Fiches Histoire Contemp Avant39 2

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Fiches ralises par Arnaud LEONARD (Lyce franais de Varsovie, Pologne) partir de sources diverses, notamment des excellents livres du professeur des ditions Nathan (dir. Guillaume LE QUINTREC)1

HC A la recherche d'un rgime politique en France de 1848 1879 Approche scientifique Dfinition du sujet (termes et concepts lis, temps court et temps long, amplitude spatiale) :

Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, aprs) :

Sources et musographie : Ouvrages gnraux : Demier Francis, La France du XIXe sicle, 1814-1914, Le Seuil, 2000, coll. Points Histoire, p. 163-322. Rmond Ren, La Vie politique en France depuis 1789, tome 2, La vie politique en France, 1848-1879 , Armand Colin, coll. U, 3e d. 1986, 382 p. J. Baronnet, Regard dun Parisien sur la Commune, Gallimard/Paris bibliothques, 2006. Rougerie Jacques, La Commune de 1871, PUF, 1992, coll. Que sais-je?, 128 p. Rougerie Jacques, Paris insurg, la Commune de 1871, Gallimard, 1995, coll. Dcouvertes, 160 p. Winock Michel, La pousse dmocratique 1840-1870 , in Berstein Serge et Winock Michel (dir.), Histoire de la France politique, tome 3, Linvention de la dmocratie, 1789-1914 , Le Seuil, 2002, coll. LUnivers historique , p. 109-152. J.-C. Caron, La nation, ltat et la dmocratie en France de 1789 1914, coll. U , A. Colin, 1995. Caron, F., La France des patriotes de 1851 1918, Fayard, 1993. M. Agulhon, Les Quarante-huitards, Gallimard, Paris, 1992. Agulhon, M., 1848 ou lapprentissage de la rpublique (1848-1852), tome 8 de NHFC, Le Seuil, 1973. Plessis, A., De la fte impriale aux murs des fdrs (1852-1871), tome 9 de NHFC, Le Seuil, 1973. Mayeur, J.-M., Les Dbuts de la IIIe Rpublique (1871-1898), tome 10 de NHFC, Le Seuil, 1973. F. Furet, La Rvolution : 1770-1880, Hachette, 1988 (rdition chez Pluriel en 2 volumes). Furet (F.), Ozouf (M.), Le Sicle de lavnement rpublicain, Hachette, 1986 J. Garrigues, La France de 1848 1870, coll. Cursus , A. Colin, 1995. P. Lvque, Histoire des forces politiques en France, coll. U , A. Colin, tome 1 (1789-1880), 1992, tome 2 (1880-1940), 1994. A. Olivesi & A. Nouschi, La France de 1848 1914, Nathan, 2e d. 1997. . ANCEAU, La France de 1848 1870. Entre ordre et mouvement, coll. La France contemporaine , Livre de Poche, 2002. E. Anceau (textes prsents par), Les grands discours parlementaires du XIXe sicle, de Benjamin Constant Adolphe Thiers, 1800-1870, A. Colin/Assemble nationale, 2005. J. Garrigues (textes prsents par), Les grands discours parlementaires de la Troisime Rpublique, de Victor Hugo Clemenceau, 1870-1914, A. Colin/Assemble nationale, 2004. J. Ferry, La Rpublique des citoyens, anthologie prsente par Odile Rudelle, coll. Acteurs de lHistoire , Imprimerie Nationale, 1996 (2 volumes). H. Frchet & J.-P. Picq, Lexique dhistoire politique de la France de 1789 1914, Ellipses, 1988. J. Godechot, Les constitutions de la France depuis 1789, Garnier-Flammarion, 1970. M. Mopin, Les grands dbats parlementaires de 1875 nos jours, La Documentation franaise, 1988. H. Nant, La politique en France (XIXe-XXe sicle), coll. Carr Histoire , Hachette, 2e d. 2000. B. Noel, Dictionnaire de la Commune, Mmoire du Livre, 2001. S. Rials, Textes politiques franais (1789-1958), coll. Que sais-je ? , PUF, 2e d. 1987. N. Vivier (dir.), Dictionnaire de la France du XIXe sicle, coll. Carr , Hachette, 2002. R. Huard, Le suffrage universel en France, Aubier, 1991. Rosanvallon, P., Le Sacre du citoyen : histoire du suffrage universel en France, Gallimard, (1992) 2001. M. Offerl, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, coll. Dcouvertes , Gallimard, Paris, 2002. J.-L. Mayaud (dir.), 1848, actes du colloque du cent cinquantenaire tenu lAssemble nationale, Craphis, 2002. J. ETEVENAUX, Napolon III, un empereur visionnaire rhabiliter, De Vecchi, 2006. P. Milza, Napolon III, Perrin, 2004. L. Girard, Napolon III, Fayard, Paris, (1986), 1986, rd. Hachette, coll. Pluriel , 2002. J.-C. YON, Le Second Empire. Politique, socit, culture, coll. U , A. Colin, 2004. Tulard (J.), Dictionnaire du Second Empire, Fayard, 1995 B. H. Moss, Aux origines du mouvement ouvrier franais : Le socialisme des ouvriers de mtier, 1830-1914, Les Belles Lettres, 1989. C. Nicolet, Lide rpublicaine en France. Essai dhistoire critique, Gallimard, 1982. J. GRONDEUX, La France entre en Rpublique. 1870-1893, Le Livre de Poche, 2000. Audouin-Rouzeau (S.), 1870. La France dans la guerre, Armand Colin, 1989 S. Guichard, Paris 1871, la Commune, Berg International, 2006. G. BOURGIN, La Commune, coll. Que sais-je ,PUF, n 581. J. Rougerie, La Commune de 1871, coll. Que sais-je ? , PUF, 1988 (1997). J. ROUGERIE, Procs des Communards, Archives Julliard, 1964. R. Tombs, La guerre contre Paris. 1871, coll. Collection historique , Aubier, 1997 (dition originale, 1981). Documentation Photographique et diapos :

