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Médecine & enfance L es photodermatoses de l’enfant ont la réputation d’être plus rares que celles de l’adulte. Les raisons classiquement évoquées sont le fait que les enfants sont mieux protégés du so- leil (par leurs parents !) que les adultes et que les réactions photomédicamen- teuses sont rares chez les enfants, car ils prennent peu de médicaments. En fait, c’est surtout la fréquence respective des étiologies de la photosensibilité qui est différente au sein des deux populations adultes et enfants : les causes géné- tiques (réparatoses ou maladies « cas- santes » de l’ADN telles que le xeroder- ma pigmentosum, maladies métabo- liques telles que les porphyries) domi- nent chez le très jeune enfant, avec une photosensibilité souvent sévère et congénitale, tandis que les lucites (sur- tout lucite estivale bénigne) sont fré- quentes chez l’enfant plus âgé. Chez l’enfant, comme chez l’adulte, certaines maladies de système peuvent s’accom- pagner d’une photosensibilité, qui, rare- ment isolée et inaugurale, est le plus souvent associée à d’autres symptômes assez caractéristiques : il s’agit du lupus de l’enfant, du lupus néonatal et de la dermatomyosite juvénile. Enfin, plus bénignes mais parfois spectaculaires, les photodermatoses exogènes (réac- tions photoallergiques ou photo- toxiques à une substance présente dans la peau) sont décrites chez l’enfant, plus souvent en rapport avec un contact cu- tané direct (figuier, citron) qu’avec une prise médicamenteuse. Il est important que le pédiatre puisse dépister une photosensibilité parfois non évidente aux yeux des parents : sa- voir analyser cette photosensibilité de- vrait lui permettre d’évoquer, sinon un diagnostic précis, au moins un ordre de cause, génétique, systémique ou exogè- ne, afin d’orienter au mieux l’enfant vers un généticien, un pédiatre internis- te ou un dermatologue. Le pédiatre a aussi et surtout un rôle majeur dans l’éducation thérapeutique pour la pho- toprotection au quotidien de l’enfant. CLASSIFICATION DES PHOTODERMATOSES La classification des photodermatoses tient compte de plusieurs aspects. Distinction entre les dermatoses pho- to-déclenchées, dont l’expression phé- notypique est strictement dépendante de l’exposition solaire, et les dermatoses photo-aggravées, qui existent indépen- damment de toute exposition solaire, mais dont celle-ci est un des facteurs déclenchants ou d’aggravation. Parmi ces dermatoses révélées ou aggravées par le soleil, on note les connectivites (lupus, dermatomyosites), la récurren- ce herpétique labiale, l’acné rétention- nelle, la maladie de Darier (anomalie génétique de la kératinisation). Age de début et mode évolutif : pho- tosensibilité souvent congénitale et d’aggravation continue pour les géno- dermatoses ; photosensibilité plutôt ac- quise et évoluant par poussées pour les dermatoses inflammatoires ou réaction- nelles (lucites). Mécanisme de la photosensibilité : – réaction cutanée à une substance réa- gissant à une irradiation lumineuse avec production de métabolites toxi- ques pour la peau. Cette réaction peut Photodermatoses et photoprotection de l’enfant E. Bourrat, dermatologue, hôpital Robert-Debré et hôpital Saint-Louis, Paris Une photodermatose est une sensibilité exagérée et anormale de la peau à une exposition solaire « normale », cette normalité devant bien sûr tenir comp- te des conditions météorologiques mais aussi du phototype du patient. Il va de soi que la première étape du diagnostic consiste à éliminer un excès de soleil ou d’ultraviolets artificiels (la fréquentation des cabines de bronzage à visée « esthétique » n’est hélas pas l’apanage des adultes). D ERMATOLOGIE juin 2015 page 205

