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édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace L'HISTOIRE DE STRASBOURG STRASBOURG ET SES VIGNOBLES LA TRIBU DES GOURMETS DU VIN D'ALSACE ET SES VIGNOBLES STRASBOURG Décembre 2013 Ne peut être vendu

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édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

L'HISTOIRE DE STRASBOURG

STRASBOURG ET SES VIGNOBLES

LA TRIBU DES GOURMETS DU VIN D'ALSACE

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2 3Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

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ÉDITOChers lecteurs,

Bienvenue dans le magazine de la Tribu des Gourmets. Nous vous invitons à la découverte de Strasbourg, capitale historique du vignoble alsacien et des 2000 ans d’une saga profondément marquée par le commerce des vins de notre région. C’est grâce au dynamisme des bourgeois de l’ancienne Argentoratum, que ce gros bourg de pêcheurs est devenue métropole rhénane. Les richesses accumulées grâce au commerce des vins des vignobles de Strasbourg – qui s’étendaient de Haguenau à Sélestat – et de toute l’Alsace, ont permis d’édifi er la cathédrale et ce merveilleux musée à ciel ouvert qui émerveille des millions de touristes. Sans oublier la route des vins, est ses innombrables trésors patrimoniaux.Notre magazine articule ce passé avec le quotidien de la capitale des européens, siège de plus de soixante-dix organisations internationales, qui se mobilise autour de ses trois Prix Nobels, de la variété de sa culture, de sa gastronomie et de son art de vivre.Vous lirez dans ces pages un succinct résumé de cette belle histoire. Que soient ici remerciés nos inspirateurs : le défunt professeur Bender qui écrivît en 1914 un passionnant traité consacré au commerce des vins à Strasbourg. Et surtout notre ami Guy Trendel, auteur de plusieurs ouvrages de références sur cette belle matière vivante : notre histoire commune.Ce magazine est un point de départ. La Tribu agit pour que revienne sur les tables strasbourgeoises ce que l’Alsace a su élaborer comme vins merveilleux, secs, souvent d’assemblage, qui ont réjoui les palais royaux d’Angleterre à la Russie, de Suède à l’Italie. Comme tous les grands vignobles, ces crus expriment leur terroir, laissant aux vins de cépage les plaisirs immédiats des vins de table.La Tribu des Gourmets vous invite à ce voyage historique et gustatif. Au fi l des pages, laissez-vous conduire vers ce que l’Alsace a toujours su off rir : de grands vins secs, merveilleux compagnons de la convivialité et de l’universalité gastronomique, exprimant l’identité d’un terroir et du talent des femmes et des hommes qui le magnifi ent.

Bonne dégustation de ce magazine,Et pour nos vins : la modération est une nécessité !

Charles Brand et Didier Bonnet, pour la Tribu des Gourmets

ÉDITEUR : La Tribu des Gourmets du vin d'Alsace18 rue Kuhn 67000 STRASBOURGwww.tribudesgourmets-strasbourg.eucontact@tribudesgourmets-strasbourg.euCharles Brand : 06 80 65 75 55Didier Bonnet : 06 80 10 57 30

PRÉSIDENT : Didier BONNET

DIRECTEUR DE PUBLICATION : Didier BONNET

RÉDACTION : AGPA

CONCEPTION GRAPHIQUE : Agence A.S Communication18 rue Kuhn 67000 STRASBOURG

IMPRESSION : Imprimerie Kocher

Dépôt légal décembre 2013Publication gratuite ne peut être vendue

La reproduction ou l'utilisation des articles parus dans Strasbourg et ses vignobles, sous quelque forme que ce soit, est formellement interdite sans accord préalable du directeur de la publication.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

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4 5Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

BULLETIN D’ADHÉSIONLa Tribu des Gourmets du Vin d’Alsace - Strasbourg

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Chèque à l'ordre de La Tribu des Gourmets. Les informations personnelles récoltées ne sont pas partagées en dehors de l'association La Tribu

des Gourmets du Vin d'Alsace - Strasbourg. Toute personne peut rectifier ou supprimer ses données personnelles en contactant l'association :

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Je suis un particulier souhaitant soutenir La Tribu des Gourmets par une :

La Tribu des Gourmets du Vin d'Alsace - Strasbourg18, rue Kuhn 67000 STRASBOURG

www.tribudesgourmets-strasbourg.eucontact@tribudesgourmets-strasbourg.eu

Charles Brand : 06 80 65 75 55 - Didier Bonnet : 06 80 10 57 30

Ο Cotisation simple : 20€Ο Cotisation à ma convenance : ……… €

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Retrouvez les adresses de restaurants et cavistes recommandés par la Tribu, ainsi que tous nos partenaires sur notre site www.latribudesgourmets-strasbourg.eu

Visitez les lieux historiques du vin d’Alsace à Strasbourg grâce à notre carte interactive sur notre site www.latribudesgourmets-strasbourg.eu

Crédits photos couverture : DORCKEL/CUS - ConseilVinsAlsace - ZVARDON/ConseilVinsAlsace - SPACH/ConseilVinsAlsace

6 - 13 L'HISTOIRE DE STRASBOURG

Du gros bourg de pêcheurs à la métropole internationale, où quand Strasbourg valorise ses atouts : la navigation rhénane et des vins aimés dans toute l’Europe.

14 - 23 STRASBOURG ET SES VIGNOBLES

L’esprit du vignoble souffle à nouveau sur Strasbourg. Le vignoble de proximité de la capitale alsacienne s’ouvre sur la ville et offre des atouts supplémentaires à l’attractivité touristique, culturelle et patrimoniale de la cité.

24 - 33 LA TRIBU DES GOURMETS

SOMMAIRE

La Tribu des Gourmets renoue les fils de l’histoire et veut réconcilier les Strasbourgeois avec les grands vins d’Alsace, secs, issus de terroirs identifiés, porteurs des valeurs spirituelles et universelles qui ont fait la renommée des crus d’Alsace des siècles durant.

Regroupant vignerons, amateurs de vin et amoureux de Strasbourg, la Tribu des Gourmets a pour ambition de renouer les liens ancestraux entre Strasbourg et le vignoble d’Alsace, en partenariat avec le Groupement des hôteliers, restaurateurs et débits de boissons de Strasbourg, de la corporation des boulangers-pâtissiers du Bas-Rhin et de la Ville de Strasbourg.

L’association entame une action à long terme destinée à faire connaître la véritable histoire de Strasbourg, oubliée au fil des siècles, et redonner aux vins fins d’Alsace toute la place qu’ils méritent dans cette ville.

Parmi nos objectifs : la recherche d’un lieu de présentation et de mise en valeur des liens historiques de Strasbourg avec son vignoble ; un magazine présentant l’Histoire de Strasbourg que vous tenez entre vos mains et qui présente l’ensemble de nos projets.

LA TRIBU DES GOURMETS, NOUVEL ATOUT POUR STRASBOURG

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6 7Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

Tout est parti douze ans avant la naissance du Christ. Les Légions romaines implantent un camp à proximité immédiate du Rhin, dont le cours à cette époque n’avait rien du fl euve canalisé que nous connaissons aujourd’hui : ses bras décrivaient des cours variables selon les saisons et formaient avec l’Ill et la Bruche, ses affl uents, des marécages plus ou moins profonds, au gré des étiages et des crues. Nul doute que le camp d’Argentoratum devait être un fameux trou à moustiques, pourtant occupé par deux Légions, sans compter les populations gravitant autour de la troupe. Ce qui constitue une agglomération d’importance pour ces époques lointaines.

Rien d’étonnant à ce que les plus riches romains, militaires et civils se soient vite établis sur les collines proches de Strasbourg : le climat y était plus agréable et les pentes propices à la viticulture.

On a trouvé des traces tangibles de cette activité du côté de Marlenheim. Et si les vignes proches de Strasbourg ont 2000 ans, les cités alsaciennes de Brumath et Haguenau ont aussi puissamment tiré leur épingle du jeu : Brumath (Brotomagus) fut à l’époque romaine la principale ville d’alentours, alors que Haguenau gagnait aux lendemains du premier millenium ses galons d’une des capitales de l’empire germanique.

DAGOBERT ET CHARLEMAGNELes rois mérovingiens établissent à Traenheim-Marlenheim un palais royal, en plein pays viticole, où résidera occasionnellement le fameux Dagobert. Est-ce à cause des crus de ce vignoble que l’on dénomme désormais la Couronne d’Or, qu’il mit sa culotte à l’envers ? Nul doute, en revanche, que les vins des vignobles de la Couronne d’Or (lire notre chapitre à ce sujet, pages 14 à 23) ont arrosé la signature du Serment de Strasbourg, en 842 par les

fi ls de Louis le Débonnaire, petits fi ls de Charlemagne. Il s’agit du plus ancien document conservé écrit en langue romane et germanique, qui atteste du rôle symbolique joué par Strasbourg grâce au Rhin, axe de communication essentiel. Quant à l’évêque Ernold le Noir, il évoque en 826 la prospérité de Strasbourg, la force de son commerce et en particulier l’omniprésence du vin, livré par chariot depuis les coteaux de la Couronne d’Or.

Dans la compétition à laquelle se sont livrées ces cités, Stras-bourg avait marqué des points : c’est ce sacré Charlemagne qui attri-bue à l’ancien Argentoratum le rôle de « ville commerciale sur le Rhin », la ville obtenant un statut d’autonomie vis-à-vis de l’empereur germanique dès le Xème siècle.

LA CATHÉDRALE DES VIGNERONSAux XIème et XIIème siècles, le clergé strasbourgeois établit sa puissance grâce à la mainmise sur le commerce et le vignoble. En 1190, les Strasbourgeois décident d’entamer la construction d’une nouvelle cathédrale. Achevée en 1439, elle restera longtemps le plus haut édifi ce en Europe. Sa fl èche unique affi che les ambitions de la ville, devenir une cité dotée d’une infl uence majeure sur le pays rhénan. Les constructeurs cherchent les pierres nécessaires à l’édifi cation dans les carrières du Kronthal, en bordure du vignoble de Strasbourg. Une part des ressources de la construction vient du commerce des vins, transportés par chariot des collines voisines pour être revendus sur place ou expédiés par bateau vers toute l’Europe du Nord et l’Italie, via les cols alpins.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Il était une fois un gros village de pêcheurs qui osât progresser à contre courant pour donner vie à une grande ambition : atteindre

le statut de cité enviée à mille lieues à la ronde, dotée d’une cathédrale à nulle autre pareille. Telle est l’Histoire de Strasbourg.

