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Eliane ASSASSI Groupe Communiste Républicain et Citoyen Sénatrice de Seine-Saint-Denis ________ Paris, le 28 février 2012 seul le prononcé fait foi MH/BR TRAITE « MES » EXCEPTION D’IRRECEVABILITE Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues, Lors de la dernière séance des questions d’actualité au Sénat, Mme Valérie PECRESSE, porte- parole du gouvernement, Ministre du Budget, s’exclamait : « Nous ne laisserons pas tomber les Grecs ». C’est là finalement le seul argument invoqué pour défendre le traité instituant le mécanisme européen de stabilité qui constitue de fait une terrible machine à imposer l’austérité aux peuples européens. Comment affirmer que les Chefs d’Etat européens ne laissent pas tomber les Grecs, lorsque l’on examine la situation dramatique de ce peuple ?

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Eliane ASSASSI

Groupe Communiste Républicain et CitoyenSénatrice de Seine-Saint-Denis

________

Paris, le 28 février 2012

seul le prononcé fait foi

MH/BR

TRAITE « MES »

EXCEPTION D’IRRECEVABILITE

Monsieur le Président,Monsieur le Ministre,Mes cher(e)s collègues,

Lors de la dernière séance des questions

d’actualité au Sénat, Mme Valérie PECRESSE, porte-

parole du gouvernement, Ministre du Budget,

s’exclamait : « Nous ne laisserons pas tomber les

Grecs ».

C’est là finalement le seul argument invoqué pour

défendre le traité instituant le mécanisme européen de

stabilité qui constitue de fait une terrible machine à

imposer l’austérité aux peuples européens.

Comment affirmer que les Chefs d’Etat européens

ne laissent pas tomber les Grecs, lorsque l’on examine

la situation dramatique de ce peuple ?

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Le chômage touche maintenant 20% des actifs et

40% des jeunes, le salaire minimum est baissé de 22%

et même de 32% pour les jeunes.

Les services publics sont mis en pièce : le budget

du secteur hospitalier est par exemple réduit de 40%.

Les besoins de base du peuple ne sont plus

respectés.

La malnutrition fait massivement son apparition

puisque sur 11 millions d’habitants, 3 millions sont

considérés officiellement comme pauvres.

Le matériel pédagogique n’est plus fourni dans les

écoles et souvent le chauffage y est coupé.

J’ai lu récemment dans la presse le cas de cette

jeune femme qui a dû renoncer à l’accouchement en

milieu hospitalier car elle ne disposait pas des 900

euros qu’on lui demandait.

Les capitalistes européens n’ont pas plongé la

Grèce dans l’austérité, mais dans une crise de

civilisation, dans une nouvelle barbarie, libérale cette

fois-ci.

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« Nous ne laisserons pas tomber la Grèce » !

Mais tout de même, qui est responsable de la crise

qui sévit en Europe, pas seulement en Grèce, mais

dans l’ensemble des pays, y compris en Allemagne,

n’en déplaise à ceux qui l’idolâtrent aujourd’hui

comme M. SARKOZY ?

Ce sont ceux qui ont instauré une Europe dont

l’objectif de domination était l’optimisation des

capitaux.

L’Europe libérale n’est pas un mythe, le désastre

grec et celui qui menace au Portugal, en Espagne et en

Italie, démontre qu’avoir laissé la voie libre aux

spéculateurs - dois-je vous rappeler les dogmes

maastrichiens de la libre circulation des capitaux et de

la concurrence libre et non faussée – cette voie a fait le

malheur des peuples et bien entendu, des plus

défavorisés.

Cela fait bien longtemps que les partisans de cette

Europe ont laissé tomber les peuples, les Grecs comme

les autres et aujourd’hui, ils entendent utiliser ces

malheurs pour justifier un nouveau recul démocratique

qui, n’en déplaise à M. FILLON, constitue la suite 3

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logique du Traité de Maastricht qui a placé la finance

en vertu cardinale de la construction européenne.

La mondialisation financière porte des coups

terribles aux principes démocratiques.