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Médecine& enfance

L es photodermatoses de l’enfantont la réputation d’être plus raresque celles de l’adulte. Les raisons

classiquement évoquées sont le fait queles enfants sont mieux protégés du so-leil (par leurs parents !) que les adulteset que les réac tions photomédicamen-teuses sont rares chez les enfants, car ilsprennent peu de médicaments. En fait,c’est surtout la fréquence respective desétiologies de la photosensibilité qui estdifférente au sein des deux populationsadultes et enfants : les causes géné-tiques (réparatoses ou maladies « cas-santes » de l’ADN telles que le xeroder-ma pigmentosum, maladies métabo-liques telles que les porphyries) domi-nent chez le très jeune enfant, avec unephotosensibilité souvent sévère etcongénitale, tandis que les lucites (sur-tout lucite estivale bénigne) sont fré-quentes chez l’enfant plus âgé. Chezl’enfant, comme chez l’adulte, certainesmaladies de système peuvent s’accom-pagner d’une photosensibilité, qui, rare-ment isolée et inaugurale, est le plussouvent associée à d’autres symptômesassez caractéristiques : il s’agit du lupusde l’enfant, du lupus néonatal et de ladermatomyosite juvénile. Enfin, plusbénignes mais parfois spectaculaires,les photodermatoses exogènes (réac-tions photoallergiques ou photo-toxiques à une substance présente dansla peau) sont décrites chez l’enfant, plussouvent en rapport avec un contact cu-tané direct (figuier, citron) qu’avec uneprise médicamenteuse.Il est important que le pédiatre puissedépister une photosensibilité parfoisnon évidente aux yeux des parents : sa-voir analyser cette photosensibilité de-

vrait lui permettre d’évoquer, sinon undiagnostic précis, au moins un ordre decause, génétique, systémique ou exogè-ne, afin d’orienter au mieux l’enfantvers un généticien, un pédiatre internis-te ou un dermatologue. Le pédiatre aaussi et surtout un rôle majeur dansl’éducation thérapeutique pour la pho-toprotection au quotidien de l’enfant.

CLASSIFICATION DES PHOTODERMATOSES

La classification des photodermatosestient compte de plusieurs aspects.� Distinction entre les dermatoses pho-to-déclenchées, dont l’expression phé-notypique est strictement dépendantede l’exposition solaire, et les dermatosesphoto-aggravées, qui existent indépen-damment de toute exposition solaire,mais dont celle-ci est un des facteursdéclenchants ou d’aggravation. Parmices dermatoses révélées ou aggravéespar le soleil, on note les connectivites(lupus, dermatomyosites), la récurren-ce herpétique labiale, l’acné rétention-nelle, la maladie de Darier (anomaliegénétique de la kératinisation).� Age de début et mode évolutif : pho-tosensibilité souvent congénitale etd’aggravation continue pour les géno-dermatoses ; photosensibilité plutôt ac-quise et évoluant par poussées pour lesdermatoses inflammatoires ou réaction-nelles (lucites).� Mécanisme de la photosensibilité :– réaction cutanée à une substance réa -gissant à une irradiation lumineuseavec production de métabolites toxi -ques pour la peau. Cette réaction peut

Photodermatoses etphotoprotection de l’enfant

E. Bourrat, dermatologue, hôpital Robert-Debréet hôpital Saint-Louis, Paris

Une photodermatose est une sensibilité exagérée et anormale de la peau àune exposition solaire « normale », cette normalité devant bien sûr tenir comp-te des conditions météorologiques mais aussi du phototype du patient. Il va desoi que la première étape du diagnostic consiste à éliminer un excès de soleilou d’ultraviolets artificiels (la fréquentation des cabines de bronzage à visée« esthétique » n’est hélas pas l’apanage des adultes).