LE VIN AU CŒUR DE L’HISTOIRE DE STRASBOURG

Du gros bourg de pêcheurs à la métropole internationale

La cathédrale trône ostensiblement sur la ville et veille sur l’Ancienne Douane, le port fl uvial de la ville

La passerelle des Deux-Rives, édifi ée par l’architecte Marc Mimram, réunit les riverains du fl euve

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“ C’est ce sacré Charlemagne qui attribue à l’ancien

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8 9Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

L’infl uence du Rhin dépasse largement son parcours, de sa naissance dans les Alpes suisses jusqu’à la Mer du Nord. Il a représenté depuis toujours un passage entre la Méditerranée et l’Europe septentrionale et centrale. L’Alsace en a profi té de tout temps. En témoigne la gastronomie régionale où cannelle, girofl e, safran et autres épices orientales font le délice des plats et desserts. C’est au fi l des courants aléatoires du fl euve que les vins d’Alsace ont quitté par quantités incroyables les installations portuaires de l’Ancienne Douane à Strasbourg jusqu’à Londres, Stockholm, Moscou… mais aussi le Sud et l’Italie, via les cols alpins. Il est diffi cile d’évaluer avec précision les quantités exactes de vins en partance depuis l’Ancienne Douane, les mesures appliquées alors n’ayant plus rien à voir avec les litres d’aujourd’hui : seule certitude : les années fastes, ce sont des centaines de milliers d'hectolitres qui partaient au fi l de l’eau.

LES MARCHÉS ET LES PAYS DESSERVIS

Mais avant de faire aboutir ces projets, restaient à résoudre bien des diffi cultés. D’abord, malgré les honneurs attribués par les princes et empereurs, Strasbourg demeurait à l’écart des lieux où il faisait bon vivre en Alsace à cette époque. Prenez le cas de Haguenau : en ces XIIème et XIIIème siècles, nul doute que cette ville comptait parmi les cités les plus agréables de la haute vallée du Rhin. Alors que les Strasbourgeois se battaient avec leurs moustiques… et leur évêque, les Haguenauviens voyaient passer princes et ministres, hauts magistrats et administrateurs de l’empire.

CES BOURGEOIS QUI NE DOUTENT DE RIENCela agaçait-il la puissance émergente de Strasbourg ? La ville comptait alors une solide caste de bourgeois altiers et ambitieux. Le vocable de Steckelburjer dont on qualifi e les habitants de Strasbourg en dialecte alsacien provient de cette origine : le Steckel était une canne à bout ferré, aff ectionnée par les

bourgeois (burjer), qui en martelaient le sol pavé à toute heure, rythmant leur progression en ville d’un son que les chroniqueurs d’alors rapportaient comme … agaçant.Ces bourgeois ne doutaient de rien. Puisque le « fédéralisme » de l’empire germanique autorisait à leur ville une large autonomie vis-à-vis de l’autorité suprême qui en faisait quasiment une principauté, ne leur restait qu’à supplanter la puissance tutélaire locale, l’évêque. Cela fut fait au terme d’une bataille dite de Hausbergen (1262), dont les escarmouches successives furent interrompues le temps des vendanges, car on ne plaisantait pas avec les choses sérieuses… jusqu’à la victoire fi nale des bourgeois, renvoyant le prélat dans ses églises.Les ambitions des Steckelburjers se sont appuyées sur une farouche volonté. Devenir la principale ville du Rhin supérieur, et compter parmi les principales cités au long du Vater Rhein, le fl euve nourricier, porteur des mythes collectifs nés au temps celtique et propagés par la culture alémanique : l’Or du Rhin, le Crépuscule des dieux, Siegfried, ces hauts faits et légendes tournent autour du fl euve et notamment du site majestueux et magique la Loreleï, environ deux cents kilomètres au nord de Strasbourg.

LES DEUX RICHESSES DE LA VILLEPour parvenir à leurs fi ns, les Stras-bourgeois devaient donc supplanter Haguenau, ses institutions impériales, ses vignes, sa notoriété et la douceur de son environnement. Ils furent aidés par le décès prématuré du dernier empereur germanique ayant siégé dans la ville du nord de l’Alsace. Frédéric Barberousse a disparu en 1190 alors qu’il guerroyait en Turquie Avec lui, s’éteignait la dynastie impériale des Hohenstaufen. La sui-vante (les Habsbourg) est allé tenir leur cour ailleurs, sans dédaigner au passage de continuer à s’abreuver à l’Or du Rhin, c’est-à-dire les vins d’Alsace.

Mais comment réunir l’argent nécessaire à satisfaire les ambitions strasbourgeoises et notamment édifi er une cathédrale sans pareil ? Les bourgeois de la ville ont fait appel à leur sens de l’initiative fi scale, pour tirer d’extraordinaires profi ts des deux richesses de leur ville : les vins d’Alsace et le fl euve.

LES AMANTS TERRIBLES DE STRASBOURG

AMIS DU VIGNOBLE DE STRASBOURG, CONNAISSEZ-VOUS L’HISTOIRE DES ROIS MAGES ? SAVEZ-VOUS QUE GASPARD, MELCHIOR ET BALTHAZAR SONT PASSÉS PAR STRASBOURG ? Ces magiciens venus de l’Orient en Judée pour adorer l’enfant Jésus, voici 2000 ans, reposent désormais à la cathédrale de Cologne. Avant de parvenir dans cette ville, les reliques ont suivi le cours du Rhin, faisant notamment escale à Strasbourg où elles furent accueillies en grandes pompes. Se souvenant de cet accueil chaleureux, les Rois Mages ont choisi un soir de Noël pour quitter leur châsse à Cologne afi n de rejoindre Strasbourg et sa douceur de vivre, comme guidés par une nouvelle étoile de Noël. Des années durant, ils ont animé les rues de la vieille ville rhénane lors de l’Épiphanie.

Pour les accueillir à Strasbourg, la fête était chaleureuse et le vin coulait à fl ots. Les habitants faisaient joyeux cortège autour des savants ; surpris par tant de liesse, les habitants se mettaient aux fe-nêtres pour profi ter des réjouissances. La fi lle du représentant de l’empereur – le Schultheiss – ne manquât pas l’occasion de se distraire. Belle comme un beau rêve, elle attira l’attention de Balthazar qui en tomba secrètement amoureux dès qu’il l’aperçut.

Balthazar lui fi t compliment de la pléni-tude de sa beauté et de la vigueur de sa jeunesse. Comme cadeau, le savant off rit à la jeune fi lle une lampe à huile faite avec la graisse de l’ânesse qui porta le Christ lors de son entrée triomphale à Jérusalem. Cette lampe avait le pouvoir de réaliser les vœux. Bons ou mauvais, les souhaits devenaient réalité, comme pour la lampe d’Aladin. Emportée par l’enthousiasme de sa verdeur et son pou-voir de séduction, elle en abusa. La fi lle du Schultheiss voulait profi ter de tous les plaisirs de la vie sans souci des consé-quences. Sa vie se transforma fi nalement en cauchemar d’où la lampe ne pouvait la tirer.

Devenue vieille, malade et abandonnée de tous, elle demanda à la lampe une dernière faveur : revenir à Strasbourg dans la maison où elle avait été heureuse avec ses parents. Mais la bâtisse était déserte, ses parents qu’elle avait oubliés étaient morts. Il ne lui restait plus qu’à attendre sa propre fi n en demandant pardon à Dieu pour ses fautes. C’était un jour d’Épiphanie et Balthazar, pas-sant une fois encore devant la maison où il avait aperçu des années auparavant la belle jeune fi lle, y entra. Le mage trouva morte la femme qu’il aimait en secret ; alors, le magicien usa du pou-voir magique de la lampe pour rendre sa jeunesse et sa beauté à la fi lle du Schultheiss avant de la mettre en terre. Les rois Mages l’ont ensuite enterrée dans les carrières du Kronthal, dans le vignoble de Strasbourg. Et c’est de là que viennent les plus belles pierres de la ca-thédrale.

Légende alsacienne du XIIème siècle, d’après « Noëls magiques d’Alsace » par Guy Trendel, éd. Coprur.

“ Alors que les Strasbourgeois se battaient avec leurs moustiques… et leur évêque, les Haguenauviens

voyaient passer princes et ministres, hauts magistrats

et administrateurs de l’empire. ”

L'Ancienne douane, port de Strasbourg au Moyen-Âge, a vu transiter les vins d'Alsace. C'est aussi là que la légende fait débarquer les Rois Mages.

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10 11Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

L’une des clés de voûte du système économique du transit des vins d’Alsace vers les clients lointains sont les membres de la Weinsticher Zunft. Il s’agit de la Tribu des Gourmets. Son rôle est crucial : ses représentants réceptionnent les vins, vérifi ent leurs caractéristiques et leur potentiel commercial, orientent leur destination : consommation locale, expédition lointaine, débits de vins, etc. Ce système dont on trouve les prémices au XIIIème siècle est considéré par des historiens comme totalement innovant. Il a servi de base dans bien d’autres régions viticoles.

Si Strasbourg a fait fortune grâce au commerce des vins, c’est parce que l’organisation de son transit a été précurseur en matière fi scale. En eff et, chaque transaction faisait l’objet d’une taxe versée directement au Trésor municipal : le transporteur déposant ses fûts les vendait à un courtier, moyennant une taxe. L’acquéreur suivant faisait de même. Fallait-il transvaser le précieux breuvage, le tonnelier vendait son fût et enrichissait la ville, de même pour les chargeurs, grutiers, etc. qui tous étaient rémunérés et taxés. Et c’est ainsi que la ville s’est considérablement enrichie, d’autant que les nombreux métiers travaillant autour du commerce du vin faisaient vivre un grand nombre d’habitants.

Les millions de visiteurs qui découvrent chaque année la route des vins d’Alsace sont tous émerveillés par la beauté des villages qu’ils traversent. Il n’est pas inutile de rappeler que les splendides maisons patriciennes édifi ées à la Renaissance, notamment, témoignent toutes de la richesse dont le vignoble a bénéfi cié dans son ensemble grâce au dynamisme du commerce initié par les Strasbourgeois.C’est parce que les vins d’Alsace étaient en haute estime dans toute l’Europe qu’ils ont pu se vendre dans d’aussi grands volumes et c’est grâce au dynamisme de la capitale régionale que cette richesse a pu se traduire dans les villages qui s’off rent aujourd’hui à la visite de touristes du monde entier.

LA TRIBU DES GOURMETS

L’INVENTION DE LA TVA

UN ÂGE D’OR

LES INVENTEURS DE LA TVAÀ l’issue de la Bataille de Hausbergen (1262), les bourgeois de la ville s’aff ranchissent de la tutelle épiscopale. Ils mettent en œuvre une stratégie commerciale dynamique, investissant dans des grues portuaires, ce qui était alors exceptionnel. Les maîtres changent, le commerce du vin s’amplifi e et s’organise et notamment, se trouve régi par d’innombrables règlements, que les historiens trouvent parfois excessifs, trop lourds, bureaucratiques… même si ce terme n’existait pas encore. Mais l’administration d’alors pouvait passer pour tatillonne, fi xant au centimètre l’emplacement où pouvaient être déposées les barriques sous peine de voir annuler telle transaction, voire d’aller jusqu’à la confi scation de la marchandise. En revanche, les chroniques indiquent aussi que les marchands de vins sont

Au XIVème siècle, les corporations s’as-surent une infl uence considérable sur la vie de la cité rhénane. Les métiers du vin sont légion : les tonneliers, les goûteurs de vin, ceux qui fi xent les tarifs, qui en-caissent les taxes appliquées sur toutes les transactions (lire en encadré), qui vé-rifi ent la qualité et les quantités vendues, ceux qui manœuvrent les tonneaux, etc. Sans oublier les « crieurs de vin » (Wein Rufer) qui annoncent au public ignorant la lecture les tarifs des crus et les vins du jour servis dans les auberges.