Qui décide, qui détient vraiment le pouvoir ? Tout

porte à croire que l’oligarchie financière à la tête des

147 multinationales qui dirigent l’économie mondiale

tombe les masques. Jusqu’à présent, elle se contentait

de tirer les ficelles par l’intermédiaire de grandes

institutions internationales comme le FMI, maintenant,

elle place ses hommes aux commandes politiques.

Comment ne pas revenir sur les fossoyeurs de la

Grèce, ces banques sans frontière, comme Goldman

Sachs, qui ont manipulé, avec la complicité des forces

politiques au pouvoir, ce pays et l’ont conseillé,

officiellement, pour falsifier ses comptes publics.

On sait par exemple que Goldman Sachs a inscrit

dans ce bilan comptable du pays des recettes à venir,

afin de faire baisser le poids de la dette dans le PIB.

Goldman Sachs, conseil du gouvernement, a, on le

sait, encouragé la spéculation en conseillant à ses

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clients des crédits de défaut sur la dette grecque,

favorisant la hausse des taux d’intérêt.

Là où le bât blesse, c’est que M. PAPADEMOS,

Premier Ministre grec, M. DRAGHI, Président de la

BCE et même M. MONTI, Chef du gouvernement

italien, sont d’anciens responsables de Goldman

Sachs.

M. DRAGHI a même été le Président de la

branche européenne de Goldman Sachs, de 2002 à

2005, au moment où la politique sournoise de cette

banque à l’égard de la Grèce était mise en place.

L’adage a rarement eu autant de bien fondé : ce

sont les pyromanes qui crient au feu.

Ce rappel n’est pas anecdotique : il doit susciter

une grande vigilance quant aux décisions de personnes

qui ont déjà mené une politique dévastatrice en

Europe.

Cette vigilance doit être d’autant plus grande que

Mme MERKEL et M. SARKOZY tentent aujourd’hui

de donner les pleins pouvoirs à ces financiers sans

scrupule qui n’ont que faire de l’intérêt général.

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350 milliards ont déjà été investis en Grèce, dont

le dernier accord qui portait sur 237 milliards.

Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Le peuple grec

serait-il inférieur ? La réponse est simple : ces sommes

ne sont pas investies dans le développement social,

elles sont réinjectées directement ou indirectement

dans le circuit spéculatif. Une partie des 130 milliards

qui sont directement versés par le MES, seront versés

aux banques fraîchement nationalisées mais dont le

destin est d’être rapidement rendues aux intérêts privés

une fois renflouées.

Les puissances d’argent face à la colère légitime

des peuples ont décidé une fuite en avant. Face à la

crise qu’elles ont-elles-mêmes générée, elles ont

décidé d’enfoncer le clou. Le Ministre des Affaires

étrangères allemand le dit lui-même : « Les pays

doivent être placés sous la protection des fonds de

secours de la zone euro qui doivent aussi être prêts à

renoncer à certains pans de leur souveraineté,

notamment pour que l’on puisse intervenir dans leur

budget ».

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Ces propos font écho à ceux du Président du

Conseil européen qui, le 30 novembre 2011, évoquait,

je cite : « les sacrifices de souveraineté » et à ceux de

M. SARKOZY lui-même qui exigeait : « une marche

forcée » pour adopter et ratifier le Traité MES.

Il faut noter que nous examinons d’ailleurs en

procédure accélérée ces traités lourds de conséquences

et que la France serait le premier pays à ratifier ces

textes.

Cette précipitation n’est pas acceptable alors que

la souveraineté budgétaire de notre pays est en cause.

En effet, il faudra avoir accepté le futur traité

européen signe le 1er mars prochain qui, rappelons-le,

fait fi du pouvoir budgétaire des gouvernements et

parlements nationaux en instaurant une règle d’or

européenne, pour éventuellement pouvoir bénéficier

des fonds du MES.

Outre le fait que la méthode a déjà fait la preuve

de son inefficacité, c’est la croissance qui sauvera les

économies européennes et certainement pas les

montages financiers, cet ensemble de traités liés

étroitement les uns aux autres de manière

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machiavélique, qui s’attaquent frontalement à la

souveraineté nationale et populaire en réduisant la

souveraineté budgétaire à néant.

De ce fait, ces traités et en particulier le Traité

MES dont nous débattons aujourd’hui, sont

manifestement contraires à notre Constitution.