Revues :2

Faut-il rhabiliter Napolon III ? , LHistoire, juin 1997, n211. Napolon III, TDC, N 958, du 15 au 30 juin 2008 Les voies du suffrage universel, TDC, N 831, du 1er au 15 mars 2002 Le Paris dHaussmann, Au nom de la modernit, YVES CLERGET, TDC, N 693, du 1er au 15 avril 1995 Carte murale : Enjeux didactiques (repres, notions et Enjeux scientifiques (pistmologie, historiographie et renouvellement des mthodes) : savoirs, concepts, problmatique) : Entre 1848 et 1879, la France est plus que jamais dchire par lhritage rvolutionnaire, qui a ouvert les questions de lgalit civile et de la dmocratie. Traverse par trois rgimes (Seconde Rpublique de 1848 1852, Second Empire de 1852 1870, IIIe Rpublique proclame le 4 septembre 1870), cette priode est marque tout entire par la question de ladoption du suffrage universel. Si la dmocratie politique et sociale des premiers temps de la Seconde Rpublique choue, lenracinement dmocratique et lapprentissage de la citoyennet se poursuivent nanmoins en profondeur, y compris sous lEmpire, par le biais du plbiscite et, partir de 1860, par son inflexion parlementaire. Au rythme dune histoire souvent tragique, la Troisime Rpublique consacre finalement la maturit de la dmocratie politique par linstauration dun rgime libral et parlementaire, fond sur un suffrage universel rtabli pleinement, ignorant cependant des aspirations sociales qui se sont violemment exprimes dans lexplosion communaliste de 1871. Cette question dhistoire politique classique ne prsente pas de difficults particulires. Il faut analyser les diffrents types de rgimes expriments au cours de cette trentaine dannes, sans se perdre dans un rcit vnementiel trop dtaill. Limportant est dexpliquer le fonctionnement de chacun de ces rgimes et les causes de son chec ou de son succs. Il faut faire attention cependant viter une approche tlologique, qui prsenterait la Troisime Rpublique comme un point daboutissement ncessaire. Le Second Empire, en effet, a t victime dune guerre mal engage, beaucoup plus que de lopposition rpublicaine. Les rpublicains modrs ont su ensuite convaincre les Franais, en se dmarquant la fois de la Commune et des royalistes, encore puissants dans les annes 1870. Comment expliquer linstabilit politique de la France entre 1848 et 1879 ? Ltude de cette question doit permettre de montrer laffrontement des diffrents courants politiques qui luttent pour le pouvoir ainsi que leurs valeurs respectives : monarchistes (lgitimistes et orlanistes ; les premiers, autour du comte de Chambord hritiers de la monarchie absolue de droit divin, les seconds, autour du comte de Paris dfenseurs dune monarchie parlementaire fonde sur un rgime censitaire), bonapartistes (on abordera alors la notion de csarisme, pouvoir excutif fort qui prtend sappuyer sur le peuple) et rpublicains (on montrera leur diversit : conservateurs, radicaux, socialistes et leurs valeurs communes, notamment la dfense du suffrage universel). Le Second Empire est, ds ses dbuts, un rgime ambigu. Dune part, il prtend tenir sa lgitimit du suffrage universel masculin, qui est rtabli ds 1851, et multiplie les appels au peuple franais par lintermdiaire des rfrendums. De lautre, lEmpire saffirme comme une monarchie autoritaire, au moins jusquen 1860 ; les pouvoirs de lempereur sont immenses et les liberts restreintes. Aprs cette date, le rgime se libralise progressivement et devient une monarchie quasi parlementaire. Ces rformes rencontrent un certain appui populaire, mme si le gouvernement ne renonce pas intervenir pour influencer le vote des lecteurs. Lhistoriographie rcente a pris ses distances avec une vision caricaturale du Second Empire, hrite de la propagande rpublicaine et des manuels de la IIIe Rpublique. En maintenant le suffrage universel, mme manipul, le rgime bonapartiste a permis une certaine acculturation politique des Franais. Le vote pour le candidat officiel souvent un homme nouveau peut sinterprter comme un rejet des anciens notables. Par ailleurs, le rgime est devenu quasi parlementaire lissue dun processus de dmocratisation assez remarquable. Comment lide de la Rpublique a-t-elle fini par simposer ? Cette question permet de dvelopper une rflexion autour de la notion-cl du suffrage universel et de souverainet populaire. Elle conduit aussi aborder la BO 1ere : De la Deuxime Rpublique 1879 : la recherche dun rgime politique On examine comment la France est la recherche dinstitutions capables dinscrire lhritage de la Rvolution dans la socit nouvelle. La prsentation des annes 18701871 de la dfaite la Commune - permet de souligner cet enjeu. BO 4e actuel : La France de 1815 1914 (4 5 heures) Laccent est mis sur la recherche, travers de nombreuses luttes politiques et sociales et de multiples expriences politiques, dun rgime stable, capable de satisfaire les aspirations dune socit franaise majoritairement attache lhritage rvolutionnaire. Repres chronologiques : les rvolutions de 1848 ; la Seconde Rpublique (1848-1852) ; le Second Empire (1852-1870) ; linauguration du canal de Suez (1869) ; proclamation de la Rpublique (4 septembre 1870) ; lAffaire Dreyfus (1898). Documents : Delacroix : La Libert guidant le peuple ; Victor Hugo : extraits des Chtiments et des Misrables ; la loi sur la sparation de lglise et de ltat (1905). Socle : Nouveau commentaire La succession des rgimes au cours de cette priode manifeste la difficult de parvenir une stabilit politique jusqu lenracinement de la IIIe Rpublique malgr les crises violentes qui ont marqu ses origines. Ajout aux repres La Commune (1871). BO 4e futur : LVOLUTION POLITIQUE DE LA FRANCE, 1815-1914 La succession rapide de rgimes politiques jusquen 1870 est engendre par des ruptures : rvolutions, coup dtat, guerre. La victoire des rpublicains vers 1880 enracine solidement la IIIe Rpublique qui rsiste de graves crises. Les rgimes politiques sont simplement caractriss ; le sens des rvolutions de 1830 et de 1848 (tablissement du suffrage universel et abolition de lesclavage) et de la Commune est prcis. Situer dans le temps - Les rgimes politiques successifs de la France de 1815 1914 - L'abolition de l'esclavage et suffrage universel masculin en 1848

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notion de liberts fondamentales. Hrites de 1789, ces notions forment le socle commun des rpublicains. Toutefois, il faudra aussi montrer les divergences qui se font jour au sein du camp rpublicain, notamment en ce qui concerne la conception de la Rpublique. Autrement dit, quelle Rpublique souhaitent les Franais ? Est-ce une Rpublique conservatrice (qui garantit les liberts fondamentales, lgalit civique mais se veut conservatrice sur le plan social), une Rpublique radicale (dont les valeurs sont la dfense de la lacit et des valeurs rpublicaines, la limitation des ingalits sociales) ou est-ce une Rpublique sociale (hritire de 1793 et de ces valeurs plus galitaristes) ? Ltude de la Commune doit permettre de trancher cette question. La Commune, comme la montr depuis longtemps Jacques Rougerie, nest pas la premire rvolution du proltariat moderne comme lavaient cru Marx et surtout Lnine. Elle sinscrit dans lhistoire du mouvement ouvrier franais, celle du socialisme de mtier tudi par lhistorien amricain Bernard H. Moss. Les revendications des Communards sont trs proches de celles des dmoc-soc. de 1848 : organiser dans chaque branche dactivit des coopratives ouvrires, avec laide dune Rpublique rsolument sociale. Cest lchec de la Commune qui a ensuite pouss les ouvriers franais prendre leurs distances avec les rpublicains et sorganiser sur leurs propres bases.

Plan, entres originales (vnements, acteurs, lieux, uvres dart), supports documentaires et productions graphiques : Le plan chronologique simpose ici. On analyse donc la IIe Rpublique, puis le Second Empire. On prsente ensuite la priode trs dense des annes 1870-1871, en approfondissant ltude de la Commune (par exemple travers litinraire de Louise Michel). Puis il faut montrer comment la IIIe Rpublique sest impose entre 1871 et 1879, en tudiant dune manire prcise les institutions mises en place (les lois de 1875 et le rgime parlementaire). Un questionnement transversal consacr lhritage de la Rvolution dans le dbat politique permet de voir comment chaque famille politique se situe dans cette problmatique centrale. Les bonapartistes prtendent concilier les principes de 1789 (souverainet nationale) et un ordre monarchique. Les lgitimistes rejettent trs largement lhritage rvolutionnaire et restent nostalgiques de la France davant 1789. Les rpublicains modrs veulent achever loeuvre de la Rvolution, tout en se dmarquant de ses aspects violents. Les rpublicains rouges veulent poursuivre la Rvolution, dont ils assument totalement lhritage. Les rpublicains puisent leurs rfrences dans la philosophie des Lumires et dans la Rvolution de 1789 dont ils veulent faire vivre lhritage : libert, galit, souverainet nationale, exaltation de la patrie. partir de 1879, contrlant tous les rouages du pouvoir, ils mettent en place un rgime parlementaire qui assure la pr minence du lgislatif sur lexcutif et la prpondrance de la Chambre des dputs, des lois garantissant les liberts fondamentales : libert de la presse, de runion, libert syndicale. Ils posent ainsi les bases dune dmocratie librale et parlementaire. I. Rvolutions et Seconde Rpublique (1848-1852) : lchec dune rpublique fraternelle, gnreuse et dmocratique Les quelques mois charnires qui font suite lchec de la monarchie de Juillet et la rvolution de 1848 tmoignent dune recherche effrne dinstitutions efficaces pour diriger la France. Les acquis et les principes rvolutionnaires marquent les aspirations des quarante-huitards , mais leffervescence passionne et les liberts conquises qui sensuivent ne tardent pas effrayer les lites et la paysannerie. La priode est marque par de nombreux questionnements : attitude face la dmocratie sociale, articulation entre reprsentation politique et suffrage universel, entre autorit et dmocratie, entre excutif et lgislatif, entre Paris et province On peut dire que le gouvernement reconnat le droit au travail dans la mesure o, le 25 fvrier 1848, il sengage garantir lexistence de louvrier par le travail . Mais cette dclaration nest pas vraiment suivie deffets. Lextrme gauche rpublicaine rclame en vain la cration dun Ministre du travail (fond en 1906 seulement par Clemenceau). Le gouvernement se contente de nommer une