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être de deux types : soit toxique, ils’agit alors d’une phototoxicité (phyto-photodermatose ou « dermite després »), soit immunoallergique, il s’agitalors d’une photosensibilité (médica-menteuse le plus souvent). La substan-ce incriminée peut avoir deux origines :soit exogène, par contact direct avec lapeau ou prise per os : parfum, végétal,médicament, soit endogène : métaboli-te anormal (porphyrines), auto -antigène (lupus) ;– anomalie d’origine génétique de répa-ration des lésions de l’ADN des kérati-nocytes induites par les UV ; il s’agit des« réparatases » : xeroderma pigmento-sum, mais aussi syndrome de Roth-mund Thomson, trichothiodystrophie ;– absence congénitale (albinisme oculo-cutané) ou acquise (vitiligo) des pig-ments épidermiques (mélanines) pro-tecteurs.

QUAND FAUT-IL ÉVOQUERUNE DERMATOSE LIÉE À UNE PHOTOSENSIBILITÉ ?

InterrogatoireLes éléments clés en sont :� antécédents familiaux, existenced’une consanguinité ;� phototype (tableau I) ;� conditions d’ensoleillement respon-sables de la dermatose : toute exposi-tion à la lumière du jour (xerodermapigmentosum (figure 1)), les premiers so-leils du printemps ou des sports d’hiver(lucite juvénile printanière ou hiverna-le), le grand soleil de l’été (lucite estiva-le bénigne (figure 2)) ;� délai de déclenchement entre le dé-but de l’exposition et l’apparition dessignes cutanés : quelques minutes dansl’urticaire solaire, plusieurs jours dansles connectivites (figure 3) ;� prise de médicaments photosensibili-sants ;� contact avec des topiques naturels(agrumes, végétaux) ou non (cosmé-tiques, topiques médicamenteux) (ta-bleau II). Ce contact peut être direct ou in-direct (vaporisation d’huiles essentiellessur l’oreiller par exemple (figure 4)).

Localisation de la dermatoseEn hiver, prédominance parfois exclusivede la dermatose sur les zones photo -exposées (visage, dos des mains, décolle-

té, nuque) ; en été, respect des zonesphotoprotégées : orbites, triangle sous-mentonnier, zones couvertes par les vête-ments, les cheveux, la montre… (figure 5).

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Tableau ILes phototypes

Phototype I (mélano compromis) prend facilement des coups de soleil sans bronzer,présente des taches de rousseur

Phototype II (mélano compromis) prend facilement des coups de soleil et bronze très peu,présente souvent des taches de rousseur

Phototype III (mélano compétent) prend des coups de soleil et bronze légèrement

Phototype IV (mélano compétent) prend rarement des coups de soleil et bronze

Phototype V (mélano protégé) prend rarement des coups de soleil et bronze beaucoup

Figure 1Lentigines sur zones exposées au soleil aucours du xeroderma pigmentosum

Figure 3Poussée de lupus subaigu aprèsexposition solaire

Figure 4Photodermatose aux huiles essentiellespulvérisées sur l’oreiller

Figure 2Lucite

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Profil évolutif de la dermatoseDoivent faire évoquer une photosensibi-lité :� un début brutal, explosif, des signescutanés au décours d’une première ex-position solaire chez un nourrisson oud’une exposition solaire ponctuelle chez

un enfant citadin rarement exposé ;� le caractère fluctuant ou récidivantselon la saison ou la situation géogra-phique d’une dermatose chronique.Le type de lésion élémentaire� Erythème, œdème et bulle (figure 6)sont les trois lésions élémentaires de

gravité croissante de la phototoxicité(exemple typique : coup de soleil parexcès d’exposition).� L’hyperpigmentation (figure 7), souventsous forme de petites macules brunes(éphélides ou lentigines), est très évoca-trice de réparatase et plus particulière-ment de xeroderma pigmentosum, sur-tout quand elle s’associe à de l’atrophie(macules blanches, discrètement dépri-mées) et à des télangiectasies pour for-mer une poïkilodermie ; cette poïkilo-dermie précède en général de quelquesannées les premiers carcinomes cutanés,qui apparaissent dès la première décen-nie. C’est à ce stade qu’il faut faire le dia-gnostic pour mettre en place une photo-protection optimale, dont dépendra lepronostic de la maladie.� Les cicatrices sont un bon reflet de lasévérité de la photosensibilité (porphy-ries).� L’association de lésions polymor -phes, c’est-à-dire de plusieurs types(papules urticariennes, eczéma, pruri-go) évoque un mécanisme immuno -allergique (lucite).� Le caractère figuré des lésionsévoque une photoréaction à une sub-stance exogène (dermite en breloquesur les faces latérales du cou due auparfum, lésions linéaires provoquéespar les végétaux…)Recherche d’une atteinte extracutanée� Nystagmus de l’albinisme oculocutané.� Erythrodontie (dents rouges) et hé-patopathie des porphyries.