Avant toute chose, dois-je vous rappeler que le 14

juin 2011 nous débattions ici même d’un projet de loi

constitutionnelle qui avait pour objectif de rendre

conforme à notre Constitution une règle d’or définie

nationalement ?

Les choses étaient claires : pour intégrer une

soumission de nos politiques budgétaires aux choix

européens, il fallait modifier la Constitution.

Le débat était le même, mon amie Nicole BORVO

COHEN-SEAT, Présidente de mon groupe, avait

d’ailleurs dénoncé à l’époque la mise en place d’une

« camisole financière européenne ».

Nous savons que ce projet de loi constitutionnelle

n’a pu aboutir au grand dam de Nicolas SARKOZY.

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Ce n’est pas étonnant puisque des critiques

venaient de son propre camp. M. HYEST, alors

Rapporteur du texte, indiquait : « Le gouvernement et

le Parlement abandonnent une part de leur liberté ». Il

soulignait : « Les graves inconvénients qui en

résulteraient pour la cohérence des travaux

parlementaires et le droit d’initiative des députés et

sénateurs. »

Pourquoi ces critiques venant de l’UMP elle-

même, ne seraient-elles plus valables aujourd’hui,

alors que la Constitution est tout autant bafouée par les

Traités article 136 et MES ?

Pourquoi d’ailleurs les parlementaires socialistes

qui avaient voté contre alors, accepteraient-ils ou

laisseraient-ils faire un abandon de souveraineté

décidé directement par les autorités de Bruxelles ?

Faut-il le rappeler, l’article XIV de la Déclaration

des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 fonde la

souveraineté budgétaire.

« Tous les citoyens ont le droit de constater par

eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de

la contribution publique, de la consentir librement,

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d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité,

l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Je suis surprise, voire atterrée, d’entendre parfois

des remarques cyniques sur l’ancienneté d’une telle

disposition, fondatrice de notre République.

Pour justifier l’injustifiables, certains sont prêts à

fouler aux pieds les éléments clés de la démocratie.

Ils ignorent sans doute que le Conseil

Constitutionnel établit de manière constante, sa

jurisprudence en la matière sur l’article 14 précité.

Il a par exemple précisé dans sa décision du 25

juillet 2001 que l’examen des lois de finances

constitue un cadre privilégié pour la mise en œuvre du

droit garanti par la Déclaration de 1789. Il a réaffirmé

à cette occasion les principes d’annualité,

d’irréversibilité et d’unité du budget.

Le Traité MES dans ses articles 5 et 13 n’est donc

pas conforme à la Constitution de notre pays.

Un alinéa de l’article 5, le g, est clair : « Le

Conseil des gouverneurs adopte l’octroi du mandat à

la Commission européenne de négocier en liaison

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avec la BCE, la conditionnalité de politique

économique dont est assortie chaque assistance

financière conformément à l’article 13 paragraphe

3. »

Que dit cet article 13 : « Le Conseil des

gouverneurs charge la Commission européenne de

négocier avec le membre du MES concerné, un

protocole d’accord définissant précisément la

conditionnalité dont est assortie cette facilité

d’assistance financière. » Et cela est important,

l’article 13 pose enfin : « Le protocole d’accord doit

être pleinement compatible avec les mesures de

coordination des politiques économiques prévues par

le TFUE (le Traité Fondateur de l’Union

Européenne). »

Et la Commission, en lien avec le FMI, veille au

respect de la conditionnalité dont est assortie

l’assistance financière.

Le traité fondateur, issu du Traité de Rome, sera

modifié le1er mars et intègrera la règle d’or

européenne, et donnera tout pouvoir aux autorités

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européennes pour décider des politiques économiques

et budgétaires des Etats membres.

Je souhaitais faire cette démonstration pour rendre

évidente l’inconstitutionnalité du Traité MES et du

traite modifiant l article 136 du TFUE ;

Vous l’aurez remarqué les deux traites dont nous

débattons aujourd’hui sont étroitement liés. Chacun

d’entre eux est selon nous irrecevable au regard de

notre Constitution car ils participent tous deux à la

mise en cause de la souveraineté budgétaire. Pour une

plus grande clarté dans nos débats j’ai souhaité vous

présenter dès l’ouverture de la discussion sur le traité

modifiant l’article 136 du TFUE l’ensemble des points

d’inconstitutionnalité marquant les deux traités même

si le second, celui créant le Mes focalise l’attention.

