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Droit du commerce international Travaux dirigés Fiche n° 1 Sources et méthodes 1) La lex mercatoria Le débat sur la lex mercatoria comme source du droit du commerce international continue à agiter la doctrine contemporaine. Les documents ci-dessous vous permettront de prendre conscience de certains de ses tenants et aboutissants pratiques et théoriques en droit français contemporain. A) Cass. civ. 2, 9 déc. 1981, Fougerolle, JDI 1983, 931, 2 nde espèce, n. B. Oppetit B) TGI Paris, 4 mars 1981,Norsolor, JDI 1981, 236, n. P. Kahn C) Cass. civ. 1, 22 oct. 1991, Valenciana JDI 1992, 456, n. P. Lagarde B. Goldman, « Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria », Etudes de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, Bâle, 1993, p. 240 et s. 2) Variété des règles du droit du commerce international L’une des difficultés caractéristiques du droit du commerce international est le foisonnement de règles pour partie produites en dehors du système juridique français, ce qui rend délicat le problème de leur identification ainsi que celui de leur applicabilité. Pour chacune des règles suivantes, en vous aidant d’un manuel, fournissez les informations générales sur sa source, indiquez si elle est en vigueur, si elle règle directement ou indirectement la relation commerciale visée, et si elle est propre aux rapports juridiques internationaux. - Article 7§1 de la convention de La Haye du 22 déc. 1986 sur la loi applicable au contrat de vente internationale de marchandise : « La vente est régie par la loi choisie par les parties. L'accord des parties sur ce choix doit être exprès ou résulter clairement des termes du contrat et du comportement des parties, envisagés dans leur ensemble. Ce choix peut porter sur une partie seulement du contrat ».

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Droit du commerce internationalTravaux dirigés

Fiche n° 1

Sources et méthodes

1) La lex mercatoria

Le débat sur la lex mercatoria comme source du droit du commerce international continue à agiter la doctrine contemporaine. Les documents ci-dessous vous permettront de prendre conscience de certains de ses tenants et aboutissants pratiques et théoriques en droit français contemporain.A) Cass. civ. 2, 9 déc. 1981, Fougerolle, JDI 1983, 931, 2nde espèce, n. B. OppetitB) TGI Paris, 4 mars 1981,Norsolor, JDI 1981, 236, n. P. KahnC) Cass. civ. 1, 22 oct. 1991, Valenciana JDI 1992, 456, n. P. Lagarde B. Goldman, « Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria », Etudes de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, Bâle, 1993, p. 240 et s.

2) Variété des règles du droit du commerce international

L’une des difficultés caractéristiques du droit du commerce international est le foisonnement de règles pour partie produites en dehors du système juridique français, ce qui rend délicat le problème de leur identification ainsi que celui de leur applicabilité.

Pour chacune des règles suivantes, en vous aidant d’un manuel, fournissez les informations générales sur sa source, indiquez si elle est en vigueur, si elle règle directement ou indirectement la relation commerciale visée, et si elle est propre aux rapports juridiques internationaux.

- Article 7§1 de la convention de La Haye du 22 déc. 1986 sur la loi applicable au contrat de vente internationale de marchandise : « La vente est régie par la loi choisie par les parties. L'accord des parties sur ce choix doit être exprès ou résulter clairement des termes du contrat et du comportement des parties, envisagés dans leur ensemble. Ce choix peut porter sur une partie seulement du contrat ».

- Article 6.2.3 des principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international : « 1) En cas de hardship, la partie lésée peut demander l’ouverture de renégociations. La demande doit être faite sans retard indu et être motivée.

« 2) La demande ne donne pas par elle-même à la partie lésée le droit de suspendre l’exécution de ses obligations .

« 3) Faute d’accord entre les parties dans un délai raisonnable, l’une ou l’autre peut saisir le tribunal.

« 4) Le tribunal qui conclut à l’existence d’un cas de hardship peut, s’il l’estime raisonnable:

a) mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe; ou

b) adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations. »

- Article 13:101 des Principes du droit européen du contrat (2002) :

« Lorsque deux parties se trouvent débitrices l’une envers l’autre de dettes de même nature, chacune d’elles peut compenser sa créance avec celle de l’autre si et dans la mesure où, à l’époque de la compensation,

(a) sa dette est exigible,

(b) et la dette de l’autre partie l’est également. »

- Art. 3§1 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles :« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. »

- Article 57§1 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandise :« 1) Si l'acheteur n'est pas tenu de payer le prix en un autre lieu particulier, il doit payer le vendeur:

a) à l'établissement de celui- ci; ou

b) si le paiement doit être fait contre la remise des marchandises ou des documents, au lieu de cette remise. »

- Art. 2§1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale sur la juridiction compétente, la reconnaissance et l’exécution des jugements en matière civile et commerciale dans la CE :« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

- Art. 42 du nouveau code de procédure civile :« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit,à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger. »

- Adage : Ut res magis valeat quam pereat.

- Motif de la décision de la CIJ du 5 février 1970 dans l’affaire Barcelona Traction Light and Power Company :« In the field of diplomatic protection, international law was in continuous evolution and was called upon to recognize institutions of municipal law. In municipal law, the conceptof the company was founded on a firm distinction between the rights of the company and those of the shareholder. Only the company, which was endowed with legalpersonality, could take action in respect of matters that were of a corporate character. A wrong done to the company frequently caused prejudice to its shareholders, but this did not imply that both were entitled to claim compensation. Whenever a shareholder's interests were harmed by an act done to the company, it was to the latter that he had to look to institute appropriate action. An act infringing only the company's rights did not involve responsibility towards the shareholders, even if their interests were affected. In order for the situation to be different, the act complained of must be aimed at the direct rights of the shareholder as such (which was not the

case here since the Belgian Government had itself admitted that it had not based its claim on an infringement of the direct rights of the shareholders).

« International law had to refer to those rules generally accepted by municipal legal systems. An injury to the shareholder's interests resulting from an injury to the rights of the company was insufficient to found a claim. Where it was a question of an unlawful act committed against a company representing foreign capital, the general rule of international law authorized the national State of the company alone to exercise diplomatic protection for the purpose of seeking redress. No rule of international law expressly conferred such a right on the shareholder's national State. »

2) Réglementation matérielle et réglementation conflictuelle

Nulle part plus qu’en droit du commerce international ne se manifeste la concurrence des méthodes de réglementation. Le choix entre la méthode conflictuelle (ou indirecte) et la méthode matérielle (ou directe) de réglementation n’est d’ailleurs pas aisé. Déterminez la position prise par R. David dans ce texte et répertoriez le pour et le contre de chacune des méthodes. La valeur des différents arguments permet de comprendre la mixité dont fait en pratique preuve le droit du commerce international sous le rapport des méthodes de réglementation des relations commerciales internationales.

R. David, Le droit du commerce international, Economica 1987, pp. 24 à 31.

Droit du commerce internationalTravaux dirigés

Fiche n° 2

Droit international des sociétés (1)La société : nationalité, condition des sociétés étrangères, loi applicable.

Doctrine : J. Béguin, « La nationalité juridique des sociétés commerciales devrait correspondre à leur nationalité économique », in Le droit privé français à la fin du XXème siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec 2001,859 et s.

I) Sociétés françaises et sociétés étrangères (la nationalité des sociétés et la condition des sociétés étrangères en France)

Dans le langage courant, la nationalité des sociétés est plus une notion sentie qu’une notion définie. En droit, la définition de cette notion s’impose pourtant chaque fois qu’une règle y fait référence. La jurisprudence s’y est employée, de façon plutôt empirique comme vous pourrez en juger à la lecture des documents reproduits (doc. n° 1 a 7). En l’analysant, notez à quelles occasions les questions de nationalité surgissent, quelles différences méthodologiques distinguent la détermination de la nationalité des personnes physiques (référez vous sur ce point aux développements de droit international privé) et nationalité des personnes morales, et précisez le rôle joué par chacun des critères envisagés.

Vous noterez aussi l’impression que laisse la Cour de cassation (doc. n° 8) de considérer les spécificités de la condition des sociétés étrangères en France comme n’étant justifiées que dans la stricte mesure du nécessaire.

1) Cass. req., 24 déc. 1928, Soie Artificielle de Calais, S. 1929, 1, 121, rapp. Bricout, n. J.- P. Niboyet

2) Cass. req., 12 mai 1931, Remington Typewriter, S. 1932, 1, 57, rapp. Bricout, n. J.-P. Niboyet

3) Trib. conflits, 23 nov. 1959, Mayol-Arbonna, D. 1960, 224, n. R. Savatier4) Cass. civ. 1, 30 mars 1971, CCRMA, in B. Ancel et Y. Lequette, Grands arrêts de la

jurispr. fr. de dr. int. pr., 4ème éd. 2001, n° 50 p. 4685) Cass. civ. 3, 8 fév. 1972, Shell Berr, Rev. crit. 1973, 2996) Cass. civ. 1, 18 avr. 1972, Overseas Apeco Ltd, Rev. crit. 1972, 672, n. P. Lagarde7) Cass. Ass. Plén., 21 déc. 1990, S. A. Roval, JCP G 1991, II, 21640, concl. M. Dontenwille8) Cass. civ. 1, 25 juin 1991, Voarik, Rev. crit. 1991, 671, n. G. Khairallah

II) Les conflits de lois en matière de droit des sociétés

1) Cass., 17 oct. 1972, Royal Dutch, Rev. crit. 1973, 520, n. H. Batiffol.2) Trib. commerce Paris, 28 sept. 1982, Banque ottomane (2nde affaire), Rev. jurisp. Com.

1984, 275, n. H. Gaudemat-Tallon 3) Cass. civ. 1, 8 déc. 1998, Soc. Générale Accident, Rev. crit. 1999, 284, n. M. Menjucq4) Cour de justice des Communautés européennes, 9 mars 1999, Centros, JDI 2000, 484, n.

M. Luby.

Doc. n° II (4). «Liberté d'établissement - Établissement d'une succursale par une société sans activité effective - Contournement du droit national - Refus d'immatriculation»

Dans l'affaire C-212/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Højesteret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Centros Ltd

et

Erhvervs- og Selskabsstyrelsen,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 52, 56 et 58 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. J. G. Kapteyn, J.-P. Puissochet, G. Hirsch et P. Jann, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, D. A. O. Edward, H. Ragnemalm, L. Sevón, M. Wathelet (rapporteur), R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,avocat général: M. A. La Pergola,greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

[…]vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Erhvervs- og Selskabsstyrelsen, représenté par Me Karsten Hagel-Sørensen, du gouvernement français, représenté par M. Gautier Mignot, du gouvernement néerlandais, représenté par M. Marc Fierstra, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement suédois, représenté par M. Erik Brattgård, departementsråd au secrétariat juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. Derrick Wyatt, et de la Commission, représentée par MM. Antonio Caeiro et Hans Støvlbæk, à l'audience du 19 mai 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 juillet 1998,

rend le présent Arrêt

1. Par ordonnance du 3 juin 1997, parvenue à la Cour le 5 juin suivant, le Højesteret a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 52, 56 et 58 du même traité.

2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Centros Ltd (ci-après «Centros»), «private limited company» enregistrée le 18 mai 1992 en Angleterre et au pays de Galles, à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen (direction générale du commerce et des sociétés), relevant du ministère du Commerce danois, à propos du refus par cette administration d'immatriculer au Danemark une succursale de Centros.

3. Il ressort du dossier au principal que Centros n'a exercé aucune activité depuis sa création. La législation du Royaume-Uni ne soumettant les sociétés à responsabilité limitée à aucune exigence relative à la constitution et à la libération d'un capital social minimal, le capital social de Centros, qui s'élève à 100 UKL, n'a été ni libéré ni mis à la disposition de la société. Il est réparti en deux parts sociales détenues par M. et Mme Bryde, des ressortissants danois

résidant au Danemark. Mme Bryde est le directeur de Centros, dont le siège est situé au Royaume-Uni, au domicile d'un ami de M. Bryde.

4. En droit danois, Centros, en tant que «private limited company», est considérée comme une société à responsabilité limitée étrangère. Les règles en matière d'immatriculation des succursales («filialer») de telles sociétés sont fixées par l'anpartsselskabslov (loi sur les sociétés à responsabilité limitée).

5. L'article 117 de cette loi disposait notamment:

«1) Les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés de forme juridique analogue étrangères qui sont domiciliées dans un État membre des Communautés européennes peuvent exercer une activité au Danemark par le biais d'une succursale».

6. Durant l'été 1992, Mme Bryde a demandé à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen d'immatriculer une succursale de Centros au Danemark.

7. Erhvervs- og Selskabsstyrelsen a refusé l'immatriculation au motif notamment que Centros, qui n'exerce aucune activité commerciale au Royaume-Uni, cherchait en réalité à constituer au Danemark non pas une succursale mais un établissement principal, en éludant les règles nationales relatives, notamment, à la libération d'un capital minimal fixé à 200 000 DKR par la loi n° 886 du 21 décembre 1991.

8. Centros a introduit devant l'Østre Landsret un recours à l'encontre de la décision de refus d'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen.

9. L'Østre Landsret ayant fait droit aux arguments d'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen dans un arrêt du 8 septembre 1995, Centros a porté son recours devant le Højesteret.

10. Dans le cadre de cette procédure, Centros soutient qu'elle remplit les conditions auxquelles la loi sur les sociétés à responsabilité limitée soumet l'immatriculation d'une succursale de société étrangère. Dès lors qu'elle a été légalement constituée au Royaume-Uni, elle serait en droit de constituer une succursale au Danemark en vertu de l'article 52, lu en combinaison avec l'article 58 du traité.

11. Selon Centros, le fait de n'avoir exercé aucune activité depuis sa création au Royaume-Uni est sans incidence sur son droit de libre établissement. En effet, dans l'arrêt du 10 juillet 1986, Segers (79/85, Rec. p. 2375), la Cour aurait dit pour droit que les articles 52 et 58 du traité s'opposaient à ce que les autorités d'un État membre refusent à un directeur de société le bénéfice d'un régime national de prestations d'assurance maladie au seul motif que la société avait son siège social dans un autre État membre, même si elle n'y exerçait pas d'activités commerciales.

12. Erhvervs- og Selskabsstyrelsen estime pour sa part que le refus d'immatriculation n'est pas contraire aux articles 52 et 58 du traité dès lors que la constitution de la succursale au Danemark apparaît comme un moyen de se soustraire aux règles nationales relatives à la constitution et à la libération d'un capital minimal. Le refus d'immatriculation serait en outre justifié par la nécessité de protéger les créanciers publics ou privés et les cocontractants ou encore par la nécessité de lutter contre les faillites frauduleuses.

13. Dans ces conditions, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Est-il compatible avec l'article 52, ainsi qu'avec les articles 56 et 58, du traité CE de refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société établie dans un autre État membre et qui, sur la base d'un capital social de 100 UKL (environ 1 000 DKR), a été constituée

légalement et existe en conformité avec la législation de cet État membre lorsque la société en cause n'exerce pas elle-même d'activités commerciales, mais qu'il est envisagé de constituer ladite succursale pour exercer l'ensemble de l'activité dans le pays où elle est constituée, et qu'il y a lieu de considérer que la méthode utilisée vise à éviter de constituer une société dans ce dernier État membre dans le but de se soustraire à la libération du capital minimum de 200 000 DKR (à présent 125 000 DKR)?»

14. Par sa question, le juge national demande en substance si les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal.

15. Il convient, à titre liminaire, de préciser qu'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen ne conteste aucunement que toute société par actions ou à responsabilité limitée ayant son siège dans un autre État membre puisse exercer une activité au Danemark au travers d'une succursale. Elle accepte donc, en règle générale, l'immatriculation au Danemark d'une succursale d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre. Elle a notamment ajouté que, si Centros avait eu une activité commerciale en Angleterre et au pays de Galles, elle aurait accepté l'immatriculation au Danemark de sa succursale.

16. Selon le gouvernement danois, l'article 52 du traité ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce au principal, car il s'agirait d'une situation purement interne au Danemark. M. et Mme Bryde, ressortissants danois, auraient en effet constitué au Royaume-Uni une société n'y exerçant aucune activité effective dans le but exclusif d'exercer une activité au Danemark par l'intermédiaire d'une succursale et d'éviter ainsi l'application de la législation danoise relative à la constitution des sociétés à responsabilité limitée. Dans de telles circonstances, la constitution par des ressortissants d'un État membre d'une société dans un autre État membre ne constituerait pas un élément d'extranéité pertinent au regard du droit communautaire et notamment de la liberté d'établissement.

17. A cet égard, il convient d'observer qu'une situation dans laquelle une société constituée selon le droit d'un État membre dans lequel elle a son siège statutairedésire créer une succursale dans un autre État membre relève du droit communautaire. Il est sans importance à cet égard que la société n'ait été constituée dans le premier État membre qu'en vue de s'établir dans le second où serait exercé l'essentiel, voire l'ensemble, de ses activités économiques (voir, en ce sens, arrêt Segers, précité, point 16).

18. La circonstance que les époux Bryde ont constitué la société Centros au Royaume-Uni dans le but d'échapper à la législation danoise qui impose la libération d'un capital social minimal, qui n'a été contestée ni dans les observations écrites ni lors de l'audience, n'exclut pas non plus que la création par cette société britannique d'une succursale au Danemark relève de la liberté d'établissement au sens des articles 52 et 58 du traité. La question de l'application des articles 52 et 58 du traité est, en effet, distincte de celle de savoir si un État membre peut prendre des mesures pour empêcher que, en recourant aux possibilités offertes par le traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale.

19. Sur le point de savoir si, comme le prétendent les époux Bryde, le refus d'immatriculer au Danemark la succursale de leur société constituée selon le droit d'un autre État membre où elle a son siège constitue une entrave à la liberté d'établissement, il convient de rappeler que la liberté d'établissement reconnue par l'article 52 du traité aux ressortissants communautaires comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de

les exercer ainsi que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants. En outre, l'article 58 du traité assimile aux personnes physiques, ressortissantes des États membres, les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté.

20. Il s'ensuit directement que ces sociétés ont le droit d'exercer leur activité dans un autre État membre par l'intermédiaire d'une agence, succursale ou filiale, la localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (voir, en ce sens, arrêts Segers, point 13; du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18; du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 13, et du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 20).

21. Or, la pratique consistant, dans un État membre, à refuser, dans certaines circonstances, l'immatriculation d'une succursale d'une société ayant son siège dans un autre État membre, aboutit à empêcher des sociétés constituées en conformité avec la législation de cet autre État membre d'exercer le droit d'établissement qui leur est conféré par les articles 52 et 58 du traité.

22. Par conséquent, une telle pratique constitue une entrave à l'exercice des libertés garanties par ces dispositions.

23. Selon les autorités danoises, les époux Bryde ne pourraient toutefois se prévaloir de ces dispositions, dès lors que le montage de sociétés qu'ils envisagent aurait pour seul but de contourner l'application du droit national régissant la constitution de sociétés à responsabilité limitée et constituerait de ce fait un usage abusif du droit d'établissement. Le royaume de Danemark serait par conséquent en droit de prendre des mesures pour s'opposer à un tel abus, en refusant l'immatriculation de la succursale. 24. Certes, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'un État membre est en droit de prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées en vertu du traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale et que les justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires (voir, notamment, dans le domaine de la libre prestation de services, arrêts du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, 33/74, Rec. p. 1299, point 13; du 3 février 1993, Veronica Omroep Organisatie, C-148/91, Rec. p. I-487, point 12, et du 5 octobre 1994, TV10, C-23/93, Rec. p. I-4795, point 21; en matière de liberté d'établissement, arrêts du 7 février 1979, Knoors, 115/78, Rec. p. 399, point 25, et du 3 octobre 1990, Bouchoucha, C-61/89, Rec. p. I-3551, point 14; en matière de libre circulation des marchandises, arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc e.a., 229/83, Rec. p. 1, point 27; en matière de sécurité sociale, arrêt du 2 mai 1996, Paletta, C-206/94, Rec. p. I-2357, point 24; en matière de libre circulation des travailleurs, arrêt du 21 juin 1988, Lair, 39/86, Rec. p. 3161, point 43; en matière de politique agricole commune, arrêt du 3 mars 1993, General Milk Products, C-8/92, Rec. p. I-779, point 21; en matière de droit des sociétés, arrêt du 12 mai 1998, Kefalas e.a., C-367/96, Rec. p. I-2843, point 20).

25. Toutefois, si, dans de telles circonstances, les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser, le cas échéant, le bénéfice des dispositions du droit communautaire invoquées, elles doivent également, dans l'appréciation d'un tel comportement, prendre en considération les objectifs poursuivis par les dispositions communautaires en cause (arrêt Paletta, précité, point 25).

26. En l'espèce au principal, il convient de relever que les dispositions nationales dont les intéressés ont cherché à éviter l'application sont des règles régissant la constitution de sociétés et non des règles relatives à l'exercice de certaines activités professionnelles. Or, les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement visent précisément à permettre aux sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté, d'exercerpar l'intermédiaire d'une agence, d'une succursale ou d'une filiale, des activités dans d'autres États membres. 27. Dans ces conditions, le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d'autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d'établissement. En effet, le droit de constituer une société en conformité avec la législation d'un État membre et de créer des succursales dans d'autres États membres est inhérent à l'exercice, dans un marché unique, de la liberté d'établissement garantie par le traité.

28. A cet égard, la circonstance que le droit des sociétés ne soit pas complètement harmonisé dans la Communauté importe peu; au surplus, il est toujours loisible au Conseil, sur la base des pouvoirs que lui confère l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité CE, de compléter cette harmonisation.

29. En outre, il ressort du point 16 de l'arrêt Segers, précité, que le fait qu'une société n'exerce aucune activité dans l'État membre où elle a son siège et exerce ses activités uniquement dans l'État membre de sa succursale ne suffit pas à démontrer l'existence d'un comportement abusif et frauduleux permettant à ce dernier État membre de dénier à cette société le bénéfice des dispositions communautaires relatives au droit d'établissement.

30. Dans ces conditions, le refus, par un État membre, d'immatriculer la succursale d'une société constituée conformément au droit d'un autre État membre dans lequel elle a son siège au motif que la succursale est destinée à lui permettre d'exercer l'ensemble de son activité économique dans l'État d'accueil, avec pour conséquence que l'établissement secondaire échapperait aux règles nationales relatives à la constitution et à la libération d'un capital minimal, est incompatible avec les articles 52 et 58 du traité, dans la mesure où il empêche toute mise en oeuvre du droit au libre établissement secondaire dont les articles 52 et 58 visent précisément à assurer le respect.

31. Il convient enfin de se demander si la pratique nationale en cause ne pourrait être justifiée par les raisons qu'invoquent les autorités danoises.

32. Se référant tant à l'article 56 du traité qu'à la jurisprudence de la Cour relative aux raisons impérieuses d'intérêt général, Erhvervs- og Selskabsstyrelsen soutient que l'obligation, pour les sociétés à responsabilité limitée, de constituer et de libérer un capital social minimal poursuit un double objectif: d'une part, renforcer la solidité financière des sociétés en vue de protéger les créanciers publics contre le risque de voir les créances publiques devenir irrécouvrables, car, à la différence des créanciers privés, ils ne peuvent garantir leurs créances par la constitution d'une sûreté ou d'une caution, et, d'autre part, de manière plus générale, protéger tousles créanciers, publics ou privés, en prévenant le risque de faillite frauduleuse due à l'insolvabilité de sociétés dont la capitalisation initiale était insuffisante.