Activits, consignes et productions des lves : Accompagnement 1re : Ce thme invite une rflexion sur la recherche dinstitutions efficaces pour un tat important, dont la socit est marque par les acquis et les principes de la Rvolution et engage dans les mutations lies au processus dindustrialisation. Les questions des annes 1848-1851 : dmocratie sociale, articulation entre reprsentation politique et suffrage universel, entre autorit et dmocratie, entre excutif et lgislatif et entre Paris et province constituent le point de dpart ainsi que les enjeux durables. Le Second Empire est un csarisme dmocratique, dans lequel le suffrage universel nest pas remis en question mais confisqu par une pratique autoritaire: la souverainet populaire est absorbe par un homme. Lvolution librale matrise voulue par Napolon III : hrdit, appel direct au peuple et gouvernement reprsentatif, se brise sur sa politique trangre, inscrite dans la tradition solidement ancre de la gloire nationale. La crise nationale qui court de septembre 1870 mai 1871 illustre lintrt du temps court et la valeur explicative de lvnement. Le dsastre de la guerre avec la Prusse entrane la proclamation de la rpublique, durablement marque par le provisoire. Deux conceptions saffrontent alors : la vision nationaliste de Gambetta qui veut poursuivre la guerre heurte le libralisme et la prudence des rpublicains modrs et les aspirations la paix des ruraux. Le suffrage universel lit une Assemble majoritairement monarchiste, qui confie le pouvoir excutif Thiers, partisan de la paix. Une partie des Parisiens, refusant que leur rsistance, toute jacobine, contre les Prussiens se termine ainsi, estimant la rpublique menace et refusant la dcapitalisation de leur ville, sinsurge en4

Commission du gouvernement pour les travailleurs, qui sige au palais du Luxembourg sous la prsidence de Louis Blanc et de louvrier Albert. On organise des ateliers nationaux, qui ne sont en fait que des grands chantiers de charit, et non lorganisation du travail rclame par Louis Blanc, superviss par le ministre Marie (reprsentant des rpublicains modrs fidles au libralisme). Tous les ouvriers sans travail y sont admis, avec un salaire de 2 francs par jour. Les ateliers sont organiss sur un modle militaire (lieutenances, brigades, escouades), mais avec des chefs lus. Au moment de leur dissolution, les ateliers nationaux employaient 130 000 ouvriers (pour un cot de plus de 7 millions de francs). Cette dcision fut prise parce que les ateliers nationaux taient considrs comme un foyer dagitation et parce quils cotaient cher ltat, qui avait d augmenter de 45 % les impts directs (cest limpt des 45 centimes, sousentendu par franc dimposition, trs impopulaire dans les campagnes). La jeune Rpublique issue des vnements de 1848 se veut girondine. Immacule, elle vhicule limage dun humanitarisme sincre dont sont issues les aspirations diffuses des vainqueurs : dmocratie, piti et gnrosit, justice sociale, fraternit Elle rpudie tout systme et toute tentative de terreur. La frocit jacobine de 1793 est condamne. Il y a pourtant parent entre les deux pisodes rvolutionnaires. La jeune vierge de 1848 sadresse sa soeur de lAn II, reconnaissance explicite dun hritage, dune continuit entre les rvolutions de 1793 et 1848. Victor Hugo montrant bien la complmentarit des deux rpubliques : La premire a dtruit, la seconde doit organiser. Loeuvre dorganisation est le complment ncessaire de luvre de destruction . Mais aprs la proclamation le 4 mai dune rpublique conservatrice, les meneurs socialistes les plus rsolus (Blanqui, Barbs, Raspail) manquent, lissue dune manifestation dsordonne le 15 mai 1848, de faire vaciller le rgime. Le dsir de raction va tre exaspr par cet pisode. La dignit de la Rpublique issue du suffrage universel a t viole, sa lgitimit conteste par le peuple de Paris. Les sanglantes Journes de juin rompent leuphorie de la fraternit nouvelle inaugure par la rvolution de fvrier 1848. Les journes de juin 1848 sont dclenches par la dcision du gouvernement de fermer les Ateliers nationaux crs par le gouvernement provisoire de fvrier pour lutter contre le chmage (dans lesquels on versait un salaire aux chmeurs contre un travail, le plus souvent de terrassement, dont lutilit ntait pas toujours avre) et denrler les chmeurs clibataires dans larme. La fermeture des ateliers, ainsi que llection lAssemble des rvolutionnaires Leroux et Proudhon et de Louis Napolon Bonaparte mettent le feu aux poudres. Les ouvriers au chmage qui ne survivent que grce aux ateliers nationaux, sont acculs au dsespoir suite leur abolition. Larrestation en mai des leaders les plus connus empche toute organisation efficace Le 23 juin, Paris se hrisse de barricades. Les soldats de la Garde nationale livrent durant 4 jours un cruel combat contre les insurgs. Linsurrection parisienne de juin 1848 La France est dchire une guerre civile qui oppose la classe ouvrire et les partisans de lOrdre. Un ouvrier accuse explicitement la bourgeoisie rpublicaine davoir fusill et dport les militants de gauche rvolts les 23-26 juin 1848. Le gnral Cavaignac, le prince du sang , ministre de la Guerre puis chef du pouvoir excutif, est charg de rprimer lmeute. Le 26 juin, aprs des combats sanglants, les dernires barricades tombent. La bataille se solde par quelques excutions sommaires et dimmenses rafles de suspects. 1 500 hommes attendent, dans des prisons improvises, la transportation en Algrie . Lcrasement de linsurrection par larme marque la fin de lillusion lyrique et de la Rpublique sociale . Jean-Louis Meissonnier est lun des peintres dhistoire et de scnes de genre les plus populaires et les plus dcors de la monarchie de Juillet et du Second Empire. Cette oeuvre, La barricade de la rue de la Mortellerie, illustre la terrible rpression des Journes de juin Paris. Les affrontements sont acharns entre un camp bourgeois trs rsolu dont les valeurs dordre, de proprit, de libert se voient attribues des mrites absolus et celui des ouvriers socialistes combattant au nom de la justice, du bonheur et de la vie.

mars 1871. La Commune dfend la dmocratie directe, mne une politique qui anticipe sur celle de la Troisime Rpublique et esquisse des projets (rpublique sociale et pour partie fdrale). Aprs son crasement, la priode 1871-1879 est marque par la marginalisation de ceux qui refusent la rpublique et la victoire de la conception librale et parlementaire du pouvoir sur la conception autoritaire. Le suffrage universel tranche plusieurs reprises, amenant la dmission de Mac-Mahon en janvier 1879. Ce fait entrine une csure importante, pour le fonctionnement des institutions comme pour la recomposition du systme des forces politiques. LINCONNU DE LA PREMIRE FOIS la suite de la Rvolution de fvrier 1848, le gouvernement provisoire de la Rpublique franaise dcrte, le 5 mars, le vote universel, cest--dire le suffrage universel masculin. On entrait dans linconnu , crit GarnierPags, lun des membres du gouvernement provisoire. Dimanche de Pques, 23 avril 1848, la scne a t souvent dcrite : GarnierPags trace les contours idylliques de ce premier vote massif et apais des campagnes avec 83 % des inscrits qui ont particip ce premier banquet civique ! Les lecteurs, venus en cortges au chef-lieu de canton, ont t appels, commune aprs commune, nominalement par le prsident du bureau de vote qui ils remettent leur bulletin de vote, qui a t rdig la main en dehors du bureau, ou dfaut imprim. Le bon lecteur est en effet celui qui est capable dcrire lui-mme son bulletin, mais, la population masculine tant analphabte 50 %, les agents lectoraux des candidats ont rpandu dans la population de fortes quantits de bulletins imprims. Lors de ce premier vote, les pressions des puissants, des prtres et des reprsentants de la jeune Rpublique nont pas d manquer. Le prsident glisse lui-mme le bulletin dans lurne, tandis quun assesseur appose son paraphe ct du nom de llecteur. Cette procdure restera inchange jusquen 1913, date dadoption de lenveloppe et de lisoloir. Toutefois le vote aura dsormais lieu dans la commune et la procdure de lappel nominal des citoyens tombera en dsutude. Preuve aussi de lindividualisation du vote : on vient voter quand on le veut. Toutefois, la belle unanimit quarantehuitarde est ternie par les contestations des rsultats Limoges et surtout Rouen, dans les quartiers ouvriers. Deux mois plus tard, ce seront 4 000 morts que linsurrection de juin fauchera. La pacification des conflits est une condition, mais aussi une consquence de la gestion douce des passions politiques par le vote. Si, par la loi du 31 mai 1850, le parti de lordre exclut la vile multitude (Thiers),5