On dénombre des centaines de débits de vin dans la ville. Les règlements sont très stricts : même les achats de raisin sur pieds sont limités pour éviter que les meilleurs crus ne soient achetés avant même la vendange par des négociants étrangers à la ville. La totalité des vins issus d’Alsace et du pays de Bade doivent obligatoirement transiter par Strasbourg qui profi te du même coup pleinement des ressources fi nancières de ce com-merce. Et qui garantit également aux producteurs des débouchés conséquents.

Le nom de la ville a progressivement changé, d’Argentoratum à Strassburg, puis Strasbourg

Une révolte paysanne avec le vin comme enjeu

Les caricaturistes de 1625 n'ont rien à envier aux humoristes contemporains : voici l'image des autorité d'alors, accusées de voracité, rapacité, cruauté… en cause, trop de taxes et d'inéquité en temps de crise.

La rivière qui traverse Strasbourg, l’Ill, était directement reliée au Rhin, facilitant le commerce fl uvial

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“ La totalité des vins issus d’Alsace et du pays de Bade doivent obligatoirement transiter par

Strasbourg qui profi te du même coup pleinement des ressources fi nancières

de ce commerce. ”

protégés d’éventuelles exactions qui pouvaient être commises par quelque notable, c’est dire si ce commerce était placé en haute estime. Le négoce des vins s’installe d’abord place de la cathédrale, puis en 1311 rue du Vieux-Marché-aux-Vins (alt Wyn Märik), bien située pour accueillir les chariots en provenance des vignobles de Strasbourg et du Nord Alsace. Les vins de Sélestat, ou de Haute-Alsace arrivent par bateau à l’Ancienne Douane. En 1555, le marché s’établit place des Cordeliers (l’actuelle place Kléber).

“ Les maîtres changent, le commerce du vin s’amplifi e et s’organise et notamment, se trouve régi par

d’innombrables règlements, que les historiens trouvent parfois excessifs, trop lourds, bureaucratiques… ”

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12 13Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

LE VIN DES ROISGrâce à l’effi cacité de leur organisation, les bateliers strasbourgeois parviennent à conquérir au XVème siècle le monopole de la navigation descendante sur le Rhin.

Ils inondent alors l’Europe des vins d’Alsace, en particulier les crus de la Couronne d’Or, le vignoble voisin de Strasbourg. Sur les plus grandes tables, les vins d’Alsace accompagnent les banquets royaux et les fêtes fastueuses, comme à la cour d’Angleterre : en 1576, la reine Elisabeth écrit : « C’est en Alsace que poussent les meilleurs vins du monde… ».Au XVème siècle, lors d’une période de mauvaises récoltes, la ville se voit incapable de livrer le Vatican. La réponse papale fut cinglante : « Livrez nous notre vin, sinon votre excommunication sera mise à l’étude ». On ne riait pas avec de telles menaces, et les édiles municipaux se sont empressés de prélever sur leurs réserves pour alimenter la cave vaticane, évitant du même coup une sanction gravissime à l’époque.

Strasbourg, grâce à son port fl uvial, débouché naturel évident pour les richesses de l’Alsace et de son vignoble en particulier, s’affi rme comme l’une des capitales commerciales rhénanes. Certaines années, ce sont plusieurs millions de litres de vin qui sont expédiés depuis Strasbourg vers l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Italie, les pays Baltes, etc. La qualité des crus

est rigoureusement surveillée par les Gourmets et les fraudeurs subissent des peines exemplaires, pouvant aller jusqu’au bannissement défi nitif de la ville – voire la mort ! – si la santé des consommateurs est en jeu. D’autres cités rhénanes entreprennent de tirer profi t du trafi c de marchandises sur le fl euve, prélevant des taxes dissuasives. Des guerres commerciales sans merci opposent les cités riveraines du Rhin, pénalisant parfois gravement le commerce du vin d’Alsace.

UN QUOTIDIEN À REPEINDREAlors que Strasbourg étend ses possessions foncières dans la région de Marlenheim, les XVII et XVIIIème siècles marquent une parenthèse dans l’âge d’or du commerce fl uvial. Les guerres – notamment celle de Trente Ans – ravagent l’Europe. L’Alsace, conquise par la France, gagne des débouchés vers l’Ouest mais en perd vers le Nord. Il devient de plus en plus diffi cile de vendre du vin « français » à des pays ennemis, qui ont souvent eu à se plaindre des armées royales…

Le XIXème siècle voit la remontée de la réputation des crus alsaciens. Hélas, la guerre de 1870 et l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne remet tout en cause. Le Rhin regagne une importance d’autant plus forte que des travaux d’aménagement sont entrepris pour le rendre plus aisément navigable, mais les relations commerciales entre l’Alsace et la France deviennent très faibles. Il reste aux Strasbourgeois les crus de leur vignoble pour repeindre leur quotidien aux délicates teintes des vins.

REVIVRE UNE GRANDE PASSIONL’histoire du XXème siècle et son cortège de drames met un terme au fl orissant commerce des vins à Strasbourg. Le développement des moyens de transport modernes profi te aux vignerons qui organisent eux-mêmes leurs expéditions. L’Etat français et les instances européennes sont en charge des réglementations et de leur application. Restent à Strasbourg… son vignoble, quelques témoignages visibles de son rang de capitale historique du vin d’Alsace et le ferme désir de revivre une grande passion avec ses vignerons et les vins d’Alsace.

Depuis la fondation du camp romain sur les rives du Rhin jusqu’à cette fi n de millénaire, Strasbourg n’a cessé de croiser l’Histoire européenne. Serment de Strasbourg, développement du commerce au long du Rhin sur l’axe Italie-Mer du Nord, rôle commercial essentiel dans le bassin rhénan, enjeu de luttes terribles entre la France et l’Allemagne, la ville jouit aujourd’hui du prestige de ses institutions européennes. Au cours de ces deux millénaires d’histoire parfois grandiose et souvent tragique, le cœur de la capitale parlementaire de l’Europe a battu au rythme du cours puissant du fl euve et du retour immuable des vendanges sur ses vignobles.

Le commerce des vins a doté la ville d’une architecture qui séduit toujours plus de visiteurs

Strasbourg s’impose comme la capitale des Européens, face à la puissance des lobbys et de la bureaucratie

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“ En 1576, la reine Elisabeth écrit : C’est en Alsace que poussent les

meilleurs vins du monde… ”

“ Au cours de ces deux millénaires d’histoire le cœur de la capitale

parlementaire de l’Europe a battu au rythme du cours puissant du fl euve et du retour immuable des vendanges sur ses vignobles. ”

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14 15Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

Strasbourg et ses vignobles

Les Romains et les rois mérovingiens ont fait naître le vin d’Alsace, breuvage de l’amour et de l’amitié, sur les douces collines de la Couronne d’Or. Situées à deux pas de la ville – les premières vignes se trouvent à quelques kilomètres à l’ouest de la métropole – le vignoble de Strasbourg plonge ses racines dans une terre généreuse à la structure géologique cohérente. Alors que le vignoble alsacien est, en général, étiré au long du piémont des Vosges, la Couronne d’Or représente une exception : d’une forme plus ou moins circulaire, elle doit son nom à son origine historique. Dignitaires romains et rois mérovingiens ont vécu en plein cœur de ce pays viticole dont ils tiraient les meilleurs crus pour leurs festivités. Princes et rois

ont disparu, restent les vignes. Royales, et à deux pas de Strasbourg.

LA ROUTE DES VINS AU CŒUR DE LA MÉTROPOLE

Les vins du Vignoble de Strasbourg sont les vraies boissons de la fête et Strasbourg se fl atte de les présenter à tant de visiteurs qui les emportent chez eux, plaçant sur leur table une part vivante de l’esprit de Strasbourg : ville symbole de la réconciliation entre les peuples, fi ère de son identité rhénane et européenne, porteuse des valeurs essentielles pour nos sociétés d’aujourd’hui. À consommer bien sûr avec modération, celle qui caractérise l’intelligence et qui s’interdit de mettre quiconque en danger…

C’est une manière de donner de l’âme à un monde qui en a grandement besoin, d’insuffl er de l’esprit à un temps qui en cherche. À quelques kilomètres du cœur historique de la capitale régionale, sur les contre forts vosgiens, s’enracine le Vignoble de Strasbourg. Plantées

voici 2000 ans, ces vignes ont contribué au rayonnement historique de la cité rhénane. Du haut des collines, se profi le la silhouette sans pareil de la cathédrale, symbole de Strasbourg, qui a été édifi ée notamment grâce aux richesses apportées par le commerce des vins de son vignoble (lire dans le premier chapitre de notre magazine).

LA NOUVELLE HISTOIRE D’AMOUR Au pied de sa fl èche unique ou en plein cœur de la cité rhénane, se sont déroulés des siècles durant les marchés aux vins. Les meilleurs crus de toute la région étaient appréciés sur les tables strasbourgeoises ou expédiés vers l’Europe, au fi l du Rhin. Aujourd’hui, les vignerons du Vignoble de Strasbourg écrivent au quotidien les nouvelles pages

de la belle histoire d’amour entre la capitale parlementaire de l’Europe et les vins fi ns blancs de l’Alsace.

Les vins blancs du Vignoble de Strasbourg ont su conserver l’authenticité qui font la renommée des vins de l’Alsace. Sur les tables strasbourgeoises, s’épanouissent au mieux les accords entre les mets et ces vins blancs. Gastronomiques, sains et digestes, ils sont élaborés par des vignerons soucieux de mettre en œuvre des pratiques culturales respectueuses d’un environnement préservé et dédié au culte du vin en Alsace... et à la santé.

Nous en reparlerons dans les pages 24 à 30.