33. Erhvervs- og Selskabsstyrelsen ajoute qu'il n'existe pas de moyen moins contraignant d'atteindre ce double objectif. En effet, l'autre moyen de protéger les créanciers, à savoir l'instauration de règles prévoyant la possibilité de mettre en cause, à certaines conditions, la responsabilité personnelle des associés, serait plus contraignant que l'obligation de constituer et libérer un capital social minimal.

34. Après avoir relevé que les raisons invoquées ne relèvent pas de l'article 56 du traité, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: elles doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32, et du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37).

35. Ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce au principal. Tout d'abord, la pratique en cause n'est pas à même d'atteindre l'objectif de protection des créanciers qu'elle est censée poursuivre puisque, si la société concernée avait exercé une activité au Royaume-Uni, sa succursale aurait été immatriculée au Danemark, alors même que les créanciers danois auraient pu être tout autant fragilisés.

36. Ensuite, la société en cause dans l'affaire au principal se présentant comme une société de droit anglais et non comme une société de droit danois, ses créanciers sont informés de ce qu'elle relève d'une législation différente de celle qui régit au Danemark la constitution des sociétés à responsabilité limitée et peuvent se référer à certaines règles de droit communautaire qui les protègent, telles la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), et la onzième directive 89/666/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d'un autre État (JO L 395, p. 36).

37. En outre, contrairement à ce qui a été exposé par les autorités danoises, des mesures moins contraignantes ou moins attentatoires pour les libertés fondamentales, donnant par exemple la possibilité légale aux créanciers publics de prendre les garanties nécessaires, pourraient être prises.

38. Enfin, le fait qu'un État membre ne puisse pas refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre Étatmembre dans lequel elle a son siège n'exclut pas que ce premier État puisse prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné. En tout état de cause, la lutte contre la fraude ne saurait justifier une pratique de refus d'immatriculation d'une succursale de société ayant son siège dans un autre État membre.

39. Il convient donc de répondre à la question posée que les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal. Toutefois, cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné.

Sur les dépens

[…] Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par le Højesteret, par ordonnance du 3 juin 1997, dit pour droit:

Les articles 52 et 58 du traité CE s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec lalégislation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal. Toutefois, cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné.

2ème Séance de Travaux

Droit international des sociétés La société : nationalité, condition des sociétés étrangères, loi applicable

Questions de « début de séance » :- Définition de la notion de nationalité appliquée aux sociétés- Les critiques doctrinales à l’encontre de l’emploi du concept de nationalité en matière de

société- Définition du critère du contrôle- Définition du critère du siège social- Définition du critère de l’incorporation- L’apport de la JP, Cass. req. 1931, « Remington Typewriter » ?- L’apport de la JP Ass. Plén., 1990, « SA Roval » ?- L’apport de la JP Overseas Apeco Ltd ?- L’apport de la JP Voarik c. Soc. Extraco Anstalt ?- L’apport de la JP Civ. 1re, 1998, Société générale accident c. BNP ?- L’apport de la JP, CJCE, 1999, Centros Ltd ?

1. Sociétés françaises et étrangères (Premier point de la fiche) ou la confusion de la nationalité de la société et de la loi applicable à la société jusqu’en 1998   :

La question de la nationalité des sociétés – quand bien même elle se pose certainement en des termes identiques à celles des personnes physiques et en dépit des critiques doctrinales qui ont été formulées à son encontre – est d’une importance capitale lorsque les sociétés ou personnes morales évoluent dans un contexte international et que se pose le problème de savoir si en tant que national de tel ou tel Etat, elles peuvent ou non prétendre au bénéfice de législations qui y sont édictées.

La difficulté est d’autant plus accrue que les ordres juridiques étatiques ne retiennent pas tous les mêmes critères pour définir la nationalité des sociétés et que ce même critère sert bien souvent à définir non pas seulement leur nationalité mais également la loi qui leur est applicable. Aussi – devant cette coïncidence de critères – a-t’on souvent affirmé que la loi applicable à la société était sa loi nationale. Mais cette affirmation bien que correcte en elle-même n’emportait pas l’unanimité en raison de l’emploi du concept de nationalité pour définir la loi applicable à une personne morale.Plus précisément, on dénombre principalement trois critères de la nationalité ou critère de rattachement. Ainsi, certains pays recourent au critère du contrôle, d’autres au critère de l’incorporation. Dans ce dernier cas, il en est principalement ainsi des systèmes juridiques anglo-saxons. Tandis que d’autres retiennent enfin celui du siège social statutaire, tel le droit international privé français.

Cependant, à bien examiner la jurisprudence, on constate certains errements tout au moins sur la question de la définition de la nationalité des sociétés et l’emploi qui en fut fait. Pendant, longtemps, la Cour de cassation a fréquemment mélanger concept de nationalité et critère de rattachement, utilisant ce dernier aux fins de détermination de la nationalité des sociétés – peu important qu’elle soit française ou étrangère – car raisonnant par analogie avec l’article 3 C. civ.. Telle fut la ligne jurisprudentielle générale en France depuis un arrêt Civ. 20 janvier 1870 (à l’occasion duquel la Cour de cassation envisagea la question du concept de nationalité à travers celle de la loi applicable à la société, afin de la soumettre à sa loi nationale, et ce, jusqu’à la « simplification » ( ?) opérée par l’arrêt de 1998. Mais avant cette date, il est également arrivé que la JP se démarque de cette ligne générale afin de retenir d’autres critères, tels que celui du contrôle, jugé plus adéquate au regard des circonstances de la cause.

a. Présentation des divers critères de rattachement en matière de loi applicable aux sociétés

- Le critère du contrôle

Le critère du contrôle consiste à rattacher la société à l’Etat auquel les personnes qui la contrôlent sont elles-mêmes rattachées. La mise en œuvre de ce critère suppose donc une analyse détaillée des participations dans le capital de la société.Ce critère présente l’avantage incontestable de respecter la logique et la réalité économiques de la société. Puisqu’en effet, cette notion est le fondement sur la base duquel s’exerce le pouvoir au sein de la société. Ce critère est susceptible, par ailleurs, d’être d’une grande efficacité en matière de groupe de sociétés et notamment afin de déterminer la « nationalité » d’un groupe de sociétés (mais il convient de noter qu’en dépit de la séduction intellectuelle qu’il suscite, le critère du contrôle n’a jamais été retenu en matière de groupe de sociétés : v. notamment l’argument du pourvoi formé à l’occasion de l’arrêt Civ. 3 ème , 1972, Shell Berre ). On ne peut cependant manquer de déplorer que ce critère a l’indéniable inconvénient d’être instable, d’une manipulation difficile et délicate. Il risque d’emporter des variations fréquentes de nationalités, voire même de rattachement, en fonction des changements de participation, a fortiori accrues lorsque la société concernée est cotée en bourse.Il fut également utilisé par la jurisprudence lorsqu’il s’agissait de protéger d’importants intérêts économiques, le « critère du siège social [cessant] d’avoir application » en présence de circonstances exceptionnelles telles que des guerres ou changements de souveraineté emportant ou risquant d’emporter un changement de nationalité de la société. Telle fut principalement la raison pour laquelle la JP y recourut à l’occasion des arrêts Cass. Req. 24 déc. 1928, «   Soie artificielle de Calais, et Com., 1931, «   Remington   », Civ. 1 re , 1971, C.C.R.M.A. A la seule nuance toutefois que l’arrêt Remington la Cour de cassation définit le critère du contrôle en recourant à la technique du faisceau d’indices alors que dans l’arrêt C.C.R.M.A. ce critère est entendu au sens strict conformément à la définition précédemment donnée. En outre, une fois ces circonstances exceptionnelles passées, la Cour de cassation cessa d’y faire référence.

- Le critère de l’incorporationLe critère de l’incorporation consiste à rattacher la société à la loi du territoire de l’Etat sur lequel

les formalités de constitution ont été accomplies, peu importe donc le lieu et l’origine des capitaux, le lieu du siège social, etc. Le fondement de ce critère réside dans l’idée selon laquelle à l’origine de toute constitution, il y a inéluctablement des éléments contractuels ainsi que des démarches volontaires auxquelles se greffent des exigences législatives se manifestant par l’accomplissement de certaines formalités d’enregistrement, ces dernières ayant pour vocation d’officialiser un acte juridique originel.L’avantage d’un tel mécanisme réside dans la permanence et la stabilité. Mais il est cependant très formaliste, et risque donc d’être éloigné de la réalité. Il conduit donc à des risques de décalage entre le rattachement formel et la réalité de l’entreprise.

- Le critère du siège social statutaire présumé être réelLe critère du siège social consiste comme son nom l’indique à rattacher la société à l’ordre

juridique ou à l’Etat sur le territoire duquel se trouve son siège social statutaire, c’est-à-dire tel que défini dans les statuts de la société, à supposer que celui-ci corresponde effectivement à la réalité de l’activité sociale. C’est le critère qui est apparu comme étant le plus conforme aux attentes du droit commercial international, puisqu’il présente l’avantage de la simplicité et coïncide dans la plupart des cas avec le lieu d’immatriculation. Il permet en outre de localiser la PM dans un ordre juridique étatique donné de façon prévisible et sure aux regards des prévisions des principales personnes concernées que sont les associés, les employés, voire même les tiers.Cependant, il n’est pas exclu qu’il puisse être choisi de façon artificielle, non seulement au regard de la souplesse que pourrait offrir tel droit interne, mais également au regard de son droit international privé. C’est la raison pour laquelle le juge dispose d’un pouvoir de vérification et de correction en pouvant recourir non plus au critère du siège social statutaire, mais du siège social réel. Celui-ci n’a cependant pas toujours fait l’objet d’une application autonome, dans la mesure où il servait, jusqu’en 1998, à déterminer aussi bien la nationalité d’une société, que la loi applicable à cette dernière. Ce qui permettait d’affirmer que la loi applicable à une société était sa loi nationale. En outre, la jurisprudence a utilisé ce critère aussi bien pour déterminer la nationalité française ou la nationalité étrangère (v. en ce sens, Req., 28 juillet 1929, v. également   : Civ. 1 re , 1972, «   Soc. Claude Noter c. soc. Overseas Apeco Ltd   » à l’occasion duquel la Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel considérant que la Société OAL avait « son siège social statutaire et effectif à Genève et que [la Cour d’Appel avait] pu déduire que la société Overseas Apeco Ltd était de nationalité suisse »).

b. Historique jurisprudentiel et législatif ou l’égarement de la jurisprudence dans les confins de la « nationalité » des sociétés

Le problème de l’utilisation du concept de nationalité en matière de société et de la confusion que celle-ci a engendré a pour point de départ l’arrêt T.C., 1959, Mayol Arbona. A l’origine de cette affaire, une société espagnole, exerçant son activité commerciale en France, réclamait que la reconnaissance de sa nationalité étrangère afin d’éviter d’être assujettie à un prélèvement en France. Avant tout règlement au fond, le litige donna lieu à un conflit interne et négatif de compétence entre les juridictions administratives et judiciaires qui considérèrent alors qu’elles étaient incompétentes pour trancher la question de la détermination de la nationalité de la société Mayol Arbona. Le Tribunal des conflits, en ce qu’il raisonne par analogie avec l’article 3 du C. civ. et compare le problème posé par la nationalité des PM au problème de l’état et de la capacité des personnes physiques, relance le débat sur l’emploi du concept de nationalité en matière de sociétés. Plus précisément, cet arrêt, du fait de l’emploi du concept de nationalité, ravive les discussions doctrinales – principalement initiée par Pillet dès 1914 (Les personnes morales en droit international privé, 1914) – relative à l’emploi de la notion de nationalité en matière de sociétés. Plus précisément, si le Tribunal des Conflits rappelle que la nationalité des personnes morales est distincte de celles des personnes physiques, il en profite pour préciser qu’à la différence de cette dernière, la nationalité des sociétés ne peut être analysée qu’au cas par cas en fonction de la question principale à propos de laquelle la question de la nationalité est rattachée. En d’autres termes, la question de la nationalité des sociétés ne peut être une interrogation à part entière mais seulement une question subsidiaire ou accessoire à une question principale. En l’espèce, la question principale portant sur un problème d’assujettissement fiscal donc de la compétence des juridictions administratives, la question de la « nationalité » devait également être tranchée par elles.

Par la suite, le débat prend d’autant plus d’importance que la jurisprudence réaffirme de façon quasi-constante par la suite la conception unitaire du rattachement des sociétés en droit commercial international et par voie de conséquence la solution selon laquelle une société commerciale une société est soumise à sa loi nationale, soit à la loi de sa nationalité, laquelle « nationalité pour une société [résulte], en principe de la location de son siège social réel ce dernier étant défini comme étant le siège de la direction effective, et présumé par le siège statutaire ». Cette dernière solution fut affirmée, en tant que de principe, par la décision rendue sous l’égide de la Cour de cassation réunie en son Assemblée plénière le 21 décembre 1990, « Directeur général des impôts c. SA Roval ». Il convient de noter à propos de cette jurisprudence qu’en l’espèce, la Cour de cassation connaissait essentiellement – à l’instar du cas visé dans la JP Mayol Arbona, d’un problème d’allégeance étatique, ou, plus précisément d’une question relative au droit fiscal international. Or la Cour de cassation en profite – à tort – pour rappeler accessoirement que le rattachement d’une société commerciale à un Etat n’est autre que la nationalité qui résulte de la localisation de son siège social réel. Elle affirme, en d’autres termes, que le principe est celui d’un rattachement unitaire constitué par le siège social réel qu’elle définit comme étant « présumé être le siège social statutaire ». La présomption est toutefois réfragable puisqu’elle peut être renversée si le siège social statutaire ne coïncide pas avec le siège de direction effective.

Cette solution fut ultérieurement réaffirmée par la jurisprudence alors que se posait un problème de loi applicable. Ainsi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation appliqua le principe à l’occasion d’un arrêt « Valplage » rendu le 19 mai 1992.

La jurisprudence rendue en ce sens encourait cependant la critique. En effet, dans la mesure où elle renvoyait constamment à la notion de nationalité, recours d’autant plus critiquable que les dispositions légales françaises ne renvoient à aucun moment à ce concept, d’appartenance essentiellement publiciste. Ainsi, l’article 1837 du Code civil dispose-t’il que « une société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de la loi française ». Formulée de façon unilatérale, cet article ne fait d’aucune façon allusion au concept de nationalité. De même, l’article 3 al. 1 er de la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales précise – toujours de façon unilatérale – que « les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire français sont soumises à la loi française, y compris bien entendu à la loi fiscale française ». On observe cependant dans la même loi de 1966 quelques références éparses au concept de nationalité. Ainsi, l’article 60 al. 2 relatif aux modalités de décision de changement de nationalité de la société, ou encore l’article 154 précisant les conditions de changement de nationalité d’une société.

c. Les critiques doctrinales de Pillet et Niboyet à l’encontre de l’utilisation du « concept » de nationalité en matière de société

Si l’emploi du concept fait l’objet de critiques évidentes, il peut dans un certain nombre de cas présenter un intérêt. Il en est ainsi notamment lorsque l’on s’attache non pas à la consistance de la notion dans le contexte dans lequel elle est employée, mais à sa fonction. Elle est en effet d’un grande utilité lorsqu’il s’agit de détermine l’allégeance politique d’une société, ou bien lorsqu’il s’agit d’identifier un Etat aux fins d’exercice de la protection diplomatique, ou encore afin de savoir si telle société peut ou non prétendre au bénéfice de l’immunité de juridiction, de traités, ou encore des articles 14 et 15 du C. civ. Il faut souligner l’intérêt d’autant plus important de la notion dans le contexte conjoncturel de l’époque dans lequel elle refait surface. Les mesures de guerre ou d’après-guerre incitaient effectivement à gonfler le contenu politique de la notion de nationalité en surestimant les coefficients moral et sentimental plus aisément perceptibles chez les personnes physiques, mais non étrangères cependant aux personnes morales. Cependant, en dépit de ces raisons historiques, l’emploi du concept dans le contexte du droit applicable aux sociétés ne faisait pas – à juste titre – l’unanimité dans la mesure où toute conjoncture est susceptible, par définition, d’évolution. Pillet et Niboyet ont, en outre, formulée les principales critiques doctrinales en la matière. Celles-ci sont au nombre de 3. Au-delà de ces critiques, au fur et à mesure que le contexte de globalisation ou de mondialisation prenait de l’essor, l’utilité du concept apparaissait de plus en plus résiduelle.

- 1ère critique tenant à la consistance même du concept : Le concept même de nationalité est avant tout un concept de droit public applicable aux personnes physiques. Or sa transposition en matière de sociétés commerciales risque de conduire à une dénaturation de cette notion. (Niboyet n’hésitait pas à parler, en matière de sociétés de « pseudo-nationalité ») On ne peut en effet valablement considérer que les rapports d’une société commerciale avec un Etat soient de même nature que les rapports d’un individu personne physique avec l’Etat dont il a la nationalité. Une personne morale est avant tout une institution, contractuelle à la base, ce qui n’est certainement pas le cas d’un Etat ou, plus précisément de la population constitutive de cet Etat. Elle requiert donc qu’un autre vocable soit choisi pour désigner la relation qui unit la société et le milieu économique national, voire même « social », dans lequel elle évolue. Aussi est-ce pour cela qu’à supposer que l’on accepte l’utilisation du concept, on ne peut manquer de remarquer qu’elle ne peut être qu’analogique, tout en étant potentiellement une grande source de confusion.

- 2ème critique : d’ordre sociologique : on ne peut confondre personnes physiques et morales, dans la mesure où elles ne sont pas du tout issues du même ordre sociologique. L’utilisation, ici encore, d’une même notion pour décrire des situations différentes, outre le fait qu’elle risque d’être source de confusion, risque de conduire à un anthropomorphisme certain, contraire à une qualification juridique fidèle à la réalité économique.

- Enfin, la 3ème critique : d’ordre juridique consiste à rappeler que la nationalité obéit, en droit international privé, à des règles unilatérales qui présentent deux caractéristiques essentielles que sont : l’unité et l’indivisibilité, parce que la nationalité constitue un lien juridique et politique permettant de rattacher un individu à un Etat souverain. Ainsi, l’Etat français décide qui peut obtenir la nationalité française, et ne prend jamais partie sur l’attribution d’une nationalité étrangère. L’utilisation de ce concept, non plus de façon unilatérale, mais de façon bilatérale en matière de loi applicable aux sociétés conduit donc implicitement à reconnaître à une personne morale une pluralité de nationalités possibles, voire même de conférer à la société une nationalité étrangère alors même que l’Etat concerné ne la lui reconnaîtrait pas dès lors qu’il n’y aurait plus concordance entre le siège social statutaire et le siège réel. Cette dernière remarque permet donc de comprendre l’importance du risque de dénaturation inhérent à l’emploi de ce concept en matière de loi applicable aux sociétés.

Ces dernières critiques sont autant de raisons, pour lesquelles le détour fait par la jurisprudence par la référence à la loi nationale semblait improductif et l’engageait donc à abandonner une notion de plus en plus superflue, a fortiori dans le contexte de mondialisation des affaires dans lequel les sociétés évoluent ; ce que fit la 1 ère Ch. civ. en 1998 à l’occasion de l’arrêt «   Société générale accident c. BNP   » .

d. Le problème spécifique de la reconnaissance des sociétés de nationalité étrangère :

La notion de jouissance d’un droit, qui renvoie à l’aptitude ou la possibilité qu’a la personne qui en est titulaire de l’invoquer, se distingue clairement de la notion d’exercice de ce droit soit à la possibilité qu’a son titulaire de pouvoir l’exercer in concreto.

La question de la reconnaissance des personnes morales renvoie expressément à cette première notion. En d’autres termes, elle consiste à se demander si, une personne morale, à partir du moment où

elle est considérée comme étant de nationalité étrangère, est ou non autorisée à avoir une activité sur le territoire français ou à y accomplir des actes nécessaires à son activité. Si la technique de la personnalité juridique est universellement reconnue, la question de la reconnaissance internationale des sociétés ne va cependant pas de soi… En effet, en principe toute PM étrangère est reconnue en tant que telle, dès lors qu’elle est régulièrement constituée à l’étranger selon la loi du pays dont elle a la nationalité ou qui la régit. Mais ce principe supporte toutefois une exception dans la mesure où il n’en est pas ainsi des sociétés anonymes étrangères. Au départ de cette exception : un arrêt de la Cour de cassation de Belgique de 1849, exigeant sur le fondement de l’article 37 du Code commerce (commun à la France et à la Belgique) un décret belge de reconnaissance, décision qui emporta elle-même de vives réactions dans les milieux d’affaires internationaux et l’adoption de lois en ce sens (en 1855 pour la Belgique et en 1857 pour la France). Plus précisément, la loi française du 30 mai 1857 considère que les SA belges ont la personnalité morale pleine et entière, mais subordonne la possibilité, pour les sociétés étrangères de capitaux, d’exercer leurs droits et d’ester en justice en France à un décret collectif accordant la même possibilité à l’ensemble des sociétés de leur nationalité. En l’absence d’un tel décret, les sociétés ne peuvent prétendre à quelque reconnaissance que ce soit. Le fondement implicite de ce raisonnement résidait dans l’idée de réciprocité entre Etats.A ce jour, la situation est restée inchangée. En effet, en dépit de l’abrogation de l’art. 37 par le législateur en 1867, celui-ci n’a pas pour autant pensé à en faire de même pour la loi de 1857 prise sur ce fondement, pas plus que le législateur en 1966 ne songea à le faire. Aussi, a-t’il fallu à la jurisprudence usé de ruses pour contourner l’obstacle de la loi de 1857. La Cour de cassation a pour cela fait recouru, à l’occasion d’une série d’arrêts rendus dans les années 90 (v. notamment, Cass. civ. 1 re , 1991, «   Voarik c. Extraco Anstalt   » ), au principe de la supériorité du traité sur la loi et, plus précisément, de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, prise en ses articles 6 et 14, ainsi que les articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel. Il en résulte dès lors que « toute personne morale , quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ».

2. Les conflits de lois en matière de sociétés (Deuxième point de la fiche) ou la loi applicable en matière de société   : une question bien distincte de celle de la nationalité depuis 1998   :

Pendant de nombreuses années, la jurisprudence s’est employée à définir la lex societatis en recourant au critère de la nationalité. Une société était donc soumise à sa loi nationale (v. en ce sens, Civ. 1870, op. cit) en d’autres termes, à la loi de sa nationalité, laquelle résulte, « en principe, de la localisation de son siège social réel […] étant défini comme étant le siège de la direction effective, et présumé par le siège statutaire » (A.P. 1990, «   Directeur général des impôts c. SA Roval   » ). Ainsi, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 21.12.1987, «   SA Viuda de Jose Tolra c. Sodler   » affirmait que « la Société anonyme Tolra est une société de droit espagnol, et que l’appréciation des pouvoirs des dirigeants d’une société relève de la loi nationale de cette société ».

a. L’éclaircie et la simplification depuis la JP, Civ. 1 re , 1998, Société générale accident c. BNP

Si, la solution adoptée par la Cour de cassation définissant la loi applicable à la société est originale – puisqu’en s’abstenant de toute référence implicite ou explicite au concept de nationalité, et rompant ainsi avec la jurisprudence antérieure – elle est, inversement beaucoup plus classique lorsqu’elle en précise le domaine. Cette décision laisse toutefois planer un certain nombre d’interrogations.La première tend à se demander si il faut voir dans cet arrêt un abandon pur et simple et définitif du concept de nationalité en matière de loi applicable aux sociétés ou si l’absence de référence doit s’analyser en une forme d’indifférence temporaire justifiée par les circonstances de l’espèce. La première interprétation semble préférable aux regards des critiques précédemment formulées, d’autant que cela permettrait de conserver au concept de nationalité un caractère et une fonction subsidiaires conformes à ses caractéristiques intrinsèques. Ainsi, la nationalité n’aurait-elle plus qu’une utilité résiduelle et conforme à sa définition – c’est-à-dire comme renvoyant à « un rapport d’ordre politique entre un individu et un Etat » – il servirait plus spécifiquement à résoudre les questions de nationalité et de reconnaissance des sociétés étrangères par opposition aux sociétés française, à déterminer dans quelles sociétés peut prétendre aux droits et bénéfices des traités internationaux, à une protection diplomatique de la part d’un Etat (cf. en ce sens «   l’affaire Barcelona Traction, CIJ de la Haye 1970 ).