La Constitution du 4 novembre 1848 Ds le lendemain de la rvolution de 1848, une Assemble constituante est forme dune majorit de rpublicains modrs prts dfendre la Rpublique

contre les vellits socialistes du peuple de Paris. Fortement inspire de la Constitution amricaine, mais sans accorder la mme prminence au prsident, elle vise viter la dictature dune assemble comme sous la Convention. Cest pour cette raison que les pouvoirs sont si nettement spars. De ce fait, en cas de conflit entre lAssemble et le prsident, les institutions sont bloques et la crise ne peut tre dnoue que par la force. Paradoxalement les dputs de gauche de lAssemble constituante, proches du peuple dans leur discours mais se dfiant de son vote dans le cas de llection dun prsident au suffrage universel, se sont opposs ce mode de dsignation du Prsident de la Rpublique. Cest Lamartine, favorable llection du Prsident au suffrage universel qui emporta la dcision par un discours dont lloquence fut dcisive (J-J. Chevallier, Histoire des Institutions politiques de la France, Dalloz, 1952, p. 251). Cette Constitution semble plutt instaurer un rgime prsidentiel. En effet, le suffrage universel lit directement une Assemble unique et un Prsident, qui ont donc une lgitimit quivalente (comme aux tats-Unis). Le Prsident ne dispose pas du droit de dissolution, qui est un lment constitutif du rgime parlementaire. Les ministres sont nomms par le Prsident, mais la question de leur responsabilit nest pas clairement rgle. Larticle 68 commence ainsi : Le prsident de la Rpublique, les ministres, les agents et dpositaires de lautorit publique sont responsables, chacun en ce qui les concerne, de tous les actes du gouvernement et de ladministration . On ne sait pas ici sil sagit dune responsabilit pnale individuelle ou dune responsabilit politique collective. Dans un rgime parlementaire, les ministres sont collectivement responsables devant le Parlement ; dans un rgime prsidentiel, chaque ministre est responsable devant le Prsident. La pratique politique de la IIe Rpublique fut dabord parlementaire (ministres choisis dans la majorit parlementaire), puis le Prsident Louis-Napolon Bonaparte dcida, en 1849, que les ministres seraient responsables devant lui seul. loge du suffrage universel Dans ce clbre discours, Victor Hugo clbre le suffrage universel dune double manire : le suffrage universel tablit lgalit politique entre les citoyens (masculins), ce qui permet de transcender les ingalits sociales et de donner la parole tous ; ce faisant, le droit du suffrage abolit le droit dinsurrection , rendant inutile le recours la violence, lmeute . Ce second argument est destin aux conservateurs, qui sapprtent restreindre le droit de vote. Sils portent atteinte au suffrage universel, ils pousseront les ouvriers, privs du droit de vote, se tourner de nouveau vers linsurrection. Cest ainsi la droite qui est prsente comme fauteuse de dsordre et la gauche rpublicaine comme une force de paix sociale. Llection prsidentielle de dcembre 1848 porte en tte Louis-Napolon Bonaparte, le candidat du parti de lOrdre suivi de trs loin par le gnral Cavaignac qui avait rprim dans le sang le mouvement ouvrier de juin 1848. Les autres candidats partisans dune rpublique modre ou sociale nobtiennent que des rsultats drisoires. Cette tendance est confirme lors des lections lgislatives de mai 1849 qui donnent une majorit trs large au parti de lOrdre. Louis Napolon Bonaparte, lu prsident de la Rpublique le 10 dcembre 1848, soutient la rpression de la propagande dmocratique prne par le Parti de lordre et son chef Louis Adolphe Thiers. Tout un arsenal lgislatif vise limiter limpact des mesures librales prises dans le contexte euphorique de fvrier et favoriser lencadrement du peuple par les notables, les fonctionnaires ou le clerg. La loi Falloux (15 mars 1850) illustre bien cette volont puisquelle fait du clricalisme une pice matresse du systme conservateur. La religion, par le biais de lenseignement primaire, doit inculquer au peuple le respect de lordre et de la proprit. La rforme lectorale du 31 mai 1850 marque une nouvelle tape dans la lutte contre les Montagnards . Sil est dsormais impossible de revenir sur le suffrage universel, esprit de la constitution , il est possible den limiter la porte. La loi du 31 mai restreint le corps lectoral par lajout dune condition linscription sur les listes. Trois ans de domicile continus sont exigibles des votants, ce qui exclut les migrants, les vagabonds . La loi du 31 mai, une fois applique, rduit le corps lectoral de prs dun tiers, le nombre dlecteurs passant de 9 600 000 6 800 000. Tout le jeu politique sen trouve chang. Louis Napolon Bonaparte demande lAssemble nationale de lautoriser

crtant ainsi llectorat de 3 millions de personnes, le suffrage universel est rtabli par Louis Napolon Bonaparte en 1851. Cest donc sous un rgime autoritaire, sans libert dexpression et avec le poids des candidatures officielles, que les Franais vont aussi apprendre voter. La participation est importante lors des trois plbiscites victorieux (1851, 1852, 1870). Les lections de 1869 dnotent cependant un net changement par rapport aux pratiques prcdentes et la campagne lectorale est vraiment contradictoire dans les grandes villes. Enfin, la Commune fait natre les derniers grands dbats autour du droit de suffrage : peut-on laisser la canaille le droit de voter, voire pire, dtre lue ? En 1874-1875, le problme est rgl. Non par lexaltation du suffrage, mais par largument de la continuit. Le droit au vote est dsormais irrversible. Seul le rgime de Vichy interrompra ce long apprentissage du vote et du respect en suspendant les lections. LE SUFFRAGE UNIVERSEL A TU LES BARRICADES (LE TEMPS, 1898) Linstauration du suffrage universel masculin sest rvle un formidable instrument de pacification sociale. Il est la fois cause et consquence du processus sculaire de civilisation des murs et dapprentissage du contrle de soi et du respect des autres. Dsormais, llecteur doit avoir troqu ses vieux modes dexpression du mcontentement (motions populaires, meutes, journes rvolutionnaires) contre la reconnaissance de sa dignit et de son galit lgard dautrui. Il doit apprendre patienter, attendre les chances lgales. La dmocratie, que lon appelle dornavant reprsentative, tend tre assimile au seul verdict des urnes (le peuple sest exprim) comment par les porte-parole de lopinion que sont les lus et les grands ditorialistes. La Rpublique, cest le droit de voter, mais ce peut tre aussi le droit de ne sexprimer que par le vote. La dlgitimation de lusage de la violence et sa limitation dans les conflits individuels et collectifs sera un processus progressif. On a pu parler dexception franaise, la France ayant t le pays dans lequel la rvolution initiatrice (celle de 1789) nen finit pas de finir. Cependant, le Grand Soir ou la Grve gnrale rvolutionnaire, symboles ngateurs de la rgulation dmocratique par le suffrage, nclateront pas. Dans le mme mouvement, le personnel politique sadapte lui aussi aux modifications de la comptition politique dmocratique : respect du principe de majorit, respect des droits des minorits, alternance, rversibilit des dcisions. Lennemi quil sagissait de dtruire physiquement ou dannihiler politiquement devient un adversaire, gouvernant potentiel et6

