque, ce sont les membres de la famille qui détiennent les actions de la société. Les actionnaires (membres de la famille) décident de vendre les actions en bloc. Ces actionnaires chargent l'un d'entre eux de trouver un candidat acheteur et de vendre en bloc toutes les actions. Les relations se détériorent, et voilà que certains des actionnaires comandant veulent révoquer le mandataire ! La question est remontée jusqu'à la Cour de cassation, qui a consacré la notion de mandat d'intérêt commun.

Ex 2 : on a un immeuble en copropriété. Ils décident de vendre, et chargent l'un d'entre eux de trouver un candidat acheteur et de vendre l'immeuble en bloc. Là encore, on considère que le mandat est d'intérêt commun.

La Cour de cassation en donne la définition suivante : « le mandat est d'intérêt commun notamment lorsque la mission du mandataire est de réaliser une œuvre qui postule nécessairement la collaboration et la participation des deux parties à son accomplissement ». Cette définition ne ressort pas du code civil ; la Cour de cassation s'est inspirée d'une définition donnée par un avocat général français en 1958.

Que peut-on relever de cette définition ?

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On note d'abord la prudence de la Cour : elle ne veut pas s'enfermer dans une définition trop étroite. C'est le sens de l'usage du terme « notamment ».

Il faut du reste que le mandant et le mandataire poursuive une œuvre commune : « [...] réaliser une œuvre qui postule nécessairement la collaboration et la participation des deux parties à son accomplissement ». La Cour ajoute que pour la réalisation de cette œuvre commune, il faut la collaboration et la participation des deux parties (mandant et mandataire).

Le fait que le mandat soit rémunéré entraine-t-il l'intérêt commun ? La réponse de la Cour de cassation est clairement non !

La Cour de cassation ajoute qu'il y a des exceptions : il est possible que ce mandat d'intérêt commun prenne fin.

Pour quelles raisons ?

La première est le mutuus dissensus : c'est la résiliation amiable.

La seconde raison est l'existence éventuelle de clause contraire.

Enfin, le mandat d'intérêt commun prend fin pour des motifs légitimes reconnus en justice. Voilà l'expression employée par la Cour. Quels sont ces motifs ? Une faute du mandataire ; le fait pour le mandant de réorganiser la vente de ses produits et donc se priver d'un certain nombre d'intermédiaires commerciaux ; l'entretient de relations intimes avec un concurrent du mandant...

§6. La renonciation : art. 2007C'est ici le mandat qui met fin à sa mission : il renonce au mandat. C'est également une résiliation unilatérale. C'est un souvenir de l'époque où le mandat était un service d'ami. Mais, on notera que la renonciation est un acte unilatéral réceptice. La loi ajoute (al. 2) que le mandant doit être indemnisé : c'est un droit du mandataire, mais il doit indemniser le mandant.

L'art. 2007 est un texte supplétif de volonté : on peut donc prévoir le contraire ! On peut indiquer que le mandataire devra aller au bout de sa mission sans pouvoir y renoncer, sans quoi il commet une faute qui engagera sa responsabilité.

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Titre 2. Le contrat d'entrepriseChapitre 1. Notions générales

§1. DéfinitionCette définition est d'origine doctrinale : c'est un contrat par lequel une personne, l'entrepreneur, s'engage à accomplir, au profit d'une autre personne, le maitre d'ouvrage, un travail indépendant, moyennant paiement d'un prix et sans pouvoir de représentation.

C'est un contrat fréquent : on songe à l'entreprise de construction immobilière, mais on en trouve bien d'autres : contrat médical (médecin) ; dentiste ; architecte ; plombier ; cordonnier ; banquier...

Les art. 1779 et suivant du code civil traitent du contrat d'entreprise.

Nous ne parlerons pas du louage de gens de travail (qui revient, dans la terminologie moderne, au contrat de travail) ; des voituriers par terre et / ou eau (transporteurs, en termes modernes) ; on a enfin les entrepreneurs d'ouvrage par suite de devis ou marché.

C'est, pour ces derniers, ce qu'on appelle le contrat d'ouvrage : art. 1787 à 1799. Ils sont soumis à la théorie générale des contrats ; ils sont soumis aux lois de protection des consommateurs (loi du 6 avril 2010) avec sa liste noire, ainsi que la loi du 2 août 2002 relatives aux titulaires de profession libérale ; lois particulières (loi Brème (ortho?)) ; les règles déontologiques propres à certaines professions (avocats, médecins, agents immobiliers qui font l'objet d'un arrêté-royal de 2007).

Il y a donc de nombreux textes qui peuvent trouver à s'appliquer pour ce contrat d'entreprise.

§2. Distinction Qu'est-ce qui distingue ce contrat :

A. Contrat d'entreprise et contrat de travail – du contrat de travail ?

C'est le fait que dans le contrat de travail, il y a un lien de subordination entre l'employeur et le travailleur salarié. Dans le contrat d'entreprise, on a un maitre de l'ouvrage qui traite avec un indépendant, mais c'est en définitive l'entrepreneur qui, en dehors d'un lien de subordination, a la maitrise des opérations.

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Si l'on a un contrat de travail, on va lui appliquer toute la législation relative à la matière : loi sur les accidents du travail ; cotisations patronales etc.

En pratique, on a des employeurs qui, pour tenter de contourner cette législation du travail, engagent du personnel dans les liens de contrat d'entreprise. Dans ce cas, les tribunaux du travail ne sont pas dupes et vont disqualifier ce contrat d'entreprise en contrat de travail.

Que se passe-t-il dans l'hypothèse suivante : on a un camionneur qui transporte des marchandises pour une entreprise déterminée. Supposons qu'il vienne à causer un accident. On a une victime, qui s'interroge sur ses droits : peut-elle agir contre le transporteur ? Peut-elle agir contre l'entreprise qui a fait appel à ses services ? La qualification présente ici un intérêt majeur ! S'il apparait qu'il s'agissait d'un contrat de travail, ce transporteur pourra se prévaloir de l'art. 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail (faute légère occasionnelle, donc pas de responsabilité), qui prévoit une immunité (sauf faute habituelle; intentionnelle; ou lourde). En revanche, l'employeur sera commettant et donc responsable sur base de l'art. 1384 al. 3.

Si maintenant le transporteur est indépendant, et ne peut pas se prévaloir de l'art. 18 : son cas relève de l'art. 1382 : n'a-t-il pas eu un comportement qui s'écarte du bon transporteur normalement diligent et prudent. Peut-on se retourner contre la société qui a fait appel à ses services ? Non, car l 'art. 1384 al. 3 envisage la responsabilité du fait d'autrui de manière limitative, or ici la société n'est pas un instituteur, ni père ni mère, ni commettant (car pas de lien de subordination).

B. Contrat d'entreprise et contrat de mandat– du contrat de mandat

Qui dit mandat dit accomplissement d'acte juridique au nom et pour le compte du mandant ! Or, contrat de service, c'est n'importe quelle prestation SAUF acte juridiques.

Du reste, le contrat d'entreprise est nécessairement à titre onéreux, alors que le mandat peut être à titre gratuit.

C. Contrat d'entreprise et contrat de dépôt – du contrat de dépôt

La distinction réside dans l'objet caractéristique : le contrat de dépôt, dans le fond, n'est qu'une variété de contrat d'entreprise. Qui dit dépôt dit obligation de garde et de conservation : le dépositaire a une mission particulière : garder la chose et la restituer. Cette obligation de garde et de restitution est absente des contrats d'entreprise.

L'autre différence est que le contrat de dépôt n'est pas nécessairement à titre onéreux.

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D. Contrat d'entreprise et contrat de vente – du contrat de vente

Voilà à première vue une comparaison surprenante.

Pourtant, on a des cas où le doute est permis.

Le contrat de vente est translatif de propriété. Il contient donc une obligation caractéristique de dare. Le contrat d'entreprise ne comporte lui pas d'obligation de dare, mais bien une obligation de facere. Pourtant, on trouve des hypothèses dans lesquelles le doute est permis.

Ainsi, la vente peut porter sur des choses futures. On peut avoir des contrats d'entreprise où l'entrepreneur ne se contente pas de faire quelque chose, mais fournit aussi la marchandise (ex : installer une cuisine équipée : on vient avec la cuisine).

Comment distinguer en pareille hypothèse ? Le principe est celui de la liberté contractuelle.

Les parties peuvent ainsi donner une qualification à ce contrat. Le juge est-il lié par une telle qualification ? La réponse est non ! Le juge, sur base de tous les éléments, peut éventuellement rectifier la qualification ! Il peut arriver à la conclusion qu'en réalité, les parties ont mal qualifié leur contrat.

Quel est le critère que le juge peut prendre en compte ? La qualification des parties, tout d'abord.

Il se demandera ensuite si les parties ont eu en tête en résultat bien précis ; ou bien si les parties ont mis l'accent sur les moyens utilisés ?

Si c'est le résultat qui importait, la qualification de contrat de vente s'imposera la plupart du temps. Si par contre ce sont plutôt les moyens qui ont retenu l'attention des parties, on parlera plutôt de contrat d'entreprise.

Le juge va également accorder de l'importance au critère de la conception et de la spécificité. Si le client n'intervient pas, ou très peu, au niveau de la conception du bien, on aura alors tendance à considérer que le contrat est un contrat de vente ; par contre, si le client s'implique, on constate alors que la qualification de contrat d'entreprise doit être privilégiée, puisqu'il s'agit d'un produit spécialement conçu pour les besoins du client.

L'enjeu du débat ? Les règles sont différentes en matière de vente et de contrat d'entreprise.

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Chapitre 2. Éléments essentiels et preuve du contrat d'entreprise

Section 1. Caractéristiques du contrat d'entreprise

– un contrat consensuel

Il se forme par le seul échange des consentements.

– un contrat synallagmatique

On trouve en effet des obligations de part et d'autre. Toutes les règles relatives au contrat synallagmatique trouvent donc à s'appliquer : formalité du double ; théorie des risques ; résolution judiciaire ; exception d'inexécution...

– un contrat à titre onéreux

Il n'y a pas de contrat d'entreprise à titre gratuit. La rémunération peut faire l'objet de différents modes de détermination : un forfait ; partij beslissing (ortho?)[fixation unilatérale du prix, de bonne foi]...

Section 2. La preuve du contrat d'entreprise

C'est un contrat qui se prouve conformément au droit commun.

On se trouve en présence de deux non-commerçants : donc art .1341 et 1325 : formalité du double et preuve par écrit (sauf commencement de preuve par écrit et impossibilité de produire un écrit). On tient donc aussi compte des art. 1347 et 1348.

Si c'est un contrat conclu entre deux commerçants, la preuve est libre.

Pour le contrat mixte, il s'agira de voir sous quel angle on se place. Si le particulier agit en justice

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contre le commerçant, il peut faire la preuve par toute voie de droit ; si c'est le commerçant qui agit contre le particulier, il devra respecter les règles de 1341 etc.

Chapitre 3. Effets du contrat d'entreprise en général

Le contrat d'entreprise est synallagmatique, avec donc des obligations dans le chef des deux parties : de l'entrepreneur et du maître de l'ouvrage.

Section 1. Obligations de l'entrepreneur

§1. Bien exécuter le travail promisIl y a d'abord l'obligation de bien exécuter le travail promis. Comment ? D'abord en respectant le devis ; le plan ; les cahiers de charge etc.

Il faut aussi respecter les règles de l'art ! Il s'agit des enseignements qui sont mis à la disposition des entrepreneurs. Pas question donc de cochonner le travail. Il conviendra notamment pour l'avocat de suivre les publications et différentes formations.

Il faut également assumer un devoir de conseil, et se renseigner exactement sur la volonté du maître d'ouvrage. Cela pourra parfois aller jusqu'à un devoir de mise en garde.

La question qui se pose à propos de l'obligation de bien exécuter le travail est de savoir si c'est une obligation de résultat ou de moyen ? Tout dépend du contexte, de l'intention des parties. Il se peut que les parties aient qualifié l'obligation (ex : l'entrepreneur aura une obligation de moyen).Sans quoi, le juge pourra tenir compte de certains critères : degré de spécialisation de l'entrepreneur ; l'aléa (l'obtention du résultat est-elle aléatoire ? Ou l'obtention du résultat ne laisse-t-elle guère de doute ?)... Il n'est pas exclu que certains médecins aient des obligations de résultat. La Cour de cassation l'a confirmé dans un arrêt du 15 janvier 2010 : C'était une dame qui voulait se faire stériliser de manière à ne pas avoir d'enfants. Ce genre d'opération est une opération banale ! Mais il arrive que parfois l'opération échoue, et que la dame se retrouve enceinte. La Cour de cassation n'a pas censuré un arrêt de la Cour d'appel de Liège de 2008 qui a considéré qu'en l'espèce, le caractère aléatoire était très réduit : l'opération ne présentait guère de risque. Voilà donc le chirurgien présumé en faute. Il ne pourra renverser cette présomption qu'en faisant la preuve d'un cas de force majeure.

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§2. Exécuter le travail dans le délai convenu La seconde obligation est que l'entrepreneur doit exécuter le travail dans le délai convenu.

Il se peut que le délai ait été contractuellement fixé. Si le délai n'a pas été contractuellement fixé, comment savoir si l'entrepreneur a exécuté dans les délais ou non ? On en revient à un critère standardisé : un délai raisonnable, compte tenu des circonstances, de la nature de la tâche etc.

Exécuter cette obligation dans les délais est une obligation de résultat. Si le travail promis n'a pas été exécuté dans le délai, on pourra considérer qu'il y a une présomption de faute, donc les sanctions pourront s'appliquer. Mais on ne pourra les appliquer que moyennant une mise en demeure préalable ! Dans certains cas, la mise en demeure est inutile (délai d'appel déjà écoulé pour l'avocat).

Cette obligation d'exécuter dans le délai fait souvent l'objet de clauses pénales. Ces clauses ne peuvent pas être comminatoires, et ne peuvent donc être qu'indemnitaires. Si le montant de la clause pénale est manifestement excessif par rapport au dommage prévisible, cette clause pénale est illicite. Cet entrepreneur qui se voit imposer une clause pénale excessive peut en demander la réduction devant le juge sur base de l'art. 1231 §1 C. civ.

§3. Conserver la chose jusqu'à la livraison de manière à en permettre la perception

Enfin, dernière obligation : conserver la chose jusqu'à la restitution.Ainsi en va-t-il du cordonnier ou du garagiste. Certains juges considèrent que dans ce cas, le garagiste ou le cordonnier n'est plus seulement entrepreneur, mais aussi dépositaire ! M. Wéry indique que selon lui, cette qualification est inutile.

Section 2. Obligations du maitre de l'ouvrage

§1. Faciliter le travail de l'entrepreneurIl doit ainsi lui donner l'accès au chantier etc.

§2. Payer le prix pour le travail fourni En principe, le prix se paye à la réception de l'ouvrage. Mais en pratique, la plupart du temps, l'entrepreneur demandera le payement d'un acompte à valoir sur le prix final.

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On peut également avoir des payements fractionnés.

§3. Obligation pour le maitre de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage

A. DéfinitionC'est la réception de l'ouvrage, c'est-à-dire l'approbation par le maitre de l'ouvrage du travail exécuté, ou en d'autres termes la constatation contradictoire de la bonne exécution des travaux. On fait ici un parallèle intéressant avec la vente et avec le mandat.

Pour la vente, on sait que le vendeur doit délivrer une chose conforme (notamment exempte de tout vice apparent). Il appartient à l'acheteur d'agréer la chose ! On peut également comparer la réception avec le quitus du contrat de mandat.

B. ModalitésCette approbation par le maitre de l'ouvrage peut être expresse ou tacite. Expresse : on indique dans le cahier des charges la manière dont le maitre de l'ouvrage réceptionnera la chose. Cette approbation expresse peut être dans tous les contrats d'entreprise (ex : coiffeur).

La réception peut également être tacite : on a rien dit, rien écrit mais les circonstances sont telles qu'on peut en déduire une acceptation implicite du travail. Ex : on a payé le coiffeur ; on paye la facture ; on utilise le bien... Généralement, on pourra déduire du fait de l'usage de la chose, du payement du prix sans contestation, une réception tacite.