La seconde interrogation tend à se demander si une solution identique aurait été adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Seul l’avenir dira si cette dernière formation se rangera à la position adoptée par la Première Chambre civile ou pas…

En outre, faut-il préciser que si la loi applicable à la société est celle de son siège social statutaire celui-ci doit cependant être réel et sérieux tel que définit dans la jurisprudence « Directeur général des Impôts c. SA Roval ». En cas de discordance, les tiers peuvent également se prévaloir du siège social statutaire ou du siège social réel et sérieux, sur le fondement de la théorie de l’apparence. Enfin, la jurisprudence communautaire tend semble t’il à dégager un principe général de fraude dans l’ordre communautaire permettant de contrôler, voire d’interdire ou d’annuler l’établissement de succursale ou la création de société sans activité effective sur le territoire d’Etat membre de l’Union Européenne (cf. CJCE, 1999, Centros Ltd).

b. Domaine de la lex societatis

La jurisprudence comprend le domaine de la lex societatis de manière assez large dans la mesure où elle régit non seulement la constitution (formalités de publicité et autres…), mais également le fonctionnement de la société entendu lato sensu de la société. Ainsi, les questions relatives, par exemple, à l’émission de titres, à leur régime (v. en ce sens : Civ. 1 re , 1972, «   Royal Dutch   » ), à l’organisation interne de la société, à l’aptitude à contracter, la dissolution et à la liquidation sont régies par la lex societatis. De même, de façon constante la jurisprudence a- t’elle considéré que la question de la délimitation des pouvoirs des dirigeants de société était également régie par la lex societatis (v. en ce sens, Civ. 1 re , 1998, «   Société général accident c. BNP   ») .A considérer, la nécessité de préserver la cohérence patrimoniale et l’unité économique de la société, une conception aussi large du champ d’application de la lex societatis se comprend aisément. Elle permet de ne pas seulement considérer isolément l’acte en cause, mais le contexte social dans lequel il s’inscrit. En effet, analyser l’acte isolément, indépendamment de son origine, risquerait de conduire à des variations inacceptables du point de vue de la sécurité juridique des transactions mais également du point de vue de la cohérence interne de la société elle-même.

Droit du commerce internationalTravaux dirigés

Fiche n° 3

Droit international des sociétés (2)Les groupes internationaux de sociétés.

I) Le groupe international de société, outil d’évasion fiscale.

Une Société résidente en France peut artificiellement réduire son impôt en France par divers moyens. Elle peut notamment être tentée de créer des centres de profit dans des paradis fiscaux. Par ailleurs, une société résidente en France et membre d’un groupe peut se voir enjoindre par une société non résidente dont elle dépend de diminuer la matière imposable en France en réduisant artificiellement ses recettes ou en augmentant artificiellement ses charges, par le biais d’opérations commerciales conclues avec d’autres sociétés du groupe établies dans des paradis fiscaux. Ces différentes stratégies fiscales sont neutralisées par diverses dispositions du Code général des impôts (Doc. n° 1 à 3), dont il vous faudra comprendre le fonctionnement et apprécier l’efficacité.

1) Code général des impôts, Article 57

(Loi nº 81-1160 du 30 décembre 1981 art. 90 II finances pour 1982 Journal Officiel du 31 décembre 1981 date d'entrée en vigueur 1er janvier 1982)

(Loi nº 96-314 du 12 avril 1996 art. 39 II, V Journal Officiel du 13 avril 1996)

Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A. En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre (1). A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. (1) Dispositions applicables aux contrôles engagés à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi.

2) Code général des impôts, Article 209 B

(Loi nº 80-30 du 18 janvier 1980 art. 70 finances pour 1980 Journal Officiel du 19 janvier 1980)

(Loi nº 90-1169 du 29 décembre 1990 art. 20 I II finances rectificative pour 1990 Journal Officiel du 30 décembre 1990)

(Loi nº 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 107 finances pour 1993 Journal Officiel du 31 décembre 1992 en vigueur le 1er janvier 1993)

(Loi nº 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 107 II, a III 1 2 3 finances pour 1993 Journal Officiel du 31 décembre 1992)

(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 7 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

(Décret nº 2002-923 du 6 juin 2002 art. 4 Journal Officiel du 8 juin 2002)

I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. I bis 1. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 p. 100 au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 22 800 000 euros et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, ce résultat est retenu dans la proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle y détient directement ou indirectement. 2. Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne morale visée au 1 s'entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l'intermédiaire d'une chaîne d'actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote ; l'appréciation du pourcentage des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ainsi détenus s'opère en multipliant entre eux les taux de détention successifs. La détention indirecte s'entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement : a) Par les salariés ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale visée au 1 ; b) Par une personne physique, son conjoint, ou leurs ascendants ou descendants lorsque l'une au moins de ces personnes est directement ou indirectement actionnaire, porteuse de parts titulaire de droits financiers ou de droits de vote dans cette personne morale ; c) Par une société ou un groupement ayant en commun avec cette personne morale un actionnaire, un porteur de parts ou un titulaire de droits financiers ou de droits de vote qui dispose directement ou indirectement du nombre le plus élevé de droits de vote dans cette société ou ce groupement et dans cette personne morale ; d) Par un partenaire commercial de la personne morale dès lors que les relations entre cette personne morale et ce partenaire sont telles qu'il existe

entre eux un lien de dépendance économique. Toutefois, les actions, parts, droits financiers ou droits de vote visés aux deuxième à sixième alinéas ne sont pas pris en compte pour le calcul du pourcentage de résultat de la société ou du groupement, établi hors de France, qui est réputé constituer un résultat de la personne morale. 3. Le résultat mentionné au 1 fait l'objet d'une imposition séparée. Il est réputé acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France. Il est déterminé selon les règles fixées par le présent code à l'exception des dispositions autorisant des provisions ou des déductions spéciales ou des amortissements exceptionnels et des dispositions prévues aux articles 39 terdecies et 223 A. 4. L'impôt acquitté localement par l'entreprise, la société ou le groupement, établi hors de France, est imputable sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, dans la proportion mentionnée au 1. II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. II bis. Les dispositions du I bis ne s'appliquent pas si la personne morale établit que les opérations de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où il est soumis à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : Lorsque l'entreprise, la société ou le groupement établi hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; Et qu'il réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. III. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application des dispositions qui précèdent et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des bénéfices effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de l'entreprise ou de la personne morale (1). IV. 1. Les dispositions du 1 s'appliquent à raison : a) des créations ou acquisitions d'entreprises mentionnées au 1 du I bis intervenues à compter du 30 septembre 1992 ; b) des acquisitions ou souscriptions d'actions, parts, droits financiers ou droits de vote mentionnés au I bis intervenues à compter de cette même date, ayant pour effet de conférer à la personne morale la détention de 10 p. 100 visée au même 1 du I bis ou, si ce taux est déjà atteint, de le maintenir ou de l'augmenter ; c) des acquisitions ou

souscriptions de participations, faites à compter de cette même date, permettant d'atteindre le seuil de 22 800 000 d'euros visé au 1 du I bis ou d'augmenter le montant de la participation si ce seuil est déjà atteint. 2. Les dispositions du I cessent de s'appliquer à raison des sociétés qui y sont mentionnées, créées ou acquises à compter du 30 septembre 1992. 3. Les dispositions du I sont abrogées et remplacées par celles du I bis pour la détermination des résultats imposables des exercices de l'entreprise mentionnée audit I, ouverts à compter du 1er janvier 2003. Toutefois, les dispositions dudit I bis, en ce qu'elles sont relatives à l'appréciation de la détention directe et indirecte et du régime fiscal privilégié ainsi qu'à la détermination des résultats bénéficiaires de la société étrangère, s'appliquent pour la détermination des résultats imposables des exercices de l'entreprise mentionnée au I, clos à compter du 31 décembre 1992. 4. Les dispositions du II bis s'appliquent, à compter du 30 septembre 1992, aux personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés mentionnées au I bis. (1) Voir Annexe II, art. 102 S à 102 Z.

3) Code général des impôts, Article 238 A

(Loi nº 81-1160 du 30 décembre 1981 art. 90 I finances pour 1982 Journal Officiel du 31 décembre 1981 en vigueur le 1er JANVIER 1982)

(Décret nº 2002-923 du 6 juin 2002 art. 4 Journal Officiel du 8 juin 2002)

Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des Etats ou territoires visés au même alinéa.

II) L’appréhension du groupe de société par le droit de la concurrence

Notez dans les documents suivants la mesure dans laquelle l’unité économique du groupe multinational de société est prise en compte par le droit et l’emporte sur la diversité des personnes morales qui le composent.

1) Cour de justice des Communautés européennes, 25 novembre 1971, Béguelin Import Co. contre S.A.G.L. Import Export. Affaire 22-71. Recueil de jurisprudence 1971 page 00949

1 . Concurrence - ententes - accord d ' exclusivite - transfert de la concession d ' une societe mere a sa filiale economiquement dependante - application de l ' interdiction de l ' article 85 , paragraphe 1 2 . Concurrence - ententes - entreprise participante a un accord situee dans un pays tiers - application de l ' interdiction de l ' article 85 , paragraphe 1 - conditions 3 . Concurrence - ententes - accords d ' exclusivite susceptibles d ' affecter le commerce entre etats membres - notion ( traite cee , art . 85 ) 4 . Concurrence - ententes - application de l ' interdiction de l ' article 85 , paragraphe 1 - criteres 5 . Concurrence - ententes - interdiction - exemption collective au sens du reglement 67/67 de la commission - application - limite ( reglement no 67/67 , art . 1 et 2 ) 6 . Concurrence - ententes - nullite visee a l ' article 85 , paragraphe 2 - caractere absolu - absence d ' effet de l ' accord en question 7 . Concurrence - operation d ' importation ou d ' exportation - atteinte au jeu de la concurrence - absence ( traite cee , art . 85 )

1 . Un contrat de concession exclusive ne releve pas de l ' interdiction enoncee a l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite cee du seul fait que cette concession ait ete transferee d ' une societe mere a sa filiale qui , bien qu ' ayant une personnalite juridique distincte , ne jouit d ' aucune autonomie economique . 2.a ) le fait , par l ' une des entreprises participant a un accord , d ' etre situee dans un pays tiers ne fait pas obstacle a l ' application de l ' article 85 du traite cee , des lors que l ' accord produit ses effets sur le territoire du marche commun . b ) un accord d ' exclusivite passe entre un producteur ressortissant d ' un pays tiers et un distributeur etabli dans le marche commun tombe sous le coup de l ' article 85 lorsqu ' il fait obstacle , en droit ou en fait , a ce que le distributeur reexporte les produits en cause dans d ' autres etats membres , ou a ce que ces produits soient importes d ' autres etats membres dans la zone protegee , et y soient distribues , par des personnes autres que le concessionnaire ou ses clients . c ) en vue de juger si tel est le cas , il convient de prendre en consideration , non seulement les droits et obligations decoulant des clauses de l ' accord , mais encore le contexte economique et juridique au sein duquel celui-ci se situe , et notamment l ' existence eventuelle d ' accords similaires passes par le meme producteur avec des concessionnaires etablis dans d ' autres etats membres .

3.a ) un accord d ' exclusivite est susceptible d ' affecter le commerce entre etats membres et peut avoir pour effet d ' entraver la concurrence , des lors que le concessionnaire peut empecher les importations paralleles en provenance d ' autres etats membres dans le territoire concede grace a la combinaison de l ' accord avec les effets d ' une legislation nationale en matiere de concurrence deloyale . b ) le concessionnaire ne peut donc se prevaloir d ' une telle legislation que si le pretendu caractere deloyal du comportement de ses concurrents resulte d ' elements autres que le fait , par ceux-ci , d ' avoir procede a des importations paralleles . 4 . Pour relever de l ' interdiction enoncee a l ' article 85 , un accord doit affecter de facon sensible le commerce entre etats membres et le jeu de la concurrence . Pour juger si tel est le cas , ces elements doivent etre places dans le cadre reel ou ils se produiraient a defaut de l ' accord litigieux 5 . Il resulte des dispositions combinees des articles 1 et 2 du reglement n . 67/67 de la commission que l ' exemption collective prevue par ce reglement ne s ' applique pas a un accord interdisant au concessionnaire de reexporter les produits en cause dans d ' autres etats membres . 6 . La nullite visee a l ' article 85 , paragraphe 2 , ayant un caractere absolu , un accord nul en vertu de cette disposition n ' a pas d ' effet dans les rapports entre les contractants et n ' est pas opposable aux tiers . 7 . Une operation d ' importation ou d ' exportation n ' a pas par elle-meme pour objet ou pour effet de porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l ' article 85 .

dans l ' affaire 22-71 ayant pour objet la demande adressee a la cour , en application de l ' article 177 du traite cee , par le tribunal de commerce de nice et tendant a obtenir dans le litige pendant devant cette juridiction entre 1 ) beguelin import co . Bruxelles , 2 ) s.a . Beguelin import co . France , paris , et 1 ) s.a.g.l . Import , export , nice , 2 ) karl marbach , hambourg , 3 ) fritz marbach , hambourg , 4 ) gebrueder marbach gmbh , hambourg ,

une decision a titre prejudiciel sur l ' interpretation - de l ' article 85 dudit traite , - du reglement n . 67/67/cee de la commission , du 22 mars 1967 , concernant l ' application de l ' article 85 , paragraphe 3 , du traite , a des categories d ' accords d ' exclusivite ( jo n . 57 , p . 849 ) ,

1 . Attendu que , par jugement du 8 fevrier 1971 , parvenu au greffe de la cour le 29 avril 1971 , le tribunal de commerce de nice a soumis a la cour deux questions tendant a l ' interpretation de l ' article 85 du traite cee ainsi que du reglement n . 67/67 de la commission ( jo du 25 mars 1967 , p . 849 ) ; sur la premiere question

2 . Attendu que la premiere question vise des accords non notifies a la commission , par lesquels un producteur etabli dans un pays tiers concede a une entreprise ressortissant a un etat membre le droit exclusif de distribuer ses produits sur le territoire de cet etat ; 3 . Que la cour est notamment invitee a dire si la validite , et l ' opposabilite aux tiers , de tels accords se trouvent affectees du fait que le titulaire de la concession , tout en ayant la personnalite morale , ne constitue que la filiale , depourvue d ' autonomie economique , d ' une entreprise etablie dans un autre etat membre et qui a elle-meme recu du meme producteur un droit exclusif analogue pour le territoire de ce second etat ; 4 . Qu ' en outre , la question tend a connaitre les autres conditions dont la regle communautaire fait dependre la validite desdits accords et leur opposabilite aux tiers ; sur l ' applicabilite de l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite 5 . A - attendu que la premiere question vise d ' abord a savoir si l ' interdiction de l ' article 85 , paragraphe 1 , s ' etend au fait , pour une societe mere etablie dans un etat membre et titulaire d ' un droit de concession de vente exclusive s ' etendant a deux etats membres , de ceder ou de permettre a sa filiale d ' acquerir dans le second etat membre la concession exclusive pour autant qu ' elle concerne le territoire dudit etat ; 6 . Qu ' elle vise ensuite a savoir quelles seraient , dans l ' affirmative , les consequences de pareille violation sur la validite du contrat de concession obtenu par ladite filiale ; 7 . Attendu que l ' article 85 , paragraphe 1 , interdit les ententes lorsqu ' elles ont pour objet ou pour effet d ' entraver la concurrence ; 8 . Que , s ' agissant d ' un contrat de concession de vente exclusive , cette condition fait defaut lorsque pareille concession est en fait partiellement transferee d ' une societe mere a une filiale qui , bien qu ' ayant une personnalite juridique distincte , ne jouit d ' aucune autonomie economique ; 9 . Que , des lors , ces rapports ne peuvent etre pris en consideration pour apprecier la validite d ' un accord de concession exclusive passe entre la filiale et un tiers ; 10 . B - attendu que , pour etre incompatible avec le marche commun et interdit aux termes de l ' article 85 , un accord doit etre " susceptible d ' affecter le commerce entre etats membres " et avoir " pour objet ou pour effet " de porter atteinte au " jeu de la concurrence a l ' interieur du marche commun " ; 11 . Que le fait , par l ' une des entreprises participant a l ' accord , d ' etre situee dans un pays tiers ne fait pas obstacle a l ' application de cette disposition , des lors que l ' accord produit ses effets sur le territoire du marche commun ; 12 . Qu ' un accord d ' exclusivite passe entre un producteur ressortissant a un pays tiers et un distributeur etabli dans le marche commun reunit les deux criteres susindiques lorsqu ' il fait obstacle , en droit ou en fait , a ce que le distributeur reexporte les produits en cause dans d ' autres etats membres , ou a ce que ces produits soient importes d ' autres etats membres dans la zone protegee , et y soient distribues , par des personnes autres que le concessionnaire ou ses clients ; 13 . Attendu qu ' en vue de juger si tel est le cas , il convient de prendre en consideration , non seulement les droits et

obligations decoulant des clauses de l ' accord , mais encore le contexte economique et juridique au sein duquel celui-ci se situe , et notamment l ' existence eventuelle d ' accords similaires passes par le meme producteur avec des concessionnaires etablis dans d ' autres etats membres ; 14 . Attendu , plus particulierement , qu ' un accord d ' exclusivite est susceptible d ' affecter le commerce entre etats membres et peut avoir pour effet d ' entraver la concurrence des lors que le concessionnaire peut empecher les importations paralleles en provenance d ' autres etats membres dans le territoire concede grace a la combinaison de l ' accord avec les effets d ' une legislation nationale en matiere de concurrence deloyale ; 15 . Que le concessionnaire ne peut donc se prevaloir d ' une telle legislation que si le pretendu caractere deloyal du comportement de ses concurrents resulte d ' elements autres que le fait , par ceux-ci d ' avoir procede a des importations paralleles ; 16 . C - attendu , enfin , que , pour relever de l ' interdiction enoncee a l ' article 85 , l ' accord doit affecter de facon sensible le commerce entre etats membres et le jeu de la concurrence ; 17 . Que , pour juger si tel est le cas , ces elements doivent etre places dans le cadre reel ou ils se produiraient a defaut de l ' accord litigieux ; 18 . Que , des lors , pour apprecier si un contrat assorti d ' une clause concedant un droit exclusif de vente est justiciable de cet article , il y a lieu de prendre en consideration notamment la nature et la quantite limitee ou non des produits faisant l ' objet de l ' accord , la position et l ' importance du concedant et celles du concessionnaire sur le marche des produits concernes , le caractere isole de l ' accord litigieux ou , au contraire , la place de celui-ci dans un ensemble d ' accords , la rigueur des clauses destinees a proteger l ' exclusivite ou , au contraire , les possibilites laissees a d ' autres courants commerciaux sur les memes produits par le moyen de reexportations ou d ' importations paralleles ; 2 . Sur l ' applicabilite du reglement n . 67/67 19 . Attendu qu ' aux termes de l ' article 1 , paragraphe 1 , de ce reglement , " l ' article 85 , paragraphe 1 , dudit traite est declare inapplicable jusqu ' au 31 decembre 1972 aux accords auxquels ne participent que deux entreprises " et qui stipulent , " dans le but de la revente " , soit un engagement exclusif de livraison , soit un engagement exclusif d ' achat , soit les deux ; 20 . Qu ' en vertu de l ' article 2 , paragraphe 1 , du meme reglement , il ne peut etre impose au concessionnaire aucune restriction de concurrence que celles previsees dans ledit paragraphe 1 et qui ne comprennent pas l ' interdiction de reexporter les produits en cause dans d ' autres etats membres ; 21 . Que le paragraphe 2 du meme article enumere , toujours sans faire etat de l ' interdiction de reexporter , certaines obligations du concessionnaire qui " ne font pas obstacle a l ' applicabilite de l ' article 1 , paragraphe 1 , " du reglement ; 22 . Que l ' exemption collective octroyee par le reglement no 67/67 ne s ' applique donc pas des lors qu ' un accord interdit au concessionnaire de reexporter les produits en cause dans d ' autres etats membres ;

23 . Attendu qu ' au surplus , dans les cas ou l ' accord ne comporte pas une interdiction de reexporter , il convient d ' observer qu ' aux termes de l ' article 3 de ce reglement , un tel accord ne beneficie pas davantage de ladite exemption si les contractants " restreignent la possibilite pour les intermediaires ou utilisateurs de se procurer les produits vises au contrat aupres d ' autres revendeurs a l ' interieur du marche commun " , en particulier lorsqu ' ils " exercent d ' autres droits ou prennent des mesures en vue d ' entraver l ' approvisionnement de revendeurs ou d ' utilisateurs en produits vises au contrat ailleurs dans le marche commun , ou la vente desdits produits par ces revendeurs ou utilisateurs dans le territoire concede " ; 24 . Que , des lors , un tel exercice s ' oppose egalement a ce que l ' accord passe entre le concessionnaire et le concedant puisse beneficier de l ' exemption prevue a l ' article 1 , paragraphe 1 , du reglement n . 67/67 ; 3 . Sur l ' applicabilite de l ' article 85 , paragraphe 2 , du traite 25 . Attendu qu ' aux termes de l ' article 85 , paragraphe 2 , du traite , " les accords ou decisions interdits en vertu du present article sont nuls de plein droit " ; 26 . Que des lors , un accord relevant du paragraphe 1 de cet article et n ' ayant pas fait l ' objet d ' une declaration d ' inapplicabilite individuelle ou collective au titre du paragraphe 3 est frappe de nullite , dans la mesure ou son objet ou ses effets sont incompatibles avec l ' interdiction enoncee dans ce paragraphe ; 27 . Que , si un tel accord , non notifie a la commission , mais dispense de notification en vertu de l ' article 4 , paragraphe 2 , du reglement n . 17 de conseil ( jo du 21 fevrier 1962 , p . 204 et s . ) , sort son plein effet aussi longtemps que sa nullite n ' a pas ete constatee , cette dispense ne s ' applique qu ' a certains accords auxquels " ne participent que des entreprises ressortissant a un seul etat membre " , ou aux accords ayant seulement l ' objet ou les effets definis par l ' article 4 , paragraphe 2 , susvise ; 28 . Que les accords en cause ne satisfont ni a l ' une , ni a l ' autre de ces conditions du fait que l ' une des parties contractantes ressortit a un etat tiers et que l ' objet ou les effets de ces accords different de ceux vises par la disposition susmentionnee ; 29 . Attendu que la nullite visee a l ' article 85 , paragraphe 2 , ayant un caractere absolu , un accord nul en vertu de cette disposition n ' a pas d ' effet dans les rapports entre les contractants et n ' est pas opposable aux tiers ; sur la deuxieme question 30 . Attendu que , par la deuxieme question , la cour est invitee a dire si un " processus d ' importation " tel qu ' il est decrit par la juridiction nationale est incompatible avec l ' article 85 du traite , ou bien s ' il beneficie de l ' exemption edictee par le reglement n . 67/67 ; 31 . Attendu qu ' aux termes de l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite , l ' interdiction enoncee par cette disposition ne concerne des " accords entre entreprises " , des " decisions d ' associations d ' entreprises " et des " pratiques concertees " que dans la mesure ou ces accords , decisions ou pratiques affectent le commerce entre etats membres et ont un objet ou

un effet anticoncurrentiel ; 32 . Qu ' une operation d ' importation ou d ' exportation n ' a pas par elle-meme pour objet ou pour effet de porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l ' article 85 ;

