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INTRODUCTION AU DROIT SOCIAL M. JAMOULLE RÉDACTION : JEAN-CHRISTOPHE WÉRENNE ANNÉE ACADÉMIQUE 2001-2002

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INTRODUCTION AU DROIT SOCIAL

M. JAMOULLE

RÉDACTION : JEAN-CHRISTOPHE WÉRENNE ANNÉE ACADÉMIQUE 2001-2002

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 2.-

INTRODUCTION GENERALE

REDACTION : JEAN-CHRISTOPHE WERENNE INTRODUCTION AU DROIT SOCIAL 2001/2002

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 3.-

PRELIMINAIRES1

1. LE DROIT SOCIAL EST COMPOSÉ DU DROIT DU TRAVAIL ET DU DROIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE.

Les normes qui le régissent sont : • Les normes immédiatement étatiques (la loi, le décret, ...). • Les conventions collectives de travail (normes d'origine professionnelle accueillies par le droit belge qui

leur confère une force juridique particulière).

2. LE CADRE THÉORIQUE DU DROIT SOCIAL Le cadre théorique du droit social est composé de deux modèles :

• Kelsen : Le droit social est du droit positif belge. Il s’inspire de la théorie de Kelsen en ce qui concerne la hiérarchie des sources et en ce qui concerne l'interprétation (rejet de la doctrine du sens clair). Ex : L'art. 23 Const. est une norme qui consacre les droits sociaux fondamentaux. Le constituant a choisit une interprétation en vertu de laquelle cet article n'a pas d'effet direct. Ce droit doit donc être concrétisé par des lois pour être directement applicable. Mais attention, ce n’est pas la seule interprétation possible de la norme.

• Santi Romano : Le modèle de Kelsen va être enrichit par le modèle de Santi Romano (théorie de la

pluralité des ordres juridiques). Contrairement à Kelsen, Santi Romano voit du droit partout. Il reconnaît les ordres juridiques internationaux et para-étatiques (le monde sportif, l'ordre canonique, ...). Cette théorie permet de comprendre le droit social. Dans un premier temps, les ordres juridiques sont étanches et, dans un deuxième temps, il y a un phénomène de réception des ordres juridiques para-étatiques (conventions collectives de travail) par l’ordre juridique étatique. Le droit étatique leur confère alors une valeur juridique particulière. Ex : Le droit belge va organiser le statut du sportif rémunéré dans une législation particulière.

3. LE DROIT SOCIAL EST EN RAPPORT AVEC D’AUTRES BRANCHES DU DROIT.

• Rapport entre le droit social et le droit international : Le droit social du Conseil de l'Europe, la Charte sociale européenne, ...

• Rapport entre le droit social et le droit constitutionnel : L’art. 23 Const. complété par l'art. 22bis Const., … • Rapport entre le droit social et le droit civil : Le droit social a été construit sur base d'un contrat. Le droit

civil est donc la toile de fond sur laquelle s'inscrit le droit social. On fait référence au droit civil (droit des personnes) quand le droit social est lacunaire.

• Rapport entre le droit social et le droit économique et le droit commercial : Le droit des sociétés, …

1 Notes de Julien Hans et de Stéphanie Wathelet (http://www.droit.be.tf)

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 4.- • Rapport entre le droit social et le droit pénal social : L’immunité pénale des salariés, etc. • Rapport entre le droit social et le droit administratif.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 5.-

CHAPITRE 1.-

LA NOTION DE DROIT SOCIAL

4. L’OBJET DU DROIT SOCIAL

a) Droit du travail subordonné

1) DÉFINITION Le droit social est le droit du travail subordonné, dans ses rapports entre :

o Travailleurs et employeurs Relations individuelles Relations collectives

o Travailleurs, employeurs et Etat : sécurité sociale o Travailleurs et travailleurs : relations collectives.

2) NOTION DE « TRAVAIL »

a. Concept sociologique

Le travail n’est pas un concept juridique mais sociologique. Le droit social a eu vocation à appréhender tout travail : il s’occupe du travail abstraitement.

b. Polysémie du mot « travail » Le travail, dans l’Antiquité, était toute activité manuelle. Actuellement, le droit social comporte certaines traces de la conception antique (il y a des régimes différents et il est clair que les activités intellectuelles sont privilégiées car moins serviles).

c. Origine sémantique Le mot « travail » vient de « tripalium », qui était un instrument de torture à trois pieds. Ce qui accentue le côté désagréable du travail.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 6.-

b) La subordination2 : première approche

1) RÉFÉRENCE À UNE NOTION JURIDIQUE La subordination est une notion juridique car elle est, dans notre ordre juridique, créée par un mécanisme, un titre juridique préstructuré par le droit lui-même. Les deux principaux titres sont :

- le contrat du travail - la situation statutaire dans laquelle se trouvent certains fonctionnaires (service public).

Mais il existe également d’autres titres : - le contrat d’apprentissage qui sous-entend une idée d’échange en plus de la subordination. - La relation légale de travail (en cas de réquisition). Une loi de 1948 organise, lors de conflits, la

réquisition des travailleurs.

2) SUBORDINATION JURIDIQUE ET SUBORDINATION DE FAIT

La subordination est le rapport inégalitaire entre deux individus avec un aspect passif et un aspect actif. L’aspect actif est le droit pour une des deux personnes de donner des instructions, de donner des ordres à l’autre. L’aspect passif est l’obligation pour l’autre personne, le travailleur, d’obéir à ces ordres et instructions.

c) Subordination dans le cadre d’une activité (démarche fonctionnelle)

1) EXPLICATIONS PRÉLIMINAIRES QUANT À LA STRUCTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

• Le contrat de travail est un contrat synallagmatique avec un « schéma » d’échange entre les deux

cocontractants (à savoir travail contre rémunération, le salaire étant juridiquement la contrepartie du travailleur). C’est également un contrat à titre onéreux.

• Dans un contrat de travail, il y a l’intérêt patronal à la clef. En général, c’est le profit, mais pas

nécessairement : il existe des - contrats de travail où une ASBL est l’employeur ; le profit n’est donc pas le but recherché. - Contrats de travail conclu par des syndicats3.

2) DE L’INTÉRÊT PATRONAL • L’intérêt patronal est rejeté hors de la sphère contractuelle. Le schéma devient donc : travail contre

rémunération. Si l’intérêt patronal est réalisé, le travailleur n’y aura aucun droit.

2 Voy. M. Jamoulle, Seize leçons sur le droit du travail, la subordination, p.109, Collection scientifique, 1994. 3 Il est à noter que ce n’est pas juridiquement exact en droit belge, les syndicats n’ayant pas la personnalité juridique. On devrait plutôt dire qu’il s’agit d’un contrat entre un travailleur et le directeur du syndicat.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 7.- • Le contrat de travail contient une obligation de moyens et non de résultats. Il ne contient pas la promesse du

travailleur de réaliser l’intérêt patronal, il n’y a juste que la promesse d’exercer une activité. On assiste pour le moment à une contestation de cette conception. En sociologie, par exemple, on parle de plus en plus de la « contractualisation des objectifs. »

• Si le salarié ne promet que son travail, l’employeur dispose, lui, de deux mécanismes juridiques qui lui

permettront de rapprocher les prestations de travail de l’intérêt patronal. Ces deux mécanismes sont : - Le principe de l’exécution de bonne foi des contrats : l’employeur doit effectuer son travail de

bonne foi. - La subordination c'est-à-dire le pouvoir d’agencement global de la prestation de travail, le droit

de l’employeur d’organiser l’activité pour se rapprocher de la réalisation de l’intérêt patronal.

5. CARACTÈRE APPROXIMATIF DE LA DÉFINITION

a) Le droit social est plus et moins que le droit du travail subordonné

Si l’on confronte le sens usuel et la définition du droit social, on observera un décalage entre les deux idées. Le droit social, dans son sens usuel, est à la fois plus et moins que le droit du travail subordonné. Dans un sens positif : il faudrait y ajouter la sécurité sociale (différents types de sécurité sociale, les rapports entre aide sociale et sécurité sociale, etc.). Dans un sens négatif : la situation statutaire des travailleurs du secteur public ne relève pas du droit social mais du droit administratif. En conclusion, le droit social est difficile à cerner car sa définition est beaucoup trop approximative, le droit social étant une matière relativement récente (19ème siècle). Ses concepts ne sont donc pas tous réellement forgés. Il existe une certaine cohérence mais d’ordre conceptuel.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 8.-

CHAPITRE 2.-

ORIGINES DU DROIT SOCIAL

6. LA QUESTION SOCIALE ET SES COMPOSANTES Le droit social est la réponse donnée à la question sociale. La question sociale est la coïncidence entre la classe ouvrière et le groupe économique et sociologique des indigents, des assistés. Le droit social s’est attaché à étudier cette coïncidence.

a) Analyse classique : libéralisme et révolution industrielle

1) LA DOCTRINE DU LIBÉRALISME (RAPPEL)

La question sociale est due à la conjonction du libéralisme et de la révolution industrielle. La doctrine du libéralisme est une doctrine inventée par Jean-Jacques Rousseau et les Encyclopédistes au lendemain de la Révolution Française. Les Hommes naissent libres et égaux en droits et en obligations et vont poursuivre leurs intérêts individuels et les défendre (par postulat) de la même manière (vu qu’il y a égalité).

Dans ce système, un équilibre parfait s’installe. Le phénomène contractuel y est omniprésent : les accords

négociés à armes égales par les Hommes deviennent normes juridiques, contrats, et les Tribunaux tâchent de les faire respecter (voy. art. 1134 CC)

Ces contrats vont comporter un équilibre parfait : la formule de Foughez s’est donc imposée. « Qui dit

contractuel, dit juste). Ces contrats ne peuvent être rompus par l’intervention de tiers, de l’Etat et de tout corps intermédiaire : c’est le respect strict de l’individualisme. C’est une doctrine optimiste.

D’un point de vue économique, on assiste au même scénario. Les entreprises poursuivent leurs profits et se

font concurrence entre elles dans un état naturel de liberté (il n’y a donc pas d’intervention étatique) et chacune contribue à l’intérêt général (idem que du point de vue contractuel).

2) LA TRADUCTION JURIDIQUE DU LIBÉRALISME DANS LES RAPPORTS DE TRAVAIL

2 dispositifs datant de la même année (1791):

a. Le décret d’Allarde (1791) Décret qui instaure le principe de la liberté du travail et de l’industrie. Ce décret établit la suppression des

corporations afin que chacun puisse entreprendre ou travailler sans entrer dans la structure des corporations. La liberté de travail a donc différentes facettes :

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1. liberté de travailler (ou versant négatif, de ne pas travailler) : cette liberté est strictement juridique car concrètement pour survivre, il faut travailler (et donc ce n’est pas une « liberté »). Cette liberté est individuelle (pas de liberté collective ; il est à noter que tout est individuel dans le libéralisme)

2. liberté d’entreprendre (ou versant négatif de ne pas entreprendre)

b. Le décret Le Chapelier (1791)

Décret qui empêche le rétablissement des corporations en sanctionnant pénalement. Il interdit également toute association de personnes ayant un même métier. Ce décret rend la suppression des corporations encore plus fortes et désormais tout syndicat, association d’employeurs ou de travailleurs sont visés.

Cette loi consacre également le délit de coalition (faire grève, etc. ne sont pas sous le régime de la liberté).

Ce décret consacre réellement le caractère individuel de la relation de travail.

c. La conception contractuelle de la relation de travail

Pour construire une relation de travail, il existe différentes possibilités (situation statutaire, servage, esclavage, etc.) Comment construire cette relation alors que les corporations sont supprimées ?

Dans ce régime de libertés, on a vu que le phénomène contractuel était omniprésent : on va s’y référer en

prenant modèle sur un contrat relatif à une chose (louage de services), texte influencé par le droit romain (il existait l’institution de l’esclavage mais également, un contrat sur les énergies humaines).

Ces textes seront les art. 1780 et 1781 CC, qui permettront de sauvegarder la liberté de tout bien (comme

Benjamin Constant l’a dit).

3) CARACTÉRISTIQUES DE LA CONCEPTION CONTRACTUELLE DE LA RELATION DE TRAVAIL

Le contrat de travail est un contrat synallagmatique avec un « schéma » d’échange entre les deux

cocontractants (à savoir travail contre rémunération, le salaire étant juridiquement la contrepartie du travailleur). C’est également un contrat à titre onéreux.

Le louage de service permet la rencontre de l’exécution successive, de la conception contractuelle et de la

relation de travail. La force de travail mise à disposition du cocontractant est parfois précisée (ex. activités d’ingéniorats,

activité de représentation de commerce) mais le contrat peut exister sans que ce soit précisé. L’activité peut rester indéterminée.

Quand il n’y a pas de précisions au sujet de l’activité, les contrats restent valables car l’objet du contrat est

la force du travail. L’employeur va utiliser la subordination pour dire quelle sera la prestation exigée et pourra par après la modifier (c’est la notion d’ius variandi).

L’objet du contrat est la force de travail et donc, pas la personne du salarié (c’est une fiction). Nous sommes

dans un système libéral et la personne humaine est hors contexte. C’est un artifice juridique : la personne humaine est distinguée de la force du travail.

Si la prestation est précisée, un texte est d’application : l’art. 1780 CC (art. qui se trouve également dans la

loi sur les contrats de travail). Cet article interdit les engagements à vie. Le contrat, conformément au principe du libéralisme, est soumis au principe de l’autonomie des volontés (art. 1780 et 1781, ce dernier étant abrogé aujourd’hui), et durant la Révolution Française, les usages.

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4) LE CARACTÈRE IDÉOLOGIQUE DE LA DOCTRINE LIBÉRALE • Aux 18ème et 19ème siècles, c’est la révolution industrielle et l’apparition de nouvelles technologiques. Une

nouvelle façon de produire va consacrer l’émergence des grandes entreprises et entraîner, comme corrélat, la disparition des petites entreprises qui ne suivent pas.

• Par ailleurs, la formation d’un prolétariat urbain (c'est-à-dire masse de demandeurs d’emplois quasi

interchangeables dans laquelle l’entrepreneur peut puiser pour augmenter son profit) se crée. • Comme les entreprises se font concurrence, elles ont intérêt à écraser les coûts de production, et, en ce

compris, le coût humain. Elles vont donc payer moins leurs salariés mais pour un travail plus important. Pour ce faire, elles utilisent un instrument juridique parfait : le louage de service (contrat dominé par l’autonomie des volontés).

• Ce contrat va vite devenir d’adhésion (il n’y aura que la volonté patronale car il n’existe que quelques

entreprises pour une masse de plus en plus importante de personnes) avec un salaire le plus bas possible. • Cette forme sera prolongée par la loi belge sur le règlement d’atelier (1896 : loi d’entreprise) dans laquelle

sont exposés les dispositions et les conditions de travail (sanctions disciplinaires, etc.). • Le règlement étant l’œuvre unilatérale de l’employeur, on pourrait supposer, qu’en respectant les principes

du libéralisme, les ouvriers pourraient s’y opposer. Hors ce ne fut pas le cas, la loi de 1896 recourrant à une fiction de consentement de l’employé. Dès que le règlement est affiché, l’employé est présumé y avoir adhérer.

• Le système est donc verrouillé : si les salariés refusent collectivement de ne pas adhérer au règlement, ils ne

peuvent pas car ils seraient poursuivis sur base du délit de coalition (voy. Décret Le Chapelier). Tenir en échec l’intérêt patronal est donc impossible.

• A ce stade, la liberté n’est pas seulement une doctrine mais également une idéologie. Une idéologie est une

présentation d’un système en mettant en exergue les valeurs (égalité et liberté) véhiculées et en camouflant le fait que la doctrine sert en fait les intérêts d’une classe déterminée (in casu, la bourgeoisie).

• Cette idée se vérifie en partie : le libéralisme va déroger à ses propres valeurs là où celles-ci sont

incompatibles avec les intérêts de la bourgeoisie.

5) L’ « INFÉRIORITÉ JURIDIQUE4 » DE LA CLASSE OUVRIÈRE • Livret « ouvriers » • 2ème article que le Code Civil consacrait au louage de services, l’art. 1781 CC disait en substance que quand

il y avait contestation entre employeur et salarié, le maître serait toujours cru sur parole. Cet article fut abrogé fin du 19ème siècle.

• Les conseils des prud’hommes : première juridiction dans lesquels interviennent des juges laïcs représentant les ouvriers et employeurs. La représentation n’était évidemment pas paritaire, le nombre de représentants d’employeurs étant supérieurs à celui des représentants d’ouvriers.

4 Voy. Sheffner

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b) Insuffisance de l’analyse classique ; nécessité de faire apparaître un élément extrinsèque : la séparation entre les travailleurs et les moyens de production

Il existe un élément en amont à ajouter : le droit de propriété ; C’est l’entrepreneur qui a la maîtrise des moyens de production. Les salariés sont séparés des moyens de production. Ils sont obligés de passer par l’entrepreneur pour pouvoir travailler. Ils sont donc tenus de respecter la volonté de l’entrepreneur en raison de la séparation entre les moyens de production et eux. Cette analyse a été faite assez tôt par des analystes. ANECDOTE : Monsieur P. est un entrepreneur anglais au 19e et estime qu’il ne fait pas suffisamment de profits et décide de délocaliser ses entreprises en Australie, terre d’opportunité où, pense t il, il va augmenter son profit. Mettant son projet à exécution, il affrète un avion où prennent place les machines. Il engage 300 prolétaires pour l’accompagner. Là bas, ce qu’il projetait ne se réalise pas car l’Australie est terre d’opportunité et les prolétaires ont renié leur qualité de prolétaire et se sont transformés en travailleurs indépendants. Ils ont ainsi laissé Monsieur P. sans domestiques et sans ouvriers. En Australie, il n’y a pas de séparation entre ouvriers et moyens de production et donc pas de question sociale. Cette anecdote exemplaire permet de montrer bizarrerie du droit : au départ, l’entreprise n’est pas un concept juridique, c’est une notion d’ordre sociologique, économique. Se pose la question fondamentale : comment le droit parvient-il à faire l’économie d’une notion juridique d’entreprise ? Parce que l’entrepreneur a double qualité : il est partie au louage de service, et il a la maîtrise de l’entreprise issue du droit de propriété. En raison de cette double qualité, l’employeur va avoir une maîtrise double et complémentaire sur les facteurs matériels et humains qui composent son entreprise. L’entrepreneur dispose de la subordination et permet de rapprocher le salarié de l’intérêt patronal. Ceci dit, à l’heure actuelle, il y a une émergence de la notion d’entreprise sur la scène juridique. Par exemple, voy. la loi de 1948 sur les conseils d’entreprise, l’entreprise devient notion juridique.

7. POURQUOI LE DROIT SOCIAL ?

a) Analyse classique

1) L’INTERACTION DE DEUX FACTEURS : ACTION DE LA CLASSE OUVRIÈRE ET ATTITUDE DES CLASSES DIRIGEANTES

On fait apparaître la conjonction de deux facteurs parce que d’une part l’action de la classe ouvrière et d’autre part la décision de la classe dominante d’y adhérer (voy. Lucien François, Introduction au droit social, ULG : partie historique) En ce qui concerne la classe ouvrière : action illégale, souvent violente (émeutes, insurrections) marquée par la valeur de la solidarité. Cette action a été facilitée par la mentalité d’une classe en lutte : la classe ouvrière vit séparée du restant de la population (psychologique, géographique, …)

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 12.- En ce qui concerne la décision de la classe bourgeoise : absence de vigilance voire négligence de la classe bourgeoise de protéger ses propres intérêts et il y a eu une stratégie habile des personnes qui souhaitaient naissance du droit social : les premières lois étaient des dérogations ponctuelles au principe du non interventionnisme étatique ; le droit social est entré par la petite porte (voy. législation sur le travail des femmes et des enfants : une des premières réglementations). Ainsi, la bourgeoisie a été prise au piège de ses propres représentations (défense de la famille, des plus faibles et de ceux qui nécessitent une certaine protection). Le droit social apparaît donc comme un droit de protection des travailleurs subordonnés. C’est la mise en forme juridique des conquêtes ouvrières et comme une concession de la bourgeoisie. Aujourd’hui, il y a des mécanismes et des structures juridiques qui rendent compte de cette conception de protection des travailleurs. Le mécanisme juridique c’est une règle hiérarchique.

2) LE DROIT SOCIAL, DISPOSITIF DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS ; ANALYSE D’UNE RÈGLE HIÉRARCHIQUE LIÉE À CETTE CONCEPTION : LA PRIMAUTÉ DE LA NORME LA PLUS FAVORABLE AUX TRAVAILLEURS

a. La hiérarchie des sources (art 51 Loi du 05.12.1968) Il convient d’évoquer l’art 51 de la loi du 5.12.1968, législation sur les relations collectives de travail et en particulier, les conventions collectives de travail. Le législateur se devait de situer les conventions par rapport aux normes légales et immédiatement étatiques : c’est l’art. 51 qui établit la hiérarchie des sources. L’art 51 peut être lu à la lumière de la pyramide de Kelsen.

• Au sommet : lois impératives (avec AR, AM) : origine immédiatement étatique. • Normes d’origine professionnelle (vision quelque peu réductrice de l’art 51) • Conventions collectives de travail (issue de la volonté des interlocuteurs sociaux)

Echelon national : conclues au sein d’une instance paritaire qui joue elle-même à l’échelon national : le conseil national du travail ; ces conventions peuvent être rendues obligatoires par AR et si un AR intervient cela signifie que ces conventions collectives deviennent entièrement impératives (s’appliquent à toutes les relations de travail subordonné) ; une sorte de double habilitation : loi de 68 qui prévoit ces conventions et l’intervention gouvernementale qui accroît cette force obligatoire en les rendant impératives. Respect des lois supérieures

Echelon sectoriel (économique) : ces conventions sont négociées au sein d’une instance paritaire, elle-même sectorielle. Ce sont les commissions paritaire. Même système que préc. En ce sens que ces conventions peuvent être rendues obligatoires par AR et cet AR a aussi pour effet de les rendre impératives mais dans le secteur économique considéré.

Conventions collectives non conclues dans organes paritaires : organisation patronale et syndicats : ce sont les conventions collectives d’entreprise, qui occupent un rang inférieur aux autres. Elles ont néanmoins force obligatoire.

Le contrat individuel de travail. En synthèse Lois impératives Normes d’origine professionnelle Conventions collectives de travail niveau national conseil national du travail niveau sectoriel instance paritaire niveau entreprises pas d’instance paritaire Contrats individuels de travail

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 13.-

Les normes de rang inférieur doivent respecter les normes supérieures. Elles trouvent leur légitimité (système d’habilitation) dans les normes sup. et doivent respecter les normes supérieures.

b. L’application de la norme la plus favorable au travailleur Cette norme n’est pas présentée dans l’art 51. Les Français l’appellent « principe de faveur ». Déf. : les normes même impératives vont s’effacer devant une source de rang inférieur dans la mesure ou cette source de rang inférieur comporte une clause plus avantageuse pour le salarié. Ex. les salaires minima sont fixées par des conventions collectives. Au niveau national, il existe des conventions collectives qui fixent le salaire minimum interprofessionnel garanti. A côté de cela, il existe des conventions sectorielles qui prévoient des salaires minima supérieurs à celui prévu au niveau national. Idem pour l’entreprise. Idem pour les contrats. C’est la norme qui fixe le salaire le plus élevé qui va s’appliquer Le droit social est donc un droit de protection (on le saura) Dans l’art 51, cette règle ne s’y trouve pas mais se retrouve dans certaines dispositions de façon ponctuelle : en particulier, l’art 6 de la loi organique sur le contrat de travail (1978), où se trouve l’une expression du principe de faveur. Voy. également l’art 28 de la loi de 1971 (législation « pilier » sur essentiellement le temps de travail) : (…) = encore une expression légale du principe de faveur : les limites maximales du temps de travail peuvent être abaissées, réduites par l’effet de conventions collectives de travail.

b) Nuance de l’analyse classique : la pluralité des fonctions du droit social

1) LE DROIT SOCIAL, COMPOSANTE D’UN SYSTÈME SOCIO-ÉCONOMIQUE ET TRADUCTION DU RAPPORT DES FORCES SYNDICALES ET PATRONALES.

Considérer que le droit social est un droit de protection des travailleurs est réduire son rôle. On peut certes considérer que le droit social est un droit de protection mais cette protection n’est pas uniforme pour tous les salariés. C’est ici qu’intervient une distinction déjà évoquée, celle entre ouvriers et employés. Globalement, les employeurs ont un statut privilégié par rapport aux manuels. En particulier, en ce qui concerne la stabilité de l’emploi (délai de préavis). En effet, dans les contrats à durée indéterminée, il y a un droit de résiliation unilatéral pour chacun des contractants (droit de démission et de licenciement). Quant à ce dernier, il doit être affecté d’un délai de préavis, de prévenance, de manière à ce que l’employé ait le temps de se retourner et de trouver un autre emploi. La longueur du préavis est différente selon qu’on est ouvrier (délai de préavis courts) ou un employé (il existe même de la jurisprudence autorisant un préavis de 4 ans) La protection accordée n’est donc pas uniforme. Cette distinction a été légitimée par la Cour d’Arbitrage : ce traitement différentiel entre ouvriers et employés ne violait pas la règle de l’égalité (cfr. Janvier 2002) C’est la protection de ceux qui sont le moins faibles face au patronat. Le droit social est né de la coïncidence entre la classe ouvrière et indigents. Au départ, il les protège. Par la suite, il y a eu extension juridique du salariat

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 14.- et les frontières ratione persone se sont étendues progressivement aux employés dit « inférieurs », puis applicables à tous les travailleurs intellectuels, tous les employés quelque soit le montant de leur rémunération. Cette protections se fera dans la fragmentation : régimes différents et en définitive, les intellectuels vont bénéficier davantage du droit social que les ouvriers alors qu’ils étaient les premiers visés. La fonction de protection est une des fonctions mais le droit social peut en avoir d’autres. Le droit social est polyvalent et ambigu : le droit social est une composante du contexte socio-économique et il protège les travailleurs contre les rouages du système.

2) ILLUSTRATIONS DE LA PLURALITÉ DES FONCTIONS DU DROIT SOCIAL

a. Le droit social européen Le droit communautaire trouve son origine dans son traité de Rome, qui a établi progressivement un marché commun (régime de libre concurrence devant jouer de façon transnational). C’était là un objectif essentiellement économique. Les pères fondateurs du traité de Rome se sont mis d’accord sur le fait que pas de droit social européen : seulement un objectif économique. Cependant, d’après le texte originaire du Traité de Rome, il y a quand même un certain droit social, par exception à l’optique de départ.

• LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS Celle-ci sera réalisée ; les travailleurs pourront travailler dans les pays de la CE sans permis de travail (libre accès à l’emploi, traitement parallèle pour les conditions de travail et disposition particulière en ce qui concerne la sécurité sociale des migrants). Ce droit social européen était impliquée par la logique économique du traité : il fallait établir un régime dans lequel tous les facteurs de production se trouvaient libérés (facteurs matériels et humains dont la main d’œuvre). Cette libre circulation permettait essentiellement aux entreprises allemandes, belges, etc. de se fournir en main d’œuvre. Il n’y a donc pas d’objectif de protection des travailleurs.

• L’ARTICLE 119 DU TRAITÉ DE ROME ET SES PROLONGEMENTS L’art 119 TRome prévoit l’égalité de salaire en travailleurs masculins et féminins. Cet article était demandé par la France. Pourquoi ? Ce n’est pas en raison de préoccupations féministes mais parce qu’elle craignait une distorsion de concurrence due aux fonctionnements des industries textiles italiennes (femmes sous payées, conditions de travail peu favorables aux travailleurs en général : production à des coûts assez bas). C’est une disposition sociale à vocation économique : l’égalité entre sexes est donc un instrument technique. Ce n’est que par la suite que cette égalité entre sexes deviendra une finalité.

b. Le travail des femmes et des enfants Les législations sur le travail des femmes et des enfants, sur la limitation de la durée de travail, sur la protection des salaires (interdiction de certaines pratiques patronales comme le troc- système), loi prévoyant mesures de sécurité et d’hygiène dans les entreprises réalisaient la protection des corps car il y a fonction de protection mais surtout pour assurer que la main d’œuvre reste en bonne santé (protéger ceux sur qui repose l’avenir démographique de la nation et donc assurer la survivance du système socio économique)

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 15.-

c. La sécurité sociale La sécurité sociale (1945) réalise une protection contre les risques sociaux. Cette sécurité sociale peut cependant être lue en corrélation avec une thèse économique (voy. Keynes, néolibéral) qui proposait une politique de hauts salaires et de sécurité sociale pour relancer la consommation. La sécurité sociale a donc une fonction économique pour obtenir une relance de l’économie.

c) Le « progrès social » n’est pas irréversible

1) ANALYSE DU CARACTÈRE FLUCTUANT DU DROIT SOCIAL Le droit social poursuit donc d’autres fonctions que celles de protection. Cette importance respective va varier selon l’état du rapport des forces syndicales et patronales. Si celui-ci est favorables aux premières, la composante protectrice s’accroît. Au contraire, ce sera une évolution du droit social et la composante protectrice se réduira. Jusqu’en 1975, il y a eu une montée des syndicats et le rapport a joué en faveur de ceux-ci. La composante protectrice s’affermissait davantage (certains diront même : le progrès social est irréversible). S’est donc imposé le modèle du contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée (on ne peut y mettre fin que via préavis). Il y a eu un mouvement de réduction quasi linéaire du temps de travail par application de la règle hiérarchique de la norme la plus favorable au salarié. Tout cela se transformera en 1975 (apparition de la crise économique, diminution voire suppression des profits des entreprises et montée du chômage). Parce qu’il y a chômage, il y a un déplacement des forces vers les forces patronales. Une évolution du droit social se profile : il devient moins protecteur ; la composante protectrice se réduit et devient le droit social devient un « outil de gestion ». Quid ? le modèle classique du contrat de travail sera concurrencé par des contrats atypiques (contrat de travail à temps partiel avec rémunération réduite, contrats temporaires et en particulier, la relation de travail triangulaire, à savoir le contrat intérimaire, contrat éminemment précaire)

2) ANALYSE DE LA RÈGLE HIÉRARCHIQUE DE LA SEMI IMPÉRATIVITÉ

En ce qui concerne le temps de travail, le mouvement de réduction quasi linéaire s’estompe fortement. Le thème du temps de travail va être abordé d’une autre manière à travers le travail intérimaire et la flexibilité du temps de travail. C’est ici que sera consacrée une règle hiérarchique qui est le pendant inversé de la norme la plus favorable au salarié. La loi de 1971 établit des durées de travail. Cette législation est impérative et même « unilatéralement impérative », c'est-à-dire qu’elle établit un minimum de protection en faveur des travailleurs qu’il est possible d’améliorer par application de l’art 28 (norme la plus favorable au travailleur). Ce sont des normes d’interdiction assorties de sanctions pénales à l’attention de l’employeur. C’est le régime traditionnel mis en place avant 75. Dans le régime de flexibilité, on va prévoir que des conventions collectives peuvent prévoir des régimes moins favorables à la disposition légale. C’est la règle hiérarchique de la semi impérativité. La loi de 1971 devient donc semi impérative, elle perd donc une partie de sa force obligatoire. Voy. hiérarchie des sources (leçon I), pluralité des fonctions du droit social (leçon III), la flexibilité du temps de travail (leçon 15), les emplois atypiques et les emplois à temps partiel (leçon 14).

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 16.-

3) DE L’ARTICLE 23 DE LA CONSTITUTION Le droit social entre par la petite porte et les législations ouvrières sont conçues comme des dérogations ponctuelles au principe du non interventionnisme étatique. Dans celles-ci, il n’y a pas de formulation de principes directeurs. Ces législations s’ancrent sur des situations concrètes et non, comme pour le droit civil, sur une logique formelle, rationnelle. Le droit social présente une rationalité matérielle, concrète et pas une construction conceptuelle, ce qui entraîne un statut légistique au profil bas : c’est un droit roturier et c’est une notion infra juridique. En raison de cela, va s’installer une interprétation hiérarchisante dans les rapports entre droit civil et social. Au sommet, les principes civilistes, ensuite les dérogations à ces principes par l’effet du droit du travail. Ce droit du travail appelle une interprétation restrictive ou à tout le moins exégétique. Dès qu’une hypothèse n’est pas réglée par le législateur social, il faut s’en référer au droit civil. Après la seconde guerre mondiale, vont intervenir des législations « piliers » (loi de 68, 71, 78). Le statut légistique inférieur est toujours considéré comme tel. Mais cela va se modifier par l’effet de l’article 23. L’art. 23 de la Constitution consacre les droits économiques et sociaux. Cette constitutionnalisation est tardive car elle avait déjà faite beaucoup plus tôt dans les autres pays (Belgique a une tradition de non interventionnisme dans le domaine social). Cet article tardif a été conçu comme n’ayant aucun effet direct. Mais il n’est évidemment pas exclu que cet article ne soit invoqué directement. L’article n’a pas d’effet direct pour le moment mais a une importance fondamentale car va impliqué une modification profonde du statut légistique du droit social. Ce n’est plus infra juridique mais accède à un statut symbolique. On va les opposer aux droits de l’homme classique. On assiste réellement à une mutation, à une légitimation du droit social. Il ne faut pas faire une équation entre l’art 23 C° et le droit social. L’art 23 a une application beaucoup plus large : tantôt toute la population active, tantôt toutes les personnes se trouvant sur le territoire. Ceci dit, l’art 23 regroupe le droit social et dans celui-ci, il s’agit du droit à des conditions de travail et à une rémunération équitable, droit d’information et de négociation des conventions collectives et droit à la sécurité sociale. Il convient également d’insister sur l’importance de reconnaissance du droit de négociation collective : la négociation collective est organisée par la législation de 1968 qui confère force obligatoire aux conventions collectives.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 17.-

PREMIERE PARTIE

LES RELATIONS COLLECTIVES DU

TRAVAIL

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 18.-

CHAPITRE 1.-

NATURE ET REGIME JURIDIQUES DES ASSOCIATIONS SYNDICALES ET

PATRONALES Hypothèse de travail : contrat d’association (syndicale ou patronale) ; rejet de l’analyse institutionnelle.

8. LA LIBERTE SYNDICALE

a) Evolution historique

1. La loi Le Chapelier qui prolonge le principe de la liberté du travail (1791) et interdit toute association de toute personne exerçant le même métier (association syndicale et patronale)

2. Art 415 et 416 du Code Pénal français de 1810 applicable en Belgique. Le régime est cependant un peu

transformé : toutes les associations syndicales sont des délits mais seulement certaines des associations patronales.

3. L’article 310 du Code Pénal de 1867 : le délit de coalition est supprimé mais l’art 310 du CP prévoit le

délit d’atteinte à la liberté du travail. Ce que le législateur reprend, il le donne aux employeurs d’une autre façon : dans le régime antérieur, il y avait délit de coalition ; ce n’est plus le cas par l’effet du nouveau CP mais l’art 310 entrave quand même le fonctionnement des syndicats et le déroulement des grèves.

a. Les piquets de grèves sont des atteintes à la liberté du travail b. Le fonctionnement du contrat syndicat est entravé par l’art 310

• A la base du syndicat, désormais licite, un contrat qui comporte des clauses (ou plutôt statuts). Dans celles-ci, on prévoit une procédure pour élaborer de nouvelles (en respectant la règle de majorité) règles contractuelles, de nouvelles obligations à l’égard des associés. Si de telles décisions sont prises, ces décisions contractuelles sont applicables à tous les syndiqués, associés, même à ceux qui étaient contre.

• Des sanctions seront également prévues dans la mesure où les syndiqués ne respecteraient pas les décisions prises légalement en vertu des statuts. Ce contrat sera compromis en matière de grève par l’effet de l’art 310 du CP. L’assemblée se réunit et projettent un mot d’ordre de grève : la majorité se prononce en faveur de la grève. Il y a donc obligation contractuelle pour tous les syndiqués. Cette dernière phrase est ce qui est (…) par l’art 310 CP.

• Les sanctions de l’art 310 CP sont lourdes. Les délits de droit commun (coups et blessures involontaires, volontaires, etc.) commis à l’occasion de grèves vont être punis plus durement qu’en d’autres circonstances.

• Cet art 310 a été abondamment mis en œuvre.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 19.-

b) La loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d’association et l’abrogation de l’article 310 du Code Pénal.

Les syndicalistes souhaitaient l’abrogation de l’art 310. En 1921, cette abrogation aura lieu et en contre partie apparaît la loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d’association. Les socialistes se seraient contentés de l’art 310 ; le patronat craignait avec cette abrogation la montée du syndicat socialiste de plus en plus puissant et donc exigeait que l’on protège la liberté d’association sous son aspect négatif (de ne pas s’associer). Le patronat va trouver un allié en la personne du syndicat chrétien (surtout en Flandre). Le syndicat chrétien se trouvait brimé par le syndicat socialiste (qui voulait obtenir le monopole du syndicat). Le syndicat chrétien soutient donc le patronat mais sous couvert de la liberté d’association mais dans le sens d’une pluralité (droit de faire partie d’un syndicat autre que le socialiste). Cette loi courte, aux allures constitutionnelles, concerne toute association. Les deux premiers articles sont des principes civils

• Art 1 : principe civil de portée générale selon lequel nul ne peut être contraint de faire partie ou non d’une association

• Art 2 : principe civil introduisant le jeu normal de la liberté d’association ; c’est le pendant négatif de l’art 310 CP. Il garantit le fonctionnement normal des syndicats : les contractants sont obligés de respecter les obligations contractuelles des statuts et en contre partie, chaque contractant souscrit à un droit de démissionner. Ce droit ne pourrait pas être supprimé par des statuts. C’est un droit d’ordre public.

• Art 3 : principe pénal : sanctions pénales • Art 4 : montre bien que la loi a été prise pour régir le contrat syndical. Des peines correctionnelles sont

prévues pour quiconque aura méchamment (…) • Selon les articles 3 et 4, il n’y a délit que s’il y avait conditions d’intentions (méchamment). Ce sont

finalement des conditions finalement assez strictes.

c) Addendum. Une organisation juridique internationale : l’Organisation Internationale Du Travail

L’OIT a élaboré une convention concernant la liberté syndicale

1) REMARQUES PRÉLIMINAIRES

L’O.I.T a été créée au lendemain de la première guerre mondiale (1919) de manière à lâcher du lest à l’égard de la classe ouvrière qui s’était beaucoup investie dans le conflit.

- Le droit social était avant la première guerre à ses balbutiements. Le patronat s’oppose à celui-ci à cause

de la concurrence internationale (encore aujourd’hui avec la mondialisation) : un état ne peut se doter d’un droit social protecteur des salariés parce que cela coûte cher et que cela augmenterait les coûts de production de son entreprise et placer celle-ci sur un terrain défavorable par rapport au commerce international.

- Pour tenter de trouver une parade à cet argument, les progressistes vont proposer du droit international social que tous les états seraient tenus de respecter : « le droit social sera international ou ne sera pas ».

- On crée donc l’OIT de manière à fabriquer des lois internationales consacrées au travail. Cette organisation a t elle répondu à l’attente ? L’organe législatif, la Conférence International du Travail, va déboucher par l’effet de ses conventions sur des traités et non sur des lois. Ces lois ne seront donc obligatoires pour les états que si ces états ratifient les traités. L’OIT n’a pas répondu à l’argument du commerce international et « le droit social sera international ou ne sera pas» ne sera pas réalisé.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 20.-

- En fonction de la législation interne, tel ou tel pays décide de ratifier ou non tel traité ( la législation est-elle conforme au traité ?)

- Pas d’influence déterminante mais l’OIT a exercé une influence sur le droit social belge à travers certaines structures inédites.

o L’OIT comprend des représentants des Etats, chaque Etat étant mis sur le même pied et représenté selon la formule du tripartisme (2 délégués étatiques, 1 délégué représentant la collectivité des employeurs et 1 autre pour les travailleurs). C’est la première fois que des délégués non gouvernementaux se retrouvent dans une organisation internationale.

o Autre innovation : le concept de représentativité. Ces délégués non gouvernementaux sont issus des organisations les plus représentatives.

o Cette structure préfigure les concepts de droit belge (tripartisme non adopté mais une variante : le paritarisme : l’Etat disparaît de la scène juridique, les partenaires sociaux sont face à face)

- Parmi les conventions adoptées, voy. la convention 87 sur la liberté syndicale. Cette convention date de 1948. On y affirme la liberté syndicale d’abord sous un angle individuel (affirmation du pluralisme syndical), ensuite sous un angle collectif (est prévu le droit pour les syndicats de se constituer, de fonctionner, et puis de disparaître en toute liberté : principe de l’absence de l’ingérence étatique)

- Rem. : la loi belge de 1921 demeure muette quant au principe d’absence d’ingérence étatique.

2) LE PROBLÈME DES « CLOSED SHOP » C’était une pratique fréquente dans certains pays nordiques et en GB, pays où les syndicats étaient particulièrement puissants. Etant puissants, les syndicats puissants arrachaient aux patrons une clause d’emploi fermé pour les ouvriers n’appartenant pas au syndicat signataire. De telles clauses ne respectent pas la liberté négative de ne pas s’associer et donc, non conformes à la loi de 1921 comme le montre bien l’incrimination pénale prévue par l’art 4 de cette législation.

3) LA RÉSERVATION D’AVANTAGE Quid de la pratique de réservation d’avantage aux syndiqués. Le droit belge connaît cette pratique. Pratique de conventions collectives qui a commencé à émerger dans les années ’60, là où le rapport de force était favorable aux syndicats. Les grands syndicats demandent via conventions collectives un système de primes, de réservations d’avantages pécuniaires pour les seuls syndiqués. Les syndicats pour réclamer de tels syndicats invoquaient le fait qu’ils avaient des fonctions quasi-institutionnelles (gestion, etc.) relatives à la vie économiques et sociales. Ils trouvaient anormal que ce soit uniquement supporté par les cotisations alors que ça profitait à toute la population. Ils réclament donc certaines primes, qui vont fonctionner comme un remboursement (partiel) de la cotisation. Est-ce conforme à la loi sur la liberté d’association ? Voy. Cass. 27.04 .1981, où elle a admit la licéité de cette réservation d’avantage aux syndiqués par conventions collectives ; elle admet que les avantages réservés peuvent être licites si ils respectent un critère de proportionnalité (entre la participation des syndicats à la vie économique et sociale, l’importance des charges et l’importance des avantages)

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9. PERSONNALITE JURIDIQUE ET SYNDICATS Les syndicats vont-ils être dotés d’une personnalité juridique distincte de celle de leurs membres ? Personnalité juridique = plusieurs attributs, droits vont être reconnus à la dite personne juridique (droit de conclure des contrats, droit d’ester en justice, droit d’avoir un patrimoine et autre attribut, droit d’être rendu responsable des fautes commises c'est-à-dire mise en œuvre de l’art 1382 CC). Dans un système libéral, selon la doctrine du libéralisme, les hommes, les êtres physiques naissent libres et égaux en droits et obligations : ils ont tous la même personnalité juridique (elle est d’ailleurs automatique, contrairement au servage par exemple). La règle est inverse pour les associations. Les personnes morales, associations n’ont pas automatiquement la personnalité juridique ; elles ne l’auront que si leur personnalité juridique est reconnue par la loi (plus ou moins loi d’habilitation) Pour se procurer la personnalité juridique, les syndicats peuvent se fonder sur deux législations :

1) loi de 1898 sur les unions professionnelles 2) loi de 1921 sur les associations sans but lucratif.

Mais les syndicats n’ont usé aucune législation : ils ne veulent pas la personnalité juridique. Pourquoi ?

a) La loi du 31 mars 1898 sur les Unions Professionnelles et la loi du 27 juin 1921 sur les ASBL

a) Loi de 1898 : l’art 310 CP est toujours en vigueur. Les syndicats réclament l’abrogation de cet article. Le

patronat ne veut pas l’admettre. Pour faire une certaine concession, ils vont appuyer une loi sur les unions professionnelles. Si un syndicat prend la personnalité juridique sur base de cette loi, les syndicats auraient été freinés car ils auraient été limité par des questions d’ordre professionnel. Dans cette législation, il y a l’exigence de la publicité des comptes et les syndicats refusent car il y aura perturbations des stratégies en cas de grève. Les travailleurs en grève vivent grâce aux caisses syndicales. Si par l’effet de la publicité des comptes, l’employeur est au courant des finances, il sait très bien s’il doit accepter ou non les revendications des travailleurs.

b) Loi de 1921 : cette législation est plus « libérale » que la première. Il y a toujours une certaine publicité des

comptes. Mais en toute hypothèse, les syndicats ne veulent pas de la personnalité juridique à cause d’un de ses attributs : la responsabilité qui pourrait leur causer de graves préjudices.

Deux grandes raisons pour lesquelles les syndicats refusent la personnalité juridique

a) publicité des comptes b) éviter le jeu de la mise en œuvre de 1382 CC

b) L’article 4, alinéa 2 de la loi du 5 décembre 1968

Cette irresponsabilité des syndicats va être confirmée dans la loi de décembre 1968 sur les conventions collectives. Dans cette loi, il est prévu que les conventions collectives peuvent être conclues par une organisation patronale représentative, un employeur et les syndicats. Il y a deux grandes parties : une partie normative et une partie obligationnelle

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 22.- Ces deux parties sont soumises à un régime juridique tout à fait différent. Il importe d’établir le critère de distinction entre ces deux parties. Ce critère est de savoir qui est titulaire la titularité des droits et obligations créés par la CCT. Dans la partie obligationnelle, ce sont les parties (et donc les syndicats) : les signataires s’engagent. Dans la partie normative, il s’agit également de créer des droits et obligations mais pour des personnes autres que les signataires. Il n’y a donc pas identité entre les signataires et les tiers (ex. minima déterminés lors de conventions collectives de travail) : ce qui confère un caractère réglementaire aux conventions. La partie obligationnelle suit la structure contractuelle et se caractérise au premier chef par l’article 4 de la loi de 1968. Cet art 4 prévoit le principe de l’irresponsabilité des organisations signataires lorsque celles ci ne respectent pas les obligations. Cela s’applique donc aux organisations patronales (alors qu’elles ont la personnalité juridique) et aux syndicats. Ce principe est supplétif (le contraire pourrait être décidé). Pourquoi cette règle d’irresponsabilité ? Cet article est sous tendu par l’idée selon laquelle les syndicats n’ont pas et ne veulent pas la personnalité juridique. On a étendu cette conception dans le cadre du régime juridique des conventions collectives du travail. La convention n°87 de l’OIT consacre l’absence d’ingérence étatique. La loi de 1921 s’abstient de formuler cette absence d’ingérence étatique. Les syndicats ne veulent pas la personnalité juridique mais ce refus garantit la non ingérence de l’Etat dans leur fonctionnement. Ce refus de personnalité juridique permet de respecter le principe de la convention 87 de l’OIT.

10. NOTION ET FONCTIONS DES SYNDICATS REPRESENTATIFS

a) Agrément et représentativité En 1921, l’ordre juridique belge devient totalement neutre à l’égard des syndicats. L’ordre juridique belge ne va pas s’en tenir à cette neutralité car il va organiser la participation des syndicats à la vie économique et sociale du pays. Cette participation ne concerne pas tous les syndicats mais seulement les syndicats représentatifs et organisations patronales représentatives. Il est à noter que ce concept de représentativité est assez critiqué pour l’instant. Nous étudierons le concept de représentativité du côté syndical car il est plus clair de ce côté là. Un syndicat doit remplir certains critères objectifs :

• syndicats affiliés à une confédération constituée sur le plan national (la confédération nationale et interprofessionnelle qui doit regrouper 50 000 membres ; ex. la confédération nationale des cadres n’atteint pas ce seuil et n’est donc pas représentatif)

• Pour être représentatifs, en plus des critères, le syndicat doit siéger au sein du conseil national du travail (compétences sociales) et au conseil central de l’économie. C’est le roi qui choisit les délégués qui vont aller siéger. Cela signifie que si une nouvelle confédération se constituait avec plus de 50 000 membres, elle ne serait pas nécessairement représentative car elle devrait encore siéger au sein des conseils. C’est tout à fait théorique.

Concrètement, les syndicats représentatifs sont les syndicats proches des trois grands partis politiques (FGTB pour le PS, la CSC pour les Chrétiens, centrale générale libérale pour les libéraux). Pour les patrons, c’est plus ou moins la même chose mais agrémentés de nombreuses exceptions.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 23.-

b) Les fonctions des syndicats représentatifs

1) PARTICIPATION AU POUVOIR JURIDICTIONNEL (AU SEIN DES JURIDICTIONS DU TRAVAIL)

Les juridictions de travail sont les juridictions ayant succédé aux anciens conseils des prud’hommes. Il s’agit d’une structure tripartite : un magistrat et des juges laïcs (représentants patrons et ouvriers). Ces représentants vont être présentés sur liste double présentée par les organisations représentatives au Roi (choix limité). Les conseils des prud’hommes se justifiaient par le fait que les employeurs et ouvriers étaient les plus à même de connaître les usages sociaux. Actuellement, comment justifier les tribunaux du travail et les juges laïcs ? - poids de l’histoire, tradition - souci d’assurer l’effectivité du droit social : volonté de contrôle de la fonction juridictionnelle ; il y a

méfiance à l’égard des magistrats traditionnels.

2) PARTICIPATION À LA GESTION DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

C’est le paritarisme (l’acteur Etat n’intervient pas) qui est de vigueur ici. Administrativement, pour la sécurité sociale des salariés, un organisme (établissement public) chapeaute le système, l’office national de sécurité sociale dont la composition est paritaire, selon le même procédé de désignation que vu précédemment. Pour certains secteurs, il existe des établissements publics spécialisés

• l’office national de l’Emploi (ONE) • le fonds des maladies professionnelles (FMP) • la caisse de vacances annuelles (CVA)

Pourquoi ces établissements publics ne sont pas gérés de manière fonctionnarisée ? L’idée principale est que l’essentiel des finances de la sécurité sociale continue à relever des cotisations à charge des employeurs et des salariés. Vu que ce sont des salariés qui la financent, ils ont également le droit de la gérer. En droit belge, il y a eu tradition défavorable de la gestion étatique. En 1945, quand il y a eu la législation, on a maintenu cette tradition. Les allocations de chômage sont payées par les caisses sociales (NB différent des indemnités de grève). Et quid des chômeurs non syndiqués ? Ils relèvent de la CAPAC. Les caisses syndicales, organismes payeurs des allocations de chômage, ont la personnalité juridique et uniquement dans ce cas-là.

3) FONCTION CONSULTATIVE AU SEIN DE DIFFÉRENTES INSTANCES DE CONCERTATION.

Fonction consultative au sein

- Du Conseil National du Travail - Des Commissions paritaires

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 24.- Ces fonctions consultatives vont porter essentiellement sur la formation de normes juridiques étatiques (ex. temps de travail quand il s’agit d’AR d’exécution ou de dérogation). Ces organisations n’ont qu’un pouvoir d’avis sur ces normes dont ils ne sont pas les auteurs (Etat).

- Du conseil d’entreprise (syndicats y participent) Cet organe a un pouvoir de consultation concernant les pouvoirs de gestion, dont l’employeur reste maître. Ces fonctions sont un pouvoir mentionné à l’art 23 de la Constitution (droits économiques et sociaux reconnus constitutionnellement).

4) CONTRIBUTION DIRECTE À LA FORMATION ET À LA MISE EN ŒUVRE DE NORMES JURIDIQUES

Lors de la négociation collective, les interlocuteurs sociaux vont créer eux-mêmes des normes figurant dans les conventions collectives de travail, composés, pour rappel, de deux parties (cfr. Supra), fonction également prévue à l’art 23 Const.

5) DROIT D’ESTER EN JUSTICE Le droit d’ester en justice est un attribut de la personnalité juridique. Les syndicats peuvent en bénéficier dans certaines conditions assez larges.

a. Les textes et le sens du système 1) art 4, al 1 de la loi de 68 Les organisations représentatives peuvent ester en justice pour tous les litiges relatifs à l’application de la loi (rappel : champs d’application assez large). Elles peuvent également ester en justice pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions collectives. Ce droit d’ester est un droit autonome. Les syndicats n’agissent pas en qualité de mandataire du syndiqué, mais ont qualité de substitution (si le syndiqué ne veut pas, ils peuvent le faire tout de même). 2) article 24 nouveau de la loi du 20/09/1948, loi portant organisation de l’économie Le droit d’ester est prévu en ce qui concerne les actions relatives au conseil d’entreprises et particulièrement aux élections sociales (travailleurs désignés pour participer au conseil d’entreprise). 3) Article 79 de la loi du 04/08/1996, loi concernant sur le bien-être des travailleurs Cette loi organise un organe d’entreprise en matière de sécurité et d’hygiène, appelé aujourd’hui Comité de Prévention et de Protection au Travail. Les associations ont le droit d’ester en justice en cette matière. 4) Loi du 7 mai 1990 Loi qui consacre l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Les associations ont le droit d’ester en justice en cette matière. Cette législation traduit dans l’ordre juridique belge le principe communautaire du principe d’égalité de traitement.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 25.-

b. Et la personnalité juridique ? Les syndicats apparaissent comme les gardiens du droit social, jouent le rôle de procureur privé. Pourquoi dans si peu de cas alors ? Pour assurer l’effectivité du droit social. Dans le cas de la loi de 68, il s’agit de faire respecter les conventions collectives, normes dont les syndicats sont les auteurs, il leur est donc accorder d’ester en justice en cette matière. Pour les CPPT et C d’entreprises, c’est parce que les syndicats y participent. Pour la loi sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes, le droit communautaire impose aux Etats un recours juridictionnel. L’Etat Belge a utilisé une structure connue dans d’autres matières et a permis aux syndicats d’ester en justice.

c) Remarques générales Positions vis-à-vis du syndicat : Interdiction Interdictions

mitigées Liberté syndicale Syndicats

uniques ou pluralité limitée

Syndicats obligatoires

Régime consacré par la loi Le Chapelier, reconduit pour l’essentiel par les arts 415 et 416 CP de 1810.

Art 310 CP de 1867 : délit d’atteinte à la liberté du travail. Entrave au contrat syndical.

1921. Double mouvement législatif : • abrogation de l’art 310 CP • création de la loi sur la liberté d’association

Régime belge

Régimes communistes

Systèmes des corporations (syndicats mixtes) Ex. syndicat de police à Malte.

Le principe du pluralisme syndical a un corollaire : une égalité de traitement entre tous les syndicats. On ne trouve plus ce corollaire dans l’ordre juridique belge en raison des nombreuses fonctions, privilèges qui leurs sont accordées en raison de leur représentativité.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 26.-

CHAPITRE 2.-

LE REGIME JURIDIQUE DE LA GREVE

11. DANS L’ORDRE JURIDIQUE BELGE

a) L’absence de consécration constitutionnelle et légale du droit de grève.

1) INTRODUCTION Le droit de grève n’est pas reconnu constitutionnellement, contrairement à de nombreuses constitutions étrangères (ex. France depuis 1946). La constitutionnalisation des droits économiques et sociaux s’est fait tardivement et si l’on avait voulu faire figurer le droit de grève parmi ceux-ci, il y aurait eu beaucoup de résistance. Certains pensent que s’il n’y figure pas, c’est parce que les syndicats y sont opposés. M. Jamoulle s’inscrit en faux contre une telle interprétation : les syndicats sont opposés à une réglementation légale de la grève car cela sous-entend une limitation de ce droit de grève mais n’étaient certainement pas opposés à une telle reconnaissance constitutionnelle.

Il n’y a pas de consécration légale et constitutionnelle du droit de grève.

2) LA NOTION DE GRÈVE DANS LES TEXTES

- La grève apparaît dans une loi de 1948 sur les prestations d’intérêt public en temps de paix qui organise la réquisition des travailleurs dans le cadre de certains conflits politiques.

- Elle apparaît également dans certains textes de sécurité sociale : certaines prestations de sécurité sociale (comme les allocations de chômage ou pour incapacités de travail) sont soumis à une condition de stage. Le droit à telle prestation de sécurité sociale ne sera reconnu que si un certain stage sera effectué. Stage : pendant une certaine période précédant la réalisation du risque, il faut qu’ait été effectué un certain nombre de journées de travail, et ce pour protéger ceux qui ont vocation à être salarié, ceux qui se trouvent intégrés dans la vie économique. On assimile à des journées de travail, des journées d’interruption de travail, mais également des journées de grève, etc.

3) LES RÈGLES DU JEU Dans certaines conventions collectives apparaissent « les règles du jeu », les conditions de déclenchement de la grève. - L’organisation représentative peut être titulaire du droit de grève - La grève doit être précédée d’une tentative de conciliation et il faut qu’il y ait constatation de l’échec de

cette conciliation. - Il est également prévu qu’un préavis soit donné après l’échec de la conciliation.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 27.- Ces règles du jeu sont-elles de la partie obligationnelle ou normative ? Controverse (problème de l’irresponsabilité ou non) (voy. infra). Ainsi, se pose la question de savoir s’il y a reconnaissance implicite du droit de grève ?

b) Les trois composantes du droit de grève Pour qu’il y ait droit de grève, les trois composantes doivent être réunies.

1) ABSENCE DE SANCTIONS PÉNALES Voy. évolution historique. - délit de coalition - art 310 CP de 1867

a. Dépénalisation complète de la grève (1921) La loi consacre un régime de liberté de grève consacré. Les piquets cessent d’être interdits pénalement et la grève ne joue plus le rôle de circonstance aggravante pour les délits de droit commun.

b. Exception au régime de la liberté de grève : la loi du 19 août 1948 relative aux prestations d’intérêts public en temps de paix.

La loi organise la réquisition de travailleurs dans le contexte de conflits collectifs afin d’assurer les besoins essentiels, vitaux. La loi s’articule sur les commissions paritaires qui prennent l’initiative des réquisitions : - les conventions déterminent les « besoins vitaux » - désignation des travailleurs Le législateur a abandonné la règle de l’unanimité (règle générale dans les commissions paritaires) pour une règle de la majorité qualifiée (3/4 dans chaque groupe) afin de faciliter cette désignation. Si les commissions n’interviennent pas, un pouvoir subsidiaire a été reconnu au Roi (ajout dans la loi, datant de 1963 suite aux grandes grèves de 61 aux allures insurrectionnelles). Le gouvernement peut prendre un arrêté royal va déterminer les besoins vitaux (conseil des ministres, motivé, avis du Conseil National du Travail). Un deuxième AR va désigner les travailleurs désignés. Rem. particulière sous l’angle de la relation individuelle du travail. La réquisition n’est pas autorisée lorsque la grève n’est pas totale dans une entreprise. Si ce n’est pas le cas, l’entrepreneur devra déterminer les besoins vitaux avec l’aide des travailleurs non grévistes. Dans un tel cas, les travailleurs non grévistes vont devoir avoir des fonctions non prévues dans leur contrat (ius variandi qui tend en échec la force obligatoire du contrat). La réquisition n’est plus un contrat de travail, c’est une relation légale de travail dans laquelle disparaît la nécessité juridique du consentement (ce n’est plus l’exécution du contrat de travail). La loi de 48 va soumettre cette réquisition à un régime contractuel (fiction légale du contrat de travail), afin de maintenir l’application du droit social. Lorsque le salarié n’obtempère pas à la réquisition, existe-t-il des sanctions pénales ? Le système actuel de la loi est le suivant : des dispositions pénales situées à la fin de la loi se réfère à la nature de la peine établie dans la loi de 68. La législation de 68 prévoit des sanctions pénales concerne les employeurs, préposés et mandataires. Elle consacre le principe de l’immunité pénale des travailleurs. Dans le droit du travail, il n’y a pas de sanctions pénales à charge des travailleurs car il s’agit d’un droit de protection de ceux-ci. En cas de non-obéissance des travailleurs, donc, il n’y aura pas de sanction pénale à leur charge.