briguer un second mandat alors quil nest pas rligible. Face au refus des parlementaires, il tente un coup dtat le 2 dcembre 1851, dissous lAssemble et rtablit le suffrage universel. Le coup dtat du 2 dcembre 1851 : restauration ou mise en place dune exprience politique originale ? Louis Napolon Bonaparte dcide de dissoudre lAssemble, le Conseil dtat, de rtablir le suffrage universel en abrogeant la loi du 30 mai 1850 qui limitait le suffrage universel, de convoquer lensemble des lecteurs pour de nouvelles lections. On peut parler de coup de force car le pouvoir excutif dcrte, il ne tient donc pas compte du pouvoir lgislatif ni du pouvoir judiciaire pour prendre le pouvoir. Il affirme dtenir sa lgitimit du Peuple franais au nom duquel il dcrte. Enfin, il instaure ltat de sige, sappuyant sur larme pour maintenir lordre. La seule conqute qui reste est le suffrage universel, mais il est dnatur et utilis au profit du pouvoir. La proclamation du 2 dcembre 1851 est un texte essentiel qui fixe les fondements du nouveau rgime autoritaire. Elle sinscrit dans une mise en scne prcise, cible et bien orchestre. En effet, le coup dtat na pas pour vocation de conqurir un pouvoir dj en grande partie acquis mais de se prmunir contre les rsistances que pourraient susciter les nouvelles initiatives constitutionnelles. La russite de lentreprise passe dabord par une grande opration de propagande qui doit faire accepter le fait accompli lopinion publique. Ainsi, dans la nuit du 1er au 2 dcembre, le coup dtat dbute-t-il par loccupation de lImprimerie nationale. A laube du 2 dcembre, des afficheurs salaris de la prfecture placardent sur tous les murs de Paris une proclamation la population. Elle annonce la dissolution de lAssemble lgislative, impopulaire parce que conservatrice, la prparation dune nouvelle Constitution, un plbiscite pour la ratifier, le rtablissement du suffrage universel par abrogation de la loi du 31 mai 1850. Dans un premier temps, Louis Napolon Bonaparte prfre la dmagogie la violence. En rendant au peuple sa voix, il se place plus gauche que lAssemble dissoute. En satisfaisant laspiration des Franais la souverainet nationale, en fondant son rgime sur la dmocratie, il montre lune des facettes de son programme : fermer lre des rvolutions en satisfaisant les besoins lgitimes du peuple , conception la fois antirvolutionnaire, ambitieuse et paternaliste, mais aussi progressiste. Contrairement Paris, la province tente de sopposer au coup dtat. Partout o la propagande rpublicaine stait dveloppe, lannonce de lvnement donne le signe de linsurrection. Le fondement de linsurrection en province comme Paris repose dans larticle 68 de la constitution Le prsident est dchu [], les citoyens sont tenus de lui refuser lobissance . Comment ? Larticle prcise que le pouvoir excutif revient alors lAssemble. Celle-ci nayant pas eu le temps de sen saisir, la rsistance prend une forme improvise, celle de colonnes de paysans, guids par des chefs ceints de lcharpe rouge, manifestant parfois avec violence leur mcontentement. La proclamation du prfet de lAllier du 4 dcembre reflte linterprtation que le nouveau pouvoir et le Parti de lordre veulent donner de lvnement. Linsurrection, venue des campagnes arrires, y est assimile une jacquerie. Au-del de la raction antirvolutionnaire, cette interprtation de linsurrection provinciale est dun intrt politique majeur. Le pril rouge devient la justification du coup dtat. Le mythe de la jacquerie permet Louis Napolon Bonaparte dinflchir sa propagande. Pour sauver la socit du pril rvolutionnaire, il lui fallait consolider ltat. Ainsi, le coup dtat qui le 2 dcembre comportait une vague composante de gauche est devenu, en quelques jours, une entreprise radicalement conservatrice. Paris, larticle 68 conduit quelques dputs rpublicains, dont Victor Hugo, tenter de soulever le peuple : Louis Napolon trahit la Rpublique . Le 2 dcembre, ces rpublicains lisent un comit de rsistance qui tente dappeler le peuple de la capitale aux barricades. Les Parisiens nont pas lev de barricades spontanes. Le souvenir de la rpression des journes de juin 1848 est encore vivace, dautant que lannonce de la restitution du suffrage universel suscite des mouvements favorables. Les ouvriers parisiens ne veulent pas rsister au coup dtat parce que celui-ci renverse un rgime rpublicain conservateur qui leur a t hostile. Pourtant la rsistance sorganise au cri de Vive la constitution . Le 4 dcembre, le duc de Morny dcide la rpression. En fin de soire, les troupes, suprieures en nombre et en armement, ont abattu la plupart des barricades. La

appartenant la mme corporation des hommes politiques professionnels. La participation aux lections, parfois refuse lextrme droite et lextrme gauche, est utilise par certains nouveaux entrants dans la comptition des fins de propagande avant lassaut final rvolutionnaire. Peu peu, pris dans la machinerie dmocratique, les partis hors systme et les tenants des rgimes monarchistes ou autoritaires apprennent, eux aussi, respecter le verdict des urnes, qui seules confrent le droit doccuper temporairement les positions de pouvoir politique. Le recrutement du personnel politique aura tendance se dmocratiser et les titulaires de mandat auront tendance se professionnaliser. Cest le temps des politiciens comme les appellent leurs dtracteurs. Le mot apparat vers la fin du XIXe sicle et dsigne ceux qui vivent, pour reprendre le mot du sociologue allemand Max Weber, pour et de la politique. Ce qui signifie quils sont rmunrs par leur parti ou le plus souvent par une indemnit parlementaire (instaure trs prcocement en France ds 1789, supprime puis rinstaure en 1848 et dfinitivement en 1870). Les membres des professions librales (avocats surtout, mdecins, publicistes), de lenseignement (instituteurs et professeurs) peuvent ainsi concurrencer les anciens notables qui pouvaient financer leurs activits politiques sur leur fortune et leurs loisirs. La fin des notables (au dbut de la IIIe Rpublique) nest pas aussi brutale quon a pu le dire. Certains arrivent rsister la concurrence des comits en sadaptant, en se spcialisant et en apprenant, eux aussi, les techniques de dmarchage lectoral et de recherche de voix en comptition dmocratique : rendre des services, certes, mais galement multiplier les affiches, les journaux, tenir des runions. Bref, faire campagne. Le triomphe de la Rpublique , Estampe, 1870, muse Carnavalet, Paris. Cette allgorie au titre explicite permet de prsenter clairement la problmatique de la priode. La Rpublique triomphante, au centre de limage, est incarne trs classiquement par une femme vtue lantique et coiffe du bonnet phrygien. Cette Marianne tient, dans la main gauche, le drapeau tricolore et, dans la main droite, un glaive de justice. Derrire elle, une sorte dange lve un flambeau qui claire le monde. Deux angelots portent les symboles de la dmocratie : les droits de lhomme et le suffrage universel. Autour de la Rpublique sont regroupes les diffrentes composantes du peuple franais. droite de limage, un forgeron reprsente le monde ouvrier, aux cts dun paysan tenant une fourche. 7