33 . Attendu que les frais exposes par la commission des communautes europeennes , qui a soumis des observations a la cour , ne peuvent faire l ' objet d ' un remboursement ; 34 . Que la procedure revetant , a l ' egard des parties au principal , le caractere d ' un incident souleve au cours du litige pendant devant le tribunal de commerce de nice , il appartient a celui-ci de statuer sur les depens ; ( © european communities, 2001 all rights reserved)

2) Cour de justice des Communautés européennes, 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries Ltd. contre Commission des Communautés européennes. Affaire 48-69. Recueil de jurisprudence 1972 page 00619

1 . Administration communautaire - communication des griefs - delegation de signature - caractere ( reglement de la commission no 99/63 , art . 2 ) 2 . Concurrence - infraction aux regles du traite - procedure administrative - prise de position definitive de la commission - griefs - communication - faits a prendre en consideration ( traite cee , art . 85 ) 3 . Concurrence - infraction aux regles du traite - procedure administrative - griefs - information des interesses - modalites ( reglement du conseil , no 17/62 , art . 19 ) 4 . Concurrence - infraction aux regles du traite - procedure administrative - audition des interesses - proces-verbaux - communication - but - retard - effets ( reglement de la commission , no 99/63 , art . 9 ) 5 . Acte d ' une institution communautaire - notification - irregularites - effets - suspension du delai de recours ( traite cee , art . 191 , alinea 2 ) 6 . Prescription - delai - fixation a l ' avance 7 . Administration communautaire - infraction aux regles de droit europeen - amendes - prescription non prevue par les textes - pouvoirs de la commission - empechements resultant des comportements de la commission 8 . Concurrence - ententes - interdiction - pratique concertee - notion ( traite cee , art . 85 ) 9 . Concurrence - jeu - fonction dans le domaine des prix 10 . Concurrence - ententes - pratique concertee - prix - manipulation - criteres ( traite cee , art . 85 ) 11 . Concurrence - infraction aux regles du traite - competence de la commission - societes etablies dans des pays tiers - filiales etablies dans la communaute dominees par elles - action de la societe mere dans la communaute par le moyen de ses filiales - personnalite juridique distincte - unite de comportement sur le marche - applicabilite du droit communautaire ( traite cee , art . 85 ) 12 . Actes d ' une institution - motivation - etendue

( traite cee , art . 190 )

1 . Une delegation de signature constitue une mesure relative a l ' organisation interne des services de l ' administration communautaire , conforme a l ' article 27 du reglement interieur provisoire arrete en vertu de l ' article 7 du traite du 8 avril 1965 instituant un conseil unique et une commission unique . 2 . La communication des griefs constitue l ' acte qui fixe la position de la commission vis-a-vis des entreprises a l ' egard desquelles est engagee une procedure relative a la poursuite d ' infractions aux regles de concurrence ; ainsi des faits qui se sont produits depuis la decision d ' ouverture de la procedure peuvent etre pris en consideration dans la communication des griefs lorsqu ' ils sont la simple continuation d ' agissements anterieurs , sans qu ' il y ait atteinte aux droits de la defense . 3 . Pour sauvegarder les droits de la defense dans la procedure administrative , il suffit que les entreprises soient informees des elements de fait essentiels sur lesquels sont fondes les griefs ; l ' obligation est remplie meme si la decision attaquee contient des rectifications , a la suite d ' alements fournis par les interesses , en cours de procedure . 4 . L ' article 9 , paragraphe 4 , du reglement n . 99/63 vise a garantir aux personnes entendues la conformite du proces-verbal avec leurs declarations . Une communication tardive des proces-verbaux d ' audition aux entreprises inculpees ne peut avoir des effets sur la legalite de la decision qu ' en cas de reproduction inexacte des declarations . 5 . Une notification irreguliere ne vicie pas l ' acte notifie elle est susceptible dans certaines circonstances d ' empecher que le delai de recours commence a courir . Tel n ' est pas le cas lorsque la requerante a eu complete connaissance du texte de la decision . 6 . Pour remplir sa fonction , un delai de prescription doit etre fixe a l ' avance par le legislateur . 7 . Si les textes regissant le pouvoir de la commission d ' infliger des amendes en cas d ' infraction aux regles communautaires ne prevoient aucune prescription , l ' exigence fondamentale de la securite juridique s ' oppose a ce que la commission puisse retarder indefiniment l ' exercice de son pouvoir d ' infliger des amendes . 8 . Par sa nature meme , la pratique concertee ne reunit pas tous les elements d ' un accord , mais peut notamment resulter d ' une coordination qui s ' exteriorise par le comportement des participants . si un parallelisme de comportement ne peut etre a lui seul identifie a une pratique concertee , il est cependant susceptible d ' en constituer un indice serieux , lorsqu ' il aboutit a des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marche , compte tenu de la nature des produits , de l ' importance et du nombre des entreprises , du volume du marche considere . tel est notamment le cas lorsque le comportement parallele est susceptible de permettre aux interesses la recherche d ' un equilibre des prix a un niveau different de celui qui aurait resulte de la concurrence , et la cristallisation de

situations acquises au detriment de la liberte effective de circulation des produits dans le marche commun et du libre choix par les consommateurs de leurs fournisseurs . 9 . La fonction de la concurrence en matiere de prix est de maintenir les prix au niveau le plus bas possible et de favoriser la circulation des produits entre les etats membres en vue de permettre ainsi une repartition optimale des activites en fonction de la productivite et de la capacite d ' adaptation des entreprises . le comportement independant et non uniforme des entreprises dans le marche commun favorise la poursuite d ' un des buts essentiels du traite , c ' est-a-dire l ' interpenetration des marches nationaux et , par la , l ' acces direct des consommateurs aux sources de production de toute la communaute . 10 . S ' il est loisible a chaque producteur de modifier librement ses prix et de tenir compte a cet effet du comportement , actuel ou previsible , de ses concurrents , il est en revanche contraire aux regles de concurrence du traite qu ' un producteur coopere avec ses concurrents , de quelque maniere que ce soit , pour determiner une ligne d ' action coordonnee relative a un mouvement de prix , et pour en assurer la reussite par l ' elimination prealable de toute incertitude quant au comportement reciproque relatif aux elements essentiels de cette action , tels que taux , objet , date et lieu de tels mouvements . 11 . Lorsqu ' une societe etablie dans un etat tiers , en se prevalant de son pouvoir de direction sur ses filiales etablies dans la communaute , fait appliquer par celles-ci une decision de hausse de prix dont la realisation uniforme avec d ' autres entreprises constitue une pratique interdite par l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite cee , le comportement des filiales doit etre impute a la societe mere . aux fins de l ' application des regles de concurrence , l ' unite du comportement sur le marche de la societe mere et de ses filiales prime sur la separation formelle entre ces societes , resultant de leur personnalite juridique distincte . 12 . L ' absence d ' un argument relatif a la justification de la competence de l ' administration communautaire n ' est pas de nature a entraver le controle du bien-fonde de ses actes . l ' administration communautaire n ' est pas tenue d ' exposer dans ses decisions tous les arguments qu ' elle pourrait par la suite invoquer pour s ' opposer aux moyens d ' illegalite qui seraient souleves a l ' encontre de ses actes .

Dans l ' affaire 48-69 imperial chemical industries ltd . ( ci-apres denommee ici ) , ayant son siege a londres et a manchester , assistee et representee par mes c.r.c . Wijckerheld bisdom et b . H . Ter kuile , avocats pres le hoge raad des pays-bas , ayant elu domicile a luxembourg aupres de me j . Loesch , avocat , 2 , rue goethe , partie requerante , contre commission des communautes europeennes , representee par ses conseillers juridiques mm . J . Thiesing , g . Marchesini et j . Griesmar , en qualite d ' agents , assistes de

m . Le professeur w . Van gerven , ayant elu domicile a luxembourg aupres de son conseiller juridique , m . E . Reuter , 4 , boulevard royal , partie defenderesse ,

ayant pour objet une demande en annulation de la decision de la commission du 24 juillet 1969 , publiee au journal officiel des communautes europeennes n . L 195 du 7 aout 1969 , p . 11 et suiv . , et relative a une procedure au titre de l ' article 85 du traite cee ( iv/26.267 - matieres colorantes ) ,

1 . Attendu qu ' il est constant que , de janvier 1964 a octobre 1967 , trois hausses generales et uniformes des prix des matieres colorantes ont eu lieu dans la communaute ; 2 . Qu ' entre le 7 et le 20 janvier 1964 , une hausse uniforme de 15 % des prix de la plupart des colorants a base d ' aniline , a l ' exclusion de certaines categories , a eu lieu en italie , aux pays-bas , en belgique et au luxembourg , ainsi que dans certains pays tiers ; 3 . Que le 1er janvier 1965 une hausse identique est intervenue en allemagne ; 4 . Que , le meme jour , la quasi-totalite des producteurs ont applique dans tous les pays du marche commun , a l ' exception de la france , une augmentation uniforme de 10 % du prix des colorants et des pigments exclus de la hausse de 1964 ; 5 . Qu ' a la suite de la non-participation de la societe acna a la hausse de 1965 sur le marche italien , les autres entreprises n ' ont pas maintenu le relevement annonce de leurs prix sur ce marche ; 6 . Que vers la mi-octobre 1967 , a l ' exception de l ' italie , une hausse de tous les colorants a ete appliquee par presque tous les producteurs , de 8 % en allemagne , aux pays-bas , en belgique et au luxembourg et de 12 % en france ; 7 . Qu ' en relation avec ces hausses , par decision du 31 mai 1967 , la commission a engage , en application de l ' article 3 du reglement n . 17/62 , une procedure d ' office pour violation presumee de l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite cee contre dix- sept producteurs de matieres colorantes etablis dans et en dehors du marche commun , ainsi que contre de nombreuses filiales et representants de ces entreprises ; 8 . Que , par decision du 24 juillet 1969 , la commission a constate que ces hausses etaient le resultat de pratiques concertees , en violation de l ' article 85 , paragraphe 1 , du traite , entre les entreprises - badische anilin - und soda-fabrik ag ( basf ) de ludwigshafen , - cassella farbwerke mainkur ag de francfort-sur-le-main , - farbenfabriken bayer ag de leverkusen , - farbwerke hoechst ag de francfort-sur-le-main , - sa francaise des matieres colorantes de paris - azienda colori nazionali affini s.p.a . ( acna ) de milan , - ciba sa de bale , - j . R . Geigy sa de bale , - sandoz sa de bale , et - imperial chemical industries ltd , ( ici ) de manchester ; 9 . Qu ' en consequence , elle a inflige une amende de 50.000 unites de compte a chacune de ces entreprises , a l ' exception d ' acna dont l ' amende a ete fixee a 400.000 unites de compte ;

10 . Que , par requete deposee au greffe de la cour le 1er octobre 1969 , l ' entreprise imperial chemical industries ltd . A introduit un recours contre cette decision ; moyens de procedure et de forme quant aux moyens concernant la procedure administrative […] moyens de fond sur l ' existence de pratiques concertees […] sur la competence de la commission 125 . Attendu que la requerante dont le siege social est en dehors de la communaute soutient que la commission n ' a pas competence pour lui infliger des amendes en raison des seuls effets produits dans le marche commun par des actes qu ' elle aurait commis a l ' exterieur de la communaute ; 126 . Attendu que , s ' agissant d ' une pratique concertee , il convient d ' abord de savoir si le comportement de la requerante s ' est manifeste dans le marche commun ; 127 . Qu ' il resulte de ce qui precede que les hausses litigieuses ont ete operees dans le marche commun et concernaient la concurrence entre producteurs operant dans celui-ci ; 128 . Que , des lors , les actions en raison desquelles l ' amende litigieuse a ete infligee constituent des pratiques realisees directement a l ' interieur du marche commun ; 129 . Qu ' il ressort de ce qui a ete dit a l ' occasion de l ' examen du moyen relatif a l ' existence des pratiques concertees , que la societe requerante a decide des hausses des prix de vente de ses produits aux utilisateurs dans le marche commun , hausses ayant un caractere uniforme par rapport aux hausses decidees par les autres producteurs en cause ; 130 . Qu ' en se prevalant de son pouvoir de direction sur ses filiales etablies dans la communaute , la requerante a pu faire appliquer sa decision sur ce marche ; 131 . Attendu que la requerante objecte que ce comportement est le fait de ses filiales et non d ' elle-meme ; 132 . Attendu que la circonstance que la filiale a une personnalite juridique distincte ne suffit pas a ecarter la possibilite que son comportement soit impute a la societe mere ; 133 . Que tel peut etre notamment le cas lorsque la filiale , bien qu ' ayant une personnalite juridique distincte , ne determine pas de facon autonome son comportement sur le marche , mais applique pour l ' essentiel les instructions qui lui sont imparties par la societe mere ; 134 . Que , lorsque la filiale ne jouit pas d ' une autonomie reelle dans la determination de sa ligne d ' action sur le marche , les interdictions edictees par l ' article 85 , paragraphe 1 , peuvent etre considerees comme inapplicables dans les rapports entre elle et la societe mere , avec laquelle elle forme une unite economique ; 135 . Qu ' en consideration de l ' unite du groupe ainsi forme , les agissements des filiales peuvent , dans certaines circonstances , etre rattaches a la societe mere ; 136 . Attendu qu ' il est notoire que la requerante detenait a l ' epoque la totalite ou , en tout cas , la majorite du capital de ces filiales ; 137 . Que la requerante pouvait influencer de maniere determinante la politique des prix de vente de ses filiales dans le

marche commun et qu ' elle a utilise en fait ce pouvoir a l ' occasion des trois hausses de prix dont il est question ; 138 . Qu ' en effet , les telex relatifs a la hausse de 1964 , que la requerante avait adresses a ses filiales dans le marche commun , determinaient de maniere imperative pour leurs destinataires les prix et les autres conditions de vente que celles-ci devaient pratiquer a l ' egard de leurs clients ; 139 . Qu ' a defaut d ' indications contraires , il convient de penser qu ' a l ' occasion des hausses de 1965 et de 1967 la requerante n ' a pas agi autrement dans ses rapports avec ses filiales etablies dans le marche commun ; 140 . Que , dans ces conditions , la separation formelle entre ces societes , resultant de leur personnalite juridique distincte , ne pourrait s ' opposer a l ' unite de leur comportement sur le marche aux fins de l ' application des regles de concurrence ; 141 . Qu ' ainsi , c ' est bien la requerante qui a realise la pratique concertee a l ' interieur du marche commun ; 142 . Qu ' il y a donc lieu de declarer que le moyen d ' incompetence souleve par la requerante n ' est pas fonde ; 143 . Attendu que la requerante excipe du caractere incomplet de la motivation de la decision en ce qu ' elle n ' aurait pas fait etat du lien existant entre la societe mere et ses filiales pour justifier la competence de la commission ; 144 . Attendu que l ' absence d ' un argument relatif a la justification de cette competence n ' est pas de nature a entraver le controle du bien-fonde de la decision ; 145 . Que , d ' ailleurs , la commission n ' est pas tenue d ' exposer dans ses decisions tous les arguments qu ' elle pourrait par la suite invoquer pour s ' opposer aux moyens d ' illegalite qui seraient souleves a l ' encontre de ses actes ; 146 . Que , des lors , cette exception n ' est pas fondee ; sur l ' amende 147 . Attendu que , compte tenu du nombre et de l ' importance des interventions de la requerante dans les pratiques illicites , des consequences de celles-ci quant a la realisation du marche commun des produits en cause , le montant de l ' amende est adequat a la gravite de la violation des regles de concurrence communautaires ;

148 . Attendu qu ' aux termes de l ' article 69 , paragraphe 2 , du reglement de procedure , toute partie qui succombe est condamnee aux depens ; 149 . Que la partie requerante a succombe en ses moyens ; 150 . Qu ' elle doit donc etre condamnee aux depens ;

la cour , rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires , declare et arrete : 1 ) le recours est rejete ; 2 ) la partie requerante est condamnee aux depens de l ' instance . (© European Communities, 2001 All rights reserved)

III) La protection des intérêts privés face aux pratiques du groupe international

1) Paris, 22 mai 1965, Fruehauf, JCP 1965, II, 14274 bis, concl. Nepveu.2) Institut de droit international, Session de Lisbonne, août-septembre 1995, proposition sur

les obligations des entreprises mutinationales et leurs sociétés membres, Rev. crit. 1996, 383 et s.

3ème Séance de TravauxLes groupes internationaux de sociétés

Quelques questions…

- Définition du groupe de sociétés ?- Le groupe de sociétés : rattachement unitaire ou pluraliste ?- Pourquoi parle t’on également de groupe « multinational » pour désigner un groupe de

sociétés ?- Définition de la notion de « prix de transfert » ?- Que caractérise l’expression : « lien d’affiliation ou de domination » ?- Existe -t’il une nationalité du groupe de société et si oui laquelle ?

Un groupe de sociétés – éventuellement interne – mais le plus souvent international se caractérise par la réunion d’un ensemble de sociétés, donc de personnes morales distinctes et juridiquement indépendantes les unes des autres, en une seule et même unité économique parce qu’obéissant à une unité opérationnelle, stratégique, et/ou financière.En outre, le groupe est gouverné par un principe de hiérarchie ou « de domination qui se traduit par le pouvoir d’une ou plusieurs sociétés d’organiser le processus d’élaboration des décisions d’autres sociétés » (M. Menjucq). Cependant, en dépit de son unité économique, le refus d’une approche unitaire ou « fédératrice » du groupe, a conduit le droit commercial international à considérer distinctement chaque société y appartenant. Aussi, le groupe est-il soumis à une multitude de lois nationales en fonction de la localisation des sociétés qui le compose et ne peut prétendre à une nationalité unique. Chaque société a sa propre nationalité et se trouve régie par une loi distincte, en fonction du lieu où celle-ci se trouve établie. A comparer la position française avec celle du droit allemand qui dispose d’une législation en matière de groupe, celle-ci peut paraître peu moderne. Toutefois, elle a pour avantage de respecter une certaine logique juridique dans la mesure où elle n’anéantit pas totalement le principe d’indépendance et d’autonomie de la personnalité juridique. Par ailleurs, si le droit international privé ne traduit pas en tant que tel l’unité économique du groupe, certaines dispositions ou décisions prennent parfois en considération – de façon certes ponctuelle – l’existence du groupe en lui-même (il en est ainsi en droit fiscal, en droit de la concurrence…).On perçoit d’ors et déjà l’intérêt de constituer un groupe de sociétés. En implantant des filiales dans différents Etats, le groupe peut bénéficier indirectement à travers cette filiale de la législation locale réservée le plus souvent aux sociétés locales et dans bon nombre de cas, il est également un «  outil fiscal », laquelle fiscalité joue un rôle important et conduit à un effet de concurrence des droits.

1. Le groupe international de sociétés, outil d’évasion fiscale

La fiscalité des groupes de sociétés a traditionnellement oscillé entre deux attitudes  : considérer isolément chacune des personnalités juridiques distinctes composant le groupe, ou au contraire reconnaître l’existence fiscale du groupe. La première attitude constitue le principe et ce n’est qu’à titre d’exception que le groupe international est appréhendé comme un ensemble économique et cohérent.

- En principe, chaque société du groupe est considérée, en droit fiscal français, comme étant résidente fiscale de l’Etat sur le territoire duquel elle a son siège social.

Ainsi, chacune d’entre elles est soumise à l’impôt sur les bénéfices selon la législation en vigueur dans l’Etat sur le territoire duquel elle réside et uniquement sur le territoire de celle-ci, dès lors qu’elle est implantée sur le territoire d’un Etat avec lequel la France a conclu une «  Convention modèle OCDE » tendant à éviter les doubles impositions. Cette imposition distincte de chacune des sociétés est, selon certains (M. Menjucq notamment), source « d’optimisation fiscale » ou, différemment dit, une incitation à l’évasion fiscale par le biais de la création de filiale à l’étranger. En outre, cela permet

également à des sociétés de consentir des aides, des abandons de créances (donc d’accroître les pertes de la société créancière), ou des subventions, lesquels sont autant de moyen de financer une filiale autrement que par une augmentation de capital, mais ils permettent également de jouer sur les résultat des sociétés en localisant les bénéfices dans un Etat plutôt que dans un autre.

Toutefois, le système fiscal français tient compte dans un certain nombre de cas de l’existence du groupe de sociétés afin de retenir des solutions en adéquation avec la situation économique concernée. Ainsi, peut-on citer à titre d’exemple, l’article 209 quinquies du CGI qui autorise les sociétés agrées à cet effet par le Ministre de l’Economie et des Finances à retenir l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes et indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger, pour l’assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices. Cet article, issu d’une loi de 1965, a constitué une petite révolution car il a permis pour la première fois une intégration fiscale des groupes, en créant en outre une exception radicale aux règles de territorialité qui régissent l’imposition des entreprises.Mais cette disposition n’est pas isolée, le Code Général des Impôts connaît d’autres dispositions qui tiennent également compte de l’existence du groupe de sociétés, il en est ainsi de l’article 57 du CGI en matière de prix de transfert, ou encore des articles 209B et 238A du CGI.

- Les exceptions :

* Prix de transfert : art. 57 CGI :

Cette expression désigne le prix des transactions intra-groupes. Cette pratique est destinée à faciliter la localisation des bénéfices dans la ou les sociétés choisies à l’intérieur du groupe. Il est en effet difficile de déterminer à quel prix une société mère ou filiale doit facturer ses produits ou services à une autre société du groupe. Le principe retenu par les pays de l’OCDE depuis 1979 est celui de la pleine concurrence. Il prévoit que les transactions entre les sociétés d’un même groupe doivent s’effectuer au même prix qu’une transaction similaire entre des entreprises semblables mais indépendantes. Toutefois, les difficultés d’application de ce principe ont conduit les Etats membres de l’OCDE à adopter un accord en 1995 destiné à assouplir le principe et reconnaissant la méthode dite du « prix comparable » en vertu de laquelle, un groupe international doit réaliser dans l’Etat concerné un profit comparable, compte tenu de ses spécificités, à celui des ses concurrents dans les mêmes circonstances. A défaut de respecter de telles solutions, le droit fiscal français – pris en son article 57 du CGI – dispose d’une possibilité de redressement, sous contrôle du juge, des résultats déclarés par les sociétés françaises relevant de l’impôt sur le revenu ou passibles de l’impôt sur les sociétés qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France. Ces dispositions sont très voisines de celles de l’article 9 de la Convention modèle OCDE. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs admis à plusieurs reprises la compatibilité entre les dispositions internationales et internes, sur le fondement de la faible différence de formulation entre ces deux textes, permettant de leur donner la même interprétation. Reste à savoir, si cette jurisprudence sera maintenue en présence de l’accord de 1995… ?