ABSENCE DE SANCTIONS PENALES

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 28.-

2) ABSENCE D’ARBITRAGE OBLIGATOIRE Raison d’être : si un tiers arbitre avait la possibilité de gérer le conflit collectif, cela signifierait que la grève serait sans objet. En Belgique : Pas de système d’arbitrage obligatoire : système de conciliation facultative des commissions paritaires. Cette fonction est exercée à l’initiative du conciliateur social, fonctionnaire du Ministère de l’Emploi et du Travail. En matière de conflits collectifs, il n’y a pas de compétence des juridictions du travail. Le CJ détermine la compétence de ces juridictions et précise qu’elles ne sont compétentes que pour les litiges individuels et non pour les litiges collectifs. Dans les travaux préparatoires (rapport Van Reepinghem), il est indiqué que les tribunaux ne sont pas compétents en matière de grève car il s’agit de conflits d’intérêts et non des conflits de droit.

3) ABSENCE DE SANCTIONS CIVILES

a. à charge des syndicats Il est admis qu’en Belgique, les syndicats n’ont pas la personnalité juridique et que dès lors, ils ne sont pas soumis au jeu de la responsabilité civile et en particulier à l’art 1382 CC. C’est d’ailleurs l’une des deux grandes raisons qui expliquent que les syndicats n’ont pas voulu de la personnalité juridique

b. dans les conventions collectives Voy. Supra. Si l’on accepte de situer ces règles du jeu dans le cadre de la partie obligationnelle (doctrine majoritaire), on va donc appliquer le principe d’irresponsabilité prévue par l’art 4 de la loi de 1968.

c. à l’égard des grévistes La grève peut-elle être qualifiée de suspension légitime du contrat ? Si c’est le cas, cela signifie une absence de sanctions contractuelles à l’égard de ceux-ci, ce qui débouche sur la reconnaissance du droit de grève.

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c) Grève et sanctions contractuelles ; les effets de la grève sur le contrat de travail

1) LA GRÈVE NE PROVOQUE JAMAIS, PAR ELLE-MÊME, LA RUPTURE DU CONTRAT

- Au départ, on assimilait grève à rupture du contrat, selon la jurisprudence des anciens conseils des

Prud’hommes.

- Cette jurisprudence s’est modifiée sous l’influence du professeur Horion, qui a tenu le raisonnement suivant : les grévistes n’entendent pas mettre fin au contrat de travail, vu qu’ils ont l’intention de reprendre le travail une fois le conflit terminé. La grève n’entraînait que la suspension du contrat de travail, hormis l’hypothèse où les grévistes se livraient à une grève au finish et qu’ils ne reprendraient jamais le travail dans les mêmes conditions.

- Interventions de la Cour de Cassation o Cass, 23 novembre 1967.

La Cour de Cassation a consacré le principe de la grève-suspension du contrat. Il est acquis que la grève entraîne simplement la suspension du contrat. L’arrêt n’est cependant pas clair quant à savoir si cette suspension est légitime ou non.

o Cass, 14 avril 1980 La Cour va considérer que toute grève entraîne la suspension du contrat. Elle va plus loin que Horion vu qu’elle vise également les grèves au finish.

2) LA RECONNAISSANCE JURISPRUDENTIELLE DU DROIT DE GRÈVE ; LA GRÈVE QUALIFIÉE DE SUSPENSION LÉGITIME DU CONTRAT

• Inadéquation entre la responsabilité civile et la grève Au niveau des juridictions du fonds, il n’y a jamais eu application des règles de la responsabilité civile car il y a une sorte d’inadéquation fondamentale entre le mécanisme de responsabilité civile (individuelle) et la grève (conflit collectif). Pour la responsabilité civile, il faut faute, dommage et lien causal. Dans la grève, le dommage est dû à l’ensemble du conflit collectif et non à la faute d’un seul travailleur. Le lien de causalité ne sera jamais établi. • Le licenciement sanction En revanche, au niveau des juridictions de fonds (conseils des prud’hommes), il y a un contentieux du licenciement pour motif grave, le licenciement-sanction sans préavis et légitimation de ceux-ci. Il y a eu une distinction entre « bonne » et « mauvaise » grève. Cas dans lesquels les licenciements pour motifs graves vont être avalisés :

- les grèves politiques ne sont pas admises parce que nous sommes dans un régime de démocratie, il y a d’autre manière que de recourir à la grève.

- Les grèves qui ne respectent pas les règles du jeu prévues dans les conventions collectives du travail. - Les licenciements pour motif grave sont acceptées en fonction du comportement du gréviste : un monsieur

agresse un gendarme de dos lors d’une grève. Il fait de la préventive. L’employeur le licencie pour motif grave, pour attitude personnelle. Le motif grave a été admis.

Reconnaissance implicite du droit de grève, mais limité.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 30.- • Arrêt de la Cour de Cassation du 21 décembre 1981 La Cour de Cassation ne prend pas en considération la distinction faite par les juridictions de fond. Elle tire argument de la loi de 1948 sur les prestations… et va faire un raisonnement a contrario : la législation organise la réquisition des travailleurs dans certaines hypothèses déterminées et va en conclure que dans les autres hypothèses, la grève est licite5.

3) GRÈVE ET LICENCIEMENT POUR MOTIF GRAVE

d. Position des juridictions de fond

• Malgré l'arrêt de 81, le contentieux du licenciement pour motif grave de disparaît pas :même si cet arrêt a reconnu le droit de grève, la Cour de Cassation en déclarant que "la grève n'est pas en soi un acte illicite", sous entend, par une interprétation a contrario, qu’il y a des fois où elle peut l'être ; elle invite les juridictions du fond à admettre dans certaines hypothèses de grève, le licenciement pour motif grave.

• Le licenciement pour motif grave, qui était déjà admis avant l'arrêt de la Cour de Cassation, s'est maintenu dans une certaine mesure :

o La distinction bonne grève / mauvaise grève a disparu o >< Les tribunaux du travail apprécient le caractère raisonnable ou déraisonnable de la grève.

Apparaît ainsi un certain critère de proportionnalité : il faut un proportionnalité entre les moyens mis en œuvre par les grévistes et les objectifs poursuivis par la grève.

e. Position de la Cour de cassation (28 janvier 1991)

• La Cour de Cassation est intervenue dans un arrêt du 28/01/1991 o la Cour de Cassation ne se prononce pas sur la légitimité de la démarche des juridictions de fond o Mais elle se rapproche quand même de la position des juridictions de fond : il semble désormais acquis

que le motif grave peut être apprécié au regard du caractère raisonnable de la grève. Remarque La Cour de Cassation reste prudente. Ce n'est pas un arrêt de principe.

5 La montée en licéité de la grève se poursuit et un texte apparaît : « la charte sociale européenne ». La charte date de 1961 et reconnaît formellement le droit de grève (art 6§4). La Belgique l’a ratifié mais tardivement en 1990. Effet direct ? En ce qui concerne la jurisprudence, il n’y a pas d’arrêt de la Cour de Cassation mais bien un du Conseil d’Etat datant du 22 mars 1995. Il y avait grève dans des services publics. Une sanction disciplinaire est prise en assimilant l’effet de grève à une absence irrégulière. Le CE annule la sanction disciplinaire en invoquant l’art 6 § 45 de la charte sociale européenne. Implicitement, le CE reconnaît un effet direct à l’article. Au terme d’une évolution jurisprudentielle, le droit de grève a donc finalement été admis. Voy. point 12, page 31

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 31.-

d) Grève, astreinte et piquets de grève : la juridictionnalisation des conflits collectifs

1) ACTIONS EN RÉFÉRÉ : JURISPRUDENCE DES JURIDICTIONS DE FOND

Il est traditionnellement admis que la grève se situe dans un domaine de non droit. Selon le Code Judiciaire : les juridictions du travail ne sont compétentes que pour les conflits individuels. Or toute une jurisprudence ramène la grève devant les Tribunaux : on assiste à une juridictionnalisation des conflits collectifs. Comment se présente cette juridictionnalisation des conflits collectifs puisque les juridictions du travail ne sont pas compétentes ? C'est une construction doctrinale qui a été accueillie par les tribunaux : la théorie des actes détachables de la grève : il y a des modalités dans le déroulement de la grève ET ces modalités sont des atteintes à des droits subjectifs ;

Exemple : quand il y a grève et qu'elle s'accompagne d'une occupation de l'établissement ⇒ atteinte au droit subjectif de propriété. Exemple : piquets de grève : atteinte à la liberté du travail

Dès qu’un droit subjectif est violé, un juge doit être compétent. Cette jurisprudence va s’appuyer sur l’art 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (NB. dans le même ordre juridique international que la charte sociale européenne, que le Conseil de l’Europe). Les tribunaux civils vont être rendus compétents en cette matière. Dans ce type de contentieux, il y a urgence et recours au mécanisme procédural de la requête unilatérale (action en référé, procédure non contradictoire) et l’on va demander au juge de faire cesser ces voies de fait et de recourir à l’astreinte (NB. interdite dans les relations de travail) de manière à récupérer le droit subjectif. Les juges admettent cette injonction et recourent à l’astreinte (il est rare que le juge refuse).

2) JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION (ARRÊT DU 31.01.97)

Faits La société Delhaize fait une requête unilatéral pour faire cesser des piquets de grève. C’était une grève de solidarité parce qu’il y avait des pressions sur certains travailleurs afin qu’ils donnent leur démission. La Cour d’Appel de Bruxelles rend un arrêt qui ne va (curieusement) pas admettre le recours à l’astreinte et va considérer que les piquets de grève sont une modalité du droit de grève : « les piquets de grève n’excèdent pas l’exercice ordinaire du droit de grève pour autant qu’il n’y ait aucun acte de violence sur les personnes ou sur les biens ». Pourvoi La société Delhaize fait un pourvoi en cassation. L’arrêt de la Cour de Cassation va refuser de casser l’arrêt de la Cour d’Appel et va déclarer que le recours est irrecevable. L’arrêt va reconnaître la compétence du juge des référés pour les droits des paries (elle rappelle la théorie du référé : le juge des référés peut ordonner une mesure conservatoire de droit mais peut refuser si le droit apparent au dommage subi n’est pas suffisamment établi. En gros, le juge fait ce qu’il veut. C’est une compétence souveraine du juge des référés et l’appréciation provisoire du juge d’appel suivant laquelle les travailleurs bénéficient du droit de grève au regard des critères sociaux n’est pas déraisonnable.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 32.- On aurait pu penser qu’après cet arrêt, les juridictions de fond auraient refusé l’astreinte pour les piquets de grève, ce ne fut pas le cas. Il n’y a pas eu restauration du droit de grève.

3) PROJETS GOUVERNEMENTAUX Apparemment, il s'agirait de modifier le Code Judiciaire et de rendre les juridictions du travail compétentes dans le cadre des conflits collectifs ⇒ on ne pourrait plus recourir immédiatement à l'astreinte. Les juridictions du travail deviendraient compétentes pour les litiges individuels du travail mais aussi pour les conflits collectifs. Il n’y a pas d’astreinte mais le tribunal du travail interviendrait à titre de médiateur mais quid de cette médiation ?

• SOIT il s'agit de rendre la juridiction du travail compétente à titre d'arbitre ⇒ ce serait la négation directe du droit de grève ( la 2ème composante du droit de grève disparaîtrait) Voy. en effet, l’absence d’arbitrage obligatoire.

• SOIT il s'agit d'une simple conciliation du type de celle qui existait déjà au sein des Commissions paritaires à l'initiative du conciliateur social

12. L’ARTICLE 6§4 DE LA CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE

a) La reconnaissance du droit de grève

• La charte sociale européenne est intervenue dans l’ordre juridique international que constitue le conseil de l’Europe

• Dans cette charte de 1961, il y a reconnaissance expresse du droit de grève. C’est l’art 6§4. • La Belgique l’a ratifié mais tardivement : en 1990

b) L’effet direct de la norme internationale : l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 mars 1995

• La ratification ne suffit pas : il faut encore que l'on reconnaisse un effet direct à l'art 6 §4 • Il n'y a pas d'arrêt de la Cour de Cassation qui reconnaisse l'effet direct de cet art ni même un arrêt qui ne le

reconnaîsse pas • Toutefois, on a un arrêt du Conseil d’Etat du 22 mars 1995.

Faits Une grève dans les services publics donne lieu à une sanction disciplinaire à charge d'un fonctionnaire qui y avait participé. Cette sanction disciplinaire est prise en assimilant la grève à une absence irrégulière. Arrêt Le Conseil d’Etat annule cet acte administratif, cette sanction disciplinaire en invoquant la charte sociale européenne dont l'art 6§4 reconnaît le droit de grève ⇒ implicitement le Conseil d’Etat reconnaît un effet direct à cet art 6 §4 de l'a charte sociale européenne.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 33.-

CHAPITRE 3.-

LES ORGANES DE CONCERTATION SOCIALE ET L’ORGANISATION DE

L’ENTREPRISE Ce cadre est organisé à trois niveaux : national, sectorial et au sein de l’entreprise.

13. INTRODUCTION. - LE PARITARISME EST DE MISE AU NIVEAU NATIONAL ET AU NIVEAU SECTORIEL

Au niveau national et au niveau sectoriel, ce sont des organes paritaires (CNT, loi de 1952 ; le Conseil Central de l’Economie, loi de 1948 ; les Commissions paritaires, au niveau sectoriel, loi de 1968 qui organise les conventions collectives, leurs forces obligatoires et la réorganisations des commissions paritaires). C’est le règne du paritarisme : 1. Les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs présentent sur une liste double les candidats au Roi. Le pouvoir exécutif les nomme. Ses prérogatives sont limitées à la liste. Afin de respecter la parité, le président des commissions paritaires n’a pas de droit de vote. 2. Origine du paritarisme : le paritarisme est né du tripartisme, créé par la Constitution de l’OIT (formule selon laquelle il faut 2 délégués étatiques, 1 délégué des travailleurs et 1 délégué des employeurs). L’OIT a également inventé le concept de représentativité. Le paritarisme n’est qu’un variante du tripartisme : il y a juste la disparition de l’acteur Etat. La représentativité est admise. 3. Pourquoi ce choix ? L’explication classique est la suivante :

- au départ, les syndicats n’étaient pas puissants : l’Etat intervient pour réguler les relations de travail car les syndicats ne peuvent pas le faire (conception de l’Etat Gendarme).

- Quand les syndicats sont suffisamment puissants, les interlocuteurs sociaux sont face à face. Il convient de nuancer : Il ne faut pas faire dire à cette conception que l’Etat a pour fonction de protéger le travailleur : l’Etat est là pour réguler les relations de travail afin de protéger le système social et économique. Les syndicats préfèrent une solution paritaire au tripartisme parce qu’ils auraient eu l’impression de se trouver face à deux ennemis.

14. AU NIVEAU NATIONAL

a) Le Conseil National du travail (loi de 1952) et le Conseil Central de l’Economie (loi de 1948 portant organisation de l’économie), organes paritaires

Le Conseil National du Travail, le CNT, est régi par la loi de 1952 (subissant un ajout important en 1968).6

6 Pour la parité, voy. point 13, page 32.

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b) Leurs attributions consultatives C’est un organe à l’origine purement consultatif sur les problèmes sociaux. Ce pouvoir de consultation est d’ailleurs découpé de manière distincte : la consultation en matière sociale est accordée au CNT, et en matière économique au CCE. Ce pouvoir d’avis va essentiellement s’exercer sur la formation de normes immédiatement étatiques (loi et AR).

c) L’élargissement des compétences du CNT (loi du 5 déc. 1968) ; la conclusion des conventions collectives

En 1968, la loi de 1952 va connaître des ajouts et un élargissement des compétences du CNT. Il va ainsi avoir un pouvoir de négociations collectives : des conventions collectives peuvent désormais intervenir (il est à noter que ce sont les organes représentatifs qui y siègent qui ont le pouvoir de conclusion). En synthèse, le CNT a donc un pouvoir de conciliation (peu important), un pouvoir de consultation et un pouvoir de négociation collective. Si la convention collective est conclue au sein de la CNT, elle aura une force obligatoire plus grande.

1) FONCTION DE SUPPLEANCE DES COMMISSIONS PARITAIRES Si les commissions paritaires sont paralysées, le CNT peut les suppléer et prendre des conventions collectives uniquement dans ce secteur d’activités. Ex. travail intérimaire : les commissions paritaires n’ont pas fonctionné pendant longtemps et le CNT a du y suppléer.

2) IMPORTANCE DES NÉGOCIATIONS AU SOMMET Les négociations au CNT sont valables pour tout le royaume. Le CNT peut prendre des conventions collectives qui peuvent être rendues obligatoires par AR (elles seront donc impératives et assorties de sanctions pénales). Dans ce cadre, l’activité du CNT est grande (après 1968) : son activité normative a été importante pendant des années (substitut du législateur), les problèmes étant réglés par CCT plutôt que par la loi. A ce propos, certains ont parlé de crise parlementaire. Ce système est-il bien constitutionnel ? Le problème est clos aujourd’hui car les négociations collectives sont évoquées à l’art 23 C°.

3) BLOCAGE INSTITUTIONNEL AU SOMMET (1975-1978) A partir de 1975-1978, on assiste à un tarissement du droit négocié. Il y a un déplacement du rapport de force. Le mouvement normatif ne reprend qu’en 1987 car la Belgique se dote à ce moment d’un régime de flexibilité dans le temps du travail et les syndicats ont eu peur : en 1986, la convention collective établissant le régime de flexibilité sera signée.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 35.-

d) Le Conseil Central de l’Economie et l’évolution de son pouvoir consultatif

1) CONTEXTE HISTORIQUE Pendant la seconde guerre mondiale, les interlocuteurs se sont entendus : un accord de solidarité sociale devra intervenir après la guerre. Ils s’étaient entendu sur deux points essentiels :

1) création de la sécurité sociale réservée aux travailleurs salariés 2) l’organisation sociale de l’entreprise avec une mission de la délégation syndicale.

Après la seconde guerre, il s’agissait de mettre en œuvre cet accord. La loi de 1948 va réaliser une certaine institutionnalisation des rapports sociaux au sein de l’entreprise. Plus fondamentalement, la loi de 1948 est la traduction d’un projet socio démocrate.

2) PRÉSENTATION Le CCE a une structure paritaire, comme le CNT. C’est un organe consultatif intervenant en matière économique qui va se concrétiser à travers des rapports. Le CCE n’a pas le pouvoir de négociation collective. Il est donc resté un organe purement consultatif. Il y a eu élargissement toutefois : il existe une certaine instrumentalisation de ce pouvoir.

3) LE SYSTÈME ÉTABLI PAR LA LOI DU 26.07.96 RELATIVE À LA PROMOTION DE L’EMPLOI ET À LA SAUVEGARDE DE LA COMPÉTITIVITÉ, POUR L’ÉTABLISSEMENT DE LA NORME SALARIALE.

Un des chapitres de cette loi concerne la modération salariale. Une procédure est mise sur pied permettant de limiter les augmentations de salaires. Les salaires sont fixés par CCT (application de la norme la plus favorable au travailleur). Le niveau le plus bas est fixé librement (autonomie des volontés). S’il y a crise, le législateur peut intervenir. C’est un système sophistiqué de modération salariale qui est établi. Le CNT et le CCE en tant qu’organes consultatifs font deux fois par an un rapport commun (plus de découpage) portant sur l’évolution de l’emploi (traduction du chômage) et sur l’évolution du coût salarial qui va être établi par comparaison avec l’évolution dans les pays voisins (All, Fr, P-B) A partir du rapport, le CCE va établir un rapport technique sur les marges maximales du coût salarial (c’est une fonction consultative pointue). Ex. Les prochaines conventions collectives ne peuvent prévoir une augmentation des salaires de plus de 6% Pour que ces marges soient obligatoires, il faut que cela débouche sur des normes. La fonction consultative de CCE débouche donc sur des négociations collectives au sein du CNT. Les négociations collectives vont traduire juridiquement le rapport technique ; si la CCT intervient par AR, elle devient impérative et dans cette hypothèse, les conventions d’entreprise ne peuvent prévoir des augmentations de salariés supérieures à celles prévues par la négociation collective. Si les conventions collectives ne voient pas le jour, on en revient à un système plus autoritaire : c’est le gouvernement qui limitent les coûts salariaux.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 36.-

15. AU NIVEAU SECTORIEL : LES COMMISSIONS PARITAIRES (LOI DU 5 DÉCEMBRE 1968)

a) Introduction

Les commissions paritaires sont apparues au lendemain du premier conflit mondial. Dans l’entre-deux-guerres, elles existaient mais sans base légale. En 1945, on veut les restaurer, les réactiver (suppression lors du régime nazi) via AR (qui sera abrogé et remplacé par la loi de décembre 1968)

b) La fonction consultative La fonction consultative porte sur les AR d’exécuion des lois (normes immédiatement étatiques).

c) La fonction de conciliation facultative en matière de droit de grève

d) La fonction de négociation collective

Les premières négociations collectives ont été faites au sein des commissions paritaires. La Belgique a ainsi une tradition de prééminence de la négociation sectorielle (NB. Les négociations nationales n’ont lieu que depuis 1968). Cette tradition a été maintenue dans le régime de flexibilité établi en 1987 : les syndicats ont ainsi obtenu que celle-ci se réalise au premier chef de façon négociée par les organisations sectorielles et non par l’entreprise. Cependant, depuis un certain nombre d’années, cette prééminence bat de l’aile. On assiste à un glissement vers l’entreprise, moins favorable au poids syndical. Ex. travail de nuit peut être introduit par négociation de l’entreprise. Ex. Le plan social qui accompagne les fermeture et licenciements dans une entreprise sont réglés par convention collective d’entreprise

e) La fonction de mise en œuvre des lois sociales Dans de nombreuses législations, les commissions paritaires interviennent dans la mise en œuvre de régimes légaux. Ex. La loi de 1948 (sur les prestations d’intérêt public) prévoit que les commissions paritaires, au premier chef, seront compétentes pour déterminer les besoins vitaux. Ex. Le système prévu par la loi de 91 sur le licenciement des salariés protégés prévoit que les commissions paritaires participent à ce système (en effet, les salariés délégués des organes d’entreprise sont protégés quant à leur licenciements. Ceux-ci sont toutefois permis selon une procédure très lourde dans laquelle les cp y participent).

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 37.-

16. L’ORGANISATION SOCIALE DE L’ENTREPRISE L’entreprise connaît une pluralité d’organes, essentiellement 4 : 1.- la délégation syndicale 2.- le conseil d’entreprise 3.- le comité de prévention et de protection du travail 4.- le comité européen d’entreprise ( uniquement pour les multinationales)

a) La délégation syndicale (CCT n° 5 du 24.05.71) C’est l’organe le moins institutionnalisé de tous. C’est un organe unilatéral et non bilatéral. Sa fonction la plus fondamentale est la reconnaissance des libertés publiques au sein de l’entreprise. La délégation syndicale a été reconnue au lendemain de la seconde guerre mondiale dans un accord national et interprofessionnel. Lorsque la CNT a été dotée du pouvoir de négociation collective, l’une d’entre elle, la 5, a reconnu la délégation syndicale. Cette négociation collective n’est pas totalement obligatoire (les syndicats préfèrent les faire reposer sur leurs propres forces).

1) OBLIGATION PATRONALE DE RECONNAÎTRE UNE DÉLÉGATION SYNDICALE DANS LES ENTREPRISES D’UNE CERTAINE TAILLE

La Convention n° 5 est une convention-cadre qui doit être mise en œuvre au niveau sectorial et au niveau de l’entreprise. Elle prévoit l’obligation patronale de reconnaître la délégation syndicale dans les entreprises d’une certaine taille. Il est à noter que ce phénomène (c'est-à-dire réserver des obligations à certaines entreprises d’une certaine taille) est omniprésent en droit social : c’est le phénomène du droit social différentiel suivant la taille de l’entreprise. Il faut du droit social mais celui-ci doit être moins contraignant à l’égard des PME, et plus contraignant pour les entités de grandes productions. Le seuil à respecter n’est pas évoqué par la CCT et renvoie d’ailleurs aux CCT sectorielles

2) LA DÉLÉGATION SYNDICALE, ORGANE UNILATÉRAL

a. Le monopole des organisations représentatives Cette délégation est certainement l’organe le moins institutionnalisé, c’est un organe unilatéral et syndical (sans intervention des représentants patronaux) qui repose sur le monopole des organismes représentatifs (une de leurs prérogatives).

b. Le « droit d’audience » auprès de l’employeur On a du reconnaître un droit d’audience auprès de l’employeur, de par le fait que c’est un organe d’entreprise.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 38.-

3) FONCTIONS

a. La conclusion de conventions collectives d’entreprise avec l’employeur

b. Organe de substitution La délégation syndicale va être chargée d’exercer certaines fonctions (d’autres organes de l’entreprise) lorsque ceux-ci ne doivent pas être institués.

- le conseil d’entreprise (pour les entreprises de + de 100 travailleurs) : la délégation va exercer certaines de ses fonctions quand ce sont des plus petites entreprises

- le comité de Prévention et de Protection n’est organisé que dans les entreprises qui comptent plus de 50 travailleurs : la délégation va exercer certaines de ses fonctions quand ce sont des plus petites entreprises

c. revendication, conciliation, contrôle de l’application du droit social dans l’entreprise

Il y a une sorte de distribution de compétences entre les organes d’entreprise. La délégation syndicale a une fonction de revendication à l’égard de l’employeur fonction de conciliation entre les travailleurs et l’employeur fonction de contrôle sur l’action du droit social dans l’entreprise Le Conseil d’entreprise a une fonction d’intégration des travailleurs

d. Exercice de la liberté d’association et droit de fonctionner au sein de l’entreprise

La délégation syndicale fonctionne dans l’entreprise. On doit mettre à sa disposition des locaux et elle doit pouvoir exercer sa fonction pendant les heures de travail. Cela implique une petite restriction au droit de propriété de l'employeur : il doit la laisser fonctionner au sein de son établissement. En droit français, on présente la reconnaissance du phénomène syndical en termes de libertés publiques de la 2ème génération. On a parlé de "citoyenneté des salariés dans l'entreprise"

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 39.-

b) Le Conseil d’entreprise

1) LA LOI DU 20 DÉCEMBRE 1948 PORTANT ORGANISATION DE L’ÉCONOMIE ET SES ARRÊTÉS D’EXÉCUTION ; CCT DU CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL ÉLARGISSANT LES MISSIONS DU CONSEIL D’ENTREPRISE, SPÉCIALEMENT LA CONVENTION COLLECTIVE N° 9 DU 9 MARS 1972, RENDUE OBLIGATOIRE PAR AR DU 13 DÉCEMBRE 1972.

Le Conseil d’entreprise est organisé par une loi de 1948. Elle a été complétée par un réseau de conventions collectives qui ont augmenté ses attributions.

2) L’OBLIGATION PATRONALE D’INSTITUER UN CONSEIL D’ENTREPRISE DANS LES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVÉ D’UNE CERTAINE TAILLE.

a. le phénomène de droit différentiel selon la taille de l’entreprise L’employeur a obligation d’instituer un organe d’entreprise dans certaines entreprises (NB. l’employeur a également l’obligation de reconnaître la délégation). Cette obligation ne vaut que pour les grandes entreprises (c’est le principe du droit social différentiel selon les entreprises ; le seuil est de 100 travailleurs). La loi prescrit un seuil de 50 travailleurs mais celle-ci est mise en œuvre par des arrêtés royaux qui déterminent au fur et à mesure le seuil imposé (on est passé de 200 à 100). Pourquoi applique-t-on un traitement inégalitaire entre diverses entreprises ? On considère que les petites et moyennes entreprises sont les seules à créer des emplois et à limiter le chômage : il ne faut donc pas de droit social contraignant qui risquerait d’entraver le fonctionnement des PME. Cette explication – officielle - figure au niveau communautaire et dans certaines directives.

b. La notion d’entreprise ; en principe, l’unité technique d’exploitation. Une définition juridique de l’entreprise est donnée par le législateur de 1948. La définition portée par la loi est la suivante : l’entreprise est l’unité technique d’exploitation. Il n’y a pas de référence à la personne juridique (physique ou morale) de l’employeur. Une même société peut donc être à la tête de plusieurs unités techniques d’exploitation. Le calcul du nombre de travailleurs se fait en fonction des unités. Les employeurs ont donc intérêt à être à la tête de petites unités pour échapper à l’obligation du conseil d’entreprise. Le législateur a donc multiplié les exceptions pour éviter les fraudes patronales.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 40.-

3) COMPOSITION

a. le conseil d’entreprise, organe bilatéral, mais non paritaire

Le conseil d’entreprise n’est pas un organe paritaire (≠ CNT, CCE, commissions paritaires). C’est un organe bilatéral seulement. Pourquoi ? Ce ne sont pas les mêmes règles de composition (pour rappel, pour les organes paritaires, les représentants des deux camps sont désignés par les organisations représentatives et choisis par le pouvoir exécutif. Ce système n’existe pas au sein du Conseil d’entreprise).

b. La désignation des membres patronaux ; le personnel de direction rejeté du côté patronal

Les représentants de l’employeur sont désignés par l’employeur. L’employeur préside le Conseil et va pouvoir se faire assister par des membres du Conseil d’administration (mandataires). Il pourra également se faire assister par le personnel de direction (NB. ce sont des salariés). Le personnel est donc rejeté du côté patronal pour la composition du conseil d’entreprise. Cette assimilation avait peut être une réalité sociologique en 1948 mais aujourd’hui le personnel est également sujet à des licenciements. Cette assimilation n’est donc pas réaliste et pourtant la loi reste inchangée.

c. Les élections sociales et la dérogation au monopole syndical (loi du 22 janvier 1985)

En 1948, il y a eu des discussions entre syndicats et patronat. Les syndicats voulaient le monopole de présentation des salariés tandis que le patronat voulait que tous les salariés puissent y participer en vertu de l’égalité des droits entre salariés. Le régime adopté sera que les représentants des travailleurs sont désignés à la suite d’élections sociales. Tous les salariés ont un droit de vote hormis le personnel de direction. Qui est éligible ? Seuls peuvent être élus les candidats présentés par les grandes organisations représentatives de travail (c’est ici que ressurgit le monopole syndical). En 1985, il y a eu modification du système. Les cadres, mal aimés des syndicats, ont un syndicat mais pas représentatif (parce qu’ils ne regroupent pas 50 000 membres mais 10 000). Le gouvernement de l’époque, le gouvernement Gol, va imaginer une modification du système de 1948 et va établir une brèche dans le monopole syndical. Le système de composition va se présenter comme suit : - collèges électoraux (jeunes, travailleurs, employés, etc.) y compris le nouveau collège instauré par la loi,

celui des cadres (ils étaient compris auparavant dans le collège des employés). - Présentation des candidats

o par les syndicats des cadres, qui accèdent ainsi à la représentativité (mais uniquement pour le conseil d’entreprise)

o possibilité d’un système de présentation individuelle à condition qu’ils bénéficient d’un certain nombre de signatures : il y a brèche au niveau syndical.

Cette stratégie gouvernementale est exemplaire. D’un point de vue juridique, il existe un problème. Quelle est la définition du cadre ? Le cadre n’est pas une notion juridique. La définition donnée est fort floue : les cadres sont les employés qui exercent dans l’entreprise une fonction supérieures généralement réservée aux titulaires d’un diplôme d’un niveau déterminé ou à celui qui possède une expérience professionnelle équivalente. Selon la loi, finalement, c’est l’employeur qui va déterminer qui sont les cadres. Il est à noter que le pouvoir de l’employeur est contrebalancé par le pouvoir d’ester des organes représentatives.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 41.- Il est à noter que le conseil d’entreprise n’est pas un organe tripartite. Il reste un organe bilatéral. Les cadres sont compris dans les travailleurs. Dès lors se pose un problème quant à la frontière entre personnel de direction et les cadres.

4) FONCTIONS

a. le partage de compétences avec la délégation syndicale ; l’intégration des travailleurs dans l’entreprise

La délégation syndicale a une fonction de revendication. Le Conseil d’entreprise a une fonction d’intégration des salariés dans l’entreprise et une fonction de participation à l’entreprise. C’est une fonction nettement plus conflictuelle.

b. pouvoirs de décision et de gestion Cette fonction d’intégration entraîne plusieurs questions quant au pouvoir de gestion. La réponse est négative : il n’y a pas de pouvoir de gestion. Les pouvoirs de décisions et de gestion reconnus sont accordés sur des points périphériques et accessoires.

- gestion des œuvres sociales et des fonds de pension : il est à noter que l’employeur n’est pas tenu de les créer et peut les supprimer.

- date des vacances annuelles

- rédaction du règlement de travail (pouvoir normatif qui peut être analysé en terme de gestion). On constate une évolution entre le système du 19ème siècle et le système initié en 1948. La première loi sur le règlement d’atelier datant de 1856 présentait une figure juridique qui prolongeait la figure du contrat d’adhésion. L’employeur pouvait le faire et grâce à une fiction, il devenait obligatoire. A l’heure actuelle, la rédaction est faite par le Conseil d’entreprise et ce règlement de travail a subi quelques mutations et est devenu une convention collective à régime spécial. C’est le résultat du consensus. L’analyse qui vient d’être faite est une analyse classique mais une autre analyse est possible et on peut y voir un élément de cogestion. Dans certains cas, le système joue un rôle de verrou collectif. Dans le règlement de travail, il y a une série de mentions obligatoires notamment à propos du temps de travail. Il est interdit à l’employeur de faire travailler des salariés en dehors des horaires décrits par le règlement. Dans les années 70, il y a montée des emplois atypiques (contrats de travail à temps partiel). Le droit belge réglemente le temps de travail à temps partiel et il est prévu que ces nouveaux horaires doivent être décrits. Il y a ajout dans les règlements de travail. Ex. Un employeur veut instaurer un système de travail à temps partiel. Il ne peut le faire unilatéralement et doit mettre à l’ordre du jour l’ajout de ces nouveaux horaires. Si le conseil d’entreprise n’est pas d’accord, il n’y aura pas en principe de travail à temps partiel dans l’entreprise. C’est donc une forme de verrou collectif. Il convient de nuancer dans la mesure où il n’y a pas de consensus. Il y a un système de recours (s’il y a des différends devants le Conseil d’Entreprise) et en définitive, c’est la commission paritaire qui sera compétente pour trancher le différend. La commission se prononce à la majorité qualifiée pour faciliter la prise de décision. Ce verrou n’est pas si ferme que ça.

- détermination des critères généraux pour le licenciement et le réembauchage résultant de circonstances économiques ou techniques.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 42.- Selon la loi, il ne s’agit pas de « détermination » mais d’un « examen », terme beaucoup moins fort et plus flou. Le terme a été interprété par une convention collective de travail de la CNT. Il est à noter que le Conseil d’entreprise ne détermine que les critères généraux. Le Conseil d’entreprise n’a pas de pouvoir au niveau individuel. Il détermine la politique générale de l’entreprise en matière de licenciement et d’embauche. C’est l’employeur qui met en œuvre au point personnel. Il n’y a pas de lien entre le contrat individuel et le conseil d’entreprise. Si l’employeur ne respecte par les critères généraux, il n’y a pas de sanctions prévues.

c. pouvoir d’information et de consultation (AR du 27/11/1993 ; convention collective de travail n°9)

L’employeur reste maître du pouvoir de décision comme le confirme la convention collective n°9 de 1972. Ce pouvoir de décision doit avoir pour effet, entre autres, de créer un meilleur climat.

• matières où s’exercent ces pouvoirs Son objet est le plus large possible. Tout ce qui concerne la gestion économique et sociale de l’entreprise doit être fournie par l’employeur au conseil d’entreprise (données financières, sociales, programmes de licenciements collectifs, etc.) Le Conseil d’entreprise n’est pas compétent pour protection et le bien-être des ouvriers. En effet, en matière de sécurité et d’hygiène, ce pouvoir est exercé par le comité pour la prévention et la protection du travail. L’information est articulée sur le révisorat d’entreprise. Le réviseur d’entreprise va certifier le caractère fidèle et fiable des informations reléguées par l’employeur. Il est nommé par le Conseil d’administration sur présentation du Conseil d’entreprise.

• nature juridique des pouvoirs

1) pouvoir d’information : destiné à assurer la transparence (le secret camoufle l’abstrait. ) 2) Pouvoir de consultation : corollaire du premier pouvoir, c’est l’institutionnalisation du dialogue. Elle a pour

but d'associer plus étroitement les travailleurs à la marche de l'entreprise dans le respect des responsabilités de gestion et du droit de décision du chef d'entreprise. Le salarié va formuler des idées, va critiquer, va proposer sur la gestion d’entreprise. Le pouvoir va s’exercer en pouvant comporter des propositions des salariés. La finalité de la consultation peut être indiqué (ex. en vue d’éviter le licenciement collectif). Elle va porter sur la gestion patronale. Par ailleurs, ce pouvoir ne débouche pas sur des négociations collectives car ce pouvoir revient à la délégation syndicale. (NB. Elles sont conclues suivant la loi de 1968)

• exercice préalable aux décisions patronales Selon certaines conventions collectives, ces deux pouvoirs doivent être préalables aux décisions de l'employeur. Il faut informer et consulter préalablement à la décision. Des directives européennes prévoient également un système d'information et de consultation des travailleurs mais en temps utile (interprété en tant que « préalable » par la jurisprudence Vilvoorde).

5) LE PROBLÈME DU SECRET PROFESSIONNEL

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 43.-

a. droit pour l’employeur de retenir certaines informations dont la communication serait dangereuse pour l’entreprise ; nécessité de l’accord d’un fonctionnaire

Ce n’est pas un pouvoir discrétionnaire parce qu’il doit y avoir concertation sociale avant d’y procéder. La loi de 1948 n’aurait plus de raison d’être en pareil cas. Il y a donc nécessité de l’accord d’un fonctionnaire.

b. sanctions pénales pour tous ceux qui auraient divulgué abusivement des renseignements globaux de nature à porter préjudice à l’économie nationale, aux intérêts d’une branche économique ou d’une entreprise.

Les employeurs mais également les représentants des salariés qui siègent au sein de l’entreprises peuvent se voir appliquer des sanctions pénales. Un seul bémol : la divulgation doit être abusive. Les textes sont révélateurs de la difficulté d’informer le personnel. Le système ne fonctionne pas entièrement à cause

- des réticences patronales : l’employeur procède au dernier moment pour annoncer les licenciements sans respect de l’information préalable

- manque de formation des représentants des travailleurs qui ne comprennent pas les informations données. On a un peu articulé ce pouvoir d’information sur le révisorat d’entreprise. Aujourd’hui, ce problème n’existe plus : des experts au sein des organisations de représentants, auxquelles sont soumis les documents, sont là pour leur expliquer.

c) Le comité européen d’entreprise (lois du 23 avril 1998 et CCT n° 62 du 6 février 1996)

1) UN DÉVELOPPEMENT ISSU DU DROIT COMMUNAUTAIRE ; LA PROBLÉMATIQUE

Une directive de 1994 a imposé un système d’information-consultation sociales de façon transnationale. Pourquoi le législateur européen est-il intervenu ? Des problèmes se posaient pour les multinationales. La société mère se trouve dans un état et les filiales dans d’autres. Les décisions quant aux salariés sont prises au niveau de la société mère qui les impose aux filiales. L’information consultation prévue dans chaque Etat ne fonctionne pas : le législateur européen est donc intervenu.

2) LA FORME DE CONCERTATION SOCIALE CHOISIE PAR LE DROIT EUROPÉEN

La directive organise un comité européen, une procédure d’information-consultation au niveau de la société mère. Cette directive a été mise en œuvre par un ensemble de lois (qui vise les points qui doivent être réglés par le législateur seulement, comme par ex. le droit d’ester en justice, les sanctions pénales, etc.) et de conventions collectives (qui recopient la directive dont la mise en œuvre repose sur des négociations collectives)

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 44.-

d) L’organisation de l’entreprise sous l’angle de la sécurité et la santé des travailleurs

Ces problèmes ont préoccupé le législateur dès le début du droit social. Dès le début, on trouve des législations sur le sujet (sur la sécurité et la santé, sur le travail des femmes et des enfants, etc.) C’étaient des législations à caractère préventif. Tout au long du 20ème siècle, ce droit social s’est développé et parallèlement, dans la deuxième moitié du 20ème siècle, le droit communautaire s’est préoccupé de la matière. Alors qu’il n’a guère de vocation sociale, il contient un dispositif quasi complet sur la sécurité mais toujours sous l’angle préventif. Ces directives sont appelées à être traduites dans l’ordre juridique belge. Ce qui a donné lieu à la loi du 04 août 1996 relative au bien être des travailleurs, avec une série d’AR d’exécution (les plus importants sont ceux du 27.03.1998).

1) LA LOI DU 4 AOÛT 1996 RELATIVE AU « BIEN-ÊTRE » DES TRAVAILLEURS ET LES ARRÊTÉS ROYAUX DU 27 MARS 1998

Il n’y est plus question de sécurité, d’hygiène et de santé mais de « bien-être », notion beaucoup plus large. Ce concept intègre l’ergonomie, la charge psychosociale (le stress) occasionnée par le travail, le harcèlement moral, etc. Quelles sont les structures réorganisées par la loi ?

2) SERVICES D’ENTREPRISE, ORGANES D’ENTREPRISE ; STRUCTURES ET NATURE JURIDIQUES

a. La distinction entre services et organes La première distinction à faire est celle entre services de prévention et de protection et comités de préventions et de protection au travail. Les services constituent une émanation de l’employeur, maître des moyens de production, et qui est tenu d’organiser de tels services. Le service de prévention et de protection est un service parmi d’autres (services de ventes, services de production, etc.). Les comités sont des organes d’entreprises, spécialisés, pendant du Conseil d’entreprise. C’est un organe de concertation sociale avec représentation des travailleurs . Cette distinction fondamentale apparaît dans toute son ampleur à travers la situation juridique des salariés qui participent à ces structures. Du côté des services internes, la loi de 96 a créé un nouveau personnage juridique, les conseillers en prévention, salariés engagés dans les liens d’un contrat de travail et lorsqu’ils exercent leurs fonctions, ils exécutent leur contrat de travail. Les membres des comités sont désignés à la suite d’élections sociales : ce sont des salariés élus par les travailleurs. Ces représentants des travailleurs sont des salariés de l’entreprise mais lorsqu’ils siègent au sein du comité, ils n’exécutent pas leurs contrats de travail : ils interviennent dans le cadre d’une structure institutionnelle. Là est toute la différence entre le conseiller en prévention (pas de dualité de structure) et les membres des comités (dualité).

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 45.-

b. La distinction entre services internes et services externes (AR du 27 mars 1998).

Les services internes sont des services de l’entreprise. Ces services vont fonctionner avec les conseillers en prévention, salariés des employeurs. Les services externes sont des ASBL, groupements d’employeurs. Ce service va fonctionner avec des conseillers en prévention mais qui ne seront pas dans les liens d’un contrat de travail (peuvent se trouver dans les liens d’un contrat d’indépendant : pas de lien de subordination). Ces groupements vont remplir les fonctions de protection et de prévention mis à charge de l’employeur. Cette émergence de la structure externe est la manifestation d’un phénomène plus général que l’on constate dans la gestion des entreprises depuis quelques années, qui est que l’entreprise n’assume plus elle-même toutes les activités attachée à sa fonction de production c’est le phénomène d’externalisation de l’emploi (ex. nettoyage de l’entreprise effectué par une autre entreprise, gestion des cantines, etc.). L’obligation patronale de sécurité peut être exécutée par des services externes (en quelque sorte, une sous-traitance).

c. Nature juridique de la médecine du travail La loi de 1996 sur le bien-être a intégré la médecine du travail dans les services de prévention et de protection. Le service interne peut comporter un département de surveillance médicale. Les services externes doivent avoir deux sections différentes : une sur la gestion des risques dans l’entreprise et l’autre sur la gestion médicale. Le médecin du travail est ainsi devenu un conseiller en prévention. Ceci montre bien, en tout cas plus clairement, la nature juridique de la médecine du travail. Elle pouvait être conçue de différentes manières : service public, organe de concertation sociale. En Belgique, c’est un service inter-entreprises, donc émanation de l’employeur.

3) LE COMITÉ DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION Organe créé à l’image du Conseil d’entreprise. Ce comité doit être créé dans les entreprises d’une certaine taille avec la différence que pour le Conseil d’entreprise, le seuil est fixé à 100 travailleurs tandis que pour le CPP, le seuil est fixé à 50 travailleurs. Mais l’on constate le même phénomène de droit social différentiel dans les deux organes.

d. Composition Organe bilatéral non paritaire (voy. Conseil d’entreprise). La différence avec le Conseil d’entreprise réside dans le fait que dans le CPP, il n’y a pas eu de modification analogue à celle du Conseil d’entreprise. Le système de composition est celui qui existait avant 1985 (et donc pas de représentation spécifique des cadres). Il y a d’un part l’employeur et ses représentants et d’autre part les représentants des travailleurs élus à la suite d’élections sociales. Tous les salariés de l’entreprise ont le droit de vote mais il y a monopole des organisations représentatives pour la présentation. Il faut noter que les conseillers en prévention (dont le médecin du travail fait désormais partie) ne peuvent être délégués ni de l’employeur ni des salariés.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 46.-

e. Fonctions ; une fonction consultative comportant des éléments de cogestion

Ce sont des fonctions consultatives essentiellement mais cette consultation est plus pointue que celle qui caractérise le conseil d’entreprise. Elle comporte à certains moments des éléments de cogestion. C’est un système de coopération avec l’employeur qui dépasse la simple fonction consultative. Il s’agit en effet pour le CPP de rechercher et de proposer tous les moyens pour réaliser dans l’entreprise le bien-être et de contribuer activement à ce qui est entrepris en la matière. En particulier, le CPP a un droit de regard sur la médecine du travail. La loi de 96, floue, dit que le Comité s’intéresse à la gestion et à l’intérêt du service médical du travail. Le médecin établit des rapports et ceux-ci vont devoir être examinés par le Comité. C’est quasi un système de coopération parce que lorsqu’il s’agit de désigner le conseiller en prévention, l’employeur doit demander l’accord du CPP, ce qui est un embryon de cogestion (NB. si pas d’accord entre l’employeur et le CPP, c’est tout de même l’employeur qui a le dernier mot). Même système en ce qui concerne le remplacement du médecin.

4) SERVICES DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION Chaque employeur a l’obligation de créer un service interne de prévention et de protection avec un ou plusieurs conseillers en prévention (salariés). Une dérogation pour les PME de moins de 20 travailleurs est possible : l’employeur n’a pas l’obligation d’engager un conseiller en prévention, il peut exercer lui-même cette fonction. Ce service interne peut comporter un service médical. Statut juridique : voy. supra Si le service interne ne peut exécuter toutes les fonctions en matière de sécurité, de prévention, d’organisation sociale en matière de sécurité, l’employeur a à ce moment là de recourir un service externe, composé de deux sections (gestion des risques et surveillance médicale). Dans le cadre des services externes, il y a des conseillers en prévention mais dont la situation juridique n’est pas la même que celles des conseillers des services internes. Selon la loi, c’est une relation contractuelle devant déboucher sur une relation durable avec l’employeur. Il ne s’agit donc pas nécessairement de travailleurs engagés par les ASBL. Rôles : Les services doivent assister l’employeur et les travailleurs sous l’angle du bien-être. Ce sont des agents d’exécution obligés des obligations mises à charge des travailleurs et de l’employeur en matière de sécurité.

5) LA MÉDECINE DU TRAVAIL

a. Nature juridique : émanation de l’entreprise

b. Fonctions Elle fait de la médecine préventive et pas de la médecine curative. Lorsque le médecin constate qu’un travailleur souffre de telle infection, il doit le renvoyer à son médecin traitant. S’il en est ainsi, c’est parce qu’on n’a pas voulu que le médecin du travail puisse concurrencer la médecine conçue comme profession libérale. Il va donc faire du préventif, c'est-à-dire voir ce qui se passe dans l’entreprise au niveau de la sécurité, du risque de maladies professionnels, etc. : il va examiner tous les problèmes que pose la santé des hommes au niveau du travail. Concrètement, il s’agit de procéder à des examens médicaux des salariés, des examens médicaux soit d’embauchage soit périodiques. Ces examens se terminent par un certificat médical qui sera envoyé à l’employeur mais le contenu du certificat est strictement limité de manière à respecter le secret professionnel vis-à-vis du tiers (l’employeur) : il va seulement s’exprimer en terme d’aptitude au travail en fonction du poste concerné.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 47.- Ces examens médicaux sont tantôt obligatoires, tantôt facultatifs. Ils sont obligatoires quand ce sont des groupes à risques (ex. handicapés, jeunes, postes à risques – sécurité, risque de maladie professionnelle), dans les autres cas, ils sont facultatifs (pouvoir du médecin = pouvoir d’avis). L’employeur a le droit de demander un examen médical auprès du médecin du travail.

c. Service médical, conclusion et dissolution des contrats de travail Une telle structure va faire que la médecine du travail au premier chef va constituer un instrument dont l’employeur peut s’emparer pour sélectionner son personnel en fonction de ses aptitudes physiques. Ex. l’employeur recrute du personnel et demande au candidat de se soumettre à un examen médical (parfois obligatoire), si le candidat refuse, l’employeur va se méfier et ne va pas l’engager. Au niveau de l’exécution du contrat, un employeur demande à un salarié de se soumettre à un examen médical (périodique). Le médecin du travail constate une incapacité permanente et définitive d’exécuter son travail. L’employeur veut mettre fin au contrat car l’employé ne répond plus à son attente. Il dispose pour cela de deux techniques de dissolution du contrat :

le droit de licenciement (qui pour les contrats à durée indéterminée doit être précédé d’un préavis. Le préavis ne peut courir en cas d’incapacité de travail. In casu, le droit de préavis ne pourra donc pas courir. La seule solution pour l’employeur est le paiement de l’indemnité pour défaut de préavis – paiement du salaire pendant la durée du préavis)

la force majeure : le contrat peut être dissous par l’effet d’un événement de force majeure et cette dissolution sera effectuée sans préavis et sans indemnités. La Cour de Cassation a admis ce système (voy. pages 196 et ss du livre).

d. Limites de la conception de la médecine du travail en tant qu’émanation de l’employeur

La médecine du travail peut jouer son rôle dans ces dissolutions du travail dues à l’incapacité définitive constatée par le certificat médical. Le législateur était conscient de son option et va donc établir des sortes de « garde fou », des dispositions qui sont en porte-à-faux par rapport à l’option prise.

- le législateur affirme l’indépendance technique et morale du médecin du travail affirmée à l’égard des travailleurs et des employeurs. Ce principe d’indépendance morale est étendu par la loi de 96 à tous les conseillers en prévention.

- La loi sur le statut du médecin du travail (loi du 18.12.1977, art 8) va établir une interdiction de licenciement (qu’il soit salarié ou indépendant).

- Droit de regard dont dispose le CPP à l’égard du médecin du travail et de l’exercice de ces fonctions. Le médecin du travail doit fournir des rapports au CPP.

- Système de coopération mis en place pour la désignation du médecin du travail (médecin désigné ou remplacé en accord avec le CPP).

- Procédure de remplacement du médecin du travail à l’initiative des représentants de l’employeur (et à premier chef du CPP) : il y a une sorte de légalisation de la possibilité du CPP d’obliger l’employeur à rompre les liens contractuels. Cette procédure est longue et les travailleurs ont le droit de provoquer la rupture du contrat dans lequel ils ne sont pas partie et ce, dans deux hypothèses :

o Lorsque le médecin ne remplit pas toutes les missions qui lui sont imparties. o Lorsque le médecin n’a plus la confiance des représentants des travailleurs au sein du CPP.

Cette procédure peut être enclenchée par l’organe de concertation sociale, mise en œuvre par des arrêtés royaux. On y a vu un élément de contrôle ouvrier.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 48.-

17. LA LOI DU 22 MAI 2001 Développement issu de la loi du 22 mai 2001 (loi sur la participation des travailleurs au capital et aux bénéfices de l’entreprise, pris sur base d’une recommandation communautaire ). C’est une première en droit belge : l’actionnariat (aujourd’hui, intéressement) ouvrier n’a pas été développé, contrairement à la France. Les syndicats n’y tenaient guère car ils étaient particulièrement méfiants par rapport à ces formules d’actionnariat : ils pensent que c’est une rémunération déguisée et permettrait de limiter la rémunération normale, le salaire. Ils demandent des salaires élevés, fixés par les négociations collectives. Le système d’actionnariat est un système d’inspiration néolibéral. Depuis quelques années, on voit l’émergence de certaines formes d’actionnariat ouvrier mais cette émergence s’est faite sous l’angle du droit fiscal (systèmes d’incitants fiscaux accordés aux travailleurs qui devenaient propriétaires d’actions de l’entreprise). La loi de 2001 aborde la question sous l’angle fiscal mais également sous tous ses aspects sociaux. Ces formules sont des nouvelles formes d’intégration des travailleurs dans l’entreprise. Cette participation financière peut prendre deux formes distinctes selon la loi de 2001. - participation aux bénéfices : avantages pécuniaires - participation au capital de l’entreprise : les salariés deviennent titulaires d’action et donc deviennent

plus ou moins propriétaires d’une partie des moyens de production.

a) Champs d’application personnel de cette législation.

Ce sont les sociétés (et non plus les unités techniques – sont exclues les ASBL et les personnes physiques et les institutions publiques) L’employeur décide s’il veut élaborer un plan de participation. Il établit un projet de plan. Ce projet va s’articuler sur la concertation sociale :

- système d’information, faite au conseil d’entreprise, et puis aux travailleurs, etc. - la négociation collective d’entreprise7, soumise au régime général de la loi de 1968, qui ne relève pas du

conseil d’entreprise. La convention collective sera faite entre l’employeur et un ou plusieurs syndicats représentatifs. En l’absence de négociation collective possible, parce qu’il n’y a pas de délégation syndicale, on prévoit un acte d’adhésion soumis au Code Civil. Cet acte fait l’objet d’une procédure très longue. La convention n’est pas régie par le principe d’autonomie des volontés. Le plan provient de l’employeur mais il y a un contenu obligé (mentions obligatoires). Il faut également remarquer que le plan est applicable à tous les travailleurs. Il y a cependant possibilité de prévoir dans le dit plan une condition d’ancienneté d’un an maximum. Une telle convention doit s’articuler sur une convention collective quant aux salaires : une convention ne peut être établie que là où l’entreprise est liée par une convention collective sur les salaires. Ceci dit, il y aura pratiquement toujours des conventions collectives sur le salaires puisqu’à côté des commissions paritaires, il y a des conventions collectives nationales, etc.

b) Quant au rapport entre le salaire et les formes de rémunération d’actionnariat

Il est inconcevable de substituer cette participation à une partie du salaire, tel que prévu par les conventions collectives sur le salaires applicables dans l’entreprise (art 7, §2 L de 2001). D’une part vous avez la contrepartie au travail, fixé par les conventions collectives, et d’autre part, vous avez cette autre forme de participation financière. NB. Il y a un maximum fixé pour cette participation.

7 NB. On ne retrouve pas le couple information-consultation.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 49.- Si la convention sur l’actionnariat passe, tous les travailleurs seraient obligés de l’accepter (car c’est une convention collective qui a un effet impératif pour tous les travailleurs de l’entreprise). Dans le souci de fidéliser le salarié à l’entreprise, les actions et les parts (si participation au capital) vont être indisponibles pendant une certaine période : le salarie ne peut pas les revendre (2 ans minimum, 5 ans maximum). Ils sont titulaires du droit de vote à l’assemblée des associées. Il n’y a pas non plus de cotisation à la sécurité sociale.

c) Interdiction de concevoir la participation aux bénéfices comme une rémunération : conséquences.

- inapplication d’une loi de 1965 sur la protection de la rémunération : cette loi protège la rémunération par

différents mécanismes et en particulier limite strictement les retenues sur salaires faites par l’employeur. - Ces participations financières vont être soumises à des prélèvements fiscaux et parafiscaux // à ceux de la

rémunération du travail. Nous verrons que la rémunération fait l’objet de retenues obligatoires faites par l’employeur (précompte professionnel, mobilier : retenues fiscales envoyées au FISC et les cotisations de sécurité sociale pour la part à charge des travailleurs : retenues parafiscales envoyées à l’ONSS). Dans la loi de 2001, les nouvelles formes ne sont pas de la rémunération mais il y a un régime parallèle aux régimes fiscaux et parafiscaux de la rémunération au travail. Plus concrètement, cette participation va comporter un taxe qui sera assimilée aux impôts sur le revenu, taxe qui n’est pas permise par la loi de 1965).

- En ce qui concerne la participation aux bénéfices, va apparaître une cotisation de sécurité sociale, de solidarité, relativement élevée (13% du montant de la participation) : cette cotisation est prélevée par l’employeur. Pas de modification de la loi de 1965 non plus. Les organes d’entreprise modifient-ils ou non le régime juridique traditionnel du salariat ? Interfèrent-ils avec l’organisation traditionnelle du salariat ? Pour répondre à cette question, nous allons partir de la participation conflictuelle, formule qui désigne le rôle des syndicats dans l’ordre juridique belge et que l’on retrouve notamment au niveau des organes d’entreprise. Au niveau de l’entreprise, surtout au niveau de la délégation syndicale, on retrouve le côté conflictuel du rôle des syndicats (sa mission de revendication vis-à-vis du patron), alors qu’au niveau du Conseil de l’entreprise, on observe plutôt une mission d’intégration, de participation des travailleurs. Le syndicat a donc une double fonction :

- mission d’intégration, de participation o au niveau du Conseil, o mais aussi au niveau des juridictions du Travail : mission de participation au système o gestion de la sécurité sociale

- mission de revendication Au niveau de l’entreprise, cette dualité de fonctions se rejoint et se concrétise dans la conclusion des Conventions Collectives du Travail. En effet, l’issue d’un conflit de revendication se traduit, lorsque l’issue du conflit est heureuse, se conclut par une convention collective du Travail. Cette vision interfère avec la vision classique du salariat.

1) ANALYSE CLASSIQUE Le régime traditionnel du salariat repose sur l’idée selon laquelle l’employeur a une double qualité dans son entreprise ; il est à la fois propriétaire de l’entreprise (propriété privée des moyens de production) et partie aux différents contrats de travails de ses salariés. Il exerce une maîtrise double et complémentaire sur l’entreprise. Les attributs traditionnels d’un propriétaire sont les pouvoirs de gestion, de perception des fruits (// usus et fructus en droit des biens), de fermeture (abusus). Au niveau contractuel, il exerce l’autorité patronale (aspect actif de la subordination) et il a un droit de licenciement (en principe, discrétionnaire) dans les contrats de travail à durée indéterminée. Dans cette vision

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 50.- traditionnelle, la rémunération est la contre-partie du travail. Il est à noter que la rémunération n’est pas fonction du profit de l’employeur.

2) MODIFICATION DE CETTE FONCTION DE PAR LES ORGANES D’ENTREPRISE

Du côté de la propriété, le pouvoir de gestion de l’employeur est-il remis en cause ? Pour l’essentiel, non ! Il y a essentiellement une obligation d’information et de consultation du conseil d’entreprise mais cela n’altère pas le pouvoir de décision de l’employeur : il n’y a pas de cogestion entre l’employeur et les travailleurs. Il y a néanmoins de petits glissements par l’effet d’instauration d’organes d’entreprise.

1) l’employeur a l’obligation de reconnaître les délégations syndicales en fonction de la taille de l’entreprise, la délégation a le droit de fonctionner dans son entreprise (mise à disposition d’un local, etc.) : il y a donc une restriction à son droit de propriété vu qu’il laisse la libre disposition de ses locaux.