Concernant le traité relatif à l article 136, je souhaite

interpeller le Sénat de la profonde illégalité dont il est

entaché. L’article 136 ne pouvait être modifié par

procédure simplifiée qu’en respectant l’article 48 du

traité de l’Union Européenne qui exige l’absence

d’accroissement des compétences de l’Union

Européenne dans ce cadre. Les partisans du MES

jurent la main sur le cœur que la création du MES 12

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n’entraîne pas d’augmentation des compétences

puisque ce n’est pas une institution de l’Union

européenne. C’est de la mauvaise foi, car sans rentrer

dans les détails, chacun peut s’apercevoir du rôle

nouveau et puissant de la Commission européenne qui

pourra, à partir de la mise en œuvre du MES, dicter ses

choix économiques et sociaux aux Etats membres. Le

traité modifiant l’article 136 du TFUE relève donc de

la manipulation pure et simple et est donc parfaitement

illégal et irrecevable.

La règle d’or du mois de juin 2011 n’était pas

conforme à notre Constitution, celle du mois de février

2012 ne l’est pas plus, fusse-t-elle européenne.

Je souhaite maintenant invoquer un motif

d’irrecevabilité plus formel mais significatif de la

volonté de dissimulation des contours de ce grave

forfait qu’est celui de priver un peuple de sa

souveraineté.

L’article 54 de la Constitution offre la possibilité

de saisir le Conseil Constitutionnel en amont de la

ratification d’un engagement international pour lui

permettre d’exiger une révision de la Constitution.

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Pourquoi MM. SARKOZY et FILLON n’ont-ils

pas user de ce droit, comme cela a été fait en 1997, en

2004 ou 2007 avant la ratification de traités

importants, Amsterdam, le TCPE ou Lisbonne ?

L’interrogation constitutionnelle est là. Faut-il la

laisser en suspens au risque de trahir la conception

républicain de nos institutions ?

Cette omission volontaire d’un contrôle de

constitutionnalité est grave et relève d’une

manipulation de nos institutions.

Mais le texte prévoit que soixante députés ou

sénateurs peuvent exercer le droit de saisine.

Soixante sénateurs l’ont fait par le passe sur le

Traité de Maastricht. Pourquoi mes chers collègues ne

pas aujourd’hui prendre cette responsabilité

fondamentale, celle de provoquer le risque d’une perte

lourde de souveraineté ?

Le temps me manque, mais comment ne pas

évoquer cet autre motif flagrant d’inconstitutionnalité,

le refus de tout droit de regard sur les sommes versées

au MES, à la société de droit privé basée au

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Luxembourg qui gérera ses fonds, alors que,

rappelons-le, notre pays pourra contribuer jusqu’à 142

milliards d’euros.

Ni le gouvernement, ni le parlement, ni les

citoyens, bien entendu, n’auront plus la moindre prise

sur cet argent public mis entre les mains des financiers

européens.

Les dirigeants de cette société n’auront de compte

à rendre à personne, l’article 35 du traité leur confère

une immunité absolue.

Mesdames les sénatrices et Messieurs les

sénateurs, nous assistons à un nouveau coup de force

des partisans d’une Europe libérale bien loin de l’idéal

de développement, de droits nivelés par le haut, de

cette Europe sociale, Europe des peuples, à laquelle

nous aspirons.

Ce qui choque plus encore par le passé, c’est la

dissimulation, la manœuvre et l’utilisation du malheur

des uns pour renforcer le pouvoir des oligarchies

financières au mépris de la démocratie.

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A ceux qui voudraient persister dans cette voie

dangereuse de tromper les peuples, et de les asservir,

nous rappelons 2005 et le référendum.

Avec le Front de gauche, les sénateurs

communistes mèneront la bataille avec opiniâtreté

pour que ces traités soient soumis au référendum.

M. SARKOZY veut stigmatiser les chômeurs et

les immigrés par la voie référendaire, qu’il commence

par soumettre au peuple français son projet d’abandon

de souveraineté.

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