* Les sociétés implantées dans un pays au « régime fiscal privilégié » : les art. 209B et 238A du CGI

De façon générale, l’article 209B régit notamment le problème de la circulation des profits au sein du groupe et celui de leur imposition. Plus précisément, ceux-ci peuvent circuler de trois façons  : soit lorsqu’une des sociétés du groupe, établie en France, appréhende des revenus d’exploitation directe (c’est-à-dire de succursales ou d’établissements situés hors de France), soit des revenus d’exploitations indirectes (une filiale décide de distribuer ses bénéfices, ce qui donne lieu à versement de dividendes), enfin elle peut également réaliser des plus-values lors des cessions de titres de participation. Dans ce dernier cas, lorsque l’on constate une plus-value réalisée par une société française, celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés en fonction de la durée de leur détention. Elles sont également imposables en France, le cas échéant, lorsqu’elles sont réalisées par une société holding installée dans un pays à régime fiscal privilégiée et soumise à ce titre aux disposition de l’article 209B.En effet, sur le fondement de cette dernière disposition, il est possible d’imposer en France les résultats bénéficiaires de sociétés soumises à une fiscalité privilégiée, notamment lorsque celle-ci sont contrôlées, directement ou indirectement, à plus de 10% par une société française. Ces dispositions ne s’appliquent pas si l’entreprise établit que les opérations de la société étrangère n’ont pas pour effet principal de permettre la localisation de bénéfices dans une entité dont la fiscalité est privilégiée.Concrètement, l’article 209B est susceptible de s’appliquer en particulier aux holdings situées dans des « paradis fiscaux » ou non protégées par une convention fiscale. L’administration fiscale estime en effet que les holdings ne peuvent, d’une façon générale, être considérées comme exerçant une activité

industrielle ou commerciale, et que leurs opérations peuvent être regardées comme ayant pour effet de localiser des bénéfices dans un pays à régime fiscal privilégié.Un point reste cependant non tranché concernant cette disposition. Il s’agit de savoir si cette disposition continue de s’appliquer en présence d’une convention fiscale…

2. L’appréhension du groupe de sociétés par le droit de la concurrence : v. les arrêts suivants…

- Cour de justice des Communautés européennes, 25 novembre 1971, Béguelin Import Co. contre S.A.G.L. Import Export. Affaire 22-71. Recueil de jurisprudence 1971 page 00949

- Cour de justice des Communautés européennes, 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries Ltd. contre Commission des Communautés européennes. Affaire 48-69. Recueil de jurisprudence 1972 page 00619

3. La protection des intérêts privés face aux pratiques du groupe international : Paris, 1964, Fruehauf   :

En droit, le groupe international de sociétés est placé sous le signe d’une pluralité de lois régissant aussi bien le lien d’affiliation entre les sociétés que les sociétés du groupe elle-même.

- Pluralité de lois régissant le lien d’affiliation :

Le lien d’affiliation qui consacre le pouvoir de domination d’une société sur une autre ne reçoit pas un traitement identique d’un Etat à un autre suivant qu’il existe ou non un droit des groupes de sociétés. Cependant, quelle que soit l’hypothèse, le lien d’affiliation reste régi par la loi de la société dominée.En l’absence de droit des groupes, le lien d’affiliation ne fait pas l’objet d’une réglementation juridique propre mais se manifeste par la reconnaissance d’une « communauté d’intérêts » des sociétés du groupe (notion consacrée notamment en matière d’abus de droit, v. notamment JP, Com., 1970, «   Cassegrain   » ) qui permet à la société mère d’effectuer certaines opérations au détriment d’une filiale dès lors qu’elle le fait dans l’intérêt du groupe (ainsi, dans l’affaire Rozemblum, Crim. 1985, l’intérêt du groupe permit d’écarter un abus de biens sociaux).En présence d’un droit des groupes de sociétés, comme dans la législation allemande par exemple, le rapport de domination est gouverné par des règles propres, soit dans le cadre d’un contrat, soit en dehors de toute relation contractuelle. Ainsi, en présence d’un contrat de domination, la réglementation allemande des groupes prévoit qu’en contrepartie du droit d’accomplir des actes contraires à l’intérêt de la filiale ou niant son autonomie juridique, la société mère a l’obligation de combler annuellement les déficits des sociétés qu’elle contrôle et d’assurer la protection des associés externes au groupe.Loi applicable au lien d’affiliation. Le problème de la loi applicable à ce rapport de domination est difficile devant la pluralité de lois ayant potentiellement vocation à s’appliquer. Il est en effet possible de faire prévaloir soit la loi de la société mère soit celle de la filiale. Tout dépend en réalité de l’objectif à atteindre : soit on donne la préférence à l’unité et l’intérêt du groupe, et alors, il fort probable que ce soit la loi de la société mère – dominante – qui s’imposera, soit on veut protéger l’intérêt des créanciers et surtout celui des associés minoritaires extérieurs au groupe et la discussion est alors beaucoup plus ouverte.Dans ce dernier cas il est en effet possible de retenir : la loi de la filiale, ou encore la loi de la société mère ou de la filiale selon que la société est soumise à une réglementation sur les groupes de sociétés. Dans ce dernier cas, il faudra donner application à celle loi même s’il s’agit de la loi de la société dominante. A supposer que tel ne soit pas le cas, il conviendrait alors de soumettre la question à la loi de la société dominée. Enfin, il serait également possible de retenir l’ensemble du fond des lois en conflits afin d’en déduire une solution originale découlant d’une analyse comparative et synthétique… On l’aura compris les auteurs sont partagés ! Et le débat sur ce point se résume vulgairement à la délicate question de savoir quels sont les intérêts à protéger : ceux des « faibles » ou actionnaires minoritaires du groupe ou au contraire ceux du groupe en lui-même ? La question est difficile et la

réponse encore plus, tant l’équilibre des intérêts en présence est fragile et conduit à faire une balance entre d’une part, un rattachement modérément avantageux mais certain et d’autre part, un rattachement supérieurement protecteur mais beaucoup plus susceptible de disparaître…

- Pluralité de lois régissant les sociétés du groupe :

La conception unitaire ou économique du groupe de sociétés postule en faveur d’un rattachement unitaire. En d’autres termes, l’unité du groupe imposerait la compétence d’une seule et même loi, laquelle serait applicable à l’ensemble du groupe (soit au lien de domination ou filiation, à la constitution et au fonctionnement de chaque société du groupe) peu important finalement la localisation et le rattachement spécifique à chacune des sociétés le constituant.Et, pourtant, la loi de la filiale s’impose, conduisant à une pluralité de lois dans le groupe. A analyser de plus près le rattachement retenu on se rend compte que celui-ci est en fait censé répondre à un objectif fondamental des droits européens et occidentaux des sociétés qu’est celui de la protection des associés. Or pour répondre à cet impératif, la loi de la filiale apparaît comme étant la plus à même de répondre à cet objectif. En effet, il est probable que la lex societatis de la filiale soit aussi la loi nationale des associés minoritaires, d’où leur meilleure connaissance de celle-ci (considération « proximiste », propre à la règle de conflit de lois). De plus, on ne voit pas vraiment en quoi la loi de la société mère – dominante serait la garantie d’une protection supérieure des minoritaires. L’affaire Fruehauf en est une illustration.Cette jurisprudence est riche d’enseignements :Elle rappelle tout d’abord que le centre de décision peut être extérieur au siège social d’une société.Ensuite, elle montre bien que seul le droit local (en l’espèce français) et la nomination subséquente d’un administrateur provisoire ont permis de protéger les actionnaires minoritaires dont l’intérêt eût été sacrifié si le droit américain avait été effectivement appliqué. Ainsi, l’application de la loi de la filiale ou de la société dominée se révèle avantageux au regard de l’objectif de protection des intérêts dits minoritaires.Enfin, elle montre également l’intérêt que le groupe soit gouverné non par une seule et même loi, mais par une pluralité de lois. L’approche pluraliste permet ainsi de saisir et d’appréhender toute la complexité du problème. Il serai tentant d’ajouter, de façon « plus philosophique » que, finalement, « c’est dans la diversité et la différence que se trouve la richesse ».

4. Les opérations auxquelles peuvent donner lieu une société isolée ou appartenant à un groupe de sociétés…

- Le transfert du siège : v. JP, CCRMA (fiche TD n°2) à rapprocher de la JP Daily Mail, CJCE 1988 : Une opération impraticable en raison des obstacles juridiques et, principalement, fiscaux, mais peut être facilitée avec la création de la société européenne (par le règlement CE 20 décembre 2000).- Les fusions de sociétés transfrontières : une opération en principe réalisable, mais en pratique difficilement réalisable pour des raisons également fiscales.

Droit du commerce internationalTravaux dirigés

Fiche n° 4

Le contrat internationalI) Règles de conflit de lois

Le droit des conflits de lois en matière contractuelle a été rénové par la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (v. Recueil de documents). Applicable aux contrats conclus après son entrée en vigueur (1er avril 1991), cette convention consacre, en les encadrant, un certain nombre de solutions déjà éprouvées par la jurisprudence française antérieure. Il sera bon de consulter cette jurisprudence et les commentaires doctrinaux qu’elle a suscités pour comprendre les tenants et les aboutissants des solutions

conventionnelles désormais en vigueur (v. doc. 1 à 4). Ce faisant vous vous attacherez essentiellement, à ce stade, à vérifier si et dans quelle mesure ces jurisprudences, classiques en France, sont transposées dans la convention récente.

1) Cass. civ. 5 déc. 1910, American trading c°, Grands arrêts, 4ème éd. 2001, n° 112) Cass. civ. 21 juin 1950, Messageries Maritimes, Grands arrêts, n° 223) Cass. civ. 1, 6 juil. 1959, Fourrures Renel, Grands arrêts, n° 354) CE, Ass., 29 juin 1973, Cie internationale des wagons-lits, Grands arrêts, n° 53

La convention de Rome commence a donner lieu elle-même a une jurisprudence significative, en France comme dans les autres Etats de la CE où elle est en vigueur (pour un panorama européen, v. le site Internet : http://www.rome-convention.org [en anglais]). Indiquez si l’arrêt ci-dessous vous paraît conforme à la solution qui résulterait d’une interprétation de la convention à la lumière de la jurisprudence française antérieure à son entrée en vigueur.

5) Cass., 1ère civ., 18 Juil. 2000, Bismuth c/ Association L'Avenir Sportif de La Marsa et Société Olympique de Marseille, JDI 2001, 97, n. E. Loquin et G. Simon.

II) Droit substantiel

Indépendamment de la délicatesse de la mécanique conflictuelle, qui peut donner lieu à des surprises quant au droit applicable au contrat international, on a reproché à la règle de conflit de conduire nécessairement à l’application d’une loi nationale conçue initialement essentiellement en considération des rapports purement internes. Les opérateurs du commerce international ont réclamé des règles matérielles adaptées aux contrats internationaux. Ces revendications ne sont pas restées sans réponse. Les Etats ont occasionnellement adapté leur droit national lorsqu’il vise des opérations internationales de façon à leur fournir un règlement satisfaisant (Doc. xx). Des conventions internationales ont dans certains cas été négociées (v., spécialement, la convention des Nations-Unies sur le contrat de vente internationale de marchandise - Vienne, 11 avril 1980 – Recueil de documents). Par le biais de l’arbitrage et avec le soutien de certaines organisations internationales, des usages et principes du commerce international se sont progressivement fait jour. Les principes d’Unidroit, relatifs aux contrats du commerce international (v. Recueil de documents ; adde, site Internet d’Unidroit : http://www.unidroit.org ) donnent un exemple très pratique d’une telle construction. Notez, dans les documents ci-après, comme se constitue un véritable droit substantiel extra-étatique des contrats internationaux. Tentez de concevoir comment ces règles substantielles cohabitent avec les règles de conflit de lois et avec les droits substantiels internes (v. spéc. doc. 3).

A) Les clauses monétaires

V. Cass. civ. 21 juin 1950, Messageries Maritimes, Grands arrêts, n° 22 (doc. I-2)

B) Le hardship

A) V. Articles 6.2.1 à 6.2.3 des principes d’UnidroitB) Cour d’arbitrage de la chambre de commerce internationale (Paris), 5 mai 1997, Ministry

of Defense and Support for the Armed Forces of the Islamic Republic of Iran v. Cubic Defense Systems, Inc., Rev. dr. unif., 1999, 1014-1015.

C) Cour d’arbitrage de la chambre de commerce internationale (Paris), Sentence # 8873, 1997, JDI 1998, 1017, obs. D. H.

C) L’atténuation du préjudice

D) V. Articles 7.4.8. des principes d’Unidroit

E) Commission d’indemnisation des Nations Unies pour les pertes résultant de l’invasion et de l’occupation du Koweït par l’Irak, 23 sept. 1997, Governments and International Organizations with Claims Arising out of Iraqi Invasion of Kuwait, Rev. dr. unif. 1997, 814-815.

Résumé de la 4ème Séance de Travaux Dirigés

Le contrat international

Quelques questions…

- Dates de signature et d’entrée en vigueur de la Convention de Rome relative aux obligations contractuelles ?

- Définition du subjectivisme- Définition du positivisme- Que faut-il comprendre par convention de portée ou d’application universelle ?- Apport des 4. 1ers arrêts cités dans la fiche- Cohérence ou incohérence de la JP Bismuth ?- Distinction entre la notion de loi d’application immédiate et celle de loi de police.- Structure de l’article 4 de la Convention de Rome ?

1. Le conflit de lois en matière de théorie générale des obligations ou le dispositif général de la Convention de Rome vu à la lumière de la jurisprudence antérieure   :

Le droit international privé, et plus spécialement, le conflit de lois s’intéresse non pas tellement à résoudre le litige au fond mais bien plus à la technique conflictuelle – en d’autres termes à la règle de conflit de lois – qui permettra de désigner la loi qui aura alors vocation à le résoudre. Aussi est-ce pour cette raison que, sans rentrer dans le détail du problème au fond, le droit international privé cherche avant tout à réunir les divers ordres juridiques étatiques autour des caractéristiques générales de la situation juridique en cause afin de préserver l’harmonie d’une « communauté juridique » des Etats, pour reprendre l’expression de Savigny.

Plus spécifiquement, en matière de contrat international, la doctrine et la jurisprudence se sont trouvés longtemps partagés autour, principalement, de deux théories : celle du subjectivisme d’une part, et celle de l’objectivisme, d’autre part.Selon les auteurs « subjectivistes », la désignation du droit applicable au contrat dépend exclusivement de la volonté des cocontractants. Le contrat international est alors considéré comme l’expression suprême de la volonté des parties, et n’a donc pas à subir quelque revendication qu’elle soit d’un ordre juridique étatique. Dès lors, le contrat n’est pas soumis à une loi, mais celle-ci est incorporée dans le contrat. En d’autre terme, cette position emporte inéluctablement contractualisation de la loi et les parties sont libres à son égard soit de s’y référer, soit de l’écarter purement et simplement, soit encore de procéder à une sélection ou panachage de lois appartenant à divers ordres juridiques…Inversement la théorie objectiviste, afin principalement de ménager la hiérarchie des normes, affirme qu’une loi ne saurait être l’objet de stipulations contractuelles. Et si les parties sont libres, cette liberté leur permet non pas d’adopter une loi mais de s’y soumettre éventuellement. La volonté des parties n’est alors qu’un médiateur, un canal par lequel une loi peut éventuellement être compétente. Elle permet ainsi de localiser le contrat dans un ordre juridique donné. Les parties ne peuvent donc écarter certaines dispositions, ni même réaliser un métissage, ni même prétendre avoir conclu un contrat sans loi. Enfin à défaut de choix de la loi applicable, le contrat est localisé au moyen de la technique du faisceau d’indices, lesquels sont hiérarchisés entre les indices fortement et faiblement localisateurs (tels les lieux d’exécution, de conclusion du contrat, la nationalité des parties, la langue du contrat, etc…)

Désormais cette discussion n’a plus d’importance réelle dans la mesure où la Convention de Rome règle la question de la loi applicable au contrat en optant pour une approche mixte du problème. Caractérisée par un subjectivisme modéré selon certains auteurs, on pourrait également considérer que cet instrument international se caractérise par un objectivisme modéré… Sans tergiverser plus avant, on peut d’ors et déjà constaté à ce stade de l’étude que la Convention de Rome laisse une part essentielle à l’autonomie de la volonté (art. 3) tout en envisageant divers autres cas dans lesquels elle

définit des règles de conflit spécifiques destinées à localiser le contrat dans un ordre juridique donné (art. 4) ou à respecter l’impérativité de certaines politiques législatives (art. 5 à 7).

a) « Principes généraux »

- l’article 3 de la Convention de Rome

Aux termes de l’article 3 de la Convention de Rome, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». La Convention consacre ainsi le principe de l’autonomie de la volonté déjà bien connue lors de son adoption dans les divers droits internes des Etats contractants. Elle écarte ainsi, et dans une certaine mesure, la théorie objectiviste, dans la mesure où la loi désignée par les parties correspond à un choix réel de la part des parties. Elle ne sert donc pas seulement à localiser le contrat avec le concours d’autres indices. Mais, par ailleurs, elle n’en est pas pour autant incorporée dans le contrat puisque celui-ci est « régi » par cette loi. Le choix ici visé constitue donc un véritable choix de droit international privé. Le principe de l’autonomie de la volonté simple à comprendre en lui-même laisse cependant subsister un certain nombre d’interrogations : quant à la loi qui peut être choisie et, par ailleurs, quant au choix en lui-même.

* Les interrogations quant à la loi qui peut être choisie : - Doit-elle être une loi étatique ou peut-elle être non -étatique ? (Sur ce point : v. les discussions relatives à la Lex Mercatoria ainsi que le parallèle avec la JP. Civ. 1950, «   Messageries Maritimes   » ou la condamnation du contrat sans loi).- Par ailleurs, la loi choisie par les parties doit-elle présenter un lien avec le contrat  ? Sur cette dernière question, il est permis d’affirmer que rien ne laisse sous-entendre dans la Convention que la loi choisie par les parties doive présenter un lien quelconque avec le contrat. Aussi, les parties peuvent-elles choisir n’importe quelle loi, sans même avoir à justifier les raisons de leur choix. C’est seulement lorsque le contrat est purement interne, c’est-à-dire lorsque « tous les éléments de la situation sont localisés au moment du choix dans un seul pays » que le choix par les parties d’une loi étrangère, assorti ou non de celui d’un tribunal étranger, ne peut porter atteinte aux dispositions impératives de ce pays (article 3 §3).- En outre, le dépeçage étant admis par la Convention de Rome, la question se pose de savoir si les parties peuvent elles même procéder au dépeçage en soumettant leur contrat pour partie à la loi d’un Etat A et pour une autre à celle d’un Etat B ? Sur ce point, la Convention répond à cette question en indiquant que par leur choix, « les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou une partie seulement de leur contrat » (art. 3 §1er, 2ème phrase). Si les parties ont désigné la loi applicable à une partie seulement de leur contrat, c’est alors au juge qu’il appartiendra de déterminer la loi objectivement compétente pour régir le reste du contrat, qui pourrait très bien ne pas correspondre à celle choisie par les parties : d’où le dépeçage. En d’autres termes, la Convention n’autorise pas directement et expressément les parties à pratiquer elle-même le dépeçage à moins que celui-ci ne soit cohérent. En effet, en cas de contradiction entre les solutions, le juge devrait alors rechercher la loi objectivement applicable afin d’obtenir la cohérence qui fait défaut.- Enfin, qu’en est-il si la loi choisie par les parties vient à être modifiée ultérieurement  ? Dans une telle situation, la loi choisie, n’étant plus incorporée au contrat, mais correspondant à un véritable choix de droit international privé, subit les aléas des réformes législatives… Et, à supposer que les parties ajoutent une clause dite de stabilisation en vertu de laquelle la loi choisie s’appliquerait dans sa teneur telle que connue au jour de la conclusion du contrat, ne correspondrait plus alors à un choix de DIP mais à un choix de droit matériel qui ne pourrait être considéré comme trouvant son fondement dans l’article 3 de la Convention de Rome. Elle exigerait alors de rechercher la loi objectivement applicable sur le fondement de l’article 4 puis de vérifier le sort que fait la loi normalement compétente, telle que désignée sur ce dernier fondement, à la clause de stabilisation.

* Les interrogations quant choix en lui-même : - D’abord, la question de la forme du choix est clairement réglée par l’article 3 puisqu’il dispose que le choix « doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ». Et, quand bien même les versions allemande et anglaise seraient plus souples dans leur formulation, l’esprit du texte reste inchangé. Il permet d’admettre un choix tacite mais certain et d’éliminer ainsi un choix implicite créateur de risque d’arbitraire et donc d’insécurité et d’imprévisibilité juridiques pour les parties.- Ensuite, une autre question se pose quant au moment du choix. En principe, le choix se fait au moment même de la conclusion du contrat. Mais qu’en est-il d’un choix postérieur à la conclusion du contrat ? Celui-ci est également admis puisque l’article 3 prévoit qu’il puisse intervenir à tout moment.

Dès lors qu’il intervient postérieurement à la conclusion du contrat, la loi choisie régit rétroactivement le contrat, à l’exception toutefois de deux limites. La 1ère exige que si le contrat était valable quant à la forme (selon l’une des lois désignées par l’article 9), le choix tardif ne peut affecter la validité formelle du contrat. Et la 2nde, requiert que le choix tardif ne porte pas atteinte aux droits des tiers.- Enfin l’article 3 §4 soumet le contrat de choix de la loi applicable à la même loi que le contrat lui-même pour ce qui concerne l’existence et la validité du consentement, la forme et la capacité.

- l’article 4 de la Convention de Rome

A défaut de choix de la loi applicable le contrat est régi « par la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ». Aux termes de l’article 4, plusieurs points sont à retenir :- Quant à la structure de la disposition et plus spécifiquement quant à la présomption qu’elle pose (présomption réfragable puisque l’article 4 §5 consacre une clause dite « d’exception » permettant d’appliquer une autre loi que celle-ci objectivement désignée sur le fondement de l’art. 4 §2).- Sur la présomption en elle-même : 2 caractéristiques. La 1ère tient à la volonté « proximiste » qui marque cette disposition. Celle-ci est entendue ici au sens juridique du terme et c’est pour cette raison qu’elle se réfère à la prestation caractéristique du contrat laquelle sert à qualifier la relation juridique en cause (ou se définit encore comme étant celle pour laquelle le paiement est dû). En outre, elle est censée le mieux correspondre aux attentes ou prévisions légitimes des parties. (cf. JP, Civ. 1 ère , «   Bismuth   » sur la mise en œuvre de la présomption).

b) Les exceptions aux principes :

- La protection d’intérêts dits « catégoriels » : articles 5 et 6 en matière de contrat conclu par un consommateur ou de contrat de travail. (pour mémo)

- Les lois de police : article 7 §1 et §2 de la Convention de Rome

L’une des dispositions de la Convention de Rome prévoit sous certaines conditions que soit donné effet, concurremment avec la loi déclarée comme étant applicable, aux règles de police d’une autre loi, lorsque ces règles impératives se veulent applicables. « Cette intrusion de la méthode unilatéraliste dans un système dominé par des règles bilatérales se fait différemment, selon que ces règles de police appartiennent » à l’ordre juridique du for ou à un ordre juridique étranger.