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Elancée, majestueuse, la cathédrale demeure un signal aimé des Strasbourgeois

L'esprit du vignoble sou� e à nouveau sur la capitale

Alsacienne

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« Le vin ne doit pas se résumer à une simple notion de contenu et de contenant. Il est avant tout l’expression de la vision du monde d’hommes et de femmes passionnés qui s’appliquent à le produire, à l’élever », s’enfl amme Cédric Moulot. Fort de cette conviction, le Strasbourgeois porte un soin particulier à relayer l’état d’esprit des viticulteurs alsaciens auprès des clients du Tire-Bouchon et du Meiselocker, ses winstubs, aussi bien qu’auprès de ceux du 1741, son adresse bourgeoise promue « espoir de l’année » par le Guide Michelin. « Certains clients apprécient les termes techniques, mais la grande majorité d’entre eux préfèrent les petites histoires, se réjouit-il. Pour nous, c’est un plaisir de leur raconter que le domaine Hausherr utilise un cheval pour pulvériser ses vignes à Eguisheim ou bien que la jeune viticultrice de Mittelbergheim Catherine Riss recourt à des barriques anciennes pour off rir un assemblage atypique de cépages. L’image de marque des vins d’Alsace évolue positivement grâce à ces nouvelles générations qui ont su prendre place à côté de valeurs sûres plus anciennes et connues. À nous restaurateurs alsaciens de leur servir d’ambassades, comme le font déjà depuis longtemps nos homologues de Bourgogne ou du Bordelais pour leurs vignerons respectifs. Quand un Albert Seltz nous dit que des gens sont venus acheter du Pinot Noir chez lui après l’avoir découvert au Meiselocker, nous estimons avoir contribué, à notre petit niveau, à valoriser le savoir-faire régional. » PW

AMBASSADEUR DES VIGNERONS Profi tant du micro-climat des collines qui bordent les Vosges, leurs vignes s’épanouissent et expriment des terroirs généreux et subtils. La puissance de leurs arômes, la délicatesse de leurs saveurs en font d’indispensables compagnons pour toutes les tables et tous les temps de la vie. Le vignoble de Strasbourg, accessible en quinze minutes depuis le cœur de la ville, symbolise l’esprit de la métropole rhénane : traversé par les multiples cultures du monde environ-nant, présentant des terroirs et des philo-sophies diverses, il est mis en valeur par des femmes et des hommes soucieux de perfection et de plaisirs rares et intenses à la dégustation de leurs crus…

À L’ÉCART DES MODES PASSAGÈRES Le vignoble de Strasbourg est à l’image des vignerons qui élaborent les vins qui en sont issus. Pleins de vie et de fi nesse, ils sont complexes et subtils, puissants et généreux. Grâce à la valorisation du potentiel humain fait de mémoire, de passion, d’initiative et d’ambition, le vignoble de Strasbourg off re à tous la plongée dans la quiétude des caveaux, dans la lente dégustation des grands vins, dans la découverte pas à pas d’une histoire mouvementée. Les vignerons de Strasbourg, respectueux de la terre et des saisons, à l’écart des courants touristiques de masse et des modes passagères, préservent les traditions séculaires. L’attachement des vignerons à leurs racines et à l’esprit de leurs ancêtres leur donne accès à un savoir des plus mystérieux : celui qui donne au grand vin son équilibre, sa puissance et la richesse de sa matière, particulier aux vignobles de Strasbourg.

LA DÉGUSTATION ACCESSIBLE À TOUSVous entrez dans le monde des grands vins du vignoble de Strasbourg. Sachez les déguster avec passion et modération, en y consacrant le temps propice à la rencontre avec le breuvage de l’amour et de l’amitié. La dégustation n’est nullement aff aire d’initié. Quel que soit son niveau de connaissance du monde des vins, on peut en retirer d’intenses émotions. Le vin, une fois servi dans un verre approprié ce qui exclut les objets au pied vert, mérite d’être regardé, admiré pour ses teintes profondes et ses refl ets ; on le sentira pour lui trouver son fruité et ses arômes propres. Alors seulement, on en prendra en bouche une petite gorgée, qu’on pourra recracher une fois les papilles gustatives imprégnées des mille et une saveurs spécifi ques de chaque cru.©

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Cédric Moulot possède plusieurs restaurants dans le centre ville de Strasbourg

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EN CAR OU EN TRAIN, À VÉLO, À PIED…Visiter un vignoble se fait couramment en voiture. Si celle-ci est bien garnie en passagers, convivialité et bilan carbone positif sont au rendez-vous. Mais l’un des atouts du Vignoble de Strasbourg est qu’il est accessible autrement qu’en véhicule individuel.Les cars du réseau 67 desservent Marlenheim depuis la Place des Halles et la Place de la Gare de Strasbourg. De là, plusieurs sentiers balisés par le Club vosgien accèdent aux collines d’alentour, notamment le Marlenberg qui domine la cité. Ne pas manquer les vignes en terrasses et les anciennes carrières du Kronthal d’où viennent les pierres de la cathédrale de Strasbourg. Le charmant village de Wangen est aussi aisément accessible à pied depuis Marlenheim.Autre possibilité : les TER jusqu’à Molsheim, avec des dessertes par dizaines, fin de semaine compris, et la possibilité d’embarquer les vélos dans les rames. Depuis la gare de la ville d’Ettore Bugatti, plusieurs pistes cyclables permettent d’accéder aux vignobles vers Rosheim et Obernai. On peut aussi demeurer dans la Couronne d’Or, le long du canal de la Bruche.Enfin, les sportifs font observer que du centre de Strasbourg à Wolxheim, il n’y a guère qu’une quinzaine de kilomètres : pas de quoi effrayer un cycliste même parmi ceux qui prennent le temps de tout admirer. Et ce genre de virée peut aussi se conjuguer avec un bel esprit de convivialité…

D’Osthoffen à Ergersheim, d’Avolsheim à Wolxheim, sur les flancs du Horn, du Scharrach ou du Goeftberg, de Soultz-les-Bains à Balbronn, autour de Traenheim, de Wangen, etc. Les vignobles de Strasbourg offrent mille et une possibilités de promenade combinant l’automobile, la bicyclette et la marche. Chaque sortie est une occasion de se plonger dans des sites marqués par une histoire parfois bimillénaire, toujours séculaire ; partout, la vigne prend ses aises sur des terroirs opulents et orientés vers le Sud, profitant du microclimat particulièrement favorable.

Une balade à travers le vignoble de Strasbourg représente une belle aventure. Plusieurs cités conservent tout le charme de l’époque médiévale et racontent, à travers leurs murs, leurs périodes de gloire. Ainsi, Westhoffen est

fière de ses enceintes, de sa grande église aux vitraux remarquables ou de ses demeures Renaissance. Wangen semble encore défier l’arrivant qui se voit offrir un dédale de ruelles convergeant vers le centre où se dressait un incroyable château octogonal. Balbronn se souvient du temps où ses habitants, en cas d’attaque, se réfugiaient derrière les murs du cimetière enserrant l’église fortifiée. Bergbieten conserve les vestiges de la commanderie des chevaliers de Saint Jean alors que Dangolsheim, sur les flancs de sa colline, est l’exemple même d’un refuge fortifié ceinturé autour de son sanctuaire au clocher impressionnant. Depuis des siècles, ces villages vivent de la vigne, Bergbieten se flattant de son Grand cru Altenberg aux vins de gastronomie subtils, méritant un patient vieillissement.

CHÂTEAUX ET MANOIRS Au fil de leur histoire, les Strasbourgeois ont souvent eu maille à partir avec les châteaux de la Couronne d’Or. Ces rudes forteresses médiévales sont devenues de paisibles résidences au charme romantique, reflétant néanmoins leur passé tourmenté. À Osthoffen, c’est l’évêque de Strasbourg qui a posé les premiers jalons du burg semblant sorti tout droit de « La Belle au bois dormant ». À Scharrachbergheim, se rattache le cruel épisode du massacre de négociants en vins Strasbourgeois, au cours de la guerre de Trente Ans (première moitié du XVIIème siècle). Dans ce village, le château se cache derrière ses hauts murs et ne sort de son secret que si l’on gravit la colline voisine. A Odratzheim, c’est un beau manoir du XVIIIème siècle qui parle de cette bourgeoisie ou cette noblesse qui

À LA DÉCOUVERTE DES VIGNOBLES DE STRASBOURG

À quinze minutes de voiture du centre de Strasbourg, les envoûtantes collines de la Couronne d’Or s’étendent langoureusement, couvertes de vignes. Vivant au rythme du vin, les villages prennent le temps d’étirer leurs ruelles sinueuses ombragées par des maisons ne cachant pas leur origine séculaire. Ici, château ou village fortifié, là chapelle perdue dans les vignes, plus loin, souvenirs vivants d’existences passées. Dans les vignobles de Strasbourg, on accède à un environnement préservé par des femmes et des hommes qui font vivre ici les coutumes et gardent la force des passions de toujours.

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succomba aux charmes de la vallée de la Mossig pour s’y installer paisiblement alors qu’à Ergersheim et Wolxheim, la célèbre famille Muller-Simonis a laissé ses châteaux, la nature léguant le Grand cru Altenberg de Wolxheim. Les pentes du Horn, dominées par une statue du Christ, protégées par un microclimat très sec, produisent des grands vins de garde et de gastronomie.

D’antiques routes quadrillent le vignoble de Strasbourg, autant stratégiques que commerciales. Mais c’est le souvenir d’un très ancien chemin des pèlerins qui commence aux portes de Strasbourg et s’enfonce, plein ouest, dans le pays de collines couvertes de pampres qu’il faut évoquer. C’est le chemin qui conduit vers Saint-Jacques-de-Compostelle. On peut poser ses pas sur les traces des pérégrins du monde médiéval en commençant un périple à Osthoffen. Saint-Jacques guidera ensuite vers le pèlerinage de Haslach, réputé pour ses nombreux miracles. Là, vécut Saint Florent qui guérit, nous raconte les chroniques d’antan, la fille du roi Dagobert de sa cécité et de sa surdité.

DES FOSSILES ET DES BUNKERSLa terre qui voit s’épanouir le vignoble de Strasbourg raconte l’histoire des mers qui recouvraient, voici quelques dizaines de millions d’années, toute cette contrée. Grimper au sommet du mont Scharrach offre un cours de géologie. Tout autour de cette colline s’accumulent les indices de l’évolution géologique des collines calcaires où la vigne se plaît et enfonce ses racines en profondeur. Sur les flancs du mont, les pentes sont assez raides pour

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nécessiter la construction de terrasses ! Les hommes ont ouvert là de nombreux fours à chaux dont les vestiges se cachent dans les ronces, tandis qu’une importante entreprise locale poursuit l’exploitation de cette richesse qui témoigne de la présence massive de calcaire dans le sous-sol, une roche favorise de grands vins. Ne manquez pas, au sommet du mont, les discrets vestiges d’un fort militaire pourtant puissant, édifi é avant la Grande guerre en prévision d’une éventuelle attaque française sur l’Alsace, alors allemande…

Sur le secteur bordant la faille qui tombe vers la vallée de la Bruche émerge également le grès vosgien. C’est le gisement le plus proche de Strasbourg. Pas étonnant que les constructeurs de la citadelle de Strasbourg aient choisi ce site pour extraire les pierres. Afi n de les acheminer, Louis XIV confi a à Vauban le soin d’aménager un canal, connu sous le nom de canal de la Bruche. Long de près de 20 kilomètres, comportant 11 écluses, il est aujourd’hui réputé pour sa piste cyclable qui dessert à merveille la Couronne d’Or, utilisée chaque dimanche par des milliers de cyclistes et rollers. Circulant au pied des coteaux, il off re des vues splendides sur les villages viticoles et notamment sur le Grand Cru Altenberg de Wolxheim, village

où naquit le sculpteur de la statue du Général Kléber qui trône au beau milieu de la place emblématique du cœur de Strasbourg.Le vignoble de la capitale alsacienne rassemble aussi une étonnante profusion de sanctuaires qui refl ètent près d’un millénaire allant de l’époque romane à nos jours. Les trois confessions les plus importantes ont chacune des monuments à faire découvrir. Si le Dompeter d’Avolsheim est l’emblème de l’église catholique et la plus ancienne église d’Alsace (XIème siècle), l’église Saint-Martin de Westhoff en est une « cathédrale » protestante. Dans ce même bourg ainsi qu’à Wangen, deux synagogues montrent l’importance de la communauté juive dans le vignoble de Strasbourg. Des églises plus humbles conservent des traces de l’art roman, comme à Dangolsheim, Irmstett, Balbronn, Traenheim, alors qu’à Avolsheim, le baptistère est une d’une beauté toute mystique.