Il arrive que le maitre de l'ouvrage ne veuille pas réceptionner le travail. Que va-t-il alors se passer ? L'affaire, s'il n'y a pas de transaction, va se terminer devant un tribunal. Il appartiendra au juge de voir si le travail est conforme ou non. S'il est conforme, le juge prononcera la réception judiciaire : le maitre de l'ouvrage ne veut pas recevoir les travaux, mais le juge constate dans un jugement tenant lieu d'acte que les travaux sont bien conformes ! Cette réception judiciaire peut parfois se faire avec une certaine réserve !

En pratique, pour des contrats importants, les parties prévoient deux réceptions : une réception provisoire, suivie quelques temps plus tard d'une réception définitive (on trouve cela notamment dans la construction immobilière, dans les marchés publics...).

C. Effets de la réceptionLa question importante en droit est de connaitre les effets de la réception. C'est un acte juridique qui est lourd de conséquence.

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Premièrement, si l'entrepreneur fournit non seulement son travail, mais aussi les matériaux (placement d'une cuisine équipée par exemple), par la réception des travaux, les matériaux deviennent la propriété du maitre de l'ouvrage.

Deuxièmement, puisque la propriété est transférée à compter de la réception, les risques le sont également. Si la cuisine équipée vient à flamber après la réception des travaux, le prix devra être payé !

Troisièmement, la réception va dégager l'entrepreneur de sa responsabilité contractuelle. Du moins pour les vices apparents. Par contre, la réception ne libère pas l'entrepreneur de sa responsabilité pour les vices cachés !

Quatrièmement, la réception ne dégage pas l'entrepreneur de sa responsabilité pour les vices cachés. Par contre, cette réception fait courir un délai, voire deux délais. Le premier délai concerne la construction immobilière : nous verrons qu'il y a dans le code civil deux textes : art 1792 et 2270 qui concernent la responsabilité décennale des entrepreneurs et architectes pour les vices de construction graves. Le délai de 10 ans prévu à cet effet commence à courir à partir de la réception.Second délai : la jurisprudence considère que la réception ne peut pas dégager l'entrepreneur de sa responsabilité pour les vices cachés véniels (pas graves). On a demandé la construction d'un bâtiment, on a réceptionné les travaux, mais un problème apparait après quelques mois : une des fenêtres ne ferme pas. Ce défaut n'était pas apparent au moment de la réception. La jurisprudence a comblé la lacune en considérant que la réception n'exonère pas l'entrepreneur de sa responsabilité pour les vices cachés véniels : c'est le délai de garantie, également de 10 ans.

La réception est donc lourde de conséquence. La question qui se pose est la suivante : quid quand les parties ont prévu deux réceptions : une provisoire et une définitive ? Quelle est leur portée respective ? Cour de cassation et doctrine ne s'entendent pas à ce sujet.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 février 1983, qu'il ne s'attache à la réception provisoire qu'un seul effet : c'est la constatation de l'achèvement des travaux. Avec comme conséquence que l'entrepreneur ne doit pas d'indemnité de retard. Cette réception provisoire constate l'achèvement des travaux, et pas que les travaux ont été correctement exécutés. La réception ne vaut donc pas agréation pour la Cour de cassation. Il n'y aura agréation qu'à partir de la réception définitive. Mais la Cour de cassation ajoute que les parties peuvent prévoir le contraire : elles peuvent, conventionnellement, attacher à la réception provisoire, toutes les conséquences de l'agréation.

Une partie de la doctrine s'écarte de cette position en considérant que la réception provisoire est une réception à part entière, et que les conséquences de l'agréation s'attachent donc à cette réception provisoire.

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Section 3. Sanctions de l'inexécution

§1. Inexécution du maitre de l'ouvrageOn ne s'attardera guère sur la sanction du manquement du maitre de l'ouvrage à ses obligations. On applique ici les sanctions de droit commun : exécution en nature, responsabilité contractuelle, exception d'inexécution, résolution judiciaire etc.

§2. Inexécution de l'entrepreneurQu'en est-il des sanctions de l'inexécution de l'entrepreneur ?A quoi s'engage-t-il ? On distingue classiquement la responsabilité contractuelle avant réception ( provisoire ou définitive ) ; ou la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur après réception.

A. Responsabilité de droit commun avant réceptionC'est l'hypothèse de l'entrepreneur qui abandonne le chantier, ou qui ne le commence même pas. Ou bien, c'est l'hypothèse d'un mauvais conseil de la part de l'entrepreneur ; ou bien la couleur de peinture n'a pas été respectée... Et il n'y a pas encore eu de réception.

Dans ce cas, on applique le droit commun.

On pourra d'abord demander l'exécution en nature : il faut terminer le travail ! On peut également demander au juge le remplacement judiciaire (art. 1144 C. civ.).

Autre possibilité : c'est la responsabilité contractuelle : les D/I. Ou encore la réfaction : diminution du prix.

Autre possibilité encore : exception d'inexécution. Enfin, si le manquement est grave, on a la voie de la résolution judiciaire. Le manquement est grave, le contrat est résolu pour l'avenir et pour le passé, auquel cas ont lieu des restitutions réciproques.

Une question se pose souvent en pratique : est-il possible de prendre le téléphone et de passer commande à un autre électricien / plombier ? / de résoudre le contrat ?Est-il possible, en d'autres termes, de faire l'économie de l'intervention préalable du juge pour le remplacement ou pour la résolution ?

Deux hypothèses ici :

– la clause résolutoire expresse

Il est possible qu'une clause permette de résoudre le contrat.

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– la clause de remplacement, ou mesures d'exécution d'office

Dans le contrat est indiquée une clause aux termes de laquelle si l'entrepreneur abandonne le chantier, le maitre de l'ouvrage aura le droit de s'adresser à un autre entrepreneur aux frais du premier.

Que se passe-t-il s'il n'y a pas de clauses ? Est-il possible au créancier de se faire justice à soi-même ?S'est posée la question de la résolution unilatérale et la question du remplacement unilatéral.

La résolution unilatérale en absence de clauseOn sait qu'il y a une jurisprudence importante qui considère que lorsque certaines conditions sont réunies, on peut nous faire justice à nous-mêmes. On peut aussi nous adresser à un autre entrepreneur, sans intervention préalable du juge. C'est très fréquent, notamment dans le contrat d'entreprise. La doctrine et la jurisprudence ont élaboré toute une série de conditions (voir syll.): urgence, mise en demeure, constatation préalable des défauts, manquement de la part de l'entrepreneur...

On ajoute souvent qu'il faut en plus que le manquement de l'entrepreneur soit un manquement grave. On ne peut donc résoudre le contrat, remplacer l'entrepreneur par un autre, que si le débiteur s'est rendu coupable d'un manquement grave.Il y aurait donc en définitive des conditions identiques pour la résolution unilatérale et pour le remplacement unilatéral.

Au sens de M. Wéry, le parallélisme n'est pas complet.

Pour la résolution unilatérale, le créancier joue en quelques sortes le rôle du juge : il ne peut résoudre le contrat que s'il y a un manquement grave. Il en va de même de la résolution unilatérale. Le maitre de l'ouvrage ne peut résoudre le contrat que s'il constate un manquement grave.

Par contre, pour le remplacement unilatéral, la condition de manquement grave n'est pas requise. Lorsque le juge accorde au créancier l'autorisation de s'adresser à quelqu'un d'autre, le juge ne s'interroge pas sur la gravité du manquement, et se contente de regarder si le débiteur a manqué à ses obligations. La condition de gravité, devant le juge, n'est donc pas nécessaire. Il en va de même pour le remplacement unilatéral. Ce dernier n'est donc pas subordonné à une condition de gravité dans le manquement.

Cette jurisprudence fait l'objet d'une lourde hypothèque : elle sème le trouble. Il n'est pas certain que résolutions et remplacements unilatéraux soient encore admis. C'est là une matière du cours de Master 2.

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B. Responsabilité contractuelle de droit commun après réception

Les travaux ont ici déjà été reçus. L'entrepreneur n'est pas pour autant dégagé de toute responsabilité.

Il demeure en effet une certaine responsabilité de l'entrepreneur. Laquelle ?

1. Vices apparents L'entrepreneur, en matière de construction immobilière, reste tenu de sa responsabilité décennale pour les vices graves de construction. C'est une responsabilité d'ordre public. Elle couvre tous les vices graves, qu'ils soient cachés ou apparents. La réception, en matière de construction immobilière, ne dégage donc pas les entrepreneurs et architectes de leur responsabilité décennale pour les vices graves, qu'ils soient cachés ou apparents.

2. Vices cachés vénielsDeuxièmement, la réception maintient la responsabilité de l'entrepreneur pour les vices cachés véniels.

En cas de vices cachés véniels ou responsabilité décennale, on appliquera les sanctions de droit commun.

Une petite précision complémentaire à propos de vices cachés véniels : ils engagent la responsabilité de l'entrepreneur et cette construction des vices cachés véniels est purement prétorienne. C'est la jurisprudence qui a comblé une lacune du code civil.

Quand on fait œuvre créatrice, se pose évidemment une série de questions. La principale question posée est la suivante : quels sont les délais applicables à cette responsabilité pour les vices cachés véniels ? Il y a deux délais : Le premier est le délai de responsabilité. C'est le délai dans lequel le vice caché doit se manifester. On fait ici le lien avec la garantie des biens de consommation (défaut de conformité dans les 2 ans). Le vice caché véniel doit se manifester dans un délai de responsabilité qui est le délai de droit commun : 10 ans.

Le second délai est le suivant : une fois le défaut découvert, le maitre de l'ouvrage doit agir en justice contre l'entrepreneur. Dans quels délais ? Une série d'auteurs et de décisions de jurisprudence résonnaient par analogie avec l'article 1648 (garantie des vices cachés dans la vente : brefs délais). Une partie de la doctrine et de la jurisprudence proposaient de combler la lacune en transposant l'art. 1648 au contrat d'entreprise. Ce raisonnement a été condamné par la Cour de cassation.Pourquoi ? Elle indique qu'on ne peut appliquer au contrat d'entreprise un article (art. 1648) qui n'a été prévu que pour le contrat de vente.

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Que propose la Cour de cassation à la place ? Elle indique que le maitre de l'ouvrage doit agir, non pas dans un bref délai, mais dans un délai utile ! Qu'est-ce que cela signifie ? C'est tout simplement un délai qui peut être plus long que le bref délai de l'art. 1648.

C. La théorie des risques (tuyau)Que se passe-t-il lorsque l'inexécution de l'entrepreneur est imputable, non pas à une faute de l'entrepreneur, mais bien à un cas de force majeure ?

Le contrat d'entreprise est synallagmatique, et dès lors, se pose la question de la théorie des risques.

Énoncé de la théorie : Lorsque, dans un contrat synallagmatique l'exécution de l'obligation d'une partie devient impossible à la suite d'un cas de force majeure, qu'advient-il de l'obligation corrélative de son co-contractant ?

Ex : on voudrait voir remplacer la semelle de nos chaussures. On va chez le cordonnier. Le cordonnier a effectué le travail le mercredi, et on devait venir chercher les chaussures le jeudi. Le mercredi soir, le cordonnier est victime d'un vol. Le cordonnier avait pourtant pris toutes les précautions d'usage. C'est bien un cas de force majeure. L'entrepreneur considère ne devoir aucun D/I., et se considère libéré de son obligation à notre égard.Doit-on rémunérer le cordonnier ?

Ex 2 : un cuisiniste vient placer une cuisine équipée. La réception aura lieu le jeudi. La veille, la cuisine est la proie des flammes. L'incendie est un cas de force majeure. Aucune faute !L'entrepreneur n'a commis aucune faute. Peut-il réclamer la rémunération ?

Ex 3 : nous sommes à Liège, fin des années 30. L'armée belge commande à la Fabrique Nationale des canons. La réception doit avoir lieu en juin 1940, mais au mois de mai, la Belgique est envahie par les allemands. Ces derniers font main-basse sur les armes. L'état belge doit-il payer ces canons ?

L'entrepreneur est, dans ces trois hypothèses, dégagé de toutes ses responsabilités : ni D/I, ni exécution en nature.

Le maitre de l'ouvrage doit-il payer les travaux ? Cette question, dite de la théorie des risques, est envisagée par le code aux art. 1788 et 1790.

La réponse est en fait toute simple. Puisque nous sommes dans un contrat synallagmatique, la libération d'une partie entraine la libération de l'autre partie. Le contrat est donc dissout : c'est la dissolution de plein droit du contrat d'entreprise.

C'est ce qu'indique le Code civil aux art. 1788 et 1790. C'est traduit par l'adage latin res perit debitori : la chose périt au risque du débiteur, c'est-à-dire que la chose périt aux risques de l'entrepreneur. Ce dernier ne peut pas réclamer le payement des heures passées à réparer les chaussures / placer la cuisine équipée.

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Art. 1788 : « Si dans le cas où l'ouvrier (l'entrepreneur) fournit la matière (Fabrique nationale / cuisiniste) la chose vient à périr, la perte en est pour l'ouvrier ».Art. 1790 : « Dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'a point de salaire à réclamer ».

Sauf exceptions !

Premièrement, sauf s'il y a déjà eu réception !

Deuxièmement : s'il y a eu mise en demeure de l'entrepreneur. « Venez retirer vos chaussures ! ». La mise en demeure opère le transfert de la charge des risques. Ces deux exceptions figurent telles qu'elles à l'art. 1788 et 1790.

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Section 4. La sous-traitance

§1. Notions générales Il s'agit du contrat d'entreprise par lequel un entrepreneur se décharge de tout ou partie du travail qui lui a été confié par le maitre de l'ouvrage, sur les épaules d'un autre entrepreneur. Ce sous-entrepreneur, appelé sous-traitant, s'engage à exécuter tout ou partie du contrat d'entreprise principal. Il s'engage du reste à le faire moyennant un prix.

Le contrat de sous-traitance n'est donc rien d'autre qu'un contrat d'entreprise entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant.

Pour qu'il y ait sous-traitance, il faut d'abord que le sous-traitant s'engage à effectuer un travail indépendant. Le sous-traitant n'est pas un travailleur salarié ! C'est un indépendant !

Il faut du reste que ce sous-traitant exécute tout ou partie du contrat d'entreprise principal.

Troisièmement, il faut qu'un prix soit payé au sous-traitant. C'est donc un contrat à titre onéreux.

Lorsque tous ces éléments sont réunies, on a une chaîne de contrats ! Cette superposition de contrats d'entreprise soulève de délicates questions juridiques.

§2. Droits du maitre de l'ouvrage à l'égard de l'entrepreneur principal

La première est de savoir ce qu'il se passe si le sous-traitant effectue mal les travaux.

Quels sont les droits du maitre de l'ouvrage ? Ce dernier peut-il agir contre l'entrepreneur principal ? La réponse est oui : l'entrepreneur principal est contractuellement responsable des fautes de ses agents d'exécution, donc de ses sous-traitants. D'ailleurs, l'art. 1997 le prévoit expressément : « l'entrepreneur répond du fait des personnes qu'il emploie ». C'est une hypothèse de responsabilité contractuelle du fait d'autrui. Question d'examen : comparez la question du mandant à celle du maitre de l'ouvrage, avec la substitution du mandataire et la sous-traitance.

§3. Droits du maitre de l'ouvrage à l'égard du sous-traitants

La seconde question est de savoir si le maitre de l'ouvrage peut agir contre le sous-traitant. La question est intéressante à plus d'un titre : il vaut mieux avoir deux co-débiteurs in solidum qu'un seul ! Il se peut aussi que l'entrepreneur principal ait fait faillite ! Enfin, troisième intérêt, il se peut

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que l'entrepreneur principal ait prévu une clause d'exonération de responsabilité !

La question est classique, et appelle une double réponse.

Il est d'abord exclu que le maitre de l'ouvrage agisse en responsabilité contractuelle contre le sous-traitant.

Ne reste plus que la responsabilité aquilienne ! Est-ce que le sous-traitant répond sur la base de l'art. 1382 de ses fautes aquiliennes envers le maitre de l'ouvrage ? On tombe ici sur la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'immunité des agents d'exécution. En deux mots, il y a un recours en responsabilité aquilienne du maitre de l'ouvrage contre le sous-traitant si deux conditions sont remplies : (le syllabus doit être mis à jour à la p. 224, il faut insérer un arrêt de la Cour de cassation de septembre 2006, dans l'affaire du Tiercé Franco-Belge). D'après cet arrêt, le maitre de l'ouvrage peut agir contre le sous-traitant si :

– la faute est mixte : le sous-traitant a donc non seulement mal exécuté le contrat principal, mais en plus, son manquement constitue la violation d'une obligation générale s'imposant à tout le monde. C'est donc une faute aquilienne et à la fois une faute contractuelle.