* Les lois de police étrangères :

La caractéristique essentielle de ces dispositions, répondant pourtant à la même définition que celle caractérisant les lois de police du for – à savoir des dispositions d’application immédiate ayant pour vocation de sauvegarder les intérêts politiques, économiques ou sociaux d’un Etat – réside dans son mode d’application. En effet, contrairement aux lois de police du for, l’article 7 §1 er prévoit leur application mais conditionnelle. En d’autres termes, il faut que ces dispositions présentent des liens étroits avec la situation considérée. Toutefois, si cette dernière condition est nécessaire, elle n’est pas pour autant suffisante, puisque le for reste libre de prêter ou non main forte au système juridique en cause en tenant compte de sa nature et de son objet ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non -application. (NB : réflexion critique sur l’opportunité de laisser le for saisi juge d’une situation en fonction de critères dont il n’a pas la maîtrise, puisqu’il n’appartient par définition pas à l’ordre juridique dont est issue la disposition en cause).

* Les lois de police du for :

Il en est tout à fait différemment des lois de police du for, puisque celles-ci bénéficient d’une application inconditionnelle. Elles s’appliquent immédiatement. Le privilège qui leur est accordé est flagrant et se manifeste par la situation de « compétence liée » dans laquelle le juge se trouve, puisqu’il est priver de tout pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’appliquer des dispositions qualifiées comme telles.

(NB : sur la distinction entre loi de police et loi d’application immédiate : il s’agit des mêmes dispositions, à la différence toutefois que la 1ère expression renvoie plus à leur fonction, tandis que la seconde vise leur mode d’application).

c) La consécration de l’adage « Specialia generalibus derogant » par l’art. 22 : cf. résumé séance n°5.

2. L’articulation de la loi normalement compétente au fond avec des règles matérielles propres au commerce international

a) Le principe de liberté des clauses monétaires :V. Sur ce point la JP « Messageries maritimes » et le principe de liberté d’insertion de clause monétaire dès lors que le contrat est international. Cette solution introduit une distorsion entre le droit français interne et international en la matière, justifié par la recherche de souplesse propre aux relations commerciales internationales.

b) L’exemple des principes généraux d’Unidroit (spéc. en matière de hardship ou de minimisation du dommage) :

NB : attention ! L’ensemble des décisions insérées dans la fiche et admettant l’application de l’article 6.3.2 des principes Unidroit en la matière sont toutes d’origine arbitrale. Or, les principes Unidroit bien qu’appartenant au droit savant du commerce international (par opposition à la lex mercatoria – droit spontané) n’ont pas, jusqu’à décision judiciaire en sens contraire, une quelconque juridicité, à moins que les principes consacrés ne soient érigés en coutume du commerce international (parce que clairement identifié et présentant un caractère de répétitivité) et/ou ne trouvent un écho favorable dans les dispositions internes de l’ordre juridique étatique concerné… Aussi, convient-il de nuancer ces solutions spécifiques, parce qu’adoptées par des juridictions dont la fonction même est de rendre une justice appropriée au commerce international sans les contraintes d’un système juridique étatique auquel elles n’appartiennent pas par définition.

Droit du commerce internationalTravaux dirigés

Fiche n° 5

La vente internationale de marchandise

I) La coordination des instruments en matière de vente internationale de marchandise

V. J.-M. Jacquet, « Le droit de la vente international de marchandise : le mélange des sources », in Mélanges en l’honneur de P. Kahn, Litec 2000, 75 et s. (à consulter).

La vente est le contrat commercial par excellence, dans l’ordre interne comme dans l’ordre international. Dans ce dernier, on comprend que ce statut particulier a valu à la vente de constituer le domaine préférentiel des tentatives d’uniformisation du droit tant au plan des conflits de lois qu’au plan du droit matériel. Il en résulte un foisonnement d’instruments, variables par leur objet ou par leur source, dont certains ont acquis de nos jours une importance pratique considérable (Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable à la vente à caractère international d’objets mobiliers corporels ; Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; Convention des Nations-Unies relative au contrat de vente internationale de marchandise [Vienne, 11 avril 1980] ; Incoterms 2000 ; Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international… V. Recueil de documents). Vous tenterez pour commencer d’appréhender la combinaison de ces instruments à l’occasion d’une vente internationale donnée en résolvant le cas pratique ci-joint.

Cas Pratique

La Sté xx (siège social en France) a envoyé un bon de commande à la Sté yy (établie en Fédération de Russie), en vue de l’achat d’un lot de 10.000 emballages métalliques pour contact alimentaire. La Sté yy a confirmé par téléphone et par courrier parallèle son acceptation quant à la commande ainsi notifiée. Le courrier, envoyé par la poste par lettre simple n’est cependant jamais arrivé à son destinataire. La marchandise a été acheminée dans les conditions convenues mais à réception la Sté xx a constaté des défectuosités qu’elle a portées sans délai à la connaissance du vendeur, et a suspendu son paiement ; la Sté yy, estimant que les défauts constatés ne sont en fait d’aucune importance pour l’acheteur, réclame son paiement. La Sté yy a saisi le tribunal français désigné dans la clause attributive de juridiction figurant sur le bon de commande qu’elle avait reçu. Elle réclame le paiement de ce qui lui est dû en raison de l’exécution du contrat, augmenté des dommages-intérêts. La Sté yy s’oppose à ces prétentions en faisant valoir que :

1°) La loi russe, qui exige, à peine de nullité, la rédaction d’un écrit pour la conclusion d’un contrat de vente internationale, n’a pas été respectée en l’espèce.

2°) La convention du 11 avril 1980 permet au vendeur de suspendre le paiement du prix de la vente sans autorisation judiciaire en cas d’inexécution de l’obligation du vendeur.

Quelles sont les chances de succès de chacun de ces arguments ?

II) Le droit matériel de la vente internationale

La convention de Vienne (v. Recueil de documents) commence à recevoir des applications significatives dans les Etats où elle est en vigueur, ainsi que devant les arbitres. Vous pourrez consulter les informations sur ce texte et sur son application à travers le monde sur deux sites Internet importants : 1°) http://www.cisg.law.pace.edu 2°) http://witz.jura. u n i-sb.de/CISG .

Indépendamment de son contenu et des mérites qu’on peut (ou qu’on peut ne pas) lui trouver, l’un des grands intérêts de ce texte est de fournir un régime matériel uniforme pour la vente internationale. La règle de conflit de lois conserve-t-elle un rôle et si oui lequel ? Quels sont les moyens employés pour garantir une interprétation uniforme de ce texte, évitant que la diversité des solutions « chassée par la porte législative, ne rentre par la fenêtre jurisprudentielle » ?

Pour ce qui est de la France, la jurisprudence n’est pas encore extrêmement abondante. C’est au sujet de la formation du contrat qu’elle est, pour l’heure, le plus digne d’intérêt (v. documents ci-dessous). Vous prendrez néanmoins une juste mesure des spécificités du régime conventionnel en lisant l’incontournable article de C. Mouly ci-après reproduit.

1) C. Mouly, « Que change la convention de Vienne sur la vente internationale par rapport au droit français interne », D. 1991, Chr., 77 et s.

A) La conclusion du contrat ; le conflit des conditions générales de vente

2) Paris, 13 décembre 1995, JCP G 1997, II, n° 22772, n. P. de Vareilles-Sommières3) Cass. civ. 1, 16 juil. 1998, Sté Les Verreries de Saint Gobain, Rev. crit. 1999, 122, n. B.

Ancel et H. Muir Watt ; D. 1999, 117, n. C. Witz.

B) L’exécution du contrat : le sort des clauses limitatives de responsabilité

V. P. Lagarde, « Rapport de droit international privé » in Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en Europe, LGDJ 1990 (à consulter).

Discussion en séance : Quel est le statut juridique des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité dans les ventes internationales de marchandise ?

Résumé de la 6ème Séance de TDLes intermédiaires dans le commerce international

Quelques questions…

- Définition des notions listées dans la colonne de gauche du I) de la fiche de TD- Définition de la notion de « relation externe » et conséquences- Le régime juridique du dépassement de pouvoirs par l’intermédiaire ?- L’application des « lois de police » en matière d’agence ?

1. La classification des intermédiaires (corrigé de l’exercice de la fiche de TD)

a) Intermédiaire subordonné

A l’instar de situation d’un employé vis-à-vis de son employeur, la notion d’intermédiaire subordonné vise ici le lien juridique de hiérarchie qui ne laisse aucune indépendance au préposé dans l’exécution de sa tâche. Aussi est-ce pour cette raison que l’on ne peut y inclure l’agent commercial. En effet, ce dernier bien que dans une situation de dépendance économique à l’égard de la personne qu’il représente, est libre dans les moyens à mettre en œuvre pour remplir sa mission. Il en est différemment du VRP.- Le V.R.P. (Voyageur, Représentant, Placier) est un salarié qui a pour activité de provoquer des commandes de marchandises ou de prestations de services. Il bénéficie d’un statut impératif défini par le Code du travail (art. L. 751-1 et s.). En cas de rupture par l’employeur de son contrat, il a droit à une indemnité dite de « clientèle », à moins qu’il n’ait commis une faute grave. Il s’agit de la catégorie d’intermédiaire la mieux protégée.

b) Intermédiaire indépendant

* Intermédiaire non acheteur- Intermédiaire non acheteur et non représentant

- Le courtier : il est l’intermédiaire commercial le plus simple. « Il se contente de rapprocher des personnes qui entendent contracter en sens opposé » et reste étranger au contrat principal dont il permettra la conclusion. Il est rémunéré par une somme qualifiée de « courtage » et intervient la plupart du temps occasionnellement. Lorsque l’activité de courtage s’internationalise, il peut alors se dissimuler sous la dénomination de « courtage sponsoring »- Le commissionnaire agit pour sa part pour le compte d’autrui mais en son nom propre et s’engage donc personnellement à l’égard des tiers. En général, le tiers connaît la qualité du commissionnaire et sait que celui-ci agit pour le compte du commettant.

- Intermédiaire non acheteur et représentant# Intermédiaire NA et R + Transparent

- Le mandataire ou agent spot : mandataire occasionnel.- L’agent commercial : Aux termes de la loi française de 1991, le mandataire est celui qui « à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou autres agents commerciaux ». Mais la fonction qui est décrite ici peut ne pas rester isolée et être complétée par des services accessoires ou complémentaires. En outre, ce type de représentation pose un certain nombre de problèmes allant de la loi applicable, à la forme du contrat. Mais les problèmes les plus délicats restent sans aucun doute ceux tenant d’une part à la loi applicable au dépassement de pouvoirs et, d’autre part, à l’indemnité de fin de contrat.

# Intermédiaire NA et R +opaque

* Intermédiaire acheteur- Intermédiaire acheteur et ponctuel- Intermédiaire acheteur et durable

- Le concessionnaire- Le distributeur- Le franchisé

2. Les intermédiaires non-acheteurs

a) Les tentatives de réglementation uniforme (v. le cours et les références mentionnées dans la fiche de td).

* La Convention d’Unidroit (Genève, 17 février 1983) ou la nécessité d’adoption de règles matérielles spécifiquement applicables aux « relations externes »

* Les Principes européens des contrats* Le contrat modèle CCI d’agence commerciale concernant principalement les « relations

internes »

b) Le conflit de lois – lato sensu – en matière de contrat d’agence

* Les relations représenté – tiers-client : l’influence de la présence d’un intermédiaire sur la loi applicable au contrat principal : JP. Civ. 1 ère , 2 mars 1999, «   Société Ammerlaan Agro projecten c/. Sté les Serres de Cosquerou et a.   »

En l’espèce, une EARL avait fait édifier une serre par une société de droit néerlandais en montée par une entreprise française de terrassement. Suite à des désordres, l’EARL a assigné devant les juridictions françaises le terrassier, le fournisseur néerlandais et les assureurs respectifs, en paiement de DI. La CA fait droit à la demande de l’acheteur et la société néerlandaise forme un pourvoi en cassation sur le seul terrain de la loi applicable. Elle reproche au for français d’avoir fait application de la loi française alors que, en l’absence de choix de la loi applicable, l’art. 4 de la Convention de Rome aurait dû conduire à l’application de la loi néerlandaise.

La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que « le contrat de fourniture a été souscrit en France auprès d’un représentant de la société néerlandaise qui y était installé et y exerçait son activité commerciale ». Dès lors au visa de l’article 4 §2 de la Convention de Rome, la Cour de cassation décide que « la loi applicable au contrat est celle du pays où, dans l’exercice de son activité professionnelle, la partie qui fournit la prestation caractéristique a un établissement autre que son établissement principal ». Et, la Cour de cassation de préciser que par la notion d’établissement sus -mentionnée.La Cour de cassation s’attache donc à la notion d’établissement de l’agent commercial, du moins du représentant, du fournisseur hollandais pour justifier la localisation en France du contrat principal conclu. Manipulation de la règle de rattachement afin de favoriser l’application de la loi du for, pour certains auteurs (cf. J. Raynard), la Cour de cassation ne semble en réalité ne faire qu’une stricte application des règles de conflit de lois en matière de contrat, d’autant que rien ne laisse supposer en l’espèce qu’un problème lié à la relation de représentation ait été soulevé…

* Le dépassement de pouvoirs par l’intermédiaire : JP. Grenoble, 11 janvier et 27 novembre 1996, «   Société Ram dis Ticaret   »

- Rappel préliminaire des règles de conflit de lois en matière d’agence commerciale (telles qu’elles se dégagent de la Convention de La Haye 1978)

Domaine et structure de la Convention de La Haye : Bien que spéciale et limitée par certaines exceptions, le domaine matériel de la Convention de La Haye est très large. Il couvre les hypothèses de représentation proprement dites (qu’elles soient directes ou indirectes : donc que le représentant agisse respectivement au nom du représenté ou en son nom propre ; qu’elles soient occasionnelles ou habituelles, et que l’identité du représenté soit ou non révélée au tiers) mais également les hypothèses dans lesquelles le représentant a effectivement le pouvoir d’agir et celle de falsus procurator qui a agi sans pouvoir ou au-delà des pouvoirs qui lui étaient conférés. Enfin, la Convention s’applique aussi

aux activités d’intermédiaires qui se situe en amont de la représentation proprement dite telles que celles de mener des négociations pour le compte d’autres personnes sans avoir le pouvoir de signer et d’engager le donneur d’ordre ou qui se contentent, tels les courtiers, « de recevoir et de communiquer des propositions sans intervenir directement dans la conduite des opérations. Cette approche extensive procède d’une vue réaliste des pratiques commerciales – dans la mesure où le rôle des agents est croissant il aurait été regrettable de les exclure du champ de la Convention d’autant que les relations qui s’établissent entre ces derniers et leur commettant est de même nature que celles qui s’établissent entre le représenté et le tiers – mais également d’une volonté des rédacteurs de concilier la conception anglo-saxonne (extensive) et française notamment (restrictive) de la représentation.En outre, la Convention s’applique aussi bien aux relations internes nouées dans un rapport de représentation (entre le représenté et le représentant) qu’aux relations externes (entre le représentant et le tiers).

Distinction entre les relations externes et internes : Si les relations externes sont à strictement parler les seules relations de représentation, il aurait été regrettable cependant d’écarter du champ de la Convention les relations internes dans la mesure où les litiges sur ce point sont les plus nombreux dans la pratique judiciaire et arbitrale internationale, d’où l’intérêt à leur propos d’une unification des règles de conflit de lois.Attention ! Par souci de cohérence, les rédacteurs de la Convention ont cependant limité son champ, tant sur le plan des relations internes qu’externes, aux seules intermédiaires dont la mission est de contribuer à la création d’un lien juridique entre le représenté et le tiers. Sont donc exclus les concessionnaires et distributeurs exclusifs.NB : au moment de la rédaction de la Convention, leurs auteurs se sont interrogés sur la question de savoir s’il fallait privilégier la thèse « unitaire » ou, inversement, « hétérogène ou encore hétéronomisme », qui aurait consister à soumettre relations interne et externe aux mêmes règles de conflit de lois (position prépondérante en France), soit préférer un traitement différenciés des situations (à l’instar des positions allemande et/ou anglo-saxonnes). C’est cette dernière qui s’est imposée. En effet, il est apparu que dans la mesure où il s’agit d’un intermédiaire qui peu agir dans plusieurs pour le compte d’un seul mandant, il est apparu nécessaire que les relations internes restent soumises à une seule et même loi ; de même, que par ailleurs, la relation entre le représenté et le tiers ; découlant de l’exercice par l’intermédiaire de ses pouvoirs de représentation à lui conféré par le représenté, ne pouvaient légitimement obéir à des lois différentes. Indépendamment de cette distinction, on se rendra compte au stade de l’application de ces dispositions que le résultat obtenu in concreto conduit à constater l’identité d’ordre juridique compétent pour les deux séries de relations (cf. notamment JP, Grenoble, 1996, «   Société Ram dis Ticaret   » ).

- Loi applicable aux relations internesPrincipe : application de la loi choisie par les parties (NB : l’art. 5 vise la loi interne ce qui exclut toute possibilité de renvoi comme il est de tradition dans les Conventions de La Haye). A défaut de choix (art. 6) : compétence de la loi du pays dans lequel est situé l’établissement du professionnel, ou à défaut d’établissement, la résidence habituelle de l’intermédiaire au moment de la formation du rapport de représentation. Proximiste par nature, le rattachement ici retenu n’est pas sans rappeler la prestation caractéristique visée dans la Convention de Rome. Il se justifie dans la mesure où il est censé refléter les liens plus étroits entre la situation juridique en cause et l’ordre juridique désigné. Toutefois, sans pour autant introduire une clause d’exception à l’instar de l’article 4§5 de la Convention de Rome – qui aurait été fort mal venue dans le cadre d’une convention spéciale – l’al. 2 de ce même article renforce les conditions d’applicabilité de l’al. 1 er e, imposant (à l’instar de la techniques du faisceau d’indices au service de la théorie dite des points de contact) que soient réunies deux autres conditions alternatives nécessaires à la confirmation de compétence de la loi de l’établissement ou de la résidence du professionnel intermédiaire. Aussi, faut-il qu’elle coïncide soit avec le lieu de l’établissement du représenté, soit à défaut avec celui de sa résidence habituelle.

Domaine de la loi applicable : La loi applicable couvre tant la formation que la validité du rapport de représentation, les diverses obligations des parties, leur exécution, les conséquences de leur inexécution et leur extinction. L’article 8 prend par ailleurs la peine d’énumérer un certain nombre de problèmes particuliers concernant soit la détermination des pouvoirs de l’intermédiaire, soit les obligations des parties en cas de rupture du contrat de représentation. En outre, l’art. 9 réserve un certain rôle à la loi du lieu d’exécution pour les modalités d’exécution.Mais surtout, la Convention introduit une brèche de taille dans le domaine des lois régissant les relations internes, en prévoyant en son article 16, qu’il pourra « être donné effet aux dispositions impératives de tout Etat avec lequel la situation présente un lien effectif si, et dans la mesure où, selon

le droit de cet Etat, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi désignée par les règles de conflit ». En d’autres termes, la loi normalement compétente sur le fondement de l’art. 5 ou de l’art. 6 devra céder en présence d’une loi de police. L’application de cette disposition ne se fait cependant pas sans heurt dans la mesure où il faut avant tout savoir si la disposition concurrente mérite la qualification de loi de police (cf. point sur l’application des lois de police).

- Loi applicable aux relations externes : 2 hypothèses1ère hypothèse : Les relations du représentant avec le tiers : La Convention de La Haye (prise en son chapitre III) précise la loi applicable qui dira si l’intermédiaire a pu et, dans quelles limites, engager le représenté envers le tiers par son activité de représentation, dans l’hypothèse notamment où il aurait dépassé ses pouvoirs ou abusé de ceux-ci.La Convention définit également, en son art. 15, le domaine de la loi désignée comme étant applicable à l’art. 11. Elle régit non seulement les effets de la représentation entre le représenté et le tiers lorsque celui-ci a agi dans le cadre de ses pouvoirs, mais également les rapports entre l’intermédiaire et le tiers dérivant du fait que ce dernier a agi « au-delà de ses pouvoirs ou sans pouvoirs ». Ainsi lorsque par exemple, en raison de la faute de l’intermédiaire, la relation juridique souhaitée par le tiers n’a pu se former entre lui et le représenté : il est logique que le recours que le tiers formera alors contre l’intermédiaire soit également soumis à la loi dont l’application est à l’origine de ce recours. (NB : dans ce cas, le recours qui a pourtant un fondement extra-contractuel échappera à la lex loci delicti pour la raison susmentionnée).En outre, l’absence de faute,, c’est-à-dire lorsque le contrat a été valablement conclu et lorsque la loi déclare que le représenté est engagé, il est également logique que ce soit cette même dernière loi qui permette au tiers de s’adresser à l’intermédiaire pour obtenir l’exécution du contrat principal.

2ème hypothèse : les relations du représenté avec le tiers : La Convention de La Haye ne se préoccupe pas de la loi applicable au contrat dit principal ou de base conclu entre le représenté et le tiers grâce ou suite à l’intervention de l’intermédiaire. Ce contrat est donc soumis à une loi qui lui est propre (cf. JP, Civ. 1 ère , 2 mars 1999, «   Société Ammerlaan Agro projecten c/. Sté les Serres de Cosquerou et a.   » ).

- Le problème spécifique du dépassement de pouvoir : JP Grenoble, 1996, «   Ram   » En cas de dépassement de pouvoirs, l’art. 11 al. 1er dispose qu’est compétente « la loi interne de l’Etat dans lequel l’intermédiaire avait son établissement professionnel au moment où il a agi » à condition toutefois (art. 11 al. 2) que celle-ci corresponde soit à celle du lieu de situation de l’établissement du représenté et que l’intermédiaire ait agi au nom du représenté, soit à celui de l’établissement professionnel du tiers ou à défaut sa résidence habituelle.

* L’application des « lois de police » ( ?) en matière d’agence : JP CJCE, 2000, «   Ingmar   » et Cass. com. 28 novembre 2000, «   Société Allium   »   : des solutions jurisprudentielles difficilement conciliables (   ?)

Comme nous l’avons vu précédemment, l’art. 16 de la Convention de La Haye réserve explicitement l’application des lois de police. Encore faut-il se pencher sur la question de savoir si telle disposition peut ou non être qualifiée comme telle et appliquée à titre exceptionnel et immédiat. Tel est notamment que pose la loi française (« Doubin ») de 1991 relative aux agents commerciaux. En d’autres termes, le statut protecteur qu’elle édicte doit-il être considéré comme étant «  de police » ou simplement doté d’une impérativité interne. Sur ce point les solutions jurisprudentielles interne et européenne divergent. Mais en dépit de ces antagonismes implicites et avivés par les commentaires qui en ont été fait, se pose la question de savoir si une interprétation différente de ces deux décisions ne les rendrait pas conciliables… ?