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Tableau IIExemples de produitsphotosensibilisants exogènes

Contact cutané direct ou indirect(vaporisation) :– végétaux : astéracées ou ombellifères(persil, fenouil, cerfeuil…), rutacées(bergamote, citron…), moracées (figue),fleurs (géranium, millepertuis…)– topiques médicamenteux : kétoprofènegel (gel anti-inflammatoire), peroxyde debenzoyle (anti-acnéique topique)

Médicaments oraux : certaines tétracyclines (doxycycline), lesquinolones, le voriconazole (Vfend®)…

Figure 5Photodermatose sur les pieds : respect des zones couvertes

Figure 6Phytophotodermatose au stade bulleux

Figure 7Phytophotodermatose au stade pigmenté

Figure 8Rash héliotrope avec atteinte despaupières supérieures au cours d’unedermatomyosite

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� Syndrome de Raynaud, signes de vas-cularite distale, arthralgies du lupus sys-témique ; papules de Gotron sur le dosdes articulations de la dermatomyosite.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUEDES PHOTODERMATOSES

Pour certains dermatologues ou pé-diatres expérimentés, certaines de cesdermatoses avec photosensibilité relè-vent d’un diagnostic « intuitif », du faitde leur présentation stéréotypée : � érythème en « loup » du lupus ; � rash héliotrope avec œdème liliacédes paupières de la dermatomyosite (fi-gure 8) ;� érythème orbitaire en « lunettes » ouen « raton laveur » du lupus néonatal ; � bulles des joues et du dos des mainsde la porphyrie cutanée tardive ; � macules dyschromiques précoces duxeroderma pigmentosum. Dans d’autres pathologies, l’analyse estbeaucoup plus complexe, et le diagnosticprécis relève parfois d’investigations trèsspécialisées comme les explorations pho-tobiologiques (lucites), les tests in vitrode réparation de l’ADN des fibroblastesexposés aux UV (réparatases), les do-sages métaboliques (porphyries…).

PHOTOPROTECTIONQuelles que soient les étiologies de cesmaladies avec photosensibilité (excep-tion faite des photoréactions à une sub-stance exogène identifiée), la photopro-tection doit le plus souvent rester défini-tive, même quand un traitement existe.La photoprotection correspond à l’en-semble des moyens naturels et/ou arti-ficiels capables de s’opposer aux dom-mages cutanés induits par les radiationssolaires. Elle doit être adaptée à chaqueindividu en fonction : � des conditions d’exposition : momentde la journée (risque augmenté entre12 et 16 h), altitude, latitude (exposi-tion plus intense près de l’équateur),nébulosité (la couche nuageuse ne pro-tège que très partiellement des UV), ré-verbération du sol, couche d’ozone ;