– Il faut que le dommage subi par le maitre de l'ouvrage soit autre que le dommage résultant de la mauvaise exécution du contrat. Il doit donc être étranger à l'exécution du contrat.

Ex: on fait appel à un entrepreneur général, qui fait appel à un plombier. Il a mal placé une corniche, et on a une flaque d'eau à l'entrée de la maison. Peut-on agir contre le plombier ? On devra démontrer que la faute est une faute aquilienne, qu'un bon père de famille ne commettrait pas. Il faut au surplus que le dommage ne soit pas contractuel, doit être étranger à l'exécution du contrat. Ce n'est pas le cas : cette flaque s'explique par la mauvaise exécution du contrat.

La plupart du temps, le maitre de l'ouvrage n'a donc pas de recours en responsabilité aquilienne contre le sous-traitant.

Sauf un cas : si la faute du sous-traitant constitue non seulement une faute contractuelle, mais aussi une infraction pénale, dans ce cas, le maitre de l'ouvrage peut agir en responsabilité aquilienne contre le sous-traitant.Ex : la corniche tombe sur la tête du maitre de l'ouvrage => coups et blessures involontaires ! Dans ce cas, le maitre de l'ouvrage peut agir sur base de 1382 contre le sous-traitant.

On a ainsi les droits du maitre de l'ouvrage lorsqu'il y a une faute du sous-traitant !

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§4. Action directe du sous-traitant vis-à-vis du maitre de l'ouvrage

A. Principe L'hypothèse est la suivante : le plombier a achevé les travaux, et il n'a pas été payé par l'entrepreneur principal !

Quels sont les droits du sous-traitant ?

Il peut évidemment agir contre son co-contractant, c'est-à-dire l'entrepreneur principal, et réclamer le payement de la facture. Il a donc une action en payement contre l'entrepreneur principal.

N'y aurait-il pas un droit du sous-traitant contre le maitre de l'ouvrage ? Oui, comme l'indique l'art. 1798, qui vise l'action directe du sous-traitant contre le maitre de l'ouvrage. C'est un texte qui figure dans le code civil depuis 1990. Ce texte a été introduit pour éviter des faillites en cascade : il ne faudrait pas que les difficultés de l'entrepreneur principal aient des conséquences sur le sous-traitant.Art. 1798 ( tuyau ). Il prévoit donc une action directe.

Cette action directe est une exception au principe de la relativité des effets internes du contrat ! Pour rappel, le principe de la relativité des effets internes du contrat, énoncé par l'art. 1165, veut que le contrat donne naissance à des droits pour les parties et ne fait naitre d'obligations qu'à charge des parties ! Les tiers ne sont donc titulaires ni de droits, ni d'obligations en provenance d'un contrat à la conclusion duquel ils n'ont pas participé.L'action directe déroge donc à ce principe et permet à un tiers, le sous-traitant, de s'emparer d'une créance de l'entrepreneur principal et d'exercer cette créance de l'entrepreneur principal contre le maitre de l'ouvrage. Il peut donc agir directement contre le débiteur de son débiteur.

Donc le sous-traitant va s'emparer de la créance que l'entrepreneur principal a envers le maitre de l'ouvrage.

Ex : je m'adresse à un entrepreneur pour la construction d'une maison : 200 000 € à payer à l'entrepreneur principal. Ce dernier fait appel à un sous-traitant, qui réclame 5 000 €. Il peut les réclamer en prélevant sur la créance de l'entrepreneur principal contre le maitre de l'ouvrage.

Cette action directe est un avantage que le législateur reconnait au sous-traitant ! Exorbitant, et donc de stricte interprétation. Cela signifie que seules les personnes énoncées à l'art. 1798 en bénéficient, et eux seuls ! Pas un bailleur (qui donne en location une grue pour le chantier par exemple), ou un fournisseur. Le bailleur pourra seulement agir sur base de la responsabilité aquilienne.

Plusieurs questions se sont posées.

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D'abord, on s'est demandé ce que signifiait « action directe ». Si on prend l'expression au pied de la lettre, cela implique que le sous-traitant doit agir en justice ! Cela signifie-t-il que chaque fois que le sous-traitant veut réclamer le payement de sa facture, il doit introduire une action en justice ? La majorité de la doctrine et de la jurisprudence considéraient que c'était bien le cas : il fallait une action judiciaire. Une thèse minoritaire, soutenue par M. Wéry, indiquait qu'en réalité, action directe voulait dire « droit direct ». Le sous-traitant pouvait donc s'adresser directement au maitre de l'ouvrage !

Ce droit direct dégénérera peut-être en une action si le maitre de l'ouvrage ne paye pas spontanément !

La Cour de cassation a tranché la question dans un arrêt de 2005 : elle indique que par action directe, il faut entendre droit direct !

L'action directe est une faveur légale (car exception au principe de la relativité des effets internes) qui présente certaines faiblesses (tuyau : commentez cette phrase).

B. Faiblesses de l'action directe Quelles sont ces faiblesses ? Elles sont nombreuses, on peut en relever trois.

1. La créance de l'entrepreneur à l'égard du maitre de l'ouvrage

La première est que le sous-traitant s'approprie la créance de l'entrepreneur principal contre le maitre de l'ouvrage telle qu'elle ! Avec ses avantages et inconvénients. Cela signifie donc que le maitre de l'ouvrage pourra opposer au sous-traitant des exceptions ! Quelles sont ces exceptions ? On en trouve de deux types.

On trouve d'abord les exceptions tirées du contrat entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant. Ex: supposons que l'électricien demande payement d'une facture de 5000 €. Mais cette facture a déjà été payée. Le maitre de l'ouvrage pourra soulever l'exception de payement.

On trouve ensuite les exceptions tirées du contrat entre le maitre de l'ouvrage et l'entrepreneur principal. Le sous-traitant s'empare de la créance de l'entrepreneur principal avec ses avantages et inconvénients. Toutes les exceptions que le maitre de l'ouvrage aurait pu opposer à l'entrepreneur principal peuvent donc être opposées au sous-traitant.Ex : exception d'inexécution . Au surplus, s'il ne reste que 2000 € à payer à l'entrepreneur principal, c'est là le maximum que pourra réclamer le sous-traitant ! On soulève ici l'exception de payement !

Ce principe d'opposabilité des exceptions joue très souvent en pratique !

2. Le jugement déclaratif de faillite de l'entrepreneur principal

La seconde cause de la fragilité de l'action directe du sous-traitant tient en ceci que généralement, l'action directe est intentée trop tard. Lorsque le sous-traitant se manifeste envers le maitre de

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l'ouvrage, il est généralement trop tard.L'entrepreneur principal aura en général déjà été déclaré en faillite, et la jurisprudence de la Cour de cassation considère, contre l'avis de la doctrine majoritaire, que le droit direct du sous-traitant doit être invoqué avant le jugement déclaratif de faillite ! Si l'on fait valoir le droit direct après le jugement déclaratif de faillite, on perd le droit direct !

Voilà qui prive l'action directe d'une grande partie de son intérêt ! Comment la Cour de cassation explique-t-elle son raisonnement ? A l'aide d'un principe du droit de la faillite : principe de l'indisponibilité du patrimoine du failli. A partir du moment où un commerçant a été déclaré en faillite, il perd la maitrise de son patrimoine ! C'est là le reflet de cette idée : le sous-traitant ne peut plus s'emparer de la créance de l'entrepreneur principal envers le maitre de l'ouvrage puisque que cette créance est devenue indisponible ! En pratique donc, dès qu'un sous-traitant a des craintes quant au payement de sa facture, il a intérêt à réclamer son dû au maitre de l'ouvrage.

3. La cession de la créance de l'entrepreneurEnfin, troisième cause de la fragilité de cette action directe : pour que le sous-traitant puisse s'emparer de la créance, encore faut-il qu'elle se trouve toujours dans le patrimoine de l'entrepreneur principal ! Or, souvent, l'entrepreneur principal aura cédé sa créance à sa banque (car il a besoin de liquidités !).

Donc, si le sous-traitant fait valoir son droit direct alors qu'il y a déjà eu une cession de créance, l'action directe va tomber dans le vide ! C'est ce qui ressort de l'art. 1690, al. 1. C. civ.

Voilà donc trois causes de fragilité des actions directes.

4. Un même chantierOn en ajoute une dernière. Un électricien travaille pour un entrepreneur principal. Cet entrepreneur a plusieurs chantiers : un obtenu par un client A, et un par un client B. L'électricien a effectué le travail pour le chantier A, et a une facture de 10 000 €. L'entrepreneur principal a été payé du client A pour un montant de 50 000 €. Le client B n'a lui pas encore payé l'entrepreneur principal, et lui doit 30 000 €, qui n'ont donc pas encore été payés. Question : est-ce que l'électricien peut s'approprier d'une créance du chantier B pour se faire payer le travail du chantier A. Réponse de la Cour de cassation : la créance du sous-traitant et de l'entrepreneur principal doivent appartenir au même chantier ! Donc l'électricien peut réclamer payement uniquement au client A, et non au client B, puisqu'il s'agit d'un autre chantier. Or ici, A a déjà payé sa créance. L'électricien ne pourra donc rien lui réclamer !

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C. Cas particulier : la commande de l'entrepreneur chez un fournisseur

Quid en cas de commande passée par l'entrepreneur chez et fournisseur, et le matériel réceptionné est défectueux ? Quels sont les droits du maitre de l'ouvrage ?

Le maitre de l'ouvrage a bien entendu un recours contre l'entrepreneur sur base de la garantie (vice apparent ou caché véniel). N'aurait-il pas non plus un recours contre le fournisseur ? Cette question n'est pas abordée telle quelle dans le Code civil.Dans un arrêt du 18 mai 2006, la Cour de Cassation envisage 2 hypothèses différentes.

La première est celle dans laquelle l'entrepreneur aurait aussi la qualité de mandataire. Le plombier qui installe la SDB est le mandataire du client : il achète les matériaux au nom et pour le compte du maitre d'ouvrage. Dans ce cas, un contrat de vente se noue directement entre le maitre de l'ouvrage et le fournisseur. On pourrait donc agir contre le fournisseur sur base des art. 1641 et s., ou sur base du droit de la consommation.

Dans la seconde hypothèse, le plombier n'est pas mandataire ! Dans ce cas, le plombier va conclure avec le fournisseur un contrat de vente.

La Cour de cassation considère que l'entrepreneur, lorsqu'il installe la SDB avec les matériaux, transfère la propriété de ces matériaux au client. Ce transfert de propriété s'accompagne du transfert des accessoires, parmi lesquels on trouve les accessoires juridiques, dont l'action en garantie des vices cachés.

Pour la Cour de cassation, il existe donc un principe général de droit dont l'art. 1615 en matière de vente n'est qu'une application particulière.

TUYAU ! (différence entre la situation du fournisseur, du sous-traitant etc.).

Chapitre 4. Fin du contrat d'entreprise

Causes de dissolution du contrat d'entreprise

Le contrat d'entreprise prend fin de manière naturelle : par l'exécution des travaux, par l'arrivée du terme... Il peut également prendre fin par résolution judiciaire, théorie des risques etc.

Le Code énonce toutefois deux causes de dissolution particulière.

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Section 1. La mort de l'entrepreneurOn trouve d'une part l'art. 1795, qui vise la dissolution du contrat d'entreprise à la suite de la mort de l'entrepreneur. On y voit une trace du caractère intuitu personae de ce contrat. On y assimile également la liquidation d'une personne morale.

Section 2. Résiliation unilatérale par le maitre de l'ouvrage : art. 1794 C. civ.

Vient ensuite l'art. 1794, qui vise la résiliation du contrat d'entreprise par la volonté du maitre de l'ouvrage. Il décide de résilier unilatéralement le contrat d'entreprise. Là encore, il convient de faire une comparaison avec le contrat de mandat : le mandant peut révoquer ad nutum son mandataire.

§1. Champ d'application ; forme et moment de la résiliation unilatérale ; effets

Cette résiliation unilatérale de 1794 s'applique, malgré les termes employés par le Code, à tout contrat d'entreprise. Il y a toutefois un prix à payer. L'art. 1794 impose en effet au maitre de l'ouvrage d'indemniser l'entrepreneur de tout le préjudice subi (manque à gagner, pertes subies etc.). Curieux droit que celui-là : on exerce un droit mais on doit indemniser. N'est-ce pas en définitive un cas de responsabilité contractuelle ? La réponse est non, dans la mesure où, s'il s'agissait d'une hypothèse de responsabilité contractuelle, le maitre devrait indemniser l'entrepreneur de tout le dommage subi, y compris le dommage moral ! Or, dans le cadre de 1794, doctrine et jurisprudence considère que le dommage moral que subirait l'entrepreneur ne doit pas être indemnisé.

Que dire de plus à propos de 1794 ? Que c'est un texte supplétif de volonté : les parties peuvent donc y déroger de différentes manières.

On peut par exemple prévoir qu'en réalité, le maitre de l'ouvrage ne pourra pas renoncer au contrat. Dans ce cas, le contrat d'entreprise est tout à fait ordinaire, et il faut l'exécuter. En cas de renonciation au contrat de la part du maitre de l'ouvrage, ce dernier commet une faute, entrainant sa responsabilité (donc possibilité d'exécution en nature !).

D'autres clauses prévoient une indemnisation forfaitaire : le maitre de l'ouvrage pourra résilier unilatéralement le contrat, moyennant une indemnité forfaitaire de 10-15-20 % du chantier.Que se passe-t-il lorsque le maitre de l'ouvrage renonce au projet puis réalise que 20 %, c'est tout de même une certaine somme. Le maitre de l'ouvrage pourra-t-il demander une réduction du montant de l'indemnité qui lui paraitrait excessive ? En principe, la réponse est négative, car cette n'est clause n'est pas pénale ! L'art. 1231 §1 du Code civil, qui impose au juge de réduire les clauses

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pénales excessives ne trouve donc pas à s'appliquer. Ces indemnités forfaitaires ne peuvent donc en principe pas être réduites par le juge. On pourrait toutefois envisager l'hypothèse de l'abus de droit.

Que se passe-t-il lorsqu'on a commandé un travail, l'entrepreneur l'a commencé, puis, après quelques temps, on constate que ce dernier ne travaille pas bien, accuse des retards, est incompétent ? On lui envoie un mail pour indiquer qu'on met fin au contrat. L'entrepreneur pourrait interpréter ce courrier comme étant une application de 1794. Il va donc demander une indemnité pour le manque à gagner, le perte subie...Le maitre de l'ouvrage pourrait-il essayer de rattraper la situation en disant que dans ces conditions, il agit en justice et demande la résolution judiciaire du contrat, sur base de 1184, pour tels et tels manquements graves ? La réponse majoritaire (à laquelle M. Wéry n'adhère pas) est de dire qu'on ne peut pas tuer un cadavre : on ne va pas résoudre un contrat qui a été résilié ! Donc, la plupart du temps, la jurisprudence rejette l'action en résolution. Le maitre de l'ouvrage se voit ainsi tenu d'indemniser l'entrepreneur alors que son intention était toute autre.

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Titre 3. Le contrat d'entreprise de construction

(Nous ne retiendrons ici que les pages 236 à 239).

Pour l'entreprise de construction, on trouve quelques règles particulières, parmi lesquelles l'art. 1792. C'est la garantie décennale. Le terme est malheureux : il s'agit de la responsabilité décennale !

Les entrepreneurs et architectes assument une responsabilité contractuelle pendant 10 ans pour les vices graves de construction. Cet art. 1792 est un texte d'ordre public ! Aucune clause contraire n'est donc autorisée, au même titre qu'une clause limitative.

La responsabilité décennale prend cours à compter de la réception des travaux (provisoire ou définitive, voir controverse). Encore faut-il qu'il s'agisse de contrat d'entreprise portant sur un édifice ou un gros ouvrage immobilier. C'est la porte ouverte à toutes les fenêtres : les discussions sur l'interprétation sont nombreuses !

Il faut du reste que le vice soit grave ! Cet vice doit affecter un élément de la structure même du bâtiment, ou un équipement essentiel à son utilité. Ex : mur qui menace de s'effondrer, ascenseur qui ne fonctionne pas.

Cette responsabilité concerne les entrepreneurs et architectes, mais aussi les conseillers techniques.