- La position ambiguë de la Cour de Justice des Communautés Européennes à l’occasion de l’arrêt Ingmar :

Sur la qualification des dispositions de la directive et des dispositions nationales prises en transposition : Il s’en dégage un impératif de protection renforcée qui pose le problème de savoir s’il y a lieu de les qualifier pour autant de loi de police (ce problème relance également le débat entre les dispositions protectrices des parties faibles et les lois de police). Sur ce point, la CJCE n’emploie à aucun moment la notion de lois de police, fut-elle prise en son sens communautaire, contrairement au commentateur de la note qui en fait dire plus à la décision qu’elle n’en sous-entend…

Sur l’apport de l’intérêt : L’arrêt « Ingmar » est cependant intéressant en ce qu’il pallie le silence de la directive communautaire sur la question de son champ d’application spatial et fait, à cette occasion, une application novatrice du principe de proximité (consacré par la Convention de Rome) puisqu’il n’est plus pris ici dans une acception nationale mais bel et bien communautaire. Il est en effet exigé que l’activité de l’agent soit exercée sur le territoire de la Communauté sans distinction entre Etat membre.

- La position de la Cour de cassation : La Cour de cassation opte pour sa part pour une approche finaliste et non pas formaliste, comme le fait la CJCE, pour dénier toute qualification de loi de police à la loi française de 1991. Elle est, pour reprendre les termes de la 1 ère Chambre civile, ni plus ni moins qu’une loi « d’ordre public interne » et certainement pas une loi de police applicable dans l’ordre international. La position ne peut être plus claire ! En dépit de son indiscutable clarté, cette décision comporte toutefois certains risques. En effet, si elle est maintenue elle risque de priver de tout effet les dispositions de l’article 16 de la Convention de La Haye, mais également de conduire à l’application de moins en moins fréquente de la loi de 1991 par les juges étrangers au titre de l’article 7 §1er de la Convention de Rome. A contrario, il faut reconnaître qu’elle rend l’ordre juridique français plus attrayant et plus concurrentiel, au moins du point de vue des représentés…Dès lors comment concilier les décisions communautaire et française sur la question de la qualification des dispositions prises en transposition de la directive relative aux intermédiaires… ?

- Comment concilier jurisprudences nationale et communautaire ?Sur le rapprochement de ces deux décisions, deux interprétations sont possibles :1ère interprétation : Ces deux décisions sont totalement antagonistes en ce qu’elles qualifient les dispositions en cause en des sens opposés…2ème interprétation : soit elles sont finalement conciliables en ce que la jurisprudence de la CJCE élabore implicitement une théorie de l’ordre public communautaire (sur ce point, v. P. de Vareilles-Sommières). La décision de la Cour de cassation s’en ferait alors l’écho en considérant les dispositions litigieuses comme étant d’ordre public.L’une et l’autre position méritent d’être discutées et l’avenir jurisprudentiel apportera peut-être ses lumières sur la position définitive à adopter…

3. Les intermédiaires acheteurs ou l’analyse comparative des solutions retenues par la jurisprudence en la matière avec celles retenues concernant les intermédiaires non-acheteurs   : JP. Cass. civ. 1 ère , 15 mai 2001, «   Optelec   »

V. le commentaire de P. Lagarde…

Résumé de la 7ème Séance de TD

Les opérations bancaires internationales

Quelques questions…

- Définition de la notion de crédit documentaire- Définition de la notion de garantie à première demande- Le fondement des crédits par signature- Signification de l’expression « engagement ferme et irrévocable » ?- Quelle(s) différence(s) faites-vous entre fraude et abus manifestes ?- Apport de la JP « Cass. com. 1981, « Discount bank » ?

Les crédits par signature peuvent être définis comme des engagements financiers – en ce sens qu’ils portent sur une somme d’argent – contractés par une banque au profit d’un tiers à la demande d’un client. L’essentiel réside ici dans le prêt de signature. L’opération ne suppose aucune mise à

disposition future ou immédiate des fonds. Elle est seulement éventuelle et n’intervient que dans une situation pathologique – c’est-à-dire en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution des obligations principales auxquelles l’engagement bancaire se rapporte –. Les crédits par signature s’oppose aux crédits par caisse qui suppose un décaissement de fonds nécessaires à la réalisation de l’opération de base.

1. Le crédit documentaire

Le crédit documentaire est une opération, née de la pratique bancaire, par laquelle une banque – appelée émettrice ou apéritrice – accepte, à la demande d’un acheteur – appelé donneur d’ordre ou ordonnateur – de mettre des fonds à la disposition du vendeur – appelé bénéficiaire – contre remise de documents constatant la bonne exécution d’une vente. Le crédit documentaire en facilite ainsi l’exécution dans la mesure où il a pour première fonction d’en faciliter le règlement : en cela c’est notamment un moyen de paiement. Mais du fait de l’intervention d’une banque dans ce règlement, il a également une fonction de garantie en raison de la sécurité que la banque apporte aux parties, même si le crédit documentaire n’est pas juridiquement une garantie. Cette sécurité est en effet un besoin des parties parce qu’en général, le vendeur se dessaisit des marchandises avant le paiement et l’acheteur accepte le règlement avant d’avoir reçu la livraison de celles-ci. Aussi l’intervention de la banque, permet-elle d’assurer à l’acheteur que les fonds ne seront remis par le banquier qu’après vérification des documents constatant la bonne exécution de la vente et au vendeur qu’il sera réglé s’il satisfait aux conditions présidant à la remise de ceux-ci.Concrètement, lors de la conclusion du contrat de vente, le vendeur et l’acheteur conviennent que le paiement du prix des marchandises s’effectuera par crédit documentaire. En exécution de cette convention, l’acheteur demande à sa banque d’ouvrir un tel crédit au bénéfice du vendeur. Si la banque accepte de consentir ce crédit, elle le notifie au vendeur en faisant parvenir à ce dernier une lettre de crédit, encore appelée accréditif. Le crédit documentaire est alors ouvert et sera réalisé par la mise à disposition des fonds au profit du vendeur sur présentation par ce dernier des documents prévus par la lettre de crédit et après examen de leur régularité par la banque émettrice. Une fois ces fonds mis à la disposition du vendeur, la banque si elle a fait une avance de fonds, en obtient normalement la restitution auprès de l’acheteur.

En outre, les documents – on l’aura compris – présente dans le fonctionnement de cette opération une grande importance puisque c’est leur remise qui permettra la réalisation du crédit qui opère dans le même temps le règlement de la vente. Parce qu’ils informent le banquier de la bonne exécution de celle-ci, ils constituent le lien entre le contrat de base et le crédit documentaire. Ce lien est toutefois plus formel ou matériel que substantiel puisque si les documents sont conformes aux conditions fixées dans le crédit, il importe peu que le contrat ait été réellement correctement exécuté. De ce point de vue, le crédit documentaire est autonome par rapport au contrat de base, ce qui implique que le banquier règle le vendeur qui remet des documents réguliers même si un litige oppose ce dernier à l’acheteur.

Enfin, si le règlement intervient en exécution du crédit consenti à l’acheteur, il peut également être justifié par l’engagement que peut prendre la banque émettrice au profit de vendeur. A cet égard, il est traditionnel de distinguer entre le crédit révocable et irrévocable. Si le premier ne comporte pas d’engagement de la banque émettrice au profit du vendeur, ce qui permet à celle-ci de révoquer le crédit documentaire, le second en comporte un : le crédit documentaire irrévocable est un engagement ferme qui est détaché du rapport que le banquier émetteur entretient lui-même avec le donneur d’ordre de sorte que le bénéficiaire a un droit direct à l’encontre de la banque émettrice.

c) RUU et loi applicable

Le crédit documentaire n’est l’objet d’aucune règle étatique tant en France que dans de nombreux pays étrangers. Issu de la pratique bancaire internationale, il a toutefois fait l’objet d’une réglementation codifiée sous l’égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) et a donné lieu à l’établissement d’un document intitulé « Règles et Usances uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires » (RUU). Modifiées plusieurs fois et de valeur extra -étatique ou anationale, se pose à leur égard la question de leur force obligatoire. A priori, elles ne tirent leur force que de la seule volonté des parties (art. 1134 C. civ.). Toutefois, dans la mesure où ces règles ont manifestement acquis au fil des temps une certaine autonomie, on est en droit de se demander si et dans quelle

mesure, elles ne devraient pas être considérées comme des usages de la pratique bancaire internationale mais seulement en ce qu’elles sont l’expression d’une pratique amplement acquise et antérieure à leur rédaction. C’est pourquoi certains auteurs, avec plus ou moins de nuances, considèrent que les RUU sont applicables même en l’absence de toute stipulation contractuelle en ce sens. Cette évolution semble avoir été entérinée par la Cour de cassation (JP Cass. com., 14 octobre 1981, «   SA Discount Bank   » ) qui n’hésite pas dans ses décisions, à viser les articles des RUU en même temps que les articles du Code civil. Mais on doit cependant éviter tout raccourci intellectuel en envisageant une autre interprétation possible de ces décisions en considérant qu’elle peut également induire de la volonté implicite des parties l’applicabilité des RUU. Doit-on alors aller jusqu’à considérer que les RUU doivent s’appliquer d’office en l’absence de toute volonté des parties en ce sens ? Rien n’est moins sûr et la réponse doit être précautionneuse…

En outre, il convient de noter que l’application des RUU supprime tout problème lié à la détermination de la loi applicable. Cette élimination pure et simple n’est cependant pas absolue dans la mesure le problème de la compétence législative peut se poser lorsque notamment les RUU ne règlent pas le problème de droit posé. Il conviendrait alors dans un tel cas de s’en référer aux dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980. La détermination de la prestation caractéristique conduirait alors à admettre au moins en principe la compétence de la loi de la banque émettrice. Cette compétence ne sera cependant pas systématique dans la mesure où le schéma de base peut être complexifié…

d) Les fondements

- La convention conclue entre l’acheteur et le vendeurLa convention conclus entre l’acheteur et le vendeur, encore appelée contrat de base, présente une

double importance : en ce qu’elle est, d’une part, à l’origine même du crédit documentaire et indique, d’autre part, les principales caractéristiques du crédit documentaire. Dans ce dernier cas, elle indiquera en particulier, la date à laquelle ce crédit doit être émis, s’il est révocable ou irrévocable, sa durée de validité ainsi que les documents que le vendeur devra présenter au banquier pour en obtenir le bénéfice.

- La convention conclue entre la banque émettrice et l’acheteurLa Convention conclue entre la banque émettrice et l’acheteur qui résulte de l’accord de la

première donné à la demande d’émission du crédit documentaire envisagé formée par le second, reprend les principales caractéristiques du crédit envisagées par le contrat de base. La convention dont l’objet doit être précisé, prévoit également la rémunération du banquier ainsi que la constitution d’éventuelles garanties.

* L’objet de la convention examinée résulte dans une double promesse que le banquier fait au donneur d’ordre. Tout d’abord, une promesse au bénéfice du donneur d’ordre lui-même (le banquier promet à l’acheteur de lui apporter son concours dans une opération de paiement. Il peut d’ailleurs se limiter à la seule mise à disposition des fonds auprès du vendeur qu’il aura préalablement reçus de l’acheteur, à supposer que ce dernier dispose de suffisamment de liquidités). L’obligation qui découle de cet engagement conduira alors le banquier à notifier l’ouverture de crédit au bénéficiaire et à payer ce dernier après examen des documents. La convention peut également prévoir une ouverture de crédit si le paiement réalise une avance de fonds que l’acheteur devra ultérieurement rembourser.Ensuite, la seconde promesse bénéficie au vendeur si le crédit est irrévocable. Le banquier promet alors à l’acheteur de s’engager envers le bénéficiaire dans la lettre de crédit qu’il notifiera à celui-ci, ce qui constitue une promesse de crédit par signature.

* Toutes ces promesses constituant des services bancaires donnent lieu à rémunération du banquier. Celle-ci se décompose en commission et intérêts. Les commissions sont multiples : commission d’ouverture de crédit (exigible avant la notification de la lettre de crédit au bénéficiaire), commission de confirmation si le crédit est irrévocable, commission de paiement ou d’acceptation au moment de la réalisation du crédit. A ces commissions dont l’énoncé n’est pas exhaustif, s’ajoutent les intérêts lorsque la banque a consenti une avance de fonds à l’acheteur.

* En raison de ces services rendus, qui bien généralement concernent des sommes importantes, le banquier émetteur peut également exiger de l’acheteur la constitution de sûretés, telle qu’un dépôt de garantie par exemple. Il bénéficie également, en vertu d’un usage constant, d’un droit de gage sur les marchandises lorsqu’il détient des documents représentatifs de celles-ci.

- La lettre de créditLes droits du bénéficiaire reposent sur la lettre de crédit par laquelle la banque émettrice informe

le bénéficiaire de l’ouverture du crédit documentaire. Cette lettre doit préciser clairement si le crédit est révocable ou non, à défaut, il est considéré comme étant irrévocable. Dans ce dernier cas, la

banque prend un engagement ferme à l’égard du bénéficiaire qui se rajoute à l’engagement personnel pris à l’égard du donner d’ordre, et ne peut modifié sans l’accord de l’intéressé, à savoir le vendeur. Il fonde ainsi le droit direct du bénéficiaire à l’encontre de la banque en ce qu’il constitue un engagement indépendant de la convention conclue entre le donneur d’ordre et la banque émettrice et également de la convention de base conclue entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre. Cette double indépendance de l’engagement du banquier se traduit matériellement par la règle de l’inopposabilité des exceptions déduites des contrats existants. La seule exception dont le banquier puisse toutefois se prévaloir pour refuser de payer est la fraude à laquelle aurait participé le bénéficiaire en vertu de l’adage « fraus omnia corrumpit ».

Discussion / Réflexion : au regard de la diversité des caractéristiques de ces engagements, on est en droit de se demander comment considérer l’opération ? Est-ce purement et simplement une opération de crédit, ou plus largement une garantie financière de stipulation pour autrui, de délégation imparfaite… ? La réponse ici encore doit être nuancée et discutée au cas par cas en fonction des caractéristiques de l’opération considérée et mieux vaut encore considérer de façon générale cette technique comme étant sui generis quand bien même certaines analogies seraient acceptables parfois…

e) Le déroulement

- La notification de la lettre de créditLa notification peut se réaliser par tous moyens. Elle est importante dans la mesure où les droits

du bénéficiaire ne connaissent pas de la convention conclue entre le donneur d’ordre et le banquier émetteur, mais simplement de la réception de la lettre de crédit ou accréditif.

- Intervention d’une banque intermédiaire dite « notificatrice », « désignée » ou confirmatrice »* Elle est notificatrice lorsqu’elle se borne à transmettre l’accréditif au vendeur sans prendre aucun engagement à son profit. Elle agit alors en tant que mandataire de la banque apéritrice et elle doit simplement se borner à apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie.* La banque désignée, ne contracte pas non plus d’engagement à moins qu’elle ne soit également confirmatrice. Mais en plus de la tâche de la banque notificatrice, la banque désignée est investie du mandat de réaliser le crédit pour le compte de la banque émettrice.* La banque confirmante ou confirmatrice contracte envers le bénéficiaire un engagement ferme, comparable à celui de la banque émettrice, qui vient se rajouter à ce dernier. Elle ne peut intervenir en cette qualité que lorsque le crédit documentaire est irrévocable.

- Réalisation du crédit* Matériellement la réalisation du crédit documentaire est soumise à la présentation des documents indiqués dans la lettre de crédit. A la réception, le banquier doit alors les vérifier dans un « délai raisonnable » et avec « un soin raisonnable ». Cette vérification n’a qu’une efficacité limitée dans la mesure où il n’est pas exigé plus qu’une « apparente conformité ». Il s’agit donc d’un contrôle formel qui exclut donc la prise en considération de l’état dans lequel les marchandises ont été livrées. Peu importe donc la défectuosité des marchandises ou que les documents énumérés dans la lettre de crédit ne soient pas conformes à ceux listés dans la convention conclue entre le donneur d’ordre et la banque émettrice. Une fois, les documents examinés, le banquier a la possibilité de « lever » ou « refuser les documents ». Lorsqu’il y a refus, celui-ci n’est pas nécessairement définitif car il y a faculté de rectification et de régularisation des documents…* Les modalités de paiement : à vue (paiement immédiat à la seule vue et vérification des documents), différé (paiement à une date ultérieure à la remise des documents convenues entre les parties et si paiement anticipé par la banque intermédiaire ce paiement n’est qu’une avance de fonds et ne vaut pas paiement du crédit documentaire, elle ne peut donc en demander le remboursement à la banque émettrice), par acceptation (qui suppose que la créance représentative du crédit ait été incorporée à un titre cambiaire) ou par négociation (même chose que le paiement par acceptation à la différence toutefois que 1. le titre cambiaire peut être tiré sur n’importe qu’elle personne désignée dans la lettre de crédit y compris le donneur d’ordre et que 2. les banques n’ont pas à accepter la lettre de change ce qui fait que ce mode de paiement est interne à l’opération de CD et la réalisation du CD résulte de l’acquisition du titre et non de son paiement).* Les obstacles au paiement du crédit documentaire : la saisie et/ou la fraude matérielle ou intellectuelle. La saisie, tout d’abord, peut être diligentée par le donneur d’ordre ou par un créancier du bénéficiaire. Elle n’est cependant admise qu’au profit du second, à l’exclusion du premier. Que le donneur d’ordre invoque l’exécution défectueuse du contrat de base ou une créance étrangère à celui-

ci (cf. JP. Cass. com., 18 mars 1986, «   Société Bisch   » ), il ne peut, sauf fraude, pratiquer aucune saisie parce que la créance du bénéficiaire est indisponible. S’il en est ainsi c’est parce que la créance du bénéficiaire est indisponible. S’il en est ainsi, c’est parce que cette créance résulte du contrat de base par lequel les parties ont convenu de l’irrévocabilité du crédit documentaire. Admettre que le donneur d’ordre puisse pratiquer une saisie reviendrait à l’autoriser à renier ses engagements. En revanche, la créance née de la lettre de crédit à l’encontre de la banque émettrice ou confirmatrice est saisissable par les créanciers du bénéficiaire puisque l’indisponibilité résultant du contrat de base n’a pas d’effet à leur égard et que cette créance est un élément du patrimoine du bénéficiaire.La fraude, ensuite, fait obstacle à la réalisation du crédit documentaire : elle permet au banquier de refuser le paiement et au donneur d’ordre de pratiquer une saisie. Il s’agit d’une application de l’adage « fraus omnia corrumpit », qui permet de rétablir un lien en principe exclu entre l’engagement bancaire et le contrat de base. La notion de fraude recouvre des hypothèses variées. Mais il est traditionnel de la regrouper en distinguant la fraude matérielle, réalisée lorsque les documents sont des faux matériels, et la fraude intellectuelle qui concerne le contenu même des mentions portées sur les documents telles que les fausses mentions… Cette dernière fraude est constituée lorsque, par exemple, la quantité des marchandises livrées ne correspond pas à celle prétendument expédiées ou encore lorsque le document de transport comporte une date d’expédition inexacte alors que la véritable est postérieure à l’expiration du délai mentionné sur la lettre de crédit. La fraude ne peut cependant être un obstacle que si elle est découverte avant la réalisation du crédit, c’est-à-dire en cas de crédit réalisable par paiement à vue, lors de la remise des documents. Mais on sait qu’en cas de crédit réalisable par paiement différé, la réalisation du crédit est postérieure à la remise des documents, ce qui permet d’invoquer ma fraude jusqu’à la date du paiement. Si elle est découverte postérieurement à celle-ci, la banque n’encourt aucune responsabilité lorsque le paiement est intervenu au vu de documents apparemment conformes.

- Recours entre les banquesUne fois le crédit réalisé, des règlements entre les divers intervenants vont s’opérer à partir du moment où la banque qui en a effectué la réalisation a procédé à une avance. On distingue alors le recours :* de la banque intermédiaire contre la banque émettrice et celui,* de la banque émettrice contre le donneur d’ordre.

2. La garantie à première demande

« La garantie autonome ou à première demande est un engagement bancaire de payer une certaine somme d’argent à première demande du bénéficiaire, en se référant au seul texte de l’engagement sans pouvoir invoquer des moyens tirés du contrat de base, hypothèse de la fraude étant cependant réservée ». Elle a des finalités différentes selon qu’elle garantit les engagements de l’exportateur ou de l’importateur. Affirmée comme étant indépendante dès 1982 par la JP. «   Creusot Loire , ses caractéristiques sont précisées et renforcées en 1988 puisqu’il résulte de la définition jurisprudentielle retenue qu’elle constitue un engagement bcp plus rigoureux que celui du cautionnement (elle est autonome et caractérisée par le même principe de l’inopposabilité des exceptions, corollaire du premier principe, cf. la JP sur tous ces points…).Toutefois, à la différence du CD qui constitue un rouage obligatoire de l’exécution du contrat de base, la GD n’a lieu de jouer que dans des circonstances pathologiques puisqu’elle n’est appelée à jouer que lorsque le contrat de base est inexécuté ou mal exécuté. Aussi, un certains nombres de problèmes plus ou moins analogues à ceux qui se sont posés en matière de crédit documentaire méritent d’être soulevés…

En ce qui concerne la loi applicable : même problème qu’en matière de CD à l’égard des règles et usance uniformes relatives aux garanties à première demande (RUG)…

En ce qui concerne la qualification de la nature même de l’opération : l’absence de catégorie préexistante pour classer cette technique bancaire a quelque peu compliqué la tâche des praticiens et des auteurs. Tout le problème résidait alors dans la question de savoir qu’elle était la cause de cet engagement pourtant défini comme étant autonome… La réponse fut donnée par la jurisprudence la garantie est une technique sui generis, et constitue en elle-même une cause suffisante, nul besoin de rechercher la cause dans le contrat de base qu’elle garantit pourtant… La rupture avec la comparaison en matière de cautionnement était dès lors consommée !

En ce qui concerne l’exception au principe d’indépendance du contrat bancaire et du contrat de base : La jurisprudence ici encore considère que la fraude peut faire tomber le principe d’indépendance. Cependant, en matière de GD elle a qq peu assoupli sa position puisque l’autonomie de la GD a pour limites la fraude et l’abus manifestes (cf. JP. Cass. com. 6 février 1990, «   Société Générale c. Société Air Liquide   » ). La fraude suppose une manœuvre du bénéficiaire en vue d’obtenir une somme à laquelle il n’aurait normalement pas droit tandis que l’abus vise l’hypothèse dans laquelle, en l’absence de manœuvre caractérisée, le bénéficiaire profitant de l’automatisme ou du caractère inconditionnel de la GD, en réclame l’exécution bien qu’il soit dépourvu de toute créance au titre du contrat de base. Toutefois, leur effet est identique la fraude et l’abus manifestes font obstacle à l’exécution de la garantie. Cette identité de résultat explique que l’abus soit parfois confondu avec la fraude sans parce l’on estime que l’appel de la garantie, abstraction faite de toute manœuvre, est lui-même frauduleux.En outre, la fraude ou l’abus doit être « manifeste » càd « crever les yeux » selon l’expression courante. En d’autres termes, ils ne doivent susciter aucun doute, ou encore être évidents.

Résumé de la 8ème Séance de TDLa faillite en droit du commerce international

Quelques questions…

- La différence de traitement de la situation du débiteur en droit commun (« first come, first served ») et en droit des procédures collectives ou d’insolvabilité (gel des recours des créanciers et du patrimoine du débiteur afin d’assurer une hiérarchisation des créanciers et leur traitement égalitaire).

- Unité du patrimoine et Universalité de la faillite- Morcellement du patrimoine et territorialité de la faillite- Evolution des finalités de la faillite entre la loi de 1985 (sauvetage de l’entreprise au détriment

de l’intérêt des créanciers) et la version réformée de 1994 (protection renforcée des créanciers).