� du type de peau : la pilosité, l’épais-seur de la couche cornée, les méca-nismes de réparation cellulaire et lacarnation représentent les facteurs dephotoprotection naturelle. La carna-tion est sous la dépendance des pig-ments mélaniques, qui sont quantitati-vement et qualitativement différentsd’un individu à un autre et définissentle phototype clinique (tableau I), lequelpermet d’évaluer la tolérance au soleil.Les sujets roux aux yeux clairs sont dephototype I ou II, les patients origi-naires des pays asiatiques et du mondearabe sont volontiers de phototype V etles patients d’origine afrocaribéennede phototype VI. Les phototypes V et VIsans pathologie sous-jacente n’ont pasbesoin de photoprotection dans desconditions normales (vacances aupays).La photoprotection doit également tenircompte de l’existence d’une pathologiesous-jacente :� contre-indication absolue (totale etpermanente) à l’exposition solairequelles que soient les conditions : cer-taines pathologies génétiques prédispo-sant aux cancers cutanés (albinisme, xe-roderma pigmentosum) ;� contre-indication importante à l’ex-position solaire : maladies auto-im-munes avec photosensibilité (lupus,dermatomyosite) ; déficits immuni-taires à haut risque de carcinomes cuta-nés précoces et agressifs (le plus sou-vent iatrogènes : transplantésd’organe) ; médicaments photosensibili-sants (dont le voriconazole, Vfend®) ;certaines dermatoses photo-aggravées(lucites) ;� cas particulier des cicatrices cuta-nées, qui ne doivent pas être exposéestant qu’elles sont évolutives ou inflam-matoires (c’est-à-dire rouges).La photoprotection comprend trois vo-lets, qui sont l’éducation à l’expositionsolaire (des enfants et des parents !), laphotoprotection vestimentaire et lesproduits de protection solaire. Education à l’exposition solaireSans diaboliser le soleil, il faut prévenirles patients des risques liés à l’exposi-tion et les informer sur l’ensemble des

mesures permettant d’éviter ces risques(voir page 211 de ce numéro la fiche deconseils à remettre aux parents) :� éviter les expositions entre 12 et 16 hl’été ;� s’informer sur l’indice du rayonne-ment UV de la journée (météo) ;� se méfier des journées nuageuses ouventeuses, où la sensation de chaleurest diminuée, d’où un risque d’exposi-tion prolongée ;� attention à la réflexion du sol (mer :10 %, sable : 20 %, neige : 90 %) et àses conséquences : le parasol ne protègeque de 50 % du rayonnement solaire ;� associer si possible plusieurs protec-tions chez l’enfant : vêtements et pro-duits antisolaires ;� ne pas oublier de sécher l’enfant et deremettre du produit antisolaire aprèschaque bain ;� faire boire régulièrement les jeunesenfants pour éviter les coups de cha-leur.Photoprotection vestimentaireIl est conseillé que l’enfant porte :� des vêtements tissés serrés, descen-dant sur les avant-bras et les jambes, decouleur foncée, secs (pas de tee-shirtmouillé !). Pour la plage, des tee-shirtsanti-UV sont disponibles dans les maga-sins de sport ;� un chapeau à large bord ou une cas-quette avec débord sur la nuque ;� des lunettes de soleil anti-UV.Produits de protection solaire (PPS)Ces produits sont composés de molé-cules actives et d’excipients s’opposantà la pénétration des photons dans lapeau. On distingue les PPS « chi-miques », ou filtres solaires, qui sont dessubstances chimiques qui absorbent etneutralisent l’énergie lumineuse, et les

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Tableau IIIClassification des produits de protectionsolaire (PPS) en fonction du facteur deprotection solaire (FPS ou « indice »)

� PPS faible : 6 ≤ FPS < 15� PPS moyen : 15 ≤ FPS < 30 � PPS fort : 30 ≤ FPS ≤ 50� PPS très fort : FPS ≥ 50 ou 50 +(anciennement « écran total »)