Cette responsabilité couvre tous les vices graves, qu'ils soient cachés ou apparents. Ex : on a réceptionné des travaux, et pourtant un mur menaçait de s'effondrer. On pourra dire que l'architecte reste contractuellement responsable.

C'est une hypothèse de responsabilité et non de garantie ! La précision est importante ! Si l'on considère que l'art. 1792 est une hypothèse de garantie décennale, on a pas à faire la preuve d'une faute de l'entrepreneur : il suffit de dire que le balcon est sur le point de s'écrouler. C'est le propre d'une obligation de garantie : la faute n'est pas une condition nécessaire !

La Cour de cassation considère que l'art. 1792 est une hypothèse de responsabilité contractuelle. Le fait d'identifier un défaut ne suffit donc pas ! Il faut démontrer qu'à l'origine du défaut, il y a une faute de l'entrepreneur. On retombe alors sur la fameuse distinction des obligations de moyen et des obligations de résultat. Dans certains cas, si l'obligation est de résultat, on bénéficiera d'une présomption de faute, puisque le résultat est absent ; dans d'autres cas, il faudra prouver une faute dans le chef de l'entrepreneur.

Qui bénéficie de cette action en responsabilité décennale ? Le maitre de l'ouvrage évidemment, et les acquéreurs ultérieurs. La vente de l'immeuble entraine en effet transfert des accessoires

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juridiques au sens de l'art. 1615. L'action en responsabilité décennale est donc transférée à l'acheteur (droit propter rem).

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Partie III. Le contrat de bailTitre 1. Généralité§1. Les textes applicablesOn a dans le code civil une disposition qui indique qu'on trouve d'une part le louage d'ouvrage (contrat d'entreprise) et d'autre part le louage de chose (le bail).

Avant toute chose, il importe de s'attarder sur la structure du Code civil à l'égard du bail. On trouve d'abord un Chapitre Ier intitulé « dispositions générales » (art. 1708 et s.). Le Chapitre II s'intitule lui « du louage des choses ». Ce chapitre nous intéresse, particulièrement par rapport au bail de droit commun et au bail de résidence principale.

Le Chapitre II est divisé en 4 sections. La première s'intitule « dispositions générales relatives aux baux des biens immeubles ». Ce sont les art. 1714 à 1762bis. Vient ensuite la section II, intitulée « règles particulières relatives aux baux de résidence principale du preneur », contenant la loi du 20 février 1991, très importante en pratique. La section IIbis contient les règles particulières aux baux commerciaux, alors que la section III s'intéresse aux baux à ferme.

Certaines de ces sections ont leur numérotation propre. Il convient donc de faire attention au citation.

Reste un grand absent : la location mobilière ! Quel est alors le régime de ces contrats de location mobilière, dont le code ne dit rien (si ce n'est l'art. 1713) ?

§2. Régime juridique de la location mobilièrePremièrement, les parties peuvent organiser elles-mêmes leurs règles.

Deuxièmement, la théorie générale des obligations vient à notre secours. De plus, comme l'indique la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 1943, il convient d'appliquer les règles générales relatives aux baux immobiliers, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec la nature des choses ! Il convient donc de se poser la question de savoir si on peut appliquer tel ou tel texte à la location mobilière.Beaucoup considèrent par exemple que l'art. 1762bis ne s'applique pas en l'espèce. Il indique que les clauses résolutoires expresses sont réputées non écrites.

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§3. Caractère des dispositions légales du codeCes dispositions du code sont-elles impératives, supplétives ou d'ordre public ? En 1804, les dispositions du Code civil étaient conçues comme étant destinées à protéger le bailleur ! A l'époque, on considérait que les dispositions étaient supplétives de volonté.

Puis, par la suite, sont intervenues des modifications législatives importantes : lois sur les baux à ferme, sur le bail commercial, sur le bail de résidence principale etc.Ces dispositions visent elles à répondre à des impératifs socio-économiques et professionnels. Ex : on est un épicier. On loue des bâtiments. On souhaite logiquement un bail suffisamment stable. La loi sur les baux commerciaux est donc conçue comme protégeant le fonds de commerce.

Les législations récentes sont, en règle générale, impérative (pas d'ordre public). Elles visent à protéger la partie faible. Les clauses contraires qui viseraient à aggraver la position de la partie faible sont donc interdites.

Reste à savoir qui est cette partie faible ! C'est souvent le locataire, mais pas toujours ! Le bail de résidence principale vise à protéger le preneur. La loi sur le bail commercial vise à protéger le locataire... Ces lois ont, la plupart du temps, un caractère « unilatéralement impératif ». On trouve toutefois certaines dispositions qui sont bilatéralement impératives, et vise à protéger chacune des parties. Ainsi en va-t-il de l'art. 1762bis, et de l'art. 6 de la loi sur les baux commerciaux. Ce dernier traite de la révision du loyer : tous les 3 ans (triennal), chaque partie peut demander une révision du loyer, à la hausse ou à la baisse. Cet article 6 est un texte qui est bilatéralement impératif : chaque partie peut demander une révision du loyer : les clauses contraires sont interdites.

Les clauses contraires sont donc nulles, ou réputées non écrites. La sanction consiste donc en une nullité, ou dans une réputation de non écrit.

§4. Le contrat de location

A. CaractéristiquesC'est un contrat synallagmatique (on lui applique donc ses règles : résolution judiciaire ; exception d'inexécution ; théorie des risques ; formalité du double). C'est un contrat à titre onéreux (s'il n'y a pas de loyer, on est pas en présence d'un contrat de location mais bien d'un prêt à usage : comoda).

C'est un contrat consensuel, qui se forme donc par le seul échange des consentements. Aucun écrit n'est requis. Cela étant, pour des raisons probatoires, on a intérêt à avoir un écrit. Comme c'est un contrat synallagmatique, il faut deux exemplaires originaux.

Si le bail est de plus de 9 ans, la formalité de la transcription au bureau de la conservation des hypothèques s'impose, sous peine de réductibilité. Il faut donc un acte notarié.

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Nous verrons également que pour l'art. 1743 C. civ, (vente du bien loué), il faut une date certaine, donc un écrit.

Enfin, signalons que pour les baux de résidence principale, l'art. 1bis impose un écrit. Si une des parties refuse d'établir cet écrit, l'autre peut aller en justice et demander au juge un jugement tenant lieu d'acte. Enfin, pour les baux de chambre d'étudiant, on trouve l'art. 1714bis, qui impose un écrit.

C'est également un contrat temporaire, comme l'indique l'art. 1709, qui définit le bail en indiquant que « le locataire peut occuper le bien pendant un certain temps ». Pourquoi cette précision ? En réaction contre l'ancien régime et ses tenures perpétuelles. Des décrets des 18 et 29 décembre 1790 indiquent « qu'un bail ne peut pas dépasser 99 ans, ou trois générations pour les baux à vie sur plusieurs têtes ». Sous cette réserve, les baux ont une durée laissée à l'appréciation des parties : déterminée, ou indéterminée !

Reste à savoir comment mettre fin à un bail à durée indéterminée. La réponse se trouve à l'art. 1736. Chaque partie à un droit de résiliation unilatérale, avec toutefois la particulière énoncée à cet article, que pour les baux à durée indéterminée, il y a un congé avec un délai de préavis d'un mois.

Le bail est également un contrat qui n'est pas intuitu personae. Cela peut sembler surprenant. Pourtant, on trouve dans le code des dispositions qui confèrent au bail un caractère non intuitu personae. Ainsi en va-t-il de l'art. 1742, indiquant que le bail ne prend pas fin au décès de l'une des parties (sauf convention contraire) ; l'art. 1717 autorise lui la cession de bail (sauf convention contraire).

Le bail est un contrat qui n'est pas translatif de propriété ! Il ne contient pas d'obligation de dare, mais bien de facere.

Dernière question à épingler : que se passe-t-il dans le cas d'un conflit entre des preneurs successifs d'un même bailleur ? Un propriétaire loue deux fois le même bien ! Si c'était un conflit entre deux acheteurs, on règlera cela à l'aide de la loi hypothécaire. Mais on est pas ici en présence d'un conflit entre deux acheteurs : ce sont deux locataires / preneurs. La jurisprudence belge donne la préférence au premier des deux locataires à avoir investi les lieux. Quant à l'autre locataire, il a un recours en garantie d'éviction, contre son bailleur.

Vient ensuite la question de savoir ce qu'il se passerait si aucun des locataires n'occupe les lieux ! En comparera alors les dates certaines des actes sous seing privé de location : c'est le donc le premier des deux à avoir fait enregistré son bail qui l'emportera sur l'autre.

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Titre 2. Le bail à loyerChapitre 1. GénéralitésSection 1. Éléments essentiels du contrat

de bailC'est par exemple le bail d'un garage, de bureaux, d'un pignon de mur (pour placer une affiche publicitaire)...

Deux éléments essentiels doivent être présents :

§1. Un bien

A. PrincipeQue peut-on louer ? En principe, n'importe quel bien, meuble ou immeuble, sous réserve de quelques exceptions. Ainsi, les biens du domaine public ne peuvent être données en location ; pareillement, les personnes ne peuvent être louées...

Le bail peut même porter sur la chose d'autrui. On peut en effet donner en location la maison de son voisin. Le bail de la chose d'autrui est valable ! Toutefois, il est évidemment interdit de donner en location la chose d'autrui. Si on l'a fait, ce contrat sera cependant valable. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?

C. La chose d'autruiRien de tel que de comparer avec la vente de la chose d'autrui. La vente de la chose d'autrui est nulle, annulable à la seule demande de l'acheteur (art. 1599). En effet, la vente est translative de propriété, ce qui explique l'interdiction. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure avec le bail de la chose d'autrui ! Le bailleur ne s'engage pas ici à transférer la propriété de l'immeuble, il n'a pas d'obligation de dare, mais bien de facere. Donc, ce bail est valable ! Ex : on occupe un immeuble. On décide d'en louer le rez-de-chaussée à des amis. Pourtant, le contrat de bail nous interdisait expressément de sous-louer. Ex 2 : on a un immeuble en copropriété. Un des copropriétaire loue la totalité de l'immeuble à quelqu'un. Il loue donc en partie la chose d'autrui. Que se passe-t-il dans ces hypothèses ? Le bail est valable ! Il n'est donc pas possible pour le locataire de demander en justice la nullité du bail. Dans ces cas, le verus dominus va finir, tôt ou tard, par pointer le bout de son nez. Il va alors exercer son action en revendication contre le

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locataire. Le locataire, à ce moment-là, pourra agir contre son bailleur, non pas pour demander la nullité du bail, mais bien pour agir sur base d'une inexécution du contrat. Il y a ici une éviction ! C'est la garantie d'éviction. Le locataire pourra ainsi réclamer des D/I, ainsi que la résolution judiciaire du contrat !

(comparer bail et vente de la chose d'autrui, tuyau)

§2. Un prixQui dit bail dit payement d'un loyer, qui est la contrepartie de la jouissance du bien. S'il n'y a pas de contrepartie il ne s'agit pas d'un contrat de location, mais bien une convention d'occupation à titre gratuit.

Ce loyer, souvent, consiste en une somme d'argent. Mais pas nécessairement : on peut imaginer un loyer non pécuniaire (à l'inverse de la vente, qui nécessite un prix fixé en argent).

Ne confondons pas le bail avec le bail à nourriture, qui est tout sauf un bail. Un bail à nourriture est une convention innomée, sui generis. C'est le contrat par lequel une personne transfère la propriété d'un immeuble, à charge pour l'acquéreur de veiller à l'entretien de l'aliénateur : le nourrir, l'aider dans sa vie quotidienne, organiser ses funérailles etc.

Notons encore que le loyer peut faire l'objet d'une indexation. Il va donc évoluer avec le coût de la vie. Les parties peuvent donc prévoir que le loyer va évoluer en fonction du coût de la vie : c'est l'indexation. Cette adaptation du loyer est possible mais doit avoir été convenue. Le contrat doit en effet prévoir cette indexation. Reste à éviter de faire n'importe quoi ! Pour éviter les abus, la loi prévoit une formule mathématique à l'art. 1728bis. Il est possible de faire évoluer le loyer en fonction de l'indice des prix, notamment en fonction de l'indice santé (panier de la ménagère). De ce panier de la ménagère, on exclut pour l'indice santé certains produits : tabac, alcool et diesel. On va donc suivre l'évolution des autres biens. On peut adapter le loyer en utilisant l'indice santé.

Pour ce faire on prend le loyer de base, qu'on multiplie par le nouvel indice de prix. On divise le tout par l'indice des prix initial (à la date de conclusion du contrat). On a ainsi le montant du loyer indexé. Si l'on a appliqué une formule différente, et on prévoit que chaque année le loyer augmente de 5%, le locataire est en droit de dire qu'avec la formule légale, il arrive à un montant moindre. Le loyer devra alors être réduit à hauteur du résultat que donne la formule de l'art. 1728bis.

La preuve du contrat de bail : on laisse tomber.

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Chapitre 2. Obligations du bailleur

Ces obligations sont énumérées en vrac dans le code. Pour le bailleur, on trouve l'art. 1719, qui est une disposition centrale. Cet article indique que « le bailleur doit faire jouir paisiblement et de manière utile son locataire ». Qu'implique cette jouissance paisible ? Il doit d'abord avoir une délivrance de la chose louée ; que le bien soit entretenu ; le mettre à l'abri de tout vice et de toute éviction.

Ces obligations ne sont pas très originales. Elles sont sujettes aux sanctions de l'inexécution du droit commun : D/I ; exécution en nature ; réduction du loyer ; résolution judiciaire avec D/I ; exception d'inexécution...

On ne perd pas non plus de vue la possibilité de clauses contraires et de clauses pénales, ainsi que des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité. Elles sont en principe valables, pour autant que le bailleur ne s'exonère pas de son dol ; et pour autant que la clause n'exonère pas le bailleur d'une de ses obligations essentielles. Ces clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont du reste de stricte interprétation.Ex: un enfant tombe dans une cave à cause d'un escalier pourri, et meurt. Les bailleurs se prévalent d'une exonération de responsabilité. Ici le juge a indemnisé les locataires en considérant que la clause ne visait pas expressément l'hypothèse de vice de la chose : la clause a été interprétée strictement.

Section 1. Une délivranceL'art. 1720 concerne l'obligation de délivrance de la chose louée : « la chose doit être délivrée en bon état de réparation de toute espèce ».

La chose doit du reste être livrée avec ses dépendances (le jardin ; la cour) et accessoires. Sauf clauses contraires !

Quid des accessoires ? « Ce sont les différents objets matériels ou les droits indispensables à la jouissance entière de la chose », selon une définition doctrinale. Ex : porte, évier, robinets etc.

Le bien doit être en bon état de réparation de toute espèce. Généralement, lorsque la loi est bien écrite, tous les mots ont été pesés. Toute espèce ! Cela signifie que le bailleur doit, lorsqu'il délivre le bien, avoir effectué toutes les réparations, en ce compris celles qui seraient qualifiées, en cours de bail, de réparation de menu entretien.

Évidemment, on peut tomber sur un locataire pointilleux. Le locataire est-il en droit se montrer aussi intransigeant ? Cela dépend du bien ! Si c'est un bien de luxe, le locataire sera en droit de dire

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que les taches sur la moquette le dérangent ! A l'inverse, certains biens sont d'un standing moindre, auquel cas le locataire devra faire part d'une certaine tolérance. C'est évidemment le juge qui tranchera en définitive.

On peut prévoir des clauses particulières ! La clause dit : « je vous donne en location le bien dans l'état où il se trouve ; état bien connu du preneur ». C'est une clause par laquelle le locataire renonce à exiger les réparations de toute espèce. On renonce donc à l'art. 1720 Cette clause est tout à fait valable, sauf pour les baux de résidence principale ! Une telle clause est valable, mais est de stricte interprétation : elle ne couvre par exemple pas les réparations qui s'imposeraient en cours de bail ; d'autre part, cette clause ne couvre pas la garantie des vices cachés ! Le bien est venu dans l'état où il se trouve, état bien connu du preneur ! Le preneur ne peut par définition par être ou courant des vices-cachés !

Enfin, il nous faut nous intéresser à l'état des lieux. Les parties, au moment d'entrer dans les lieux (ou au plus tard dans le mois qui suit), peuvent dresser un état des lieux contradictoires, où vont être mentionnés tous les défauts apparents !