DES « LOCATAIRES » RESPECTUEUXMarlenheim est dominée par la belle colline du Marlenberg, qui étale sur son fl anc méridional le Grand cru Steinklotz aux pentes raides. Les vins de ce Grand Cru se caractérisent par leur noblesse et leur longue garde. À Dahlenheim et Scharrachbergheim, s’étend le Grand cru Engelberg. Avec là aussi ses pentes

En poussant la porte d’Oenosphère, caviste à Strasbourg, diffi cile de ne pas remarquer les quelques dizaines de crus alsaciens aussi soigneusement présentés que fi nement sélectionnés. « Sur nos 400 références, plus de 10 % proviennent de la région, s’enorgueillit Benoit Hecker, le maître des lieux. Notre but est de mettre en lumière des vignerons qui agissent en dehors des sentiers battus tout en restant proches du terroir. C’est important car, contrairement aux touristes qui recherchent du traditionnel, les Strasbourgeois veulent être surpris si déjà ils consomment local. En ce sens, l’arrivée de jeunes viticulteurs, qui pour la plupart ont voyagé et sont ouverts à des façons de faire plus atypiques, est une bonne chose. Par exemple, nous aimons conseiller l’assemblage de muscat, riesling et pinot gris, commercialisé sous le nom de 8ème élément par Stéphane Wantz de Mittelbergheim, parce qu’il apporte un souffl e nouveau. » Si Benoit Hecker mise sur la découverte, il n’en oublie pas l’éducation. « Malheureusement encore beaucoup de gens ne connaissent que les cépages alsaciens les plus basiques. D’autres pensent qu’il n’y a pas de rouges chez nous alors que nous avons de bons pinots noirs, à l’image de ceux de Kumpf et Meyer à Rosheim. » Afi n de pallier à ce défaut de connaissances, le caviste n’omet jamais de faire déguster des nectars régionaux lors des soirées d’œnologie qu’il organise et d’en glisser sur sa carte lorsque, du jeudi au samedi soir, son échoppe se mue en bar à vins. PW

DE LA NÉCESSITÉ DE SURPRENDRE LES ALSACIENS

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Benoît Hecker, patron de l’Œnosphère, caviste à Strasbourg

raides et son exposition plein sud, il off re des vins marqués par l’harmonie, surtout un long vieillissement. Le vignoble de Strasbourg compte quatre Grands crus et de nombreux autres terroirs remarquables. Les vignerons attachent une importance particulière au travail de la terre, sachant bien qu’ils n’en sont que locataires, et s’imposant des pratiques particulièrement respectueuses de l’environnement. C’est aussi une raison de la qualité des vins du vignoble de Strasbourg.

Au-delà des vestiges marquant la richesse du passé de la Couronne d’Or, chaque sentier de vigne mène vers un point de vue idyllique, une chapelle qui raconte les pèlerinages et les processions d’autrefois et d’aujourd’hui. Chaque village recèle mille et un trésors pour qui sait s’attarder pour les découvrir. Flexbourg, Furdenheim, Kirchheim, Soultz-les-Bains, chaque bourg étale ses maisons paysannes parfois séculaires qui retracent une partie de la mémoire des lieux. Tous racontent des épisodes où se croisent les rois mérovingiens, les abbés propriétaires terriens, les pérégrins cheminant vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Partout, les vignes déroulent leur bel ordonnancement depuis les temps les plus lointains et pour notre plus grand plaisir aujourd’hui.

“ Chapelles et synagogues ”

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–Existe-t-il encore des liens étroits entre Strasbourg et son vignoble ?« Notre ville renoue non seulement avec son passé viticole mais elle cherche aussi à rendre visible la dimension culturelle et patrimoniale de son vignoble. Nous sommes héritiers du dynamisme économique et culturel des Strasbourgeois des siècles passés qui, d’une certaine façon, démontrent ce qu’il est possible d’accomplir en combinant les atouts de cette cité ».

–Que peut attendre Strasbourg en renouant ainsi avec son histoire viticole ?« Nous avons tout à gagner en remettant cette dimension historique dans l’esprit des Strasbourgeois. Notre ville est devenue une métropole enviée et visitée par des millions de personnes venues du monde entier grâce – notamment – à ce patrimoine architectural exceptionnel qui provient en bonne part des ressources générées par ce commerce. Remettre ce dynamisme au centre de notre ville fait écho à notre statut de capitale des Européens, de la démocratie, des valeurs humanistes. Les succès remportés par notre ville dans de nombreux domaines, prouve sa capacité à conjuguer nos talents avec ceux de notre région ».

–Croyez-vous que ce passé fait écho aux succès strasbourgeois actuels, en matière universitaire par exemple ?« Oui, sans aucun doute ! Nous sommes aujourd’hui la seule ville au monde à bénéfi cier de trois Prix Nobel en exercice. Et ce n’est qu’un exemple. Cela ne procède pas du hasard, mais de l’effi cacité conjuguée d’énergies, d’intelligences et d’une capacité à ne jamais douter du destin unique de notre ville ».

Robert Hermann (photo ci-contre) est le premier adjoint au maire de la ville de Strasbourg

Promouvoir les crus alsaciens coule de source pour Christophe Andt, « en-fi n surtout ceux du Bas-Rhin » lance le restaurateur strasbourgeois en guise de pique à ses amis haut-rhinois. « J’attache une grande importance à les servir en pichet, car cela n’oblige pas mes clients à prendre toute une bouteille, souligne le patron du Pont du Corbeau depuis 33 ans. Le pichet off rant une bonne entrée en matière, le vin doit être très bon. Chaque année, j’opère donc une sélection fi ne par cépage dans le but de faire découvrir le maximum de domaines et leur savoir-faire. » Sur sa carte, les rieslings « Rothstein 2008 » de chez Lissner à Wolxheim côtoient des muscats « Murmure 2011 » de Rietsch (Mittelbergheim) ou encore des pinots gris 2008 signés Maurer à Eichhoff en. « Je connais tous les vignerons, j’ai vi-sité leurs vignes. Je suis très attaché à la nature, aux choses propres et saines. Il faut qu’un vin m’évoque quelque chose, me procure une émotion. Récemment en dégustant un pinot noir, j’ai retrouvé des sensations que j’ai éprouvées jadis en bu-vant les tisanes aux herbes que concoctait ma grand-mère. Un vrai bonheur, confi e Christophe Andt avec des étoiles plein les yeux. Pour bien conseiller un vin d’Alsace, il ne faut pas faire de grandes phrases ou des comparaisons. Il faut uni-quement laisser parler ses émotions. De même, s’il en existe un pour chaque plat, il y en a aussi un pour chaque moment. Il suffi t donc d’écouter les autres afi n de leur proposer le cru qui correspond le mieux à leur état d’esprit. »PW

NOUS SOMMES LES HÉRITIERS D’UN DYNAMISME SANS PAREIL

AU PONT DU CORBEAU, UNE AFFAIRE D’ÉMOTIONS

DES SERVEURS FORMÉS PAR LES VIGNERONS « Heureusement, il n’est plus nécessaire de servir les vins d’Alsace dans des verres à pied vert pour densifi er leur couleur. Aujourd’hui, nous utilisons des verres cristallins qui leur donnent tout leur éclat. Nous n’avons plus à rougir des productions locales qui ont su monter en gamme », se réjouit Alain Diebold des Restaurants alsaciens, un groupe à la tête de sept établissements dont le Gruber, le Pfi ff erbriader, le Dix ou le Bistrot des Copains à Strasbourg. « Notre clientèle se compose à la fois de régionaux aux goûts souvent prédéfi nis et de touristes

parfois avares de découvertes, poursuit-il.Pour que nos serveuses et serveurs répondent de façon judicieuse à chaque demande, ils suivent deux à trois fois formations par an auprès de viticulteurs présents sur nos cartes. Ces derniers leur parlent de leurs méthodes de travail, de la spécifi cité de leurs vins ou encore des mets avec lesquels ceux-ci s’associent le mieux. » Parallèlement, la dégustation est mise en exergue à travers un service au verre de la majorité des quelque 70 références de nectars alsaciens qu’affi chent les adresses du groupe. « Nous proposons également des crus alsaciens dans le cadre d’opérations ponctuelles, comme des menus spéciaux,

pointe Alain Diebold. Consommer un vin étant un acte de plaisir, nous avons aussi eu l’idée de prolonger celui-ci en à travers la vente à emporter de bouteilles de riesling et de pinot noir. »PW

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Le Dix, place de la Gare à Strasbourg

Christophe Andt mène en famille l’emblématique winstub au Pont du Corbeau

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des Gourmets

"Sous-estimer l'importance du vin dans notre culture est une

erreur. L'ignorer est fatal."Emile Jung, l'un des plus

grands chefs alsaciens

L’association entame une action à long terme destinée à faire connaître la véritable histoire de Strasbourg, oubliée au fi l des siècles, et redonner aux vins fi ns d’Alsace toute la place qu’ils méritent dans cette ville, et de rendre aux Strasbourgeois la fi erté des vins d’Alsace de terroir, secs et minéraux.Parmi ses projets, la recherche et la création d’un lieu de présentation des vins d’Alsace à Strasbourg et de mise en valeur des liens historiques de la ville avec le vignoble. Nous voulons aussi promouvoir des vins d’Alsace dans la restauration, les traiteurs, etc., afi n d’optimiser leur service et leur dégustation. Pour la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace, ce sont des vins secs – sans sucre restant – qui doivent être identifi és comme étant porteurs d’une universalité gastronomique et doivent revenir sur les tables strasbourgeoises.Autre projet : contribuer à la création d’un parcours touristique sur les traces de l’Histoire viticole de Strasbourg. Il ne faut pas oublier notre stand permanent de vins chauds au vin d’Alsace au marché de Noël, ainsi que les diverses initiatives de promotion des vins d’Alsace dans ces festivités.