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PPS « physiques », ou écrans, qui sontdes poudres inertes qui réfléchissent lesUV. Les filtres sont plus agréables sur leplan cosmétique (incolores) mais peu-vent être à l’origine d’allergies decontact. Les écrans physiques sont sansaucun risque d’allergie mais moinsagréables à utiliser (coloration blancheou bleutée). Tous ces produits sont sou-mis à une législation européenne qui aharmonisé et simplifié leur nomenclatu-re : classement de faible à très haut ni-veau de protection en fonction du fac-teur de protection solaire (FPS) calculéin vitro et in vivo (tableau III). Ils doiventassurer un FPS entre 6 et 50+ et unephotoprotection mixte anti-UVA et anti-UVB pour être labellisés. Le choix duPPS dépend du phototype, des condi-tions d’exposition et éventuellementd’une pathologie sous-jacente. En pra-tique, une protection moyenne suffitpour des vacances d’été en métropolechez un enfant de phototype III en bon-ne santé, à condition d’être appliquéeen quantité suffisante et de façon répé-tée. Les laboratoires de dermocosmé-tique proposent en pharmacie ou para-pharmacie tous les types de FPS(formes galéniques, indices de FPS,écrans ou filtres) ; il existe de grandsconditionnements pour les laits (enspray), qui sont faciles à étaler sur de

larges surfaces et plus adaptés économi-quement aux familles nombreuses ouaux gros consommateurs.

LE RÔLE DU PÉDIATREEST ESSENTIEL DANS LA PHOTOPROTECTION DEL’ENFANT AU QUOTIDIEN

� La photoprotection est facile chez lejeune enfant (vêtements et écrans so-laires), très difficile chez l’adolescent…� Dans les conditions pathologiquesnécessitant une photoprotection maxi-male, il faut penser à protéger l’enfantdes UVA et UVB non seulement quand ilest à la plage mais aussi tous les jours

de l’année, quelle que soit la météo, etce plusieurs fois par jour (PAI pour lesenfants scolarisés), y compris dans lesvoitures (les UVA ne sont pas filtrés parles vitres).� Le conseil sur le choix d’un écran so-laire sera facilité par la nouvelle classifi-cation simplifiée (tableau III). Un écranminéral peut être préférable chez l’en-fant atopique et la galénique sera adap-tée à l’âge. Dans tous les cas, il faut rete-nir que l’écran « total » n’existe pas, etqu’aucun produit ne permet de s’expo-ser inconsidérément.� La supplémentation en vitamine Dest indispensable à tout âge si la photo-protection est bien respectée. �L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapportavec la rédaction de cet article.

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À RETENIRLa photoprotection est indispensable chez l’enfant car les coups de soleil intenses et répétésdans l’enfance sont un facteur de risque démontré du mélanome et qu’il a été par ailleurs cal-culé que la moitié de la dose d’UV cumulée au cours de la vie (elle-même facteur de risquedes carcinomes cutanés non mélanocytaires et du photovieillissement extrinsèque) est reçueavant l’âge de vingt ans. Cette photoprotection (sauf intolérance absolue en rapport avec des pathologies génétiques ouinflammatoires) ne doit évidemment pas être complète, car le principal effet bénéfique du so-leil chez l’enfant et l’adulte, la synthèse par la peau de vitamine D, est primordial pour la pré-vention du rachitisme et de l’ostéoporose, mais probablement aussi comme facteur protecteurcontre diverses maladies chroniques (dont certaines maladies auto-immunes) et les cancers.

Pour en savoir plusSTALDER J.F., MARGUERY J.C. : «Diagnostic d’une photoderma-tose de l’enfant», Ann. Dermatol. Vénéréol., 2007; 134 (5-C2) : 34-5.CHANTORN R., LIM H.W., SHWAYDER T.A. : « Photosensitivity

disorders in children. Part I », J. Am. Acad. Dermatol., 2012 ; 67 :1093e1-18.CHANTORN R., LIM H.W., SHWAYDER T.A. : « Photosensitivitydisorders in children. Part II », J. Am. Acad. Dermatol., 2012 ; 67 :1113e1-15.

BODEMER C. : « Photosensibilité et maladies de système chezl’enfant », Ann. Dermatol. Vénéréol., 2007 ; 134 (5-C2) : 45-9.MAHÉ E., LONGVERT C., SAIAG P. : «Modalités pratiques d’unephotoprotection maximale chez l’enfant », Ann. Dermatol. Véné-réol., 2007 ; 134 (5-C2) : 88-91.

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