fusillade des boulevards montre la rsolution des hommes de llyse. Victor Hugo, ainsi que soixante-dix autres reprsentants de la gauche, est contraint lexil. Le coup dtat de dcembre est, pour les rpublicains des annes 1870, le crime originel du rgime bonapartiste. Ils insistent sur lhorreur de la fusillade qui fit 400 morts sur les grands boulevards. Un plbiscite approuve une crasante majorit un prolongement de son mandat de 10 ans et la possibilit de rviser la Constitution. Les institutions de 1852 Il est dans la nature de la dmocratie de sincarner dans un chef . Ces mots de Louis-Napolon Bonaparte refltent lesprit de la Constitution promulgue le 4 janvier 1852. Cette Constitution qui sinspire des principes institutionnels du Consulat, est un pas vers le rtablissement de lEmpire. Les institutions de 1852 sont celles dun rgime autoritaire, qui a certes conserv le suffrage universel, mais o lexcutif contrle trs troitement le lgislatif. Les dputs sont lus selon le systme de la candidature officielle. Le Corps lgislatif ne fait que voter les lois proposes par Louis-Napolon Bonaparte et prpares par le Conseil dtat. Les ventuels amendements doivent tre accepts par le Conseil dtat. Le Snat, dont les membres sont nomms par Louis-Napolon Bonaparte, peut sopposer la promulgation dune loi. Cest au cours de sa tourne des dpartements lautomne 1852, organise par le ministre de lIntrieur Persigny, que le prince-prsident fut de plus en plus accueilli par des acclamations le poussant officiellement rtablir lEmpire et que fut prononce, lors du discours de Bordeaux, la fameuse phrase : LEmpire, cest la paix LEmpire est proclam le 2 dcembre 1852, jour anniversaire du sacre de Napolon Ier et de la bataille dAusterlitz, puis approuv par plbiscite. Ce rgime semble en faade respecter certains principes ns de la Dclaration des droits de lhomme comme la souverainet populaire, lexistence dune assemble issue de la nation, voire mme un semblant de sparation des pouvoirs. Mais en diluant les prrogatives des assembles, en nommant leurs membres ou en influenant les lecteurs pour leur nomination, lempereur sarroge finalement un contrle total sur le travail lgislatif et ce dautant quil est le seul possder linitiative des lois. Concentrant entre ses mains les pouvoirs, ce rgime est donc un rgime autoritaire qui tire sa lgitimit du plbiscite. On parle de csarisme. Par la suite, le prince-prsident ne modifiera pas les dispositions constitutionnelles majeures. Cette priode constitue donc la matrice du Second Empire, csarisme dmocratique dans lequel le suffrage universel nest pas remis en cause mais confisqu par une pratique autoritaire incarne par un homme. II. Napolon III et le Second Empire Empire, une monarchie autoritaire ? Fils dHortense de Beauharnais et de Louis Bonaparte, frre cadet de Napolon Ier, Louis-Napolon passe son enfance en exil, Arenenberg, en Suisse. lev dans le culte du Premier Empire et dans lattachement aux principes rvolutionnaires, il apparat trs tt comme un rvolutionnaire exalt. En 1831, il combat aux cts des carbonari en Italie. La mort du duc de Reichstadt, le 22 juillet 1832, fait de lui le seul pouvoir relever le nom des Bonaparte. Aprs avoir t successivement exil, proscrit, prisonnier, vad, la rvolution de fvrier 1848 lui donne loccasion de revenir en France. Alors inconnu de la plupart des Franais mais bnficiant de la lgende laquelle son nom est attach, il remporte llection du 10 dcembre 1848 et devient le premier prsident de la Rpublique franaise. Aprs le coup dtat du 2 dcembre 1851, il fait rdiger une nouvelle constitution qui lui octroie de trs larges pouvoirs et tablit un rgime aux apparences dmocratiques mais en ralit liberticide. La dignit impriale une fois rtablie, il dirige la France pendant 18 ans. Il instaure alors une certaine pratique du pouvoir lorigine dune tradition politique qui connatra une longue postrit: le bonapartisme. Napolon le Petit , comme le surnomma Hugo, est en fait une personnalit beaucoup plus complexe que ne le laisse penser la multitude de caricatures qui fonde sa lgende noire. Sinspirant du modle conomique anglais, il favorise lentre de la France dans la rvolution industrielle. Auteur de LExtinction du pauprisme, il fait voter tardivement une lgislation en faveur des ouvriers. Visionnaire sur le plan de la politique extrieure, il veut redonner la France une place au sein du concert europen tout en dfendant le principe des nationalits.

gauche, les soldats fraternisent avec les ouvriers en blouse et les bourgeois (on aperoit un chapeau haut de forme larrireplan). Marianne foule aux pieds les symboles du pouvoir monarchique : une couronne et une main de justice, poses sur un coussin pourpre. Au premier plan de limage, les monarchistes dvalent les marches du pouvoir : ils sont chasss par la Rpublique. gauche de limage, on reconnat les royalistes, avec leurs principes (le droit divin, la Charte de 1814). Leur prtendant, le comte de Chambord (reprsent dune manire raliste), portant les attributs de la royaut (manteau fleurdelis et sceptre), chancelle. Les trois autres personnages sont des partisans des Bourbons. Le comte de Chambord (1820-1883), petit-fils de Charles X, est le prtendant la Couronne pour la branche lgitime des Bourbon, sous le nom de Henri V. Profitant de la victoire des royalistes aux lgislatives de fvrier 1871, il rentre en France pour tenter la restauration. Mais la fusion dynastique avec le prtendant des Orlans (le comte de Paris) savre impossible, notamment parce que le comte de Chambord refuse dadopter le drapeau tricolore (refus ritr dans une lettre du 23 octobre 1873, qui fait dfinitivement chouer la restauration). Lidologie lgitimiste peut tre dfinie globalement comme contre-rvolutionnaire dans la mesure o elle considre la Rvolution franaise comme une rupture nfaste dans lhistoire de France. Le terme dotations et la bourse que tient lun des personnages sont des allusions au milliard des migrs (loi de 1825 accordant des indemnits pour les biens confisqus aux migrs). droite, on assiste la droute du bonapartisme. On reconnat aisment Napolon III, dans son uniforme imprial, et son fils (le Prince imprial), accabls par la dfaite de Sedan. Le terme plbiscite renvoie la doctrine bonapartiste. La Rpublique semble chasser, en mme temps que Napolon III, le Prussien (uniforme vert) et lAutrichien (uniforme blanc), autres incarnations de lidologie impriale et militariste. Cest une Rpublique triomphante qui est reprsente (elle pose le pied sur les symboles de la royaut). Mais elle est aussi consensuelle, car lensemble des forces politiques franaises sont reprsentes, des monarchistes aux socialistes en passant par les bonapartistes, les rpublicains modrs ou encore les radicaux. Cest donc lensemble de la Nation (on aperoit au fond le gnie de la Nation) qui est rassemble, comme elle lavait t jadis le 14 juillet 1790, autour de valeurs communes et de la Constitution de 1875. Plantation dun arbre de la Libert8

Sa politique artistique et culturelle, longtemps mprise, est ambitieuse. Dsirant faire de Paris la capitale la plus moderne du monde, il encourage un nouvel urbanisme qui transforme la ville mdivale en Ville lumire. La dfaite de Sedan, le 2 septembre 1870, sonne le glas du rgime. La Troisime Rpublique naissante diabolise alors Napolon III et le Second Empire. Les historiens sattachent aujourdhui rvaluer lhomme et son oeuvre politique. Lconomie franaise sous le Second Empire Sous le Second Empire, le dveloppement conomique est largement d limpulsion de Napolon III lui-mme, passionn par les questions conomiques (grce ses lectures de jeunesse et ses visites dans les principales rgions conomiques dAngleterre avant 1848, lors de sa jeunesse aventureuse). Jouent aussi un rle la dcouverte de nouvelles mines dor en Californie (1848) et en Australie (1850) et la mise en place dun systme bancaire moderne. Lamnagement de la France prolonge celui de la monarchie de Juillet (loi sur les chemins de fer de 1842) en lamplifiant. Noter laccent mis sur les transports (voies ferres, ports, canaux), les grands travaux (asschement de la Sologne et surtout des Landes), lurbanisme (qui se poursuit jusque dans les annes 1890) : cest sous le Second Empire que la France est entre vraiment dans la rvolution industrielle. Partisan des ides des saint-simoniens (qui voyaient le progrs humain se raliser par le dveloppement dune conomie moderne) et adepte du libre-change (labaissement des droits de douanes devant permettre la modernisation des industries grce la concurrence avec ltranger), Napolon III est la base de la modernisation conomique du pays. Il imposa parfois ses ides : les ngociations aboutissant au trait de libre-change avec le Royaume-Uni (janvier 1860) furent menes secrtement, une partie du gouvernement et des milieux daffaires tant opposs louverture des frontires. On peut rflchir la personnalit originale de Louis Napolon Bonaparte la fois prtendant au trne et sensible aux professions de foi librales. Le 4 juin 1848, Louis Napolon Bonaparte revient la politique. Il est lu dput lAssemble. Cest lui encore que les Franais choisissent le 10 dcembre 1848 la prsidence de la IIe Rpublique. Cette victoire, lorigine directe du Second Empire, sexplique par lalliance quil noue avec le comit de la rue de Poitiers, notables nostalgiques des anciennes monarchies, influents mais pas assez pour rassembler les lecteurs, et par un nom connu de la France entire. Le souvenir de Napolon Ier, de la grande Arme, transmis dans les familles est un atout majeur lheure o la campagne lectorale de masse nexiste pas. Contrairement aux croyances de Thiers, lhomme fort du comit de la rue de Poitiers, Louis Napolon Bonaparte nest pas un crtin quon mnera . Avec le personnage merge une sorte de doctrine indite qui nest pas celle du Parti de lordre et de lAssemble conservatrice. Louis Napolon Bonaparte se croit lgitime au point quil fondera bientt sur cette lgitimit son droit violer la Constitution quil naura pu rformer. Comme son oncle, il croit aux principes sociaux et juridiques de 1789, mais contrairement lui, il a reu une ducation moderne et ouverte. Son exil en Grande-Bretagne lui a montr que la modernit industrielle engendrait le pauprisme. Cette misre du peuple donne ltat un devoir dintervention. Sil navait t prtendant au trne, lauteur de Lextinction du pauprisme aurait pu tre socialiste. Cest l linsurmontable contradiction de sa pense : lide que seul un pouvoir fort et non un pouvoir collectif peut engendrer le progrs. Faire le bien, amliorer le sort des populations : Louis Napolon Bonaparte se fait son propre propagandiste. Cest lui qui invente le voyage prsidentiel. Il fait quatorze voyages entre 1849 et 1851 afin de prsenter ses ides et de prparer indirectement une prise du pouvoir, la Constitution lui interdisant toute rlection. Tel est lobjectif de ses discours entre dmagogie et aspirations sociales sincres ( Dijon en juin 1851). Au matin du 2 dcembre 1851, Louis-Napolon Bonaparte fait afficher un appel au peuple o il lgitime le coup dtat et annonce une nouvelle Constitution, inspire du Consulat. Lexpression fermer lre des rvolutions doit se comprendre deux niveaux. Il sagit dabord de clore la priode rvolutionnaire commence en 1789, de mettre un terme ce processus, en luttant contre les passions subversives et en proposant des institutions durables. Mais il sagit en mme temps de prenniser les acquis de 1789, de fonder