Pourquoi cet état des lieux ? Il a des incidences importantes à la fin du bail. En effet, à la fin du bail, le preneur devra rendre les lieux dans l'état où se trouvait décrit dans l'état des lieux initial.

Pour s'exonérer d'un éventuel mauvais état, le preneur devra démontrer un cas de force majeure ou que la détérioration des lieux résulte de l'usage normal du bien (le tapis placé sur l'escalier est usé après 10 ans : c'est l'usage normal du bien).

S'il n'y a pas d'état des lieux, ou s'il est trop sommaire, cela se retournera contre le bailleur ! En effet, à la fin du bail, le locataire pourra dire qu'il rend les lieux, et l'état dans lequel les lieux sont rendus est présumé être l'état dans lequel le bien se trouvait à l'origine. Ce sera donc au bailleur à prouver qu'il n'y avait pas de dégâts...

Section 2. L'entretien de la chose louée

§1. PrincipeC'est l'obligation pour le bailleur d'entretenir la chose louée ; il doit donc la maintenir en bon état. A ce titre, il doit assumer toutes les réparations, à l'exclusion de certaines, notamment les réparations locatives.

Toutes les réparations incombent en principe au bailleur. Cela vise non seulement les grosses réparations telles qu'on les a vues dans notre cours de droit réel en matière d'usufruit ; mais également d'autres réparations d'entretien. La cause de ces réparations est sans importance : peu importe que la porte d'entrée ne ferme plus correctement, que le balcon menace de s'effondrer à la suite d'une négligence du bailleur. Peu importe donc la faute du bailleur, ou le cas de force majeure ! Le bailleur doit assumer son obligation !

Le locataire est en droit d'exiger du bailleur qu'il effectue ses réparations, et peut à cet effet aller en

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justice pour obtenir la condamnation du bailleur à réparer la porte. On peut prévoir des astreintes, ou un remplacement judiciaire.

Il y a une particularité toutefois : le droit à l'exécution en nature n'existe que dans le chef du locataire ! L'inverse n'est pas vrai : le bailleur n'est pas en droit d'imposer au locataire de souffrir l'accomplissement de ses réparations (ex : imposer l'arrivée d'hommes de métier dans la maison occupée par le locataire). Comment cela s'explique-t-il ? Tout simplement car le locataire peut s'accommoder de la situation ! Ex : il manque une marche à l'escalier, le locataire s'en accommode. Pas question pour le propriétaire de forcer la réparation. Toutefois, si l'état du bien est tel que les réparations sont urgentes au sens de l'art. 1724 C. civ., le bailleur pourra alors imposer la réparation. Ex : l'escalier de la cave menace de s'écrouler d'un instant à l'autre.

§2. Exceptions – réparations exclues Le bailleur assume donc toutes les réparations, sous réserve de quelques exceptions.

1. Les réparations locatives : d'après le Code civil, elles sont mises à charge du locataire, sauf clauses contraires.

2. Si la réparation que nécessite le bien résulte d'une faute du locataire (le locataire a laissé tomber la friteuse, et le feu s'est déclaré dans la cuisine), les réparations incomberont au locataire.

3. Les travaux d'amélioration du bien ne sont pas compris dans l'obligation d'entretien incombant au locataire. Ex : le locataire veut faire construire une véranda. Il ne pourra demander au bailleur qu'il assume la dépense.

4. Enfin, l'obligation d'entretien ne couvre pas les travaux de reconstruction du bien. Cela sort de l'obligation du bailleur. Ex : un immeuble est soufflé à la suite d'une explosion de gaz. Le locataire peut-il dire qu'il a perdu son logement, et demande donc au bailleur de le reconstruire ? Non, car le bail est caduc, il a disparu par la perte de son objet.C'est évident dans l'hypothèse où le bien doit être totalement reconstruit. Mais la situation est moins évidente lorsqu'on est en présence d'une reconstruction partielle. Quid lorsque le seul poulailler a été soufflé ? La question se pose de savoir si on est en présence d'une simple réparation d'entretien, ou en présence d'une reconstruction partielle, auquel cas le bailleur peut dire qu'il est libéré de son obligation. Cela se discute en pratique.

Quelles sont les sanctions si une des parties vient à manquer à son obligation d'entretien ?

Ex : on occupe un immeuble ; pendant la nuit, des vandales viennent taguer la façade. La réparation d'entretien incombe au bailleur. Quid si le bailleur refuse d'exécuter son obligation.

On applique ici les sanctions du droit commun : exécution en nature, éventuellement sous astreinte ou remplacement judiciaire ; responsabilité contractuelle (le locataire est tombé dans l'escalier : il peut réclamer des D/I contractuels) ; résolution judiciaire ; exception d'inexécution...

Reste la question de savoir s'il y a place pour un remplacement unilatéral ? Ex : on est locataire

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d'un bien, et on constate que le robinet fuit. Supposons que c'est là une réparation d'entretien qui incombe au bailleur. On fait appel à un plombier, et on produit la facture au bailleur. Cela est-il permis ? Dans le code civil, le remplacement du débiteur par autrui doit être autorisé par décision de justice ! Le remplacement est donc judiciaire, et non unilatéral. Pendant tout un temps, on a considéré que le locataire ne pouvait se faire justice à lui-même, et que les frais lui incombaient donc. La jurisprudence a toutefois évolué, et à l'heure actuelle, le remplacement unilatéral est autorisé sous certaines conditions : urgence ; mise en demeure ; constatation de l'état des lieux (on prend des photos pour se ménager une preuve). La bonne foi peut du reste imposer le recours au remplacement unilatéral (ex : inondation dans la SDB)

Section 3. Une garantie contre l'évictionLe bailleur doit garantir son locataire contre l'éviction (// avec l'obligation du vendeur : tuyau), et contre la présence de défauts.

§1. La garantie d'éviction1. La garantie d'éviction

Cette garantie est double : le bailleur doit garantir le locataire de son fait personnel ainsi que du fait des tiers.

A. Du fait personnelC'est là une obligation de non facere : ne pas troubler la jouissance paisible du locataire, se garder de toute fait juridique ou matériel qui pourrait perturber la jouissance du locataire. Ou bien encore, un bailleur ne pourrait pas enlever les portes et les fenêtres (cas réel) ; donner deux fois en location le même bien etc.

Cette obligation fait l'objet de quelques applications particulières dans le Code civil. On en relève deux.

On trouve d'abord l'art. 1723 C. civ., qui prévoit que le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée. Curieux terme que la forme. On ne doit donc pas modifier le bien : supprimer une porte, un balcon, abattre des arbres, enlever le poulailler etc. Si le bailleur modifie la forme, il porte atteinte à la jouissance paisible du locataire.

Vient ensuite l'art. 1724. En principe, le bailleur ne peut pas effectuer des réparations d'entretien contre le gré du locataire. Toutefois, s'il s'agit de réparations urgentes, le bailleur peut alors les effectuer et imposer leur réalisation. L'art. 1724 énonce « si durant le bail la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elle lui cause, et quoiqu'il soit privé d'une partie de la chose louée ». Al. 2. « toutefois, si ces réparations durent plus de 40 jours, le prix du bail sera diminué à

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proportion du temps et de la réparation de la chose louée dont il aura été privé ».

Voilà encore une hypothèse de réduction du prix (tuyau : les trouver dans le code : action estimatoire pour les vices cachés ; défaut de conformité dans la garantie des biens de consommation...).

Le texte ajoute, à l'alinéa 3 « si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du locataire et de sa famille, celui-ci pourra faire ''résilier'' le bail ».Le critère est ici l'inhabitabilité, quelque soit la durée des travaux.

Que signifie l'expression « ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille » ? La jurisprudence et la doctrine ont une interprétation extensive de ces termes. Le critère est de savoir si les travaux rendent impossible la jouissance du bien. Peu importe que le bien soit destiné au logement, à l'activité professionnelle ou autre.

Cet article 1724 est un texte supplétif de volonté, du moins en droit commun. Les clauses contraires sont donc autorisées et fréquentes. On indiquera souvent que le locataire souffrira les travaux, quelle qu'en soit la durée, sans pouvoir réclamer une diminution du loyer. Une telle clause est dure, mais licite.

Notons enfin que l'art. 1724 al. 2 ne traite que de la diminution du loyer. Il est possible que le locataire ait subi d'autres préjudices : non seulement le locataire ne peut plus occuper que la moitié des lieux, mais en plus, le mobilier a été endommagé etc. Voilà un dommage distinct de la simple réduction du loyer ! Le locataire peut réclamer réparation de ce dommage, mais devra dans cette hypothèse faire la preuve d'une faute du bailleur, ou démontrer l'existence d'un défaut de la chose louée. S'il n'y a pas de faute du bailleur, ou si la chose n'était pas affectée d'un vice, les dommages complémentaires ne pourront être réparés. Il y a d'autres manifestations de cette garantie du fait personnel qui ont été dégagées par la jurisprudence et la doctrine.

On trouve notamment une obligation relative à la visite du bien loué par le bailleur. La visite des lieux n'est tolérée que dans des cas exceptionnels : ainsi en va-t-il de l'hypothèse de la vente du bien ; de la relocation du bien ; du bail sur le point d'expirer, auquel cas le bailleur fera visiter les lieux à des tiers ; cas des réparations urgentes ; clauses prévoyant la possibilité pour le bailleur de visiter les lieux X fois / an.

B. Du fait des tiersIl se peut que le locataire, preneur, soit perturbé dans sa jouissance, par le fait d'un tiers, qui prétend par exemple avoir un droit de location sur les lieux ; ou alors le nouvel acquéreur des lieux veut voir le locataire quitter les lieux ; un tiers indique l'existence d'une servitude... etc. etc.

Voilà autant d'hypothèses de trouble de droit.

Ces hypothèses sont prévues par le code aux art. 1725 à 1727.

L'art. 1725 indique que la garantie du fait des tiers ne joue que pour les troubles de droit. Si c'est un trouble de fait dont est victime le locataire, ce dernier devra se défendre seul sans pouvoir appeler à

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la cause le bailleur.

Les art. 1726 et 1727 indiquent que s'il s'agit d'un trouble de droit, le preneur peut appeler à la cause son bailleur, pour que ce dernier vienne prendre fait et cause pour le locataire. Non seulement le peut-il, mais aussi doit-il le faire, afin que le bailleur puisse utilement prendre la défense du locataire. Si le locataire a la mauvaise idée de se défendre seul et perd, pas question pour lui par la suite de se retourner contre le bailleur ! Le bailleur pourra reprocher au preneur de ne pas l'avoir appelé à la cause. On applique ici la solution appliquée en matière de vente à l'art. 1640.

Si, malgré l'intervention du bailleur, le locataire doit quitter les lieux ou subit une servitude de passage etc., s'il y a en d'autres termes éviction malgré l'intervention du bailleur, le locataire est alors en droit de mettre en œuvre la garantie principale. On raisonnera ici comme à propos de la vente.

Puisque la garantie incidente (défense utile du locataire par le bailleur) a échoué, le locataire pourra invoquer la garantie principale et réclamer : la résolution du bail aux torts du bailleur, avec d'éventuels D/I ; ou, en cas d'éviction partielle, une diminution proportionnée sur le prix du bail. On retrouve les mêmes hypothèses en matière de vente : // entre 1726 et 1736/1737. Voici encore une hypothèse de diminution du prix.

Que se passe-t-il lorsque l'immeuble donné en location, fait l'objet d'une mesure d'expropriation ? On a un bail de 9 ans, et après 3 ans, le propriétaire est exproprié pour cause d'utilité publique. La réponse se trouve à l'art. 1722. C'est là une belle application de la théorie des risques : « si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail ; dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ». On vise donc ici la perte de la chose.

Cette perte peut d'abord être matérielle : explosion de gaz, tremblement de terre etc. Dans ce cas, on applique la théorie des risques : l'obligation du bailleur est éteinte par cas de force majeure. Par conséquent, le locataire est libéré lui aussi de son obligation.

Cet article 1722 a été étendu à la perte juridique : c'est l'expropriation pour cause d'utilité publique ! Le bail est dissout ! Le locataire ne doit donc plus payer le loyer.

Enfin, on trouve encore dans cet article une hypothèse de diminution du prix.

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Section 4. Obligation de garantie des vices

On trouve une seule malheureuse disposition en la matière : elle figure à l'art. 1721. Il est interdit au bailleur de fournir une chose qui serait affectée de défaut ou de vices qui empêchent l'usage de la chose. Le verbe empêcher est en réalité trop fort. Il suffit que le défaut provoque un inconvénient important. Ex : escalier de la cave qui se descelle ; maisons anciennes rongées par l'humidité ; maison infestée de fourmis, de punaises, de rats... Ce défaut est donc de nature à mettre en cause la responsabilité du bailleur. Et cela, quand même le bailleur ne les aurait pas connu hors du bail, donc quand bien même le bailleur serait-il de bonne foi.

Conséquence ? Exécution en nature ; responsabilité contractuelle, ou encore, ici aussi, une diminution du loyer.

Une analogie peut être faite avec le régime de la vente. Le parallèle est intéressant, mais il n'y a pas pour autant une identité de régime. Tout d'abord, il faut noter que le bailleur répond non seulement des défauts préexistants à la conclusion du bail, mais également des défauts qui viendraient à se manifester après la conclusion du bail.

Seconde différence : en matière de vente, la garantie diffère selon que le vendeur est de bonne ou de mauvaise foi. S'il est de bonne foi, il y aura action rédhibitoire ou estimatoire ; s'il est de mauvaise foi, il devra non seulement se défendre contre l'action rédhibitoire ou estimatoire, mais en plus indemniser l'acheteur pour tous les dommages causés par les vices (art. 1645). Le vendeur de mauvaise foi est donc traité plus sévèrement que le vendeur de bonne foi.

En matière de baux (art. 1721 al. 2), le bailleur est tenu d'indemniser le preneur, qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi.

Enfin, troisième différence, on sait que selon l'opinion dominante, en matière de garantie des vices cachés de la chose vendue, l'article 1644 n'ouvre l'option qu'entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire. Il n'y a pas de possibilité de demander le remplacement ou la réparation de la chose vendue défectueuse. En matière de baux, on applique le droit commun : si le bien louéest affecté d'un défaut / vice, le locataire disposera de toute la palette des remèdes et sanctions (exécution en nature, résolution judiciaire, responsabilité contractuelle, diminution du prix, exception non adimpleti contractus.

Cet art. 1721 est supplétif : le bailleur pourra donc parfaitement se dégager de la garantie des défauts de la chose louée. Ces éventuelles clauses sont toutefois de stricte interprétation, et ne peuvent permettre au bailleur de s'exonérer de son dol (ex : le bailleur connaissait le problème de l'humidité ascensionnelle et a malgré tout inséré la clause).

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Chapitre 3. Droits et obligations du preneur

Les principales figurent à l'art. 1728.

Deux obligations principales y figurent.

On trouve toutefois d'autres obligations qui incombent au preneur. On peut tenter de ramasser les obligations autour d'une double idée : d'une part les obligations liées à l'usage de la chose louée ; et d'autre part, les obligations financières incombant au preneur.

Section 1. Usage de la chose louée

§1. L'occupation des lieuxCela veut d'abord dire que le preneur a l'obligation d'occuper les lieux / se servir de la chose. Dans l'hypothèse où le preneur dit « j'en ai assez de cet endroit, je quitte les lieux », le bailleur pourra réclamer l'obligation des lieux, le cas échéant en justice. La Cour de cassation rappelle du reste ce principe dans un arrêt de janvier 2003.

§2. En bon père de famille, et selon sa destination

Seconde obligation, il convient de se servir de la chose selon sa destination, conformément à ce que prévoit l'art. 1729. On peut déduire de ce texte l'obligation d'employer la chose selon sa destination. L'exemple classique : on occupe une maison d'habitation, et on la transforme en maison de commerce. C'est une hypothèse de violation de l'art. 1729. Dans ce cas, le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail, c'est-à-dire le faire résoudre (l'art. 1729 parle à tort d'une résiliation).

On doit du reste comporter en bon père de famille (art. 1728). C'est là une obligation de moyen : il appartiendra au bailleur de démontrer que le locataire s'est écarté de l'attitude qu'aurait eu un homme normalement prudent et diligent. Ex : preneur dispense une éducation permissive à ses enfants : ils peuvent écrire sur le tapis plaint. C'est également le fait pour le locataire de ne pas avertir le propriétaire d'un problème ! Le locataire doit informer le bailleur de ce problème !