2) Le règlement de travail, œuvre du conseil d’entreprise. L’employeur perd le pouvoir de décider seul puisque certains domaines doivent être réglés par le règlement de travail, œuvre du conseil d’entreprise, organe bilatéral. Le règlement de travail est donc un pouvoir normatif soumis à un pouvoir de cogestion, de codécision, et également soumis à une sorte d’arbitrage de la Commission d’Arbitrage. Le règlement de travail doit contenir certaines mentions obligatoires : temps de travail, les horaires, temps partiel – in casu, voir verrou collectif.

3) L’instauration obligée de certains services d’entreprise (service médical d’entreprise), le pouvoir de gestion reste présent mais le mode de gestion est réglementé.

4) La procédure qui débouche sur le remplacement du médecin du travail : un élément de contrôle ouvrier.

Du côté de la propriété et du profit, c’est l’employeur qui perçoit les fruits de l’entreprise dans le régime juridique traditionnel. On observe également un certain glissement par l’effet de la loi du 22 mai 2001, relative à la participation des travailleurs au capital ou aux bénéfices des sociétés. Le plan d’instauration dépend d’une initiative patronale, et l’on procède ensuite à l’acte d’adhésion. Du côté de la propriété des moyens de production, on observe la qualité de salarié et de propriétaire de l’entreprise si la participation se traduit par une participation au capital (salariés reçoivent actions et parts représentatives du capital). Si la participation se traduit par une participation aux bénéfices, ce n’est plus le propriétaire qui en bénéficie seul vu qu’une partie des bénéfices revient aux travailleurs. Cette loi ne crée pas à proprement parler un organe mais plutôt un facteur d’intéressement des salariés à l’entreprise. Du côté du contrat de travail, la subordination reste inchangée. En revanche, au niveau du droit de licenciement de l’employeur, il est maintenu mais c’est le conseil d’entreprise qui détermine les critères généraux de licenciements pour causes économiques. La décision de licencier ou de fermer l’entreprise continue à appartenir à l’employeur mais s’il souhaite licencier pour cause économique, c’est le conseil d’entreprise qui va déterminer les critères généraux de ce licenciement. In fine, c’est tout de même l’employeur qui les applique. La loi de 2001 n’a pas d’impact quant à la structure du contrat de travail. Elle n’interfère pas avec la vision classique. En effet, les participations prévues ne constituent pas une rémunération. Or, dans le contrat de travail, il y a le travail presté et en contre-partie, naît son droit à la rémunération. Cette participation crée en effets des droits subjectifs dans le chef des travailleurs. Ce sont des droits attachés à leurs qualités de salariés mais déclarés en dehors du contrat de travail.

3) NUANCES Si l’on octroie ce type d’avantages, cela va avoir une incidence sur les revendications quant au salaire. Dans le jeu des négociations, si le patron a accordé ce type d’avantages, il va pouvoir s’en prévaloir pour ne pas accepter l’augmentation salariale. Il est à noter également les régimes fiscaux (voy. supra). Les délégués des travailleurs qui siègent au conseil d’entreprise bénéficient d’une protection renforcée contre les licenciements. Ce sont généralement les mêmes salariés qui siègent dans les conseils d’entreprise et à la délégation syndicale. Or, les délégués syndicats sont en première ligne quant au côté conflictuel et sont donc

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 51.- particulièrement exposés. La raison implicite de cette garantie contre le licenciement pour les délégués au conseil d’entreprise est sans doute de protéger les délégués syndicaux.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 52.-

CHAPITRE 4.-

LES CONVENTIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL8

18. LE REGIME GENERAL (LOI DU 5 DÉC. 1968) Le régime est organisé par la loi du 5 déc. 1968 sur les conventions collectives du travail et les commissions paritaires. Qui peut conclure une CCT ?

a) Les parties signataires

1) LE PRIVILÈGE DES ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES

- les syndicats représentatifs (FGTB, CSC, CGSLB) (voy. supra) ; la confédération nationale des cadres n’a pas le pouvoir de conclure une convention collective vu qu’il n’est pas représentatif (excepté au niveau du Conseil d’Entreprise).

- les organisations patronales représentatives

2) L’EXCEPTION : UNE CCT PEUT ÊTRE CONCLUE PAR UN OU PLUSIEURS EMPLOYEURS

Une constante du droit social belge : la représentativité s’apprécie de manière plus souple du côté patronale. Le mécanisme de représentativité a été conçu au départ pour les syndicats. C’est pour cela que lorsqu’il y a des dérogations ou des exceptions, elles se trouvent toujours du côté patronal. Les conventions collectives ne sont pas nécessairement conclues dans un organe paritaire (CNT, Commissions paritaires la CCT s’applique au secteur d’activité) vu qu’elles peuvent être conclues au sein de l’entreprise. Les conventions collectives conclues dans des organismes paritaires ont plus de force. Celles-ci doivent également être signées par toutes les organisations représentatives tandis que les conventions collectives d’entreprise, c’est l’employeur qui la conclut, même avec un seul syndicat représentatif de son entreprise, cette dernière étant applicable à tous les employés. Certaines stratégies patronales sont donc possibles.

8 Voy. leçon 2 (page 23) ; de l’accueil étatique des accords étatiques.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 53.-

b) Partie Normative, Partie Obligationnelle, Normes Individuelles, Normes Collectives ; les concepts juridiques

La partie obligationnelle fait naître des droits et obligations dans le chef des signataires. Il y a identité entre les titulaires et les signataires des obligations. Il y a donc relativité des effets internes du contrat (art 1165 CC) La partie normative fait naître des droits et obligations dans le chef des travailleurs et des employeurs qui sont visés dans la convention collective du travail mais qui sont tiers par rapport aux signataires. Ce sont les organisations représentatives qui signent. C’est une structure réglementaire. Elle se décompose en - normes individuelles - normes collectives Les normes individuelles de la convention collective du travail sont, par exemple, les clauses des conventions collectives qui fixent les minima de rémunérations ou celles qui fixent la durée du travail et ce, pouvant être fait dans chaque secteur d’activités. Ce sont des normes individuelles destinées à s’insérer dans chaque contrat de travail individuel. Les normes collectives visent à une certaine organisation collective de l’entreprise ou du secteur économique concerné. Par exemple, il y a des CCT qui organisent la délégation syndicale (NB. c’est une convention cadre, destinée à être complétée par des conventions sectorielles). Il existe également des clauses qui obligent l’employeur à engager un certain nombre d’apprentis, de jeunes travailleurs, etc. : ce sont des normes collectives car elles visent à une certaine organisation de l’entreprise. Ces normes collectives créent des obligations pour l’employeur et non pour les organisations patronales représentatives. Le critère de distinction est difficile à mettre en œuvre : les normes individuelles confèrent des droits individuels à des salariés et non les normes collectives. Mais en réalité le critère de distinction est insatisfaisant car une certaine organisation de l’entreprise est susceptible de se diviser en autant de droits individuels correspondants. En principe, il y a étanchéité entre la partie obligationnelle et la partie normative de la convention collective du travail. Par exemple, une clause figurant dans la partie obligationnelle est de ce type : « les syndicats s’engagent à ne pas faire grève pendant un certain temps à condition que les organisations patronales versent des cotisations à un fonds ». Les obligations naissent pour les organisations. Tandis que pour les normes normatives, elles vont s’insérer dans les contrats individuels des travailleurs.

c) L’objet de la partie normative

1) LES DIRECTIVES LÉGALES (ARTS 9, 10, 11 ET 51) Ils peuvent négocier à propos de l’ensemble de tout le travail, à condition toutefois de respecter la hiérarchie des sources et l’interdiction de clause d’arbitrage individuelle (en cas de conflits). En effet, la loi du 5 déc. 1968 interdit l’insertion dans une CCT d’une clause d’arbitrage qui aurait pour effet de soustraire le respect de celle-ci aux tribunaux judiciaires.

1) On ne peut déroger à une règle supérieure mais il y a, en droit social, le principe de l’application de la norme la plus favorable au travailleur. (voy. supra). Les lois qui fixent un minimum impératif de protection sont considérées comme unilatéralement impératives, c'est-à-dire qu’on peut y déroger vers le haut (on peut prévoir un régime plus favorable même par une norme hiérarchiquement plus basse) mais pas le contraire.

2) Lorsque la loi est semi-impérative, peuvent y déroger vers le bas (prévoir un régime moins favorable) par convention collective et non par contrat de travail.

3) (tuyau) Une loi de 1987 sur la flexibilité du temps de travail permet dans certaines limites de déroger par convention collective à la loi de 1971 sur le travail (c'est-à-dire qu’on peut faire travailler plus). C’est en principe une convention collective sectorielle qui peut venir y déroger mais après un certain délai, la négociation

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 54.- collective glisse au niveau de l’entreprise et l’on peut conclure une convention de flexibilité au niveau de l’entreprise. Mais celle-ci suppose l’accord de tous les syndicats représentatifs de l’entreprise.

2) LA PRATIQUE TRADITIONNELLE Avant la crise économique des années ‘70 Les conventions collectives du travail sont des conventions collectives « conquêtes » qui confèrent aux travailleurs des avantages extra-légaux (augmentation de la durée des congés annuels, augmentations salariales, etc.). Il y avait une sorte de distribution de compétences tacite entre la loi et les partenaires sociaux, donc les conventions collectives. Les salaires sont des matières traditionnellement traitées par les partenaires sociaux. Ce système était présent dans de nombreux pays. En Belgique, existait un système propre d’indexation automatique des salaires par rapport à l’index. Quand le CNT deviendra compétent (1961) pour conclure des CCT, il y aura au niveau du CNT un salaire interprofessionnel garanti. Le CNT va presque se substituer au législateur. Ainsi, une directive sur le maintien du contrat de travail en cas de transfert d’entreprise sera retranscrite dans une CCT. Il va y avoir, par après, un blocage de la « négociation au sommet » (= négociations au CNT) pour reprendre en 1987. En effet, la loi sur la flexibilité du temps de travail est accompagnée d’un CCT.

3) DÉROGATION À LA PRATIQUE TRADITIONNELLE Il est à noter qu’après 1987, on assiste à une dérogation de la pratique traditionnelle. Certaines CCT vont venir diminuer le régime de protection des salariés. Madame Jamoulle y voit une fonction de verrou collectif car même si la CCT vient diminuer la protection des travailleurs, vu qu’il y a négociation collective. Les syndicats ont préféré être partie prenante à la flexibilité plutôt que de la laisser être organiser par la loi. D’autre part, le législateur va se préoccuper de la fixation des salaires. C’est également une dérogation à la pratique traditionnelle (suppression de l’index, blocage, sauts d’index). La pratique traditionnelle est que l’on peut négocier sur tout (liberté de négocier ou de ne pas négocier). Le contenu de l’accord était libre. Mais l’on voit se multiplier des exceptions à ce principe d’autonomie collective :

- désormais, des obligations de négocier sont prévues par le législateur. Par exemple, pour réaliser les 39h, il y a une loi de 96 qui prévoyait que dans les entreprises ou dans les secteurs d’activités où ce régime n’était pas encore instauré, il fallait le faire par négociation collective de temps de travail. Le législateur dit donc aux partenaires sociaux sur quoi ils doivent négocier. A défaut, un AR serait pris pour instaurer ce régime. Cet AR a d’ailleurs été pris.

- La loi de 96 sur la sauvegarde de la compétitivité du pays, en matière de fixation des salaires, on fixe des domaines dans lesquels il faut négocier ;

- La loi de 2001 sur la participation financière des travailleurs : des mentions obligatoires sont prévues. Après que l’employeur ait pris l’initiative, l’accord est une convention collective.

d) Cadre de conclusion, forme et durée de la CCT

1) CADRE DE LA CONCLUSION La distinction entre les CCT conclues au sein et en dehors d’un organe paritaire. (voy.supra)

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 55.-

2) FORME (ART 13, 14, 16, 18) a) Ecrit, langue, signatures, mentions obligatoires La convention collective doit être conclue par écrit et ce, à peine de nullité. Les règles concernant l'emploi des langues interviennent. Dans cet acte écrit, il y a des mentions obligatoires qui sont énumérés par la loi de 1968. Ces mentions obligatoires sont la carte d'identité de la convention collective : a) Signature. b) Dénomination des organisations syndicales signataires. c) Dénomination des organisations patronales signataires. b) Formalité du dépôt ; Publicité plus grande pour les CCT au sein d’un organe paritaire (art 25 et 30) En vertu de la loi de 1968, toute convention collective doit être déposée au ministère de l'emploi et du travail où toute personne peut en prendre connaissance. Cette mesure de publicité s'explique par le fait que la convention collective intéresse des tiers. Plus la convention collective produit des effets vis-à-vis des tiers, plus la publicité de la convention collective sera contraignante. S'il s'agit d'une convention collective conclue au sein d'un cadre institutionnel, un avis doit être publié au M.B.. Si elle fait l'objet d'un A.R., ce dernier doit être publié au M.B. avec une annexe contenant le texte complet de la convention collective.

3) DURÉE (ART 15) La durée peut être déterminée

indéterminée déterminée mais avec clause de reconduction du contrat

La dénonciation de la CCT est également possible. Lorsqu'une convention collective est conclue pour une durée indéterminée, il y a une faculté de résiliation et la convention collective doit prévoir le délai de dénonciation. Tous les systèmes sont possibles, la loi n’imposant rien à cet égard (voy. 2ème leçon de l’ouvrage de référence. )

e) La partie normative et sa force obligatoire ; le système des paliers. (tuyau)

1) L’EFFET OBLIGATOIRE IMPÉRATIF POUR TOUTE CCT SOUMISE À LA LOI DE 1968 (ART 19)

• Système sophistiqué appelé système des paliers. • 1er palier : toute convention collective relevant de la loi de 68 a un effet obligatoire impératif • Cet effet se produit à l’égard des employeurs membres des organisations patronales signataires ou dans

le cas d’une CCT d’entreprise, dans le chef du chef d’entreprise lui-même. Une fois liés, les employeurs vont être liés par la partie normative de la convention collective à l’égard de tous ses salariés, syndiqués ou non (art 19).

• L’application de la CCT aux travailleurs non syndiqués est conforme à une tradition syndicale (Bel, Fr, All, It) : les syndicats ont toujours négocié des conditions de travails pour tous les travailleurs et non seulement leurs syndicats. Ce n’est pas l’expression d’un altruisme : il y va également du souci de ne pas défavoriser l’embauche des travailleurs syndiqués. En effet, si la CCT ne s’appliquait qu’à ces derniers, leur embauche devenait plus chère pour le chef de l’entreprise et aurait favorisé l’emploi des non-syndiqués.

• Cette tradition ne se trouve pas dans tous les pays d’Europe : ex. les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège) : les CCT ne s’appliquent qu’aux travailleurs syndiqués. C’est un système de « closed shop » (l’employeur n’embauche que des travailleurs syndiqués), bientôt disparu car contraire à la liberté d’association.

• Système de réservation d’avantages aux syndiqués : sous l’angle de la loi de 68, la légalité de ces CCT est douteuse en raison de l’art 19 et qui dispose que la convention collective s’applique à tous les travailleurs. On

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 56.- réfute cet argument en prétendant que les CCT peuvent distinguer les travailleurs. Il faut tout de même remarquer que certaines catégories sont interdites (ex. interdiction de différences de salaires entre travailleurs masculins et féminins, etc.). La catégorie syndiqué/non syndiqué est-elle un catégorie interdite ou non ? Cela demeure douteux

• La Cour de Cassation, dans un arrêt de 1981, a déclaré que la réservation d’avantages aux syndicats était dans certaines conditions licite mais au regard de la loi de 1921 sur la liberté d’association. Elle ne s’est pas prononcé au regard de la loi de 1968.

• Aux termes de l’art 19, les CC d’entreprise peuvent être conclues par l’employeur qui pourra signer celle-ci avec un seul des syndicats représentatifs qui fonctionnent dans l’entreprise. A ce moment là, la CCT sera applicable à tous les travailleurs de l’entreprise, en ce compris les travailleurs qui appartiendraient à un syndicat qui aurait refusé de signer la CCT.

• Ce système a été mis en place en 1968, au moment où les CCT étaient des conventions « conquêtes » et donc ce mécanisme n’avait pas énormément d’importance. Mais aujourd’hui, on voit apparaître sur la scène juridique de la négociation collective, des CCT qui sont assez défavorables aux salariés (qui prévoient des obligations à charge du salarié). Désormais, ce mécanisme légal permet des stratégies patronales. Si bien que le législateur, face à ces stratégies, déroge à ce mécanisme : c’est le régime de grande flexibilité. Pour pouvoir introduire ce régime de flexibilité, il peut y avoir des CCT à certaines conditions et la CC d’entreprise doit être signée par tous les syndicats représentatifs qui fonctionnent dans l’entreprise.

• En ce qui concerne les CCT conclues au sein d’un organe paritaire, la loi prévoit qu’elle sera conclue par toutes les organisations qui y siègent (règle de l’unanimité).

2) L’EFFET OBLIGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE POUR LES CCT CONCLUES AU SEIN D’UN ORGANE PARITAIRE

• Il s’agit de doter les organes d’une force obligatoire supplémentaire, qui ne sera reconnue qu’aux

conventions collectives conclues au sein d’un organe paritaire. C’est l’art 26 de la loi de 1968 qui en détermine les conditions.

• Cette force s’adresse aux employeurs qui ne sont pas affiliés à une organisation patronale signataire (les autres sont tenus par l’effet impératif, en vertu du premier palier et donc de l’art 19) mais qui entrent dans le champ d’application visée par l’organe paritaire.

• Cet effet n’est pas impératif : il est seulement supplétif. Une possibilité d’y déroger est donc possible pour ces employeurs non membres des organisations patronales signataires, par une clause écrite du contrat du travail.

• L’effet obligatoire concerne uniquement les normes individuelles et non les normes collectives. • Pourquoi cet effet obligatoire supplémentaire concerne les seules CCT conclues au sein d’un organe

paritaire ? o Ces organes paritaires ne sont pas des groupements fortuits de travailleurs et d’employeurs : c’est

un groupement institutionnalisé et ces organes sont une sorte de « représentation ultime » des travailleurs et employeurs.

• Pourquoi ce caractère supplétif et pourquoi donc une dérogation par contrat individuel du travail et clause écrite?

o Ecrit c’est uniquement pour garantir la sécurité juridique o Les employeurs visés par ce deuxième palier ne sont pas partie prenante dans les relations

professionnelles, collectives de travail, vu que non affiliés à une organisation représentative et l’on considère qu’ils peuvent y déroger. Ce sont les PME qui son en réalité visées.

• Pourquoi pas les normes collectives et seulement les normes individuelles ? o On peut établir une corrélation entre le mode de dérogation et le fait que cela ne concerne que les

normes individuelles. o Mais la raison la plus fondamentale est que ce sont des employeurs non affiliés et donc à l’écart du

jeu des relations collectives et professionnelles et que l’on ne va pas leur imposer l’organisation de l’entreprise .

3) L’EXTENSION PAR AR

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 57.-

• Toutes les CCT conclues au sein d’un organe paritaire peuvent être rendues obligatoires par AR. Si un tel

AR intervient, toute la convention collective, partie normative, devient impérative à l’égard de tous les employeurs qui rentrent dans le champ de compétence matérielle de l’organe paritaire.

• Sanctions pénales à la clef pour les employeurs qui ne respecteraient pas ladite convention collective. • L’intervention du pouvoir exécutif peut être refusé par le Roi : il est libre à cet égard mais ne peut modifier

le contenu de la convention collective, telle qu’arrêtée via la négociation collective. • Se pose le problème de savoir si la force obligatoire va jouer là où il y a de dépôt au Ministère de l’emploi et

du travail, ce dépôt ayant fonction de publicité. Cette formalité du dépôt a un caractère substantiel : s’il n’y a pas de dépôt, il y aura absence de force juridique. La thèse majoritaire étant que si pas de dépôt, pas de force obligatoire, la thèse minoritaire étant qu’il y a force obligatoire, qui se produira aux références de mécanismes de droit commun (art 1134 CC, application de la théorie du mandat).

• La Cour de Cassation dans un arrêt de 1988 se rapproche de la seconde interprétation, donc de la thèse minoritaire, selon laquelle en absence de dépôt, on fait référence aux mécanismes de droit commun.

• En effet, « il ne peut se déduire des termes de l’art 18 et il ne ressort ni de l’économie de cette disposition ni de celle de la loi que les conventions collectives n’ont pas d’existence légale à l’égard de ceux qui les ont conclu. » La Cour de Cassation admet donc la seconde théorie. Certains en ont conclu qu’on se trouvait devant un catégorie atténuée de CCT.

f) L’insertion des normes dans les contrats de travail

On peut constater que le législateur belge a fait application de la théorie de l’intégration automatique des conventions collectives, partie normative. Elles s’intègrent automatiquement dans les contrats de travail individuels. C’est ce qui résulte de l’art 23, le contrat est implicitement modifié :

- une CCT conclue au sein d’une commission paritaire, rendue obligatoire par AR et fixant des minima de rémunération. Un employeur conclut un contrat individuel de travail et ne prévoit pas d’accord précis sur le montant du salaire (objet essentiel du contrat). Si l’on s’en tient aux dispositions du CC, il faudrait dire que ce contrat est nul. Mais dans ce cas, d’après le droit social, en raison de l’incorporation automatique, c’est le salaire prévu par la convention collective qui va devenir le salaire contractuel et l’on va donc écarter la solution de nullité imposée par le Code Civil.

- Dans un contrat individuel du travail, un salaire est fixé mais est inférieur à celui qu’exige la CCT. Dans une telle hypothèse, l’effet de la CCT sera double : il y aura, dans un premier temps, nullité de la stipulatio contractuelle prévoyant un salaire inférieur à celui qu’exige la CCT, et dans un deuxième temps, le salaire contractuel sera celui du salaire convenu par la CCT (mécanisme de substitution)

- Ce mécanisme légal est appelé à jouer en toute hypothèse et est donc appelé à jouer, en ce compris pour les conventions collectives défavorables au travailleur.

- La Cour de Cassation (01.02.93) a été amenée souligner que « la CCT lie tous les travailleurs d’un employeur lié même si elle est contestée par certains travailleurs individuels qui refusent de la signer». Elle rappelle ici l’effet obligatoire des CCT et le mécanisme de l’insertion automatique

- Dérogation implicite à l’art 23 : le régime de grande flexibilité. La Belgique s’est doté d’un régime de flexibilité négociée (en matière de temps de travail). Ici, il ne suffit pas qu’il y ait négociation collective pour qu’un travailleur soit tenu de travailler dans un régime de flexibilité. Comme ces CCT de flexibilité sont défavorables, le régime de 1987 va retenir le principe du volontariat (seuls les travailleurs qui donnent leurs accord seront liés).

g) La partie obligationnelle

- La partie obligationnelle concerne uniquement les signataires et ne concerne pas les travailleurs ni les employeurs.

- C’est le principe de l’étanchéité : les deux parties normative et obligationnelle sont étanches l’une de l’autre. - Ces droits et obligations qui relèvent de cette partie sont soumis au régime d’irresponsabilité (art 4 L 1968 :

qui prévoit que des Dommages et Intérêts ne peuvent être réclamés aux organismes signataires qui ne respectent pas ce qu’elles prévoient.) Ce principe est supplétif. Il est donc juridiquement possible de restaurer le principe de responsabilité.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 58.-

- Aux termes de l’art 4, ce principe concerne les organisations patronales et syndicales, mises sur le même pied, alors même que les organisations patronales seraient munies de la personnalité juridique (ex. fédération patronale)

- Mais quid pour les CCT d’entreprise ? Du côté patronal, on n’a pas d’organisation patronale signataire mais un employeur et se pose donc la question de savoir si le principe d’irresponsabilité va jouer à l’égard de celui-ci vu que l’art 4 ne parle que des organisations. Cette question est restée théorique : il n’y a pas de jurisprudence à cet égard

h) La nature juridique de la convention collective (voy. ouvrage de référence, p. 34 et ss.)

o Il n’y a pas de nature juridique imposée en soi. La nature juridique va être cherchée uniquement au regard

du droit belge et plus précisément de la loi d’habilitation de 1968. o L’analyse traditionnelle, majoritaire concernant cette nature est qu’il s’agissait d’un contrat. La CCT est de

nature contractuelle. On faisait valoir à cet égard la conclusion par négociation, la structure de la partie obligationnelle et dès lors, on se trouve en présence d’un acte conventionnel hormis l’AR étant donné que l’AR est un acte réglementaire. Cette intervention du pouvoir exécutif est tout à fait spécifique parce que le Roi ne peut modifier le contenu de la convention collective. Cette analyse se trouve dans la jurisprudence, dans l’exposé des motifs, etc.

o Cette analyse a été contestée et en particulier, par le professeur FRANCOIS dans son ouvrage sur la théorie des relations collectives. La partie normative de la convention collective est de nature réglementaire, parce que l’on se trouve en présence de normes s’appliquant à des tiers (crée des droits et obligations qui s’appliquent à des tiers : ce n’est donc pas un contrat). Le professeur DENIS de l’UCL parlera de règlement négocié.

o Si l’on admet que la CCT est de nature réglementaire, on débouche sur la compétence du CE de pouvoir l’annuler. En particulier, il s’agissait de la Classe Moyenne (petit patronat) voulait tenter d’annuler une CCT à laquelle il n’était pas partie. Dès lors, l’autonomie des volontés de la CCT ne sera plus respectée.

o Les syndicats et la FEB (historiquement, ce dernier n’est pas sûr) ont demandé une modification législative : un ajout dans la loi de 1968. C’est la loi du 20 juillet 1991 qui ajoute un alinéa dans l’art 26 qui dit que « le conseil d’Etat n’est pas compétent pour annuler une CCT conclue au sein d’un organe paritaire ».

o Quid avec la Cour d’Arbitrage ? Arrêt de 1993 : question préjudicielle est posée à la CA concernant le respect de la règle constitutionnelle d’égalité. On allègue une discrimination entre individus parce que l’on considère que les actes réglementaires ont un double régime : quand ce sont des actes ordinaires, le CE est compétent tandis que quand ce sont des actes négociés, il n’y a pas de possibilité d’aller devant le CE. La Cour d’Arbitrage se prononce et va constater le traitement différentiel et va examiner si ce dernier se justifie pour des raisons objectives. Ce traitement se justifie par des raisons objectives. Elle admet donc que les CCT sont des règlements à caractère spécifique (en ce sens que négociés) et que le contrôle de légalité de ces règlements sera fait via les juridictions du travail puisque les CCT sont destinés à s’intégrer dans les contrats individuels du travail.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 59.-

19. LE RÈGLEMENT DE TRAVAIL (LOI DU 8 AVRIL 1965) On s’accorde à considérer que le règlement de travail est une CCT à régime spécial, selon l’analyse traditionnelle. C’est une convention collective parce que dans les grandes entreprises munies d’un conseil d’entreprise, ce règlement est l’œuvre de ce conseil d’entreprise. A régime spécial parce que ce n’est pas le régime de la loi de 68 mais de la loi de 65. La loi du 12.08.2000 en son chapitre XII comporte des ajouts à la loi de 1965 de manière à intégrer une directive européenne faisant obligation aux états membres d’informer les travailleurs de leurs conditions de travail. Le législateur a utilisé le règlement de travail pour intégrer ces mentions imposées par le droit communautaire.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 60.-

a) Evolution

1) DU RÈGLEMENT D’ATELIER, ŒUVRE UNILATÉRALE DE L’EMPLOYEUR (CFR. LOI DE 1896) AU RÈGLEMENT DE TRAVAIL, ŒUVRE DU CONSEIL D’ENTREPRISE, CONVENTION COLLECTIVE A RÉGIME SPÉCIAL

Autrefois appelé règlement d’atelier, et , suite à une loi de 1896, œuvre unilatérale de l’employeur, le règlement de travail est appelé à devenir obligatoire pour le salarié par une sorte de fiction de consentement. En 1948, dans le cadre de la loi portant organisation de l’économie (qui organise les conseils d’entreprise), on a prévu que le Conseil d’Entreprise disposerait de ce pouvoir normatif. Le règlement de travail fut ensuite organisé par la loi de 1965 toujours applicable, avec quelques petits ajouts. Le Conseil d’entreprise ne s’impose que dans les grandes entreprises (+ de 100 travailleurs). Quid si il n’y a pas de consensus dans le Conseil d’entreprise : « en cas de différents dans le Conseil d’entreprise, c’est la Commission Paritaire qui va trancher ». La CP se prononce aux ¾ des membres représentant les travailleurs (abandon de la règle d’unanimité de manière à faciliter la prise de décision)

2) L’ÉLABORATION DU RÈGLEMENT DE TRAVAIL DANS LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Le règlement de travail est soumis au pouvoir patronal. C’est l’employeur qui va préparer un projet de règlement de travail et porté à la connaissance des travailleurs. Les travailleurs peuvent alors faire des « observations », qui peuvent être faites via la délégation syndicale (mais il faut un seuil variant entre 20 et 50 travailleurs. ). Il est à noter que si il n’y a pas de conseil d’entreprise, il y a souvent une délégation syndicale. Si pas de délégation, procédure dont M.Jamoulle nous épargne les détails. S’il n’y a pas d’observations, le règlement de travail va entrer en vigueur. S’il y a des observations, il y a des différents et donc il va y avoir une conciliation par le canal d’un fonctionnaire de l’inspection sociale. Si elle réussit, le règlement entre en vigueur. S’il y a échec, c’est de la compétence de la commission paritaire.

b) Contenu du règlement de travail Il n’est pas question du principe de l’autonomie des volontés qui caractérise au premier chef les conventions collectives soumises à la loi de 68. En effet, le règlement de travail a une fonction principale qui n’existe pas pour les CCT : c’est une fonction de publicité. Les salariés doivent être informés de l’ensemble des conditions de travail que sont celles de l’entreprise. Le fait que la directive européenne ait été transcrite dans un règlement n’est donc pas étonnant. Dans la loi de 65, nous trouvons une longue énumération des mentions obligatoires au règlement de travail.

1.- Parmi ces mentions, on trouve au premier chef, tout ce qui concerne le temps de travail (tous les régimes pratiqués au sein de l’entreprise doivent être décrits dans le règlement de travail : horaires alternatifs, fixes, etc.) et en particulier, les régimes de temps de travail à temps partiel (s’ils existent) doivent y figurer. C’est ici qu’apparaît une autre fonction du règlement de travail qui est celle du verrou collectif : un employeur ne peut unilatéralement imposer des régimes de travail à temps partiel ; s’il veut le faire, il doit mettre ce point à l’ordre du jour du Conseil de l’entreprise. S’il n’y a pas consensus, on devra se saisir de la commission paritaire. Dans une autre législation, celle de 71 sur la durée du travail, il y a une disposition finale qui interdit à l’employeur de faire travailler en dehors des horaires de travail inscrits dans le règlement de travail, sous peine de sanctions pénales. Ce principe est assorti de nombreuses exceptions mais il est toutefois bien établi. 2.- énumération des motifs graves permettant le licenciement sans préavis, le « licenciement-sanction » 3.- le nom des membres salariés des organes de l’entreprise.

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 61.- 4.- des mentions supplémentaires ont été ajoutées suite à la loi de 2000 qui transpose la directive européenne. Il s’agit tantôt de mentions plus précises (ex. délai de préavis), tantôt de nouvelles mentions. La plus importante de celles-ci sont les conventions collectives qui sont conclues au sein de l’entreprise, régissant les différents contrats individuels de travail qui s’exécutent au sein de l’entreprise. 5.- Il est prévu que la loi de 65 impose à titre de mentions obligatoires les pénalités, les montants et la destination des amendes et les manquements qu’elle sanctionne. Les pénalités sont les sanctions disciplinaires que l’employeur peut infliger à ses salariés en cas de manquement à la discipline de l’entreprise. Ces manquements doivent être énoncés dans leurs règlements de travail. Quelle est la nature juridique de ces sanctions disciplinaires ? Ce ne sont pas des sanctions pénales, répressives. Ce ne sont pas des sanctions administratives non plus. Ce sont des sanctions civiles, c'est-à-dire sanctions attachées au contrat de travail, qui ignorent le droit des obligations mais qu’il n’interdit pas d’organiser. Il importe de faire la différence entre les amendes (dont parle la loi sociale de 65) et les dommages et intérêts, sanction classique en droit civil. Les D et I sont destinés à réparer le préjudice subi par une personne en raison de la faute d’une autre personne. Les amendes ne sont pas des D et I, elles sont destinées à sanctionner les manquements à la discipline de l’entreprise commis par les travailleurs dans l’exercice de leurs contrats. Ces amendes vont, pratiquement, prendre la forme de retenues sur salaires. Certains droits sociaux interdisent-ils entièrement de recourir à ce type d’amendes. Ce ne fut pas le choix du droit belge mais ce dernier va la réglementer très strictement et selon une procédure particulière (le montant ne peut dépasser une certaine quotité de la rémunération, par ex.). C’est le chapitre IV de la loi de 65. 6.- Des mentions peuvent être prévues par AR. Un AR du 18.09.92 qui organise la protection des travailleurs contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Le règlement de travail doit inclure les mesures prises pour protéger le travailleur contre ce type de harcèlement (déterminer la personne ou le service chargés d’accueillir la personne. 7.- La loi prévoit qu’il puisse y avoir d’autres mentions : mentions facultatives. Celles-ci sont conventionnelles et doivent donc avoir l’accord des salariés. La loi de 65 impose la nullité des dispositions du règlement de travail qui confierait le règlement des litiges individuels à des arbitres. Une disposition analogue se trouve dans la loi de 68. Il s’agit d’assurer l’effectivité du droit social en considérant que la compétence des tribunaux du Travail sont des compétences d’ordre public. Nous trouverons des dispositions parallèles dans la loi de 78 sur le contrat de travail qui confirmeront cette méfiance de l’arbitrage.

c) Force obligatoire supplétive (art 4 loi du 8 avril 1965 et art 51 Loi du 5 déc. 1968)

L’art 51 présente dans une perspective kelsenienne les différentes sources. Le règlement de travail se

situe en dessous de toutes les conventions collectives de la loi de 68 et bien entendu en dessous des lois impératives. Toutes les mentions que doit comporter le règlement de travail doivent respecter toutes les normes supérieures. Le règlement de travail a donc pour fonction principale d’informer les travailleurs des droits et obligations des normes supérieures.

Le règlement est entre la convention individuelle écrite et la convention individuelle orale (en dessous

du règlement). Cette position signifie que le règlement de travail n’a qu’une force obligatoire supplétive. On peut déroger au règlement par le contrat individuel du travail à condition qu’il y ait une clause écrite dans le contrat de travail. On peut donc écarter telle ou telle disposition du règlement à condition qu’il y ait une clause écrite (écrit pour sauvegarder la sécurité juridique // art 26 loi de 1968).

Ce principe de la force obligatoire supplétive est un principe général. Cependant, en définitive, cet

article n’a qu’une portée limitée et ce, pour plusieurs raisons, selon les mentions : - portée limitée en ce qui concerne le temps de travail, en raison des sanctions pénales prévues par la loi de

1971 : tout se passe comme si le règlement de travail avait force impérative. - Portée limitée à l’égard des sanctions disciplinaires : la loi de 65 dit que seules peuvent être appliquées les

pénalités prévues par le règlement de travail. Dès lors, le contrat individuel du travail ne pourrait pas prévoir des pénalités supplémentaires autres que celles insérées dans le règlement de travail.

- NB. Le régime de flexibilité de 1987. C’est en principe un régime de flexibilité négociée et la négociation collective est classique et soumise à la loi de 68. D’après le vœu du législateur, tout doit se passer au niveau des

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 62.- conventions classiques, le régime de 87 a prévu un déverrouillage au niveau du règlement de travail : ce sont les interlocuteurs sociaux qui construisent le régime de flexibilité du temps de travail. Ce régime doit être intégré dans le règlement de travail (en raison des sanctions pénales prévues par la loi de 71) et une fois le régime conclu, on peut prévoir un système de modification automatique du règlement de travail. Celui-ci se voit donc doter d’une force impérative sur ce point là afin d’éviter des régimes de flexibilité différents au travers de contrats individuels de travail et donc ne pas bénéficier des garanties de la négociation collective.

d) Publicité (art 15 Loi de 1965) Affichage dans un endroit accessible aux travailleurs.

e) De la nature juridique du règlement de travail

1) RAPPEL On rappelle la nature hybride de la convention collective : la partie obligationnelle a une structure contractuelle tandis que la partie normative a une nature réglementaire (vu qu’elle s’applique à des tiers). La loi de 1968 en son art 26 disait que cet acte réglementaire ne relève pas de la compétence d’annulation du Conseil d’Etat.

2) ANALYSE CLASSIQUE L’analyse classique est la suivante : Le règlement de travail est une CCT à régime spécial parce que ce n’est pas le régime de la loi de 1968 mais d’une autre législation, la loi de 1965.

- les signataires sont ≠s - la force obligatoire est ≠. - Inapplication de l’ajout de l’art 26 de la loi de 1968 : CE est incompétent.

3) CRITIQUES DE L’ANALYSE CLASSIQUE Une critique de cette analyse classique est possible :

- Le règlement en tant que convention collective ne vaut guère pour les PME dépourvus de Conseils d’entreprise (pouvoir patronal réapparaît).

- Ce règlement de travail n’est pas soumis au principe de l’autonomie des volontés collectives alors que la négociation collective de 68 prévoit le contraire

- Différence de régime entre la loi de 68 et le système normatif du règlement de travail : dans le cadre de la négociation collective, s’il n’y a pas d’accord, il n’y aura pas de norme négociée. Pour le règlement de travail, le système est différent : s’il n’y a pas de consensus, ou des observations faites par le salarié, pour éviter le blocage, c’est la CP qui va intervenir à la majorité des ¾. On se trouve donc en présence d’un pouvoir d’arbitrage.

- Le règlement de travail n’a pas les mêmes fonctions que les CCT classiques. Celles-ci ont pour fonction de créer des droits et obligations pour les employeurs et employés (auparavant : créer des avantages extralégaux pour les salariés). La fonction principale du règlement de travail est la fonction de publicité : il s’agit d’informer les salariés des conditions de travail dans l’entreprise. Ce sont des fonctions ≠tes. Sur certains points déterminés, il y a une fonction commune : la fonction de verrou collectif (pour les régimes de grande flexibilité dans le cadre des CCT, pour le contrat de travail à temps partiel dans le règlement de travail).

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PREMIERE PARTIE – LES RELATIONS COLLECTIVES DU TRAVAIL 63.-

4) ANALYSE DU RÈGLEMENT DE TRAVAIL EN TANT QU’ÉLÉMENT DE COGESTION

Ces critiques font qu’il est possible de renouveler l’analyse du règlement de travail et d’y voir un élément de cogestion. Le droit belge, contrairement au droit allemand, ne connaît pas de cogestion au sens économique dans l’entreprise. Mais ce règlement de travail peut apparaître comme un élément de cogestion dans la mesure où le régime de la loi de 65 s’accompagne d’un pouvoir d’arbitrage. Afin d’éviter le blocage, en droit allemand, on prévoit une procédure d’arbitrage. C’est en ce sens que s’est prononcé le Conseil d’Etat du 22 avril 1996. Il a abordé le problème de la nature juridique du règlement de travail sous l’angle de sa compétence. Faits Procédure concernant le harcèlement sexuel. La commission paritaire était intervenue pour trancher le différend. L’employeur demande au conseil d’état d’annuler le règlement de travail et l’acte posé par la CP. C’est ainsi que le CE a été appelé à se prononcé sur la nature juridique du règlement de travail tel que décidé par la CP. Le règlement de travail n’est pas un contrat mais, continue le CE, il s’agit d’un acte unilatéral.

Le règlement de la fin du 19ème siècle pouvait être considéré comme un acte unilatéral mais il est difficile de dire que le règlement de travail actuel est unilatéral. L’analyse du CE est quelque peu passéiste. Cet acte unilatéral n’implique pas qu’il s’agisse d’un acte administratif. Le CE constate que s’il y a un différent, la CP rend une sentence arbitrale. Comme il s’agit d’un sentence arbitrale, le CE est incompétent pour pouvoir annuler.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 64.-

DEUXIEME PARTIE

LA RELATION INDIVIDUELLE DE

TRAVAIL

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 65.-

CHAPITRE 1.-

LES DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DE LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL

ET LES OPTIONS DU DROIT BELGE

20. LA SITUATION STATUTAIRE

a) La réalité juridique de la situation statutaire L’Antiquité a connu l’esclavage, au Moyen-Âge les associations corporatives. Il convient maintenant de connaître les options du droit belge. Dans le secteur public, on trouve une conception statutaire de la relation individuelle de la relation de travail. Le fonctionnaire se trouve dans une situation statutaire (c'est-à-dire légale) et donc non contractuelle. Cette réalité juridique a été contestée. Au 19ème siècle, beaucoup d’administrativistes analysaient la situation juridique des fonctionnaires comme un contrat (perspective contractualiste du libéralisme). Cette conception statutaire a été également contestée par certains spécialistes du droit social, notamment HORION et qui tenait le raisonnement suivant : Il constatait que les statuts étaient des AR et non des lois, tandis que du côté du contrat de travail, ce sont des lois sociales qui réglementent le contrat. Les AR n’ont pas le pouvoir de déroger aux Lois. Hors dans la quasi totalités des situations statutaires, il y a travail, rémunération, consentement des deux parties : tous les ingrédients sont réunis pour en faire une relation contractuelle, hormis le cas où l’activité professionnelle du fonctionnaire comporte une partie de l’ « imperium » et comme on ne peut pas faire de contrat à ce sujet, on ne peut donc avoir à faire à une relation contractuelle. Les administrativistes modernes se sont ému et ont commencé à contesté la théorie d’HORION et en définitive, ce sont les administrativistes qui ont gagné cette « guerre » des territoires. En effet, sont intervenues des lois d’habilitation (permettant de placer le fonctionnaire sous statuts). L’argument d’HORION ne tenait plus. Qui plus est, le droit social a reconnu la réalité juridique de la situation statutaire (voy. art 1er de la loi organique du droit de travail, du 03.07.78 : son alinéa 2 précise que la loi s’applique aux travailleurs occupés par l’Etat, les provinces, les communes et les établissements publics dans la mesure où ils ne sont pas régis par un statut ; a contrario, la loi ne s’applique pas là où il y a situation statutaire ; cette disposition existait déjà dans une législation précédente).

b) La possibilité de recourir au contrat dans le secteur public

Tout problème ne fut pas supprimé : la bataille s’est déplacée parce que dans le secteur public, il peut y avoir statut mais il peut y avoir également contrat de travail, ce que suppose d’ailleurs l’art 1 de la loi du 03.07.78. Dès lors, s’est posé la question de savoir quels étaient les cas où les fonctionnaires étaient sous contrats et ceux où ils étaient sous statuts. Le critère de distinction était difficile à trouver étant donné que des composantes des deux se trouvent dans les statuts. Comment les distinguer ? Le Conseil d’Etat n’est pas parvenu à dégager un critère suffisant. Selon lui, le CE a statué plutôt au cas par cas tout en imposant le principe selon lequel il y avait une sorte de présomption statutaire pour le personnel du secteur public. On a d’ailleurs parlé à ce propos de « déclin du contrat de travail ». En définitive, on peut constater que les établissements publics ont un pouvoir largement discrétionnaire d’engager soit de manière statutaire soit contractuelle. Le CE avalise cette pratique. Il n’est pas certain que cette

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 66.- jurisprudence soit en train de se transformer et que l’on admette plus facilement qu’avant le recours au contrat. Mais il semble que davantage qu’auparavant, le recours au contrat soit plus présent, étant donné que le recours au contrat permet d’éviter les rigidités des situations statutaires. Cette distinction entre contrats et statuts a été soumise à la Cour d’Arbitrage : l’arrêt du 16 juin 1994. Faits Le personnel de la RTBF (agents nommés à titre définitif et sous statuts et des membres nommés par contrat de travail) se plaint des conditions de travail complètement différentes selon qu’il s’agisse d’un contrat ou d’un statut (ex. pensions, licenciement, etc.) alors que certaines personnes exercent la même activité professionnelle. Une question préjudicielle a donc été posée à la Cour d’Arbitrage : n’y a t il pas discrimination ? La Cour d’Arbitrage ne pouvait pas conclure à la discrimination parce que tout le système aurait été remis en question. Pour admettre la légitimité de cette distinction, elle va utiliser le test de comparabilité : elle va comparer deux situations et si ces deux situations ne sont pas comparables, elle évacue le problème. Que va dire la Cour d’Arbitrage ? Elle va dire que la situation juridique des agents nommés à titre définitif et ceux liés par un contrat de travail ne sont pas suffisamment comparables. Il ne faut donc pas les comparer au niveau du respect du principe de l’égalité. Ce n’est pas suffisamment comparable notamment au niveau des pensions et des licenciements. Si ces deux situations ne sont pas assez comparables c’est parce que pour l’une c’est un régime de droit privé, l’autre de droit public. L’argumentation de la Cour d’Arbitrage est assez proche de la pétition de principe ou de la tautologie.

c) Le déplacement du problème, dans le cadre de l’enseignement libre subventionné

En Belgique, deux types d’enseignement sont possibles l’enseignement officiel, public l’enseignement libre subventionné Pour l’enseignement libre, l’employeur est le pouvoir organisateur et est donc une personne de droit privé. Pour l’enseignement officiel, on est du côté du secteur public. L’art 1er de la loi de 78 : la loi sociale met dans le même panier le personnel du secteur public et le personnel occupé par le secteur de l’enseignement libre (alors que secteur privé). Le personnel de l’enseignement libre va être régi par un statut alors que leur employeur est une personne de droit privé. La législation sur l’environnement le confirme. Ex. Enseignement secondaire : Auparavant par un AR délibéré en conseil des ministres pour fixer les statuts. Ces statuts n’ont pas vu le jour étant donné qu’il n’y a pas eu d’accord sur la vie privée (respect du droit canon pour l’enseignement libre). Depuis, l’enseignement a été communautarisé et il s’agit aujourd’hui de décrets. La loi organique de 78 n’est plus applicable vu qu’il y a aujourd’hui décret. La Cour de Cassation dans deux arrêts du 8.10.93 et 18.12. 97 va avoir une position assez légaliste et va considérer que le personnel enseignant (dans l’enseignement libre subventionné) se trouve sous contrats mais la loi de 78 reste exclue. Ils sont donc sous relation contractuelle mais sans application de la loi de 78. Comme cette nature contractuelle est admise par la Cour de Cassation, cela signifie que les juridictions du Travail demeurent compétentes pour connaître des litiges entre le pouvoir organisateur au personnel. Ce problème a été soumis à la Cour d’Arbitrage : arrêt du 29 mars 2000. Respect du principe d’égalité ? La discrimination alléguée portant sur les juridictions différentes selon que l’on se situe dans l’enseignement officiel (garanties juridictionnelles du Conseil d’Etat avec sa compétence d’annulation pour les actes administratifs posés à l’égard du personnel de l’enseignement officiel. Ex. acte de licenciement est un acte administratif susceptible d’être annulé) ou dans l’enseignement libre (contrat de travail et donc possibilité d’obtenir uniquement des indemnités). La Cour d’Arbitrage a justifié ce traitement différencié : il se justifie de manière objective en raison de la relation contractuelle dans l’enseignement libre.

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21. CONCEPTION, INSTITUTIONNELLE OU CONTRACTUELLE, DE LA RELATION DE TRAVAIL

a) Les traits fondamentaux des deux conceptions

1) CONCEPTION CONTRACTUELLE Conception contractuelle du code napoléon (louage de service). On se trouve en présence d’une conception contractuelle : c’est un mécanisme bilatéral avec deux individus en présence. C’est un mécanisme de type individualiste : il n’y a pas de référence à la notion d’entreprise. Le contrat de travail peut impliquer le salarié à l’entreprise mais peut également ne pas le faire. Comme c’est un contrat, nous sommes face à une relation contractuelle formé des deux consentements des parties,ce qui permet de respecter le principe de la liberté de travail (décret d’Allarde de 1791). Ce mécanisme contractuel fait que c’est le même format d’échange : travail contre salaire. Cela implique une organisation conflictuelle de la relation de travail. Le salarié a intérêt à travailler le moins possible pour la rémunération la plus haute possible, l’intérêt du patron étant l’inverse. Le salarié reste étranger au profit. L’intérêt patronal se réalise seulement dans le chef de l’employeur.

2) CONCEPTION INSTITUTIONNELLE Cette conception contractuelle a été écartée au profit d’une autre approche voyant dans la relation de travail une conception légale et institutionnelle. A la base de la relation du travail, il n’y a pas de contrat, juste une conception légale et institutionnelle. Voy. la quatrième leçon de l’ouvrage de référence. Dans cette conception légale et institutionnelle, la relation de travail naît à partir du moment où le salarié va travailler dans l’entreprise : c’est une relation de fait et non de travail (on constate que la salarié va au travail). Ici apparaît une relation de travail en corrélation avec le conseil d’entreprise, contrairement à la conception contractuelle. Cette entreprise est une communauté de travail ou comme une institution. L’entreprise est un ensemble de moyens matériels et humains de production dotée d’une finalité commune. C’est une conception associative. Tous (apprentis, cadres) vont œuvrer de manière à réaliser une finalité commune. On nie la divergence d’intérêts. Dans cette conception, il n’y a pas nécessairement de liberté du travail vu qu’il n’y a pas nécessairement de consentements. Cette conception a été mise en œuvre dans sa forme la plus ferme par le droit allemand de l’époque nazi (loi de 1934). La communauté de travail est hiérarchisée (le chef dispose de pouvoirs règlementaires et disciplinaires sur ses employés). En France, dans l’entre deux guerres, et un peu après, on a eu droit à des versions doctrinales et beaucoup plus édulcorées de cette conception.

b) Le maintien en droit belge de l’analyse contractuelle et nuances

Actuellement, cette controverse a pris fin et certains ont conclu au triomphe de la conception contractuelle. Le présupposé est contractuel dans les différentes lois qui organisent les relations du travail. Jamoulle apporte quelques bémols à cette analyse : 1. On doit certes considérer que la relation de travail reste construite sur un contrat et donnant lieu à une divergence d’intérêts (les grèves et licenciements ne contredisent pas cette analyse) mais il faut tout d’abord souligner que s’il y a contrat de travail, c’est devenu un « contrat-statut ». On est passé du contrat d’adhésion au 19è siècle au contrat-statut. Son contenu est dicté par des normes extérieures (lois et conventions collectives de travail) à la volonté des parties. L’autonomie individuelle a perdu son rôle du début. Ceci dit, le consentement des deux parties joue encore un rôle suffisant pour qu’on puisse encore parler de contrat de travail.

- Son rôle fondamental est de créer la structure juridique de la relation contractuelle travail contre salaire. - Elle a aussi pour rôle d’enclencher le jeu des normes de droit social. Ces normes sont appelées à s’appliquer

là où il y a eu consentement. - Le consentement a un dernier rôle : un rôle d’individualisation de ce contrat-statut

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o (volonté de l’employeur quant à la nature même du contrat de travail : contrat précaire, à durée déterminée, à temps partiel ? c’est le consentement des deux parties qui va déterminer cette option ; sur ce point, cela reste un contrat d’adhésion : c’est l’employeur qui décide)

o avantages extralégaux o nature de la prestation

Son rôle est suffisamment important pour qu’on puisse parler encore de contrat de travail. 2. Il y a dans le droit du travail belge des éléments irréductibles d’une analyse contractuelle: les organes d’entreprise. Tout ce qui les concerne ne peut être expliqué en termes contractuels. C’est l’émergence de l’entreprise sur la scène juridique. La qualité de salarié qui siège au sein de ces organes était juridiquement double : c’est un salarié partie au contrat de travail dans l’entreprise mais aussi, quand il siège, il se trouve alors dans le cadre du jeu d’une structure institutionnelle. Pour compléter, voy. lecture de la 5ème leçon.

22. DROIT CIVIL ET DROIT CONTRACTUEL DU TRAVAIL

a) L’absence d’autonomie complète du droit du travail

Se pose alors une autre question quant au régime juridique de ce contrat de travail. Une controverse a eu lieu quant à l’absence d’autonomie du droit social face au droit civil. Certains ont considéré que le droit du travail était autonome par rapport au droit civil et que l’on ne devait plus faire application des hypothèses civilistes. D’autres considèrent que cette autonomie n’est pas complète et que le droit civil demeurait dans une certaine mesure d’application. C’est la controverse qui a agité pendant une grande partie du 20ème siècle les spécialistes du droit social. Cette controverse était connotée politiquement : les partisans de l’autonomie étant progressistes, les partisans de l’absence étant considérés comme conservateurs. Il est vrai que l’application du droit civil permet le plus souvent d’adopter des solutions les moins favorables aux travailleurs. Cette controverse est actuellement close. Tout le monde admet aujourd’hui l’absence d’autonomie du droit du travail face au droit civil. Cette absence s’explique de la manière suivante : le droit du travail n’est pas doté de complétude (pas d’ensemble normatif). Ceci s’explique par le processus de formation du droit social. Celui-ci est né à la fin du 19ème siècle à titre de dérogation du droit civil. Les premières lois sociales sont des exceptions au principe de l’abstentionnisme étatique afin de régler des cas extrêmes (travail des femmes et des enfants, lutte contre le troc system). Il n’y a pas de principe directeur, contrairement au droit civil : ce sont des normes ponctuelles. Ces normes se sont certes multipliées mais pas au point de déboucher sur un ensemble normatif indépendant. Qui plus est, le législateur social va dans ses interventions utiliser des mécanismes de droit civil (par ex. la responsabilité). Que fait le droit social ? Il retient le concept civiliste de responsabilité pour y apporter des dérogations mais la responsabilité est retenue. Le législateur social se réfère parfois lui-même au droit civil. Voy. la loi organique du contrat de travail de 1978 dont l’art 32 prévoit la référence au jeu des modes civilistes de dissolution du contrat (ex. force majeure, la condition résolutoire, etc.)

absence d’autonomie du droit social vis à vis du droit civil. Le droit civil va donc continuer à s’appliquer dans le cadre du contrat de travail. Quand s’opère ce retour au droit civil, on tombe sur une autre controverse : le problème de l’interprétation du droit du travail.

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b) Méthode d’interprétation de l’ensemble « droit du travail » ; système retenu par la Cour de Cassation

Deux thèses.

1) LE SYSTÈME D’INTERPRÉTATION TRADITIONNELLE Le droit du travail appelle à une interprétation stricte qui ne va pas au delà du texte. Le droit social ne formule pas volontiers des règles générales mais plutôt des règles ponctuelles. Dès que l’on se trouve en dehors du cas visé par la norme du droit social, on constate que le droit social ne dit rien et l’on applique alors le droit civil. Le droit social apparaît comme un infra-droit, tandis que le droit civil apparaît comme systémique, comme directeur. Une hiérarchie se forme : le droit civil est un droit noble, tandis que le droit social est un droit roturier (qui appelle à une interprétation exégétique).

2) L’INTERPRÉTATION SYSTÉMIQUE (OU INTERNE) Interprétation qui va tenir compte de l’ensemble normatif qui constitue le droit du travail (même si ne connaît pas de complétude) avant de revenir au droit civil. Dans le cadre de cette interprétation, on va sortir du texte. On va donner aux normes sociales une interprétation pas nécessairement exégétique mais par inductions de manière à dégager des principes directeurs de façon à organiser les normes ponctuelles. On va traiter juridiquement de la même manière des hypothèses connexes, des hypothèses parallèles avant de revenir au droit civil. Ce système d’interprétation est admis pour le droit civil (on tire des principes de textes non généraux : exception de non exécution). Les interprétations ne s’imposent pas. Madame Jamoulle est favorable à la seconde interprétation. La Cour de Cassation est globalement attirée par la première interprétation (certains arrêts choisissent toutefois implicitement la seconde interprétation). Voy. p.203 et ss. Le contrat d’un représentant de commerce contenait une clause qui stipulait que l’employeur avait le droit de modifier unilatéralement son secteur de ventes. C’est un ius variandi contractuel. Cette clause est léonine. Un litige survient entre l’employeur qui veut mettre en œuvre la stipulation contractuelle et le représentant. La Cour de Travail de Liège, s’inspirant de l’enseignement de Lucien François, va annuler cette clause particulièrement léonine en considérant qu’elle est contraire à l’ordre public virtuel social. Pourvoi en cassation : arrêt du 12.12.73. La Cour n’est pas séduite par la thèse de François et casse l’arrêt. Selon la Cour de Cassation, il n’y a pas d’ordre public virtuel que l’on pourrait induire des dispositions du droit social. Le législateur, dans les années 70, dans une démarche dialectique, va censurer la position de la Cour de Cassation et va la tenir en échec dans l’art 25 de la loi organique du contrat de travail. Cet art 25 frappe de nullité ces clauses de ius variandi contractuel (« toute clause par laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier le contrat de travail est nulle »). Cependant, un autre arrêt de la Cour de Cassation intervient (14.10.91) qui va dire que la nullité portée par l’art 25 ne concerne que les clauses qui permettraient à l’employeur de modifier les éléments essentiels du contrat. La Cour de Cassation limite la portée de l’art 25 et sauvegarde donc les clauses de ius variandi contractuel tant qu’elles portent sur les éléments accessoires du contrats. La cour de Cassation interprète donc l’art 25 de manière restrictive. Voy. la leçon sur la problématique de l’interprétation (leçon 6).

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CHAPITRE 2.-

LA STRUCTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL ; SON CRITERE DISTINCTIF,

LA SUBORDINATION

23. L’INVENTION DU CONTRAT DE TRAVAIL DANS LA LOI DU 10 MARS 1900 SUR LE CONTRAT DE TRAVAIL D’OUVRIER

a) Une définition exemplaire En droit belge, l’invention du contrat de travail se situe dans la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail d’ouvrier. C’est une législation qui va s’attacher à clarifier les droits et les obligations des ouvriers. Cette loi assez modeste était pour l’essentiel supplétive mais c’est une définition exemplaire du contrat de travail que comporte cette législation. A cette époque, le législateur était bon juriste. Cette définition sera reprise pour l’essentiel dans les lois qui organisent les différents contrats de travail. Elle sera d’ailleurs reprise dans la loi organique de 1978 (rapports communs du droit salarial). Cette loi de 1978 définit les contrats à l’image de la définition en 1900. Cette dernière est actuellement abrogée et remplacée par un chapitre de la loi de 1978. La première remarque à faire est de constater l’abandon de la terminologie « louage de service ». Cette expression était connotée assez péjorativement : il préférera le terme de « contrat de travail ». Dans cette définition, le législateur désigne les parties contractantes : les ouvriers (et plus particulièrement les ouvriers manuels) et les chefs d’entreprise (ou patrons). Cela peut être un être collectif ou une personne physique. Le schéma d’échange est celui du « travail contre salaire »

b) Le critère de la subordination Le point le plus exemplaire réside dans le critère de la subordination. La loi de 1900 précise que l’ouvrier travaille sous l’autorité, la surveillance, la direction de son cocontractant.

1) REJET EXPLICITE DU CRITÈRE TIRÉ DU MODE DE RÉMUNÉRATION

Le critère n’était pas encore bien dégagé par la doctrine. De nombreux auteurs proposaient de distinguer le contrat de travail du contrat d’entreprise (le plus // au contrat de travail) par le mode de rémunération. Dans le contrat d’entreprise, on considérait que la rémunération était un forfait, tandis que pour le contrat de travail la rémunération était fonction de l’horaire. Le législateur de 1900 va rejeter expressément ce critère et va recourir au critère de la subordination.