La plantation darbres symbolisant la libert renoue avec une pratique remontant la rvolution de 1789 et la plantation des arbres de mai sous lAncien Rgime. En 1848, les crmonies ont lieu gnralement en prsence du clerg, traduisant par l une constatation : la rvolution de 1848 nest nullement anticlricale. La crmonie ici reprsente exprime un certain unanimisme. Cest le temps de lillusion lyrique . Cette lithographie clbre le suffrage universel. Elle tmoigne de lenthousiasme pour le vote de tous malgr les dceptions apportes aux rpublicains par les votes de dcembre 1848 et de mai 1849. Une jeune femme, drape en blanc et coiffe dun bonnet phrygien, symbolise la libert ; elle tient dans la main gauche la table des Droits de lhomme, appuye sur une presse dimprimerie, et dans la main droite un flambeau qui claire lurne (la lumire symbolise la raison). Celle-ci est apporte par un homme en blouse et lavallire. Vers cette urne convergent, gauche et en arrire-plan, des cortges dhommes unis fraternellement. On distingue symboliquement, au premier rang, de droite gauche, un paysan, un bourgeois, un ouvrier et un soldat. LedruRollin, accoud un arbre de la libert, contemple ce spectacle comme celui de sa victoire. droite, les dputs du parti de lOrdre (Falloux, Montalembert, et Thiers) semblent perplexes voire craintifs. Cette lithographie permet aussi lassociation de lide rpublicaine et du suffrage universel avec celle de progrs matriel. Lurne lectorale est entoure dune corne dabondance do sortent des fruits. Les deux cortges dlecteurs sortent lun dun quai o accostent des bateaux vapeur, lautre dune gare de chemin de fer. Le succs de la IIe Rpublique est ainsi fond sur le suffrage universel mais aussi sur le dveloppement conomique, conformment aux ides dveloppes par Saint-Simon. Discours de Bordeaux, 9 octobre 1852 Cest le discours le plus important de la tourne entreprise en 1852 pour amener lEmpire. Louis-Napolon Bonaparte (futur Napolon III) dfinit son rgne venir en levant lhypothque qui pse sur la tradition dont il est lhritier : la guerre en Europe. Le Second Empire sera synonyme de paix. Le neveu de Napolon Ier reprend le thme de la rconciliation nationale mais en y ajoutant une nouveaut, le progrs technique et lexpansion de lconomie. Expansion coloniale et politique extrieure du Second Empire Les oprations en Europe sont destines faire oublier le congrs de Vienne. Le9

dfinitivement un systme inspir par la Rvolution franaise. Lautre formule du texte qui dfinit bien le programme bonapartiste dans son rapport la Rvolution est : la France rgnre par la rvolution de 89 et organise par lEmpereur . On retrouve, en effet, l toute lambigut du bonapartisme, qui prtend concilier la souverainet nationale et lordre monarchique. Le Second Empire se rserve le droit de dsigner aux lecteurs le bon choix faire. On craint en effet que les lecteurs, peu habitus au suffrage universel, ne se laissent abuser par des dmagogues : droite, cest la peur de voir lire des candidats rouges , gauche, celle de voir les lecteurs tomber sous linfluence des notables (le chtelain, le cur). Cela explique les hsitations de 1848 mettre en place le suffrage universel, puis la loi de mai 1850 le restreignant. Ici, il est maintenu, mais guid. Le prfet intervient en donnant des instructions aux maires : dsignation du bon candidat , mise disposition dun seul bulletin de vote, service dordre pour empcher les adversaires de se manifester, incitation au retrait dun candidat. Les rformes politiques On constate quaprs 1863 lopposition au rgime est de plus en plus prsente au sein du corps lgislatif (8 lus en 1852 contre 74 en 1869), alors que lintrt des Franais pour les lections ne cesse de grandir. Cette force nouvelle de lopposition sexplique en partie par la libralisation progressive du rgime : amnistie de 1859, rformes du dcret sur la presse et du fonctionnement des institutions. Des rformes importantes sont adoptes au cours des annes 1860, ce qui aboutit, en 1870, un rgime quasi-parlementaire. Le Corps lgislatif obtient le droit dadresse en 1860 et, surtout, le droit dinterpellation en 1867, qui lui permet de critiquer la politique du gouvernement. Le droit dinitiative des lois est partag partir de 1869 entre lEmpereur et le Corps lgislatif, qui obtient ainsi une prrogative fondamentale dans un rgime dmocratique. La libert de la presse (1868) et lassouplissement du systme de la candidature officielle pour les lgislatives de 1869 permettent lopposition de renforcer ses positions au Corps lgislatif. En 1870, le rgime devient presque parlementaire, puisque les ministres sont responsables devant le Corps lgislatif (gouvernement dirig par le rpublicain ralli mile Ollivier). Toutes les ambiguts ne sont cependant pas leves, puisque lEmpereur reste responsable devant le peuple franais et quil fait ratifier par plbiscite ces rformes. Dans son discours, Napolon III insiste sur le fait que son rgime associe ordre et libert et quil repose sur des bases plbiscitaires , donc sur lapprobation du peuple franais. En effet, le corps lgislatif est lu au suffrage universel masculin direct et le Second Empire a eu recours par trois fois des rfrendums au cours de son existence. On peut donc appeler csarisme dmocratique cette pense politique qui entend appuyer un pouvoir fort, incarn par lempereur, garant de lordre, sur un lien direct avec le peuple par le biais du suffrage universel. Lobjectif du rfrendum est double. Dabord, faire ratifier les rformes librales ralises ces dix dernires annes , ensuite rendre plus facile, dans lavenir, la transmission de la Couronne . Napolon III cherche donc consolider son rgime alors que lopposition progresse. Le gouvernement nhsite pas intervenir pour prner le oui au rfrendum de mai 1870, en utilisant non seulement ladministration prfectorale et les magistrats municipaux, mais aussi le clerg. Il russit son pari, puisque les lecteurs approuvent massivement sa politique en mai 1870. Un bonapartiste convaincu : Haussmann Selon Haussmann, le rgime imprial apporte la stabilit un pays, grce au principe monarchique de lhrdit. Bien tenu en mains par ce pouvoir fort, le pays est respect de ses voisins, notamment parce que son chef est gal en dignit aux autres dirigeants (Haussmann pense aux grands monarques qui dirigent lEmpire austro-hongrois, la Prusse, la Russie, voire la Grande-Bretagne). Haussmann oppose nettement le rgime imprial au rgime parlementaire, qui plongerait le pays dans les divisions politiques, ce qui serait un obstacle au dveloppement de sa grandeur et de sa puissance . Mais sa dfinition du bonapartisme est toutefois tonnante, puisquil prtend concilier lhrdit et la souverainet nationale, lEmpire autoritaire et la dmocratie. La Constitution garantirait les droits de la nation, dont lEmpereur est le reprsentant. LEmpire serait la seule forme pratique de la dmocratie , incarne en quelque sorte dans un homme fort. On retrouve l les ambiguts du csarisme dmocratique