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Il faut aussi, lorsqu'on est locataire et comme l'indique l'art. 1732, répondre des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute. L'art. 1733 ajoute que le locataire répond aussi de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que celui-ci s'est déclaré sans sa faute. L'art. 1735 ajoute que le preneur est responsable pour les faits des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires.

L'intérêt de prendre une assurance incendie résulte ainsi de l'art. 1733.

L'art. 1735 énonce que le locataire qui sous-loue le bien (locataire d'un immeuble qui sous-loue le rez-de-chaussée à une tierce personne) est responsable des dégradations du sous-locataire. C'est une hypothèse de responsabilité contractuelle du fait d'autrui. Il répond du reste des dégradations / pertes qui sont le fait des personnes de sa maison. Qui vise-t-on ici ? Le conjoint, les enfants, les grands-parents etc. Ce sont les domestiques, mais aussi toutes les personnes qui ont été invitées par le locataire a effectuer certains travaux. L'ouvrier a commis une faute, et engage sa responsabilité contractuelle envers le locataire ; le locataire lui engage sa responsabilité à l'égard du bailleur. Le bailleur pourrait-il agir contre le menuisier ? Non, car il n'y a pas de contrat entre eux. Quid de la responsabilité extra-contractuelle ? Il n'y aura de recours pour faute aquilienne que si la faute du menuisier est étrangère à l'exécution du contrat (faute mixte) et que le dommage résultant de l'inexécution du contrat soit étranger à son exécution (donc, en gros, schnoll !).

§3. Les réparations locatives ou de « menu entretien »

Le preneur doit aussi effectuer les réparations locatives. Qu'est-ce qu'une réparation locative, ou « réparation de menu entretien » ? Elles sont définies à l'art. 1754, qui fleure bon le début 19ème siècle (ça sent la vache, en somme). Ce texte a dû être actualisé par la doctrine et la jurisprudence.

Que peut-on retenir de ce texte ? Plusieurs points.

D'abord, ce texte est supplétif de volonté. Les clauses contraires sont donc autorisées. Il est donc possible de mettre toutes ces réparations locatives à charge du bailleur. On peut également énumérer les réparations locatives et ainsi dépoussiérer cette liste.

L'idée sous-jacente à cet article est que ce sont des réparations dont on peut présumer qu'elles sont dues à une négligence, à une faute du locataire. Cette présomption est toutefois réfragable ! Il est possible au locataire d'échapper à ses réparations en démontrant qu'elle ne résulte pas de sa faute.

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Section 2. Obligations financières

§1. Payer le loyer et ses accessoiresVient ensuite l'obligation financière. Au premier rang de cette obligation, il convient de payer le loyer (en argent, ou non). Ce loyer peut du reste être indexé. A ce loyer doivent s'ajouter une série d'accessoires : les frais d'acte (bail passé par devant notaire), qui incombent sauf clause contraire au locataire. Il n'est pas rare que le preneur doive, au surplus, verser une garantie locative, pour assurer la correcte exécution des obligations du preneur. Ex : caution des parents pour leur enfant, qui se portent donc caution de la bonne exécution du payement du loyer et des autres obligations ; La caution est une obligation personnelle : les parents vont répondre, sur leur patrimoine personnel, des dettes du locataire ! Les conséquences peuvent être lourdes. Ex : l'immeuble est la proie des flammes ; l'incendie est dû à une négligence du locataire.

§2. La garantie locative et la cautionLa garantie locative n'est pas nécessairement une caution personnelle : cela peut aussi être un gage (des titres, des actions, des obligations qui sont remises au bailleur). Un gage peut aussi être d'espèce : on verse sur un compte, au nom du bailleur et du locataire, l'équivalent de deux ou trois mois de loyer. Cette somme ne sera restituée qu'à la fin du bail si le locataire a correctement assumé ses obligations.

§3. Répartition des charges et des fraisQuelles sont les autres obligations financières ? Le preneur doit aussi assumer les charges et frais, comme l'indique l'art. 1728ter. (eau, électricité etc.). Sauf prévision d'un forfait, ces charges et frais sont calculées en fonction de l'usage réel.

§4. Garnir la maison louéeDernier point enfin sur les obligations financières, il faut savoir que le bailleur a une créance envers le locataire ; cette créance est privilégiée. Le bailleur dispose, en vertu de l'art. 20, 1°, 2° de la loi hypothécaire, pour le payement du loyer et pour l'exécution des autres obligations, d'un privilège, d'un droit de préférence, sur tout ce qui garnit les lieux. Ex : le locataire est criblé de dettes. Un huissier doit intervenir, sur mandat d'un tribunal. Il saisit tout ce qui peut être saisi. Ce reste va êtr réparti en respectant certaines règles. Le bailleur a le droit d'être payé par priorité, uniquement sur ce qui garnit le bien loué. De là l'existence de l'art. 1752 qui nous dit que le locataire qui ne garnit pas le bien de meubles suffisant peut se voir obliger de donner une autre garantie (à vérifier dans l'art. 1752) . Il y a donc une obligation pour le preneur de garnir l'immeuble de meubles suffisants, afin de permettre au bailleur d'avoir une assiette sur laquelle exercer son privilège.

Reste à savoir ce qui peut être considéré comme garnir : un coffre-fort contenant des bijoux, des liasses de billets, une sainte relique composée de la dent de Ste-Rolande (les visiteurs, en somme)... On considérera probablement que le coffre-fort n'est pas une garniture : le bailleur sera alors traité à l'égard du coffre-fort comme un créancier chirographaire.

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Section 3. Restitution de la chose louée Enfin (renvoi au syllabus), il faudra restituer la chose à la fin du bail. On rappelle l'importance, pour le bailleur, d'avoir dressé un état des lieux.

Section 4. Cession de bail et sous-location

Est-il possible pour un locataire de céder son bail ? Ou sous-louer les lieux ? La réponse de principe est affirmative ! Le bail n'est pas considéré comme un contrat intuitu personae : le locataire peut donc sous-louer les lieux, ou céder son bail.

Cela ne veut pas pour autant dire que le locataire initial sera dégagé de toutes ses obligations. Retenons que si l'on cède son bail, on restera tenu de nos obligations. Le bailleur aura donc des codébiteurs tenus in solidum. Des clauses contraires peuvent parfaitement prévoir l'interdiction de toute cession ou sous-location. Il est aussi possible d'autoriser la cession ou sous-location à certaines conditions : vous pourrez céder le bail à une personne solvable, ou à un autre membre de votre famille etc.

Section 5. La transmission du bien louéC'est une question tuyau.

La question est la suivante : on a un propriétaire d'un immeuble, et ce propriétaire donne en location des bureaux à une entreprise. Ou bien, le propriétaire d'un immeuble donne en location des entrepôts à une autre entreprise. Supposons que les baux sont de 9 ans.

Le bailleur demeure propriétaire de l'immeuble et peut donc toujours exercer son droit d'abusus. Il peut donc toujours aliéner le bien : le vendre, le donner, l'apporter à une société, l'échanger etc.

La question qui se pose est alors de savoir si l'acquéreur (acheteur, dans l'hypothèse la plus fréquente) doit respecter le bail en cours ? (après 3 ans de location). Quelle est la situation du locataire en cas de vente de l'immeuble loué ?

Pour ce qui est du droit commun, la réponse se trouve à l'art. 1743. « Si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier ou locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine, à moins qu'il ne se soit réservé ce droit par le contrat de bail. »

Ce texte contient pas moins de 7 imprécisions. Ne nous bornons donc pas à le reproduire en tant que tel dans une éventuelle réponse d'examen.

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La règle, dégagée de l'art. 1743, est celle de la possibilité, du droit pour le locataire, de faire valoir son droit contre l'acquéreur, pour autant que ce bail soit antérieur à la vente. Cette antériorité pourra s'établir par l'existence d'une date certaine.

La date certaine suppose soit un acte notarié (le bail été constaté par devant notaire, qui a indiqué la date à laquelle il a passé l'acte) ; s'il s'agit d'un acte sous seing-privé, la date indiquée sur le contrat n'a aucune valeur. Le bail sous seing-privé n'aura date certaine qu'aux seules conditions de l'art. 1328 C. civ. L'hypothèse la plus fréquente est l'enregistrement de l'acte sous seing privé au bureau de l'enregistrement et des domaines (le timbre fiscal qui sera apposé sur le bail est cacheté d'une date). Plus vite le bail aura été enregistré, plus vite il aura date certaine.

L'art. 1743 vise donc le bail de droit commun.

Pour les baux particuliers, le législateur est intervenu de manière à renforcer la situation du preneur. On songe notamment au bail à ferme, au bail commercial, ou le bail de résidence principale. Ce sont là des baux qui sont extrêmement sensibles.

On cite ici l'art. 55 de la loi sur les baux à ferme. Ce texte prévoit que l'acquéreur est subrogé aux droits et obligations du bailleur. L'acquéreur doit donc respecter le bail à ferme en cours, que le bail soit verbal, écrit, enregistré ou non ! Le fermier est assuré de pouvoir opposer le bail à l'acheteur.

L'art. 1743 a donc un champ d'application qui s'est racrapoté au fil du temps.

Enfin, l'art. 1743 est un texte qui est supplétif de volonté. Les clauses contraires sont donc autorisées. On en trouve de deux types.

La première est celle qui fait l'objet des art. 1744 et s. C'est ce qu'on appelle la clause d'expulsion du preneur. L'hypothèse est la suivante : je conclus un contrat de location de bureau. Le bail a été passé par devant notaire ; mais il est indiqué dans le contrat qu'en cas de vente, le locataire devra quitter les lieux. Dans ce cas, il faudra laisser un préavis au locataire, et lui donner des indemnités.

Le second type est la clause de maintien et d'entretien du bail. Il s'agit d'une clause qui figure dans le contrat de vente. C'est une stipulation pour autrui, par laquelle l'acheteur s'engage à respecter les baux en cours, même s'ils n'ont pas date certaine.

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Chapitre 4. Les causes d'extinction du bail de droit commun

Le bail de droit commun prend fin pour des causes relevant du droit commun : résolution judiciaire, résiliation amiable, théorie des risques etc.

On a toutefois quelques règles particulières.

On trouve d'abord une option : soit le bail est conclu pour une durée déterminée (bail de trois ans par exemple) ; soit le bail est conclu pour une durée indéterminée. Il est possible que ces deux baux prennent fin, mais de manière différente.

Si le bail est conclu pour une durée déterminée, la survenance du terme mettra fin de plein droit à la convention. Les parties ont toutefois la possibilité de prévoir des conditions particulières : nécessité d'un congé par exemple.

Il arrive que ce bail conclu pour une durée déterminée continue à sortir ses effets alors que le terme est pourtant arrivé. (ex : les 3 ans sont écoulés, et pourtant le locataire continue à payer le loyer et le bailleur ne proteste pas). Dans ce cas, on a une reconduction tacite : le bail est reconduit tacitement du fait des circonstances. Il est reconduit aux mêmes conditions : art. 1738 C. civ.

Comment s'opposer à cette tacite reconduction ? Il lui suffit de suivre le conseil qui lui est donné aux art. 1737 et 1739. Le bailleur veut éviter tous risques de reconduction tacite. Il lui suffit de suivre le conseil de l'art. 1739 : il adresse un congé au preneur, avant l'écoulement des 3 ans. Ce congé fera obstacle à la reconduction tacite.

Vient alors l'hypothèse du bail conclu pour une durée indéterminée. Il suffit ici d'appliquer le principe général de droit selon lequel, dans tous contrat à durée indéterminée, chaque partie dispose d'un pouvoir de résiliation unilatérale. C'est le sens de l'art. 1736 : « Le bail conclu pour une durée indéterminée est sensé fait au mois ». Il faut un délai de préavis d'un mois.

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Titre 3. Le bail de résidence principale

La loi sur les baux de résidence principale date du 20 février 1991. Elle fut insérée dans le code civil, en sa section II, intitulée « Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur ».

Cette loi est le fruit d'un compromis entre le « laissez faire » généralisé et un encadrement autoritaire du contrat de bail. On a donc un compromis entre les intérêts du propriétaire bailleur et les intérêts du preneur.

Cette loi est impérative, comme l'indique son art. 12 « Sauf si elles en disposent autrement, les règles de la présente section sont impératives ». Qui dit loi impérative dit que les clauses contraires sont entachées d'une cause de nullité relative en faveur de la partie que le législateur entend protéger. Nullité relative, ou réputé non écrit ! En règle générale donc, cette loi est impérative. Dans certains cas, il est toutefois permis de faire des clauses contraires.

L'article 3, relatif à la durée du bail, est le cœur de ce texte.

Chapitre 1. Champ d'application

On trouve à l'art. 1er. La définition.

Le bail porte sur un logement que le preneur affecte à sa résidence principale. Le logement peut être un immeuble, ou éventuellement un meuble (caravane, bateau...). La résidence principale n'est pas définie. C'est donc une question de fait : il appartiendra au juge de décider si le logement est affecté ou non à la résidence principale du preneur !

Il se peut que la convention ait réglé expressément le problème : ex. « L'immeuble est affecté à la résidence principale du preneur »

L'affection peut également être tacite Ex : le contrat de bail n'a pas indiqué que l'immeuble était affecté à la résidence principale, mais on constate que le preneur a inscrit ses enfants dans une crèche proche de l'endroit ; il y a une ouverture de compteur d'eau ; une ouverture de ligne téléphonique etc. En règle générale, un kot d'étudiant ou une chambre d'hôtel ne sont pas considérés comme des résidences principales.

Que se passe-t-il dans l'hypothèse où l'immeuble a été affecté, dès l'entrée en jouissance, à la

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résidence principale du preneur, et par la suite, l'immeuble change d'affection ? Ex : un occupant occupe l'immeuble à titre de logement principal. Par la suite, il ouvre une crèche. On modifie ici l'affection des lieux, et le preneur ne pourra plus se prévaloir de la loi de 1991. Au surplus, le bailleur pourra y voir une faute contractuelle, qui, si elle est suffisamment grave, sera de nature à justifier une résolution judiciaire.

Il est possible que l'affection à la résidence principale intervienne en cours de bail. On occupe un kot. Puis après un temps, on décide de s'y installer plus durablement. C'est possible, mais à la condition que cette affectation expresse résulte d'un écrit. S'il n'y a pas d'accord écrit, le bailleur ne pourra bénéficier de la loi de 1991.

Le législateur, en 2007, a introduit l'art. 1bis, qui traite de l'exigence d'un écrit. Rien à voir ici avec le champ d'application. Pourtant, l'art. 1bis se trouve dans la rubrique relative au champ d'application. Depuis cette année, le législateur exige que les baux de résidence principale soient établis dans un écrit.

Au surplus, cet écrit doit contenir certaines mentions : les noms, la désignation des locaux, le montant du loyer etc. La loi ne veut donc plus des baux verbaux de résidence principale. Voilà un texte étrange : la question se pose de savoir si le bail de résidence principale devient du coup un contrat solennel ? La question est importante : si on a un preneur qui est installé dans les lieux, en fait sa résidence principale mais ne peut se prévaloir que d'un bail verbal, il pourra se voir mettre à la porte du jour au lendemain.

Partant, le législateur ajoute : « en cas d'absence d'écrit, la partie contractante la plus diligente pourra, faute d'exécution dans les huit jours de la mise en demeure, contraindre l'autre partie par voie procédurale, s'il échet, adresser, compléter ou signer une convention écrite, et requérir si besoin que le jugement voudra bail écrit. » De ce texte, il ressort que le bail n'est pas un contrat solennel. Chaque partie pourra demander au juge de rendre un jugement tenant lieu de bail écrit.

On notera également que l'art. 1bis doit être mis en parallèle avec l'art. 11bis. Le législateur s'y veut pédagogique. L'annexe prévue par cet article doit être jointe au contrat de bail. C'est un formalisme lourd. Le législateur ne nous en donne du reste pas la sanction. Quid en cas d'absence de cette annexe au contrat de bail ? Aucune idée, le législateur n'en dit rien...

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Chapitre 2. La durée du bail de résidence principale

L'art. 3 est bien fait, tout s'y trouve. Seules les idées essentielles seront donc mises en évidence.