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2) LA DESCRIPTION DE LA SUBORDINATION : AUTORITÉ, DIRECTION ET SURVEILLANCE

Le législateur décrit la subordination en parlant d’autorité, de direction et de surveillance. Il est important de souligner que la surveillance est reprise : il ne suffit pas que l’ouvrier travaille selon les ordres et les instructions de son cocontractant mais il faut qu’il y ait possibilité de surveillance. Les travailleurs à domicile ne sont donc pas des ouvriers soumis à la loi de 1900. Cette surveillance peut être exercée par l’employeur lui-même mais elle peut également être déléguée à des ingénieurs, etc. Cette description renvoie exprèssement à la situation des ouvriers, des prolétaires de la fin du 19ème siècle concentrés dans les grandes entreprises, en étant strictement encadrés. Cet élément apparaît au départ comme une mécanique du pouvoir patronal pour accroître la production.

3) REJET IMPLICITE DU CRITÈRE DE LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE

Cette même définition comporte le rejet du critère de la dépendance économique. Il faut savoir qu’il y a dans la doctrine ancienne (voire moderne) une sorte de force attractive de la dépendance économique au détriment de la subordination juridique. Certains auteurs ont tenu que le critère distinctif ne réside pas dans la subordination mais dans l’état de faiblesse économique du salarié face à l’employeur.

24. DU CONTRAT DE TRAVAIL D’OUVRIER AU CONTRAT DE TRAVAIL GENERIQUE

a) Les ouvriers, premiers sujets du droit social

1) LA PROBLÉMATIQUE ; LE RÔLE DE LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE DANS LA FORMATION DU DROIT SOCIAL

Comment expliquer cette force attractive ? Cela s’explique comme suit : le fondement du droit social réside dans la faiblesse économique du salarié et non dans son état de subordination. Le droit social est né pour rompre la coïncidence entre la classe ouvrière et le groupe des indigents. En d’autres mots, le droit social est né en raison de la faiblesse économique de la classes ouvrière. La subordination juridique n’est que le critère d’applicabilité du droit du travail. Il y a une sorte de décalage entre le fondement du droit social et d’autre part, le critère d’applicabilité qui est la subordination juridique. La démarche du législateur social s’est saisi de la dépendance économique mais par le relais de la subordination juridique, concept médiateur. Pourquoi ? A cette époque, en 1900, la sphère couverte par l’état de faiblesse économique correspondait à la qualité d’ouvriers.

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b) Le phénomène de l’extension juridique du salariat et l’élargissement du champ d’application ratione personae du droit social

Cette démarche a été lourde de conséquences : la subordination, à titre de présomption de faiblesse économique, s’est révélée un concept tout à fait élastique et susceptible d’évolution extensible. L’évolution du droit social s’est fait de la manière suivante : élargissement de la relation ratione personae de manière à viser tous les travailleurs subordonnés alors qu’ils ne se trouvent pas dans une situation de faiblesse économique.

1) L’EXTENSION DU DROIT SOCIAL AU TRAVAIL INTELLECTUEL

Le droit social va se déclarer applicable à ceux des travailleurs intellectuels dont la situation économique est la plus proche des ouvriers (employés dont la rémunération est en dessous d’un certain seuil). Par la suite, cela s’appliquera à tous les travailleurs intellectuels.

2) L’EXTENSION DU DROIT SOCIAL À CERTAINES ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

Ce phénomène d’extension juridique s’est poursuivi en ce qui concerne certaines activités professionnelles qui y avaient échappés.

- les domestiques, auxiliaires de la consommation de l’employeur - la représentation commerciale (les représentants de commerce y avaient échappé de par leur activité

sédentaire : indépendance qui n’est pas celle des autres employés sous la surveillance de l’employeur). En 1963, le droit social va se saisir de cette activité professionnelle et va les soumettre au droit social et pour la première fois, le législateur va recourir à une présomption de contrat de travail. Cette présomption prévue pour les représentants de commerce va être construite de façon juris tantum (réfragable) : l’employeur pourra renverser cette présomption.

- Les sportifs rémunérés : ils échappaient au droit social parce que leurs relations de travail se situent dans un monde juridique ferme et propre (avec leurs propres règles etc.) Pour que l’emprise du droit social soit effective, on recourt à la présomption de droit de travail. Elle sera conçue de manière irréfragable.

- Le travail intérimaire sera également saisi par le droit social. Cette relation triangulaire va faire l’objet d’une législation particulière et de nouveau avec présomption irréfragable du contrat de travail.

3) LA JURISPRUDENCE CONCERNANT LES FONCTIONS DIRIGEANTES DANS LES ENTREPRISES (RENVOI)

Cette conception trouve son point d’orgue dans une jurisprudence sur les délégués à la gestion journalière. Ce personnage remplit les fonctions de l’employeur de la SA. A la suite d’une évolution jurisprudentielle, la Cour de Cassation a admis que les fonctions des délégués pouvaient donner lieu à un contrat de travail.

4) UNE EXTENSION DANS LA FRAGMENTATION Cet élargissement est une extension qui se réalise dans la fragmentation. Ce n’est donc pas un régime uniforme pour tous les salariés. Le régime juridique des ouvriers n’est pas le même que celui des employés. Il y a eu une sorte de phénomène de récupération pour les salariés qui sont les moins faibles économiquement (travailleurs intellectuels vont bénéficier d’un droit social plus protecteur que pour les ouvriers).

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5) UNE EXTENSION SE RÉALISANT À TRAVERS LA STRUCTURE CONTRACTUELLE DÉGAGÉE PAR LA LOI DE 1900 ; LES DÉFINITIONS PORTÉES PAR LA LOI ORGANIQUE DU CONTRAT DE TRAVAIL DU 07 JUILLET 1978.

Cette extension s’est réalisée à travers la structure contractuelle de la loi de 1900. Elle a été reprise pour l’essentiel par les définitions portées par la loi de 1978.

c) La classification du contrat de travail L'action essentielle dans le chef de l'employeur est de payer le salarié Mais il y a une séquence chronologique

• obligation de faire travailler • obligation de travailler

1) LE CONTRAT À EXÉCUTION SUCCESSIVE. C'est une obligation à exécution successive. L'obligation de rémunération est une obligation instantanée. Une créance périodique naît au fur et à mesure. C'est l'obligation de travailler qui donne la qualification au contrat. Pour que le droit à la rémunération naisse, il faut que le travail soit exécuté. En cas de "lock out", le travailleur ne travaille pas et il n' a pas un droit à la rémunération (perception d'une somme d'argent à titre de dommages et intérêts).

2) LE CONTRAT SYNALLAGMATIQUE À TITRE ONÉREUX Il est à titre onéreux : travail contre rémunération. Il met en balance un conflit d'intérêts.

3) L'INTUITUS PERSONAE DANS LE CONTRAT DE TRAVAIL Le contrat de travail se fait toujours en fonction du travailleur salarié. C'est une fiction juridique de croire que l'engagement patronal est intuitu personae. L'engagement du salarié varie au cas par cas. Le contrat peut ne pas se faire en considération du patron ou se faire intuitu personae. C'est le salarié lui-même qui doit effectuer le travail (pas en délégation). En revanche, la subordination peut être déléguée Ex. contremaître, surveillant, etc. Ex. figure juridique du travail intérimaire. La société intérimaire peut déléguer son autorité sur le travailleur à la société utilisatrice.

4) UN CONTRAT PORTANT SUR LES ÉNERGIES HUMAINES C'est-à-dire un contrat portant sur la force de travail du salarié. L'engagement à vie est interdit par l'art 1780 CC car cela porterait atteinte à l'individu. Le contrat de travail peut porter sur un comportement Ex. les Saint-Nicolas dans les magasins. N'importe quelle activité ? L'élément caractéristique est la subordination. En principe, toute activité peut faire l'objet d'un contrat de travail car c'est une notion extensive.

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25. LA SUBORDINATION : CRITÈRE DISTINCTIF DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) Le caractère juridique de la subordination

1) ORIGINE DE LA SUBORDINATION DANS LE CONTRAT DE TRAVAIL

C'est un titre juridique qui crée la subordination

2) C'EST UNE PRÉROGATIVE PATRONALE Possibilité de donner des ordres (aspect actif) Le salarié doit obéir à ces ordres (aspect passif) La prérogative de l'employeur n'est pas obligatoire : il a la possibilité effective de donner des ordres à son ouvrier. Il peut décider ou non de la mettre en œuvre. Il peut également déléguer sa prérogative.

3) LE CONTRÔLE DE LA COUR DE CASSATION

- au niveau de la qualification sécurité sociale des salariés et délai de préavis garanties du contrat de travail Les entrepreneurs sont tentés d'engager sans contrats d'entreprises afin d'éluder l'ONSS. Les juridictions du travail sont amenées à qualifier les contrats. La Cour de Cassation opère un contrôle en les qualifiant non en fait mais en droit. IL y a donc lieu de distinguer la subordination effective et la prérogative patronale. La Cour de Cassation applique également le critère des indices convergents.

b) La substance de la subordination

1) CARACTÈRE JURIDIQUE DE LA SUBORDINATION La subordination ne s'étend pas à la vie privée et au chemin de travail. Mais elle ne concerne que l'activité contractuelle et ses actes préparatoires. Hors de l'activité contractuelle également : ainsi, lorsque le salarié entre dans l'entreprise, il est dans un lien de subordination même s'il n'a pas encore exercé son activité. La subordination est un pouvoir d'agencement global de la prestation des travailleurs, dans le sens de la réalisation de l'intérêt patronal. Le patron poursuit, en effet, un -intérêt (un profit ou un besoin de confort) La réalisation de l'intérêt patronal est projeté à l'extérieur du champs contractuel : seule la prestation de travail y est comprise. Corollaires : - le salarié est tenu d'une obligation de moyen - Le principe de l'exécution de bonne foi Comme le salarié n'est tenu que d'une obligation de moyen, le patron met en œuvre un mécanisme juridique pour orienter la prestation du travailleur dans le sens de la réalisation de l'intérêt patronal. Rem. Il peut y avoir des obligations de résultat : obligations de ponctualité, port du casque (sécurité, etc.) Certains modes de calcul de rémunération sont fonction de la commission obligation de résultat également.

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2) LES COMPOSANTES OBLIGÉES DE LA SUBORDINATION

- autorité - surveillance - direction

La loi du 03.07.78 modifiée en 85 supprime les éléments de direction et de surveillance : ce sont des éléments non obligés désormais. On considère que la dépendance technique (c'est-à-dire façon d'exécuter le travail) n'est plus nécessaire pour qu'il y ait subordination. Il peut y avoir subordination et indépendance technique. // professions libérales : elles sont assujetties à une déontologie impliquant une responsabilité personnelle. La subordination se réfugie dans les modalités externes, organisationnelles (horaires, clients, gardes, local)

3) SUR QUEL ASPECT DE LA PRESTATION DE TRAVAIL PEUT PORTER LA SUBORDINATION ?

- sur le quoi : c'est-à-dire la nature du travail. La subordination peut déterminer la nature de la prestation voire

de la modifier lorsque la nature de la prestation n'est pas prévue dans le contrat de travail. C'est le ius variandi : il est limité par la force obligationnelle du contrat (prestations prévues) : art 1134

- sur le comment o modalités internes : dépendances techniques, façons de travailler o modalités externes ou organisationnelles : horaires, etc.

4) FORMES RENOUVELÉES DU IUS VARIANDI DANS LA FLEXIBILITÉ ET LE CONTRAT À TEMPS PARTIEL

- petite flexibilité : art 20bis de la loi de 1971 sur le travail

possibilité moyennant acceptation du règlement de travail par une CCT de prévoir des horaires alternatifs supérieurs ou inférieurs à la durée normale (compensation ultérieure) Les horaires variables doivent être inscrits dans le Règlement du travail. L'employeur peut remplacer un horaire normal par un horaire alternatif unilatéralement moyennant un délai de prévenance de 7 jours. C'est aussi une notion de ius variandi qui ne porte pas sur le contenu mais sur les horaires et donc au niveau des modalités organisationnelles.

- travail à temps partiel : loi du 23 juin 1980 sur le travail à temps partiel Possibilité d'horaires à temps partiel variable de la même manière que le régime de petite flexibilité, avec un délai de prévenance de 5 jours. C'est aussi un ius variandi qui se situe au niveau des modalités externes.

5) L'IUS VARIANDI EXCEPTIONNEL DANS LA LOI SUR LES PRESTATIONS D'INTÉRÊT PUBLIC EN TEMPS DE PAIX.

Cette loi organise la réquisition des travailleurs afin de faire face aux besoins de la société, en cas de grève totale. Les commissions paritaires déterminent les besoins vitaux et déterminent les travailleurs réquisitionnés. Elles statuent à la majorité des ¾. En revanche, lorsque la grève est partielle, apparaît un ius variandi exceptionnel. L'employeur peut différentier la nature des prestations de travail pour satisfaire les besoins vitaux. Il est exceptionnel parce que non bridé par la force obligatoire du contrat et donc de 1134.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 76.- Pour les travailleurs réquisitionnés, il y a une fiction de travail. C'est la fiction du consentement. Le but est de maintenir l'application des lois sociales.

6) L'INTERDICTION DE IUS VARIANDI CONTRACTUEL : L'ART 25 DE LA LOI ORGANIQUE DU CONTRAT DE TRAVAIL.

Il n'y a pas de ius variandi quand la nature des prestations est prévue dans le contrat de travail. Si une clause est insérée, l'art 1134 est respecté (cfr. "saga jurisprudentielle"). Art 25 : toute clause par laquelle l'employeur décide unilatéralement des conditions du contrat est nulle. La Cour de Cassation en a fait une interprétation restrictive : l'art 25 ne s'applique qu'aux obligations portants sur des éléments essentiels du contrat. Ce type de clause réputée nulle est appelée ius variandi contractuel.

C'est l'autorité qui compte, autorité qui s'applique nécessairement sur les modalités organisationnelles. Ce n'est donc pas toujours le "quoi" mais le "comment".

c) La subordination, critère distinctif du contrat de travail

1) CONTRAT D'ENTREPRISE C'est le plus proche car même schéma d'échange : travail contre prix. L'élément distinctif est la subordination. Ex. l'entrepreneur construisant une maison pour le maître de l'ouvrage

2) CONTRAT DE SOCIÉTÉ Chaque associé fait un apport dans un but lucratif afin de participer aux bénéfices. Finalité commune : échange travail >< prix (intérêts opposés) Mais parfois la distinction est difficile

- contrat de société : les apports en industrie sont possibles - contrat de travail : mode de rémunération par la participation au bénéfice.

Il peut y avoir confusion entre les deux types de contrat. Cass. 25/09/47 : contrat entre armateurs et pêcheurs. L'armateur apporte son bateau tandis que le pêcheur apporte leur travail. Ces derniers sont rémunérés à la prestation. Ils sont donc liés au bénéfice. La Cour de Cassation a vérifié s'il y avait subordination. In casu, oui. C'était donc un contrat de travail.

3) LA SUBORDINATION SPÉCIFIQUE DANS LE CONTRAT D'APPRENTISSAGE

Le contrat d'apprentissage est une relation de travail subordonnée mais avec un schéma d'échange distinct de celui du contrat de travail (schéma : travail contre salaire). Tout se focalise, dans le contrat d'apprentissage, sur la formation professionnelle que l'apprenti va acquérir. Cette formation comprend un aspect pratique et théorique. C'est une relation de travail à mi-chemin entre l'école et le contrat de travail classique. Ce contrat d'apprentissage contient une subordination spécifique décrite par la loi du 19 07 83. Cette loi concerne certains d'entre eux. Dans cette législation, une définition du contrat d'apprentissage et une description de la subordination de ce contrat y sont mentionnées. La subordination, dans le contrat de travail = prérogative patronale qu'il appartenait à l'employeur d'exercer ou non et avec pour fonction d'orienter la prestation de travail vers la réalisation de l'intérêt patronal.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 77.- Cette fonction ne se retrouve pas dans les contrats d'apprentissage : l'apprenti va travailler sous l'autorité de l'employeur en ce qui concerne la formation pratique mais en ce qui concerne la formation théorique, l'apprenti va travailler sous la surveillance de l'employeur ou de son délégué. Cette surveillance est bien distincte de celle qui peut apparaître dans le contrat de travail. Ici, il s'agit d'une obligation de contrôler la présence, la participation de l'apprenti à la formation théorique.

26. EVOLUTION EXTENSIVE DE LA SUBORDINATION

a) Problématique Extension juridique du salariat du point de vue légistique : élargissement du champs d'application ratione personae du droit social. Le droit social se saisit au début de l'état de faiblesse économique extrême dans lequel se trouve placé la classe ouvrière. La loi de 1900 décrivait la subordination en utilisant les trois terme : autorité, direction et surveillance. Le droit social a ensuite été appliqué à d'autres fonctions parallèles (employés), et ainsi de suite. Ce mouvement légal s'est accompagné d'un mouvement jurisprudentiel au terme duquel le droit social s'applique même à l'égard de certaines fonctions dirigeantes, et sous certaines conditions. Le droit social a visé des situations contractuelles de plus en plus nombreuses. Cette évolution s'est faite sous la même structure du contrat de travail et donc même notion de subordination. Cette notion a connu une évolution extensive car a du faire face à l'évolution précitée.

b) La disparition de l'élément obligé de la surveillance

Cette évolution s'est faite à travers plusieurs axes.

1) L'ÉVOLUTION DOCTRINALE Tout le monde s'est accordé à dire que la subordination des employés était la même que celle des ouvriers. Une évolution doctrinale se fit alors sentir : une thèse interprétant les trois termes de manière différente est intervenue. On n'y a plus vu une forme extrême et ultime de la subordination. Pour qu'il y ait contrat de travail, seule l'autorité patronale compte. La surveillance, selon cette thèse, est une composante possible mais ce n'est plus un élément obligé du contrat de travail.

2) L'ÉVOLUTION LÉGALE ; LES PRÉMISSES Cette évolution a été initiée par une loi de 1963 concernant le statut des représentants de commerce. Ceux-ci échappaient souvent au droit social (car ce ne sont pas des employés sédentaires) et le droit social a voulu affirmer son emprise sur les représentants commerciaux. Pour que ceux-ci deviennent des sujets de droit social, il a utilisé deux techniques : - présomption juris tantum d'un contrat de travail : l'employeur doit prouver qu'il n'y a pas autorité, etc. - description de la subordination ne faisant plus appel à l'élément de surveillance : le représentant

travaille sous l'autorité de l'employeur Les trois termes ont été maintenus à l'égard des ouvriers et des employés (autres que les représentants de commerce).

3) L'ÉVOLUTION LÉGALE ; MODIFICATION DE LA LOI DE 78

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 78.- La subordination des ouvriers est désormais définie par référence à la seule autorité patronale. La surveillance n'est cependant pas exclue. Elle cesse juste d'être une composante obligée de la subordination.

a. L'ÉVOLUTION LÉGALE ; L'EXCLUSION DE LA SURVEILLANCE DANS LE CONTRAT DE TRAVAIL À DOMICILE (LOI DU 6 DÉC. 96)

Cette loi ajoute un titre particulier sur le travail à domicile. Le travail à domicile, dès 1900, a été considéré comme ne donnant pas lieu à un contrat de travail d'ouvrier car sans surveillance. Désormais, le législateur intègre le travail à domicile dans les contrats de travail relevant de la loi organique. Le travail à domicile, selon cette législation, est un travail subordonné. Cette subordination présente une configuration partiellement spécifique. Elle va se définir de la façon suivante : il y a autorité patronale sans surveillance et contrôle direct de l'employeur. Cette exclusion s'expliquant par le lieu même des prestations.

b. LA SURVEILLANCE DANS LE CONTRAT D'APPRENTISSAGE Surveillance mais pas prérogative patronale

c) La dépendance technique, composante non obligée de la subordination

Définition classique de la subordination : la subordination porte sur le "quoi" mais surtout sur le "comment". Dans le "comment", il y a possibilité de distinguer - la dépendance technique du salarié - les modalités externes de la profession

1) LE MOUVEMENT JURISPRUDENTIEL CONCERNANT LES PROFESSIONS LIBÉRALES ; UNE SUBORDINATION SE RÉFUGIANT DANS LES MODALITÉS ORGANISATIONNELLES DU TRAVAIL

On n'envisage ici que l'hypothèse où les professions libérales s'exercent pour le compte d'un tiers (médecin dans un hôpital, pharmacien gérant d'une pharmacie, etc.). Ces titulaires de professions libérales peuvent-ils se trouver dans les liens de travail d'un employé ? A cet égard, il y a eu une certaine résistance des juridictions du fond (conseils de prud'hommes). Ceux-ci vont refuser le statut d'employés à ces titulaires de professions libérales et ce, en vertu de l'autonomie technique de ces derniers. Ces titulaires étant indépendants techniquement, ils ne peuvent être subordonnés. Cette jurisprudence a été contrée par la Cour de Cassation pour quasi toutes les professions libérales. La subordination peut être limitée : elle doit être compatible avec l'indépendance technique de ces salariés. Cette subordination va se réfugier dans les modalités organisationnelles du travail. Concernant la profession d'avocats, il n'y a pas de jurisprudence à ce propos. Sur le plan du principe, il n'y a aucune raison particulière pour que la situation juridique des avocats ne puisse s'analyser de la même façon que pour les autres.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 79.-

2) LA CONFIRMATION LÉGALE, DE CARACTÈRE PONCTUEL DE LA SITUATION JURIDIQUE DES GÉRANTS DE PHARMACIE ET DES MÉDECINS DE TRAVAIL

Art 3 bis de la loi organique du contrat de travail qui établit une présomption juris tantum de contrat de travail d'employés pour les gérants de pharmacie. C'est le même mécanisme que celui retenu par la loi de 1963 à propos des représentants de commerce. Confirmation légale également de la jurisprudence de la Cass. à l'égard des médecins du travail. Les médecins de travail sont devenus conseillers à la prévention (qui peuvent être externes ou internes). Quand ceux-ci sont internes, ils sont considérés comme salariés dont le législateur, dans la loi de 96, confirme l'indépendance morale et technique.

d) Les présomptions de contrat de travail Afin de contrer certaines volontés d'écarter le droit social jugé trop onéreux, le législateur a recouru à certaines présomptions de contrat de travail. Ces présomptions sont tantôt - juris tantum (gérants de pharmacie, etc.) - irréfragables (on fait l'économie du critère de subordination : ex. le sportif rémunéré, le travail

intérimaire) Présomptions seulement entre parties contractantes ou à valeur absolue (et donc pouvant être invoquée par l'ONSS) ? Les avocats des employeurs ont tenu le raisonnement suivant : les présomptions n'ont de valeur que dans les relations entre employeurs et employés. La Cour de Cassation ne l'a pas entendu de cette oreille : arrêt du 17 novembre 1997. La Cour de Cassation a considéré que la présomption joue non seulement entre les parties mais aussi en matière de cotisations sociales.

e) Doctrine et jurisprudence concernant les fonctions dirigeantes dans l'entreprise

L'autorité patronale devait, au départ, être exercée par une personne physique (employeur, délégué de l'employeur, etc.).

1) L'AUTORITÉ PATRONALE NE DEVANT PAS NÉCESSAIREMENT EXERCÉE PAR UNE PERSONNE PHYSIQUE

Autorité patronale exercée par un organe (conseil d'administration, etc.)

2) LA QUALITÉ DE SALARIÉ DANS LES FONCTIONS DIRIGEANTES AU SEIN DES SOCIÉTÉS ANONYMES

Problématique concernant les rapports entre contrat de travail et le contrat de mandat.

a. LES RAPPORTS ENTRE CONTRAT DE TRAVAIL ET CONTRAT DE MANDAT - Théorie antinomique : le contrat de travail est distingué du mandat à partir de l'objet même de la

convention. On va considérer que l'on se trouver en présence d'un mandat lorsque son objet réside dans une activité juridique. L'objet du contrat de travail réside dans une activité matérielle. Cette activité matérielle peut être manuelle ou intellectuelle. Cette théorie présentait les inconvénients suivants : elle ne rendait pas

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 80.-

compte de la qualité de salarié de certains travailleurs subordonnés dont l'activité résidait en tout ou en partie dans l'accomplissement d'actes juridiques pour l'employeur

o le domestique, par ex., faisant le marché pour sa patronne --> accomplissement d'un acte juridique pour son employeur. Selon la théorie antinomique, il ne pourra pas être considéré comme un salarié ;

o caissières, o représentants de commerce dont l'objet du contrat = visite et prospection de clientèle : pouvoir

de conclure des affaires au terme de ces visites. On ne pourra pas conclure que cette partie s'exerçait dans le cadre d'une activité salariale

Cette théorie a été abandonnée.

- Théorie combinatoire : cette théorie se présente comme suit ; un contrat ne cesse pas d'être un contrat de travail alors même qu'une partie ou toute l'activité réside en l'accomplissement d'une activité juridique. L'activité peut donc être matérielle mais également juridique. Dans le cadre de cette théorie, cela signifie que les deux contrats vont être susceptibles de se combiner. Si l'activité salariale réside en tout ou en partie dans une activité juridique, il y aura dans ce cas à la fois contrat de travail et contrat de mandat. Elle présente l'avantage de rendre compte de la situation des personnes citées ci-dessus.

b. REMARQUES PRÉLIMINAIRES SUR LES SA Voy.Art 437 et 525 Loi du 7 mai 1999 SA = personne juridique dont les actionnaires sont détenteurs de propriété de la SA. Ces propriétaires ne gèrent pas la société anonyme. Le pouvoir de gestion relève du conseil d'administration. Le conseil d'administration est un organe. Le délégué à la gestion journalière (≠ délégué syndical) est chargé de la gestion journalière de l'entreprise et de l'exécution des décisions du conseil d'administration. Se pose la question de savoir si ce dernier pourrait se trouver dans les liens d'un contrat de travail.

c. LA SITUATION JURIDIQUE DES ADMINISTRATEURS EN TANT QUE TELS : UN MANDAT EXCLUSIF DE CONTRAT DE TRAVAIL

Les administrateurs sont des mandataires. Ce sont les êtres physiques par lesquels l'être moral que constitue la société anonyme va agir. C'est un mandat exclusif de contrat de travail (analyse classique). Il y a une référence implicite à la théorie antinomique. La jurisprudence et la doctrine vont admettre que l'administrateur peut cumuler la qualité de salarié et de mandataire. L'administrateur se verra donc appliquer le droit social mais ce, pour les autres activités que celles exercées par mandat. Conditions : - il faut pouvoir identifier les deux structures contractuelles

o réalité juridique du contrat de travail rémunération distincte des jetons de l'administration travail : activité matérielle (pour l'opposer à l'activité juridique qui fait l'objet du

contrat de mandat) Cette vérification ne sera pas aisée : cette activité matérielle sera une activité de direction de l'entreprise et sera donc en prolongement direct de l'activité juridique qui concerne le mandat. Plus facile si pas de prolongement direct (Ex. Administrateur et traducteur dans une même société. )

Si subordination dans ses fonctions de salariés, il doit être soumis à une autre autorité que la sienne (autorité peut être celle du conseil d'administration). La jurisprudence va développer l'idée selon laquelle le contrat de travail ne peut être admis quand il y a possibilité de donner des ordres (position dominante ?)

• Ex. président du conseil d'administration : on ne pourra pas lui reconnaître la qualité de salarié pour une activité distincte de celle en tant que mandataire. Il a position dominante

• Ex. administrateur qui détient la majorité des actions. • Ex. administrateur dont l'épouse détient la majorité des actions, etc.

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d. LA SITUATION JURIDIQUE DES DÉLÉGUÉS À LA GESTION JOURNALIÈRE La jurisprudence a souvent calqué la situation de ces délégués sur celles des administrateurs. C'était donc considéré comme un mandat (application de la théorie antinomique). Evolution initiée par un arrêt de 81 (arrêt CESSION) Monsieur Cession, délégué à la gestion journalière dans une SA, et qui n'était pas administrateur Cass. Pour les fonctions de délégué à la gestion journalière, il peut y avoir contrat de travail si l'on dégageait les trois éléments objectifs nécessaires du contrat de travail (rémunération, subordination, activité). Dans cette hypothèse, il peut y avoir contrat de travail. L'on se réfère implicitement à la fonction combinatoire (il y aura mandat et fonctions de délégués sous contrat de travail). Ce sera étendu à des hypothèses où le délégué était également administrateur.

27. CONTESTATION DE LA SUBORDINATION ET RECOURS À DES FORMULES DE TRAVAIL INDÉPENDANT

a) Critiques doctrinales et pratiques renouvelées de gestion des entreprises (sous-traitance, externalisation de l'emploi, contractualisation des objectifs, …)

Depuis une vingtaine d'années, une évolution a rebours s'est produite et la subordination a été contestée. On s'en est écarté et l'on a recouru à des pratiques de sous-traitance (l'on recourt à une autre entreprise pour réaliser telle activité). C'est le phénomène de l'externalisation de l'emploi, à des pressions sur des salariés dans le but de le réengager plus tard en tant que sous-traitant, indépendant. On évite ainsi l'application du droit social. La contestation de la subordination a également été doctrinale. Certains auteurs tiennent des raisonnements particuliers : la subordination correspond à "Germinal" et celle-ci ne convient pas à des rapports salariaux modernes (société de services, etc.) D'autres auteurs font valoir que la subordination ne convient pas à la contractualisation des objectifs : dans les entreprises, l'on prévoit que le salarié devra s'engager à réaliser tel objectif dans le cadre de sa mission. Le salarié ne contracte plus une obligation de moyen mais une obligation de résultat. Cette contractualisation des objectifs est difficilement conciliable avec la subordination juridique.

b) Permanence juridique du critère de la subordination

NB. On se situera uniquement au niveau du droit positif. On constate à ce niveau la permanence juridique du critère de la subordination. Cette permanence va apparaître de différentes manières :

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1) L'ALLÉGEANCE MAINTENUE DU LÉGISLATEUR AU CRITÈRE DE LA SUBORDINATION

- loi organique : autorité patronale toujours mentionnée, y compris depuis l'ajout de 1996 sur les contrats

de travail à domicile

2) L'APPARITION DE NOUVELLES MODALITÉS DE LA SUBORDINATION

a. LES FORMES RENOUVELÉES DU IUS VARIANDI Ces formes sont consacrées dans certains régimes de flexibilité du temps de travail (en particulier sur le régime de flexibilité du contrat de travail à temps partiel). Préavis de 5/6 jours pour que l'employeur impose un horaire alternatif. Renvoi.

b. LA SURVEILLANCE PAR CAMÉRAS SUR LES LIEUX DE TRAVAIL (CCT N° 68 RELATIVE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE…)

Une CCT organise (et dont légitime) la surveillance par caméras sur les lieux de travail. Apparaît ainsi une forme pointue de subordination. NB. La surveillance patronale n'est pas exclue même si ce n'est plus un élément de la raison d'être de la subordination (excepté pour le travail à domicile). Les interlocuteurs ont nommé cette convention collective : cct relative à la protection de la vie privée. Mais en réalité, il s'agit d'une légitimation de cette forme de surveillance à certaines conditions. Grâce à cette caméra, l'on pourra contrôler le travail du travailleur et déterminer, le cas échéant, le montant de la rémunération dans la mesure où elle peut être fixée en fonction de la productivité du travailleur. Cela permettra d'augmenter la productivité du travailleur.

3) LA PRÉSOMPTION DE L'ART 5BIS DE LA LOI ORGANIQUE Le législateur, en 1993, a contré une pratique de faux travail indépendant en instaurant une présomption de contrat de travail. Voy. art 5bis loi organique visant l'hypothèse d'un contrat de travail classique et parallèlement à celui-ci va intervenir entre les mêmes parties un contrat d'indépendant pour des prestations analogues et complémentaires. Employeur et salarié sont ainsi liés par deux contrats différents. Le législateur va contrer cette pratique en établissant une présomption irréfragable pour le contrat d'indépendant quant aux prestations complémentaires. Le législateur confirme, par le recours à la présomption, la permanence de la subordination.

4) CONTRÔLE DE LA COUR DE CASSATION ET INOPÉRANCE DE LA QUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL ET DE L'ASSUJETTISSEMENT À LA SÉCURITÉ SOCIALE (MATIÈRE IMPÉRATIVE).

La Cour de Cassation continue à exercer son rôle de contrôle en ce qui concerne la présence ou non de la subordination. La subordination est donc toujours bien présente dans le paysage juridique du droit belge. La

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 83.- jurisprudence vérifie sa présence à partir d'un faisceau d'indices. Cette dernière n'est pas tenue par la qualification donnée au contrat par les parties contractantes étant donné que c'est une matière impérative. On ne pourra pas non plus tenir compte de l'assujettissement à la sécurité sociale. Sanction = requalification du contrat (ex. arrêt de 1997)

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CHAPITRE 3.-

LES DIVISIONS JURIDIQUES DU MONDE DU TRAVAIL ; TYPOLOGIE

28. L'ANCIENNE SUMMA DIVISO : LA DISTINCTION ENTRE OUVRIERS ET EMPLOYÉS

a) La portée de la distinction On assiste à un traitement juridique plus favorable aux travailleurs intellectuels. A partir des années 60', cette distinction s'est quelque peu amenuisée. Cependant elle n'a pas disparu et est encore bien présente sur certains points du statut du salarié. - les préavis de licenciement. Ces derniers sont pour les ouvriers nettement inférieurs à ceux des

employés. - possibilité pour l'employeur de suspendre le contrat de travail pour cause économique. Dans un

contrat de travail, si un employeur a des difficultés financières (manque de commandes, etc.), peut-il suspendre le contrat de travail dans de telles circonstances (NB ≠ Force majeure) ?

o A l'égard des employés, il n'y a pas de dispositions spéciales et l'on en reste donc au droit civil: l'employeur ne peut donc pas le faire pour ces derniers.

o Pour les ouvriers, la loi organique de 1978 organise un système de suspension du contrat de travail pour cause économique. De nouveau, les ouvriers sont désavantagés par rapport aux employés.

En définitive, il n'y a qu'un seul point sur lequel le régime des ouvriers est plus favorable à celui des employés. Cette différence s'explique par les préavis eux-mêmes différents pour ces deux catégories (préavis plus courts pour les ouvriers). De manière à réduire cet écart, le législateur a prévu un régime de licenciement abusif qui instaure un système d'indemnisation pour licenciement abusif des ouvriers. Le pouvoir patronal de licencier les employés reste discrétionnaire. Pour les ouvriers, il n'y a pas d'obligation de motiver le licenciement mais existe l'art 63. Un ouvrier licencié abusivement peut intenter une action devant le tribunal du travail. Ce faisant, il bénéficie d'un renversement de la charge de la preuve. L'employeur devra donc prouver les motifs légitimes du licenciement. Selon une certaine interprétation, il s'agirait d'une présomption iuris tantum des licenciements abusifs (M. Jamoulle). Si l'employeur ne parvient pas à renverser cette présomption, il sera tenu au paiement d'une indemnité en principe forfaitaire de 6 mois de salaire. Ce forfait joue automatiquement. Pour les employés : il y a toujours la possibilité d'invoquer la théorie de l'abus de droit (mais sans renversement de la charge de la preuve et sans forfait d'indemnisation)

b) Le critère de la distinction et ses interprétations jurisprudentielles

1) LE CRITÈRE DE L'INTELLECTUALITÉ Ce Critère est établi légalement.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 85.- Selon les définitions de la loi de 1978, un travail principalement manuel qualifiera le salarié d'ouvrier et un travail principalement intellectuel le qualifiera d'"employé". Il est à noter l'inopérance de la qualification par les parties (matière impérative). Ce critère est malaisé à mettre en œuvre. Toute activité implique l'intervention du corps et de l'esprit et il est vain d'essayer de les distinguer. La jurisprudence a été appelée à l'interpréter. Elle a été assez abondante à cet égard. Elle l'est nettement moins aujourd'hui.

2) LES COURANTS JURISPRUDENTIELS

a. RESPONSABILITÉ, CONTRÔLE ET SURVEILLANCE D'AUTRES SALARIÉS Si un salarié contrôle, surveille ou est responsable de l'activité d'autres salariés, il s'agira d'une activité qualifiée d'intellectuelle et ce salarié sera qualifié d' "employé". Comment expliquer ce courant ? Il s'agit d'activités qui primitivement étaient exercées par les employeurs eux-mêmes. Ces activités vont être déléguées du fait de l'expansion de l'entreprise. Dès lors vu qu'il s'agit de tâches patronales, les salariés doivent avoir un statut privilégié (et donc sont "employés")

b. LE CARACTÈRE PHYSIQUEMENT PÉNIBLE ET SALISSANT DU TRAVAIL La jurisprudence va tenir compte du caractère physiquement pénible voire salissant du travail ou de la mise en contact avec matières industrielles, machines, etc., Dans cas, le salarié fait une activité manuelle. Ce deuxième courant s'accompagnait d'une tendance symboliste : le juge se prononce non pas sur l'activité elle-même mais en fonction du milieu, des conditions extérieures dans lesquelles s'effectue l'activité. Ainsi l'on tient compte - du lieu de travail : bureau pour employé, atelier pour ouvrier ; - des vêtements de travail : cols bleus et cols blancs - des accessoires etc. : critère du porte plume

Comment expliquer ce courant ? C'est une trace du mépris antique réservé aux manouvriers (voy. supra)

c. TENTATIVES DE RATIONALISATION, DE RAJEUNISSEMENT DU CRITÈRE On tient compte du niveau d'intelligence, de la compétence, de l'importance, de la compréhension, du raisonnement.

d. CONCLUSIONS Dans l'ensemble, les juges font une appréciation en faveur de la valeur sociale qui est reconnue à l'activité professionnelle. Ainsi, les activités comportant une part d'artistique etc. vont être considérées comme intellectuelles alors qu'elles sont essentiellement manuelles (ex. ballerine, etc.). Il faut également remarquer que la loi de 1978 sur les contrats de travail des sportifs rémunérés considère que ceux-ci sont présumés être dans les liens d'un contrat de travail (irréfragable) d'employés.

e. COUR D'ARBITRAGE Cette distinction a été contestée devant la Cour d'Arbitrage : ce sont les arrêts du 28/07/03 et du 21/06/01. La Cour a chaque fois validé la distinction entre ouvriers et employés. Il n'y a pas discrimination. On voyait mal la CA admettre que cette distinction traditionnelle ne respecte pas la légalité.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 86.- ARRÊT DE 93 Objet : Préavis de licenciement des ouvriers et des employés ≠ Raisonnement de la CA - l'ensemble des différenciations entre ouvriers et employés joue tantôt en faveur tantôt en défaveur des

employés. Ce premier argument est plus que contestable. Globalement, l'on peut considérer que la distinction joue en faveur des employés.

- Distinction amenuisée : elle est en voie de disparition. Cette distinction, à l'origine, se justifiait compte tenu des mentalités. Mais il serait injustifié de l'instituer aujourd'hui. Toutefois, le fait qu'il serait injustifié de la justifier aujourd'hui ne suffit pas à justifier une brusque abolition.

ARRET DE 2001 Objet : Article 63 Loi organique de 78 jouant en faveur des ouvriers Discrimination - sur les motifs du licenciement (droit discrétionnaire pour les employés >< justification de l'employeur

pour les ouvriers en cas d'action) - charge de la preuve - forfait d'indemnisation Raisonnement de la CA - la CA va faire remarquer qu'une action reste possible pour les employés sur base du droit commun - la CA va devoir considérer qu'il y a un traitement différentiel entre ouvriers et employés mais celui-ci

n'est pas discriminatoire. Il est justifié par les préavis différents entre ouvriers et employés. Justement, ce mécanisme de l'art 63 a été institué de manière à réduire l'écart entre les délais de préavis des ouvriers et celui des employés.

29. LA CATÉGORIE DES CADRES Cette notion de "cadres" est une notion au départ exclusivement sociologique et non juridique. Cette notion n'apparaît qu'indirectement dans la loi organique qu'à travers les régimes différents consacrés pour les employés dits inférieurs et les employés dits supérieurs (dont la différence s'établit au niveau de la rémunération annuelle). Cette notion devient juridique dans une composante du droit du travail : la composition du conseil d'entreprise. Désormais, il y a un collège électoral des cadres distincts de celui des employés avec un mode de représentation différent.

30. CONTRATS LIÉS AU PHÉNOMÈNE D'EXTENSION DU SALARIAT.

a) Le contrat de travail domestique Contrat régi par un des chapitres de la loi organique de 1978. Le travail domestique avait échappé pendant longtemps au droit social parce que les domestiques étaient considérés comme des auxiliaires de la consommation patronale et non des auxiliaires de la production. Ils ne correspondaient donc pas aux cas de figure de l'ouvrier. Petit à petit, le droit social leur est devenu applicable mais ce contrat est spécifique et est régi par un titre particulier de la loi de 1978. Le dernier bastion de résistance au droit social en ce qui concerne les domestiques a concerné le droit du chômage. Cette discrimination a aujourd'hui disparu.

b) Le contrat de représentation commerciale Ce contrat a échappé pendant longtemps à l'emprise du droit social. Les employés de commerce ne sont pas des employés sédentaires et peuvent travailler dans un contrat d'indépendant. Leur subordination est donc plus contestable. Dans les années 60', le législateur a souhaité que le droit social s'applique effectivement aux représentants de commerce subordonnés statut de 1963 intégré dans la loi organique du contrat de travail de 1978. Le système retenu est le suivant : utilisation de deux techniques différentes :

a. la subordination a été définie par simple référence à l'autorité patronale (voy. supra)

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b. la présomption iuris tantum de contrat de travail d'employé. Le législateur réglemente dans le régime particulier

a. un mode de calcul de rémunération des représentants de commerce. b. Une indemnité de rupture du contrat propre aux représentants de commerce. Le droit belge

appelle ceci l'indemnité d'éviction et que le droit français appelle l'indemnité de clientèle. Cette indemnité de rupture est bien distincte de celle pour défaut de préavis : elle ne sanctionne pas une faute commise par l'employeur dans le contexte du licenciement (voy. supra et infra). L'indemnité d'éviction est une indemnité susceptible d'intervenir alors même que le licenciement a été opéré régulièrement. Un employeur licencie un représentant de commerce (contrat à durée indéterminée) sous préavis : il est possible d'avoir l'indemnité d'éviction.

c. Conditions : lorsque le représentant de commerce a apporté une clientèle dans le cadre de son contrat et qu'il vient à la perdre lors de la rupture du contrat (la clientèle reste attachée à l'employeur). L'indemnité d'éviction est chargée de réparer ce préjudice. Cette indemnité est intéressante pour le juriste : elle reconnaît une sorte de droit indirect pour le représentant sur le produit de son travail alors que dans la structure classique du contrat de travail, tout salarié n'a droit qu'à la rémunération conçue comme la contrepartie de son travail.

d. L'objet de ce contrat particulier = visite et la prospection de la clientèle en vue de la négociation et de la conclusion d'affaire au nom et pour le compte du commettant. Il peut donc y avoir en outre dans le chef du représentant un pouvoir de conclure les contrats. Dans cette hypothèse, il y aura combinaison entre le contrat de travail et un contrat de mandat.

c) Le contrat du sportif rémunéré. - le contrat du sportif rémunéré : le sportif avait échappé à l'emprise du droit social car il se meut dans un

ordre juridique différent de l'étatique mais de l'ordre sportif. Par l'effet d'une présomption irréfragable d'un contrat de travail et d'un régime spécifique, les sportifs se voient soumis au droit social. C'est une loi particulière qui réglemente ces contrats. Ce contrat de travail a subi dans son régime juridique l'influence du droit communautaire

o voy. arrêt BOSMAN : un footballeur engagé par un club liégeois veut s'engager auprès d'un club français à l'issue de son contrat avec son premier employeur. Après différentes péripéties, le contrat avec le club français n'est pas conclu. Ces péripéties étaient essentiellement le fait que le club de Lille n'avait pas payé l'indemnité de transfert au club liégeois, indemnité que ne connaît pas le droit belge mais bien le monde sportif. La Cour a été saisie parce que l'on a considéré que l'indemnité de transfert était susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des travailleurs communautaire. Bosman a eu gain de cause parce qu'il y avait eu déplacement d'un pays à un autre dans des pays de la communauté. Il se trouvait dans le champs d'application personnel du principe de la libre circulation des travailleurs. La solution aurait été différente si le transfert avait eu lieu d'une ville belge à une autre ville belge parce qu'il n'y aurait pas eu d'extranéité.

31. CONTRATS D'APPRENTISSAGE OU "CONTRATS-JEUNES"

Ce sont des conventions de premier emploi, des contrats d'occupation d'étudiants.

a) Le cadre normatif Législation hors de la sphère du droit social mais qui interfère directement le droit social : la loi sur l'obligation scolaire datant de juin 1983. L'obligation scolaire est liée à l'âge d'admission au travail prévu par le droit social. Dans cette législation, il y a deux sortes d'obligations scolaires - à temps plein qui va jusqu'à 15-16 ans (9 années) - à temps partiel qui va jusqu'à 18 ans Cette obligation à temps partiel est relativement nouvelle. Cette obligation peut être remplie en étant toujours étudiant de plein exercice mais également en suivant un enseignement à temps réduit et en étant pour le reste du temps inséré sur le marché du travail.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 88.- Le contrat d'apprentissage est susceptible d'intervenir dans le cadre de cette obligation scolaire à temps partiel.

b) La notion de contrat d'apprentissage Ce contrat se distingue du contrat de travail même si subordonné car le schéma d'échange est différent (tout se focalise sur la formation professionnelle). L'apprenti a l'obligation d'apprendre la pratique du métier et de suivre l'enseignement nécessaire (théorique et pratique). L'employeur a l'obligation d'enseigner la pratique du métier. Le contrat d'apprentissage est organisé en droit belge de la manière suivante :

1) LE CONTRAT D'APPRENTISSAGE AGRÉÉ Ce contrat prépare à une profession indépendante (mais pas toutes : par ex. pas les libérales), les métiers du "négoce", la formation permanente de la classe moyenne. Cette matière ne relève plus du fédéral mais de la communauté : des décrets déterminent les professions pour lesquels on peut conclure ce type de contrat. Le petit patronat va bénéficier de ce contrat. Celui-ci tient à ce contrat car il a une main d'œuvre bon marché (indemnité faible contre travail). Ce contrat peut intervenir dans le cadre de l'obligation scolaire à temps partiel.

2) LE CONTRAT D'APPRENTISSAGE INDUSTRIEL Ce contrat prépare à l'exercice d'une profession salariée (loi du 19.07.83). Au départ, il s'agissait uniquement des activités manuelles. Désormais, les activités intellectuelles peuvent également faire l'objet d'un contrat d'apprentissage. Le régime de ces contrats est calqué, dans une certaine mesure, sur le contrat de travail. Le contrat sur l'apprentissage industriel est plus ancré dans le droit social. Il faut remarquer que dans tel contrat, la rémunération n'est toujours pas un élément essentiel du contrat et ce en raison de la structure du contrat d'apprentissage distincte de celle du contrat de travail classique. Cette indemnité est un pourcentage du revenu mensuel garanti pour les travailleurs de – de 21 ans.

3) LE CONTRAT D'OCCUPATION ÉTUDIANT C'est un contrat faisant l'objet d'un titre particulier de la loi organique du contrat de travail. Ce contrat permet aux employeurs de remplacer leur personnel permanent (lors de leurs vacances annuelles) par des étudiants. Ce Régime spécifique (préavis court, etc.) n'est pas particulièrement protecteur.

4) LA CONVENTION DE PREMIER EMPLOI DU 24.12.99 > Plan Rosetta. Ce contrat fait suite au contrat de stage. Ce dernier a été remplacé par cette convention de premier emploi. Cette convention ,n'est pas une figure contractuelle. Elle peut en effet prendre plusieurs formes (≠ contrat de stage : forme contractuelle) : - contrat de travail (au min. à mi-temps) - contrat d'apprentissage - contrat d'alternance La grande caractéristique de ce plan est de comporter une obligation d'embauche, ce qui était déjà prévu dans l'ancien contrat de stage. Cette obligation a été quelque peu affermie. Cette obligation ne vaut que pour les entreprises de plus de 50 travailleurs. C'est une obligation prévue à concurrence de 3% de l'effectif du personnel. Le contrat en question doit durer un certain temps (12 ou 24 mois). C'est une dérogation importante au principe de la liberté d'entreprendre. Quelle est la rémunération ? Ancien contrat de stage : inférieur à celui prévu par la convention 90% ; Plan : 100 % du salaire de la fonction (sauf s'il y a formation)

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32. LE CONTRAT DE TRAVAIL À DOMICILE C'est un contrat lié aux emplois atypiques et au phénomène d'extension du salariat. Ce contrat fait l'objet du titre 6 de la loi organique de 1978 ajouté par une législation de 1996. Ce contrat de travail à domicile ne comporte pas d'obligation de faire travailler et de lui fournir les outils (mais obligation de fournir un travail). Ce contrat de travail est conçu de manière spécifique en fonction du lieu où s'exécute les prestations. La subordination s'effectue sans surveillance et contrôle de l'employeur. La législation fait référence à la distinction traditionnelle entre ouvriers et employés qui dément ce que la CA a dit (la distinction tend à diminuer). C'est une nouvelle légitimité de la distinction. Le statut est partiellement dérogatoire. Dans ce contrat, le législateur prévoit un mécanisme de priorité pour obtenir un emploi au sein de l'entreprise. Un emploi est vacant : l'employeur est tenu d'engager par priorité le travailleur à domicile qui le demande. On présume qu'il préférera travailler comme ouvrier ou employé dans l'entreprise.

33. LES CONTRATS ATYPIQUES

Emplois atypiques Temps partiel Emplois précaires

Clauses d'essai Contrats précaire

et à terme de remplacement, intérimaire

A partir de 1975, un basculement s'opère dans l'évolution du droit social et vont apparaître des emplois atypiques moins protecteurs que le rapport salarial classique.

a) Le contrat à temps partiel

1) NORMES ET CRITÈRE DE DISTINCTION Le contrat à temps partiel est régi par l'art 11bis de la loi organique complété par certaines dispositions d'une loi programme de décembre 1989, des arrêtés ministériels pris sur cette base. Il serait préférable de voir tout ce régime regroupé mais ce n'est pas le cas. Le critère de distinction est celui d'une durée inférieure à un temps plein. Mais il n'y a pas de définition positive et uniforme du travail à temps plein et il y a eu dans le cadre du travail à temps plein, un phénomène de réduction progressive et linéaire du temps plein par l'effet des négociations collectives jouant dans le cadre de la règle hiérarchique de la norme la plus favorable au travailleur. Ces négociations apparaissent par secteur d'activités (conclues par les commissions paritaires) nombre d'heures varie en fonction du secteur économique. Un emploi à temps partiel l'est dans un secteur économique déterminé. Cela dépend des conventions collectives de réduction du temps de travail. Pour saisir pleinement cette distinction entre temps partiel et temps plein, il est nécessaire de faire apparaître un autre élément qui concerne les règles de fixation des salaires : l'art 28§3 de la loi de 1971 (loi sur la durée du travail). Cet article prévoit qu'en cas de réduction du temps de travail, le salaire ne peut pas être diminué (maintien du niveau du salaire), ce qui implique une augmentation du salaire/horaire. Le travail à temps partiel est une figure du travail diminué mais en ce qui concerne le salaire va obéir à d'autres règles et le travailleur à temps partiel aura droit à un salaire/horaire en fonction des heures prestées, celui-ci devant être égal à celui des travailleurs à temps plein. Dans ces deux processus de travail diminué, les règles sont différentes.

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2) GRANDS TRAITS DE LA RÉGLEMENTATION - la loi programme de 1989 a prévu une durée hebdomadaire minimale, qui est d'un 1/3 du temps

plein, ce qui est une disposition protectrice des travailleurs que ne comporte pas d'autres ordres juridiques nationaux

- mais si le principe est fixé ainsi par le législateur, celui-ci prévoit des dérogations pouvant intervenir soit par AR, soit par convention collective. C'est une application de la règle hiérarchique dite de la semi-impérativité. Ces dérogations, nombreuses, sont inscrites dans un AR régulièrement modifié.

- Ce travail est apparu en 1981 et il s'agit là de la première forme de flexibilité qui apparaît. Celle-ci ne résulte pas d'une convention collective classique mais elle peut être prévue par le simple règlement de travail. Finalement, le contrat à temps partiel est doublement atypique par rapport au contrat à temps plein (il n'est pas à temps plein et régime de flexibilité sans les garanties des conventions collectives).

- Tout ce qui concerne la réglementation horaire etc. doit figurer dans le règlement de travail. Un employeur qui souhaite engager des salariés à temps partiel, ne peut le faire comme il l'entend mais doit faire modifier le règlement de travail afin qu'il comporte les horaires possibles.

- Tout le droit social avait été conçu en fonction du modèle traditionnel du contrat de travail classique. Voulant favoriser le temps partiel, la formule se devait d'être attrayante. IL fallait reconnaître certains droits aux travailleurs à temps partiel. Le droit social a été appelé afin de reconnaître des droits à ces travailleurs sur base des règles d'égalité et de proportionnalité.

- Pour la sécurité sociale, il y a eu aussi nécessité d'adaptation mais l'on se rend compte que les droits aux différentes allocations de sécurité sociale ne sont reconnues que là où il y a un mi-temps ! Les travailleurs en dessous de ce seuil sont moins bien traités par la sécurité sociale.

b) Les emplois précaires - les clauses traditionnelles de précarité - les contrats précaires Dans le droit social classique antérieur à 1975, il y avait déjà des systèmes de précarité sous la forme de clauses particulières mais non sous la forme de contrat. Deux clauses principales de précarité existent : - la clause d'essai - la clause de terme Après 75, contrats - précaires - de remplacement - intérimaire Tout contrat ne correspondant pas aux contrats à temps plein et à durée indéterminée doivent faire l'objet d'un écrit. En ce qui concerne les clauses de précarité, il faut également un écrit. IL y a une exigence de formalisme mais qui n'atteint que la clause.

1) LA CLAUSE D'ESSAI

a. FONCTION DE LA CLAUSE D'ESSAI Fonction d'expérimentation du contrat de manière à ce que chaque partie contractante puisse déterminer les avantages et inconvénients de l'exécution de ce contrat.

b. NATURE JURIDIQUE Clause du contrat insérée par la volonté des parties dans un contrat qui peut être à terme ou à durée indéterminée.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 91.- Pendant la première phase d'exécution par laquelle passe le contrat, il y aura un droit de résiliation unilatérale du contrat. Quand cette phase se termine, ce droit disparaît et le contrat sera désormais soumis aux modes "normaux" de dissolution. - contrat à durée indéterminée : préavis - contrat à terme : pas de possibilité de préavis Si l'employeur ou le salarié n'a pas exercé son droit exceptionnel de résiliation, le contrat va continuer de plein droit après la période probatoire. Il n'y aura pas de nécessité de consentement étant donné la nature juridique de l'essai.

c. ORGANISATION DU RÉGIME Intervient ici la distinction entre ouvriers et employés. Pour les ouvriers, la période d'essai varie entre 7 et 14 jours. Cette durée sera fixée par les parties dans cette fourchette légale. Au cours de la durée de l'essai, le droit à la résiliation unilatérale peut intervenir sans préavis. Pour les employés supérieurs, la période varie entre 1 mois et 6 mois et pour les employés inférieurs, entre 1 mois et 12 mois. La durée de période probatoire est appelée à être fixée par les parties contractantes dans la fourchette légale. Pendant cette période d'essai, ce droit à la résiliation peut intervenir avec un préavis de 7 jours. La longueur de la période pour les employés supérieurs vient d'une disposition intervenue dans les années 80' : il fallait diminuer la protection des employés supérieurs. Dans les contrats atypiques, il y a des régimes particuliers pour la clause d'essai. Elle est parfois de droit. Ce n'est donc plus une clause insérée par la volonté des parties. C'est le cas pour le travail temporaire et intérimaire, pour le contrat d'apprentissage, pour le contrat d'occupation des étudiants et pour le travail domestique.

2) LA CLAUSE DE TERME Pour le droit social, il y a deux catégories de termes admis : - le contrat à durée déterminée : c'est un terme de droit extinctif (écoulement du temps) par

opposition à la condition résolutoire (un événement qui doit nécessairement se produire). Ce terme est extinctif, c'est-à-dire qu'il va mettre fin de plein droit au contrat à l'échéance prévue. Ce terme doit être certain quant à la date de sa réalisation.

- Le contrat conclu pour un travail nettement défini : tâche à accomplir par le salarié (ex. arrachage des betteraves dans la ferme). Le terme est extinctif mais contrairement au contrat à durée déterminée, le terme demeure incertain quant à la date précise de sa réalisation. Le caractère incertain du terme n'est pas total : le législateur a sciemment utilisé l'expression "contrat conclu pour un travail nettement défini" : le salarié doit donc pouvoir au cours de la conclusion ou de l'exécution du contrat évaluer le moment où le contrat va prendre fin.

Pour les contrats à vie : terme incertain refusé par le droit social et par le droit civil (1780 CC). Concernant la notion de terme, cela signifie qu'il n'y a pas de droit de résiliation unilatérale avant l'échéance du terme (en contradiction avec le concept de terme). Cependant, il existe tout de même un droit-sanction, le droit de rupture pour motif grave (relations contractuelles sont devenues impossibles de par la faute d'un cocontractant). Par ailleurs, dans le contrat à terme, peut être insérée une clause d'essai (et qui introduit un droit de résiliation unilatérale).

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 92.- Arrêt du 7.02.94 La Cour de Cassation a admis que si on peut prévoir une clause d'essai mais la durée de cette clause ne peut correspondre, coïncider avec l'échéance du terme. Ce serait inconciliable avec la notion même de terme extinctif. Le contrat à terme tout entier se verrait affecté de la possibilité de rompre le contrat avant l'échéance du terme. L'art 10 de la loi organique de 1978 organise les contrats à durée déterminée successifs. Les employeurs avaient l'habitude conclure des contrats à durée déterminée successifs. Cette pratique permettait d'éviter le jeu des délais de préavis. Le législateur a interdit ces contrats dans la loi organique. Par l'effet de cet article, on peut donc conclure un premier contrat à durée déterminée prenant fin de plein droit à l'échéance du terme mais s'il y a maintien des relations contractuelles, le contrat devra être à durée indéterminée. Si les parties ne le font pas, il y aura requalification impérative du deuxième contrat à durée indéterminée. Cet article a posé certains problèmes d'interprétation : il ne formule pas une interdiction générale des contrats en chaîne. L'article ne se prononce pas sur d'autres contrats en chaîne que ceux à durée déterminée et successifs (ex. contrat à durée déterminée puis contrat de travail nettement défini, etc. : de nombreuses combinaisons de contrats en chaîne sont possibles). L'art 10 ne se prononce pas sur la validité de ces autres cas de figure. Se posait donc la question de savoir si cette norme légale devait avoir une interprétation exégétique (les autres contrats restent permis) ou une interprétation systémique (à partir d'une norme rédigée de façon ponctuelle, on induit un principe général et donc selon cette interprétation, l'art 10 devrait être interprété de manière à exclure tous les autres contrats en chaîne). Cette disposition a été modifiée par une loi du 22 déc. 1989 qui élargi la sphère d'application de l'art 10 aux contrats successifs conclus pour un travail nettement défini. La version actuelle ne comporte toujours pas d'interdiction générale des contrats en chaîne. Cette interdiction posée par l'art 10 souffre d'exceptions : 1. il est possible de conclure des contrats en chaîne lorsque l'employeur prouve que ces contrats sont justifiés

par la nature du travail ou autres raisons légitimes assez vague pour couvrir de nombreuses hypothèses. Une certaine jurisprudence admet sur base de cette exception que l'on puisse conclure différents contrats à durée indéterminée successifs quand il y a fluctuation dans le volume des commandes du travail, etc.