DONNER AUX STRASBOURGEOIS DES VINS QUI LEUR CONVIENNENTL’une des missions que s’est donc donnée la Tribu des Gourmets est de réconcilier les Strasbourgeois et leurs visiteurs avec les vins d’Alsace secs et de gastronomie. Les constats sont actuellement diffi ciles pour nos vins : la grande majorité des restaurants qui ouvrent actuellement à Strasbourg ont abandonné le service des vins régionaux ou se cantonnent à une ou deux cuvées. Chablis et vins blancs ligériens coulent à fl ot, le public local et gastronome préférant ne prendre aucun risque face à la généralisation de cuvées marquées

par du sucre restant, peu adaptés à la gastronomie. Face à cette mise à l’écart, la Tribu capitalise sur l’action entreprise depuis une vingtaine d’années par les vignerons de la Couronne d’Or (lire dans le chapitre précédent) qui ont diff usé les vins du vignoble de Strasbourg lors d’un nombre considérable de grands congrès et événements internationaux depuis une vingtaine d’années, réalisant une formidable promotion pour toute la région. Et avec un grand succès auprès de dégustateurs qui ont renoué avec cette volonté de replacer à la meilleure place les grands blancs d’Alsace identifi és par un terroir plutôt qu’un cépage.

VINS DE TABLE ET GRANDS VINSPour la Tribu des Gourmets, le chemin à parcourir est bien identifi é : s’appuyer ce qui a fait le succès immense de nos cuvées pendant des siècles. L’historien Bender, qui a publié en 1914 le Weinhandel und Wirtsgewerbe im Mittelalterlichen Strassburg, donne des indications précises sur ces vins, son commerce et toute l’organisation qui a été créée autour. Pendant des siècles, les vins des vignobles de Strasbourg et de la vallée du Rhin ont été caractérisés par leur terroir d’origine… comme c’est encore le cas aujourd’hui partout en France et dans les autres grands vignobles, en dehors des vins de table caractérisés par leur seul cépage. L’habitude de réduire les vins d’Alsace à leur cépage est consécutive à l’annexion de la région dans le Reich prussien en 1871. Et pendant que la Bourgogne et le Bordelais classifi aient leurs terroirs et organisaient leur excellence, l’Alsace voyait son identifi cation par lieu-dit disparaître dans les pratiques allemandes. Et ce ne sont pas les périodes suivantes, marquées par les drames des deux guerres, qui ont corrigé ce hiatus.

UN PROJET COHÉRENTDans les années soixante-dix, des vignerons indépendants ont remis la notion de terroir au goût du jour. 51 grands crus sont désormais délimités et tous les metteurs en marché proposent des cuvées nées sur des parcelles bien délimitées. Mais le marqueur cépage est resté bien visible, y compris lorsque la puissance d’un terroir donne vie à de grands vins où la plante n’est qu’une partie d’un projet cohérent : élaborer un authentique vin de terroir, délivrant la fi nesse et la puissance d’un coteau par défi nition unique grâce à son sol, son climat et les femmes et hommes qui le magnifi ent.Dans ce discours sur les terroirs, rien d’étonnant. C’est ainsi que pratiquent les autres vignobles français et c’est ainsi que les Alsaciens ont agi des siècles durant. La Tribu des Gourmets a pour ambition de soutenir ainsi toutes les initiatives destinées à remettre sur les tables strasbourgeoises de grands vins d’Alsace, identifi és par leur origine géographique plus que par leur cépage, sans sucre restant, résultant aussi d’assemblages.

Regroupant vignerons et amateurs de vins, tous amoureux de Strasbourg, la Tribu des Gourmets du Vin d’Alsace renoue les liens

ancestraux entre Strasbourg et ses vignobles, en partenariat avec le Groupement des hôteliers, restaurateurs et débits de boissons,

de la corporation des boulangers-pâtissiers et de la Ville.

LA TRIBU DES GOURMETS RENOUE LES FILS DE L’HISTOIRE

renoue les fi ls de l'Histoire

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26 27Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

Actuellement, tous les vins d’Alsace sont classés en appellation d’origine contrôlée (AOC). Mis à part le Crémant, ils sont quasiment tous identifiés par leur cépage. Certains vignerons élaborent des cuvées d’assemblage (lire page 28) et revendiquent le droit de n’afficher sur l’étiquette principale que le terroir d’origine, à la manière de ce qui se pratique dans les grands vignobles. La Tribu des Gourmets appuie pleinement cette tendance, avec comme intention de proposer à la dégustation des vins adaptés à la gastronomie à, la manière des bourgogne

blanc où les sucres restant sont quasiment prohibés.

VINS D'ALSACE, LE MODE D'EMPLOI

De nombreux lieux-dits favorisent l’éla-boration de grands vins de gastronomie. En outre, les vignerons alsaciens éla-borent des cuvées issues de vendanges tardives et de sélections de grains nobles. Vins liquoreux ou moelleux, généralement récoltés grain par grain en novembre voire en décembre lorsque le botrytis s’est déposé sur les baies, ces cuvées d’exception ajoutent aux carac-tères aromatiques du cépage la puissance du développement de la pourriture noble.

• Les Grands crus délimitent des coteaux donnant une empreinte spécifique forte aux vins, différente d’un terroir à l’autre. Leur surface totale paraît excessive à de nombreux observateurs, qui estiment que des grands crus de 60, 70 voire au-delà de 80 ha sont plus représenta-tifs de la volonté de satisfaire un grand nombre d’opérateurs que d’une spécifici-té de terroir bien précise.

• Ces Grands crus procèdent d’une volonté claire : remettre les vins d’Alsace dans une optique de grands vins identi-fiés non plus seulement par leur cépage, mais aussi par leur lieu de naissance, comme cela s’est pratiqué pendant des siècles.

• Pour bénéficier de l’AOC Alsace Grand cru, les vins doivent être issus de vignes répondant à des critères plus exigeants que l’AOC Alsace. Les rendements autorisés sont plus faibles, les condi-tions d’élaboration plus surveillées ; de plus, seuls quatre cépages peuvent être vinifiés, ensemble ou séparément, pour l’ensemble des 51 Grands crus, riesling, pinot gris, gewurztraminer et muscat. Seule exception : le sylvaner, autorisé sur le seul Zotzenberg (Mittelbergheim).

• Les partisans de la mise en avant du seul terroir font valoir d’autres argu-

ments : donner à un vin un nom de baptême correspondant à un lieu pré-cis signifie que ce nom doit dominer et effacer l’identification de la plante, celle-ci devant disparaître au profit du terroir d’origine. Par ailleurs, il apparaît que dans certains Grands crus, le caractère dominant du terroir est tel que l’on retrouve ces éléments dans tous les vins, quel que soit son cépage. D’où l’idée de les assembler pour en faire un vin de terroir, sans aucune identité de cépage (à la manière des grands vins de Bordeaux, des Côtes-du-Rhône, etc.).

• 15 500 ha : c’est la surface actuellement autorisée pour la plantation des vignes destinées aux AOC (appellation d’origine contrôlée) Alsace. C’est très peu face aux surfaces du bordelais (plus de 100 000 ha en AOC), de la Loire ou du Rhône (75 000 ha chacun), mais c’est quand même le plus grand producteur de vins blancs en AOC de France.

• En 2010, l’Alsace compte 4 AOC. La principale couvre environ 90 % du vignoble et rassemble la majorité de la

production des vins « tranquilles », c’est-à-dire en dehors du Crémant d’Alsace, et sont identifiés par le nom de leur cépage. Ce dernier est également une AOC, qui connaît une croissance constante et spec-taculaire, puisque les bulles d’Alsace représentent plus de 25 % des ventes et atteindront les 30 % d’ici peu. La 3ème AOC concerne les 51 Grands crus, qui représentent environ 10 % des surfaces de vigne mais de 3 à 4 % des ventes. 4ème AOC : le Klevener de Heiligenstein, par-ticularité exclusive de ce village et de quelques communes d’alentours, où l’on cultive en variété ce savagnin, le cépage de référence des vins du Jura.

• Les vendanges tardives et sélections de grains nobles sont une « mention » mais pas une AOC. Leurs conditions de production restent sévères, même si les plus fameux de ces vins moelleux ou liquoreux sont élaborés avec une rigueur souvent bien supérieure aux règlements.

• D’autres vins sont identifiés par leur lieu-dit d’origine, en dehors des 51 Grands crus. Ils portent généralement le nom du lieu-dit cadastral et reflètent l’identité d’un terroir considéré comme moins puissant qu’un Grand cru, mais tout de même doté de caractéristiques propres.

• La vox populi annonce qu’en Alsace, on cultive 7 cépages (muscat, sylvaner, pinot blanc, noir et gris, riesling et gewurztra-miner). À cette liste, il faut ajouter le chardonnay (uniquement pour le Cré-mant), l’auxerrois (un cousin du malbec, cépage du Sud-Ouest, n’ayant aucun rap-port avec le pinot blanc et appelé ainsi car il fut planté dans l’Est de la France après le phylloxéra par un… Auxerrois). On trouve également encore un peu de chasselas, le savagnin de l’AOC Klevener

de Heiligenstein, sans oublier que der-rière « le » muscat d’Alsace, se cachent en fait deux cépages : le muscat d’Alsace et le muscat ottonel. De 7, on passe à 12 ! Mais au XIXème siècle, on en recensait plus de 100…

• On entend souvent dire que les Alsace ne vieillissent pas. Il n’y a rien de plus faux. Les vins issus de vieilles vignes, de terroirs délimités, etc., ont de lon-gues gardes devant eux. Des œnothèques conservent des Alsace de plus de cent ans demeurant absolument fantastiques.

• L’appellation crémant d’Alsace a été adoptée le 24 août 1976 alors que notre région n’a aucune réelle tradition de vins effervescents. Depuis, cette région est devenue leader des vignobles français qui ont entrepris d’élaborer des crémant et on ne peut que remarquer que des crémant d’Alsace supplantent réguliè-rement de très grandes cuvées cham-penoises lorsqu’elles sont dégustées à l’aveugle. On en trouve d’absolument délicieux, qui font la nique à des bou-teilles qui coûtent à l’unité le prix de la

caisse de 6, quand ce n’est pas 12 supers crémant ! À noter que la plupart de ces champions sont des vins d’assemblage, ce qui tend à prouver la pertinence de ce type de pratique œnologique et d’espérer son retour dans les vins « tranquilles » (ceux qui ne sont pas effervescents).