Principe : les baux de résidence principale sont tous à durée déterminée. Toujours en principe, le bail de résidence principale a une durée de neuf ans (durée de droit commun). Les parties ont toutefois la possibilité de s'écarter de ce droit commun : soit à la baisse, soit à la hausse. A la baisse, en concluant un bail de courte durée ; à la hausse en concluant un bail de longue durée, voire un bail à vie (art. 3 §8).

Ces baux ne prennent jamais fin de plein droit ! Voilà une différence par rapport au droit commun ! Ce bail ne prendra fin qu'à la suite d'un congé ! Il faut donc qu'avant l'arrivée du terme, un congé ait été adressé à l'autre partie. S'il n'y a pas de congé, nous verrons que nous sommes repartis pour une nouvelle période. Une exception toutefois : pour le bail à vie, aucun congé n'est concevable.

Section 1. Le bail de 9 ans

§1. Principe et définition C'est l'art. 3 §1 qui le vise. « Tout bail est réputé conclu pour une durée de 9 années ; il prend fin à l'expiration des neuf ans, moyennant un congé notifié par l'une des parties, au moins 6 mois à l'avance ». Faute de ce congé, le bail sera prorogé chaque fois pour une durée de trois ans, aux mêmes conditions.

Si les lieux sont occupés par des conjoints ou cohabitants légaux, chaque cohabitant légal doit recevoir un congé séparément.

Toutefois, les §§ 2, 3, 4 et 5 prévoient la possibilité, soit pour le bailleur, soit pour le preneur, de résilier anticipativement le bail. On parle de résiliation, pas de résolution ! C'est la décision d'une des parties de mettre fin à la convention, indépendamment de toute faute ! Quelles sont ces hypothèses ?

De manière didactique, le législateur envisage d'abord les hypothèses de résiliation unilatérale qui sont le fait du bailleur (3 hypothèses). Par la suite, il envisage les hypothèses qui seraient le fait du preneur. Ne perdons pas de vue qu'à côté de la résiliation, le bail pourra prendre fin selon le régime du droit commun (le preneur ne paye pas => résolution judiciaire ; théorie des risques etc.).

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§2. La résiliation unilatérale du bailleur

A. Pour occupation personnelle des lieuxArt. 3, § 2. Le bailleur peut mettre fin au bail à tout moment, en donnant congé 6 mois à l'avance.

Ici, le bailleur donne congé parce qu'il veut occuper personnellement les lieux (pas spécialement à titre de résidence principale : cela peut être pour ouvrir un commerce, un cabinet de travail) ; des proches voulant occuper les lieux peuvent aussi justifier un tel congé.

Le délai de préavis est donc de 6 mois.

Le législateur s'est montré très attentif aux intérêts du preneur : il faut éviter que le bailleur ne trouve un moyen commode d'éjecter son preneur. L'occupation du bailleur doit donc être effective et continue, et ce pendant au moins 2 ans ! Si ce n'est pas le cas, si le bailleur n'occupe pas personnellement les lieux, le preneur évincé sera en droit de réclamer une indemnité. Cette dernière est salée : si l'occupation n'est pas respectée, le preneur a droit à une indemnité de 18 mois de loyers !

Le législateur prévoit donc ces 18 mois, sauf circonstances exceptionnelles. On pourrait par exemple envisager que le bailleur souhaitait occuper personnellement les lieux, puis est atteint d'une grave maladie.

Que se passe-t-il lorsque le preneur réalise, lorsqu'il reçoit le congé, que le congé est du vent : en réalité, le bailleur n'occupera pas les lieux ? Certains preneurs portent l'affaire devant le juge de paix et lui demandent de se prononcer à titre préventif sur la sincérité du motif. Si le motif n'est pas sincère, il conviendra pour le juge d'annuler le congé. On y voit généralement une forme de réparation en nature.

Dernier point à propos de cette résiliation pour occupation personnelle : on notera que cette disposition est unilatéralement impérative. Elle n'est impérative qu'en faveur du preneur ! Les clauses qui excluraient ou limiteraient la faculté d'occupation (le bailleur indique qu'il renonce à tout congé, ou prévoit qu'il ne pourra donner congé qu'en sa seule faveur, et non pour ses parents) sont donc valables. Par contre, si une clause aggrave la position du preneur (prévoit que le congé est de trois mois au lieu de 6 ; occupation au profit d'autres personnes que celles reprises dans la liste), elle sera entachée d'une cause de nullité.

B. Le congé pour reconstruction, transformation ou rénovation

Ce congé ne peut ici être donné qu'à l'expiration du premier ou du deuxième triennat, moyennant un congé de 6 mois à l'avance.

Ces travaux doivent être importants. Ici aussi, le législateur se méfie du bailleur. La loi indique du reste que les travaux doivent être commencés dans les 6 mois qui suivent l'expiration du préavis, et

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effectués dans les 24 mois qui suivent l'expiration du préavis.

Que se passe-t-il si les travaux ne sont pas effectués ? La sanction est de 18 mois de loyers, sauf circonstances exceptionnelles.

Ici encore, la jurisprudence se réserve le droit de vérifier a priori la sincérité du motif. On notera ici aussi que cette disposition n'est pas impérative pour le bailleur : seul le locataire est protégé. Les parties peuvent donc convenir d'exclure ou de limiter cette faculté de résiliation anticipée. L'inverse n'est par contre pas possible. Si la clause aggrave la situation du preneur (ex : la situation peut intervenir pour des travaux moyens), elle est nulle.

C. Le congé sans motifLe bailleur peut ici aussi résilier le bail, sous certaines conditions.

D'abord, il ne peut le faire qu'à l'expiration du premier et du second triennat. Il faut que le congé soit accompagné d'un préavis de 6 mois. Cette résiliation a un coût : si le bailleur veut résilier sans motif, il peut le faire, mais en versant une indemnité de 9 mois de loyer si la résiliation intervient dans le premier triennat ; de 6 mois si la résiliation intervient à l'expiration du second triennat. Ici aussi, le texte n'est impératif qu'en faveur du preneur. On peut donc envisager des clauses qui excluraient cette faculté. Les clauses qui aggraveraient la situation du preneur seraient nulles.

Il n'y a pas d'autres hypothèses de résiliation unilatérale par le bailleur. Si le bailleur veut résilier à un autre moment le contrat de bail, il ne pourra pas le faire, sauf accord du preneur (résiliation amiable).

§3. Résiliation unilatérale du preneurC'est l'art. 3 §5, qui envisage trois hypothèses.

A. La résiliation par le preneur à tout momentIl faut ici un congé, de trois mois. Le preneur n'a pas à invoquer de motif. Il devra toutefois, dans certains cas, verser une indemnité : lorsque le preneur met fin au bail au cours du premier triennat. Plus le bail est ancien, plus l'indemnité sera limitée.

Voilà un texte qui est impératif ! La loi ne le dit pas, on ne trouve pas ici la même phrase que dans les § précédents. On ne pourrait donc pas empêcher le preneur d'exercer ce congé moyennant préavis de 3 mois.

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B. La résiliation du bail non enregistréLe législateur, en 2007, impose que tous les baux soient écrits. Pourquoi ? Pour protéger le preneur, et pour les soumettre à la formalité de l'enregistrement : seuls les baux écrits peuvent être enregistrés au bureau de l'enregistrement et des domaines.

Pour inciter les parties, et plus spécialement le bailleur, à procéder à cette formalité, la loi indique que si on ne fait pas enregistrer le bail, le preneur peut résilier unilatéralement le contrat à tout moment, et sans devoir payer d'indemnité. C'est une sorte de résiliation sanction.

C. Le contre-préavisL'alinéa 4 traite lui de ce qu'on appelle le contre-préavis. Le preneur a reçu un congé du bailleur, de 6 mois donc. Il se peut que le preneur souhaite partir prématurément. Dans ce cas, il pourra faire un préavis d'un mois, sans devoir d'indemnité.

L'art. 11 prévoit que lorsque le bail vient à échéance ou prend fin par l'effet d'un congé, le preneur qui justifie de circonstances exceptionnelles peut demander une prorogation. (ex : personne âgée, malade, famille nombreuse etc.) La loi permet au preneur de demander une prorogation en tenant compte de l'intérêt des deux parties. Le juge pourra, s'il l'estime équitable, accorder une augmentation de loyer en faveur du bailleur.

Section 2. Le bail de courte duréeArt. 3 §6.

C'est un bail conclu par écrit pour une durée inférieure ou égale à 3 ans (bail de 6 ans pas possible donc). Ce bail peut prendre fin par un congé, notifié par l'une ou l'autre des parties, au moins trois mois avant l'expiration de la durée. S'il n'y a pas eu de congé, le bail est réputé conclu pour 9 ans.

On notera que ce bail n'est pas régi par les dispositions des §§ 2 à 5. En d'autres termes, le bailleur ne peut pas résilier le bail pour occupation personnelle, travaux importants ou moyennant indemnité. Le preneur n'a pas non plus cette possibilité.

Peut-on prévoir des clauses contraires ? La jurisprudence est divisée, mais certains juges admettent les clauses qui seraient favorables au preneur.

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Section 3. Le bail de longue durée Rien n'empêche les parties de prévoir un bail d'une plus longue durée : art. 3 §7.

Dans ce cas, il faut nécessairement un acte notarié (baux de plus de 9 ans doivent être transcris à la conservation des hypothèques, ce qui nécessite un acte notarié).

Supposons un bail de 27 ans. Il ne prend pas fin de plein droit au bout des 27 ans : il faut un congé de 6 mois avant l'échéance.

Les facultés de résiliation anticipée prévues pour les baux de 9 ans s'appliquent a fortiori aux baux supérieurs à 9 ans.

Section 4. Le bail à vieIl prend fin de plein droit au décès du preneur. C'est donc un contrat viager.

Ce bail n'est pas régi par les dispositions des §§ 2 à 4. Le bailleur n'a donc pas la possibilité de résilier de manière anticipée le bail, pour travaux importants, occupation personnelle ou sans motif. La loi ajoute toutefois « à moins que les parties n'en disposent autrement ».

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Chapitre 5. Obligations réciproques des parties

Section 1. Obligations du bailleurOn appliquera largement le droit commun du code civil : art. 1719 et s. => garantie d'éviction, des vices, payement du loyer, obligation de jouir du bien en BPF... Sous réserves toutefois de dispositions particulières.

Parmi ces dispositions, l'art. 2 traite de l'état du bien loué. Le bien loué doit répondre aux exigences élémentaires de sécurité, salubrité et habitabilité.

Que retenir de ceci ? On a un arrêté-royal du 8 juillet 1997 (date ?) qui définit les exigences minimales à remplir pour qu'un bien puisse être donné en location et répondre aux conditions élémentaires de sécurité, salubrité et habitabilité. Ex : le logement doit disposer au moins d'un point d'eau potable privatif ; une toilette privative ; une installation électrique approuvé par un organisme agréé.

Que se passe-t-il si le bail ne répond pas à ces conditions ? L'art. 2 nous renseigne à cet égard. Il nous dit que le preneur a le choix d'exiger l'exécution des travaux nécessaires pour mettre le bien en conformité, ou demander la résiliation (plutôt résolution !) du contrat avec D/I.

La loi ajoute : avec D/I.

En attendant l'exécution des travaux, le juge peut accorder une diminution du loyer. Voilà encore une hypothèse de réduction du prix (sanction dite de réfaction). (tuyau tuyau tuyauuu).

S'est ensuite posée la question de savoir s'il n'y avait pas une autre sanction envisageable ? Si un propriétaire donne en location un taudis, n'y aurait-il pas en plus la possibilité de faire prononcer la nullité du contrat ; nullité qui serait absolue, car le contrat de bail porte sur une chose en dehors du commerce ! On aurait donc la possibilité pour le juge de prononcer d'office la nullité !

On notera également l'art. 2 §2, qui a été complété en 2007. « Par l'application des art. 1720, 1754 et 1755 C. civ aux baux régis par la présente section, le bailleur est obligatoirement tenu des toutes les réparations autres que les réparations locatives ».

Que veut dire ce texte ? Le législateur a rendu les art. 1720, 1754 et 1755 impératifs ! Ce sont les textes qui traitent des réparations incombant au bailleur et au preneur. La loi nous dit « le bailleur est obligatoirement tenu de toutes les réparations autres que les réparations locatives ». Les clauses contraires seraient donc nulles.

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L'art. 5bis traite du payement du précompte immobilier (impôt infèrent au revenu issu de l'immeuble). Ce précompte immobilier repose sur le bailleur : le bailleur doit enregistrer lui-même, à ses frais, le bail. Si le bail n'a pas été enregistré, le preneur a la possibilité de résilier le bail sans indemnités ni délais.

Section 2. Obligations du preneurUn loyer doit être payé (art. 7). Le bail peut être révisé.

Le bail est également indexé, qui a lieu de plein droit, chaque année. Cette indexation est automatique, une clause n'est donc pas nécessaire. Notons toutefois qu'on peut parfaitement envisager que le bailleur renonce à l'indexation par une clause (art. 6).

Il est fréquent que le bailleur réclame une garantie locative du locataire (art. 10), avec toutes les difficultés que cela peut poser pour les personnes démunies. Le législateur indique, à l'art. 10, qu'on peut d'abord prévoit un cautionnement ; on peut également prévoir un gage. La formule la plus fréquente est la garantie en espèce : on dépose sur un compte individualisé (au nom du preneur) une certaine somme, de montant équivalent ou deux ou trois mois de loyer. A la fin du bail et en cas de dégâts, le bailleur pourra demander de prélever sur ce montant.

L'examen

3 h. On dispose du recueil pour l'examen.

Questionnaire : – Casus de tp– Définition (de 4/5 lignes + dispositions légales y afférant).– Casus minute : la réponse tient en quelques lignes, ou se trouve dans un article de loi.– Question théorique (que savez-vous des conditions de la garantie des vices cachés de la

chose vendue ; de l'action directe du sous-traitant ; expliquez la phrase selon laquelle l'action directe du sous-traitant est un faveur légale assortie de limites).

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Table des matièresPartie 1. Le contrat de vente ................................................................................................................3

Chapitre 1. Introduction – notions générales et conditions de validité du contrat de vente............4Section 1. Les textes gouvernant le contrat de vente .................................................................4Section 2. Notions préliminaires.................................................................................................5

§1. Un contrat translatif de propriété .....................................................................................5§2. Un contrat consensuel .....................................................................................................5

Section 3. Les éléments essentiels .............................................................................................6§1. Le transfert de propriété...................................................................................................6

A. Notions .........................................................................................................................6B. Moment du transfert de propriété .................................................................................7

1. Principe : un transfert solo consensu........................................................................72. Exceptions ................................................................................................................7

a. Relatives à la nature de la chose ..........................................................................7* La chose de genre ............................................................................................7* Les ventes commerciales .................................................................................7* Les choses futures.............................................................................................7* Le corps certain – la clause de réserve de propriété ........................................7

- Avantage de la clause de réserve de propriété .............................................8- Inconvénient de la clause de réserve de propriété .......................................8

§2. Le payement du prix.........................................................................................................9A. Un prix fixé en argent...................................................................................................9B. Un prix certain .............................................................................................................9C. Un prix ni simulé, ni dérisoire : un prix sérieux.........................................................10

1. Notions ...................................................................................................................102. Sanction d'un prix non sérieux : le cas de l'action en rescision ..............................11

a. Notions ...............................................................................................................11b. Conditions de l'action en rescision ....................................................................11

* La vente d'un immeuble..................................................................................12* La qualité de vendeur ....................................................................................12* Une lésion de plus de 7/12 du juste prix ........................................................13* Un délai de 2 ans............................................................................................13* La preuve de la lésion.....................................................................................13

c. Effets de l'action en rescision ............................................................................14* L'option de l'acheteur .....................................................................................14* Une rescision avec effet rétroactif .................................................................14* Protection des tiers.........................................................................................14

- L'option du tiers possesseur .......................................................................14- L'article 3 de la loi hypothécaire ...............................................................15- Le tiers titulaire d'un droit de créance........................................................15

Section 4. Les conditions de validité de la vente .....................................................................15§1. L'accord des parties et un consentement de qualité........................................................15§2. Des parties juridiquement capables................................................................................16

A. Le cas du mandataire .................................................................................................16B. La clause d'inaliénabilité.............................................................................................16

§3. Une chose ......................................................................................................................17A. Notions .......................................................................................................................17

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B. Le cas de la vente de la chose d'autrui........................................................................17Chapitre 2. La preuve et l'interprétation du contrat de vente.........................................................19