2. Ces exceptions vont se multiplier et on va assister à une dilution de l'interdiction. C'est l'art 10bis de la loi organique. Cet art a été inséré en 1994 en tant que disposition temporaire. On a donc admis de façon temporaire certaines possibilités de conclure des contrats à terme successifs. Le recours à des régimes expérimentaux est devenu un procédé classique de la part du législateur social pour initier des modifications du droit défavorables aux travailleurs. Cette idée est justifiée par le fait que plus il y a de flexibilité dans le droit social plus les employeurs embauchent. Ce processus légistique sera retrouvé dans la flexibilité du temps de travail. La disposition temporaire devait cesser ses effets en déc. 1997, l'évaluation de l'emploi n'a pas été faite mais la disposition est tout de même devenue permanente. L'art 10bis permet des contrats à terme successifs dans une mesure assez large. Possibilité de conclure des contrats à durée successifs avec une durée déterminée minimale de 3 mois et dont la durée totale de l'ensemble des contrats ne doit pas excéder 2 ans. Ou Autre système nécessitant l'autorisation d'un fonctionnaire : la durée minimale est portée à 6 mois mais la durée totale maximale de l'ensemble est portée à 3 ans. Rem. : le terme "interdiction" continue à figurer dans l'art 10.

3) LE CONTRAT DE REMPLACEMENT : ART 13 DE LA LOI ORGANIQUE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Ce contrat existait déjà dans le droit social classique mais a été généralisé icI. Ce contrat se greffe sur la suspension d'un contrat d'un autre salarié. Il s'agit de remplacer un salarié dont le contrat est suspendu (par ex. en cas d'interruption de carrière, etc.) dans le chef du salarié. Si le contrat est suspendu en raison de l'obligation patronale de faire travailler : suspension du contrat pour intempéries, pour cause économique, il n'est pas possible de recourir dans ces cas à un contrat de remplacement. Idem pour les conflits collectifs de travail. En 1991, est intervenue une législation admettant le contrat de remplacement pour remplacer un travailleur sous statut. Le recours au contrat précaire intervient donc beaucoup dans le droit de la fonction publique : c'est un instrument de flexibilité.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 93.- Le contrat de remplacement est sans doute le contrat le plus précaire de tous. La loi prévoit qu'il peut être conclu dans des conditions qui dérogent au préavis et à la durée. Il est donc possible de conclure un contrat pour la durée de la suspension du salarié remplacé (ex. pour la durée de l'incapacité). Le salarié du contrat de remplacement pourra voir celui-ci terminé du jour au lendemain, dès que le salarié revient. Ces contrats de remplacement peuvent se succéder les uns aux autres pour un maximum de 2 ans. La loi du 24 juillet 1987 qui concerne le travail temporaire et le travail intérimaire. Voy. la troisième leçon. 2 grandes parties dans cette législation : - 1ère partie : interdiction de mise à la disposition de tiers par l'employeur : un employeur conclut un contrat de travail avec un salarié : il ne peut pas mettre ce salarié à la disposition d'un autre employeur. C'est le principe de la loi, mais avec de nombreux tempéraments. Voy. infra - 2ème partie : organisation du travail intérimaire, c'est-à-dire exception au principe de l'interdiction à la mise à la disposition. IL faut partir du concept de travail temporaire. C'est un concept et non un contrat. Cette notion est définie légalement en recourrant au procédé d'énumération. Le législateur énumère les cas de travail temporaire. Cette énumération est exhaustive avec tendance à l'élargissement. Il s'agit de remplacement temporaire dans l'hypothèse de dissolution d'un contrat, de l'exécution d'un contrat exceptionnel temporaire de travail. La loi a été sur ce dernier point modifiée. Au départ, la loi parlait de surcroît extraordinaire de travaIl. Cette notion est précisée par des conventions collectives du Conseil National du Travail. Lorsque l'on se trouve dans l'une des hypothèses énumérées du travail temporaire, l'employeur se voit offrir deux possibilités : + soit il va conclure un contrat précaire, rapport salarial classique de caractère bilatéral + soit il va recourir au travail intérimaire (relation triangulaire de travail). Il faut remarquer que dans certaines circonstances de travail temporaire, il y a un verrou collectif (on ne pourra recourir à ces formes que s'il y a accord de la délégation syndicale, par ex. pour remplacement d'un salarié en cas de dissolution du contrat, ou encore lorsqu'il y a surcroît temporaire de travail). Ce verrou est imposé par les CCT s'articulant sur le concept légal de travail temporaire. Lorsque l'employeur choisit le rapport salarial classique, il peut s'agir d'un contrat à durée déterminée, d'un contrat de remplacement, d'un contrat de travail nettement défini. Cet ajout ne s'applique pas à l'art 10. L'interdiction des contrats en chaîne ne s'applique donc pas. En cas de contrats successifs pour l'exécution d'un travail temporaire, il n'y aura pas requalification en travail à durée indéterminée. C'est une nouvelle fois une mise à l'écart de l'interdiction des contrats en chaîne. L'employeur peut également décider de ne pas conclure lui-même le contrat précaire et de recourir à du travail intérimaire. Ce contrat de travail intérimaire est régi par la loi de 1987 (présomption irréfragable de contrat de travail entre l'entreprise intérimaire et l'employé, la société utilisatrice étant tiers mais avec certaines obligations concernant temps de travail, sécurité, santé, etc. et une règle d'égalité imposée entre salarié de l'entreprise utilisatrice et les salariés intérimaires en ce qui concerne la rémunération, et ce pour éviter la concurrence entre les deux types de salariés). Dans le cadre de ce contrat de travail intérimaire, les contrats à terme successifs sont également admis. Un entrepreneur a besoin d'un salarié pour l'une des raisons du travail temporaire, il s'adresse à l'entreprise intérimaire. Un contrat de travail va être conclu entre l'entreprise intérimaire et le salarié. Ce sera un contrat à terme. Ce contrat prendra fin de plein droit à la fin du terme. Si l'entreprise intérimaire n'a pas d'autres propositions pour ce salarié, ce sera l'assurance-chômage ( succession entre travail et chômage).

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4) LES CONTRATS LIÉS À LA POLITIQUE DE L'EMPLOI Ces contrats se sont multipliés à cause de la montée du chômage et en vue de l'enrayer. C'est la matière la plus mouvante qui soit dans l'ensemble du droit social. Ces contrats se succèdent les uns aux autres, parfois même ils se superposent, et ce, parce qu'il est plus que malaisé dans notre système d'augmenter le volume de l'emploi, tout étant fondé sur la liberté d'entreprendre et sur le libre consentement.

Le contrat de stage est devenu la convention de premier emploi, qui prévoit une obligation d'embauche. C'est une dérogation frontale à ces deux principes.

Cette matière se caractérise par le plus grand désordre qui soit, à la fois législatif et légistique. Ex. loi d'août 2000 dont l'arrêté d'exécution a déjà été abrogé. On trouve un dénominateur commun à l'ensemble de ces contrats : il y a dans l'ensemble de ces contrats des incitants financiers à conclure ces conventions. Ces incitants peuvent être conçus de différentes manières (ex. exonération des cotisations patronales pendant un certain temps, systèmes de réduction de montants de la rémunération, subventions, etc.) Autre trait : spécificité de leur objet. Ce sont des contrats qui ne concernent pas nécessairement un travail productif. Différentes formes : - secteur non-marchand : tâches d'utilité publique (ex. cadre spécial temporaire) - objet à tout le moins partiel d'une formation professionnelle - petit objet : emplois domestiques, de proximité (secteur non-marchand donnant lieu, d'habitude, à du

travail au noir) Rem. La loi du 7 avril 1999 : l'agence locale pour l'emploi, ASBL, va conclure un contrat de travail avec un chômeur pour des petits boulots énumérés dans l'AR d'exécution. Ce contrat ne peut dépasser un certain nombre d'heures de travail car la personne reste chômeur. Ce chômeur/travailleur effectue ses prestations pour un utilisateur. La rémunération se fera par des chèques ALE que l'utilisateur va chercher et va remettre au chômeur par heure de travail. C'est une relation triangulaire de travail. Ce régime est en principe soumis à la loi de 1978 sauf en ce qui concerne les dispositions dérogatoires qui sont tellement nombreuses que le principe ne s'applique pas. Question soumise à la CA : discrimination entre ce chômeur/travailleur et le travailleur soumis à la loi de 1978. C'est l'arrêt du 14 février 2001. Un des moyens invoqués était donc la violation de la règle de l'égalité car payement par chèque et non par une monnaie ayant cours légal. Un des autres moyens était le non respect de l'art 23 C°. La CA va considéré que ce traitement des chômeurs/travailleurs était raisonnablement justifié en raison des objectifs poursuivis par le législateur. Il s'agissait d'améliorer le sort des chômeurs. En ce qui concerne l'art 23, la Cour d'Arbitrage n'en dira pas un mot. D'autres contrats se mettent en place (d'autres relations triangulaires) s'inscrivant dans l'activation des allocations de chômage. Il s'agirait d'apparitions de nouvelles relations triangulaires de travail dans le circuit marchand. L'AR de la loi d'août 2000 a été abrogé et le nouvel arrêté ne peut être à l'heure actuelle analysé.

5) CONCLUSIONS En conclusion, la distinction majeure est celle d'ouvriers/employés existe toujours en faveur des travailleurs intellectuels, validée par la Cour d'Arbitrage mais ce n'est plus la summa divisio. La nouvelle summa divisio est fournie par la distinction entre contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein et l'ensemble assez hétéroclite des contrats atypiques. Dualité du marché du travail qui renvoie à la théorie selon laquelle le marché du travail est aujourd'hui dual. Marché primaire : contrat à durée indéterminée (hommes de plus de 30 ans) Marché secondaire : contrats d'emplois atypiques (femmes, …) Cette théorie ne peut être appréhendée juridiquement que par la règle de formalisme accompagnant les contrats atypiques contrairement au contrat à durée indéterminée qui reste soumis au principe du consensualisme. Un troisième marché du travail pourrait bientôt apparaître par l'essor des relations triangulaires, qui mettrait en échec l'interdiction de la mise à disposition du salarié à d'autres employeurs.

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CHAPITRE 4.-

LA FORMATION DU CONTRAT : LES ELEMENTS ESSENTIELS

Le droit social procède par dérogation aux principes de droit civil. Pour comprendre le tissu même du droit du travail, il faut au préalable connaître et comprendre les mécanismes des droits et obligations. Ceci dit, le droit contractuel du travail s'éloigne de plus en plus du droit des obligations.

34. LE CONSENTEMENT Référence de principe au droit civil.

a) La référence de principe au droit civil

1) LE CONSENTEMENT, CONDITION NÉCESSAIRE ET SUFFISANTE

1.- Condition nécessaire car permet de respecter le principe de la liberté du travail, consacrée depuis le décret d'Allarde. Exceptions issues de la loi de 1948 sur les prestations d'intérêt public en temps de paix, qui organise la réquisition des travailleurs en cas de conflits collectifs afin d'assurer les besoins vitaux. 2.- Condition suffisante : en droit belge, il n'y a pas de nécessité d'intervention de tiers, d'une quelconque intervention d'autorité administrative (≠ autres ordres juridiques) Base légale pour imposer une telle autorisation administrative : loi de 1961 (NB. à l'origine des grandes grèves de cette année) dans laquelle il est prévu que le Roi peut prévoir une autorisation administrative. Cependant, l'AR n'a jamais été mis en œuvre.

2) LE PRINCIPE DU CONSENSUALISME Le consentement peut, en principe, intervenir de n'importe quelle manière et il n'y a pas d'exigences de formes (sauf exceptions) et ainsi un contrat de travail pourrait être conclu verbalement et que la preuve d'un tel contrat résultera de son simple commencement d'exécution. Cela signifie également que le droit social connaît la "tacite reconduction". Un contrat conclu à terme prend fin, les parties vont rester en relations contractuelles : dans ce cas, il y a conclusion d'un deuxième contrat de travail par ce mécanisme de "tacite reconduction". Le deuxième contrat ne sera pas un contrat à terme mais à durée indéterminée (vu que pas d'écrit).

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3) L'APPLICATION DE LA THÉORIE DES VICES DU CONSENTEMENT

Cette théorie des vices du consentement est susceptible d'être mise en œuvre et de jouer dans le cadre des relations de travail. La jurisprudence de la Cour de Cassation est constante à cet égard. Arrêt du 2 mai 1969 Cas de "célibat contractuel" : un contrat entre une hôtesse de l'air et la Sabena. Il était prévu dans ce contrat, une condition résolutoire (mécanisme civiliste de dissolution du contrat). Cette condition était construite de la façon suivante : si l'hôtesse de l'air se marie, le contrat sera résilié de plein droit. L'hôtesse de l'air se marie. La Sabena fait jouer la clause. Litige. La juridiction du fonds décrète la nullité de la clause établissant cette obligation indirecte de célibat, cette nullité provenant de la contrariété de la clause à l'ordre public et aux bonnes mœurs et aussi " de la circonstance que la clause litigieuse n'avait pas le caractère d'un engagement librement contracté, la demanderesse, partie économiquement faible, ne pouvait l'accepter ni la refuser". La juridiction du fonds invoque donc une sorte de "vice du consentement". La Cour de Cassation est saisie de l'affaire et va casser l'arrêt de la juridiction du fonds : "de cette seule circonstance que la défenderesse était économiquement faible, ne pourrait se déduire que le consentement ait été vicié de par violence, dol, erreur". La Cour de Cassation constate d'autre part que ni les règles civilistes, ni les règles de droit social n'ait consacré la dépendance économique comme vice de consentement. Il y a donc ainsi une référence de principe au droit civil mais il faut tout de même remarquer que le consentement, dans la relation de travail, est particulier.

b) Spécificité du consentement dans le contrat de travail et réglementation de la phase précontractuelle ("Code de l'Embauche", CCT n°38 du 06.12.83, AR 11.07.84)

Cette spécificité se présente des manières suivantes : a) rôle restreint dévolu au consentement dans le contrat de travail, rôle restreint de l'autonomie

individuelle en raison des règles impératives incorporées dans le contrat de travail. Le contrat de travail est devenu un contrat de statuts (nourri de normes extérieures à la volonté des parties : L, CCT) : l'autonomie aura donc un rôle restreint.

b) Le contrat de travail est un contrat à exécution successive : son exécution va s'échelonner dans le temps

et ce contrat interviendra dans le cadre d'une entreprise et le fonctionnement de celle-ci va nécessiter des modifications dans le contrat de travail. Le contrat va donc susciter des consentements successifs et répétés pour modifier le contenu de la relation de travail en fonction des besoins, des nécessités de l'entreprise.

c) Le contrat de travail fait l'objet d'une réglementation spécifique en ce qui concerne la phase

précontractuelle : la CCT du Conseil national du Travail n°38, appelée "Code de l'embauche", modifiée à plusieurs reprises. Son objet est précisé en son art 1er. IL s'agit de fixer des normes concernant le recrutement et la sélection des travailleurs (> partie normative d'une CCT) et aussi définir des engagements des parties signataires quant au respect d'un certain nombre de règles de conduites (> partie obligationnelle d'une CCT, référence au fait que cette partie n'a pas d'effet contraignant). Cet objet se réfère implicitement (voire un peu plus ?) à la structure, aux deux parties d'une CCT (loi de 1968).

a. En ce qui concerne la partie normative, il y a différentes obligations

i. Supporter le coût des épreuves, des tests ii. Restituer les documents qui auraient été fournis par le candidat à l'embauche

iii. Délivrer une attestation au candidat, qui lui permettra de prouver à l'assurance-chômage qu'il s'est bien rendu à la convocation, qu'il a cherché un emploi et qu'il ne l'a pas refusé (NB. si refus d'emploi convenable, sanctions). Le chômeur peut refuser un emploi convenable de manière directe ou de manière indirecte, en essayant de dissuader

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l'employeur de l'engager. L'ONEM, pour savoir, effectue des actions assez contestables (téléphoner à l'employeur, etc.). L'attestation doit également contenir des explications quant au refus de l'embauche.

b. Règles de bonne conduite de la partie obligationnelle : La vie privée doit être respectée, les informations du candidat à l'embauche doivent être confidentielles.

c) L'interférence de principes fondamentaux

1) LES INTERDICTIONS DE DISCRIMINER

a. LE CODE DE L'EMBAUCHE L'art 2bis prévoit l'exigence d'un traitement égal entre tous les candidats, l'employeur ne pouvant pas faire de distinction sur la base d'un élément personnel, ne présentant pas de rapport avec la fonction ou la nature de l'entreprise. Cet art énumère les motifs de discrimination interdits : en fonction de l'âge, de la race, du passé médical, de l'affiliation à un syndicat, de l'orientation sexuelle, du handicap, etc.

b. LA CONVENTION COLLECTIVE DU 7 MAI 1996 CONCERNANT LE TRAVAIL INTÉRIMAIRE

La convention interdit toute forme de discrimination fondée sur la couleur, la religion, la nationalité, les origines ethniques, etc. Pourquoi uniquement dans le travail intérimaire ? Cela s'explique par le nombre de travailleurs intérimaires immigrés.

c. LA LOI DU 13 FÉVRIER 1998 Interdiction de fixer une limite d'âge maximale pour le recrutement, assortie de nombreuses exceptions (légales, ou arrêtés royaux). Dans le droit social, paradoxe : d'une part, on s'empresse de pré-pensionner les travailleurs âgés en cas de licenciement collectif et d'autre part de protéger leur embauche.

1) LA RÈGLE D'ÉGALITÉ ISSUE DU DROIT EUROPÉEN ET LE PRINCIPE D'ÉGAL ACCÈS À L'EMPLOI

a. EGALITÉ ENTRE TRAVAILLEURS NATIONAUX ET TRAVAILLEURS MIGRANTS (RESSORTISSANTS DE L'UE)

Va jouer le principe d'égal accès à l'emploi. Les travailleurs étrangers, ressortissants UE, sont sur le même pied que les travailleurs nationaux. Il n'est donc pas question de permis de travail. Celui-ci n'est maintenu que les travailleurs non ressortissants, ce qui établit une sorte de discrimination établie par le droit européen.

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b. EGALITÉ ENTRE TRAVAILLEURS MASCULINS ET TRAVAILLEURS FÉMININS ; LA LOI DU 7 MAI 1999

Origine de la législation La loi du 7 mai 1999 remplace une législation antérieure, abrogée (loi de 1978). Cette loi est directement inspirée du droit européen et de la jurisprudence de la Cour de Justice du Luxembourg concernant cette question. Le droit européen s'est préoccupé de cette égalité. L'art 119 TRome établissait l'égalité salariale entre travailleurs masculins et féminins, non pas dans un souci de protection des femmes mais dans un souci économique, réclamée par la France qui craignait la concurrence des industries textiles italiennes. La France craignait une distorsion de concurrence. Cette égalité a été ensuite imposée au-delà des salaires et plusieurs directives sont intervenues (sur l'accès à l'emploi, la formation professionnelles, conditions de travail et de licenciement). L'égalité a été ensuite imposée en matière de sécurité sociale (légale et complémentaire). Enfin, le droit communautaire est intervenu dans une directive concernant la charge de la preuve de manière à faciliter la preuve de la réalité juridique de cette discrimination. C'est l'objet de la loi du 7 mai 1999 qui concerne, non pas les salaires (égalité salariale déjà réalisée par une CCT du Conseil National), ni la sécurité sociale légale, mais bien l'accès à l'emploi, les conditions de travail et la sécurité sociale professionnelle (ou complémentaire) et traduit la directive concernant le renversement de la charge de la preuve. Remarque préliminaire L'égalité est un concept bilatéral. La règle va jouer dans les deux sens. En effet, les travailleurs masculins peuvent parfois être discriminés par rapport aux travailleurs féminins. La loi va interdire les discriminations directes et indirectes. Ces concepts sont définis dans la loi. Discrimination directe : discrimination fondée sur le sexe et une fois le traitement différentiel établi, il y a discrimination. Si l'on se trouve en présence d'une discrimination fondée sur le texte, l'employeur n'aura pas l'occasion d'invoquer certains motifs légitimes pour se justifier. Discrimination indirecte : discrimination plus sophistiquée présentée de la manière suivante : il n'y a pas de discrimination directement fondée sur le sexe mais il y a un traitement différentiel fondé sur un critère apparemment neutre et à la suite d'une analyse, on détermine qu'il y a discrimination. Ex. Travail à temps partiel. Le travail à temps partiel est souvent moins bien traité que le travail à temps plein. Statistiquement, le travail à temps partiel est généralement réservé à la main d'œuvre féminine. Ici, on se trouve devant un critère apparemment neutre (discrimination résulte du temps partiel) mais il y a une présomption de discrimination envers les femmes. Cette présomption pourra être renversée si l'employeur ou l'Etat va pouvoir établir que ce traitement se justifie par des raisons légitimes. Charge de la preuve Désormais, le régime probatoire se présente de la façon suivante : la personne qui se prétend discriminée va faire un début de preuve. Dès que ce début de preuve est fait, il y a renversement de la charge de la preuve et c'est l'employeur qui doit établir qu'il n'y a pas eu discrimination, violation de la règle d'égalité. C'est donc une présomption iuris tantum qui est amenée à jouer dès qu'il y a commencement de preuve. Ce système s'applique à la fois pour les discriminations directes et indirectes. La loi va également considérer que le refus d'embauche fondé sur la maternité est une discrimination directe (donc pas de possibilité de justifier son refus d'engagement). IL est également prévu que le harcèlement sexuel est présumé être une discrimination. L'égalité formelle est donc le concept retenu. Mais le législateur va, à l'instar du législateur européen, va admettre un autre concept d'égalité, celui d'"égalité des chances". Les femmes doivent avoir les mêmes chances que les hommes. Cela va donc conduire à admettre la validité de discriminations positives (programmes de formation professionnelle, etc.).

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2) INTERFÉRENCE DU PRINCIPE DE LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION (OU PRINCIPE DE LA LIBERTÉ SYNDICALE); INTERDICTION DES "CLOSED SHOP".

Art 2bis "Code de l'embauche" interdit de discriminer en fonction de l'affiliation ou de la non affiliation à un syndicat. Cette interdiction est prévue sous peine de sanctions pénales. La loi de 1921 sur la liberté d'association prévoit des sanctions pénales et comporte le principe d'interdiction des "closed shop". Celles-ci sont une pratique nordique et anglaise selon laquelle l'employeur concluait une convention collective avec un syndicat puissant, et au terme de celle-ci, l'employeur s'engageait à n'engager que des employés syndiqués. La loi de 1921 garantit la liberté d'association et interdit donc de telles clauses. Il est donc impossible de prévoir dans une CCT que l'employeur s'engage à n'engager que des employeurs syndiqués. Il est également à noter que la figure des "closed shop" est expressément visée.

d) Preuve, modes d'expression du consentement et formalisme

1) L'ARTICLE 12 LOI ORGANIQUE DU CONTRAT DU TRAVAIL La preuve testimoniale est admise quelque soit la valeur du litige. L'art prolonge le principe du consensualisme. Il existe cependant des exceptions indirectes ou des obligations formelles.

2) L'ART 25 LOI ORGANIQUE DU CONTRAT DU TRAVAIL L'art 25 interdit le ius variandi contractuel. Si l'employeur veut modifier unilatéralement le contrat de travail, il ne peut pas le faire : il doit demander l'accord du salarié.

3) LA CONSTRUCTION JURISPRUDENTIELLE CONCERNANT LE CONSENTEMENT EN COURS D'EXÉCUTION DU CONTRAT.

Le fonctionnement de l'entreprise va souvent nécessiter des modifications dans le contrat de travail. Ces modifications ne peuvent être unilatérales (en raison de l'art 1134 CC). Supposons qu'un employeur modifie unilatéralement la nature des fonctions de son employé (ex. rétrogradation). Supposons également que ce dit employé continue à travailler dans les nouvelles conditions de travail imposées par l'employeur. Se pose la question de savoir si continuant à travailler, il n'y a pas une acceptation tacite. La Cour de Cassation va développer la théorie suivante dans ses deux arrêts des 27 avril 1977 et du 7 janvier 1980. La Cour de Cassation répond à la négative : le salarié bénéficie d'un délai de réflexion au cours duquel le fait qu'il continue à travailler ne vaut pas consentement. A l'issue de ce délai, - soit le salarié continue à travailler et même s'il émet des réserves, il y aura consentement. C'est une novation

objective du contrat. - soit il refuse de continuer à travailler et il y a à ce moment, un "acte équipollent à rupture"9. Il s'agit d'un

licenciement tacite. C'est l'employeur, qui modifiant unilatéralement un élément essentiel du contrat de travail, qui a montré son intention de rompre le contrat, de ne plus exécuter le contrat. Ce licenciement est évidemment irrégulier et dès lors, le salarié pourra réclamer l'indemnité de rupture, à savoir celle pour défaut de préavis.

9 Dénomination donnée par la doctrine bruxelloise.

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4) LES EXIGENCES DU FORMALISME

a. LE PRINCIPE DE L'ÉCRIT POUR LES CLAUSES TRADITIONNELLES DE PRÉCARITÉ (ESSAI ET CLAUSE DE TERME) ET LES CONTRATS ATYPIQUES

Ce n'est pas une règle de preuve mais une exigence formalisme. Cet écrit doit être signé par les deux parties. Il est censé protéger le salarié et doit comporter les mentions exigées par le législateur selon la spécificité de chaque contrat atypique. Cette exigence de formalisme s'accompagne d'une exigence chronologique.

b. L'EXIGENCE CHRONOLOGIQUE : ENTRÉE EN SERVICE ET DÉBUT D'EXÉCUTION DU CONTRAT

L'écrit doit être constaté lors de l'entrée en fonction du salarié. Il y a eu une controverse quant à la notion d'entrée en service. Ce concept désigne maintenant le début de l'exécution du contrat (pas nécessairement le moment de la conclusion). Si l'écrit intervient après, l'exigence ne sera pas respectée.

e) Dérogations légales, de caractère ponctuel, aux principes de droit civil

1) LES PROCÉDURES D'AUTORISATION Les ressortissants des pays tiers à la Communauté Européenne peuvent conclure un contrat de travail à condition d'obtenir une autorisation. Le régime actuel de la loi du 30 avril 1999 instaure une double autorisation ministérielle :

- autorisation d'occupation pour l'employeur - permis de travail

o le permis A : sa durée est illimitée, il est valable pour toute activité professionnelle et la législation détermine les conditions d'octroi de ce permis. NB. Il faut être bien ancré dans la vie professionnelle et dans le pays pour pouvoir en bénéficier

o le permis B : ce permis est plus courant. Sa durée est strictement limitée (12 mois max.) et ne sera valable que pour un employeur déterminé.

La double autorisation est davantage formelle que réelle. Il y a une sorte de système de jumelage : si un travailleur a un permis A, l'autorisation d'occupation ne sera pas requise. Si l'autorisation est obtenue par l'employeur, il fait une demande et le permis B sera octroyé d'office. La législation fixe les conditions d'octroi de l'autorisation d'occupation. Ces conditions légales sont très drastiques avec une série de dérogations possibles. Le grand principe qui sous-tend le système est le principe de priorité de marché national de l'emploi (marché régional) auquel l'on va assimiler le marché de la CE. Ill. Si un travailleur belge ou communautaire peut occuper l'emploi, on n'accordera pas d'autorisation à un tiers. Ce n'est donc qu'à défaut de main d'œuvre que l'on accorde l'autorisation aux pays tiers. Cela illustre l'utilité du permis B qui sera de maintenir le salarié dans le secteur déficitaire en main d'œuvre.

2) AUTORISATIONS LIÉES À LA CONCERTATION SOCIALE Système de verrou collectif. Il faut un règlement de travail modifié contenant les horaires. En ce qui concerne le travailleur intérimaire, il faut dans certains cas, une autorisation de la délégation syndicale. Ex. Surcroît temporaire, remplacement d'un salarié dont le contrat a pris fin.

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3) LES OBLIGATIONS D'EMBAUCHE

a. DANS LES CONVENTIONS DE PREMIER EMPLOI

b. LES SYSTÈMES DE PRIORITÉ (TRAVAIL À TEMPS PARTIEL ET TRAVAIL À DOMICILE)

Dans le cadre du travail à domicile, il est prévu que si un emploi dans une entreprise se libère, l'employeur est tenu d'engager par priorité le travailleur qui travaille à domicile. Il en est de même pour le travailleur à temps partiel dans la loi programme de 1989 sur le travail à temps partiel. Dans une entreprise où il y a un travailleur à temps partiel, si un emploi à temps plein ou un emploi à temps partiel comportant un nombre d'heures de travail supérieur, l'employeur doit donner la priorité à un travailleur à temps partiel. L'Obligation d'embauche est conçue de façon différente que dans la convention de premier emploi. Dans le cas de la convention de premier emploi, l'employeur est obligé de procéder à une embauche supplémentaire mais il reste libre de choisir le salarié. Le système est individualisé. Dans le système de priorité, l'employeur n'est pas obligé de remplacer le salarié dont le contrat a pris fin mais s'il le décide, il ne pourra choisir le travailleur qu'il souhaite.

35. LA CAPACITÉ La loi de 1983 sur l'obligation scolaire est en corrélation avec les règles de droit social concernant la capacité. Il faut distinguer trois périodes :

- au delà de 18 ans - de 15-16 à 18 ans (obligation scolaire à temps partiel) - en-dessous de 15-16 ans (obligation scolaire à temps plein)

a) au delà de 18 ans C'est l'âge de la majorité. Rem. : celle-ci a été fixée plus tôt par le droit social avant d'être réduite en droit civil. Dans la législation de 71 sur le contrat de travail, il y a des interdictions spéciales pour ce que la loi sociale appelle "les jeunes travailleurs". Ex. Les travaux souterrains, les mines

b) de 15-16 à 18 ans : obligation scolaire à temps partiel

L'obligation scolaire à temps partiel. Pour le reste, le jeune peut avoir un pied dans le marché du travail. Ex. contrat d'apprentissage, de travail à temps partiel, d'occupation d'étudiants. Le problème est que l'on se trouve devant un incapable civilement (mineur). Le système retenu par le droit social est l'assistance et non la représentation qui est le principe en droit civil.

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1) LE SYSTÈME D'ASSISTANCE OU D'AUTORISATION. Pour la conclusion d'un contrat de travail, le mineur doit donner son consentement mais cela ne suffit pas. Il doit être autorisé par ses représentants légaux. Cette autorisation peut être tacite donc le consentement personnel du mineur joue un rôle plus grand que dans le domaine du droit civil. Pourquoi ? Le but est d'éviter un système de travail forcé où le mineur serait contraint d'exécuter un contrat de travail conclu contre son gré.

2) LA CAPACITÉ DE RECEVOIR LE SALAIRE L'employeur n'est pas obligé de passer par les représentants légaux. IL peut payer directement le mineur. La raison historique est de faciliter l'exécution de la principale obligation de l'employeur.

c) Sous 15-16 ans : obligation scolaire à temps plein Obligation scolaire à temps plein. Corrélation entre cette période et l'âge d'admission au travail. Il y a des exceptions organisées par la loi du 5 août 1992 insérée dans la loi de 1971 sur le travail des enfants. Celle-ci admet, dans une certaine mesure, le travail des enfants. La législation énumère les activités pour lesquelles le travail des enfants sera autorisée. Pour être admis, il faut l'autorisation individuelle d'un fonctionnaire. C'est donc un système de représentation et il y a aussi d'autres règles concernant la rémunération, etc.

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CHAPITRE 5.-

LE REJET PARTIEL DE LA NULLITE, SANCTION CIVILISTE

Remarque préliminaire Le législateur social a une méfiance profonde à l'égard de la sanction civiliste de la nullité du contrat. Pourquoi ? Toutes les lois sociales voient leur champs d'application déterminé par la référence au contrat de travail. Si celui-ci est déclaré nul, les lois sociales ne s'appliquent pas. La sanction civiliste est donc de nature à tenir en échec l'application du droit social. Elle débouche sur l'absence d'emploi et tient en échec les droits subjectifs attachés au contrat de travail. Le législateur social va écarter la nullité non pas en formulant une règle générale mais en la tenant en échec ponctuellement dans telle ou telle matière.

36. SÉCURITÉ SOCIALE ET LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Rem: On parle ici de sécurité sociale sensu lato (accidents de travail y sont compris même si ceux-ci dont l'indemnisation se fait par des assurances privées ne relèvent pas de la sécurité sociale sensu stricto). Dans cette catégorie, la sanction civiliste ne peut jamais jouer, on ne peut jamais invoquer la nullité pour éviter la sécurité sociale, quelque soit la cause de cette nullité (même s'il y a contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs).

37. DROIT DU TRAVAIL

a) En faveur des jeunes travailleurs Il est prévu dans la loi de 1971 que la nullité du contrat ne peut être opposée aux jeunes travailleurs. C'est une catégorie de travailleurs pour laquelle ne peut intervenir le jeu de la nullité quelque soit la cause de la nullité.

b) Nullité, réglementation du travail et jeux de hasard

Les lois de 1965 sur la protection de la rémunération, de 1971 sur le contrat de travail (à l'égard des travailleurs non jeunes), de 1978 et de 1968 connaissent le même système : il est prévu que la nullité du contrat ne peut pas être opposée aux droits du travailleur qui découlent de l'application de ces différentes législations, lorsqu'il s'agit des hypothèses suivantes : a. Lorsqu'il s'agit d'un contrat frappé de nullité, celle-ci provenant d'une infraction aux dispositions ayant trait à

la réglementation du travail. De quoi s'agit-il ? Ce sont les lois qui fixent la réglementation destinée à s'incorporer dans le contrat de travail (lois de 1965, 1971, loi sur l'occupation de main d'œuvre étrangère)

b. Pourquoi une telle disposition ? Le législateur social, par toutes ces lois de réglementation du contrat de travail, avait multiplié les causes de nullité du contrat de travail ; cela risquait donc de se retourner contre les objectifs du droit social.

c. Comme l'a montré la jurisprudence ancienne de la cour de cassation : i. 1903 : réglementation de l'indemnisation d'un accident

ii. 1914 : fixation de l'âge d'admission au travail à 14 ans

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Supposons un mineur de – de 14 ans, victime d'un acciden de travail. Les parents réclament une indemnisation prévue par le législateur de 1903. L'employeur va refuser de payer car le contrat de travail est nul : la loi de 1903 ne peut s'appliquer. 1ère catégorie d'hypothèse : ne concerne que les causes de nullité prévues par la réglementation du travail 2ème catégorie d'hypothèse : le contrat de travail exécuté dans les salles de jeux. On réclame une rémunération mais elle n'est pas accordée car le contrat est nul (contraire à l'ordre public, et aux bonnes mœurs). La jurisprudence de la Cour de Cassation est rigide et contrée par le législateur qui intervient avant de ne pas admettre la nullité.

c) Les mécanismes de substitution

Incorporation automatique des CCT dans les contrats de travail, système prévu formellement par l'art 23 de la loi sur les CCT. Ex. Supposons une CCT qui fixe un minima de salaire et s'impose impérativement. Le contrat de travail prévoit un salaire contractuel inférieur à ce que fixe la CCT. 2 effets juridiques : 1) norme impérative de la CCT va frapper de nullité la stipulation contractuelle qui ne respecte pas la CCT

(norme hiérarchiquement supérieure) 2) salaire fixé par la CCT va s'intégrer dans le contrat de travail et va donc se substituer à la disposition

contractuelle frappée de nullité. Cela va plus loin que la simple sanction civiliste.

d) Les sanctions attachées aux exigences légales de formalisme

1) LE SYSTÈME TRADITIONNEL RETENU POUR LES EMPLOIS PRÉCAIRES ; LE RETOUR AU CONTRAT À DURÉE INDÉTERMINÉE.

Exigence de l'écrit et chronologique. Quelles sont les sanctions attachées à ces exigences légales de formalisme ? Le système général est une sanction très protectrice des travailleurs. C'est un retour aux contrats à durée indéterminée. Ex. contrat conclu à durée déterminée (clause de terme) qui ne respecte pas une exigence chronologique la clause de terme est nulle retour au contrat à durée indéterminée. C'est le même système pour les contrats précaires : système très protecteur et maintenant l'emploi.

2) DANS LE CADRE DU TRAVAIL À TEMPS PARTIEL Rem. : ce système ne concerne pas le travail à temps partiel. La sanction est autre : on aurait pu imaginer un retour au temps plein. On y a renoncé car la sanction aurait été trop lourde pour l'employeur. Sanction : le travailleur à temps partiel aura le droit de choisir le travail à temps partiel qui lui convient le mieux dans le cadre de ceux prévus par la réglementation du travail. Justification : on ne pouvait imposer aux travailleurs à temps partiel un régime à temps complet au cas où eux préféraient le contrat à temps partiel.

Il faut remarquer que l'on trouve un système de retour au temps plein dans un système déterminé. Il y a présomption de travail à temps partiel

- pour l'employeur qui engage à temps partiel, il est facile de faire travailler au noir - l'employeur demande d'effectuer des heures complémentaires non déclarées. Face à cette fraude, la loi programme de 1989 prévoit des conditions de publicité d'horaires particulièrement drastique. Si ces conditions publicitaires ne sont pas remplies ou s'il est établi qu'elles ne sont pas respectées (travail au noir), la sanction est qu'il y a présomption de contrat de travail à temps complet. C'est une disposition plus que mal acceptée par le patronat. Selon la Cour de Cassation, c'est une présomption iuris tantum (réfragable). La Cour a considéré qu'une telle présomption ne pouvait être invoquée par le salarié mais bien par l'administration fiscale, etc. Le salarié ne pourra donc pas réclamer des arriérés de salaire correspondant au temps complet.

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3) LA SANCTION RÉSIDANT DANS UN DROIT DE DÉMISSION SANS PRÉAVIS NI INDEMNITÉS

Sanction peu protectrice des salariés. Pour les contrats d'occupation d'étudiants et les travailleurs à domicile, c'est une sanction plus modeste : un droit de démissionner sans préavis ni indemnités. Il s'agit de faire jouer la nullité du contrat de façon non rétroactive.

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CHAPITRE 6.-

EXÉCUTION DU CONTRAT ET TEMPS DE TRAVAIL

38. LA DISTINCTION ENTRE EMPLOI À TEMPS COMPLET ET EMPLOI À TEMPS PARTIEL

Summa divisio en ce qui concerne le temps de travail. Cette distinction a déjà été évoquée lorsque l'on avait évoqué les sous-catégories de contrats de travail. Renvoi IL faut distinguer le régime traditionnel du régime de flexibilité du temps de travail.

39. LE RÉGIME TRADITIONNEL : LES INTERDICTIONS DE FAIRE TRAVAILLER

Structure des normes : ce sont des normes d'interdiction faites aux employeurs. Ce sont des interdictions de faire travailler pendant certaines périodes de repos, au-delà d'un certain nombre d'heures, etc. Ces interdictions font l'objet de sanctions pénales si elles ne sont pas respectées. Rem. Seule la loi sur l'organisation du travail ne comporte pas de sanctions pénales. Corollaire: Des droits subjectifs sont également reconnus aux salariés.

a) Le repos dominical Ce repos a été instauré, imposé en 1905 : l'interventionnisme étatique n'était pas établi mais a été accordé en vertu de considérations religieuses. Cela a été intégré dans la loi de 1971. Exceptions possibles. Lorsque le travail est effectué le dimanche, le sursalaire est de 100%

b) Les jours fériés Lendemain de la seconde guerre mondiale. Ces jours fériés se réfèrent à un module annuel dans le calcul du temps de travail. Ces jours correspondent aux grandes fêtes religieuses ainsi qu'au premier mai. Ces jours sont payés. Ils résultent d'une loi de 1974 et n'ont pas été insérés dans la loi de 1971. Exceptions possibles

c) Les vacances annuels Se réfère également à un module annuel. Ces lois sont coordonnées par un AR du 28 juin 1971, dont la dernière modification résulte d'une loi du 22 mai 2001. Cette modification simplifie le système et le rend plus lisible. Pour comprendre cette matière, il faut partir du concept d'"exercice de vacances". L'exercice de vacances est l'année civile qui précède l'année au cours de laquelle les vacances sont prises. Pour calculer les vacances de l'an 2000 en ce qui concerne leur durée et le "pécule" de vacances, on va tenir compte des jours de travail (y compris ceux qui y sont assimilés) et des rémunérations gagnées au cours de l'année de 1999.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 107.- Evolution 1936 : 1 semaine Aujourd'hui : pour un salarié régulier, 4 semaines de vacances. En ce qui concerne le pécule de vacances, ce dernier sera fonction de ce qui aura été gagné au cours de l'année précédente. Actuellement, c'est un "pécule double". Pour les quatre semaines de vacances, le salarié a droit à une rémunération normale doublée (> Ce système a été simplifié en 2001). Les modalités techniques de calcul du pécule et de la durée de vacances ne sont pas les mêmes pour les employés et pour les ouvriers. Il ne s'agit pas ici de défavoriser les ouvriers. Ces derniers ont droit aux mêmes avantages que les employés. La différenciation est ici purement technique. Cette distinction entre ouvriers et employés joue également dans l'organisation du paiement du pécule de vacances :

- pour les ouvriers, les pécules sont intégrés dans la sécurité sociale - pour les employés, les pécules sont payés directement par l'employeur

Cette distinction procède du fait que le législateur est parti de l'idée que les travailleurs manuels ont plus de mobilité que les travailleurs intellectuels. Ainsi, si le pécule des ouvriers avait été payé par l'employeur lui-même, cela aurait signifié pour ceux-ci que l'ouvrier qui aurait changé d'emploi régulièrement aurait du demander à chacun des employeurs successifs. On a donc décidé que ce serait intégré dans la sécurité sociale. L'employeur paye donc des cotisations et l'ouvrier a droit à son pécule, qui correspond grosso modo aux montants des cotisations versées par l'employeur. Ce pécule va être réclamé non pas à l'employeur mais à son organisme de sécurité sociale, aux caisses de vacances annuelles. Pour les employés, le système reste strictement contractuel. Il apparaît plus clairement que le pécule a la nature juridique d'un salaire différé. Cette analyse juridique peut être maintenue à l'égard des ouvriers bien que le pécule soit une prestation de sécurité sociale pour eux : globalement, le montant du pécule de vacances des ouvriers correspond au montant des cotisations payées par le patron. Si un contrat prend fin, le pécule correspondant à l'année précédente sera payée anticipativement. Cela démontre bien que le droit à ce pécule s'acquière tout au long de l'exercice. Dérogation à ce système en ce qui concerne les jeunes travailleurs : droit à des vacances complémentaires alors même qu'ils n'auraient pas presté le nombre d'heures adéquat.

d) La durée de travail

1) LE PROCESSUS CLASSIQUE DE TRAVAIL DIMINUÉ ; LA RÈGLE HIÉRARCHIQUE DE LA "NORME LA PLUS FAVORABLE"

La loi de 1971 trouve son origine dans une loi de 1921 (loi des 8 heures et 48h/semaine). Cette loi est la législation qui marque, en droit belge, le début de l'interventionnisme législatif. Elle concerne tous les travailleurs. A partir de cette date, il y a eu un mouvement continu de réduction du temps de travail. Ce mouvement de réduction quasi linéaire se faisait par la négociation collective. Par celle-ci, les employés obtiennent des réductions de temps, celles-ci sont intégrées dans loi ; d'autres viennent diminuer et sont intégrées dans loi, et ainsi de suite. Pour rappel : règle légale qui préside à ce mouvement de réduction du temps de travail : l'art 28 de la loi de 1971 qui prévoit qu'en cas de réduction de la durée de travail par CCT, il ne peut y avoir réduction du salaire. Ce qui implique une augmentation du salaire/horaire. Les grandes traits de la réglementation actuelle

A. Définition du temps de travail On tient compte soit du travail effectif soit on tient compte également des moments où le salarié est à la disposition de l'employeur (critère de la disponibilité). Enjeu très important. La conception de la disponibilité était beaucoup plus favorable au salarié. La loi de 1921 avait adopté la conception du travail effectif, mais par la suite le législateur a modifié sa conception et a recouru au critère de la disponibilité.

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2) LA DURÉE JOURNALIÈRE ET LA DURÉE HEBDOMADAIRE 8 heures : peu de modification si ce n'est que le droit belge, suite à une directive européenne, a prévu un système de pause (après 6 heures de travail) En ce qui concerne le module hebdomadaire : les modifications se sont succédées. C'est la loi du 10 août 2001 qui est la plus récente. Il s'agit d'une durée légale. C'est la loi sur la conciliation entre l'emploi et la qualité de vie. Au premier janvier 2003, il y aura une réduction de travail à 38 heures maximum. Mais dans certains secteurs économiques, cela peut être moins. Toujours sans réduction de salaire. Cette loi abroge le système antérieur : l'art 48 de la loi de 1996 cesse d'être en vigueur et est remplacé par ce système de la loi du 10 août 2001.

3) STRUCTURE DES DÉROGATIONS ; SURSALAIRES ET REPOS COMPENSATOIRES

Ce sont toujours des normes d'interdiction faite à l'employeur. Ces normes d'interdiction souffrent d'exceptions. Ces exceptions sont faites sur base de circonstances énumérées limitativement (bilan, travaux d'inventaire, travaux ininterruptibles. On s'accorde à considérer qu'il y a deux catégories de dérogations :

- structurelles (qui déterminent le régime de travail de l'entreprise, régime "normalisé") - occasionnelles (comme par ex., le bilan, les inventaires, etc., circonstances exceptionnelles)

A l'heure actuelle, toutes les dérogations font l'objet de repos compensatoires, équivalent au nombre d'heures supplémentaires effectuées. En ce qui concerne, en plus, les dérogations occasionnelles, on prévoit également, selon certaines modalités, des sursalaires.

40. LE RÉGIME DE LA FLEXIBILITÉ Voy. lecture de l'avant-dernière leçon de l'ouvrage de référence On peut distinguer en Belgique, la petite flexibilité de la grande flexibilité.

a) La "petite flexibilité" (art 20bis de la loi de 1971 sur le travail)

1) VERROU COLLECTIF La petite flexibilité est organisée par l'art 20bis de la loi de 1971. Celle-ci permet d'effectuer des heures supplémentaires dans une mesure assez modeste (ne dépassant pas 9 heures/jour et pas 5h supplémentaires/semaine) Elargissement de la structure dérogatoire traditionnelle : on peut faire effectuer des heures supplémentaires en dehors d'événements déterminés. Ce régime ne concerne que la durée du travail. C'est un système qui peut être prévu là où il y a une négociation collective. La flexibilité en question est une flexibilité négociée. L'art 20bis se réfère donc à l'exigence d'une CCT conclue conformément à la loi de 1968. Cependant, à défaut de convention collective, c'est le règlement de travail qui peut instaurer un tel régime. On travaillera plus ou moins selon les nécessités de l'entreprise. Apparaît alors le concept de "durée hebdomadaire moyenne". Au bout d'une certaine période, cette durée hebdomadaire maximale devra être respectée. Apparaît alors l'annualisation du temps de travail : dans ce mouvement, les sursalaires disparaissent.

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2) UN IUS VARIANDI RENOUVELÉ Ces horaires alternatifs peuvent être imposés par l'employeur moyennant un certain délai de prévenance (préavis de 7 jours) apparition d'un nouveau ius variandi.

b) La grande flexibilité : le régime permanent de 1987

1) GENÈSE ET DISPOSITIF NORMATIF Double ensemble organique : loi + convention collective du CNT Pourquoi ? cette grande flexibilité a été précédée de régimes expérimentaux qui ne plaisaient guère aux syndicats et quand il a fallu en faire un régime permanent, ces derniers ont préféré y être partie prenante plutôt que cela ne se fasse sans eux. Cette grande flexibilité est donc l'œuvre de la négociation collective. Ce régime comporte des dérogations au régime légal traditionnel. IL fallait donc qu'il y ait une loi pour établir ces dérogations en vertu de la hiérarchie des sources. C'est pourquoi il y a un double ensemble normatif. Le rôle du CNT a donc été important. Dans les années '60, le CNT avait joué le rôle du législateur et certains s'en étaient émus et ici, dans le cadre de la grande flexibilité, les interlocuteurs sociaux au CNT ont donné de véritables commandements au législateur afin qu'il ne s'écarte pas du projet sur lequel les interlocuteurs sociaux s'étaient mis d'accord.

2) UNE NOUVELLE STRUCTURE DÉROGATOIRE Introduction de nouvelles structures dérogatoires ne concernant pas uniquement la durée journalière et hebdomadaire du contrat de travail : on peut déroger à

- journée de travail - durée hebdomadaire - interdiction du travail dominical - interdiction du travail de nuit - etc. - mais pas les vacances annuelles. Celles-ci restent en dehors du champs de la flexibilité.

3) LE CONCEPT DE DURÉE HEBDOMADAIRE MOYENNE ET DISPARITION DES SURSALAIRES

Cette grande flexibilité repose également sur le concept de durée hebdomadaire moyenne. On a repris le même système que celui de la petite flexibilité. ON peut donc effectuer des heures supplémentaires à condition que au bout d'une certaine période soit respectée la durée hebdomadaire maximale.

4) VERROU COLLECTIF ET VOLONTARIAT Pour y recourir, il faut une CCT. Cette flexibilité négociée est beaucoup plus ferme que celle prévue dans le cadre de la petite flexibilité. Ce verrou collectif se présente de la manière suivante : pour que puisse être instauré un tel régime, il faut une CCT sectorielle, donc conclue au sein d'une commission paritaire. Le rapport de force syndicat/patronat est, dans les CP, en faveur des syndicats. Ce n'est que dans l'hypothèse où la CP n'est pas intervenue pendant un certain délai, que la négociation collective peut glisser au niveau de l'entreprise (le rapport de force est renversé). Cette CCT est soumise à un régime dérogatoire au régime de 1968. Rem. Les CCT peuvent être conclues entre les employeurs et un seul syndicat représentatif. Cela permet des stratégies patronales. Les interlocuteurs sociaux ont vu le problème et ont donc décidé que les CCT devaient être conclues par tous les syndicats représentatifs.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 110.- Par ailleurs, il faut remarquer que le règlement de travail ne joue plus le rôle de verrou collectif. Tout ce qui concerne la grande flexibilité se fait par CCT. Dès qu'il y a CCT, il y aura "passage automatique" dans le règlement de travail (qui, rappelons-le, doit contenir tous les horaires). Pour que le régime de flexibilité puisse jouer à l'égard d'un salarié de l'entreprise, il doit donner son consentement. C'est le principe du volontariat, prévu par une loi de 1987. C'est une exception implicite à la théorie de l'incorporation, que consacre l'art 23 de la loi sur les CCT.

5) UN NOUVEAU MODÈLE DE NÉGOCIATION COLLECTIVE ; LA RÈGLE HIÉRARCHIQUE DE LA SEMI-IMPÉRATIVITÉ

Avant, l'on parlait de CCT-conquêtes. Dans le cadre des CCT de flexibilité, celles-ci sont demandées par le patronat et non plus par les syndicats. C'est pour cela que l'on parle de "verrou collectif". Ce sont des CCT transactionnelles, "donnant-donnant", parce que le système de 1987 prévoit que ces CCT de flexibilité doivent comporter, outre l'organisation du régime, des mesures en faveur de l'emploi. Ces mesures positives en faveur de l'emploi peuvent être modestes : absence de licenciement. Il est à rappeler que c'est la règle de la semi-impérativité qui intervient ici. Tandis que pour le régime traditionnel, c'est le principe de la norme la plus favorable au salarié.

41. LA DURÉE DU TRAVAIL DANS LE CONTRAT DE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL

a) La durée hebdomadaire minimale 1/3 du travail à temps plein. Cette règle est assortir de multiples exceptions. La sanction réside dans une rémunération atteignant le tiers de cette durée hebdomadaire requise. Un salarié est engagé pour un quart-temps. La règle du 1/3 n'est pas respectée. Sa rémunération correspondra au 1/3temps.

b) Le rôle du règlement de travail

c) Une flexibilité intégrée dans le contrat de travail Flexibilité intégrée dans le contrat de travail et qui ne relève pas de la négociation collective. Il suffit que cette flexibilité soit prévue dans les horaires du règlement de travail pour qu'elle puisse être mise sur pied. C'est une flexibilité encore moins protectrice que celle qui concerne les travailleurs à temps plein. Il est à noter que le contrat de travail est doublement atypique - prestation réduite - régime de flexibilité sans autant de garantie que pour les temps plein Cette flexibilité est apparue en 1981. La flexibilité prévue dans le régime originaire est un régime de flexibilité à l'intérieur de la semaine. - Les horaires du temps partiel peuvent être variables. Le nombre d'heures prévu dans le contrat doit être

respecté. - Système de cycles (ex. caissière)

d) Un ius variandi renouvelé

L'employeur peut changer les horaires du travail à l'intérieur de la semaine à condition de respecter un délai de prévenance. On se trouve donc en présence d'un ius variandi modifié. En 1989, on a complété ce régime. C'est la loi programme. La flexibilité propre au temps partiel va s'étendre au delà du module hebdomadaire. Apparition du concept de "durée hebdomadaire moyenne". On pourra donc faire

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 111.- travailler plus que le nombre d'heures de travail convenu tout en sachant qu'au bout d'une certaine période, la durée hebdomadaire maximale devra être respectée. Ce n'est pratiquement plus de la flexibilité négociée.

42. L'INTERDICTION DE TRAVAIL DE NUIT Voy. 3ème leçon

a) Problématique du travail de nuit Au début du droit social, sont intervenues des législations destinées à protéger femmes et enfants. Dans le cadre de ces réglementations, vont intervenir des interdictions du travail de nuit. En 1921, législations sur le temps de travail. Dans cette loi, on prévoit une interdiction du travail de nuit pour les hommes, mais différente de celles pour les femmes (nombreuses exceptions : on oubliera souvent la réalité juridique de cette interdiction).

b) Evolution du système sous l'influence du droit européen et de sa règle d'égalité entre travailleurs masculins et travailleurs féminins

On découvre l'interférence du droit européen et de la jurisprudence de la CJustice en ce sens que le droit européen va imposer dans une directive le principe d'égalité entre travailleurs masculins et féminins, principe d'égalité en matière de conditions de travail. Le droit européen invite les états membres à réviser les législations protectrices pour les femmes lorsque le souci qui les a justifié n'est plus fondé. Ceci va rebondir par la jurisprudence de la Cour de Justice du Luxembourg suite à une affaire française. L'arrêt Stockels Droit français : interdiction du travail de nuit uniquement pour les femmes. Monsieur S. est entrepreneur français qui veut instaurer un régime de travail de nuit dans son entreprise pour les travailleurs masculins et féminins. Il demande le consentement de ses travailleuses pour effectuer un tel travail. Un régime est donc mis sur pied. Monsieur S. a alors certains ennuis avec la justice française parce que il a contrevenu à une réglementation et des sanctions pénales sont à la clé. L'affaire est litigieuse et dans le cadre de ce conflit, une question préjudicielle va être posée à la Cour de Justice. Ne se trouve-t-on pas en présence d'une violation de la règle d'égalité imposée en droit de travail ? La CJustice va se prononcer et va considérer que le souci de protection des anciennes dispositions des femmes n'est plus fondé. Le travail de nuit doit donc faire l'objet d'une réglementation égalitaire entre hommes et femmes. Arrêt Mine Même s'il y a deux interdictions, c'est interdit.

c) La loi du 17 février 1997 Le droit belge a été prié de s'adapter à la règle européenne d'égalité. Ce fut la loi du 17 février 1997, intégrée dans la loi de 1971. Cette loi de 1997 a été faite contre l'avis des syndicats par le gouvernement. Cette législation est égalitaire qui maintient le principe de l'interdiction du travail de nuit. Lorsque le droit social se modifie en réduisant sa composante protectrice des travailleurs, il ne le fait pas ouvertement : le principe d'interdiction est maintenu mais souffre de nombreuses exceptions. Non seulement, il y a toutes les dérogations prévues pour les hommes mais d'autres prévues par AR etc. Structure héritée du droit traditionnel du temps de travail mais cette loi fait également appel à une structure issue de la flexibilité, en ce sens que pour introduire un régime de travail de nuit dans une entreprise, il faut une CCT. Ce verrou collectif est beaucoup moins ferme que celui qui est prévu dans le régime de flexibilité de 1987. IL n'y a pas prééminence de cette négociation sectorielle : pour introduire le travail de nuit, c'est une CCT d'entreprise. Cette CCT devra être conclue par tous les syndicats représentatifs fonctionnant dans une entreprise. Une CCT du CNT établit un encadrement protecteur qui complète donc le régime de l'ordre juridique belge à cet égard.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 112.- Seuls les enfants continuent à bénéficier de cette interdiction du travail de nuit. Dans le cadre de la maternité, il y a un régime particulier du travail de nuit (voy. suspension du contrat de travail).

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 113.-

CHAPITRE 7.-

EXÉCUTION DU CONTRAT ET OBLIGATIONS ESSENTIELLES DE

L'EMPLOYEUR

43. L'OBLIGATION DE FAIRE TRAVAILLER

a) Le principe Cette obligation est énoncée par l'art 20 de la loi organique du contrat de travail de 1978. Cela signifie que l'employeur a l'obligation d'ouvrir les portes de son entreprise au salarié, de mettre à sa disposition un lieu de travail et aussi, mais c'est supplétif, l'employeur doit fournir les instruments, les matériaux, etc. nécessaires à l'exécution du contrat. C'est cette obligation qui n'est pas respectée en cas de "lock out". Il y a en ce cas manquement à une obligation contractuelle

b) La spécificité de l'obligation dans le cadre du travail à domicile

Cette obligation présente une configuration particulière dans le cadre du travail à domicile. Le travail à domicile est réglé par une loi de 1996 insérée dans la loi de 1978. L'art 119 prévoit ainsi, par dérogation à l'art 20, qu'il n'y a pas d'obligation de faire travailler dans le cadre du travail à domicile. Cependant, l'employeur a l'obligation de fournir l'objet du travail, mais il n'a pas l'obligation de fournir le lieu de travail.

c) L'obligation de faire travailler et la mise à la disposition d'un tiers

La loi de 1987 contient deux parties : le contrat de travail intérimaire et la mise à la disposition d'un tiers (ou prêt personnel). La problématique est la suivante : un employeur conclut un contrat de travail avec un travailleur. Cet employeur peut-il remplir son obligation de faire travailler en le mettant à la disposition d'un tiers ? Est-ce licite ? Le principe retenu par la législation, en son art 31, est celui de l'interdiction de la mise à disposition lorsque le tiers dispose de tout ou partie de l'autorité patronale. Cela signifie que le législateur belge consacre la figure juridique classique du rapport salarial, à savoir un rapport salarial bilatéral et le législateur refuse donc d'admettre des relations triangulaires de travail parce qu'il y voit des fraudes à la loi, etc. Il n'y a donc pas d'interdiction dans les cas où le tiers ne dispose pas de l'autorité patronale (ex. détachement, prestations de services, etc.)

Ill. Un employeur conclut un contrat avec un sous-traitant pour une activité périphérique à sa propre production (ex. gestion de l'informatique confiée à une autre entreprise). Ce sous-traitant va s'occuper de cette gestion de l'informatique à l'aide de ses propres salariés. Ces salariés vont travailler dans le cadre géographique du premier employeur mais pas sous son autorité. Ils demeurent sous l'autorité de leur propre cocontractant, le sous-traitant, en l'espèce.

Ce cas de figure est licite.

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d) Dérogations à ce principe Ces dérogations se multiplient et l'on peut actuellement se demander si le principe d'interdiction n'est pas entièrement vidé de sa substance.