- Signification du débat entre « faillites concurrentes et faillites parallèles » ?- L’apport de la JP Cass. com., 1995, «   BCCI Overseas   » - L’apport de la JP Cass. civ. 1 ère , 1986, «   Kléber   »

1. Les rapports du droit commun et du droit communautaire   : Les avancées vers l’universalité…   ?

Après de nombreuses tentatives d’uniformisation du droit communautaire en matière de faillite1, le Traité d’Amsterdam – en communautarisant l’ordre judiciaire et soulignant la nécessité d’une « coopération judiciaire en matière civile et commerciale nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur » – a relancé les travaux en matière de faillite, si ce n’est internationale, au moins communautaire. Ainsi la Convention de Bruxelles de 1995 fut-elle transformée en un Règlement adopté le 29 mai 2000 et entré en vigueur le 31 mai 2002. Il répond ainsi aux objectifs fixés par le Traité UE, et notamment à celui défini en son article 2 tendant à « maintenir et développer l’Union en tant qu’espace de liberté, de sécurité et de justice ». Plus précisément, le Règlement s’applique aux procédures d’insolvabilité ouvertes après son entrée en vigueur, les actes accomplis antérieurement étant régis par la loi qui leur était applicable au moment où ils ont été accomplis. Avant cette date, aucune règle communautaire n’est applicable car la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (telle que modifiée par la Convention de San Sebastian de 1990) sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale exclut expressément de son champ d’application les questions qui attirerons notre attention dans le cadre de cette séance.

1 Le 1er projet en date de 1982 n’a jamais abouti, puis la Convention d’Istanbul du 5 juin 1990 n’entra jamais en vigueur faute d’avoir obtenu les trois ratifications requises, et enfin la Convention de Bruxelles du 23 novembre 1995 dont l’entrée en vigueur fut empêchée par le Royaume-Uni.

a). Le domaine des procédures d’insolvabilité

- Les procédures concernées : L’art. 1er §1 du Règlement donne une définition relativement proche de la définition qu’avait adoptée la CJCE lorsqu’elle rendit l’arrêt « Gourdain » en 1979, à l’occasion duquel elle définit la notion de faillite comme étant « les procédures fondées sur diverses législations des parties contractantes sur l’état de cessation des paiements, l’insolvabilité ou l’ébranlement du crédit du débiteur impliquant une intervention de l’autorité judiciaire aboutissant à une liquidation forcée ou collective des biens ou, à tout le moins, un contrôle de cette autorité ». Ici, il s’agit de « procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent un dessaisissement total ou partiel du débiteur ainsi que la désignation d’un syndic ». On retrouve les caractéristiques principales d’une procédure collective, à savoir : l’insolvabilité du débiteur (ce qui en droit interne correspond à un degré de difficultés supérieures à celui de la cessation des paiements), son dessaisissement et la désignation d’un tiers. En revanche, ni la désignation d’un juge, ni même l’éventuelle liquidation des biens n’apparaissent dans la définition.NB : L’annexe A du Règlement précise au regard des particularismes nationaux quelles sont les procédures connues des divers législations étatiques qui doivent être considérées comme incluses ou, au contraires, exclues. Ainsi, par exemple, le règlement amiable que connaît le droit interne français est exclu du champ matériel du Règlement. Toutefois, il faut bien comprendre que cette liste d’inclusion n’emporte qu’une présomption simple d’insertion de la procédure dans le champ du règlement, encore faut-il en effet que cette dernière remplisse effectivement les caractéristiques énumérées par l’article 1er.

- Les entreprises concernées : L’article 1er §2 écarte de son champ d’application les entreprises agissant dans un secteur d’activité particulier. Ainsi, si en principe les sociétés commerciales sont concernées en sont en revanche exclues les banques, les établissements de crédit et les autres entreprises d’assurances pour lesquels existent des textes et des propositions spécifiques, et, d’autre part, les entreprises d’investissement et organismes de placement collectif eux-mêmes soumis à des réglementations particulières. Et enfin, dernière précision, encore faut-il pour que le Règlement s’applique que le centre des intérêts principaux du débiteur soit situé sur le territoire d’un Etat de l’Union Européenne.

b). Les règles de compétence communautaires

- Unification des règles de compétence juridictionnelle : Il s’est avéré aux vues des disparités des législations nationales qu’il serait impossible d’imposer une procédure unique dont la portée universelle eut été absolue. Aussi, est-ce pour cette raison que le Règlement repose sur un consensus entre la théorie universaliste et territorialiste. Il unifie les règles de compétence tant juridictionnelle que législative en ce sens qu’il admet la pluralité des procédures et des lois applicables mais les organise entre elles.

* Une procédure principale à vocation universelle : Sur le fondement du principe des procédures parallèles, le règlement prévoit deux chefs de compétence juridictionnelle permettant aux tribunaux des Etats membres d’ouvrir une procédure principale à vocation universelle et une ou plusieurs procédures secondaires à caractère territorial ou local. La procédure principale est ouverte par les j° de l’Etat membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur présumé correspondre au siège statutaire, ou pour une personne physique à son domicile professionnel. Le critère retenu par le droit communautaire se rapproche singulièrement du critère retenu en droit interne français sur le fondement de l’art. 1er du D. 1985 (cf. infra). La procédure ouverte sur le fondement de ce chef de compétence a alors une vocation à l’universalité en ce qu’elle a vocation à englober tous les biens du débiteur quelle que soit leur localisation. Cependant cette prétention ne sera effective que si et seulement si des procédures secondaires à portée territoriale ne sont pas ouvertes.

* Une ou plusieurs procédures secondaires de portée territoriale : Pour leur part, une ou des procédure(s) secondaire(s) peuvent être ouvertes sur le territoire d’autres Etats membres dès lors que s’y trouve un établissement du débiteur. L’art. 2h précise ce qu’il faut entendre par la notion d’établissement comme étant « tout lieu d’opération où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens ». il s’agit d’une définition bien plus économique que juridique qui permet de reconnaître cette qualité à tout établissement non doté de la personnalité morale, tel qu’une agence, un bureau, à l’exclusion des filiales qui possèdent pour leur

part une personnalité juridique autonome. Ce critère secondaire ou subsidiaire est proche par de nombreux aspects de celui que connaît le droit français. Littéralement, l’art. 1er du D.1985 semble admettre l’ouverture d’une procédure locale au lieu où se trouve le centre des intérêts principal du débiteur, interprété et assoupli par la suite par la jurisprudence comme pouvant être « le principal des établissements secondaires du débiteur situés en France ».Dans la mesure où le Règlement ne retient aucun autre critère, il semble que ce second critère est exclusif de tout autre. De sorte que se trouve écartés, les privilèges de juridictions des articles 14 et 15 du C. civ. ou même encore des solutions telles que celle récemment adoptée par la Cour de cassation à l’occasion de la JP Cass. com. 26 octobre 1999, «   Sandur Holidays   » admettant que la simple localisation de liens contractuels en France puisse suffire à fonder la compétence du for français.

- Unification des règles de compétence législative : Aux termes de l’article 4 du Règlement, la loi applicable est celle de l’Etat dans lequel la procédure a été ouverte. Cette disposition consacre le principe de rattachement de la loi à la procédure, d’où sa dénomination lex fori concursus. L’al. 2 de ce même article donne une liste non limitative des questions soumises à la loi de la faillite. En d’autres termes, cette loi a une compétence de principe pour régir l’ensemble des questions relatives à la procédure d’insolvabilité. Toutefois, son application ne se fera pas sans la prise en considération d’autres lois. En effet, comme la procédure principale, chaque procédure secondaire sera soumise à sa propre loi nationale pour ce qui est de certaines questions. (ex. pour ce qui est de la continuation des contrats en cours : régis a priori par la loi principale mais pour lesquels il conviendra de se référer à la loi de la procédure secondaire afin de savoir s’ils étaient ou non en cours au moment de l’ouverture de la procédure…). On perçoit donc le risque imminent de résurgence des disparités, pourtant contraire à l’objectif d’uniformisation recherché par le Règlement.En outre, le Règlement, pose deux exceptions à la compétence de la loi de la faillite  : tout d’abord, les articles 5, 6 et 7 (relatif au droit réel d’un créancier, à la compensation et à la clause de réserve de propriété) sont dans le champ du règlement mais pour lesquelles les effets de la procédure sont limités, et par ailleurs, les articles 8 à 15, pour lesquelles la compétence est conférée à d’autres loirs, en ce que ces questions sont hors champ de la procédure.

c). Reconnaissance et coordination des procédures

- L’article 16 : Principe de reconnaissance immédiate : Cette disposition pose un principe de reconnaissance immédiate de la procédure de faillite principale ouverte par un juge compétent au titre du Règlement. Ainsi, elle s’impose aux autres juges des Etats membres et ce sans aucune procédure, ni formalité de publicité obligatoire, peu important même le fait que la qualité du débiteur considéré puisse être un obstacle à l’ouverture d’une procédure de faillite à son encontre dans d’autres Etats membres. Toutefois, en vertu de l’article 21, l’Etat membre dans lequel le débiteur a un établissement peut exiger qu’une publication de la décision d’ouverture soit obligatoirement accomplie par le syndic ou les autorités habilitées à cet effet par la procédure principale.Il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici d’une avancée considérable sur le droit commun, puisque jusqu’alors il était nécessaire de recourir à l’exequatur pour que le jugement d’ouverture de faillite puisse circuler. D’autant que la même reconnaissance de plein droit bénéficie à la procédure secondaire même si ses effets sont cantonnés au territoire de l’Etat dans lequel elle a été ouverte.Cependant, le Règlement de Bruxelles II, pris en son article 26, reconnaît aux Etats membres la possibilité de s’opposer à cette reconnaissance de plano sur le fondement de l’exception d’ordre public ou parce que les effets de cette reconnaissance seraient « manifestement contraires aux principes fondamentaux ou aux droits et libertés individuelles garantis par sa Constitution ». Il existe encore d’autres exceptions, telles que celle tirée de l’incompétence du juge saisi (art. 3 par renvoi à l’art. 16).Indépendamment de exceptions que connaît le principe de reconnaissance immédiate, ce dernier emporte des effets particulièrement importants puisque la reconnaissance de la décision d’ouverture de la procédure principale conduit à en étendre les effets dans les autres Etats membres sous réserve toutefois de art. 6 et 7 et de l’ouverture de procédures secondaires. Ainsi, elle emporte dessaisissement du débiteur et cessation des poursuites individuelles. (+ conséquences sur les pouvoirs du syndic nommé par la procédure principale : art. 38 et 18 §3, etc.).

- Coordination par une hiérarchisation des procédures principale et secondaires d’insolvabilité : L’un des apports essentiels du Règlement réside aussi dans la coordination des procédures secondaires éventuellement ouvertes avec la procédure principale. Cette coordination est hiérarchisée puisqu’elle s’effectue au profit de la faillite principale dont les objectifs sont considérés comme étant prioritaires. Ce principe se concrétise par : 1. la limitation de la portée des faillites secondaires qui ne peuvent être que des procédures de liquidation à moins qu’elle n’ait été ouverte

antérieurement à la faillite principale (dans ce dernier cas il faudra alors procéder à une demande de conversion en procédure liquidative), et, 2. la coordination des actions des différents syndics par une obligation d’information réciproque et de coopération (art. 31 §1 et 33 à 35). En outre, le syndic d’une procédure secondaire ne peut déplacer les biens hors du territoire sur lequel il se trouve à la différence du syndic de la procédure principale, à moins qu’il ne s’agisse de le réintégrer dans la procédure, il peut également exercer toute action révocatoire dans l’intérêt des créanciers (art. 18§2). Enfin, afin d’assurer cette hiérarchisation et coordination des procédures aux fins de traitement égalitaire des créanciers, est également mis en place un dispositif de coordination de l’information (art. 21, 22, et 40 à 42) et de la production des créances (art. 22 §2, 32, 34, 35 41, 42, etc.)

Toutefois, à supposer que le centre principal des intérêts ne se trouve pas sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Européenne, le droit international privé commun retrouve tous ses droits…

2. Les solutions du droit international privé commun

a). La compétence internationale directe des tribunaux français ou la vocation à l’universalité de l’ordre juridictionnel français- Fondement de la compétence internationale directe du for français : En l’absence de

règles en droit international privé français en matière de faillite, la jurisprudence a pallié ces lacunes avec les moyens qu’elle avait à sa disposition. Elle a notamment emprunté tant à l’universalité qu’à la territorialité pour élaborer les règles de compétence directe en la matière. En outre, elle a fait application en matière de faillite internationale du principe général dit « de transposition ou d’extension » en matière de compétence juridictionnelle directe dégagé par la JP Cass. civ. 1 ère , «   Pelassa   » 19 octobre 1959 à l’occasion duquel elle affirma le principe selon lequel « la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne ». Par cette formule, la Cour de cassation insistait sur l’idée selon laquelle en l’absence d’un corps de solutions complet et élaboré par le législateur, la détermination des règles de compétence internationale directe des tribunaux français aurait pour point de départ les seules dispositions dont, ainsi que l’atteste la pratique spontanée des tribunaux, la transposition au plan international est praticable. En d’autres termes, pour pallier les lacunes du droit international privé on étend à l’ordre international les règles de compétence internes. Il est en effet naturel de puiser dans l’ordre interne, du fait de son antériorité, des principes de solutions qui gouvernent l’ordre international. Or, précisément, le triple souci du bon ordre sur le territoire, de la commodité des parties, et d’une bonne administration de la justice qui anime les règles de compétence territoriales internes « subsiste en son principe malgré les liens des situations avec d’autres Etats ». Néanmoins, cet emprunt ne peut se résoudre en une extension pure et simple et systématique des règles internes au risque d’être inadapté à la situation internationale litigieuse. Aussi est-ce pour cette raison que ce principe fut précisé à l’occasion de la JP, Civ. 30 octobre 1962, «   Scheffel   » comme pouvant induire une adaptation de la règle interne lors de sa transposition dans l’ordre international afin de répondre aux besoins de ce dernier, a fortiori lorsque le litige se développe en un domaine où la souveraineté d’un Etat est directement impliquée. Il en est ainsi en matière de faillite notamment…Plus précisément, la jurisprudence a dégagé du principe d’extension une double règle en matière faillite internationale en vertu de laquelle la faillite ouverte en France revêt soit une portée universelle, oit une portée simplement locale. (NB : il existe également une situation intermédiaire tenant à « l’extension de compétence » que nous ne verrons pas mais qui donnent lieu également à application de cette règle dans des hypothèses clairement identifiées).

* Compétence universelle : les tribunaux français sont internationalement compétents lorsque l’entreprise française a son siège en France. Cette règle fut dégagée à partir de l’article 1er du D.1985 selon lequel « le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise  ». Transposée dans l’ordre international, cette règle attribue compétence aux juridictions françaises lorsque la société débitrice a son siège en France.Afin de prévenir toute manipulation du critère, l’al. 2 de cette même disposition prévoit le maintien de la règle en cas de transfert de siège, dans les six mois précédant la saisine du tribunal. Le tribunal alors compétent sur ce fondement peut ouvrir une faillite à vocation universelle (JP, BCCI Overseas, 1995, à propos de la compétence internationale des tribunaux caïmanais) puisqu’elle peut potentiellement s’étendre à tous les biens que possède le débiteur quelle que soit leur localisation. Cette vocation universelle ne sera cependant effective qu’avec la bonne volonté, voire même la coopération des

autorités étrangères. En effet, rien n’empêche une juridiction étrangère d’ouvrir, aux vues des actifs se trouvant dans le ressort de son territoire, une faillite concurrente.

* Compétence locale : Lorsque le débiteur dispose en France d’un établissement secondaire, le for français peut également être éventuellement compétent. En effet, l’article 1 er al. 1 du Décret de 1985 ajoute que « à défaut de siège en territoire français » le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se situe le « centre principal de ses intérêts en France ». Cette disposition a donné lieu à une interprétation extensive ou encore, selon certains, à une mise en œuvre « ultra -territorialiste » puisqu’à l’occasion de la JP, Com. 1996, «   BCCI Overseas   » , la Cour de cassation a admis l’adaptation – dans le sens de l’assouplissement – de cette règle en considérant qu’il pouvait s’agir du « principal de ses établissements secondaires en France ». Plus loin encore est-elle allée à l’occasion de la JP Cass. com., 26 octobre 1999, «   Société Sandur Holidays   » puisqu’elle admit alors que la seule présence de liens contractuels en France (en l’espèce des locaux pris à bail, la location étant ici considérée comme constituant une forme d’exploitation) puisse suffire à fonder la compétence des tribunaux français. En d’autres termes, la localisation d’un bien ou l’exercice d’une activité peut suffire à fonder la compétence internationale directe du for français en matière de faillite. L’expression de l’art. 1er du D. 1985 telle que modifiée en 1994 est donc étendue de façon excessive. Autant dire que la Cour de cassation est peu regardante sur les conditions exigées pour caractériser l’existence d’une exploitation. Ce dernier critère avait d’ailleurs été proposé par J.-P. Rémery. Il avait en effet suggéré de définir le centre principal des intérêts comme étant le lieu « où se prennent les décisions et où sont regroupés des activités de gestion, ce lieu devant correspondre au minimum à un établissement, une implantation matérielle concrétisée par l’exploitation d’une unité économique stable ».Discussion autour de la décision précitée : Si cette solution peut se voir reprocher de procéder à un détour inutile en ce qu’il aurait été en effet plus simple que le créancier demande l’exécution forcée des biens de son débiteur, celle-ci s’explique cependant aisément au regard de la volonté implicite de protéger les intérêts des créanciers locaux et de leur faciliter l’exercice de leur droit. En effet, contrairement à un recours tendant à procéder à l’exécution forcée des biens du débiteur, l’ouverture d’une procédure collective permet aux créanciers d’obtenir le dessaisissement du débiteur et d’éviter ainsi que celui-ci ne dilapide son patrimoine afin de le faire échapper aux revendications de ces derniers. Il n’en reste pas moins que le strict plan juridique cette décision laisse plus que sceptique. Elle déforme en effet gravement les principes gouvernant le droit des procédures collectives. En principe, ces dernières n’ont lieu d’être que lorsque la cessation des paiements ou l’insolvabilité du débiteur est avérée. Ce qui suppose donc une analyse de sa situation patrimoniale globale. Or rien ne semble avoir été souligné en ce sens dans l’arrêt sus -mentionné, ce qui laisse à croire que les enjeux justifiant une telle décision se trouvent ailleurs (cf. créancier : une société d’économie mixte… etc.).

- Les créanciers admis à déclarer leur créance en France :Avant que la jurisprudence ne tranche le problème, la question se posait de savoir s’il fallait admettre à la déclaration de créances, tous les créanciers, sans distinction de leur localisation, ou, inversement, les seuls créanciers locaux, c’est-à-dire ceux ayant traité avec l’établissement du débiteur en France. La Cour de cassation a tranché le problème en faveur de la première alternative, la première fois à l’occasion de «   L’affaire de la faillite Nebel   » en 1913 , puis elle réaffirma cette même solution à l’occasion de la JP, Com. 1988, «   BCT Computer   » . Elle précisa de surcroît le fondement de cette solution dans l’arrêt Cass. com. 1996, «   BCCI Overseas   » en recourant au principe de l’unité du patrimoine, et évinçant implicitement toute discrimination fondée sur la nationalité des créanciers.

b). La compétence internationale indirecte des tribunaux français ou l’effet (reconnaissance et exécution) en France d’un jugement étranger en matière de faillite :- Effet hors exequatur : Le jugement étranger hors exequatur produit des effets immédiats.

Il en est ainsi des syndics nommés dans le cadre de procédures ouvertes à l’étranger. Cette solution a été affirmée notamment à l’occasion de la JP BCCI de 1995. Elle repose sur le principe selon lequel, par le fait même que les syndics ont été nommés par un jugement étranger dont la régularité internationale n’est pas contestée, justifie alors de qualité de mandataire de la procédure collective étrangère sans qu’une décision d’exequatur ne soit nécessaire.

- Effet en présence d’un jugement d’exequatur de la décision rendue à l’étranger : En principe une décision d’exequatur ne peut produire d’effet que pour l’avenir. Cependant, la Cour de cassation à l’occasion de l’arrêt Kléber admet précautionneusement la rétroactivité de l’exequatur d’une décision d’ouverture de faillite étrangère. Toutefois, l’admission de ce principe est formulée de telle sorte que celui-ci est relatif et conditionnel. En effet, la Cour de cassation affirme que « si aucune

mesure d’exécution n’est possible en France avant l’exequatur de la décision étrangère, il est néanmoins possible de prendre en considération certains effets que la loi étrangère de fond attache à la décision déclarée exécutoire en France ». En d’autres termes, la formulation retenue exclut toute automaticité et s’en remet à la loi étrangère au fond, laquelle pourra éventuellement conduire à conclure à la rétroactivité et si tel n’est pas le cas, l’exequatur de la décision de faillite n’aurait pas d’effet rétroactif en elle-même. Dès lors, est-il permis de dire que la rétroactivité admise par la JP Kléber est somme toute conditionnelle. La solution présente d’énormes avantages du point de vue de la protection des créanciers puisqu’elle permet de couvrir juridiquement la période s’écoulant entre le jugement d’ouverture à l’étranger et la date à laquelle est prononcée l’exequatur, à défaut de quoi le débiteur aurait tout loisir pour disperser son patrimoine et le faire échapper aux poursuites des créanciers. Ainsi se trouvent amoindris les risques de fraude et de rupture de l’égalité des créanciers. Toutefois, la décision n’est pas sans dangers non plus puisqu’elle risque par ailleurs, de déjouer les prévisions parfaitement légitimes du débiteur mais aussi et surtout celles des créanciers. En outre, la Cour de cassation conforte les précautions prises en faisant une référence expresse à l’ordre public international. Il ne suffit donc pas que le jugement étranger de faillite franchisse le pas de l’exequatur, encore faudra-t’il ensuite que chacun des effets accordés sur cette base passe au filtre de la conception française de l’OPI. (NB. Pour une mise en œuvre de la solution adoptée dans le cadre de la JP Kléber, v. JP, Cass. civ. 1 re , 24 novembre 1998 «   Darby   » et Civ. 1 re , 22 février 2000, «   Transitas   », qui conduit à se poser la question non plus seulement de la rétroactivité de l’exequatur mais du jugement étranger lui-même refusée dans l’arrêt de 1998, mais qui semblerait admise dans son principe dans le cadre de l’arrêt de 2000).

c). La loi applicable à la procédure de faillite ou le principe de « l’attraction territoriale »- Compétence de la lex concursus : cf. JP de la fiche de TD.- Loi applicable à la déclaration de créances effectuées par un syndic étranger ? Il est

incontestable et constant en JP que les règles relatives à la production des créances sont celles fixées par la loi applicable à la faillite, autrement dit elles sont définies par la lex fori concursus. Or, par définition, cette loi est celle du for saisi lors de l’ouverture de la faillite. Dès lors, il ne faut pas confondre deux situations : selon que la faillite est ouverte en France, par le canal de l’exequatur, auquel cas la faillite française n’est que le prolongement ou le relais de la faillite ouverte à l’étranger et se trouve alors régie par la loi étrangère ; ou selon que la faillite est ouverte, au titre de la compétence internationale directe des tribunaux français, sans exequatur préalable mais sur le fondement de l’article 1er du D. 1985, auquel cas ce sera la loi française qui sera normalement compétente pour résoudre la question du régime de la déclaration de créance…