Section 1. La preuve du contrat de vente .................................................................................19§1. La vente commerciale ...................................................................................................19§2. La vente civile ...............................................................................................................19§3. La vente mixte................................................................................................................19

Section 2. L'interprétation du contrat de vente ........................................................................20Chapitre 2. Modalités diverses du contrat de vente et promesses de vente...................................21

Section 1. Les ventes à l'essai...................................................................................................21§1. Notions générales...........................................................................................................21§2. La vente sous condition suspensive ...............................................................................22§3. La vente sous condition résolutoire................................................................................23§4. La simple promesse unilatérale de vente........................................................................23

Section 2. Les promesses de vente et promesses d'achat..........................................................23§1. Promesses de vente.........................................................................................................23

A. Promesse de vente, acte unilatéral..............................................................................23B. Promesse de vente, contrat synallagmatique...............................................................24C. Promesse de vente, contrat unilatéral : option d'achat ...............................................24

1. Définition................................................................................................................242. Effets d'une option d'achat .....................................................................................24

a. Le bénéficiaire de l'option dispose d'un droit de créance ..................................24b. Le bénéficiaire de l'option n'a pas d'obligation..................................................24c. La levée de l'option et ses conséquences ...........................................................25

4. Quid si le vendeur a vendu le bien ?.......................................................................25§2. Promesse d'achat.............................................................................................................26

Section 3. Les ventes au poids, au compte ou à la mesure, les ventes en bloc.........................27§1. La vente au poids............................................................................................................27§2. La vente en bloc.............................................................................................................27

Section 4. La vente avec arrhes et la vente avec acompte........................................................28§1. Les arrhes, moyen de dédit.............................................................................................28§2. La vente avec acompte...................................................................................................28

Section 5. La vente à réméré.....................................................................................................29§1. Définition de la vente à réméré......................................................................................29§2. Les effets du réméré.......................................................................................................31

A. Avant l'exercice du réméré..........................................................................................31B. Au moment du rachat..................................................................................................31

Section 6. La vente avec déclaration de command ..................................................................32§1. Origine et définition.......................................................................................................32§2. Conditions de la déclaration de command.....................................................................32§3. Effets de la déclaration de command..............................................................................33

Chapitre 4. Les effets du contrat de vente – obligations du vendeur.............................................34Section 1. L'obligation de dare..................................................................................................34Section 2. Deux obligations éventuelles ..................................................................................35

§1. L'établissement d'un acte instrumentaire........................................................................35§2. L'obligation de conserver la chose jusqu'à la livraison..................................................35

Section 3. Obligation de délivrer la chose ...............................................................................36§1. Notions ..........................................................................................................................36§2. Que doit-on délivrer ?.....................................................................................................37

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A. La chose et ses accessoires matériels et juridiques.....................................................37B. Une chose conforme sur le plan quantitatif et qualitatif.............................................38

§3. L'agréation .....................................................................................................................38§4. Sanction de la non conformité........................................................................................38§5. Le vice apparent ............................................................................................................39§6. Le vice caché, ou vice rédhibitoire.................................................................................39

A. Condition de l'obligation de garantie des vices cachés...............................................401. Un défaut de la chose..............................................................................................402. Un vice d'une certaine gravité ................................................................................403. Un vice antérieur au transfert de propriété ............................................................414. Un défaut caché.......................................................................................................415. Agir à bref délai .....................................................................................................41

B. Effets attachés à l'obligation de garantie ....................................................................421. Option de l'acheteur ...............................................................................................422. Le vendeur de mauvaise foi : la possibilité de réclamer des D/I............................42

C. Les clauses contraires .................................................................................................42Section V. L’obligation de délivrance dans la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises........................................................................................................................44Section VI. La garantie des biens de consommation................................................................45

§1. La loi du 1 septembre 2004............................................................................................45§2. Champs d'application des nouvelles règles ...................................................................45§3. La garantie légale ..........................................................................................................46

A. Calcul du délai............................................................................................................46B. Les droits du consommateur ......................................................................................47

1. La mise en conformité du bien................................................................................472. Les remèdes subsidiaires : résolution ou réduction du prix....................................47

§4. La garantie conventionnelle ou commerciale ....................................................................48Section VII. La garantie d’éviction...........................................................................................49

§1er. La garantie d’éviction du fait personnel......................................................................49§2. La garantie d’éviction du fait des tiers...........................................................................50

A. Les conditions.............................................................................................................501. Un trouble de droit..................................................................................................502. Un trouble actuel.....................................................................................................503. Une cause antérieure à la vente...............................................................................514. Les charges non déclarées.......................................................................................51

B. Portée de la garantie d'éviction du fait des tiers..........................................................511. Garantie incidente...................................................................................................512. Garantie principale..................................................................................................52

a. Éviction totale.....................................................................................................52b. Éviction partielle ...............................................................................................52

3. Les clauses contraires.............................................................................................53a. Les clauses extensives de la garantie d'éviction.................................................53b. les clauses restrictives ou exonératoires de garantie..........................................53c. Incidence de la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur........................................................................................................53

Chapitre 5. Les autres effets du contrat de vente – obligations de l'acheteur................................54Partie II. Les contrats de service ........................................................................................................56

Titre 1. Le contrat de mandat.........................................................................................................58

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Chapitre 1. Notions générales........................................................................................................58Section 1. Définition ................................................................................................................58Section 2. Applications.............................................................................................................59

Chapitre 2. Conditions de formation, caractéristiques et preuve du contrat de mandat................59Section 1. Les conditions de formation du contrat de mandat..................................................59

§1. Consentement ................................................................................................................59§2. Objet du contrat et étendue du mandat ..........................................................................59

A. Mandat général et mandat spécial – le champ d'application extrinsèque...................60B. Mandat conçu en termes généraux et mandat exprès – le champ d'application intrinsèque........................................................................................................................60

§3. La capacité du mandataire .............................................................................................61Section 2. Caractéristiques du contrat de mandat.....................................................................62

§1. Un contrat consensuel....................................................................................................62§2. Contrat intuitu personae.................................................................................................62§3. Contrat à titre gratuit......................................................................................................62

Section 3. La preuve du contrat de mandat ..............................................................................64§1. La preuve du contrat inter pares.....................................................................................64

A. Principe : nécessité d'un écrit......................................................................................64B. Formalisme particulier ...............................................................................................64C. Pratique du mandat conféré par procuration sous seing privé....................................65

§2. La preuve du mandat et les tiers : la forme de la procuration........................................65A. Il se peut tout d'abord qu'un tiers cherche à faire la preuve du mandat......................65B. Contestation de l'existence du contrat par le tiers.......................................................66

Chapitre 3. Obligations et responsabilité du mantaire...................................................................67Section 1. Les obligations du mandataire ................................................................................67

§1. L'exécution personnelle du mandat par le mandataire...................................................67A. Accomplir le mandat sans faute..................................................................................67

1. Article 1991 et 1992 : le siège de la matière...........................................................672. Respecter les instructions données par le mandataire.............................................683. Faire preuve de diligence........................................................................................684. Le devoir de loyauté................................................................................................68

a. Devoir de transparence ......................................................................................68b. Obligation de respecter la finalité de la représentation......................................69c. Interdiction de la contrepartie.............................................................................69d. Interdiction du mandat double............................................................................69

B. Obligation de rendre compte.......................................................................................691. Obligation d'information.........................................................................................702. Obligation de reddition de compte..........................................................................70

C. Notion et licéité de la substitution du mandataire.......................................................711. Définition de la substitution du mandataire............................................................712. Y a-t-il substitution de mandataire, lorsque le mandataire ne peut exécuter lui-même le mandat ?.......................................................................................................713. Licéité de la substitution.........................................................................................72

D. Rapports juridiques nés de la substitution..................................................................731. Lorsque la substitution est autorisée.......................................................................73

a. Rapports entre mandant et mandataire...............................................................73* La substitution autorisée avec indication du nom du substitut.......................73* La substitution autorisée sans indication par le mandant du nom du substitut

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...........................................................................................................................73b. Rapports entre mandant et mandataire substitué ...............................................74

* Recours ouvert par l'art. 1994, alinéa 2, du Code civil...................................74* Fondement de l'action rpévue par l'aricle 1994, alinéa 2...............................74* L'action prévue à l'art. 1994, alinéa 2, est-elle réciproque ?...........................75

c. Rapports entre mandant et tiers contractant ......................................................752. Lorsque la substitution est interdite .......................................................................76

a. Rapports entre mandataire et mandant...............................................................76* Le mandataire répond-il des fautes du mandataire substitué ? Application de la responsabilité contractuelle...........................................................................76

b. Rapports entre mandant et mandataire substitué................................................76* Fondement juridique de l'action.....................................................................76

c. Rapports entre mandant et tiers contractant.......................................................76* Le mandant est-il lié vis-à-vis du tiers contractant ? Absence d'effets de la substitution........................................................................................................76

Chapitre IV. Obligations du mandant envers le mandataire ........................................................77Section 1. Paiement du salaire..................................................................................................77

§1. Fixation du salaire ; réductibilité du salaire exorbitant .................................................78A. La fixation unilatérale par le mandataire....................................................................78B. L'accord des parties sur la rémunération.....................................................................78

Section 2. Obligation de tenir le mandataire indemne..............................................................79Section 3. Exécution de bonne foi du mandat...........................................................................79

Chapitre 5. Effets du mandat à l'égard des tiers ............................................................................80Section 1. Principe....................................................................................................................80Section 2. Faute du mandataire.................................................................................................81

§1. Faute contractuelle commise dans l'exécution du mandat..............................................81§2. Faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire.....................................................81

A. Principe.......................................................................................................................81B. Exceptions : le dol et la violence................................................................................82

Section 3. Le cas du mandataire ayant outrepassé ses pouvoirs ..............................................82Section 4. La théorie du mandat apparent.................................................................................83

§1. Avant l'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1988....................................................83§2. Depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1988.................................................84

Chapitre 5. La fin du contrat de mandat .......................................................................................85Section 1. Les causes d'extinction anormales – de dissolution – du mandat ...........................85

§1. La mandataire et celle du mandant.................................................................................85§2. La faillite ou déconfiture du mandataire ou du mandant ...............................................85§3. L'interdiction du mandataire ou du mandant .................................................................85§4. La résiliation unilatérale.................................................................................................86§5. La révocation..................................................................................................................86§6. La renonciation : art. 2007.............................................................................................88

Titre 2. Le contrat d'entreprise.......................................................................................................89Chapitre 1. Notions générales ..................................................................................................89

§1. Définition........................................................................................................................89§2. Distinction .....................................................................................................................89

A. Contrat d'entreprise et contrat de travail ....................................................................89B. Contrat d'entreprise et contrat de mandat...................................................................90C. Contrat d'entreprise et contrat de dépôt ....................................................................90

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D. Contrat d'entreprise et contrat de vente ....................................................................91Chapitre 2. Éléments essentiels et preuve du contrat d'entreprise.................................................92

Section 1. Caractéristiques du contrat d'entreprise...................................................................92Section 2. La preuve du contrat d'entreprise.............................................................................92

Chapitre 3. Effets du contrat d'entreprise en général.....................................................................93Section 1. Obligations de l'entrepreneur ..................................................................................93

§1. Bien exécuter le travail promis.......................................................................................93§2. Exécuter le travail dans le délai convenu ......................................................................94§3. Conserver la chose jusqu'à la livraison de manière à en permettre la perception..........94

Section 2. Obligations du maitre de l'ouvrage..........................................................................94§1. Faciliter le travail de l'entrepreneur................................................................................94§2. Payer le prix pour le travail fourni ................................................................................94§3. Obligation pour le maitre de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage........................................95

A. Définition....................................................................................................................95B. Modalités.....................................................................................................................95C. Effets de la réception...................................................................................................95

Section 3. Sanctions de l'inexécution........................................................................................97§1. Inexécution du maitre de l'ouvrage................................................................................97§2. Inexécution de l'entrepreneur.........................................................................................97

A. Responsabilité de droit commun avant réception.......................................................97B. Responsabilité contractuelle de droit commun après réception..................................99

1. Vices apparents ......................................................................................................992. Vices cachés véniels................................................................................................99

C. La théorie des risques (tuyau)...................................................................................100Section 4. La sous-traitance ...................................................................................................102

§1. Notions générales ........................................................................................................102§2. Droits du maitre de l'ouvrage à l'égard de l'entrepreneur principal .............................102§3. Droits du maitre de l'ouvrage à l'égard du sous-traitants.............................................102§4. Action directe du sous-traitant vis-à-vis du maitre de l'ouvrage..................................104

A. Principe ....................................................................................................................104B. Faiblesses de l'action directe ....................................................................................105

1. La créance de l'entrepreneur à l'égard du maitre de l'ouvrage..............................1052. Le jugement déclaratif de faillite de l'entrepreneur principal ..............................1053. La cession de la créance de l'entrepreneur............................................................1064. Un même chantier.................................................................................................106

C. Cas particulier : la commande de l'entrepreneur chez un fournisseur......................107Chapitre 4. Fin du contrat d'entreprise.........................................................................................107

Section 1. La mort de l'entrepreneur.......................................................................................108Section 2. Résiliation unilatérale par le maitre de l'ouvrage : art. 1794 C. civ. .................................................................................................................................................108

§1. Champ d'application ; forme et moment de la résiliation unilatérale ; effets ..............108Titre 3. Le contrat d'entreprise de construction ...........................................................................110

Partie III. Le contrat de bail..............................................................................................................112Titre 1. Généralité........................................................................................................................112

§1. Les textes applicables...................................................................................................112§2. Régime juridique de la location mobilière...................................................................112§3. Caractère des dispositions légales du code...................................................................113§4. Le contrat de location...................................................................................................113

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A. Caractéristiques.........................................................................................................113Titre 2. Le bail à loyer..................................................................................................................115Chapitre 1. Généralités.................................................................................................................115

Section 1. Éléments essentiels du contrat de bail....................................................................115§1. Un bien.........................................................................................................................115

A. Principe.....................................................................................................................115C. La chose d'autrui.......................................................................................................115

§2. Un prix.........................................................................................................................116Chapitre 2. Obligations du bailleur..............................................................................................117

Section 1. Une délivrance........................................................................................................117Section 2. L'entretien de la chose louée..................................................................................118

§1. Principe.........................................................................................................................118§2. Exceptions – réparations exclues .................................................................................119

Section 3. Une garantie contre l'éviction................................................................................120§1. La garantie d'éviction...................................................................................................120

A. Du fait personnel.......................................................................................................120B. Du fait des tiers.........................................................................................................121

Section 4. Obligation de garantie des vices............................................................................123Chapitre 3. Droits et obligations du preneur................................................................................124

Section 1. Usage de la chose louée ........................................................................................124§1. L'occupation des lieux..................................................................................................124§2. En bon père de famille, et selon sa destination ...........................................................124§3. Les réparations locatives ou de « menu entretien »......................................................125

Section 2. Obligations financières...........................................................................................126§1. Payer le loyer et ses accessoires...................................................................................126§2. La garantie locative et la caution..................................................................................126§3. Répartition des charges et des frais..............................................................................126§4. Garnir la maison louée.................................................................................................126

Section 3. Restitution de la chose louée .................................................................................127Section 4. Cession de bail et sous-location.............................................................................127Section 5. La transmission du bien loué.................................................................................127

Chapitre 4. Les causes d'extinction du bail de droit commun ....................................................129Titre 3. Le bail de résidence principale........................................................................................130Chapitre 1. Champ d'application .................................................................................................130Chapitre 2. La durée du bail de résidence principale ..................................................................132

Section 1. Le bail de 9 ans......................................................................................................132§1. Principe et définition ...................................................................................................132§2. La résiliation unilatérale du bailleur.............................................................................133

A. Pour occupation personnelle des lieux......................................................................133B. Le congé pour reconstruction, transformation ou rénovation...................................133C. Le congé sans motif..................................................................................................134

§3. Résiliation unilatérale du preneur.................................................................................134A. La résiliation par le preneur à tout moment..............................................................134B. La résiliation du bail non enregistré..........................................................................135C. Le contre-préavis.......................................................................................................135

Section 2. Le bail de courte durée...........................................................................................135Section 3. Le bail de longue durée..........................................................................................136Section 4. Le bail à vie............................................................................................................136

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Chapitre 5. Obligations réciproques des parties..........................................................................137Section 1. Obligations du bailleur...........................................................................................137Section 2. Obligations du preneur...........................................................................................138

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