- Quant au travail intérimaire : le travail intérimaire est admis par la loi de 1987 à condition que l'entreprise intérimaire ait un agrément (voy. supra). Rappelons cependant que cette dérogation concerne l'hypothèse où l'activité de l'entreprise n'est pas une activité de production mais le cas où l'activité de l'entreprise intérimaire est d'engager des salariés afin de les mettre à la disposition d'utilisateurs.

- Quant aux entreprises dont l'objet ne constitue pas la mise à disposition au service de tiers. Cette

deuxième dérogation concerne l'hypothèse de "prêt de personnel occasionnel", admise, selon certaines conditions, par l'art 32 de la loi de 1987. Plusieurs conditions sont requises pour qu'un employeur puisse prêter son personnel occasionnellement à un tiers, dont notamment l'autorisation d'un fonctionnaire, l'accord du travailleur, ainsi qu'un "verrou collectif" (l'entreprise utilisatrice doit avoir l'accord de sa délégation syndicale).

- De nouvelles dérogations se mettent en place : la loi du 12 août 2000 qui prévoit la possibilité de mettre

sur pied des nouvelles relations triangulaires de travail, le seul problème étant que l'AR d'exécution ait déjà été abrogé. Il semble cependant que ce genre de relations triangulaires se développent. On se dirige vers une mutation des relations de travail classique. Au sens de M. Jamoulle, le principe d'interdiction est dilué et le point d'orgue de cette dilution est un ajout dans l'art 31 par la loi du 12 août 2000 : "Ne constitue pas l'exercice de l'autorité patronale, le respect par les tiers des obligations concernant la santé et la sécurité du travailleur (bien – être), instructions données portant sur le temps de travail et l'exécution du travail conventionnel"

44. L'OBLIGATION DE PAYER LE SALAIRE

a) Fixation du montant des salaires et indexation

1) LE SYSTÈME TRADITIONNEL ; L'AUTONOMIE DES VOLONTÉS COLLECTIVES

Le système repose sur une distribution de compétence entre le législateur et les interlocuteurs sociaux. Il est admis que le législateur n'intervient pas lui-même mais que ce sont les interlocuteurs sociaux qui vont fixer les montants des salaires. C'est donc dominé par la négociation collective. C'est le règne du principe de la norme la plus favorable au travailleur. Ce système de fixation des salaires n'est pas propre à la Belgique. Particularité belge : Ces conventions fixent non seulement des minima mais également des mécanismes d'indexation automatiques en cas d'augmentation du coût de la vie, établi sur base de l'index. Ce système dispense les syndicats de renégocier en cas d'augmentation du coût de la vie.

2) LES INTERVENTIONS SUCCESSIVES DU LÉGISLATEUR ET DU POUVOIR EXÉCUTIF

Dès 1975, le législateur va revenir sur son abstentionnisme en matière de salaire et par différentes mesures temporaires, provisoires, par des AR, etc., ce dernier va tenir en échec le système traditionnel, dominé par l'autonomie des volontés collectives. Le législateur va bloquer les salaires, établir des modérations salariales,…

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3) LE SYSTÈME ACTUEL ET LE SYSTÈME DE LA LOI DE 1996 SUR LA PROMOTION DE L'EMPLOI ET LA SAUVEGARDE PRÉVENTIVE DE LA COMPÉTIVITÉ

a. LE SYSTÈME ACTUEL PRÉSENTE UNE CERTAINE STABILITÉ. Dans la même année, il y a eu 3 sauts d'index (neutralisation du jeu de l'indexation par l'effet d'intervention législative). Dans les années 80, il y a eu cette neutralisation à concurrence de 2% (salaires ont perdu 6%). Il y a eu donc une sorte d'épargne sur salaire de 6% et pour éviter que cette épargne sur salaire, on a prévu une cotisation de modération salariale, destinée à renflouer les caisses des organismes de sécurité sociale. On se réfère également à un index particulier : joue désormais l'indice-santé, dont on a exclut les produits qui sont de nature à faire monter facilement l'index (ex. alcool, tabac, essence, etc.). Cet indice est plus favorable aux travailleurs que les autres indices. On va également recourir à un indice lissé : lorsqu'il y a une augmentation de l'index, l'augmentation des salaires doit perdurer en moyenne pendant 3 mois. L'augmentation des salaires ne se fera pas immédiatement mais après 3 mois.

b. QUANT AU BLOCAGE DES SALAIRES La loi de 1996 permet d'éviter les mesures autoritaires prises avant la loi (intervention directe du pouvoir exécutif) qui ne plaisaient pas beaucoup à l'OIT. Afin d'éviter les critiques de l'OIT et de respecter le principe de la négociation collective, un nouveau système a été élaboré. A l'échelon national, les CNT et CCE vont faire un rapport commun qui se feront sous le couvert de leurs fonctions consultatives. Ce rapport portera sur l'évolution du coût salarial en Belgique. Cette analyse se fera par rapport à des pays de référence (Hollande, Allemagne et France). Ces rapports sont transmis aux Chambres Ensuite le CCE va faire un rapport technique, dans lequel il prévoit les marges maximales pour l'évolution du coût salarial. Il va donner le pourcentage que ne peut dépasser les conventions collectives : il limite le champs du négociable au niveau des commissions paritaires et de l'entreprise. C'est la norme de modération salariale (NB. Toujours consultatif). Mais encore faut-il que cette norme devienne juridique afin d'être contraignante. Il s'agit de transformer les normes techniques en normes juridiques : c'est la négociation collective. L'idée est que cette norme soit reprise dans une CCT conclue au sein du CNT. Cette norme va alors s'imposer à la négociation collective aux échelons inférieurs. Les interlocuteurs sociaux de la CNT restent libres de refuser de transformer la norme technique en norme juridique. De nombreux incitants sont cependant là pour pousser à ce faire. Au cas où il y aurait quand même refus, le pouvoir subsidiaire du Pouvoir exécutif revient : la norme sera coulée dans un AR. La norme la plus favorable au travailleur ne joue plus : les commissions paritaires et le niveau de l'entreprise ne pourront pas dépasser cette norme salariale.

b) Le régime juridique de la créance de salaire Ce régime est régi par la loi de 1965 sur la protection de rémunération. Cette loi protège la rémunération par différents mécanismes. Il s'agit également de définir la rémunération. Voy. la leçon sur les notions de rémunération La rémunération est une notion très extensive. Les sommes protégées par la loi de 1965 englobent non seulement la contrepartie du travail, mais également le salaire d'inactivités et toutes les sommes dues en raison de l'engagement (beaucoup plus large que la contrepartie du travail : indemnités de rupture, remboursement des fonds professionnels, etc.).

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1) LA LOI DU 22 MAI 2001 La loi est relative à la participation des travailleurs au capital et aux bénéfices de la société. Cette loi permet des plans de participation des travailleurs au capital ("actionnariat ouvrier") et au bénéfice des sociétés. Dans cette législation, l'art 32 prévoit que la participation au bénéfice et au capital ne constitue pas une rémunération au sens de la loi de 1965. Il s'agissait en effet de ne pas créer des plans de participation afin de diminuer les salaires. Le législateur prend donc la précaution de ne pas inclure cette participation au sens de rémunération. Cette disposition contredit une jurisprudence ancienne de la Cour de Cassation, qui considérait que la participation aux bénéfices constituait une rémunération. Le législateur emprunte une voie opposée à la jurisprudence.

2) LE PRINCIPE DE LA LIBRE DISPOSITION DU SALAIRE ET PRINCIPE DU PAIEMENT EN ESPÈCE

Cette loi trouve son origine dans une législation du 19ème siècle, qui visait à interdire des pratiques patronales, comme le "troc system" et cette législation a émis un principe : "le principe de la libre disposition du salaire". C'est l'art 3 de la loi de 1965. Corollaire : principe du paiement en espèce (et non en nature). Ce principe souffre d'exceptions limitativement exprimées dans la loi. Ces avantages en nature ne peuvent dépasser une certaine quotité de l'ensemble de la rémunération. Corollaire 2 : La monnaie doit avoir cours légal en Belgique. La Cour d'Arbitrage a eu l'occasion de se servir de cette loi de 1965 et d'invoquer ce principe porté par l'art 3 (libre disposition du salaire) : arrêt du 27 janvier 1993. Cet arrêt est rendu sur base de l'art 24 const. Les enseignants de la communauté française voyaient une partie de leurs salaires payés sous forme de chèques-repas. La Cour d'Arbitrage n'appréciera pas ce système qui ne respecte pas l'art 3. La Cour d'Arbitrage va dire que les communautés n'ont pas compétence pour déroger à cette règle de l'art 3 de la loi de 1965, assortie de sanctions pénales. En effet, contrairement à ce qu'exige l'art 3, les chèques-repas ne sont négociables que dans certains établissements et non dans tous les magasins. Il n'empêche que cette pratique est restée généralisée.

3) EXIGIBILITÉ, PÉRIODICITÉ, MOMENT ET MODALITÉS DE PAIEMENT

Quant à la flexibilité du temps de travail : le régime permet un travail "en dents de scie". De manière à éviter que les rémunérations ne fluctuent avec le travail, on a prévu une rémunération lissée. La rémunération correspondra à la durée moyenne hebdomadaire. Quant aux salaires qui ne sont pas fixés en fonction du nombre d'heures (salaires fixés en fonction du résultat, etc.) : réglementations particulières en ce qui concerne les commissions des représentants de commerce, quant aux règles relatives aux unités de mesure, etc. ; CCT n° 68 du 16.6.98, AR 20/09/98 qui admet la surveillance par caméras (aussi pour surveillance du travail accompli par salaire pour déterminer le montant de la rémunération) La loi de 1965 définit la fonction du paiement. Le paiement se fait de la main à la main ou de manière scripturale selon le choix du Conseil de l'entreprise ou de la délégation syndical. L'art 10 L. 1965 détermine qu'à partir du moment où la rémunération devient exigible, les intérêts vont courir de plein droit (donc pas de mise en demeure : favorable au travailleur, ce qui prolonge l'impérativité du droit social) Quant à la protection du salaire à l'égard de l'employeur et des créanciers du salarié :

- à l'égard de l'employeur : hypothèse de la retenue. Un salaire est pro mérité et devenu exigible. Dans quelle mesure l'employeur peut-il opérer une retenue sur le salaire ?

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o Retenues obligatoires (précompte professionnel, retenue fiscale, sécurité sociale) : on retient à la source. (rémunération brute ≠ nette). Affectation obligatoire : une sorte de mandat impératif et légal.

o Retenues facultatives (énumération limitative avec une quotité maximale : 1/5 de la rémunération payable à chaque paye). Des dommages et intérêts dus par le salarié quand sa responsabilité est engagée vis-à-vis de l'employeur ou des amendes (sanctions disciplinaires) peuvent être réclamées.

- À l'égard des créanciers du salarié : régime d'incessibilité et d'insaisissabilité partielles. Deux objectifs contradictoires (libre disposition du salaire et droit du salarié à bénéficier d'un crédit) expliquent ce régime.

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CHAPITRE 8.-

L'OBLIGATION DE SÉCURITÉ

45. LES OBLIGATIONS DE SÉCURITÉ PRÉVUES PAR LA LOI CONTRACTUELLE

Pour le salarié, cette obligation de sécurité reste modeste telle qu'organisée par la loi organique. Cette obligation de ne pas nuire à sa propre sécurité, à sa santé, à la santé ou à la sécurité des compagnons de travail et de son employeur. C'est donc une obligation négative. Pour l'employeur, l'obligation devient positive. C'est une obligation de veiller à la santé et à la sécurité du travail avec les soins d'un bon père de famille. L'obligation de sécurité dont est titulaire l'employeur est une obligation de moyens. Cette obligation est tout à fait abstraite. Ces obligations contractuelles de sécurité et en particulier celle de l'employeur sont des normes dépourvues de presque tout impact juridique parce que d'autres mécanismes juridiques s'y sont substitués. IL y a donc des substitutions qui vont principalement se déployer dans deux directions.

46. L'INTERFÉRENCE DES LÉGISLATIONS RELATIVES AU RISQUE PROFESSIONNEL ; LES EXONÉRATIONS DE RESPONSABILITÉ (RENVOI)

A. Deux législations sont relatives au risque professionnel

- loi sur les accidents du travail (assurance privée) - loi sur les maladies professionnelles (sécurité sociale)

Ces lois prévoient une indemnisation automatique dès qu'il y a réalisation des risques (dès que ses conditions objectives sont remplies) C'est donc une des raisons pour lesquelles l'obligation de sécurité contractuelle ne joue pas. B. Exonérations de responsabilité : renvoi. L'employeur supporte le risque professionnel : il bénéficie donc d'une exonération de responsabilité.

47. LE RÈGLEMENT GÉNÉRAL POUR LA PROTECTION DU TRAVAIL

Ce RGPT précise et énumère avec un détail incroyable toutes les mesures de sécurité qui doivent être prises par l'employeur. Des sanctions pénales sont prévues, contrairement à l'obligation de sécurité prévue dans la loi organique. Il y également des obligations positives pour le salarié.

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48. LA RÉNOVATION OPÉRÉE PAR LA LOI DE 1996 RELATIVE AU BIEN-ÊTRE DES TRAVAILLEURS DANS L'EXÉCUTION DE LEUR TRAVAIL

En droit belge, un découpage net se fait entre les problèmes d'indemnisation et les problèmes de prévention. Cette loi de 1996 concerne uniquement la prévention et l'organisation de l'entreprise sous l'angle de la sécurité. Cette loi a vu le jour sous l'influence du droit communautaire. Le droit CE comporte un dispositif quasi complet en matière de santé et de sécurité des travailleurs, sans doute afin d'uniformiser la concurrence entre entreprises des états membres. Dans cette loi de 1996, il y a un élargissement de la notion de santé et de sécurité.

a) L'élargissement des obligations de sécurité On parle désormais de bien-être. Au delà de la santé physique, on va ajouter la santé psychologique et par ex., la question du stress va faire l'objet de certaines normes juridiques : c'est l'AR du 21 juin 1999 qui rend obligatoire la CCT n° 72. Cette CCT fait obligation pour l'employeur de mener une politique visant à prévenir collectivement le stress. Au niveau de l'exécution de chaque contrat de travail, il n'y aurait semble-t-il aucune obligation individuelle.

b) L'organisation de l'entreprise sous l'angle de la sécurité

La loi envisage la sous-traitance. Elle concerne tous ceux qui sont amenés à rentrer dans l'entreprise : élargissement des personnes concernées.

1) GESTION DES RISQUES, POLITIQUE DE PRÉVENTION ET INFORMATION DES TRAVAILLEURS

2) CONCERTATION SOCIALE ET SERVICES DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION AU TRAVAIL (RENVOI)

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CHAPITRE 9.-

LES OBLIGATIONS ACCESSOIRES

49. LES OBLIGATIONS ACCESSOIRES RÉCIPROQUES Réciproques car elles sont prévues à la fois pour l'employeur et pour le salarié. Elles sont également décrites en termes identiques. Ce sont des obligations qui peuvent être reliées au principe civiliste de l'exécution de bonne foi des contrats. L'application est symétrique mais va appeler à une interprétation différente selon qu'elle s'applique à l'employeur et au salarié.

a) Respect et égards mutuels

b) Respect des convenances et des bonnes mœurs L'obligation patronale concerne au premier chef le comportement de l'employeur et des salariés de l'entreprise. L'employeur est tenu de veiller au climat moral de l'entreprise et, depuis récemment, veiller à ce qu'aucun harcèlement sexuel ne sévisse dans l'entreprise. Un AR du 18 sept. 1992 oblige l'employeur d'afficher les mesures visant à informer les travailleurs de la procédure à laquelle le travailleur victime de harcèlement sexuel peut recourir. Une loi de 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes qualifie le harcèlement sexuel de discrimination.

50. LES OBLIGATIONS ACCESSOIRES SPÉCIFIQUES

a) Dans le chef du salarié Ce sont des obligations négatives présentant la caractéristique de continuer à exister après la dissolution du contrat.

1) L'OBLIGATION DE DISCRÉTION Cette obligation est conçue de manière extensive : elle concerne les secrets d'ordre professionnel mais également tous les comportements de caractère personnel dont le salarié aurait eu connaissance en raison de l'exécution du contrat.

2) L'INTERDICTION DE CONCURRENCE DÉLOYALE

3) LA PROBLÉMATIQUE DE LA CONCURRENCE DU SALARIÉ À L'ÉGARD DE L'EMPLOYEUR

Le salarié peut-il faire concurrence à son employeur soit en faisant concurrence personnelle (travailleur indépendant) soit en s'engageant auprès d'un employeur concurrent ? Il ne s'agit plus ici de concurrence déloyale. Il faut distinguer deux périodes

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- au cours de l'exécution du contrat - après la dissolution du contrat

a. AU COURS DE L'EXÉCUTION DU CONTRAT Ce problème n'est pas réglé expressément par la loi sociale mais il n'existe aucune controverse à cet égard : en raison de l'exécution de bonne foi, le salarié ne peut pas au cours de l'exécution du contrat faire concurrence à son employeur. Le salarié ne peut compromettre la réalisation de l'intérêt patronale en faisant un travail concurrent. Le salarié renonce donc à la liberté de travailler dès lors qu'un contrat de travail est conclu.

b. APRÈS LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; LA RÉGLEMENTATION DES CLAUSES DE NON CONCURRENCE

Le salarié retrouve sa liberté de travail et peut dès lors, en principe, faire concurrence à son employeur à condition que ce ne soit pas déloyal. Dans certains contrats, l'employeur s'est prémuni contre ce danger via les clauses de non concurrence. Ces clauses sont réglementées strictement par le législateur. Ce sont les arts 65, 104 et ss. de la loi organique du contrat de travail. Tantôt elles sont déclarées nulles (ex. loi sur les sportifs non rémunérés, ouvriers) : volonté du législateur de limiter la licéité de ces clauses.

b) Dans le chef de l'employeur

1) L'ACCUEIL DES TRAVAILLEURS DANS L'ENTREPRISE

2) DEVOIRS DU CULTE ET OBLIGATIONS CIVIQUES

3) CONSERVATION DES INSTRUMENTS DE TRAVAIL ET DES EFFETS PERSONNELS DU SALARIÉ

4) RECLASSEMENT PROFESSIONNEL Nouvelle obligation patronale qui est prévue par la loi du 5 sept. 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs. Cette législation prévoit en particulier pour les travailleurs âgés de 45 ans et plus un droit à une procédure de reclassement professionnel. Cette procédure sera organisée par CCT et AR.

5) L'OBLIGATION DE DÉLIVRER LES DOCUMENTS SOCIAUX (ART 21 L. ORGANIQUE DE 1978)

C'est une obligation également prévue par l'art 36 L. sur la protection de la rémunération. Ces documents sociaux doivent être délivrés lors de la dissolution du contrat. IL s'agit pour l'employeur de délivrer des fiches fiscales, ainsi que le document "C4" ("sésame" dans la procédure pour obtenir des allocations de chômage par l'ex-salarié)

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CHAPITRE 10.-

RESPONSABILITÉ ET SANCTIONS Renvoi à la leçon 10

51. LES ÉXONÉRATIONS DE RESPONSABILITÉ CIVILE PRÉVUES PAR LES LÉGISLATIONS RELATIVES AU RISQUE PROFESSIONNEL

- lois sur les maladies professionnelles - lois sur les accidents professionnels Ces lois s'accompagnent d'exonération civile à l'égard de l'employeur et du salarié.

52. L'ART 18 DE LA L. ORGANIQUE DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) Analyse de la norme Dérogation au principe de responsabilité que comporte le droit civil : le salarié est exonéré d'une catégorie particulière de ses fautes = la faute légère occasionnelle. Il reste responsable de son dol, de sa faute lourde et légère habituelle. Cette exonération est modeste mais est étendue : elle va couvrir toutes les fautes légères occasionnelles commises par le salarié dans l'exécution du contrat. Cette exonération va donc jouer aussi bien pour la responsabilité contractuelle que pour la délictuelle (va jouer également à l'égard des tiers).

b) Le fondement de l'atténuation de responsabilité du salarié

Le législateur social considère qu'en définitive il n'est pas possible d'exécuter des prestations professionnelles sans commettre des fautes légères. Dès lors, celles-ci, si occasionnelles, vont être considérées comme des fatalités du travail. Cela signifie également que de telles fautes deviennent pour l'employeur des risques d'exploitation que l'employeur est appelé à assumer. Le législateur déplace donc la frontière entre comportement fautif et non fautif. NB. Cette atténuation de responsabilité a été en premier lieu créée pour les conducteurs de camion

c) Jurisprudence de la Cour de Cassation et de la Cour d'Arbitrage

Cass. 18.11.1981 Un salarié par sa faute légère occasionnelle provoque un préjudice à un tiers (par ex. client de l'entreprise). L'art 18 s'applique également à la responsabilité délictuelle. Quid de la responsabilité du commettant (art 1384, al 3 CC) ? L'art peut jouer, l'art 18 prévoyant une exonération de responsabilité personnelle pour le salarié. Qu'en penser ? Cet arrêt est conforme à l'attitude classique de la cour de cassation et qui consiste à interpréter de manière exégétique le droit social et de retourner immédiatement au droit civil. La Cour de Cassation s'inscrit donc dans le droit fil de sa jurisprudence.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 123.- IL faut toutefois remarquer que cette solution est conforme également à la philosophie qui sous-tend l'art 18 (exonération de responsabilité) en ce sens que la faute légère occasionnelle fait partie des risques d'exploitation que l'employeur est appelé à assumer. Ce qui se vérifie dans l'arrêt. Cass. 25.01.93 Problème de la responsabilité de l'instituteur et du maître à l'égard des préjudices causés par les élèves et les apprentis. C'est l'art 1384, al 4. Il établit une présomption de responsabilité à charge des instituteurs et maîtres pour les dommages causés par les élèves et apprentis lorsqu'ils sont sous leur surveillance. Cette présomption peut être renversée en prouvant qu'il n'a pas commis de faute en ce qui concerne la surveillance des élèves. S'est posée la question de savoir ce qui allait se passer dans une hypothèse où l'art 18 est appelé à jouer. La Cour va procéder à une sorte d'"altération" de la norme civiliste par la combinaison avec l'art 18, norme de droit social. La Cour va admettre que l'instituteur peut échapper à sa responsabilité alors même qu'il aurait commis une faute légère occasionnelle (>< art 1384, al 4 s'il prouve son absence de faute). CA, 17.02.1999 L'art 18 viole-t-il la règle d'égalité ? La victime ne fait-elle pas l'objet d'une discrimination parce qu'elle va être traitée différemment selon qu'elle soit la victime de la faute d'un travailleur se trouvant sous situation statutaire ou de la faute d'un salarié ? La victime ne pourra pas se retourner contre le salarié tandis qu'elle le pourra si le travailleur est sous statut. Selon la CA, il n'y a pas discrimination parce que la responsabilité du commettant est toujours possible. Il y a référence implicite (ne cite pas l'arrêt) de la CA à la jurisprudence de la Cour de Cassation de 1981. CA, 09.02.2000 La CA va admettre la discrimination, qu'il y a violation de la règle constitutionnelle d'égalité bien qu'il n'y ait pas de contradiction directe entre les deux arrêts. La question préjudicielle était en effet différente. Il s'agissait de savoir s'il n'y avait pas une discrimination entre les instituteurs salariés (pouvant bénéficier de l'art 18) et ceux sous situation statutaire (ne pouvant pas en bénéficier). La CA va dire que la règle d'égalité est violée parce que les instituteurs sous statut sont responsables de leurs fautes tandis que les autres pas. La CA va estimer que cette différence de traitement n'est pas justifiée vu la similitude des relations de travail, comparées notamment sous l'angle de la subordination juridique. Cette jurisprudence est tout à fait à l'opposé d'un autre arrêt de la CA (refus de comparer les situations contractuelle et statutaire du personnel de la RTBF).

53. LES SANCTIONS CIVILES

a) L'interdiction des clauses pénales Le droit social comporte une règle d'interdiction de ces clauses, c'est-à-dire que des fixations forfaitaires et à l'avance des dommages et intérêts sont interdites. Comment les fixer ? La loi décide qu'ils seront fixés

- soit après accord des parties après la réalisation du préjudice - si pas d'accord, l'employeur intente une action en justice.

S'il y a accord, pour récupérer les sommes dont le salarié est débiteur, l'employeur peut faire appel au mécanisme des retenues. NB. limitation des retenues à 1/5 de la rémunération nette payable à chaque paie. Cette limitation ne joue pas si le salarié a commis un dol, exception strictement limitée au dol (Cass. 07.03.98)

b) L'exclusion de l'astreinte

1) LE PRINCIPE DE L'EXCLUSION Art 1385bis qui trouve son origine dans une convention Bénélux de 1973. Cet article concerne l'interdiction de l'astreinte pour les actions en exécution du contrat de travail, conformément à une faculté octroyée par la Convention. L'astreinte constituerait pour le travailleur une grave atteinte à sa liberté individuelle. Cette exclusion a été conçue de façon bilatérale : elle concerne non seulement le travailleur mais également l'employeur. Le législateur est allé au delà du fondement de l'exclusion. En définitive, ce principe va être vidé d'une grande partie de sa substance par l'effet d'une double jurisprudence.

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2) L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE (BENELUX) DU 20 OCT. 1997

CJB va admettre le jeu de l'astreinte pour l'obligation patronale de délivrer les documents sociaux lors de la rupture du contrat. Justification ? CJB dit que ce n'est pas une action en exécution du contrat de travail, parce que

- C'est une action introduite après la cessation du contrat. - C'est une action concernant des obligations non caractéristiques du contrat de travail.

Qu'en penser ? Ce n'est pas très pertinent. La distinction chronologique est plus que douteuse. En ce qui concerne la deuxième justification, c'est une vision juridique qui méconnaît la théorie de l'incorporation. Le contrat étant devenu un contrat statut (nourri de normes extérieures à la volonté des parties), il faut donc considérer que cette obligation patronale est une obligation contractuelle. Ce n'est pas ce que fait la CJB.

3) LE JEU DE L'ASTREINTE DANS LE CADRE DES CONFLITS DU TRAVAIL (RENVOI)

54. LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES

a) Le principe (art 16 L. 1965 sur le règlement de travail)

Nature juridique : Sanctions civiles dont dispose l'employeur pour réprimer le trouble à la discipline de l'entreprise commis par les salariés. Seules peuvent être appliquées les sanctions disciplinaires prévues par le règlement de travail. En définitive, sur ce point, le règlement de travail a une force obligatoire impérative (alors que normalement supplétif).

b) La réglementation des amendes Le règlement peut prévoir les amendes, parce qu'une réglementation est expressément prévue dans la loi de 1965 sur le règlement de travail. C'est une réglementation très stricte. Toute une procédure est prévue : des retenues facultatives sont possibles (1/5 du salaire journalier). Le règlement peut prévoir d'autres sanctions disciplinaires. Le problème a été abordé dans un arrêt de la Cour de Cassation.

c) L'arrêt de la Cour de Cassation du 10 oct. 1998 Il s'agissait d'un système de rétrogradation prévue à titre de sanctions disciplinaires. La Cour de Cassation va considérer que la rétrogradation en question, prévue dans le règlement de travail, est la modification d'un élément essentiel du contrat (vu que la nature des fonctions va changer). L'art 25 L. 1978 va être également invoqué : c'est l'interdiction du ius variandi contractuel. Dans cet arrêt, la Cour va appliquer l'art 25 dans cette hypothèse. Cet arrêt montre que la Cour ne recourt pas à une interprétation exégétique du droit social. Le champs d'application de l'art 25 est donc élargi ici. Elle recourt à une interprétation systémique.

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55. LES SANCTIONS PÉNALES

a) L'immunité pénale des salariés ; principe et exceptions

En droit pénal social, le principe est que les salariés bénéficient de l'immunité pénale. Le droit pénal social sanctionne l'employeur mais pas les salariés. C'est un principe sous-tendu par l'idée que le droit social est un droit de protection des travailleurs. Ce principe est assorti d'exceptions.

- ce droit ne concerne que le droit du travail (et non la sécurité sociale : sanctions pénales nombreuses pour les assurés sociaux qui se livreraient à des fraudes)

- certains cas du droit du travail prévoient des sanctions pénales o Préposés sont assimilés à l'employeur

"préposé" en droit social ≠ "préposé" en droit civil : ce terme a une acception plus limitée en droit social ; ce sont des salariés qui remplissent vis-à-vis des autres salariés certaines fonctions patronales.

o L. organique de 1978 concernant les obligations de concurrence déloyale, de discrétion, etc. o Etc.

b) De la responsabilité pénale de l'employeur aux amendes administratives (loi du 30 juin 1971)

Les sanctions pénales établies à charge de l'employeur sont des sanctions susceptibles d'être remplacées par des amendes administratives (sans le caractère infamant des sanctions pénales). Dans une certaine mesure, il semblerait que les amendes administratives vont prendre le dessus sur les sanctions pénales. Celles-ci sont très critiquées à l'égard des employeurs et par la CA. On se dirige vers un système où la sanction de principe serait administrative. C'est en voie d'évolution.

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CHAPITRE 11.-

LA SUSPENSION DU CONTRAT

56. DE LA FORCE MAJEURE TEMPORAIRE À LA SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) La référence au droit civil (art 26 L. organique du contrat de travail)

Cet article évoque le concept civiliste de force majeure temporaire qui provoque la suspension du contrat. La force majeure temporaire est appelée à jouer dans un contrat synallagmatique et de par l'application de la théorie des risques, l'obligation de l'autre cocontractant se retrouve elle aussi suspendue. Il s'agit de la force majeure temporaire; si elle était complète, on se trouverait face à un mode de dissolution du contrat.

b) La multiplication des cas de suspension ; développements légaux et conventionnels

Des développements multiples se font par l'effet de lois, conventions collectives, etc. et débouchant sur une organisation autonome de la suspension par rapport au droit civil. Cette matière a donc acquis son autonomie face au droit civil.

c) La complémentarité des deux régimes Ceci dit, il y a quand même une existence parallèle des deux régimes. Dans les hypothèses où l'organisation autonome propre au droit social de la suspension ne règle pas la suspension, le régime civiliste s'applique.

57. LE CONCEPT DE SUSPENSION

a) Le procédé de l'énumération des causes de suspension

Le droit social ne connaît pas un concept analogue au concept civiliste de force majeure temporaire. Le droit social est animé par une rationalité concrète, il va donc recourir au procédé de l'énumération. Le droit social va décréter que tel événement, telle circonstance détermine des hypothèses de suspension.

1) ILLUSTRATIONS

- incapacité de travail du salarié - les "petits chômages" = jours de congé accordés au salarié pour divers évènements (notamment en

raison de leur vie familiale ou privée ; par ex. mariage, naissance, etc.) - le congé politique (régi par une L. de 1976) : le salarié souhaite remplir un mandat politique et demande

donc une suspension de son contrat.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 127.- Il existe cependant des exceptions à cette démarche du législateur et l'on trouve de temps en temps des hypothèses plus abstraites érigées en cas de suspension du contrat :

2) LE CONGÉ POUR RAISONS IMPÉRIEUSES Concept abstrait défini à la L. du 29 mai 1991 : 10 jours de congé non payés (contrairement au petit chômage) accordés pour raisons impérieuses, c'est-à-dire l'événement imprévisible, indépendant du travail, qui requière l'intervention urgence et indispensable du salarié, intervention normalement impossible en raison de l'exécution du contrat. Ex. hospitalisation ou maladie d'un enfant

3) SYSTÈME DE CRÉDIT TEMPS DE DIMINUTION DE CARRIÈRE ET DE RÉDUCTION DE PRESTATIONS DE TRAVAIL À MI-TEMPS. (L. 10 AOÛT 2001 SUR LA CONCILIATION ENTRE EMPLOI ET QUALITÉ DE LA VIE)

Ce système ne s'articule pas sur un événement ou une circonstance déterminée. C'est un droit subjectif accordé au salarié ayant une certaine ancienneté de diminuer l'importance du volume horaire afin de concilier l'emploi avec la qualité de vie.

b) Les composantes de la suspension

1) L'ABSENCE DE PRESTATION DE TRAVAIL

a. SUSPENSION TOTALE, PARTIELLE ET HEURES DE CONGÉ Elle est - tantôt totale (ex. congé de maternité) - tantôt partielle (ex. suspension du contrat pour cause économique ; à l'égard des ouvriers, existe un

mécanisme permettant à l'employeur de suspendre le contrat en raison de difficultés économiques et pouvant prendre différentes formes : suspension totale ou suspension partielle).

- Elle peut également prendre la forme d'heures de congé (ex. congé-formation : dans certaines conditions, les salariés ont le droit d'améliorer leur formation professionnelle dans les heures normalement consacrées au travail, ce sont les anciens crédits d'heures ; L. du 22 janvier 1985 modifiée par la L. 26 mars 1999)

Cette absence de prestation de travail est tantôt due au fait du salarié tantôt de l'employeur.

b. DUE AU FAIT DU SALARIÉ Le salarié invoque la cause de justification pour être déchargé de son obligation de travailler.

c. DUE AU FAIT DE L'EMPLOYEUR L'employeur invoque la cause de suspension, de justification pour être déchargé de son obligation de faire travailler. Etant déchargé de cette obligation, la prestation de travail n'a évidemment pas lieu. C'est le cas pour la suspension pour cause économique, mais également de l'accident technique dans l'entreprise et des intempéries.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 128.- Comme rien n'est prévu par le droit social pour les employés, on revient au droit civil (théorie des risques et force majeure temporaire). Cette obligation patronale de faire travailler est moins ferme pour les ouvriers que pour les salariés.

2) LE CARACTÈRE LÉGITIME DE LA SUSPENSION

a. L'ABSENCE DE RÉFÉRENCE À L'IMPOSSIBILITÉ D'EXÉCUTION Concept plus extensif que la force majeure. Le droit social atteste un abandon largement généralisé au critère d'impossibilité d'exécution. Dans la force majeure temporaire, il faut impossibilité d'exécution. Cette caractéristique n'existe plus dans les différents cas de suspension du contrat organisés par le droit social. Ex. congés de maternité : pas nécessairement impossibilité d'exécution Ex. suspension du contrat pour cause économique Ex. interruption de carrière

b. L'IRRELEVANCE DE CERTAINES FAUTES DU DÉBITEUR La faute n'intervient plus systématiquement pour tenir en échec le jeu de la suspension. En droit civil, par contre, s'il y a force majeure s'accompagnant de la faute du débiteur, il n'y aura pas force majeure temporaire. Ce n'est pas le cas dans de nombreuses hypothèses de suspension organisées par le droit civil : Ex. suspension du contrat pour cause économique : le ralentissement des affaires peut être du à des erreurs de gestion de l'employeur, rien n'empêcher la suspension du contrat. Ex. incapacité de travail : en pareil cas, il y a maintien partiel de la créance de salaire. Le législateur prévoit ce droit au salaire garanti sauf certaines exceptions (en ce compris, la faute grave commise par le salarié). A contrario, l'incapacité de travail demeure un cas de suspension légitime du contrat et que le salaire garanti reste dû alors que l'incapacité trouverait son origine dans une négligence, une faute légère du salarié. Ex. détention préventive du salarié : qualification immédiate de suspension du contrat.

3) LE MAINTIEN DU CONTRAT DE TRAVAIL

a. LE PRINCIPE Il n'y a pas dissolution : le contrat reste présent et fait l'objet d'un régime particulier d'exécution. Certaines obligations accompagnent la suspension du contrat.

b. COROLLAIRE : LA REPRISE DE PLEIN DROIT DE L'EXÉCUTION DU CONTRAT Le contrat reprend de plein droit lorsque cesse la cause de suspension. Cass., 11.03.85 L'employeur exige que la reprise du travail soit subordonné à un certificat médical du médecin traitant. Selon la cour, c'est un système interdit. Certaines organisations récentes de certains cas de suspension prévoient même qu'à l'expiration de la suspension, le salarié a droit à retrouver le même travail ou un travail équivalent. Ex. système de crédit-temps

c. LES RAPPORTS ENTRE SUSPENSION ET DISSOLUTION DU CONTRAT Renvoi.

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58. LA STRUCTURE DES NORMES RÉGISSANT LA SUSPENSION

a) Le principe : droit subjectif qu'il appartient au débiteur d'invoquer

Comparaison avec le temps de travail : dans l'organisation légale du temps de travail, il s'agissait de normes d'interdiction de faire travailler le salarié sous peine de sanctions pénales. Ces normes vont jouer automatiquement tandis que dans le cadre de la suspension, il n'y a pas d'interdiction de faire travailler. Il s'agit d'un droit subjectif que le débiteur doit mettre en œuvre. C'est une structure donc plus souple que pour les normes relatives au temps de travail.

b) Exceptions

1) OBLIGATIONS DE MILICE Exception historique : service militaire. On en revient à un concept plus proche de la force majeure temporaire, à un concept civiliste : le fait du prince. Elle n'a plus lieu d'être aujourd'hui.

2) LE CONGÉ DE MATERNITÉ Exception au principe structurel se présentant de la façon suivante organisée par la loi de 1971. Le congé prévoit 7 semaines avant l'accouchement, 8 semaines après. Une interdiction de faire travailler et de travailler est prévue pour 1 semaine prénatale et les 8 semaines postnatales. Cette exception se conçoit parce que dans le cadre du congé de maternité, il y va d'un objectif sociétal, la santé publique et la santé de la mère et de l'enfant. La L. d'août 2001 a modifié l'art 30 de la loi organique sur le temps de travail et prévoit un congé de paternité en vertu du principe de l'égalité entre travailleurs masculins et féminins. Cette interdiction n'est pas faite au père : on prévoit simplement pour le père à 10 jours de congé dans les 30 jours à dater de l'accouchement.

3) L'INTERRUPTION DE CARRIÈRE Au départ, pas un droit subjectif unilatéral : un accord avec l'employeur était nécessaire. Par l'effet de la nouvelle réglementation, on en vient au principe du droit subjectif pouvant être exercé par le salarié sans accord de l'employeur (avec quelques nuances : l'employeur peut par exemple demander un report si problèmes dans l'entreprise, etc.).

c) Régimes particuliers

1) LES DÉLAIS DE PRÉVENANCE Des cas de suspension prévoient des délais de prévenance (ex. interruption de carrière, etc.).

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2) LE TRAVAIL DE NUIT ; LES OBLIGATIONS EN CASCADE Dans le cadre de la protection de la maternité, il existe un régime particulier pour le travail de nuit. Ce n'est pas un régime d'interdiction mais un droit subjectif. 8 semaines avant l'accouchement, la salariée enceinte a le droit de refuser le travail de nuit. Auparavant, on exige un certificat médical. Le législateur prévoit un régime d'obligations en cascade avec un transfert vers un travail de jour. Ce n'est que si ce n'est pas possible, qu'il y aura suspension du contrat.

3) UN DROIT SUBJECTIF CONVERTIBLE Obsolète en raison du congé de paternité.

59. LES RÉGIMES JURIDIQUES DES CRÉANCES DE SALAIRE

Différents régimes en droit social ≠ un régime en droit civil

a) Absence totale de rémunération Hypothèse de la suspension pour cause économique, par exemple. Là où la créance de salaire n'est pas maintenue, on observe qu'il y a droit à la sécurité sociale. Dans ce cas, c'est le chômage. Hypothèse du congé de maternité : l'employeur ne doit plus le salaire ; on considère que c'était un système de nature à décourager l'embauche des jeunes femmes. On a supprimé le droit au salaire garanti en cas de congé de maternité et dès le départ, c'est le relais de la sécurité sociale qui va intervenir. Dans ce cas, c'est l'assurance maladie invalidité. Ce n'est pas l'assimilation du congé de maternité à la maladie.

b) Maintien partiel du droit à la rémunération Ex. congé de paternité ou d'adoption. Le salaire sera maintenu si le père prend ses congés dans les 30 jours après l'accouchement. Ex. incapacité de travail : pendant la première période. Après c'est l'articulation à l'assurance maladie invalidité

c) Maintien total du droit à la rémunération Ex. le petit chômage : les jours sont rémunérés.

d) Droit à une rémunération plafonnée ; remboursement

e) Les articulations sur la sécurité sociale

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CHAPITRE 12.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; DROIT ET POUVOIR DE RÉSILIATION

UNILATÉRALE Résiliation unilatérale du contrat : résiliation décidée par la volonté de l'une des parties contractantes. Elle fait l'objet d'une réglementation quasi complète de la part du législateur social. Le jeu possible des modes civilistes de dissolution est cependant toujours possible. La loi organique du contrat de travail le prévoit à l'art 32 (conditions résolutoires, résolution judiciaire, etc.). L'art 32 est un article clé permettant d'établir l'absence d'autonomie complète du droit social. La référence au droit civil est cependant ponctuée d'exceptions.

- art 36 L. 1978 interdisant les clauses de célibat - etc.

60. DISTINCTION ENTRE POUVOIR ET DROIT DE RÉSILIATION UNILATÉRALE

Cette distinction fait appel au critère de la licéité de la rupture. Pouvoir = ignoré par le droit des obligations, propre au droit du travail : condition nécessaire et suffisante pour rompre le contrat. Il y a pouvoir en ce sens que dès qu'une partie contractante manifeste, et de n'importe quelle manière, son intention de rompre le contrat, la rupture sera effective. Cependant, cette rupture peut ne pas être licite. Elle ne sera licite que s'il y a eu exercice du droit de résiliation unilatérale. Le législateur social les organise : ex. droit de licenciement précédé d'un préavis, droit de rupture pour motif grave, etc. Si les modalités prescrites par ces articles sont respectées, il y a exercice du droit et la rupture est licite. Si ce n'est pas le cas, la rupture sera efficace mais des sanctions seront prévues (indemnités, etc.). Fondement de la réalité juridique du pouvoir de résiliation unilatérale On peut l'expliquer à partir du droit de propriété de l'employeur sur ses moyens de production. L'employeur a dès lors le droit de ne plus vouloir tel salarié dans son entreprise. Le contrat de travail étant synallagmatique, ce pouvoir a été conçu de façon bilatérale en le reconnaissant également au salarié. Ce sont les normes relatives aux indemnités de rupture. Le législateur (en particulier L. 1978) fixe le montant des indemnités de manière forfaitaire en cas de rupture illicite, ce qui prouve qu'existe le pouvoir de résiliation unilatérale. Dans le contrat à terme, le législateur fixe également les indemnités en cas de rupture anticipée de ce contrat. Le législateur belge, ainsi que la jurisprudence de la Cour de Cassation, se montre respectueux de ce pouvoir de résiliation unilatérale o interdictions de licenciements pour les salariés protégés et même là où l'interdiction de licenciement est

organisée, il n'est pas prévu de système de réintégration forcée là où l'interdiction n'est pas respectée. L'employeur a toujours la possibilité de refuser la réintégration.

o Cass., 23 mars 1981 : contrat à durée indéterminée. L'employeur y met fin après préavis. Le formalisme prescrit par la loi sociale n'est pas respecté. L'acte de préavis est donc nul mais la rupture va tout de même s'opérer et sera immédiate. Le pouvoir de résiliation est exercé.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 132.- Ce pouvoir peut s'exercer sans forme10 : il peut y a avoir manifestation tacite de l'intention de ne plus jamais exécuter le contrat.

61. L'"ACTE ÉQUIPOLLENT À RUPTURE" Un employeur a conclu un contrat de travail avec un salarié. Le contrat s'exécute. L'employeur modifie un élément essentiel du contrat et ce, de façon définitive. Là, il y a bien intention de ne plus jamais exécuter le contrat. Il y a donc exercice du pouvoir de résiliation. Il y a acte équipollent à rupture11 (manifestation tacite de rupture). Le salarié voyant ses fonctions se modifier et qui ne veut pas de ces modifications va constater la rupture et va pouvoir réclamer les indemnités pour défaut de préavis si c'est l'hypothèse d'un contrat à durée indéterminée. La problématique se trouve dans l'intention de rompre et non dans la responsabilité. Il y a rupture non pas parce qu'il a fait une faute mais parce qu'il a manifesté tacitement l'intention de rompre. Cass. 05.01.77 Le manquement d'une des parties ne met pas fin en soi au contrat. Le contrat ne prendra fin que s'il est lié intrinsèquement à la manifestation de rompre le contrat. Cass. 13.12.72 La Cour va préciser que l'auteur de la modification unilatérale doit payer des indemnités de rupture sans qu'il faille rechercher si la modification est due à la faute ou non de la partie contractante. Ce qui importe c'est la manifestation de l'intention de rompre à travers la modification unilatérale. La Cour de Cassation va cependant s'éloigner de cette construction d'acte équipollent à rupture. Cela va devenir un mécanisme autonome et ce par étapes successives (Cass. 01.12.80, 17.03.86, 29.02.88). Cass. 01.12.80 Pour qu'il y ait rupture, il faut que la modification soit importante. La modification doit porter sur un élément essentiel du contrat mais elle doit également être importante. Ex. Le lieu du travail : le lieu est considéré comme un élément essentiel du contrat. Si une entreprise change de siège à 10 km, on peut considérer qu'il y a modification unilatérale de l'élément essentiel mais cette modification sera peu importante. Il n'y aura donc pas rupture du contrat. Cass. 17.03.86 Il y a rupture alors même que la modification ne serait que temporaire. On s'éloigne ici de la conception de base. Cass. 29.02.88 La rupture illicite est fondée non pas sur les dispositions de la loi de 1978 (ce n'est donc pas un licenciement tacite) mais se fonde sur l'art 1134 CC (la convention fait la loi des parties). Rupture avec la conception traditionnelle. La cour se rapproche fortement de la conception selon laquelle un manquement peut mettre fin à un contrat. L'ensemble de ces deux droits de résiliation est doté d'impérativité unilatérale, c'est-à-dire un minimum impératif de protection des travailleurs (on peut augmenter mais pas le diminuer ; // règle hiérarchique de la norme la plus favorable au travailleur). C'est l'art 6 L. 78

10 Cass. 06.01.97 11 Expression utilisée par la doctrine bruxelloise

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CHAPITRE 13.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; LE DROIT DE RUPTURE POUR MOTIF

GRAVE Ce droit est identique que ce soit pour le licenciement (plus fréquent tout de même) ou pour la démission.

62. RÉGIME GÉNÉRAL

a) Introduction C'est un droit sanction, mécanisme de dissolution lié à la responsabilité et non à la liberté. L'exercice de ce droit à durée indéterminée élimine le préavis. Dans les contrats à terme, il n'y a pas de droit de résiliation s'il n'y a pas de motif grave. A partir du moment où l'employeur a connu du motif grave, il a un délai de 3 jours ouvrables maximum. La rupture doit obligatoirement avoir lieu dans ce délai. Cette rupture peut intervenir sans aucun formalisme. A partir du moment de la rupture, s'ouvre un second délai de 3 jours ouvrables maximum dans lequel les motifs doivent être notifiés au salarié. Cette notification comprend un certain formalisme (écrit remis au salarié qui doit le signer, exploit d'huissier ou lettre recommandée – le plus fréquent)

b) Définition C'est un concept propre au droit social : l'art 35, al 2 L.78 Le motif grave est une faute caractérisée : elle doit entraîner l'impossibilité immédiate de la continuation des relations contractuelles. C'est une impossibilité morale (qui est donc ≠ du concept de force majeure), qui est suscitée par la perte de confiance.

c) Jurisprudence

1) CETTE FAUTE EST INTERPRÉTÉE EXTENSIVEMENT PAR LA COUR DE CASSATION.

Cette faute doit-elle constituer un manquement contractuel ? A partir du 09.03.87, la Cour de Cassation a considéré qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un manquement contractuel (peut-être extracontractuel). Ex. Un salarié comptable. L'employeur apprend qu'avant l'exécution du contrat, le salarié comptable a été condamné pour vol dans le cadre d'une autre relation contractuelle. Il y a rupture du contrat dans les trois jours de la connaissance du manquement extracontractuel. La jurisprudence est sur ce point constante. Il n'y a pas nécessairement un préjudice provoqué à l'employeur. Il faut une faute : pas n'importe quelle perte de confiance.

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2) LA COUR DE CASSATION SE DÉGAGE DE L'EXIGENCE DE FAUTE COMMISE PAR LE SALARIÉ PERSONNELLEMENT

1985 : conflit entre l'employeur et le salarié syndiqué. Le syndicat écrit une lettre injurieuse à l'employeur. Ce dernier licencie pour motif grave le salarié qui a mandaté le syndicat. Les fautes que commet le mandataire sont imputables au mandant.

3) LA COUR DE CASSATION S'ATTACHE À ASSOUPLIR LE SYSTÈME DE LA SÉQUENCE CHRONOLOGIQUE

Le fait justifiant le congé est le fait accompagné de toutes les circonstances qui peuvent lui attribuer les caractéristiques d'un motif grave. Ce motif grave peut être un ensemble de fautes commises par le salarié. IL suffit que le délai soit respecté vis-à-vis de la dernière faute.

4) ARRÊT DU 27.11.95 : ABSENCE INJUSTIFIÉE La Cour de Cassation considère que la fixation du moment à partir duquel la faute rend impossible la poursuite des relations contractuels est laissée à l'appréciation de l'employeur. L'employeur choisit quand les trois jours commencent à courir.

5) POURQUOI UNE NOTIFICATION DES MOTIFS ? Requise par le législateur en parallèle avec le contrôle judiciaire susceptible d'intervenir. Le licenciement opéré ainsi que la réception des motifs l'aident à apprécier ses chances d'aller en justice. Devant le juge, l'employeur ne pourra pas employeur d'autres motifs que ceux notifiés. La Cour de Cassation formule que les motifs doivent être précis pour que le juge vérifie leur gravité et leur identité avec les notifiés. On assiste donc à un assouplissement du système. L'écrit de notification peut être complété par d'autres éléments :

- arrêt du 16.12.70 : "suite aux événements de ce matin" : notification suffisamment précise ? La Cour de Cassation considère que oui en précisant que le congé donné suite aux événements du jour même fait référence à l'enquête de police.

6) CONTRÔLE JUDICIAIRE Il n'est pas automatique. Le salarié peut décider de ne pas aller en justice. Le système légal s'accompagne d'une présomption de licéité de la rupture. C'est un contrôle a posteriori. C'est un contrôle de licéité : si le tribunal du travail n'admet pas le motif, il n'y aura pas survie du contrat ni réintégration au travail condamnation au paiement d'indemnités pour défaut de préavis. Ce contrôle porte sur tous les éléments : les deux délais en tenant compte de l'interprétation souple de la cour, formalisme, précision des motifs, réalité de la faute commise et de sa gravité. Rem. Contradiction interne : MG rend impossible la continuité des relations contractuelles mais c'est quand même le juge qui dit s'il y a impossibilité morale.

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63. RÉGIME PARTICULIER À L'ÉGARD DES SALARIÉS PROTÉGÉS

C'est la loi du 19.03.91. Ce sont les salariés délégués ou candidats malheureux aux conseils d'entreprises, comités de prévention et de protection. Il y a contrôle judiciaire préalable au licenciement (≠ régime général) // à la résolution judiciaire (art 1184 CC). Les deux mécanismes ne se rejoignent cependant pas tout à fait. D'un côté, c'est le juge qui décide la rupture et de l'autre l'employeur demande s'il y a motif grave : les tribunaux du travail donneront le feu vert ou non à l'employeur pour opérer son licenciement. Pourquoi cette dérogation ? Afin d'éviter les licenciements intempestifs qui entraveraient le fonctionnement des organes d'entreprise. C'est également une protection de ces salariés qui participent à la vie syndicale. Paradoxalement, c'est un mécanisme qui protège également l'employeur.

Pour les salariés protégés, en cas de licenciements abusifs, les indemnités peuvent être énormes. C'est donc à ses risques et périls que l'employeur préqualifie de motif grave. Il prend le risque dans le régime général de payer des indemnités si le juge n'est pas d'accord avec lui ; dans le régime spécial : pas de préqualification. C'est une procédure accélérée (requête unilatérale et référé).

Mais jusqu'à ce que le tribunal se prononce, quel est le sort du contrat ? La jurisprudence de la cour de cassation est flottante. Les interlocuteurs sociaux se sont donc mis d'accord. L.91 distingue le cas des délégués des candidats malheureux.

Les délégués ont fonction dans l'entreprise, le président du tribunal est compétent pour la suspension du contrat. Pas de droit subjectif à l'employeur.

Les candidats malheureux n'ont pas fonction. L'employeur peut décider de la suspension (il a un droit subjectif). Pendant cette suspension, ce sont des chômeurs. Ils ont droit à des allocations de chômage et à des indemnités complémentaires à charge de l'employeur pour que le salarié ait droit à une somme égale à sa rémunération nette. Cette somme reste acquise même si le motif grave est admis par le président du tribunal du travail.

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CHAPITRE 14.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; RÉSILIATION UNILATÉRALE AFFECTÉE

D'UN PRÉAVIS

64. FONDEMENT DU DROIT Tout contrat à durée indéterminé est une atteinte à un droit fondamental, celui de la liberté individuelle (voy. art 1780 CC : interdiction des engagements à vie). De par cette atteinte, l'on a admis le droit de résiliation unilatérale. Une modalité est requise : le préavis. Sa fonction est d'atténuer les inconvénients de la rupture.

65. NATURE ET RÉGIME JURIDIQUE DU PRÉAVIS

a) La notion de préavis Les préavis doivent comporter l'annonce ferme et définitive de la rupture, ce qui implique la nullité des préavis conservatoires ou conditionnels (admis par la Cour de Cassation).

b) Le congé avec préavis, acte juridictionnel unilatéral

Le contrat va être maintenu pendant un certain temps : il y a rupture à l'échéance prévue dans l'acte de préavis. Il y a maintien de l'exécution : pas de modification unilatérale du contrat. Cass. 03.12.85 : le travail à domicile et non plus dans l'entreprise. C'est une modification unilatérale du contrat dans un élément essentiel. C'est un acte équipollent à rupture. Pendant la période d'exécution du préavis, les autres modes de rupture sont susceptibles de jouer en ce compris la rupture pour motif grave. C'est un acte juridique unilatéral, qui n'appelle donc pas consentement de son destinataire. C'est un acte receptice: il y modification de la situation du destinataire, il n'est donc parfait que lorsqu'il parvient à sa connaissance. Il poursuit une existence autonome et ne peut être modifié par son auteur (sorte de droit à la rupture de la part du salarié) ni par son destinataire. Si le délai n'est pas légal, le salarié ne peut le modifier et le préavis produira ses effets tel qu'il a été prévu par l'employeur. Idem pour le juge.

c) Le préavis, acte formel Il y a des mentions prescrites à peine de nullité : notamment la durée. Ce n'est pas la fin du préavis mais la durée du préavis parce que le législateur prévoit que parfois le préavis peut être suspendu : on ne connaît jamais avec certitude la date à laquelle il viendra à expiration.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 137.- Rem. Licenciement ≠ démission Démission : exploit d'huissier, écrit et signature / lettre recommandée Licenciement : un écrit n'est pas possible. La fonction du formalisme est liée au caractère réceptice de l'acte en

question : il y a nécessité de la prise de connaissance par le destinataire (une sorte de présomption irréfragable de prise de connaissance pour l'exploit d'huissier). Pour la lettre recommandée, le législateur établit une présomption irréfragable en ce sens que selon la loi, la lettre produit ses effets le 3ème jour ouvrable de la date de son expédition. Pourquoi l'écrit a-t-il été supprimé ? Voy. L.budgétaire de 1987 : il y avait des pratiques patronales qui antidataient les préavis il y avait donc dissolution anticipée et le salarié devenait donc plus vite chômeur. La notification par préavis devait se faire à date certaine. Ce n'est donc pas une norme de protection du salarié mais budget de protection de la collectivité.

d) Les délais de préavis

1) LA DIFFÉRENCE ENTRE LA DÉMISSION ET LE LICENCIEMENT

Le préavis est deux fois moins long pour la démission par rapport au licenciement. Il existe cependant beaucoup d'exceptions.

2) LE RÉGIME DES OUVRIERS Le système légal est qu'en cas de licenciement pour les ouvriers, le préavis est de 28 jours et est doublé quand il y a 20 ans d'ancienneté. Il y a des systèmes dérogatoires pour avoir des délais réduits : la loi permet que pour les ouvriers qui ont moins de 6 mois d'ancienneté, le contrat de travail ou le règlement de travail prévoit un préavis plus court de 7 jours minimum. Voy. CCT du CNT n° 75 du 20.12.99

La CCT ne touche pas aux préavis de démission. La CCT augmente les préavis mais l'application de cette CCT a moins d'impact car les régimes dérogatoires sont maintenus (seuls les régimes légaux augmentent). La CCT est qualifiée de supplétive par ses auteurs. Les délais allongés ne seront donc appliqués qu'à défaut d'accord collectif sectoriel qui prévoient des délais supérieurs (mais qui peuvent aussi être inférieurs). Cette CCT est donc plutôt subsidiaire (à défaut d'accord) que supplétive (dérogation possible par volonté individuelle). C'est une nouvelle fois la manifestion de la prééminence de la négociation sectorielle.

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3) LE RÉGIME DES EMPLOYÉS Le problème est beaucoup plus complexe ici. Cela a donné lieu à une jurisprudence importante vu notamment les enjeux financiers. Pour les employés, il faut faire la distinction entre

- l'employé inférieur - l'employé supérieur distinction faite en fonction de la rémunération.

NB. Les montants de la rémunération sont adaptés chaque année.

a. POUR LES EMPLOYÉS INFÉRIEURS Le système est que l'employé a droit à un préavis minimal de 3 mois augmenté chaque fois de 3 mois au début de chaque quinquennat de service chez le même employeur (fonction de l'ancienneté au sein de l'entreprise ; // ouvriers). Un employé qui aurait 11 ans d'ancienneté d'entreprise, a commencé son troisième quinquennat, a donc droit à un délai de préavis de 9 mois.

• ANALYSE DU CONCEPT D'ANCIENNETÉ Ancienneté globale L'ancienneté n'est pas une référence à un contexte contractuel mais une référence à un lien d'entreprise (on tient compte des années de service de l'employé dans l'entreprise alors même qu'il y aurait eu une succession de contrat de travail, et ce même s'il avait auparavant un contrat d'ouvrier). Peu importe également la modification de l'employeur. Il faut que ces années de services doivent être en tant que salarié. Ex. Cass. : un administrateur se trouve dans un lien de mandat considéré comme exclusif. Cette fonction ne donne pas lieu à un contrat de travail pour ces fonctions là. Cet administrateur cesse ses fonctions et la société qui périclite est cédée. Il devient salarié dans son entreprise. A un moment donné, il est licencié par le repreneur de l'entreprise. Pour calculer son préavis, on ne tiendra pas compte des années au cours desquelles il était administrateur parce qu'il n'était pas salarié.

b. POUR LES EMPLOYÉS SUPÉRIEURS Préavis qui est au minimum celui des employés inférieurs. Ce préavis sera donc fixé au delà de ce minimum soit par convention, soit par le juge. La convention sera individuelle et conclue entre l'employé supérieur et l'employeur. On assiste donc à une restauration de l'autonomie des volontés. Selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, la convention sera individuelle. Il ne pourra pas s'agir ni d'une CCT ni du règlement de travail. Cette convention doit cependant respecter certaines conditions

• EXIGENCE DE CONTENU : MINIMUM LÉGAL TEL QUE PRÉVU DANS LE RÉGIME DES EMPLOYÉS INFÉRIEURS

Jurisprudence de la Cour de Cassation

La cour s'attache à interpréter de la manière la plus minimaliste le système légal en réduisant la portée protectrice que comporte le système à l'égard des employés. Selon la Cour de Cassation, dans cette convention, le salarié a la possibilité de renoncer au minimum légal dès que le congé a été notifié (1980). En 1997, la Cour a repris sa même jurisprudence mais l'a formulé différemment : "une disposition impérative –

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et c'est le cas de l'art 82 – fait obstacle aux dérogations anticipées portant sur le droit énoncé mais dès qu'elle a cessé d'être impérative au profit du bénéficiaire, elle devient supplétive". Cela signifie que la Cour va de nouveau admettre la possibilité de renoncer à la protection légale après que le préavis ait été notifié. Cette position est de nature à détruire le mécanisme légal.