• Devinette : « Quel fut le vin blanc le plus cher proposé à la carte lors de la croisière inaugurale du paque-bot France ? ». Réponse : un riesling Kastelberg d’Andlau. Des chroniqueurs et autres férus de petites et grandes his-toires, évoquent des rieslings battant des records lors d’enchères au XIXème siècle, loin devant les meilleurs blancs d’ailleurs. Qu’est-il donc arrivé à l’Or du Rhin, pour avoir reculé à ce point dans la hiérarchie des vins blancs ?

• Tordons le cou à une légende. Le Pinot gris est un cépage bourguignon et n’a aucune ascendance hongroise. Tant pis pour la belle histoire et le souvenir de Lazare de Schwendi, personnage haut en couleurs du XVIème siècle et célébré du

côté de Kientzheim. N’en déplaise aux traditions, ceux qui continuent de parler de « tokay » à propos de Pinot gris per-pétuent tout simplement une idée fausse. Est-ce dévalorisant pour ce cousin du pinot beurot ? Certes pas. Car le Pinot gris a trouvé en Alsace ce qu’il lui fal-lait pour s’épanouir en toute plénitude. Des terroirs appropriés, un climat adap-té et une tradition historique qui fait de l’Alsace un carrefour d’influences venues du Sud, du Nord, de l’Est ou de l’Ouest.

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Pour quelles raisons les hôteliers strasbourgeois s’intéressent-ils aux projets de la Tribu des Gourmets ?« Parce que nous sommes persuadés de la nécessité de remettre les vins d’Alsace au cœur de la promotion touristique de la ville. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent repartir de Strasbourg sans que personne ne leur parle de nos vins et c’est dommage. Des initiatives isolées existent, mais il manque une visibilité et une approche stratégique pour que Strasbourg apparaisse comme une authentique étape de la route des vins d’Alsace ».

Comment les hôteliers peuvent-ils contribuer à ce mouvement ?« Avec l’Offi ce du tourisme, nous sommes le plus souvent les portes d’entrées de la ville pour les visiteurs. Les hôteliers informent et orientent les touristes et nous espérons pouvoir bénéfi cier à terme d’un lieu dédié à la présentation de l’histoire de Strasbourg et de ses vignobles, vers lesquels nous pourrons orienter nos clients. Un tel lieu fait actuellement défaut ».

Pensez-vous que les touristes sont en attente d’une mise en relation avec les vignobles de Strasbourg ?« J’en suis certain ! Nos clients sont pour la plupart conscients qu’ils arrivent dans une région viticole renommée, le problème est qu’en dehors de quelques endroits comme la Cave des Hospices civils, il est très diffi cile d’orienter le public vers cette culture à la fois patrimoniale et touristique. Démontrer le dynamisme séculaire de Strasbourg est un facteur promotionnel positif pour notre clientèle, parmi laquelle se trouve une part importante de touristes d’aff aire ».

Pierre Siegel, est vice-président du groupement des hôteliers-restaurateurs de Strasbourg et vice-président de la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace.

LES VINS D’ALSACE SONT UN ATOUT POUR STRASBOURG

LE VIN DE TRAENHEIM OUVRE LE CHEMIN Les vignerons de ce petit village de la Couronne d’Or, entre Molsheim et Marlenheim, ont tranché : ils ont créé une nouvelle cuvée, destinée à devenir une appellation communale sous le nom de « vin de Traenheim ». Sa particularité est que l’étiquette ne fait pas mention des cépages.

« Ce vin est né d’une volonté collective de mettre en avant un terroir unique, un village et une ambiance vigneronne »,commente un des protagonistes de ce projet. Le terroir porteur de ce projet (44 ha) est soigneusement délimité car les vignerons d’ici savent combien il imprime une marque commune à toutes les parcelles. C’est ainsi que les domaines Fischbach, Mochel, Mochel-Lorentz et Muller ont créé ce vin, issu d’auxerrois, de pinot blanc, gris ou noir, chaque vigneron étant libre de mener l’assemblage selon sa sensibilité. Une constante : les seuil maximum de sucres restant est de 5 gr, ce qui le rapproche des pratiques bourguignonne où le couperet

La vérité est-elle dans le bio ? Pour les Alsace comme tous les vins de très, très longue garde, la réponse se trouve dans les fl acons conservés dans l’intimité aimante des maisons alsaciennes qui ont pu et su garder de très vieux millésimes. Un exemple, parmi d’autres : le 1911, ou le 1918 de chez Boeckel, à Mittelbergheim. Estampillés « riesling » comme le voulait l’usage à cette époque, ils sont nés sur les coteaux entourant ce village. Leur vivacité, leur clarté, leur équilibre fascinent. Ils représentent une image sidérante de la beauté profonde d’un très grand âge. Oui, mais ces centenaires sont bios à 100 %,puisqu’à ces époques lointaines, Monsanto et les autres ne proposaient pas leur produits « miracle » que d’aucuns jugent indispensable à la viticulture « moderne ». Une leçon éclatante pour tous ceux qui pensent que le bio est aléatoire et surtout, ne vieillit pas.

DE SI JEUNES CENTENAIRES

tombe à 4 grammes. La question de savoir si les blancs de Bourgogne sont sucrés ou non, ne se pose donc pas.

Après des années d’expérience, ces 4 vignerons ont mis leur « Traenheim » en bouteille (30 000 seulement) et sont fi ers de la richesse et la complexité obtenue. Pour l’obtenir, les praticiens adoptent des règles de culture strictes, et profi tent à plein de l’ensoleillement très long et d’une pluviométrie moyenne de 626 mm par an, très favorable à la vigne.

La Tribu des Gourmets considère comme logique de se détacher des cépages pour généraliser cette approche des terroirs. La démarche « cépages » est identifi ée par les consommateurs comme liée aux vins de table, même si le caractère de la plante est sublimé. Cela induit aussi un nivellement, contrairement à la pratique des terroirs, qui fait ressortir les caractéristiques originales de chaque cuvée. L’avenir est dans cette notion d’assemblage et de terroirs, clé de l’universalité gastronomique.

Sous une tonnelle à l’ombre protectrice, Pline l’Ancien est penché sur l’écriture de son ouvrage « Histoire naturelle ». Concentré sur son grand œuvre, formidable encyclopédie de 37 volumes qui a survécu aux siècles, il se rafraîchit avec un vin du Rhin, ramené par les légions romaines. Nous sommes peu de temps avant l’éruption du Vésuve qui détruisit Pompéi et mit fi n, parmi tant d’autres, à la carrière de cet extraordinaire savant, en l’an 79. Pline l’Ancien consacrât un chapitre entier à un vin blanc issu des coteaux sous-vosgiens et que des historiens se sont plu à trouver sous la plume du naturaliste l’évidente mémoire du premier vin d’Alsace offi ciellement dégusté, commenté… et encensé.L’histoire est plaisante, incertaine, mais qu’importe, elle si belle ! On sait que les légionnaires romains ont trouvé dans les coteaux sous-vosgiens, terre idéale pour la culture de la vigne, et notamment dans les environs de Marlenheim, où des vestiges attestent de traces d’une viticulture quasiment bi-millénaire.

LE VIN D’ALSACE DE PLINE L’ANCIEN

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L ’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . A C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N .

La Tribu des Gourmets du vin d’Alsace Strasbourg

L’authentique vin chaud de Strasbourg au blanc d’Alsace

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La Tribu des Gourmets a réussi son pari : faire revenir les blancs d’Alsace comme boisson de la fête hivernale qui attire deux millions de visiteurs en décembre à Strasbourg. Cette année, ce sont plusieurs dizaines de commerçants ambulants, de bars et restaurants – même un étoilé du centre ville – qui réjouissent et réchauff ent les passants avec des vins chauds au blanc d’Alsace, dont la recette « authentique » fait le tour du monde, avec l’appui de nos partenaires : la Ville de Strasbourg, les hôteliers-restaurateurs et débits de boisson et les boulangers. Dégustations, rencontres, label « vin chaud recommandé par la Tribu des Gourmets », l’esprit festif s’impose dans les travées des marchés de Noël, grâce au blanc d’Alsace fourni par les vignerons membres de la Tribu.

www.vinchaudblancdalsace.eu

Crédits photos : AGPA

PLACE D'AUSTERLITZ, SUR LE MARCHÉ DES DÉLICES D'ALSACE

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Reconnaissable entre toutes grâce à la couleur de son grès rose et sa flèche unique qui en faisait la construction la plus haute de l’Europe lors de son achèvement jusqu’au XIXème siècle, la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg est un point de repère à des kilomètres à la ronde et l’axe autour duquel s'organise la ville. Majestueuse, vertigineuse, éternelle, elle émerveille et

fascine, que l’on soit alsacien, strasbourgeois ou visiteur.

LA TRIBU DES GOURMETS DE STRASBOURG :DE LA CATHÉDRALE AUX VINS DE STRASBOURG

Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l’affection profonde et sacrée qui nous étreint tous, hommes et femmes, devant la majesté de notre cathédrale, celle là même qui raconte notre devenir du haut de ses mille ans ?

Cette œuvre d’art à ciel ouvert veille sur Strasbourg et la plaine d’Alsace depuis le Moyen-âge. Rêve démesuré de ses créateurs, prouesse architecturale, la cathédrale de Strasbourg nous conduit au cœur de l’Europe gothique. Pourquoi et pour qui une telle magnificence ? Quels sont les savoirs qui ont permis de l’édifier ? Combien d’intrigues politiques, religieuses voire… viniques ont présidé à son édification ?

Cet édifice unique représente un phare pour l’Alsace et la vallée du Rhin dont on croit connaître l’histoire dans ses moindres détails et arcanes. Pourtant moins connue, une dimension essentielle de l’histoire de Strasbourg et de sa prospérité historique est liée au commerce du vin de son vignoble de proximité. Certaines années, il transitait plus de vin blanc des crus de la région par les Anciennes Douanes que l’ensemble du vignoble alsacien n’en exporte aujourd’hui. Cette dimension est méconnue aujourd’hui.

Strasbourg raconte l’histoire du vignoble d’Alsace, tout comme le commerce du Vin d’Alsace a contribué à façonner l’histoire de la prospérité de cette cité. Ce vin omniprésent et vital, d’abord piloté par le clergé, puis structuré des siècles durant, par le Rat et les Weinsticher (gourmet, contrôleur du respect des règles du bon commerce du vin, lire par ailleurs dans notre magazine), qui a donné une chance de richesse à

l’ensemble des habitants de cette ville. La ville restera libre jusqu’en 1681 et l’arrivée conquérante de Louis XIV. Il est aujourd’hui possible d’entrevoir la force symbolique et le rayonnement culturel de cette cité, son poids central sur tout le bassin du Rhin supérieur et désormais bien au-delà, grâce à l’importance des institutions internationales qui y siègent. Souvent fière et parfois arrogante mais toujours sûre de son aura, notre ville a rayonné au fil des siècles et ce commerce des vins a contribué puissamment à la force symbolique de son rayonnement L’Europe à Strasbourg est là comme un havre de paix dans le concert de nations, dans lequel l’Alsace enfin peut se réconcilier avec son âme et son identité profonde.