• EXIGENCE CHRONOLOGIQUE DE LA CONVENTION

I. Régime de base La convention sera conclue au plus tôt lors de la notification du préavis. Cela signifie que la convention ne peut intervenir lors de la conclusion du contrat, ni pendant l'exécution du contrat. Pourquoi une telle exigence ? C'est une norme de protection du consentement du salarié. Avant que le législateur ne l'impose, il était fréquent que lors de la conclusion du contrat, le contrat prévoit une clause particulière prévoyant le minimum légal du préavis ou encore qu'en cours d'exécution du contrat, l'employeur prévoyait une clause particulière fixant le préavis au minimum légal. L'ouvrier voulant garder son emploi acceptait cette clause. Toutes ces pratiques expliquent que le législateur soit intervenu. Bien que ce soit une norme de protection, la cour de cassation va considérer que là où cette norme n'est pas respectée, il y aura nullité absolue. Normalement, elle aurait du choisir la solution de la nullité relative (uniquement soulevée par le salarié). Mais ce n'est pas le cas : l'employeur va donc pouvoir soulever la nullité et dans certains cas, il aura intérêt à le faire (dans le cas où l'employé obtient de l'employeur des longs délais de préavis). II. Régime dérogatoire : Dérogation légale (1994) Ce régime ne concerne qu'une catégorie particulière d'employés supérieures. Le législateur a procédé à une scission de ceux-ci: la catégorie "médiane" et la catégorie "cadres supérieurs", cette scission étant toujours faite en fonction du montant.

- Pour le régime de la catégorie "médiane", le régime de base est maintenu. - En revanche, pour les cadres supérieurs, l'exigence chronologique va se présenter autrement : il est

prévu que la convention prévue pour la durée du préavis doit être conclue au plus tard lors de l'entrée en service. C'est une modification tout à fait fondamentale de l'exigence chronologique et qu'à l'égard de ceux-ci, il y a une sorte de restauration de la clause d'adhésion (jusqu'alors tenue en échec par le régime de base) et ce, pour favoriser l'emploi.

S'il n'y a pas de convention, la durée du préavis est alors fixée par le juge. Encore faut-il s'entendre sur les termes et le fonctionnement du système. Un employé supérieur reçoit son préavis de licenciement. Il n'y a pas de convention sur la durée du préavis. L'employeur a donc du fixer unilatéralement la durée du préavis (car sinon, le préavis est nul). L'employé estime qu'il est insuffisant : il va réclamer au tribunal du travail une indemnité pour préavis insuffisant. Le juge va devoir estimer s'il est suffisant ou non, de manière à condamner l'employeur, le cas échéant, à une indemnité de rupture. Le juge doit d'abord estimer la durée du préavis auquel l'employé supérieur a droit. Ce faisant, cela lui permettra de calculer le droit à l'indemnité. En réalité, le juge fixe le préavis mais de manière à fixer le montant de l'indemnité. Pas d'obligation légale. Une jurisprudence a fixé les critères permettant d'établir la durée du préavis. La jurisprudence ancienne prévoyait que le juge devait tenir compte du critère selon laquelle l'employeur devait tenir compte de la difficulté pour l'employé de trouver un emploi équivalent (on se réfère donc aux fonctions de l'employé). Mais cette difficulté ne va pas être appréciée en elle-même mais par la médiation de critères secondaires (âge, ancienneté, montant de la rémunération). La jurisprudence s'est modifiée en 1994 et désormais, selon la Cass., le préavis doit être fixé en fonction de l'intérêt des deux parties (employeur et salarié). Il sera notamment tenu compte des difficultés de reclassement du salarié.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 140.- Voy. CA "distinction ouvriers/employés". La CA a également validé la distinction entre employés inférieurs et employés supérieurs. CA, 20.04.98 Hypothèse d'un contrat de travail à temps partiel Pas de régime particulier pour les employés à temps partiel. Cela signifie que dans la plupart des cas, ce seront des employés inférieurs. Leur préavis sera fixé au minimum légal. La CA a été saisie du problème : discrimination en ce sens que l'on se trouve en présence d'un traitement égal de situations différentes ? La Cour a conclu à la violation du principe d'égalité en considérant que le régime unique n'est pas respectueux de ce principe. Il n'y a pas de justification. Cet arrêt est intéressant dans la mesure où il montre les deux aspects du principe constitutionnel d'égalité : 1°- la règle d'égalité interdit les traitements discriminatoires lorsqu'il s'agit de situations comparables, analogues. 2°- la règle d'égalité interdit également le traitement égal de situations contractuelles différentes alors qu'il s'agit de situations contractuelles différentes.

4) LA SUSPENSION DES DÉLAIS DE PRÉAVIS La loi organique du contrat de travail prévoit, en cas de licenciement, certains cas de suspension du délai de préavis (art 38 L. 1978). Le délai ne peut pas courir dans certains cas :

- incapacité de travail : un salarié est en incapacité de travail. L'employeur peut notifier le préavis mais celui-ci ne courra qu'au moment où l'incapacité cessera.

- Au cours du préavis, l'on tombe malade ; le délai ne prend pas court. - Congé de maternité.

66. SANCTIONS Les sanctions sont les mêmes pour chacune des catégories possibles. Ces sanctions sont appelées à jouer dans différentes hypothèses (principe d'uniformité) :

- hypothèse de la rupture irrégulière pour motif grave : le contrat reste rompu et la sanction va jouer. - Hypothèse de la nullité du préavis : le préavis est un acte formel. Si celui-ci est nul (défaut du

formalisme), la rupture est immédiate et la sanction que l'on va évoquer va jouer.

a) Le principe : octroi d'une indemnité forfaitaire Sanction : forfait indemnitaire (fixé au montant de la rémunération qui aurait été gagnée si le préavis avait été respecté). Rem. : si un préavis respectant le formalisme a été notifié mais que la durée est trop courte, le préavis reste valable et la sanction résidera non pas dans une indemnité pour défaut de préavis mais dans une indemnité pour préavis insuffisant.

b) Naissance et exigibilité des droits indemnitaires Ces forfaits indemnitaires sont dus et exigibles dès la rupture. Les intérêts courent de plein droit (L. 1965 sur la protection de la rémunération).

c) La mensualisation de l'indemnité Exception (L. organique) pour les entreprises en difficultés. Celles-ci ont le droit de procéder au paiement de l'indemnité par mensualisations. Ce système est un système de report de l'exigibilité de l'indemnité. Le licenciement reste pour l'employeur un droit discrétionnaire. Le préavis ne doit pas être motivé !

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CHAPITRE 15.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; LE DROIT DE RÉSILIATION UNILATÉRALE

EXCEPTIONNEL DANS LES CLAUSES D'ESSAI

Renvoi

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CHAPITRE 16.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; LE LICENCIEMENT ABUSIF ET

L'INTERDICTION DE LICENCIEMENT Exceptions au principe de non motivation du licenciement.

67. LE LICENCIEMENT ABUSIF (ART 63 L. 1978 QUI ORGANISE EN FAVEUR DES OUVRIERS UN TEL RÉGIME).

Ce régime a été créé dans le but de compenser les délais de préavis très brefs pour les ouvriers. Un ouvrier reçoit son préavis. Il considère que c'est un licenciement abusif. Il fait une action devant le tribunal du travail afin d'obtenir une indemnité de licenciement abusif. Il bénéficie ici d'un renversement de la charge de la preuve (présomption iuris tantum). L'employeur doit renverser cette présomption en établissant que le licenciement n'est pas abusif. Il sera donc amené à motiver sa décision. Deux catégories de motifs permettent d'éviter la qualification de licenciement abusif

a. motifs procédant du comportement, de la conduite personnelle de la personne licenciée (souvent malade, etc.) mais pas nécessairement faute !

b. motifs procédant de la nécessité du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service

(ce qui est le critère de l'intérêt de l'entreprise). Le juge qui se trouve en présence de tels motifs, d'après une jurisprudence plus que majoritaire, va se contenter de vérifier la réalité des décisions patronales. Il ne va donc pas analyser le bien-fondé de la gestion des décisions patronales parce que l'on considère que l'employeur a un pouvoir de gestion issu du droit de propriété et qu'il n'a pas a intervenir dans le cadre d'un contrôle d'opportunité. Les motifs que peut invoquer l'employeur sont très larges. Quelles seront donc les hypothèses dans lesquelles le licenciement pourra être déclaré abusif ?

o le licenciement à titre de représailles : un salarié a exigé le respect de règlement de sécurité, de certaines règles de droit social etc. et il est licencié

o le licenciement avec intention de nuire : un vol est commis dans l'entreprise et l'employeur profite de cette occasion pour licencier le salarié en faisant peser la suspicion sur le dit ouvrier.

68. L'INTERDICTION DE LICENCIEMENT

a) Introduction Régime particulier de stabilité de l'emploi dont vont bénéficier certains salariés pour diverses raisons énumérées dans différentes législations. L'organisation de ces circonstances n'est pas uniforme.

- L. 1991 sur les salariés protégés - L. 7.5.99 sur l'organisation de l'égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins. Cette loi

prévoit une interdiction de licencier ceux qui, par une plainte ou une action en justice, voudraient défendre ce principe en justice.

- L. 1971 sur la protection de la maternité

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- Suspension du contrat et interdiction de licenciement en même temps (interruption de carrière, etc.) - Etc…

Elles font l'objet d'une législation séparée mais l'on peut tenter de trouver une structure commune mais avec quelques variantes (// suspension du contrat).

Interdiction de licenciement, c'est-à-dire suppression du droit de résiliation unilatérale du droit de licenciement. Le législateur s'attaque au droit de licenciement qu'il supprime mais il laisse subsister le principe du pouvoir de résiliation unilatéral. Pour certaines de ces interdictions, il y a des procédures de réintégration mais celle-ci n'est jamais, en définitive, obligatoire, ce qui montre bien que le législateur belge est plus que fidèle à ce principe du pouvoir de résiliation unilatérale. Dans le principe de l'interdiction du licenciement, on trouve toujours la détermination de la période de protection. Cette période de protection est évidemment fixée de manière autonome pour chaque exception.

Ex. maternité : la protection pour l'interdiction débute au moment où la salariée va informer l'employeur de l'état de sa grossesse. Cette période se termine un mois après le congé postnatal.

b) Exceptions Exceptions à cette interdiction de licenciement :

- motif grave : le licenciement pour motif grave reste intact là même où il y a interdiction de licenciement. Ce

licenciement pour motif grave est soumis soit au droit commun, soit au régime dérogatoire pour les salariés protégés (voy. supra).

- Licenciement avec préavis : De nouveau, deux régimes (un général et un particulier pour les salariés

protégés)

o Régime général

Le licenciement reste autorisé pour des motifs étrangers à ceux qui justifient la protection.

Ex. maternité : licenciement de la travailleuse permis pour des motifs étrangers à l'état physique résultant de la grossesse et l'accouchement.

L'on peut donc invoquer des fautes ou des motifs économiques et techniques liés à la gestion de l'entreprise. Régime de droit commun du préavis qui joue (qui ne doit pas être motivé). Il appartient au salarié d'intenter une action en justice s'il estime que c'est nécessaire. L'employeur a alors la charge de la preuve et doit donc prouver que les motifs de sa décision sont étrangers à la maternité, à la discrimination entre travailleurs masculins et féminins, etc. Rem. : régime de motivation particulier dans le cadre du droit communautaire. IL est prévu que à la demande de la travailleuse, l'employeur donne connaissance de la motivation de la rupture. Attention : dans le cadre de la protection de la maternité, il n'y a toujours pas d'obligation automatique de motiver le préavis. Ce sont des droits subjectifs qu'il appartient au salarié de mettre en œuvre.

o Régime dérogatoire : L. 19/03.91

Le législateur va exiger des motifs économiques et techniques pour justifier le licenciement. L'employeur va devoir saisir préalablement l'organe paritaire compétent (en l'occurrence la commission paritaire) afin de la convaincre qu'il y a des motifs économiques ou techniques justifiant le licenciement. Cet organe a un délai de 2 mois pour se prononcer. Elle doit se prononcer à l'unanimité. Comme ce n'est pas facile d'obtenir une telle décision, la loi prévoit que s'il n'y a pas de décision, c'est le tribunal du travail qui sera compétent. IL est à noter que la décision prise par la CP est souveraine (pas d'appel devant la juridiction du travail). Quant à la juridiction du travail, elle n'est appelée à intervenir que s'il n'y a pas de décision. Cette procédure est assez original par rapport à la conception traditionnelle. Pourquoi cet abandon de la compétence des juridictions du travail ? Parce que le législateur social (c'est-à-dire les

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négociateurs sociaux) considèrent qu'un tel litige individuel appartient au droit collectif du travail et à un système de conciliation au niveau paritaire.

c) De la jurisprudence On a considéré que la charge de la preuve pour motifs économiques incombait à l'employeur et qu'il n'y avait pas de la part du tribunal du contrôle du bien fondé de la décision patronale. Le tribunal doit juste constater la réalité et non contrôler le bien fondé de la décision. C'est la même jurisprudence que pour le licenciement abusif. CA, 08.07.93 Question préjudicielle posée à la CA : violation de la règle d'égalité, traitement discriminatoire entre le groupe des employeurs et des travailleurs qui n'ont pas le droit d'intenter une action devant le tribunal et les autres ? L'employeur qui veut licencier un salarié protégé doit saisir l'organe paritaire. Si elle se prononce, pas de recours devant le tribunal du travail. La CA va considéré qu'il y a violation de la règle d'égalité. Elle examine le non respect de la règle en le combinant avec des droits fondamentaux. Ici, elle invoque l'art 6 CEDH. Cet article est abondamment utilisé en droit social. CE, 03.06.96 Le conseil d'état confirme la décision de la CA et va préciser qu'un recours est ouvert auprès de la juridiction du travail contre la décision du CP. La loi de 1991 a donc aujourd'hui une autre configuration.

d) Les sanctions ; la procédure de réintégration Les sanctions prévues sont des sanctions civiles.

1. L'employeur admet la réintégration Le contrat est censé n'avoir jamais été rompu et il y a donc fiction de contrat de travail maintenu.

2. Le salarié ne demande pas sa réintégration Même s'il n' a pas demandé sa réintégration, une indemnité lui est due. La demande de réintégration n'est pas une condition d'octroi. Cette indemnité est forfaitaire (2, 3, 4 ans en fonction de l'ancienneté). La sanction réside dans une double indemnité en fonction de l'indemnité (4 ans pour le salarié ayant une ancienneté de 20 ans) et l'autre indemnité est celle qui aurait été gagnée jusqu' à la fin du montant. Ex. Les élections sociales ont lieu tous les quatre ans. Si le salarié a été licencié en fin de mandat, le montant de sa deuxième indemnité sera minime. En revanche, si le licenciement a eu lieu au début du mandat, cela signifie que l'indemnité sera de 4 ans. Cela signifie également que dans cette hypothèse, l'on peut arriver à une indemnité maximum égale à 8 ans de salaire.

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CHAPITRE 17.-

LA DISSOLUTION DU CONTRAT ; LES MODES CIVILISTES DE DISSOLUTION

AUTRES QUE LA RÉSILIATION UNILATÉRALE

Voy. "dissolution du contrat de travail et droit civil".

69. PRINCIPE Référence au droit civil.

1. Accord des parties 2. Terme extinctif : contrat à durée déterminée ou à travail nettement défini. 3. Condition résolutoire 4. Force majeure 5. Résolution judiciaire 6. Décès

70. DEUX CATÉGORIES D'EXCEPTIONS Dérogations

- exprimées par telle norme du droit social - implicites si du moins on accepte d'interpréter le droit (art 6 L. contrat de travail) : tout le droit de la

rupture tel qu'organisé par le droit social comporte des garanties minimales qui doivent être respectées impérativement. Si l'on accepte de l'interpréter de manière systémique, cela signifie qu'il ne peut pas être question de tenir en échec tout en partie de ces dérogations par tel mode civiliste de dissolution du contrat. C'est pourquoi l'on admet des dérogations implicites au jeu des modes civilistes de dissolution.

a) Examen des dérogations ponctuelles

1) ACCORD DES PARTIES (MUTUUS DISSENSUS). Mode civiliste admis par le droit du travail, ce qui est logique. Ce que les parties ont pu formé, les parties peuvent le défaire. L'accord des parties mettant fin au contrat, il peut se présenter de différentes manières :

- la rupture peut être immédiate - la rupture peut être déterminée à un moment donné

C'est ce que l'on appelle un terme maximum : un contrat de travail est conclu et au moment de la conclusion, ou par après, par avenant, on décide que si le contrat existe toujours dans un moment futur, il sera résilié de plein droit. Il s'agit d'un terme maximum et non extinctif (comme l'on en rencontre dans les contrats à terme). Dans les contrats affectés d'un terme maximum, le contrat prendra fin de plein droit lorsque se produira l'échéance du terme si le contrat existe toujours à ce moment là.

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 146.- Ces termes maximum sont-ils licites ? Le législateur s'est prononcé dans l'art 36 L. organique du contrat de travail : il prévoit que le terme maximum constitué par l'âge de pension du salarié est nul, ce qui est compensé par des délais de préavis réduits. Se pose alors la question de savoir si l'on peut considérer qu'implicitement tous les termes maxima sont frappés de nullité en droit du travail. C'est le problème de l'interprétation exégétique ou systémique. La Cour de cassation va admettre la validité de termes maximum autres que celui prévu à l'art 36. C'est l'arrêt du 06.04.98.

2) TERME EXTINCTIF. Les dérogations sont expresses (interdiction des contrats en chaîne). Renvoi

3) FORCE MAJEURE événement étranger à la volonté des parties et qui empêche définitivement l'exécution du contrat. La force majeure va-t-elle jouer dans le cadre des relations de travail. La réponse est positive en raison non seulement de l'art 32 mais également en vertu d'une norme particulière, l'art 26 L. organique selon lequel les événements de force majeure… Dans l'art 26, al 2, il y a ce que l'on peut considérer comme des dérogations : certaines évènements ne peuvent être considérés comme force majeure, à savoir la faillite, la déconfiture, la fermeture de l'entreprise imposée par les règles légales sur l'environnement, etc. L'art 31 dit que l'impossibilité pour le travailleur de fournir son travail par suite d'accident ou de maladie suspend l'exécution de son contrat. Cet art 31 ne distingue pas selon le caractère définitif ou temporaire de l'inexécution de travail. La Cour de cassation a donc pendant longtemps considéré que l'incapacité de travail même définitive n'entraînait que la suspension du contrat. Elle considérait que ce n'était pas un cas de force majeure. Un employeur qui avait face à lui un employé définitivement inapte à exécuter son travail et voulant s'en débarrasser devait recourir à la résiliation unilatérale (et donc avec indemnités de rupture à la clé), le préavis ne pouvant pas courir (renvoi). Changement de jurisprudence le 05.01.1981 : la Cass. va changer son interprétation de l'art et désormais, elle pose le principe selon lequel l'incapacité permanente qui empêche le travailleur de reprendre le travail convenu est force majeure entraînant rupture du contrat. La Cour revient à l'application du droit civil en cas d'incapacité permanente empêchant l'exécution du contrat. L'employeur ne devra donc plus payer d'indemnités de rupture. Cette jurisprudence va être confirmée par toute une série d'arrêts. Il y a toujours là quelque chose d'assez choquant : cette thèse (jeu de la force majeure) est appelée à s'appliquer alors même que cette incapacité permanente de travail procéderait d'un accident de travail.

4) CONDITION RÉSOLUTOIRE Résulte d'une clause contractuel se présentant comme tel : "si tel événement se réalise, le contrat sera résilié de plein droit". Ce mode peut donc jouer en droit du travail avec dérogations :

a. LE RÉGIME DES SALARIÉS PROTÉGÉS (L. 19.03.91) Cette législation énumère pour les salariés protégés les seuls modes de dissolution susceptibles d'intervenir pour ceux-ci. La condition résolutoire ne figure pas dans la liste.

b. L'ART 36 L. DU CONTRAT DE TRAVAIL Les clauses prévoyant l'interdiction du célibat et de maternité sont nulles. C'est une disposition insérée dans la loi organique de 1978 suite à la position de la cour de cassation à propos des hôtesses de l'air de la SABENA. Le législateur a voulu tenir en échec sa jurisprudence en insérant cet article. La Cour de Cassation a appliqué également l'art 36 dans une autre hypothèse, celle des contrats de travail des enseignants de l'enseignement

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DEUXIEME PARTIE – LA RELATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL 147.- catholique. Ces contrats de travail prévoyaient que si l'enseignant vient à contracter un mariage contraire aux lois de la morale chrétienne, le contrat serait résilié de plein droit. ≠ pour les hôtesses : tout mariage qui tombe sous le coup de la condition résolutoire. Ici il s'agit d'une certaine catégorie de mariages. La Cour de Cassation a considéré que l'art 36 L. organique s'appliquait également dans cette hypothèse de condition résolutoire. La Cour de Cassation s'est également servi de cet art dans une hypothèse de licenciement pour motif grave. La Cour abandonne l'interprétation exégétique afin d'adopter une interprétation systémique : il s'agit d'un contrat de travail pour enseignement catholique. La Cour commence par appliquer l'art dans l'hypothèse de la condition résolutoire. Certains établissements du nord du pays décident de choisir la voie du motif grave étant donné que la condition résolutoire ne peut s'appliquer. On va donc considérer que si l'enseignant contracte un mariage contraire aux mœurs de la morale chrétienne fait un manquement. Ce manquement constitue motif grave. Les juridictions admettent cette démarche et valident ce licenciement pour motif grave. Ce sera censuré par la Cour de Cassation qui va opérer une jonction entre le licenciement pour motif et grave et la condition résolutoire : si l'on ne peut pas y voir une condition résolutoire, on ne peut y voir un licenciement pour motif grave.

b) Dérogations implicites

1) ILLUSTRATION DE LA DÉMARCHE De nombreuses clauses résolutoires peuvent être frappées de nullité. Supposons que dans un règlement de travail, si le salarié est absent pendant une période de X jours, le contrat sera résilié de plein droit. Une telle condition (si l'on adopte l'interprétation systémique) serait nulle si elle est fondée sur un manquement contractuel (absence injustifiée pendant une certaine période) et donc c'est un mode de dissolution qui ne comporte pas les garanties que comporte le licenciement pour motif grave (en ce compris, le contrôle judiciaire portant sur la gravité du manquement contractuel). En raison du caractère impératif du contrôle judiciaire que comporte le licenciement pour motif grave, la condition résolutoire doit être déclarée nulle. Ex. On peut également considérer que les conditions résolutoires purement potestatives ou simplement (qu'il appartient à l'employeur de réaliser dans certaines circonstances) potestatives dans le chef de l'employeur sont nulles parce qu'elles réalisent un licenciement non précédé d'un préavis requis. Ex. Une interdiction de licenciement en cas de congés politiques : si dans un contrat de travail, l'on prévoit que le contrat sera résilié de plein droit s'il exerce un mandat politique. Ce sera contraire à cette interdiction de licenciement et la condition résolutoire sera donc nulle. ON peut donc aboutir à la nullité de nombreuses conditions résolutoires. Mais telle n'est pas la position de la Cour de Cassation. C'est un arrêt de 1993. La cour pose le principe selon lequel les conditions résolutoires sont nulles dans la mesure où elles auraient pour effet d'écarter les dispositions impératives régissant le licenciement. Mais quant à la mise en œuvre de ce principe : seules seront tenues en échec les conditions dont la mise en œuvre dépend de l'une des parties (c'est-à-dire celles purement potestatives).

2) L'ORGANISATION IMPÉRATIVE DU LICENCIEMENT POUR MOTIF GRAVE LAISSE-T-ELLE SUBSISTER LA RÉSOLUTION JUDICIAIRE (L. DU 19/03/1991) ?

Rem. Le licenciement pour motif grave se rapproche fort de la résolution judiciaire (car contrôle préalable) La résolution judiciaire ne joue pas pour les salariés protégés. Il est admis par la jurisprudence et la doctrine que le recours à l'art 1384 est admis pour tous les autres. Ce mécanismes comporte des garanties au moins équivalentes à celles que comporte le licenciement pour motif grave. Le contrôle est plus ferme pour la résolution judiciaire.

- MG : pas automatique, a posteriori, sur la licéité de la rupture - RJ : automatique, a priori, sur la décision même de la rupture

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CHAPITRE 18.-

L'ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ

71. L'INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE POUR TRAVAILLEURS ÂGÉS OU PRÉPENSION CONVENTIONNELLE (CCT N° 17 CNT 19.12.1974 – AR. 16.01.1975)

Mécanisme de dissolution des travailleurs âgés pour dégager de l'emploi dans une perspective de consensus. Les Objectifs sont

- la réduction de la vie active. - Redistribution du temps de travail - Instrument privilégié accompagnant les fermetures d'entreprise

Ce mécanisme a un succès total parce que l'employeur et le salarié y trouvent leurs comptes. Cette prépension est qualifiée de conventionnelle pour deux raisons :

- organisée par une CCT Nationale n°17 de 1974 qui a fait l'objet d'ajouts et de modifications multiples. - Ne pourra intervenir qu'à la suite d'un accord entre le salarié et l'employeur.

Ce vocable est assez trompeur parce que les travailleurs pré-pensionnés sont chômeurs et vont donc avoir droit aux allocations de chômage. Leurs allocations vont être complétées par une indemnité complémentaire payable périodiquement, à charge de l'employeur jusqu'à la retraite.

72. LA MENSUALISATION DU PAIEMENT DES INDEMNITÉS DE RUPTURE

Renvoi

73. FERMETURE DE L'ENTREPRISE ET LICENCIEMENT COLLECTIF

a) Législations L. du 28.06.66 sur la fermeture de l'entreprise CCT n° 10 du 08.05.73 sur licenciement collectif CCT n° 24 du 02.10.75 (transposition d'une directive sur licenciement collectif) L. 13.02.1998 (art 62 et ss)

b) L'indemnisation des travailleurs Hypothèse d'un licenciement régulier : indemnité supplémentaire due à certaines conditions d'ancienneté, etc. Le fondement de ce droit à l'indemnité est que le nombre de licenciés de manière collective rend le remplacement de ces travailleurs plus malaisés.

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c) Relations collectives et droit contractuel du travail

La loi du 13 février 1998 CCT N° 24

1) LES OBLIGATIONS PATRONALES D'INFORMATION ET DE CONSULTATION

Ce n'est plus une indemnités mais des dispositifs relatifs aux relations collectives d'entreprise. En cas de licenciement collectif, il y aura concertation sociale reprenant informations des décisions patronales et consultation des représentants des travailleurs. Cette obligation va se faire par l'organe de l'entreprise, le Conseil de l'entreprise. Renvoi. La CCT n°24 impose le caractère préalable du caractère de consultation par rapport aux décisions patronales : principe de l'antériorité de l'information et de consultation. Le droit européen parle quant à lui de "temps utiles". Ce caractère préalable est difficilement respecté par les employeurs.

2) LA LOI DU 13 FÉVRIER 1998 Ex. Renault- Vilvoorde. Face aux remous qui ont suivi, le législateur est intervenu. Les arts 62 et ss. présentent la procédure d'information/consultation et par là, fixe les modalités de l'exigence du caractère préalable. Cette législation réalise une articulation entre les relations collectives d'entreprises et el droit contractuel du travail en mettant sur pied un système de sanctions contractuelles là où la procédure n'est pas respectée. Le conseil d'entreprise a différentes fonctions en ce compris, déterminer les critères généraux de licenciement et d'embauchage. Aucune sanction n'était auparavant prévue. Ce que fait cette loi de 1998 c'est réaliser l'articulation sus citée en mettant sur pied un système de sanctions contractuelles là où le caractère préalable n'est pas respecté. Conditions

- ce système sanctionnateur présente la caractéristique d'être subordonné à une réclamation du conseil d'entreprise (ou à défaut, la délégation syndicale) pour non respect des obligations patronales. Il faut donc des réclamations qui se situent à un niveau collectif.

- Il faut également réclamation individuelle, celle-ci doit se faire dans un certain délai par lettre recommandée. S'il n'y a pas, le système sanctionnateur ne jouera pas.

Si elles sont réunies, la loi distingue deux hypothèses - soit le contrat de travail n'est pas encore rompu : le délai de préavis a été donné (sans que soit respectée

la procédure). IL y a suspension, à ce moment là, du délai de préavis. Cette suspension n'entraîne pas la suspension du contrat : le contrat continue à trouver son exécution avec maintien du salaire. Cette suspension du délai de préavis sera imposée à titre de sanction jusqu'à ce que l'employeur respecte son obligation

- soit le contrat de travail a pris fin alors que la procédure n'a pas été respectée : la sanction réside dans le fait que le salarié fasse une demande de réintégration. Contrairement à la procédure de réintégration prévue dans la loi de 1991 sur les salariés protégés, c'est ici un passage obligé pour avoir droit à une indemnité de rupture tandis que dans le cadre de la loi de 1991, si le salarié ne demande pas la réintégration, il a quand même droit à l'indemnité. Si la demande est faite, l'employeur a lui toujours le choix. Si la réintégration se fait, le contrat n'est pas censé avoir pris fin. Il y a fiction du maintien du contrat. Si l'employeur refuse, apparaît alors un droit à une indemnité de rupture. En définitive, il y a toute une série de conditions auxquelles se trouvent subordonnés le jeu des sanctions contractuelles.

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74. LES GARANTIES ATTACHÉES AUX CRÉANCES DES TRAVAILLEURS (L.30.06.67)

Le droit social a mis sur pied un mécanisme afin que les travailleurs puissent recevoir une partie de leur salaire dans le cas où l'employeur est en défaut de paiement.

a) Privilège (renvoi)

b) Le fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture de l'entreprise

Ce fonds est alimenté par des cotisations patronales. Lorsque l'employeur est en défaut de paiement, selon certaines modalités et dans une certaine mesure, le salarié a une action contre le fonds mais pas nécessairement pour la totalité de ses créances (il y a un plafond). Ce fonds va ensuite bénéficier d'une action subrogatoire contre l'employeur. Quelle analyse juridique appelle ce système ?

- analyse juridique classique (droit civil) : on peut y voir une sorte de sûreté personnelle, de caution légale

- analyse juridique autonome (droit social) : on peut y voir une garantie pouvant être liée à la sécurité sociale. Ceci dit, il faut remarquer que ce n'est pas entièrement de la sécurité sociale classique en ce que le fonds peut se retourner contre l'employeur par l'action subrogatoire. Cette dernière n'est pas un mécanisme caractéristique de la sécurité sociale.

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CHAPITRE 19.-

LE TRANSFERT CONVENTIONNEL D'ENTREPRISE

Ces transferts ont souvent lieu lorsque l'employeur cédant est dans des difficultés financières importantes.

75. LE PRINCIPE DU MAINTIEN DES CONTRATS DE TRAVAIL

Ce mécanisme est issu du droit européen. Un employeur (employeur cédant), gérant son entreprise, engageant des salariés, etc., décide un beau jour de cesser son exploitation et de la céder conventionnellement à un repreneur (employeur cessionnaire). Le droit européen a imposé que tous les contrats de travail conclu entre l'employeur cédant et les salariés vont être eux-mêmes cédés automatiquement et de plein droit au cessionnaire. Ce mécanisme est ignoré du droit des obligations (pas de cession de dette sans l'accord du créancier). Issu d'une directive européenne de 1997 traduite par une CCT du CNT n°32bis datant de 1985. La directive européenne a été modifiée par une directive de 1998 qui a, dans une certaine mesure, érodé le principe de cession automatique des contrats de travail. La protection issue de cette cession est devenue moins ferme par l'effet de la nouvelle directive. Ceci dit, le droit belge n'a pas été modifié. Le régime belge de la CCT de 1985 est toujours applicable. Cela peut rester comme cela : en effet, les directives sont dites d'harmonisation minimale des législations des états membres. Le droit européen impose l'harmonisation minimale mais il est possible que les normes nationales (hiérarchiquement inférieures) améliorent la garantie imposée par le droit européen. Voy. leçon particulière sur le droit européen et la cession d'entreprise : ne pas l'étudier.

a) Champ d'application Il s'agit d'un transfert conventionnel des moyens de production, donc de l'entreprise en tout ou partie. La convention n'est pas nécessairement un contrat de vente. Il peut s'agir d'un contrat de bail, etc. Le droit belge ne s'applique pas en cas de faillite (ce qui est conforme au droit européen).

b) Analyse du principe de transfert Ce principe est celui d'une cession automatique, de plein droit, des contrats de travail. Ce principe va jouer sans nécessité du consentement des parties en causes (employeur cédant, salariés, employeur cessionnaire et des organes d'entreprise). Selon la Cour de Justice, il s'agit d'un système de subrogation du cessionnaire au cédant dans ses droits et obligations issus du contrat de travail. Le cessionnaire prend la place du cédant et devient le titulaire de tous les droits et obligations du cédant, que ce soit au point de vue ancienneté, salaires, temps de travail, etc. Il n'est pas question non plus pour l'employeur cessionnaire d'imposer au salarié cédé une clause d'essai, étant donné que c'est le même contrat qui survit. Une exception cependant à ce principe : elle concerne le régime d'assurances groupes (régime complémentaire de pensions) appliqué dans certaines entreprises ; l'employeur cessionnaire n'est pas tenu de continuer de participer financièrement à ces régimes complémentaires.

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c) Le sort des dettes afférentes au contrat de travail Ce principe suscite un problème : celui des dettes et en particulier les dettes qui n'ont pas été réglées par le cédant. IL est fréquent que le cédant n'ait pas payé la totalité des salaires et qu'il y ait donc des arriérés de salaires. Le problème est donc de savoir si l'employeur cessionnaire est tenu de ce passif contractuel. Est-il tenu des dettes échues avant la cession de l'entreprise. Le problème va être réglé par la Cour de Justice : l'employeur cessionnaire va être tenu du passif contractuel. Cette solution est très favorable pour les salariés, étant donné que le cessionnaire sera le plus souvent plus solvable que le précédent. Le cédant est-il quant à lui tenu de ses dettes ? Le système retenu par la nouvelle directive de 1998 : le cédant et le cessionnaire sont tenus in solidum des dettes existant au moment du transfert. Les salariés cédés gagnent donc un débiteur en plus. Le cédant est-il tenu des dettes issues du contrat de travail après la cession ? La solution est prévue dans la directive de 1998 (mais également dans celle de 1977) : le cédant est libéré pour les dettes à venir. Ce qui est prévu, c'est donc un découpage dans le temps. Cette solution a été contestée dans le cadre du droit belge : c'est une solution contraire à l'art 1275 CC qui prévoit l'absence de cessions de dettes sans l'accord du créancier (à savoir le salarié, en l'occurrence). Le problème était donc que la directive européenne a été traduite dans le droit belge par une norme hiérarchiquement inférieure au Code Civil. La directive de 1998 est intervenue entre temps et dès lors l'on doit considérer aujourd'hui qu'il n'est plus question de tenir compte du code civil et de son article 1275 : il faut considérer que l'on se trouve dans un ensemble normatif directive / CCT autonome par rapport au Code Civil. Ce principe de transfert du droit de travail a un corollaire :

76. L'INTERDICTION DU LICENCIEMENT L'objectif de la directive est de maintenir une stabilité de l'emploi dans cette circonstance exceptionnelle qu'est le transfert. Cet objectif ne serait pas atteint si l'employeur cessionnaire avait la possibilité de licencier. Cette interdiction n'est pas très protectrice, pas très ferme. Il n'y a pas de période de protection. Il y a également des exceptions à ce principe d'interdiction du licenciement :

- motif grave - motifs économiques et techniques impliquant une réorganisation de l'emploi (nb. licenciement avec

préavis) : l'employeur cessionnaire pourra presque toujours invoquer une telle exception étant donné qu'il y aura nécessairement des restructurations de l'entreprise susceptibles de justifier le licenciement de tel ou tel salarié.

- Dans les hypothèses où l'employeur cessionnaire (ou cédant) ne respecterait pas cette interdiction de licenciement, il n'y a pas de sanctions forfaitaires (alors que pour les autres cas d'interdiction de licenciement, il y a sanction forfaitaire due automatiquement). Il n'y a donc pas de dommages et intérêts dus en cas de violation de cette interdiction. Le salarié devra donc établir le préjudice commis et ce en fonction du droit commun.

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CHAPITRE 20.-

LA PRESCRIPTION

77. PRESCRIPTION PARTICULIÈRE POUR LES ACTIONS NÉES DU CONTRAT DE TRAVAIL : ART 15 L. 03.07.78

a) Deux délais

- 1 an à partir de la cessation du contrat : le délai prend court à la rupture du contrat - 5 ans à partir du fait qui a donné lieu à l'action

b) Prescription acquise dès que le délai le plus court est atteint

c) Sens du système L'idée première du législateur c'est que le salarié n'est pas en mesure d'intenter une action en justice aussi longtemps que son contrat est en cours d'exécution. Il pourrait craindre des représailles de la part de son employeur. C'est pour cela que le premier délai a été fixé de cette manière. Qui plus est, ces deux délais vont jouer pour la même façon que ce soit pour l'employeur ou pour le salarié.

78. INAPPLICATION AUX ACTIONS NÉES APRÈS LA DISSOLUTION DU CONTRAT (CONCURRENCE DÉLOYALE, OBLIGATIONS DE DISCRÉTION : SECRETS DE FABRICATION, REPORTS D'EXIGIBILITÉ DES INDEMNITÉS DE RUPTURE, PRÉPENSION CONVENTIONNELLE…) : RETOUR AU DROIT COMMUN

Le législateur a réglé un seul problème, celui du mécanisme de report d'exigibilité des indemnités de rupture: délai un an après le dernier paiement effectif. Dans les autres cas, la jurisprudence a considéré qu'on revenait au droit commun (prescription trentenaire à l'époque et prescription décennale depuis le 10.06.98).

- Cass., 21 juin 1993 (prépension) - Cass., 19 février 1960 (obligation …)

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79. OBLIGATIONS PATRONALES S'INSCRIVANT DANS LE CONTRAT ET DOTÉES DE SANCTIONS PÉNALES

A. Art 26 Titre préliminaire du CIC (modifié par la loi du 10 Juin 1998) : "l'action civile résultant d'une

infraction se prescrit selon les règles du Code Civil ou des lois particulières qui sont applicables à l'action en dommages et intérêts. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique ". Cette disposition est donc susceptible d'intervenir dans le droit du travail, les obligations de l'employeur étant souvent accompagnées de sanctions pénales (voy. sanctions pénales attachées aux normes de sécurité)

B. Interprétation la plus vraisemblable : art 15 L. 03.07.78 est une loi particulière au sens de l'art 26 CIC

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 155.-

TROISIEME PARTIE

LA SECURITE SOCIALE

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 156.-

CHAPITRE 1.-

LE RISQUE PROFESSIONNEL

Jean-Jacques DUPEYROUX : la sécurité sociale, dans sa première forme, est née de l'admiration convergente de deux techniques de garanties (responsabilité patronale et la mutualité, forme non lucrative d'assurances) et d'une pratique patronale (issue d'une doctrine catholique : les sursalaires familiaux).

Comment cette évolution s'est-elle produite ?

80. RESPONSABILITÉ : ÉVOLUTION DE LA TECHNIQUE DE GARANTIE

1° Technique de garantie utilisée dans la sphère du risque professionnel et en particulier les accidents du travail. S'appliquent donc les arts 1382 et ss. du CC afin que le salarié victime de l'accident du travail puisse réclamer des dommages et intérêts à son employeur. L'art 1382 CC exige la faute. La loi de 1900 prévoyait une obligation de sécurité à charge de l'employeur mais ce n'était qu'une obligation de moyens. Le salarié devait donc établir la faute de l'employeur. Peu d'accidents étaient donc réparés sur base du droit civil. 2° Le système belge va se transformer par l'effet d'une loi de 1903 (première législation sur l'indemnisation des accidents du travail). Cette loi prévoyait une indemnisation à partir de la responsabilité patronale à base de risque professionnel (et non plus de faute). Le salarié victime de l'accident de travail ne doit plus prouver la faute patronale : c'est une responsabilité patronale. Les fautes de la victime et les cas fortuits participent également du risque professionnel. Cette notion de risque professionnel est extensive. Si l'employeur est responsable du risque professionnel c'est en raison de l'autorité qu'il exerce sur l'employé. Ce fondement juridique n'est pas le fondement sociologique : c'est uniquement parce qu'il tire profit de l'activité du salarié, qu'il est responsable. En compensation de cette charge économique nouvelle, la loi de 1903 prévoit un système d'indemnisation forfaitaire, c'est-à-dire qu'elle ne couvrira pas la totalité du préjudice. Ce forfait va être établi en considération de la perte de capacité économique. C'est d'ailleurs encore le cas à l'heure actuelle. Dans cette loi également intervient une autre technique de garantie, et ce, à titre accessoire, l'assurance. L'employeur peut conclure des contrats d'assurance afin de supporter plus facilement cette nouvelle charge économique. Cette loi ne cessera de produire ses effets que par l'effet de la loi de 1971. Toutefois, malgré sa durée de vie longue, elle va subir quelques modifications, déployées dans plusieurs directions :

o le champ d'application ratione personae va être élargi (suite à l'extension juridique du salariat) o l'augmentation du forfait (au départ couvrait la moitié la perte de capacité économique jusqu'à

presque la totalité). Mais il est à noter que certains dommages ne seront pas réparés (dommage moral, etc.)

o En 1941, les accidents de trajets (sur le chemin du travail) vont être assimilés aux accidents du travail sensu stricto. Cette législation de circonstance s'explique par le fait que les accidents sur le chemin du travail sont plus dangereux. Cette législation sera reconduite d'années en années jusqu'en 1945. La législation est alors devenue permanente.

3° La loi de 1971, législation actuelle. Sur le plan des principes, cette loi est très importante : elle opère une mutation totale de la technique de garantie. L'assurance facultative devient obligatoire. Elle reste cependant privée. Cela signifie que la technique de responsabilité disparaît de la scène juridique : l'employeur n'est plus responsable des accidents du travail. Cette responsabilité est remplacée par de nouvelles obligations (conclusion

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 157.- d'un contrat d'assurance, obligations de payer les primes en vertu du contrat d'assurance, etc.). L'employeur n'est donc plus le débiteur direct des indemnités forfaitaires et c'est pour cela que le CE a analysé cette loi comme supprimant le concept de responsabilité patronale en la matière au profit d'une autre technique de garantie, l'assurance. Quid si l'employeur ne respecte pas son obligation d'assurance ? Le fonds des accidents du travail est mis sur pied. C'est un établissement public composé paritairement qui va jouer le rôle de fonds de garantie. Ce mécanisme présente pas mal d'analogies avec le fonds en cas de fermeture d'entreprise intervenant en cas d'insolvabilité patronale. Lorsqu'il a payé les indemnités légales, ce fonds va pouvoir se retourner contre l'assureur-loi, soit contre l'employeur (quand il ne s'est pas assuré) via une action récursoire. Dans cette loi de 1971, il est à noter que les accidents du travail ne relèvent toujours pas de la sécurité sociale, alors qu'en Allemagne, c'est réglé depuis Bismarck. On a maintenu en Belgique un système d'assurance privée contrairement à tous les autres pays. Mais pourquoi ? C'est une question qui a été longuement débattue. L'argument fatidique est celui de la prévention : dans le cadre des assurances, les employeurs sont tenus de payer des primes. Ces primes sont fixées en fonction du risque. Cela signifie que l'employeur a intérêt à mieux organiser son entreprise sous l'angle de la sécurité de manière à payer des primes moins importantes. Le système de l'assurance privée va améliorer et prévenir la sécurité au sein de l'entreprise. Quid ? C'est un argument qui est pertinent mais pas entièrement décisif, en ce qu'il ne concerne pas, par hypothèse aux accidents de trajets et surtout que cela dépend du prix du respect des normes de sécurité. Cela peut lui coûter plus cher que les primes telles que fixées en fonction du risque dans l'entreprise. EN DEFINITIVE, C'EST UN CHOIX POLITIQUE.

81. LA LOI DU 10 AVRIL 1971

a) Caractère d'ordre public de la législation (rappelé dans la L. du 03.10.98).

On a considéré qu'il ne s'agissait pas d'un minimum de protection mais bien de l'ordre public absolu.

b) Champ d'application ratione personae ; référence à la sécurité des travailleurs salariés et absence de stage.

Ce champ d'application est calqué sur celui de la sécurité sociale des salariés. Les accidents de travail relèvent donc d'une sécurité sociale sensu lato mais pas techniquement. Il n'y a pas de stage dans le cadre de la loi sur les accidents du travail, contrairement à d'autres secteurs de sécurité sociale. Dans le cadre de la sécurité sociale, très souvent, le droit aux prestations de sécurité sociale est subordonné à un stage. Le stage consiste pour le salarié à avoir presté un certain nombre de journées de travail avant la réalisation de risques. Le fondement du stage est que l'on ne veut protéger que ceux qui sont réellement intégrés dans le circuit de la vie économique comme le montre leur carrière professionnelle et l'exigence de stage. Cette exigence n'existe pas pour les accidents du travail. Ainsi, un salarié qui effectue son premier chemin de travail, est victime d'un accident, ce sera un accident couvert par la loi de 1971. Pourquoi ? En raison du fait que l'accident de travail est un risque soudain et peut être également que c'est un risque professionnel qui doit être mieux traité que les autres.

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 158.-

c) Champ d'application ratione materiae : le risque couvert

1) LA NOTION D'ACCIDENT Selon la loi, l'accident de travail est l'accident survenu au cours et par le fait de l'exécution du contrat de travail. Le législateur établit donc un lien entre l'accident (événement dommageable) et la relation de travail, sans définir au préalable la notion d'accident.

a. LA DÉFINITION JURISPRUDENTIELLE : CASS. 26.05.1967 Il faut donc se référer à la jurisprudence pour voir ce que l'on entend par accident. Il y a une jurisprudence fixée depuis deux arrêts de la Cour de Cassation du 26.5.1967. La Cour de cassation définit l'accident comme un événement soudain produisant des lésions et dont une des causes au moins est extérieure à l'organisme de la victime.

b. LA PRÉSOMPTION DE L'ART 9 ; CASS. 20.10.96

L'art 9 de la loi établit une présomption réfragable (iuris tantum) : si l'on prouve l'événement soudain et les lésions, la loi présume un lien de causalité entre les lésions et l'événement soudain et l'existence d'une cause extérieure est également présumée. Cette présomption implique que l'assureur-loi peut essayer de renverser la présomption en établissant, par exemple, que la lésion trouve une clause exclusivement interne à l'organisme de la victime (ex. que le salarié a eu un malaise cardiaque sur son lieu de travail, sans effort particulier). N'importe quelle lésion (même mentale, par ex. dépression) peut être un accident de travail. Cette lésion peut également se combiner avec des prédispositions pathologiques. Il y a exigence de soudaineté : l'événement doit être soudain. Cette condition permet de différencier l'accident de travail de la maladie professionnelle. La maladie professionnelle peut provenir d'une contamination lente, contractée par un travail malsain (contact avec des produits chimiques, par ex.) au service de plusieurs employeurs. Comme elle est lente, il n'est pas possible d'identifier l'employeur au service de qui le risque s'est réalisé. Dans l'accident du travail, cette soudaineté explique et rend possible le système individualisé de réparation à charge de l'assureur de l'employeur de la victime. C'est l'assureur-loi de l'employeur au service de qui le risque s'est produit qui doit indemniser. Cela permet donc l'imputation du dommage à l'employeur et donc à son assureur-loi. En ce qui concerne les maladies professionnelles, l'indemnisation de celles-ci procède d'une collectivisation du risque, et relève de la sécurité sociale (organisme : fonds des maladies professionnelles).

2) LA NOTION LÉGALE D'ACCIDENT DU TRAVAIL

a. DÉFINITION ABSTRAITE, DOUBLE CONDITION (DE SITUATION ET DE CAUSALITÉ) PRÉSOMPTION DE L'ARTICLE 7.

C'est une définition abstraite vu que la définition de l'accident est l'accident survenu au cours et par le fait de l'exécution du contrat de travail. L'abstraction est un critère de différenciation par rapport aux accidents du trajet. Cette définition est générale et également fondée sur le procédé de l'énumération. C'est également un élément de distinction par rapport aux maladies professionnelles, puisque celles-ci, jusqu'il y a peu, faisaient l'objet d'une énumération exhaustive. Ce dernier système a été modifié par une loi du 29 déc. 1990 et désormais, la maladie qui, bien que ne figurant pas dans la liste, trouve sa cause déterminante et directe dans l'exercice de la profession pourra donner lieu à

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 159.- réparation. Les accidents de travail au sens strict ne font pas l'objet d'une énumération : c'est la définition générale et abstraite qui s'applique.

• DEUX CONDITIONS

- situation : l'accident est survenu au cours de l'exécution du contrat - causalité : par le fait de l'exécution du contrat (c'est ce qui exprime la réalisation du risque

professionnel) Il y a ensuite une présomption réfragable de l'art 7 : il suffit que le salarié victime prouve la condition de situation (au cours de) et l'accident est alors présumé être survenu par le fait de l'exécution du contrat. L'assureur loi peut renverser en prouvant que l'accident n'est pas survenu par le fait de l'exécution du contrat Ex. le père et le fiancé d'une salariée discutent du comportement de la jeune fille. Le père rentre dans l'entreprise, va faire des remontrances à l'entreprise et la frappe. Il y a intrusion de la vie privée en cours d'exécution du contrat. Il est clair que l'assureur-loi pourra renverser la présomption.

• PHILOSOPHIE DU SYSTÈME La condition de causalité est une condition essentielle mais elle est difficile à prouver. Pour faciliter la tâche du salarié-victime, on érige la condition de situation en condition-jeu de la présomption. La condition de situation est érigée en condition autonome : il faut donc qu'elle soit remplie. Si celle-ci n'est pas remplie, il n'y aura pas accident du travail. Le problème est que c'est de nature à créer des angles morts. Ex. Un gardien de nuit surprend des voleurs. Les voleurs savent que le gardien les a vu. Le gardien est peu après assassiné dans son lit. Ce n'est pas un accident de travail : la condition de situation n'est pas remplie. Le risque s'est concrétisé quand il est rentré chez lui.

• COMMENT INTERPRÉTER LA NOTION DE SITUATION "AU COURS DE L'EXÉCUTION DU CONTRAT" ?

La jurisprudence recherche l'état de subordination. La question est donc de savoir si le salarié était sous l'autorité de son employeur (Cass. 26.09.83). Au cours de l'exécution du contrat ≠ au cours du travail si l'on est victime d'un accident avant même que l'on ait commencé à travailler mais que l'on est toujours sous l'autorité patronale, ce sera considéré comme un accident du travail. Le problème est que l'on a considéré que la subordination a été conçu comme une prérogative patronale. L'employeur est donc libre de ne pas la faire jouer. Ce n'est cependant pas un problème : on considérera qu'elle existe. En revanche, si le salarié se soustrait volontairement à l'autorité patronale (ex. va se promener au lieu de travailler), il ne pourra pas dire, si un accident survient, qu'il y a accident de travail.

• COMMENT INTERPRÉTER LA NOTION DE CAUSALITÉ ? On vise les cas fortuits industriels (machines qui explosent, éboulement, etc.). On intègre la faute de la victime sauf si cette faute est intentionnelle. On intègre également toute faute de l'employeur et des compagnons de travail même si cette faute est intentionnelle.

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3) LA NOTION LÉGALE D'ACCIDENT DU TRAJET = accident survenu sur le chemin normal du travail.

a. LE CRITÈRE DE L'ABSENCE D'AUTORITÉ PATRONALE L'on quitte notre résidence pour aller travailler. Avant la grille, accident de trajet et après, comme on est sous l'autorité patronale, accident de travail. Une portion de la vie privée est indemnisée par l'assureur-loi.

b. UNE DÉFINITION HYBRIDE ; CONDITION ABSTRAITE ET PROCÉDÉ DE L'ÉNUMÉRATION

chemin de travail = trajet entre la résidence et le lieu du travail et inversément. Art 8 : énumération de certains lieux à des lieux de travail. Il y a donc condition de situation mais il n'y a pas plus de condition de causalité.

N'importe quelle cause débouche sur un accident du trajet.

c. INTERPRÉTATION JURISPRUDENTIELLE

L'accent est mis sur l'exigence de "normalité", exigence qui n'apparaît pas dans les conditions d'accident du travail au sens strict. Cette exigence permet à la jurisprudence de réintroduire la notion de faute.

• DÉTOUR ET INTERRUPTION Détour : allusion à une notion d'espace (conduire les enfants à l'école, etc.) Interruption : allusion à une notion de temps (boire un café, etc.) Cass., 24.09.90 et 13.11.95 : en cas de détour ou d'interruption importants, pour que le chemin de travail reste normal, il faut pouvoir invoquer un cas de force majeure. Par contre, en cas de détour ou d'interruption peu importants, on peut invoquer une cause légitime. Cette cause légitime exclut les motifs de pure convenance personnelle. Il faut que le détour ou l'interruption s'impose avec un certain degré de nécessité.

Le législateur est intervenu pour régler certains problèmes ponctuels. Ex. L. 12.07.91 modifiant l'art 8 : le législateur a prévu que le trajet restait normal en cas de détour justifié par le covoiturage ou pour conduire/chercher les enfants à la garderie ou à l'école.

4) RISQUE COUVERT ET FAUTE INTENTIONNELLE DE LA VICTIME

Art 48 L. 10.04.71 : la faute intentionnelle de la victime exclut l'accident de travail et de trajet. Faute intentionnelle ? UN travailleur pousse un de ses compagnons de travail dans une bulle d'acide. La victime est brûlée. Est-elle victime d'un accident de travail ? La personne est victime d'un accident du travail. En revanche, si l'auteur fautif a été éclaboussé par l'acide, il n'est pas victime d'un accident de travail. Il y a faute intentionnelle dès que la victime a voulu l'élément dommageable mais pas nécessairement les lésions. Il ne faut pas confondre avec la faute lourde.

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d) Indemnisation partielle et forfaitaire ≠ réparation de droit commun fondée sur 1382 CC. Cette réparation se veut forfaitaire : elle n'a pas la prétention de tout réparer. En 1903, l'employeur a été rendu responsable de tous les accidents du travail (car à base de risque). Dès 1903, en compensation, on prévoit le caractère forfaitaire. En 1971, ce n'est plus l'employeur qui est le débiteur des indemnités mais supporte la charge économique des primes d'assurance. En 1971, on a donc maintenu ce caractère forfaitaire.

1) L'EXCLUSION DU DOMMAGE AUX BIENS. La législation de 1971 ne concerne pas du tout les biens. Certains biens sont cependant réparables : lunettes, prothèses, etc.

2) LA RÉPARATION FORFAITAIRE DU DOMMAGE À LA PERSONNE

a. EXCLUSION DE CERTAINES COMPOSANTES DU DOMMAGE À LA PERSONNE ; RÉPARATION DE LA PERTE DE CAPACITÉ ÉCONOMIQUE

Le forfait vise à réparer la perte de capacité économique. L'on va donc exclure une partie des dommages causés à la personne sans relation à la capacité économique de la personne (dommage moral, préjudice esthétique – hôtesses de l'air, modèles, etc.-) Comment évaluer cette perte de capacité économique sur base de critères rigides et impératifs? L'évaluation est donnée par la notion de rémunération de base.

b. RÉPARATION FORFAITAIRE DE LA PERTE DE CAPACITÉ ÉCONOMIQUE ; UNE PREMIÈRE ILLUSTRATION : LA RÉMUNÉRATION DE BASE

Rémunération de base : rémunération gagnée par la victime pendant l'année qui a précédé l'accident et uniquement pour les fonctions au cours desquelles l'accident est survenu. Cette rémunération de base est plafonnée. Les plafonds sont plus élevés que ceux de la sécurité sociale. Cela procède d'une sollicitude aux salariés victimes.

3) LA RÉPARATION EN CAS D'ACCIDENT NON MORTEL

a. LES SOINS MÉDICAUX, PHARMACEUTIQUES, HOSPITALIERS ; RECONSTITUTION DE LA CAPACITÉ ÉCONOMIQUE DE LA VICTIME.

L'assureur répare ces soins. On regarde ensuite s'il y a ou non une incapacité de travail. Un système d'indemnisation de la perte de capacité économique est alors appliqué.

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b. LA NOTION D'INCAPACITÉ PROPRE AU RISQUE PROFESSIONNEL Ce système est propre à la loi sur les accidents de travail. Il n'y a pas uniformisation des concepts de l'incapacité de travail dans le droit social : cette définition ne sera pas la même que celle visée par la loi Assurance Maladie-invalidité (secteur de la sécurité sociale). Dans celle-ci, on applique la technique du seuil (66% d'incapacité). Si l'on est en dessous, on est en état de capacité. Ce n'est que si l'on a plus, que l'on relève du système d'indemnisation de l'assurance. Incapacité de travail dans la loi :

- incapacité temporaire - incapacité permanente

Ces deux catégories se subdivisant en - incapacité totale - incapacité partielle

Le critère est fourni par un critère médical : la consolidation des lésions. Tant que les lésions restent susceptibles d'évoluer, l'incapacité est temporaire. Dès que la situation se fige, l'on se trouve dans un état d'incapacité permanente. Comment déterminer le pourcentage ?

- incapacité totale et partielle On les apprécie uniquement par rapport au métier exercé effectivement avant l'accident. Est-elle encore capable de le faire ?

- incapacité permanente et temporaire

On les apprécie par rapport non pas uniquement au métier exercé mais de toutes les capacités qui lui restent par rapport à l'ensemble du marché du travail, de l'emploi. C'est une appréciation in concreto tenant compte des facteurs économiques et sociaux mais aussi de la personnalité de la victime (Cass. 03.04.1989 ). Au delà de l'incapacité physique, on tient compte de l'âge, de la faculté d'adaptation, des diplômes, de la capacité de concurrence sur l'ensemble du marché de l'emploi. On ne tient cependant pas compte du taux de chômage.

c. L'INDEMNISATION DE LA PERTE DE CAPACITÉ ÉCONOMIQUE

- Incapacité temporaire Rémunération de base / 365 = rémunération quotidienne moyenne. En cas d'allocations pour incapacité temporaire totale, on alloue au salarié victime 90% de la rémunération quotidienne moyenne (nouvelle manifestation du caractère forfaitaire de l'indemnisation). En cas d'allocations pour incapacité temporaire partielle, l'art 23 L. établit un système favorisant la remise au travail du salarié dans son entreprise. En effet, l'assureur-loi peut demander à l'employeur la possibilité d'une remise au travail soit dans la fonction précédemment exercée, soit, le cas échéant, dans une fonction adaptée. L'employeur n'est jamais obligé d'accepter. S'il accepte, la victime aura droit à une réparation intégrale de son préjudice (totalité de ce qu'elle gagnait avant l'accident), l'assureur-loi étant chargé de payer la différence entre le salaire gagné après remise au travail et le salaire précédemment gagné (réparation intégrale et non réparation forfaitaire). Si l'employeur refuse, ou si la victime invoque un motif valable, cette dernière aura droit à 90% de la rémunération quotidienne moyenne (c'est-à-dire régime de l'incapacité temporaire totale).

- Incapacité permanente Cette incapacité survient après consolidation des lésions, lorsque l'on a constaté médicalement que l'état de la victime ne peut plus évoluer. On mesure ses capacités restreintes par rapport à l'ensemble du marché du travail. Le salarié aura droit à une allocation annuelle, calculée d'après la rémunération de base et le degré d'incapacité permanente. En cas d'incapacité permanente totale, donc, le salarié aura donc droit à une allocation de 100% de

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 163.- la rémunération de base. Si l'incapacité permanente est partielle, il aura droit à sa rémunération de base multipliée par le pourcentage de son incapacité. En principe, la loi sur les accidents du travail assure la réparation de toutes les incapacités même minimes. Pour des raisons financières, budgétaires, ce système a subi une érosion et désormais, existe un système de réduction des indemnités pour les petites incapacités. En effet, la loi prévoit que l'allocation est diminuée de moitié pour les incapacités de – de 5% et d'un quart pour les incapacités entre 5 et 9%. La Cour d'arbitrage a validé ce système qui établit une différence de traitement (CA. 27.06. 96).

4) ACCIDENTS MORTELS La loi contient une énumération limitative des ayant droits pouvant réclamer une rente, celle-ci étant fixée à un pourcentage de la rémunération de base. Ex. Pour le conjoint (survivant) : 30 %. La loi exclut donc les cohabitants. Ex. Pour les enfants de la victime : 15 ou 20 % de la rémunération de base selon qu'ils sont orphelins d'un ou des deux parents. Une discrimination existait dans la loi entre les enfants naturels et légitimes. Cette discrimination a été supprimée par une loi du 29 avril 1996 seulement. Depuis cette loi, enfants naturels et légitimes sont placés sur le même pied. Ex. Parents de la victime s'il n'y a pas d'enfants bénéficiaires à condition d'établir qu'ils profitaient de la victime. Il y a d'ailleurs une présomption irréfragable si la victime vivait sous le même toit que ses parents.

5) PROCÉDURE D'INDEMNISATION

a. ACCORD ENTRE LES PARTIES ET DÉLAI DE RÉVISION (ARTS 24, 65 ET 72) Incapacité temporaire consolidation des lésions (critère médical) accord doit alors intervenir entre la victime et l'assurance-loi. Cet accord est un accord solennel qui doit déterminer tous les éléments nécessaires pour liquider l'indemnisation de l'accident de travail, c'est-à-dire rémunération de base par rapport au pourcentage d'incapacité, le moment de la consolidation. Cet accord entre la victime et l'assurance-loi doit être entériné par le fonds des accidents du travail (avant 1987 : tribunal du travail). Il n'est évidemment pas toujours possible d'aboutir à un accord. C'est le tribunal du travail qui tranchera alors le litige. A dater de l'entérinement de l'accord par le fonds des accidents du travail ou, à défaut, de la décision du tribunal de travail coulée en force de chose jugée, il y a délai de révision de 3 ans. C'est en quelque sorte une soupape de sécurité en ce que, pendant ce délai, chacune des parties (victime ou assurance-loi) pourra demander une révision en raison d'une modification de l'état de la victime (aggravation, guérison inattendue, décès etc. par ex.) Ce délai est un délai préfixe, d'ordre public et passé ce délai, la situation est figée. Le système est plus rigide qu'en droit civil. On peut en effet, en droit civil, acter des réserves pour l'avenir afin de tenir compte de modifications. Le système est très contraignant surtout s'il y a décès. Si la victime décède dans ce rayon de trois ans, les ayant droits intentent une action en révision pour obtenir la rente provenant de l'accident mortel. Par contre, si elle décède après le délai de 3 ans, il n'y a plus de révision possible mais un système d'allocation minimale est prévu (idée d'assistance) qui sera versée par l'assureur-loi.

b. LE SYSTÈME DES RENTES

- rente prévue en cas d'accident mortel - pour le salarié victime, à l'expiration du délai de révision, la somme annuelle qu'on lui verse (jusqu'à

son décès) prend alors le nom de rente. Pourquoi une rente et non un capital ? L'idée est la suivante : le droit social traite les salariés comme des incapables qui risqueraient de dilapider le capital. Cependant, à l'expiration du délai de révision, la victime peut demander à tout moment qu'un tiers de la valeur de la rente lui soit payée en capital. Ce n'est pas automatique : il faut le demander au tribunal du travail. Le juge statue au mieux de l'intérêt de la victime.

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e) Les rapports entre la responsabilité civile et la technique de la garantie de la loi sociale

Quid quand l'accident survient à cause d'un tiers ?

1) LA SOLUTION DE PRINCIPE : COEXISTENCE DES DEUX SYSTÈMES DE RÉPARATION ET INTERDICTION DE CUMUL

On maintient les deux techniques d'indemnisation (1382 et forfait) Cela ne peut être une source d'enrichissement pour la victime : il ne peut donc y avoir cumul. La victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice mais pas plus ou encore tout le dommage et rien que le dommage.

a. L'ACTION SUBROGATOIRE DE L'ASSUREUR-LOI Comment empêcher le cumul ?

1° La victime doit d'abord agir contre l'assureur-loi pour réclamer le forfait 2° La victime dispose d'une action complémentaire contre le tiers responsable pour obtenir réparation

du reste (préjudice non réparé par le forfait, c'est-à-dire le dommage moral, le préjudice esthétique, le dommage aux biens, la perte de capacité économique restée sans réparation en raison du caractère forfaitaire)

3° L'assureur-loi qui a payé le forfait a une action subrogatoire contre le tiers responsable. Il est subrogé à concurrence de ce qu'il a payé (à concurrence du forfait donc).

4° En bref, le tiers fautif supporte l'intégralité du dommage.

b. LE FRACTIONNEMENT DES ACTIONS Ainsi, quand il y a coexistence de plusieurs techniques d'indemnisation, la responsabilité civile désigne celui qui devra supporter définitivement le poids économique du dommage. La loi impose un fractionnement de son action à la victime. Elle ne peut réclamer tout au tiers fautif.

2) LE RÉGIME DES ACCIDENTS DU TRAVAIL SS. (AVANT LA LOI DU 20 MAI 1998)

Existent des cas d'immunisation, exonération de responsabilité civile au bénéfice de :

- l'employeur - le mandataire de l'employeur - le préposé

Le système est différent selon que l'on parle de l'accident du travail au sens strict, d'un accident de trajet (dépend de la situation de la victime au moment de l'accident) ou d'un accident de roulage. Ce dernier régime a été provoqué par l'intervention de la Cour d'Arbitrage le 16.01.97. Cet arrêt a suscité une modification légale : la loi du 20 mai 1998. La CA avait décelé une violation de la règle d'égalité lorsque l'accident de travail était un accident de roulage.

a. L'IMMUNITÉ DE L'EMPLOYEUR ET DU MANDATAIRE ; LE SENS DU SYSTÈME L'employeur est partie au contrat de travail. Il bénéficie de cette exonération. Pour comprendre, il faut remonter à la loi de 1903 (responsabilité objective à base de risque à charge de l'employeur). L'employeur devait donc réparer tous les accidents de travail, même ceux non causés par sa faute, puisque sa responsabilité était à base de risque. En compensation, on a prévu le caractère forfaitaire de l'indemnisation. L'idée était que ce forfait devait avoir un caractère absolu, impératif, applicable pour tout accident du travail, même ceux causés par la faute de

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 165.- l'employeur. Pour ne pas qu'on puisse agir contre lui sur base de 1382 CC pour avoir plus, on prévoit une exonération de réparation civile. Le régime actuel veut qu'on supprime le concept même de responsabilité de l'employeur : il n'est plus jamais le débiteur des indemnités. On a en effet remplacé en 1971 le système cité par un système d'assurances. Le patron continue à supporter le poids économique du risque professionnel vu que c'est lui qui paye les primes des assurances. Pour cette raison, on a maintenu les exonérations de responsabilité civile prévue en 1903. La victime n'a donc pas d'action complémentaire contre l'employeur et il n'y a pas non plus de recours subrogatoire contre le même employeur. Le mandataire La loi de 1903 prévoyait l'immunisation en faveur de l'employeur (voy infra) et des préposés. La loi ne prévoyait rien pour les mandataires. Cass. rend un arrêt pour un salarié en mission avec un administrateur qui ont eu un accident par la faute de l'administrateur. Le salarié subit un préjudice. C'est un accident de travail (en cours de travail). IL a donc droit au forfait mais il y a un tiers fautif. A-t-il une action ? Normalement, oui (sur base de la loi de 1903). La Cour a cependant considéré que le mandataire pouvait entrer dans la catégorie d'employeur (c'est un organe) : il y a donc exonération de responsabilité pour le mandataire. Le législateur en 1971 a intégré cette troisième catégorie d'immunisés.

b. L'IMMUNITÉ DU PRÉPOSÉ DE L'EMPLOYEUR DE LA VICTIME ; LE SENS DU SYSTÈME

Pourquoi ? Cela vient de l'idée de protection de l'employeur commettant pour respecter le caractère impératif du forfait. On bloque donc 1382 dans le chef du préposé pour bloquer 1384, al 3. Protection du préposé à titre secondaire, les travaux préparatoires parlent du Il s'agit d'indemniser les victimes d'accident du travail mais également de protéger les salariés contre les conséquences financières des accidents du travail dont ils seraient les auteurs fautifs. On considère en effet qu'il est impossible de travailler sans commettre de faute. Il faut donc les protéger. " préposé " = personne sous l'autorité d'un commettant. La qualité de préposé n'est pas indélébile. Il faut être dans l'exercice de ses fonctions. L'exonération ne joue pas pour les actes commis en dehors de l'exercice de ses fonctions. Il faut être préposé d'un commettant qui est en même temps l'employeur de la victime (qui a le même employeur que lui) : cette double relation juridique doit être remplie. Pourquoi ? Le but est de protéger l'employeur de la victime qui supporte déjà le coût des primes. Csqces : L'exonération ne jouera pas dans tous les cas où un préposé cause un accident dans l'exercice de ses fonctions. En effet, sur un chantier, peuvent se trouver des salariés d'une entreprise A qui travaillent avec des salariés d'une entreprise B. Si un salarié A cause par sa faute un dommage à un salarié B, l'exonération ne jouera pas. On explique cela par le fait que le but de la loi (ratio legis) est de ne pas protéger à titre principal le salarié mais bien l'employeur. Dans l'exemple, l'employé sera responsable sur base de 1382 et donc de 1384, al 3 s'appliquera : l'employeur sera responsable.

c. LE JEU DES EXONÉRATIONS DE RESPONSABILITÉ DANS LES RELATIONS TRIANGULAIRES DU TRAVAIL

Le travailleur intérimaire est dans les liens d'un contrat de travail avec l'entreprise intérimaire. Le problème est que ce travailleur va travailler dans des entreprises utilisatrices. Il côtoie donc les travailleurs permanents. Il y a transfert de l'autorité patronale qui s'opère de l'entreprise intérimaire vers l'entreprise utilisatrice. Le salarié travaille donc sous l'autorité de l'entreprise utilisatrice.

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 166.- 1° Si le travailleur intérimaire cause un dommage par sa faute à un salarié permanent : bénéficie-t-il de l'exonération de responsabilité civile ? Oui car il devient le préposé de l'entreprise utilisatrice qui est elle-même l'employeur de la victime. 2° Si le travailleur permanent cause un dommage par sa faute à un salarié intérimaire : bénéficie-t-il de l'exonération de responsabilité civile ? La double relation juridique n'est pas remplie car en l'espèce, le salarié permanent est le préposé d'un commettant qui n'est pas l'employeur de la victime.

d. LE JEU DES EXONÉRATIONS DE RESPONSABILITÉS Quelle est l'étendue des exonérations ? Tout le dommage à la personne mais pas le dommage aux biens.

e. RETOUR AU DROIT COMMUN EN CAS DE FAUTE INTENTIONNELLE La responsabilité civile joue dans les hypothèses visées à l'art 46 L.

- en cas de dommage aux biens - en cas de faute intentionnelle des trois catégories immunisées!

L'employeur qui a commis exprès la faute peut être soumis à la responsabilité civile.

FAUTE INTENTIONNELLE DE L'EMPLOYEUR Pour que sa responsabilité soit restaurée, il suffit que l'intention porte sur l'accident (c'est-à-dire pas nécessairement sur les lésions). Ex. : 19è siècle : un employeur, au bord de la faillite, met le feu à son entreprise pour faire jouer son assurance. Le problème est qu'il a oublié qu'il y avait des salariés. Ces derniers brûlent. IL n'a pas voulu les lésions mais a voulu l'accident. On considère qu'il a commis une faute intentionnelle au sens de l'art 46 et sa responsabilité est donc restaurée. La victime peut donc réclamer la somme forfaitaire mais auront également une action complémentaire contre l'employeur. // faute intentionnelle de la victime qui exclut la qualification de l'accident de travail.

FAUTE INTENTIONNELLE DES PRÉPOSÉS La responsabilité civile est rétablie. Ce n'est pas la même faute intentionnelle que l'employeur. Le préposé doit avoir voulu les lésions. C'est donc plus restrictif. Pourquoi ? Initialement, dans la loi de 1903, on ne prévoyait pas de retour au droit commun en cas de faute intentionnelle. La Cour de Cassation a réintroduit, en 1935, sans base légale, la responsabilité civile en cas de faute de préposé. Comme il n'y avait pas de base légale, elle a retenu cette notion plus restrictive. En 1971, le législateur a intégré cette notion jurisprudentielle dans la loi. Une question s'est posée : on parle de faute intentionnelle de l'employeur (doit avoir voulu l'accident). Quid si l'employeur n'a pas voulu l'accident tout en étant conscient des risques d'accident ? Ex. Catastrophe minière alors que l'inspection du travail avait relevé une série de manquement graves et avait averti l'employeur. Cette négligence grave peut-elle être considérée comme une faute intentionnelle. La Cour de Cassation a refusé de considérer qu'il y avait faute intentionnelle mais le législateur le 24.12.99 a considéré que oui. Art 46 : Si l'employeur a exposé ses travailleurs aux risques d'accidents du travail alors que les fonctionnaires désignés pour surveiller l'application des dispositions consacrées à la sécurité et à l'hygiène lui ont signalé par écrit le danger auquel il expose les travailleurs.

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3) LE RÉGIME DES ACCIDENTS DE TRAJET En 1964, on a supprimé les exonérations de responsabilité au bénéfice des immunisés. La plupart des accidents de trajet sont des accidents de roulage. En 1956, on a rendu obligatoire l'assurance RC Conduite d'un véhicule automoteur (assurance de responsabilité civile). Pour permettre le jeu de cette assurance, on a supprimé les exonérations de responsabilité civile en se disant que de toute façon l'employeur, mandataire et préposé étaient assurés (vu que obligatoire). Le risque que l'employeur devra décaisser est annulé. De plus, cette assurance RC permet la réparation intégrale. Cependant, il y a des hypothèses où les accidents de trajet ne sont pas couvert par l'assurance RC Conduite. Un accident de trajet est provoqué par la faute non intentionnelle de l'employeur. Ce n'est pas un accident de roulage. La victime réclame le forfait à l'assureur-loi et touche celui-ci. L'assureur loi décide alors d'exercer son action récursoire à l'employeur responsable de l'accident. Cet employeur responsable de l'accident est celui qui a contracté l'assurance avec l'assureur-loi. La Cour de Cassation a été saisie de ce problème et a tranché dans deux arrêts dont le 12.01.73. Dans cet arrêt assez prétorien, la Cour a refusé de reconnaître la possibilité de l'action subrogatoire à l'assureur contre l'employeur. On crée une immunité jurisprudentielle pour l'employeur. Cette exonération est moins large pour les accidents de travail ss. étant donné que les accidents de trajet peuvent donner lieu à réparation totale. En effet, dans cet arrêt la Cour ne fait que dire que l'assureur n'a pas l'action subrogatoire. Ce qui est maintenu c'est l'action complémentaire de la victime contre l'employeur (sur base 1382 CC)

4) LA SCISSION DU RÉGIME DES ACCIDENTS DU TRAVAIL OPÉRÉE PAR LA LOI DU 20 MAI 1998

a. L'ARRÊT DE LA CA DU 16.01.97 ET SON ACCUEIL PARTIEL DU REPROCHE DE DISCRIMINATION

Hypothèse d'un accident de travail ss. C'était en même temps un accident de roulage. Cet accident de roulage était du à la faute du préposé (bénéficiaire d'exonération de responsabilité). Pour que puisse jouer la RC auto permettant la réparation intégrale du dommage, il faut faire "sauter" le verrou des exonérations de responsabilités. Mais ici il y a exonération, donc il n'y aura pas réparation totale du dommage. Tandis que s'il s'agissait d'un accident de trajet, il y aura eu réparation totale du dommage. Discrimination ? La CA va accueillir partiellement le reproche de discrimination. Elle va l'admettre non pour l'ensemble des exonérations de responsabilité mais seulement pour l'hypothèse où l'accident de travail ss. est un accident de roulage. L'arrêt a entraîné une modification de la loi.

b. LA MODIFICATION DE L'ART 46 PAR LA LOI DU 20.05.98 Désormais, le système est que l'on maintient le régime de base (avec les exonérations de responsabilité) mais l'on supprime les exonérations de responsabilité dont bénéficiaient les immunisés pour les accidents de circulation, de roulage, de manière à avoir réparation totale d'un tel accident.

c. LA NOTION D'ACCIDENT DE CIRCULATION ; LA MODIFICATION PORTÉE PAR LA LOI DU 25.01.99

Les assureurs auto sont donc soumis à une nouvelle charge. Ils s'en sont plaints. Le législateur a sans doute obéi à leurs injonctions en définissant plus strictement l'accident de roulage permettant le jeu de la responsabilité civile de l'employeur et du préposé. Accident de roulage : Accident de la circulation routière impliquant un ou plusieurs véhicules et liés à la circulation sur la voie publique.

la responsabilité civile ne pourra donc pas jouer quand ces accidents se produiront sur les chantiers, sur le terrain de l'entreprise, etc.

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CHAPITRE 2.-

LA SECURITE SOCIALE

Jean-Jacques DUPEYROUX : la sécurité sociale, dans sa première forme, est née de l'admiration convergente de deux techniques de garanties (responsabilité patronale et la mutualité, forme non lucrative d'assurances) et d'une pratique patronale (issue d'une doctrine catholique : les sursalaires familiaux). Ce modèle ne correspond pas entièrement au droit belge étant donné que la Belgique connaît un système d'assurance privée pour les indemnisations des accidents du travail (voy. infra).

82. ÉVOLUTION ; SYNTHÈSE

a) Le sursalaire familial Pratique propre aux pays de tradition catholique (France, Italie, Belgique). Certains patrons catholiques sociaux, influencés par la doctrine sociale de l'église, ont accordé des sursalaires familiaux à leurs salariés, ouvriers qui avaient des charges de famille. Il ne s'agissait pas d'altruisme complet : ce système facultatif permettait également une hausse généralisée des salaires à ceux des salariés qui avaient le plus de charges économiques (ceux qui avaient des enfants). Cela permettait de diviser la classe ouvrière dans leurs revendications de salaires. Les patrons ont souhaité rapidement collectiviser ce système. Les patrons qui utilisaient le sursalaire familial ont créé des caisses de compensation (ASBL). Auprès de celles-ci, ils vont verser des cotisations établies capitativement (tête de chacun de leurs ouvriers) et vont ces caisses vont redistribuer à ceux qui ont charge d'enfants. Ce système devient obligatoire en 1930. C'est la crise. Les employeurs ne pouvaient plus continuer à pratiquer ce système. On a choisit la voie de l'obligation parce que le gouvernement, pour pallier à la crise, essaie de retirer du marché du travail les femmes, notamment. Un moyen pour les retirer du marché, il pense aux allocations familiales.

b) La mutualité Les sociétés de secours mutuel ont été créés spontanément par la classe ouvrière fin du 19ème siècle de manière à couvrir les risques d'accidents du travail ou les risques de maladie. Nature juridique : assurance non lucrative (dans laquelle les assurés sont en même temps les assureurs). Les salariés paient des cotisations de manière à couvrir certains risques (incapacité de travail, etc.) Mais la couverture des risques était mauvaise (modique car les cotisations étaient peu élevées). De plus, il y avait un système de sélection des risques à rebours.

Ctre-ex. : assurances lucratives. Les assurances lucratives, dans le jeu des contrats d'assurance, écartent les mauvais risques (par ex., pour les assurances-vies: visite médicale, etc.). Pour les sociétés de secours mutuels, il y avait l'inverse, tendance à regrouper les mauvais risques (seuls vont participer les salariés qui sentent qu'ils auront besoin de ces mutuelles). C'est pour cela qu'il y a sélection des risques à rebours.

Les ouvriers les plus démunis ne s'affiliaient pas (tout cela en raison du caractère facultatif du système) Les mutuelles se trouvent alors face à de graves problèmes financiers. Elle a droit à des subsides de l'état. Cependant, les inconvénients cités ci-dessus persistent (caractère libre du système). En 1945, apparaît donc l'assurance – invalidité obligatoire. Dans celle-ci les mauvais risques = bons risques. C'est une obligation pour les salariés et l'employeur, qui est appelé à payer des cotisations. En Allemagne, la première assurance de ce type est apparue à la fin du 19ème siècle.

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83. LE CHAMP D'APPLICATION PERSONNEL La différence la plus importante entre le système belge et bismarckien concerne le champ d'application personnel.

ALLEMAGNE

Le champ d'application des premières assurances sociales n'est pas déterminé par l'ensemble des contrats de travail. Seuls certains le seront. Bismarck prévoit donc une protection à l'égard des plus démunis (c'est-à-dire ceux qui se trouvent en dessous d'un certain seuil : c'est pourquoi l'on parle de plafond d'affiliation). Ces plafonds vont commander l'existence d'autres plafonds :

o Plafonds de cotisations, par ex. Le système était financé par des subsides et des cotisations patronales. Les cotisations sont un pourcentage des rémunérations gagnées (ex. 6% du salaire de l'ouvrier assujetti obligatoirement).

o Plafonds de prestation : la sécurité sociale bismarckienne est essentiellement une garantie de revenus professionnels, c'est-à-dire octroyer des revenus de remplacement du salaire octroyés en cas de réalisation du risque qui empêche de travailler. Il s'agit d'une fonction indemnitaire : ce sera un pourcentage de la rémunération gagnée avant et perdue par la réalisation du risque. Ex. en cas de maladie, il y a prestation de sécurité sociale, revenu de remplacement du salaire, qui sera par exemple 60% du salaire précédemment gagné du salarié avant que le risque ne se réalise dans son chef. Le montant ne pourra jamais dépasser le plafond d'affiliation!

BELGIQUE

La Belgique n'a jamais connu de plafonds d'affiliation. Tous les contrats de travail ont été visés par la sécurité sociale belge. Cela s'explique par le décalage chronologique entre les premières lois bismarckiennes et la sécurité sociale belge. Celle-ci va cependant maintenir des plafonds de cotisations et des plafonds de prestation. Le plafonds de cotisation va entraîner une immunité des tranches élevées de salaires (système dégressif) . Les cadres vont donc bénéficier de ces plafonds. Dans les années '80, difficultés financières pour la sécurité sociale. Les plafonds vont donc sauter. Les cotisations seront perçues sur la totalité du salaire. Les plafonds de prestation seront maintenus et il ne sera jamais question de les supprimer. Un AR de 1944, modifié en 1969, complété par une loi de 1921 régit la sécurité sociale. La sécurité sociale est un droit de caractère très réglementaire. Rem. : Problème du chômage réglé par AR La sécurité sociale va s'appliquer à chaque fois qu'il y a contrat de travail. Au contrat de travail est assimilé le contrat d'apprentissage. Ils y a des présomptions de contrat de travail. Certains juristes ont émis l'idée que ces présomptions ne visaient que l'aspect contractuel. La Cour de cassation, le 23.11.92, ne l'a pas entendu de cette oreille : les présomptions concernent non seulement les questions d'ordre contractuel mais également la sécurité sociale. Tendance à l'extension : tendance à aller au delà du contrat de travail.

- Rappel : la nullité du contrat de travail ne peut jamais être invoquée pour échapper à la sécurité sociale. - Le gouvernement a la possibilité d'étendre tout ou partie à d'autres catégories de personnes

o Personnes qui fournissent des prestations sous l'autorité d'une autre personne (critère de la subordination) moyennant rémunération (ex. les fonctionnaires sous statut relèvent de la sécurité sociale en ce qui concerne les soins de santé).

o Personnes qui travaillent dans des modalités similaires à celles des salariés. Conceptuellement, et à la lumière des Travaux Préparatoires, le terme "modalités similaires" entraînerait accueil du critère de dépendance économique. Un AR est intervenu.

- Actuellement, en principe, les emplois occasionnels ou de courte durée vont donner lieu à assujettissement à la sécurité sociale.

o Rem. titularité des droits des prestations ≠ champ d'application ratione materiae.

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Tout contrat de travail donne lieu à assujettissement à la sécurité sociale (l'employeurs et les salariés doivent payer) mais cela n'entraîne pas que les salariés auront droit à la sécurité sociale. C'est du en grande partie aux exigences de stage (si le stage n'est pas rempli, il y aura versement des cotisations mais n'aura pas droit aux prestations). En ce qui concerne le travail à temps partiel, ces exigences de stage ont été aménagées (de manière à ce qu'ils aient (mais pas tous) droit à la sécurité sociale).

o Droits dérivés : droits reconnus aux personnes dépendants de l'employeur.

Notre sécurité sociale est d'inspiration familiale et au départ, cette sécurité sociale s'est structurée à partir d'un modèle traditionnel de la famille (père qui travaille, mère au foyer, enfants à l'école). Cela va entraîner le recours à des catégories attributaires, allocataires et bénéficiaires (qualifications juridiques dans la sécurité sociale) Attributaire : père Allocataire : la personne qui va percevoir, toucher les allocations familiales ; en principe, c'est la mère Bénéficiaire : enfant La sécurité sociale va très souvent réserver un sort particulier à la femme qui ne respecte pas. Situation spécifique de la femme au travail. Cette situation est tantôt discriminatoire (ex. 1945 chômage : le montant des allocations était plus élevée pour les hommes chefs de famille que pour les femmes), tantôt plus favorable (ex. pensions : les femmes accèdent à la pension à 60 ans, les hommes à 65. Cette différence d'âge va se répercuter sur le calcul de la pension. Le calcul du montant de la retraite se calcule par annuité. Pour les femmes 1/40 par année de travail, pour les hommes 1/45). Le système a été modifié par le biais de la règle d'égalité cher au droit européen. Evolution du système à cet égard afin de le rendre plus égalitaire. Ex. Soins de santé : cette assurance est familiale (droits dérivés). Il y a des titulaires et des bénéficiaires. Le droit social, emprunt d'un pluralisme moral, reconnaît des droits dérivés à membres de la famille de fait. Dès le départ, était bénéficiaire de soins de santé la ménagère non rétribuée du salarié lorsque celui ci n'est pas marié – concubine, compagne, etc. Désormais, le législateur parle de personnes non rétribuées qui font le ménage lorsque celui ci n'a pas qualité.

84. LE CHAMP D'APPLICATION MATÉRIEL : LES RISQUES COUVERTS

a) Le sursalaire familial

1. événements relatifs à l'acquisition des revenus (perte ou réduction du revenu professionnel) Revenus de remplacement a.- risques physiques (altération de la force du travail)

o d'origine professionnelle accidents du travail (voy. chap. 1 : pas dans la sécurité sociale belge) maladies professionnelles

o d'origine non professionnelle maladie } maternité } regroupement dans l'INAMI invalidité } vieillesse | regroupement dans l'ONP décès |

b.- risques économiques (absence d'emploi de la force de travail) (le chômage) 2. évènements relatifs à l'emploi des revenus (réduction du niveau de vie en raison de dépenses

exceptionnelles) Revenus de complément a.- maladie (dépenses médicales et paramédicales) b.- charges familiales : allocations familiales

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85. FINANCEMENT

a) les cotisations 1.- Conception commutative Toute la sécurité sociale est à base de solidarité mais il y a aussi une base d'échange. C'est l'apport en travail des salariés qui fonde la protection dont ils bénéficient. Les cotisatiosn expriment la valeur du travail (effort en échange de la protection). Les prestations sont contributives : le droit est subordonné au paiement des cotisations. Si les prestations ne sont pas contributives, il n'y a pas cotisations. Parce qu'il y a cotisations, les droits subjectifs à la sécurité sociale sont plus facilement reconnus : il est plus aisé de les construire techniquement.

Contre-ex. : au 19ème siècle, l'assistance publique est une forme de protection. Le droit n'était pas subordonné au paiement de cotisations. Il n'y a pas de droit subjectif de l'assistance. On ne l'a reconnu qu'au 20ème siècle. C'est beaucoup plus tardif mais financé entièrement par l'impôt.

2.- Les cotisations expriment également l'autonomie financière du système, ce qui a des répercussions sur la structure administrative de la sécurité sociale. Le mode de gestion est autonome, confié aux intéressés (employeurs et salariés). Le système de cotisations fait que ceux qui paient ont le droit de gérer. 3.- D'un point de vue de leurs nature juridique, les cotisations sont capitatives (sur la tête de chaque salarié). L'employeur en supporte la plus grande partie, le reste étant pour les salariés (voy. leçon sur la notion de rémunération). Les cotisations à charge des salariés font partie de la notion de rémunération (ce sont des retenues obligatoires sur salaires). Les cotisations patronales ne font pas partie juridiquement de la rémunération (on prélève sur son profit). Elles sont un pourcentage de la rémunération gagnée : il faut savoir quelle somme fait partie de la rémunération au sens de la sécurité sociale ("assiette"). La loi de 1965 fait référence à la notion de rémunération et adopte une interprétation extensive en ce sens que par rapport à la notion traditionnelle qui prévoit deux critères (obligation patronale de payer une certaine somme et contre-partie du travail).

L'art 2 fait référence au critère de l'obligation patronale (sommes auxquelles le travailleur a droit). La loi de 1965 va au-delà : toute somme due en raison de l'engagement en plus de la contrepartie du travail (donc en ce compris les indemnités de rupture). La jurisprudence se montre encore plus extensive : les primes (voy. pages 163-167). Les cotisations sont elles dues sur base des primes et gratifications (13ème mois, fin d'année, etc.) versées par l'employeur ? On applique la définition de la loi de 1965. Cette législation se réfère au critère de l'obligation patronale. Le salarié y a t il droit ? Il y aura droit si ce droit est prévu par une convention collective, un contrat ou un usage. Dans les hypothèses où l'employeur verse des primes alors qu'il n'y est pas tenu, cela ne fera pas partie de la rémunération. Les cotisations ne les prennent pas en compte. Ce sont des libéralités rémunératoires. Cass. 20.04.1977 et 28.10.85 : dans ces arrêts, la cour considère que les cotisations sont dues sur toutes les primes et gratifications dès lors qu'elles constituent une contrepartie du travail (1977) Sont payées en raison de l'engagement (1985)

1985 + conforme à la loi Dès lors, la Cass. abandonne le critère de l'obligation patronale. Cela favorise donc des perceptions plus importantes pour l'ONSS. La Cour abandonne ici le critère de l'obligation patronale. C'est une jurisprudence prétorienne. Comme la Cour de Cassation est censée appliquer la loi, et que la loi de 1965 retient formellement le critère de l'obligation patronale, la Cour afin de "respecter la loi", va dire que toute prime fait partie de la rémunération et puisqu'il s'agit de contrepartie au travail, cela signifie que tout salarié y a forcément droit. Le critère de l'obligation patronale devient une conséquence implicite de la contrepartie du travail. La cour procède donc à un raisonnement spécieux pour faire semblant de respecter le critère du droit subjectif.

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MAIS si un salarié reçoit une prime dont le versement n'était pas prévu, qu'il y a des cotisations, que le salarié réclame la prime pour l'avenir quid ? La cour a du limiter la portée de sa jurisprudence à la seule sécurité sociale. Le salarié n'a droit à la prime que si due par le contrat, la convention collective de travail ou l'usage. Il n'y a plus de plafonds pour augmenter les ressources.

4.- En 1994, le législateur a fait disparaître le calcul des cotisations secteur par secteur pour aboutir à une simplification du système. Il y a désormais une enveloppe globale. L'ONSS chapeauté par un comité de gestion globale fait la distribution entre les différents secteurs en fonction des besoins que ceux-ci ont. Exception : disparition du cloisonnement financier sauf pour le pécule des vacances annuelles des ouvriers. Il s'agit d'un salaire différé : 5.- Beaucoup de critiques depuis 20 ans sur ce système de cotisaions :

- système qui décourage l'embauche supplémentaire étant donné qu'il est capitatif. C'est plus ou moins un impôt sur le facteur travail. Il y a donc intérêt pour l'employeur à mécaniser l'entreprise

- tel ou tel secteur comme le risque chômage : il y a une certaine incohérence financière du système parce que si le chômage augmente, cela signifie que les dépenses de la sécurité sociale vont augmenter, alors que les ressources diminuent vu que la masse de salariés diminue en raison de l'augmentation du chômage. Cette critique devient moins pertinente en raison de la gestion globale.

- Secteur pension : problématique d'utilisation des ressources ; le risque à long terme a deux grands systèmes pour l'utilisation des cotisations. Le système classique est la capitalisation. Les cotisations sont portées à un compte individuel du salarié et portent intérêt. Le capital et les intérêts vont se transformer en pension. Inconvénient : sensible aux dévaluations monétaires (frais versés au début pas forcément les mêmes qu'à la pension). A cause de cela, autre système : répartition (génération en âge de travail paie pour la génération en âge de pension). L'agent versé par les actifs sert à payer directement les pensions. Ce système n'est pas sensible aux dévaluations monétaires mais son maintien repose sur le rapport cotisants/bénéficiaires. Si actifs diminuent par rapport au nombre de pensions, les cotisations vont augmenter ou les pensions diminuer. Cela pose des problèmes dans le cadre d'une population vieillissante.

6.- L'ensemble de ces critiques a suscité différentes dérogations et exceptions par rapport aux principes.

- système de diminution des cotisations patronales qui jouent en faveur des PME : seules susceptibles de fournir une embauche supplémentaires, il fallait donc faciliter leur fonction. Les grandes entreprises ont donc des cotisations supplémentaires pour financer cette réduction. C'est le phénomène du droit social différentiel en fonction de la taille de l'entreprise.

- ≠ plans MARIBEL : systèmes de réduction des cotisations pour certains emplois en fonction de l'emploi des travailleurs manuels (susceptibles d'augmenter l'emploi). Dans une de ces versions, la réduction était accordée uniquement aux entreprises susceptibles d'exporter (améliorer la position concurrentielle). Le système n'a pas plu à la Commission Européenne qui considérait que c'étaient des aides d'état accordées à certaines entreprises de nature à fausser le jeu normal de la concurrence. Les entrepreneurs doivent rembourser les réductions obtenues.

- Dispenses de cotisations patronales pour favoriser l'emploi : réinsertion professionnelle, contrat d'apprentissage.

b) Les subventions ou subsides Intervention de l'état prévue dès 1945. Dans l'euphorie de l'après guerre, importance énorme de la solidarité. L'Etat intervient pour le surplus, c'est-à-dire ce que les cotisations ne peuvent pas faire. On ne se préoccupe pas du problème dans un élan de solidarité nationale. Les montants fixes pendant tout un temps secteur par secteur dans des lois programmes annuels

incertitudes critiques tentative de fixer des critères généraux, permanents L 1981 sur les principes de la sécurité sociale pour fixer les montants des interventions de l'état secteur par secteur. Ce fut un échec. La loi fut modifiée en 1994 dans le cadre de la gestion globale. L. 26.07.96 portant modernisation de la sécurité sociale et viabilité des régimes de pensions. L'intervention de l'état doit donner lieu à une enveloppe globale fixée

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 173.- forfaitairement par an et destinée à l'ensemble des secteurs. 190 milliards distribués par le comité et l'ONSS selon les besoins.

c) Multiplication des ressources prévues par la loi de 1981

- recettes prévues par ou en vertu de la loi : legs, emprunts, intérêts dans le secteur public, assurances soins de santé (surprimes, surassurances RC auto), TVA

- financement alternatif par rapport aux cotisations : 20 % du produit de la TVA versé à la sécurité sociale (fiscalisation accrue).

86. STRUCTURE ADMINISTRATIVE Choix entre Monopole Concurrence Polyvalence (ts les risques) Spécialisation (chacun a son risque dét.) Gestion par les pouvoirs publics Gestion par les intéressés.

a) Choix faits par le législateur Certains choix s'expliquent par le processus de formation. Ce n'est pas une gestion purement étatique. Elle s'est formée en 1945 et est précédée de toute une série d'effort volontaires. Il a paru plus simple d'intégrer tous ces organismes dans l'organisme étatique nouveau association à la sécurité sociale étatique. IL y a une combinaison d'établissements publics (ONSS qui chapeaute l'ensemble, etc.) et d'organismes privés (Union nationale des sociétés mutualistes, caisses syndicales de chômage, caisses de compensations pour les allocations familiales) L'ONSS (office national de la sécurité sociale) est polyvalent et a le monopole pour l'immatriculation et le versement des cotisations (reçoit l'ensemble pour tous les secteurs). Le droit belge a choisi la voie de la spécialisation pour la gestion des différents risques : système de cloisonnement. C'est un pluralisme fonctionnel. Ex. risque chômage séparé du risque professionnel cela entraîne des complications pour les assurés Pour la gestion de chaque risque, il va y avoir concurrence entre les différents organismes (// tradition)

Ex. assurance maladie-invalidité : l'assuré est assuré auprès de la société mutualiste de son choix. Pas n'importe quelle société mutualiste, celle qui ont reçu l'agrément de l'Union nationale des mutualités. Pas de possibilité d'en créer des nouvelles. Ces sociétés sont colorées politiquement et philosophiquement. C'est un pluralisme institutionnel.

Pour ne pas faire obligatoirement un choix, il y a une caisse maladie invalidité qui a une caractéristique publique: elle est neutre (CAAMI) Pour le chômage, les caisses syndicales (3 syndicats représentatifs) ONEM avec les ressources de sécurité sociales. L'organisme public est la CAPAC (caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage). Leurs rôles sont beaucoup plus restreints que pour les sociétés mutualistes (elles vérifient si droit aux prestations ou non). Les droits aux allocations sont reconnus par les bureaux régionaux de l'ONEM. La caisse syndicale exécute. Le bureau régional fait l'objet d'une gestion fonctionnarisée. Pour les allocations familiales, organismes privés choisis par les employeurs eux-mêmes. Ce sont des caisses de compensation qui paient les allocations familiales. Caisse auxiliaire : ONAFTS. C'est une caisse neutre quand l'employeur n'a pas choisi sa caisse. La plupart des organismes publics font l'objet d'un système de gestion paritaire : gestion par représentants des organismes représentants des travailleurs et des employés. Le comité de gestion globale crée en 1994 fait l'objet d'une gestion tripartite (les fonctionnaires en plus).

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b) Couverture de chaque risque

- prestations de sécurité sociale : droit subjectif de caractère politique selon la cour de cassation. Les titulaires de droit subjectif sont les salariés et certaines personnes ont des droits dérivés en raison du caractère familial de la sécurité sociale

- extension en ce qui concerne le chômage: les jeunes ayant terminé leurs études après une certaine

étude ont un droit personnel à des allocations. C'est une extension de la qualité de salarié.

- Les droits subjectifs sont soit des revenus de remplacement (conception indemnitaire. Fonction de la rémunération précédemment gagnée) ou de complément.

- Parfois octroi que si un stage direct a été effectué et parfois présence d'un stage indirect (montant

de la prestation dépend des années de travail). C'est ce qui se passe dans le secteur pensions (pensions de retraire et de survie pour le conjoint). Seules les veuves avaient le droit mais en raison de la règle d'égalité, les veufs aussi . Il y a un système de calcul en fonction de la carrière du salarié : stage indirect. C'est un système de calcul par annuité : on tient compte pour chaque année d'une fraction de la rémunération : droit à la pension est acquis à concurrence d'1/40 pour les femmes, 1/45 pour les hommes au départ. Se pose alors la problématique de l'âge d'accès à la pension : 60 ans pour les femmes et 65 pour les hommes. Il y avait discrimination à l'égard des travailleurs hommes. Il y avait répercussion sur le droit à la pension qui s'acquérait plus vite pour les femmes étant donné que leur carrière était plus courte. En 1990, le législateur instaure la retraite flexible à partir de 60 ans mais maintient la fraction. Un travailleur masculin se plaint de cette discrimination interdite par le droit européen (une directive impose en effet l'égalité en matière de sécurité sociale : si l'âge est le même, le mode de calcul doit l'être aussi). Le tribunal du travail pose une question préjudicielle à la CJCE : il y avait discrimination quand on alignait l'âge des femmes sur celui des hommes. Par une loi du 26.07.96, le législateur s'est emparé de la règle d'égalité pour aligner le régime des femmes sur celui des hommes (1/45). L'effet se retourne donc contre les femmes. // travail de nuit : on aligne toujours vers le bas.

- En ce qui concerne l'assurance-chômage, il y a eu une évolution en ce qui concerne le calcul du

montant des allocations de chômage. Lorsque l'on rend obligatoire cette assurance-chômage, les allocations vont être calculées par référence à une conception alimentaire (on ne tient plus compte de la rémunération précédemment gagnée). C'est un forfait désormais différent pour chaque catégorie (discrimination pour les chômeuses). Ce système en raison des discriminations qu'elle comporte va être attaqué devant la Cour de Cassation et le conseil d'état. Suite à ces critiques, l'on va modifier le calcul des allocations. L'on revient à une conception indemnitaire. Les allocations seront calculées en fonction du salaire précédemment gagné (avec évidemment différents correctifs). Malgré la disparition de ces discriminations, l'assurance chômage se porte toujours aussi mal à ce niveau étant donné que les salariées gagnent moins que les salariés mais la règle d'égalité est cette fois respectée.

Plus tard, après la crise économique, modification du système qui comportera différentes catégories de chômeurs: - chômeurs chefs de ménage - chômeurs isolés - cohabitants (chômeur qui cohabite avec qq intégré dans le monde du travail)

Ces catégories vont commander un calcul des allocations différentes. Les chômeurs chefs de ménage sont les mieux traités : ils relèvent d'une conception indemnitaire (calcul en fonction de la rémunération gagnée, somme étant plafonnée), les chômeurs isolés également (pourcentage inférieur à celui des chômeurs chefs de ménage), les cohabitants (conception indemnitaire mais cette conception devient alimentaire quand au delà d'une certaine durée). Les cohabitants sont donc les moins bien traités. Ils peuvent se voir infliger une sanction administrative pour "chômage anormalement long". La discrimination directe qui existait dans le système originaire de 1945 a disparu mais il pourrait aujourd'hui s'agir de discriminations indirectes (concept > droit européen et aujourd'hui intégré dans une loi belge : discrimination réalisée à partir d'un critère apparemment neutre. Après analyse statistique, on se rend compte que cette distinction vise une majorité de femmes ou d'hommes.) La majorité des chefs de ménage sont des hommes et la majorité des cohabitants sont des femmes. Y aurait-il discrimination ? La Cour de Justice de Luxembourg a répondu par la négative. La discrimination indirecte : évaluation

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statistique mais celle-ci n'établit qu'une présomption de discrimination susceptible d'être renversée si l'on établit que le traitement différentiel se justifie par des motifs objectifs et légitimes. Les motifs objectifs et légitimes, in casu, sont des motifs de compensation de charges familiales. IL est logique que les chefs de ménage aient droit à des allocations plus importantes en raison des charges familiales qu'ils ont.

- SECTEUR AMI

A Assurance maladie soins de santé

= remboursement des délivrances médicales et paramédicales qui constitue donc un revenu de complément et non de remplacement. Interfère l'exercice d'une profession libérale (pharmacie, médecin, hôpital, etc.). Se pose le problème de la collaboration entre ce sous secteur de sécurité sociale et l'exercice de ces professions libérales (rapport avec le corps médical). Pour comprendre cette problématique du blocage des honoraires médicaux, il faut partir de la figure juridique : figure contractuelle issue des relations entre le patient et son médecin traitant. C'est un contrat d'adhésion car il y va de la santé du patient. Le patient est à la merci du médecin qui va dicter ses volontés et va donc fixer unilatéralement le montant de ses honoraires. Le médecin peut fixer ses honoraires aussi haut qu'il le veut mais sans dépasser les possibilités économiques de ses patients (en effet, sinon, il les perd). Sur ce système originaire, on plaque un système de sécurité sociale. Le patient va désormais être remboursé. Le médecin peut donc augmenter ses honoraires vu qu'il n'est plus entièrement limité par les possibilités économiques de ses patients. L'assurance a deux options :

augmente donc le montant de ses remboursements. Ce sera un système tout à fait déficitaire.

pourcentage d'honoraire fictif inférieur a ceux pratiqués par le médecin remboursement en fonction de cette fiction. Le système de financement est plus équilibre mais le système risque de devenir inefficace.

Le système belge Un tel système n'est possible que s'il y a un certain blocage pratique par les dispensateurs de soins. En Belgique, c'est un système de convention collective : un accord collectif conclu entre les sociétés mutualistes et chaque catégorie de dispensation de soins.

Ex. CCT entre mutuelles et médecins Ces CCT n'ont rien à voir avec les CCT classiques du droit social. Leur force juridique est différente. Elles ne s'imposent pas immédiatement avec dispensation des soins. Il y a un système d'engagement individuel parfois avec présomption. Seuls ceux qui sont engagés individuellement doivent respecter les honoraires prévus. Pour être efficace, il faut dans une région un quorum suffisant de médecins conventionnés (respect des honoraires de la CCT). A titre subsidiaire, s'il n'y a pas de quorum suffisant, le pouvoir exécutif peut procéder à un blocage des honoraires pour tout le monde avec des sanctions pénales à la clé. Le ticket modérateur = partie du coût de la prestation médicale qui reste à charge du patient. Le ticket modérateur est la partie du coût qui reste a charge du patient. L'assurance maladie invalidité ne rembourse qu'une partie des honoraires prévus par CCT. Pourquoi cette expression ? Il s'agit de freiner la consommation médicale. 2 critères 1.- ce ticket est fixé selon les catégories de prestation 2.- ce ticket va être modulé en fonction de la personne même du titulaire Ex. Les VIPO (veuves, invalides, pensionnés et orphelins) dont les revenus ne dépassent pas un certain montant voient leurs tickets modulés.

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2 grands systèmes : le tiers garant et le tiers payant

Mutuelle Dispensateurs de soins Assuré

1. le tiers garant (système classique de l'assurance remboursement) : l'assuré paye la

prestation au dispensateur. L'assuré va se faire rembourser par la mutuelle selon les taux prévus avec le jeu du ticket modérateur.

2. le tiers payant (système plus social) : l'assurance ne va payer au dispensaire de

soins que le ticket modérateur. Le dispensateur de soins doit réclamer le remboursement à la mutuelle. L'assurance n'a pas besoin de faire l'avance de fond. En Belgique, il est obligatoire pour l'hospitalisation et interdit pour le généraliste. Les modifications légales vont dans la limite recourir à ce système car cela favorise le recours au soins médicaux.

Cette sécurité sociale a été construite à partir d'une idée de justice commutative. En raison de l'apport au travail, il y a eu protection du travailleur.

B Assurance indemnitaire pour incapacité primaire et invalidité

Revenus de remplacement. Incapacité ≠ incapacité de travail qui débouche sur un régime plus favorable pour le salarié que l'AMI

c'est le système du seuil qui s'applique ici. L'on est incapable lorsque l'on atteint un certain seuil (2/3) ou l'on ne l'atteint pas et l'on reste donc capable et l'on a droit à rien. système moins favorable au salarié que le droit des accidents de travail. Cette différence s'explique par le risque professionnel. Il s'agit d'indemniser un risque encouru, réalisé par le profit de l'employeur.

C Assurance maternité

Dans ce cas de suspension du travail, la créance du salaire n'est pas maintenue à charge de l'employeur pour ne pas décourager l'embauche des jeunes femmes. Le système d'indemnisation revient donc à l'AMI.

c) Influence de la conception beveridgienne : extension de la sécurité sociale

Cette sécurité sociale a été construite à partir d'une idée de justice commutative. Une deuxième forme de sécurité sociale (autre que la bismarckienne est apparue) a été théorisée par Lord Beveridge. Elle est fondée non sur le travail mais sur l'appartenance d'un individu à une collectivité nationale déterminée. Champ d'application plus large que pour la bismarckienne. Elle n'est pas fonction de la nationalité mais de la résidence sur un état déterminé. Cela ne relève plus d'une justice commutative mais distributive (idée de solidarité). Celle-ci est cependant beaucoup plus limitée : ce sont des prestations minimales. Ce sont des garanties d'un minimum social qui va être reconnu à tout individu. C'est d'inspiration néolibéral : chaque individu pourra augmenter ce minimum par des efforts (cotisations, etc.) Corrélation entre Beveridge et Keynes : relancer l'économie en augmentant la consommation des individus par une politique de hauts salaires et de sécurité sociale. A l'analyse de la conception de Beveridge, contrairement à celle de Bismarck, cette sécurité sociale renouvelée comporte un volet préventif. On va chercher à éviter la réalisation du risque en menant, par ex., une politique de l'emploi pour éviter le chômage.

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 177.- Certains états ont adapté cette dernière conception : pays nordiques, Grande Bretagne ("courant atlantique"). Quid des états qui avaient adopté la conception bismarckienne? Ce mouvement a eu une certaine influence sur les pays de tradition bismarckienne en ce sens que dans ces pays, il y a eu un mouvement d'extension de la sécurité sociale. Elle a vocation à quitter le domaine du droit social et à créer une protection concernant les travailleurs salariés mais également les autres types de travailleurs. Cette extension s'est soldée par une mosaïque de systèmes différents applicables à des groupes socioprofessionnels distincts et débouchant sur une protection distincte.

a. EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION PERSONNEL (extension interne)

A l'intérieur même de la sécurité sociale des travailleurs salariés, il y a une extension interne (voy. champ d'application personnel de la sécurité sociale). AR pour étendre à deux catégories de personnes

- fonctionnaires dans secteur des soins (travail contre rémunération mais pas de contrat de travail)

- ceux qui travaillent dans des modalités similaires (accueil ? du critère de la dépendance économique)

Certains secteurs ont subi des extensions :

- jeunes demandeurs d'emploi sont considérés comme des salariés et auront donc droit à des allocations de chômage (minimales et subordonnées à un stage qui devient de plus en plus long).

Pour les allocations familiales, on va voir certaines personnes êtres assimilées à des travailleurs salariés

- détenus - étudiants

L'extension la plus importante concerne l'assurance soins de santé. Des AR successifs vont procéder à cette extension et actuellement, la totalité de la population relève de l'assurance soins de santé. C'est une sorte d'éclatement interne. On en est arrivé à une conception beveridgienne en ce qui la concerne.

b. EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION MATERIEL (extension externe)

1. Prévention à l'égard des maladies professionnelles et des risques chômage Sécurité sociale des indépendants créé secteurs par secteur et regroupée sous la forme d'un statut social. Distincte de celle des salariés et fait l'objet d'une organisation spécifique. Cette sécurité sociale est moins protectrice et la raison essentielle réside dans le financement qui manque cruellement de ressources (les cotisations patronales). Cette sécurité est moins protectrice : tous les risques couverts à l'égard des salariés ne le sont pas pour les travailleurs indépendants : les risques couverts sont

- prestations familiales - risques de vieillesse (pensions de vieillesse et de survie) - prestations d'assurance maladie invalidité

Les risques non couverts sont les risques prolétariens : en l'occurrence, le chômage et le risque professionnel. Non seulement, tous les risques ne sont pas couverts mais là où ils le sont, les prestations restent inférieures à celles que connaît le régime des salariés. Pour les soins de santé, on ne couvre que

- les gros risques (pas le dentiste, etc.) L'incapacité de travail n'est couvert que si elle se prolonge : délai de carence assez long avant que ne joue l'indemnisation. Organisation spécifique des indépendants distincte de celle des salariés SF

- Assurance maladie invalidité - Pensions

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2. Le secteur public

C'est une sécurité sociale qui n'en porte pas le nom. Il faut partir de la structure statutaire de la relation de travail. La rémunération des fonctionnaires a autre nature juridique que les travailleurs salariés. Ce n'est pas une contrepartie mais un revenu stéréotypé garanti au fonctionnaire sa vie durant et fixé par l'état en fonction de la situation sociale général. Etablit en fonction de l'ensemble des périodes prévisibles des périodes d'activité et de non activité. + traitement de maladie invalidité + pensions + etc. C'est donc une sécurité sociale qui n'en porte pas le nom. Pour les soins de santé, fonctionnaires assimilés à des salariés

c. SÉCURITÉ SOCIALE SUBSIDIAIRE Sécurité sociale non professionnelle (plus fondée sur l'activité professionnelle). Elle est subsidiaire par rapport aux autres formes de sécurité sociale. Elle s'appliquera là où les autres régimes ne jouent pas. Cette sécurité sociale subsidiaire est financée exclusivement par l'état. Il n'y a pas de cotisations à la clé. On va parler de prestations non contributives. Autre caractéristique : condition de besoin. Les prestations de SS ne seront reconnues que là où il y a manque de ressource, là où il y a état de besoin . ON se rapproche donc ici de l'aide sociale. Quels sont les risques couverts dans le cadre de cette SSS ?

- législations : voy. syllabus o revenu garanti aux personnes âgées o prestations familiales garanties o handicapés o véritable jonction entre SS et aide sociale : minimum de moyen d'existence qui est prévu

depuis une loi de 1974 versé par les centres publics d'aide sociale (bientôt d'action sociale). Il ne s'agit plus de couvrir un risque déterminé mais l'état de besoin (sans se préoccuper du risque qu'il a engendré).

S'est imposée en 1970 une vision triomphaliste ("état providence" désignant la sécurité sociale) de la sécurité sociale. Pour représenter l'ensemble de cette sécurité sociale telle qu'elle se présente dans un état donné, on a proposé le modèle suivant. Régime complémentaires de sécurité sociale par rapport à la sécurité sociale légale. Régimes professionnels organisés au niveau de l'entreprise ou par secteur économique (ex. en cas d'intempéries : chômage temporaires pour ouvriers de constructions - : allocations de chômage + indemnités supplémentaires de gel versées par les fonds de sécurité d'existence. Autre exemple : les assurances-groupes conclues au niveau des entreprises. L'employeur s'entend avec les salariés pour créer des régimes de pensions complémentaires pour assurer une pension supplémentaire par rapport à la légale).

d. EN ROUTE POUR LA CONCEPTION BEVERIDGIENNE salariés : garantie plus complète des risques. population active La sécurité se fait plus protectrice (incapacité de

travail, etc.). Celle-ci se présente alors comme une garantie de revenus professionnels. La protection est donc là mieux assurée. Cependant, dans cette population active, il faut distinguer travailleurs indépendants/travailleurs salariés.

Toute la population Santé Education Retraite :

Tout individu faisant partie de la collectivité nationale avait un triple droit : SER

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TROISIEME PARTIE – LA SECURITE SOCIALE 179.- "Etat providence" : vocable qui gomme le fait que la protection acquise par les salariés dans ce cadre vient de leur rapport au travail (cotisations, etc.). Quand on parle d'état providence, on ne met pas l'accent sur le fait que la sécurité sociale trouve son fondement dans cet apport au travail. Cette vision triomphaliste va se prolonger dans deux dispositifs plus récents (décennie '90) Alors que la sécurité sociale s'effrite, deux dispositifs législatifs viennent conforter cette vision triomphaliste:

- art 23 Constitution : droits économiques et sociaux (en ce compris, protection de la santé, droit à la sécurité sociale, aide sociale, médicale et juridique). Ce sont les droits de l'homme de la deuxième génération. Il y a aussi le droit au travail. Ce droit peut être conçu de différentes manières : le constituant a précisé sa conception "libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi" (// conception beveridgienne de la sécurité sociale : il ne s'agit pas d'indemniser les risques, il faut aussi les prévenir). On considère généralement que cet article n'a pas d'effet direct mais la jurisprudence pourrait très bien décider le contraire. C'est seulement une déclaration solennelle. L'article va cependant contribuer à un statut légistique différent au droit du travail.

- La loi du 11.04.95 : la charte de l'assuré social. Vise à assurer l'effectivité des droits subjectifs à la

sécurité sociale. Elle n'en crée pas de nouveaux. Ses objectifs sont de permettre que les assurés sociaux puissent effectivement bénéficier des droits qui leur sont reconnus sur base des textes normatifs. Cette charte vise à réaliser plus d'accessibilité au régime de sécurité sociale, plus de transparence, de lisibilité. Plusieurs obligations à charge des institutions de la sécurité sociale vont être établies :

o information précise, gratuite et complète sur les droits et obligations des assurés o conseils pertinents pour que les assurés puissent bénéficier des prestations de sécurité sociale o système de délai : important pour assurer l'effectivité des droits. o Les décisions des organismes doivent être motivées et notifiées o On a également prévu des intérêts de plein droit pour les bénéficiaires sociaux à partir de la

date de l'exigibilité.

La sécurité sociale va être contestée à partir de 1975. Elle va être ébranlée dans ses fondements financiers. Ce sont ces problèmes qui vont susciter les premières critiques. Les problèmes financiers sont dus à la montée du chômage et de la vieillesse de la population. S'il y a des problèmes financiers aigus dans la sécurité sociale, c'est aussi en raison de l'augmentation continuelle des soins de santé. Le coût de l'assurance soins de santé a augmenté de par

o les progrès techniques o le fait que l'on vit de plus en plus âgé et que l'on a plus souvent recours aux soins médicaux o la surconsommation médicale et paramédicale.

Critiques particulières adressées au système de financement dans la mesure où il repose principalement sur le système des cotisations, ce qui décourage l'embauche de salariés supplémentaires. Critiques adressées à la sécurité sociale sur un autre plan : l'état providence est remis en question. On est loin de la solidarité prônée en 1945. On va prôner le retour à des valeurs qui sont liées à l'individualisme et à la responsabilité individuelle. On va donc contester la légitimité même de la sécurité sociale.

évolution législatives et réglementaire. Ces évolutions concernent en particulier le financement de la sécurité sociale.

o financement alternatif o réduction des cotisations patronales o diminutions des cotisations pour PME

Mais l'on va surtout opérer certaines contractions des dépenses : allure le plus souvent ponctuelle mais parfois fondamentales.

- Modification par L 1996 pour pensions de retraite: la législation qui a aligné le régime des pensions de retraite des travailleuses sur celui des travailleurs

- Chômage : le pouvoir exécutif a introduit des catégories de chômeurs (chefs de ménage/isolés/cohabitants). On va calculer le montant des allocations de chômage en tenant compte non seulement des revenus précédemment gagnés mais en tenant également compte des charges familiales. C'est à partir de la famille qu'apparaît indirectement une idée de "besoin" (qui caractérise l'aide sociale).

Contractions ponctuelles

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- Stages qui augmentent - tickets modérateurs qui augmentent - interdiction de cumul - système de tiers payant diminuant

Mais l'évolution est loin d'être terminée.

La sécurité sociale des travailleurs salariés se conçoit essentiellement comme une garantie de revenus professionnels avec des revenus de remplacement du salaire et une conception indemnitaire. Ce noyau dur est en train de se réduire. Il y a une sorte de force centrifuge : elle va vers une protection minimale (sans conception indemnitaire) où l'on pourrait tenir compte de l'état de "besoin" (NB. c'est ce qui se passe déjà en matière de chômage mais de manière indirecte) . La sécurité sociale cesse ses fonctions indemnitaires et que l'on se dirige vers une protection minimale, vont intervenir des formes de protection volontaires (garantie complémentaire destinée à s'ajouter à la protection minimale : assurances privées, etc.) pour compléter la protection minimale. En définitive, c'est vers une conception beveridgienne que semble se diriger le droit belge de la sécurité sociale.