Strasbourg et l’Alsace s’appartiennent mutuellement. Et foi de vigneron alsacien ou d’amoureux du vin d’Alsace, peu importe de nous savoir latin ou germanique, d’aimer le gothique de la cathédrale ou le roman de tel autre édifice de la Grande Ile classée au patrimoine mondial de l’Unesco ou l'architecture germanique impériale pilotée par Berlin de la Neustadt, la ville allemande édifiée entre 1871 et 1914, appelée elle aussi à rejoindre le patrimoine mondial.

Peu importe aussi d’aimer la sublimation du caractère variétal des cépages au plaisir immédiat, ou la minéralité stricte et spirituelle des vins de terroirs, aux usages gastronomiques universels. Tout ceci participe à une même destinée, celle qui fait l’Alsace d’aujourd’hui dans sa complexité et dans le reflet de ses sensibilités bien plus riches et diverses qu’il n’y paraît. Et c’est cette universalité qui est au cœur même de l’amour des alsaciens pour leur

cathédrale, leur pays et ses breuvages. La vigne est venue dans notre contrée 2000 avant JC, apportée par des jardiniers syriens. Symbole puissant de rencontres et d’amitiés, le vin dans son sens originel incarnait l’amour, le désir charnel de l’autre. Puis les Romains y ont greffé la notion de jouissance et de prestige. Et aujourd’hui encore, savoir recevoir en alsace, ce n’est pas seulement restaurer le pèlerin, mais aussi et surtout lui donner à boire du bon vin. Et c’est là que le vin d’alsace prend fièrement toute sa dimension spirituelle et religieuse, car c’est grâce au vin qu’au fil du repas nos convives deviennent nos amis.

C’est cette force culturelle que les vins blancs de Strasbourg porteront éternellement dans le reflet de leur couleur or et ambre, sous le regard bienveillant de leur cathédrale.

Charles BRAND, Vigneron Co-président de la Tribu des Gourmets

Didier BONNET, Journaliste Président de la Tribu des Gourmets

LE RAZ DE MARÉE FISCALLe vin, depuis l’époque carolingienne, représentait la principale activité économique de l’Alsace dans un secteur employant une main-d’œuvre pléthorique. Cela allait du viticulteur au batelier en passant par les marchands, aubergistes, négociants, fonctionnaires multiples et assermentés, constructeurs de bateaux, équipes de halage, charretiers… Le vin était aussi source de revenus, non seulement pour toutes ces professions, mais aussi pour les villes alsaciennes et notamment Strasbourg. Frappé de multiples taxes, de droits de douane et de passage, le vin était contrôlé à Strasbourg par le Magistrat par le biais d’un corps de fonctionnaires qui surveillait le moindre passage de tonneaux et ceci depuis le XIVème siècle. Et progressivement la Ville va mettre en place un système qui permet aux Strasbourgeois d’acheter du vin à des prix défiant toute concurrence et ceci au grand dam des négociants et villes étrangères.

L’UNGELDCette taxe apparaît au XIIIème siècle. Elle ne repose sur aucun droit particulier. Elle frappe tout achat de vivres et de vin effectués par le petit commerce, en l’occurrence l’aubergiste. Le nom même d’Ungeld signifie « la taxe qui ne repose sur rien » ! Souvent elle est prélevée pour financer les travaux aux fortifications et devait être supprimée une fois les travaux achevés. Le prélèvement varie

selon l’endroit où elle est prélevée et peut aller jusqu’à 6 Mass (env. 12 litres) par Ohm (100 litres) ! Par la suite l’Ungeld sera ramené au maximum à 4 Mass. Souvent les aubergistes se laissent tirer les oreilles pour payer, aussi le Magistrat menace de confisquer l’ensemble de leurs réserves et de les exposer au « Schandpfahl » (le poteau de l’infamie) avec un tonnelet pendu au cou. Toute récidive était punie de la flagellation en place publique et l’expulsion de la ville. Il est également stipulé que tout achat de vin à Strasbourg oblige à en faire la déclaration à « l’Umgelder », l’agent chargé d’encaisser la taxe.

LE BÖSPFENNIGC’est un impôt créé au XVème siècle et qui frappe le vin. Tout est parti de l’abbaye de Murbach où l’abbé Dietrich von Haus (1441-1442) emprunte la somme de 2 800 florins. Pour pouvoir rembourser cet emprunt, l’abbé taxe chaque Mass de vin soutiré d’un pfennig surnommé de suite « der böse Pfennig » - le méchant pfennig ! Quelques années plus tard (1447), toute la ville de Guebwiller (qui relève de l’abbaye) se révolte et oblige l’abbé à annuler l’impôt. Mais la taxe sera réinstaurée après que la révolte des Rustauds (1525) ait été vaincue. Le 24 juin 1529, le « böse Pfennig » est rétabli et on nomme un nouveau fonctionnaire pour l’encaisser.

LE MASSPFENNIGC’est au XVIème siècle que ce nouvel impôt est introduit pour financer la guerre contre les Turcs. Sur chaque Mass soutiré, il faut payer 1 Pfennig. Cet impôt restera en place jusqu’à la Révolution !

LES RETENUES STRASBOURGEOISESÀ Strasbourg, le Magistrat avait mis au point un étonnant système pour « bloquer » les prix du vin et fournir aux Strasbourgeois, gros consommateurs, des vins à bas prix. Ainsi tout marchand ou négociant qui faisait passer son vin à Strasbourg, sur terre ou sur la rivière, devait laisser une part importante de ses tonneaux sur place pour les vendre aux aubergistes ou acheteurs locaux. Ce n’est qu’après cession des foudres (tonneaux) réservés aux Strasbourgeois que le reste du chargement pu repartir ! En 1574, un tonneau sur 4 devait rester au « Krahn » (la grue devant le Kaufhaus) et être vendu à des prix en-dessous du marché ! Du coup s’élèvent des plaintes et contestations en grand nombre des marchands étrangers, de Cologne et Mayence notamment. Non seulement 1/4 du vin acheté hors Strasbourg, mais transitant par la ville, doit rester

STRASBOURG ET SES ANECDOTES AUTOUR DU VIN

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34 35Édité par la Tribu des Gourmets du vin d’Alsace

Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une fl amme

Écoutez la chanson lente d’un batelier

Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes

Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds

Apollinaire, Nuit rhénane

sur place, mais doit être vendu moins cher que le prix d’achat ! De plus, il faut trouver l’acheteur. C’est dire que les aubergistes strasbourgeois ou autre acheteurs faisaient trainer les choses afin de faire chuter encore davantage les prix ! Les protestations dénoncent ce temps d’attente où les foudres sont stockés près du « Krahn » où ils attendent parfois des mois, risquant de perdre en qualité et surtout d’être mélangés à d’autres. Par privilège, des acheteurs strasbourgeois ne laissaient qu’un foudre sur six alors que d’autres acheteurs pouvaient se voir obligés de laisser un tonneau sur trois ! Ce système si critiqué nous permet d’avoir des informations intéressantes par le biais des plaintes. Les grands personnages de ce monde, obtenaient, évidemment, des droits de passage sans retenues. Nous apprenons que le vin d’Alsace, par le passage à Strasbourg, est envoyé de Cologne vers les Pays-Bas et de là, grâce aux navires de la Hanse, sera livré à travers la Baltique aux pays riverains. Autres destinations lointaines l’Angleterre, le Brandenbourg, Hambourg, Nurnberg. Au XVIème siècle le vin est toujours considéré comme un placement rentable et les Strasbourgeois fortunés apparaissent rapidement sur ce marché. Ainsi, en 1590, le chroniqueur Sebald Büheler achète au « Krahn » tout un chargement de foudres qu’il paie, pièce, 25 florins et qu’il va entreposer dans ses caves. Quatre années plus tard, après des vendanges maigres et un marché où le vin est rare, il revend ses foudres pour 120 florins pièce. Quelques chiffres témoignent des volumes qui transitent à Strasbourg si nous prenons les chiffres tirés de la chronique du même Sébald Büheler : en 1581, plus de 110 000 hl transitent par l’Ancienne Douane.

LE VIN D’ALSACE FORT RECHERCHÉ JUSQU’EN ANGLETERREC’est par le chroniqueur Jean Froissart que nous apprenons qu’en 1327, les vins de Gascogne, d’Aussay et du Rhin sont très bon marché en Angleterre. Derrière ce nom d’Aussay se « cache » le nom de vins d’Alsace. De multiples études des spécialistes en matière de vin souscrivent à cette « traduction ». Lors de l’invasion « anglaise » en Alsace par le sire de Coucy (1365-1375) celui-ci écrit bien Aussay pour Alsace dans un document signé à

Masevaux. Ce nom évolue et s’écrit de façon différente, il devient Oseye fin du XIVe siècle. Dans un ordre royal du 20 septembre 1373, le marchand de la cité de Londres, Reynold Lone, est autorisé à charger sur un bateau partant pour calais deux « tuns » d’Oseye et de Gascogne (1 tun = 11,5 hl). Le vin d’Alsace est dès lors mentionné à de nombreuses reprises. En 1381, le roi Richard II signe à Westminster une ordonnance où figurent les vins étrangers et « l’Oseye ». En 1393/94, le même roi accorde à divers chevaliers anglais des revenus annuels à percevoir sous forme de vin « d’Oseye ». Une curieuse note nous apprend aussi qu’en 1440, le prieur des chartreux de Henton (dans le Somerset) reçoit l’autorisation du roi d’Angleterre d’acheter à Bristol une « tun » de vin doux et pur, du vin « d’Oseie », ceci afin de prier davantage pour le repos de l’âme du suzerain une fois qu’il serait mort. Sébastien Munster, dans sa Cosmographie, avance que ce vin doux provenait de la région de Kaysersberg, Ammerschwihr et Kientzheim.

LE MEILLEUR VIN : LES ENVIRONS DE STRASBOURGDans les courriers échangés au sujet du vin d’Aussay vendu vers l’Angleterre, on trouve une lettre datée du 20 août 1576. Le marchand anglais Castelyn écrit de Cologne au secrétaire royal Francis Walsingham à Londres pour lui faire part que par suite des pluies incessantes, il y aura peu de vins à acheter en Allemagne, mais il a chargé deux négociants, John Moir et Hermann Quachart, d’acheter entre 200 et 300 tuns (environ 3 500 hl) de « Elsässer » dans les environs de Strasbourg, car c’est là que pousse le meilleur vin (where the best wines grow). Ces achats sont destinés aux caves de la reine Elisabeth.Le vin « d’Aussay » restera fort recherché en Angleterre tout au long du XVIème siècle. Toujours sous la reine Elisabeth (1558-1603), l’Angleterre importe de grandes quantités de vins, dont du vin « d’Aussay » déjà en concurrence avec les vins de Grèce et d’Italie.