congrs de Paris (1856, mettant fin la guerre de Crime), la guerre dItalie (1859) redonnent la premire place la France et en font le champion des nationalits. La politique coloniale, un projet personnel de Napolon III, consolide (en Algrie) ou jette (au Sngal, en Indochine) les bases du deuxime empire colonial franais, qui spanouira sous la IIIe Rpublique. Napolon III se veut autant lempereur des Franais que des Arabes. Si la politique de protection de la proprit des indignes connat un succs mitig, la politique algrienne de Napolon III, trs favorable aux indignes, gnre une forte opposition de la part des colons franais. Par hostilit la tentative du royaume arabe beaucoup de colons se rallient aux rpublicains. Ils accueilleront avec joie la proclamation de la Rpublique qui devra faire face linsurrection de 100 000 moujahidin en Kabylie, dans le Constantinois et dans lOranais ; le soulvement ne fut cras quen 1872. La colonisation en Indochine est la consquence du dsir de Napolon III de protger les missionnaires franais perscuts par lempereur dAnnam. La conqute de la rgion de Saigon (1859-1861) prive lAnnam dune partie de ses ressources en riz, ce qui oblige lempereur dAnnam cder la Cochinchine la France. Le protectorat sur le Cambodge voisin permet ensuite de contrler le cours du Mkong et de se lancer dans des expditions dexploration vers le Laos et la Chine du Sud (mission Doudart de Lagre en 1866-1868). Lexpdition du Mexique ( la grande pense du rgne ), destine se faire rembourser les crances mexicaines et crer un grand empire catholique favorable la France en Amrique latine, est un chec coteux. Cet chec et la monte de la Prusse aprs 1866 (victoire de Sadowa contre lAutriche) font que la France nest plus aussi triomphante quaux alentours des annes 1860. Napolon III a combattu la tte de ses troupes durant la guerre franco-prussienne, dclare le 19 juillet 1870. Loffensive victorieuse des armes prussiennes dans le nord de lAlsace en aot 1870 contraint larme franaise faire retraite. Tandis que le marchal Bazaine se laisse bloquer dans Metz, le marchal Mac-Mahon et Napolon III se replient fin aot Sedan avec 100 000 hommes, esprant pouvoir rorganiser leurs troupes. La cuvette de Sedan est entoure de collines boises do lartillerie prussienne peut bombarder la ville. Au terme dun sige trs court, Napolon III dcide de capituler le 2 septembre pour viter un massacre. Comme le Premier Empire, le Second Empire sachve dans la dfaite.10

thoris par Napolon III. Le csarisme peut tre dfini au travers du portrait quHaussmann dresse de lui-mme. Il se dit dmocrate et libral mais aussi autoritaire . Rgime qui se veut dmocratique car la Constitution mane de la souverainet du Peuple , libral car il reconnat des droits inalinables imprescriptibles , reprenant ainsi les termes de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen. Autoritaire , car il faut un excutif fort, stable, aux mains dun dlgu hrditaire de la Nation, dsintress, qui rivalise en dignit avec les plus grands monarques . Dans la ralit, laspect autoritaire lemporte sur tous les autres, le suffrage universel est encadr, les liberts sont limites. Il oppose lEmpire au rgime parlementaire qui, selon lui, conduit une comptition des partis, linstabilit ministrielle et, finalement, limpuissance du pouvoir excutif. Le rgime parlementaire conduit privilgier les intrts partisans plutt que la grandeur et la puissance de la patrie. Mais on peut noter que Haussmann reste rfractaire au rgime parlementaire, alors que le rgime a volu dans ce sens en 1869-1870. La libert dexpression Elle nest pas de mise entre 1851 et 1860. Les opposants au rgime sont emprisonns ou exils. Cest seulement en 1859 que Napolon III autorise ces derniers rentrer en France. La presse a t place sous surveillance par un dcret en fvrier 1852. Un journal ne peut tre publi quaprs avoir reu lautorisation pralable du gouvernement . Les journalistes ne peuvent rendre compte librement de certains sujets politiques, notamment des discussions au Snat et au Conseil dtat, et des procs pour dlit de presse. Plus grave, tout priodique contrevenant ce dcret peut tre suspendu voire supprim sans jugement, par simple dcision ministrielle.

III. La crise de 1870-1871 : lAnne terrible Le peuple de Paris pendant le premier sige Les sources montrent lagitation du peuple parisien dans latmosphre surchauffe du premier sige de Paris, qui a engendr la Commune. Les orateurs de lextrme gauche attendent de la Commune tout dabord la victoire : il faut chasser les Prussiens . Tous les historiens ont soulign le fort sentiment patriotique qui animait les futurs Communards. Les Communards sont en premier lieu des combattants qui veulent se battre alors quon ne les envoie pas au combat, et qui y gagnent la conviction davoir t trahis par le gouvernement provisoire Favre-Trochu, dsign le 4 septembre 1870 pour mener la lutte contre la Prusse. Le patriotisme du XIXe sicle est une valeur porte par la gauche en directe filiation de la Rvolution et des souvenirs des soldats de lAn II. Patriote est alors un corollaire de rpublicain, aussi bien pour les ouvriers que pour les classes moyennes. On attend aussi de la Commune linstauration de la vritable Rpublique , cest--dire de la Rpublique dmocratique et sociale . Les Communards se rfrent principalement la Rpublique jacobine, celle des sans-culotte et de Robespierre. Lextrme gauche parisienne met ses espoirs dans la Sociale , qui soccupera enfin du peuple, qui apportera lgalit ( il faut que le chteau soit abaiss un peu et la chaumire leve beaucoup ). Ltat encouragera les associations ouvrires qui remplaceront les patrons : cest le vieux programme de la gauche (formul par Louis Blanc dans les annes 1840), qui consiste organiser dans chaque mtier des coopratives ouvrires. Le financement sera fourni par des confiscations, notamment aux dpens de lglise. Ces revendications reviennent mettre en cause implicitement le gouvernement de Dfense nationale. Si on rclame la vritable Rpublique , cest bien que le rgime en place est considr comme une fausse Rpublique, ni dmocratique, ni sociale, et pas assez nergique face lennemi. La rpublique dix monarques fustige ici, cest prcisment le gouvernement de Dfense nationale, qui gouverne la France du 4 septembre 1870 au 13 fvrier 1871, compose dune dizaine de membres. Il sagissait de rpublicains modrs (Jules Ferry, Jules Favre, Jules Simon) ou radicaux (Lon Gambetta, Pelletan). Aucun reprsentant de lextrme gauche ny sigeait depuis la dmission de Rochefort (le 1er novembre 1870). Il ne faut pas toucher Paris Le 28 janvier, larmistice est sign. Paris doit capituler aprs des semaines de sige. LAssemble nationale, lue le 8 fvrier 1871, sige, depuis le 12 fvrier,

Napolon III annonce des rformes politiques Napolon III justifie les rformes, en affirmant que la France est prte pour plus de liberts. En fvrier 1853, Napolon III avait dclar : ceux qui regrettent quune part plus large nait pas t faite la libert, je rpondrai : la libert na jamais aid fonder ddifice durable, elle le couronne quand le temps la consolid . En 1867, aprs quinze annes de calme et de prosprit , il estime donc que son pouvoir est suffisamment fort pour accorder plus de libert aux Franais. LEmpire libral serait en quelque sorte le prolongement logique de lEmpire autoritaire. Cet argumentaire sadresse ceux qui pourraient sopposer ces rformes, cest--dire la fraction la plus autoritaire des bonapartistes, celle qui ne comprend pas la libralisation du rgime. Rouher, qui ce message est adress, est lun des chefs de file de ces bonapartistes durs (les mameluks), qui ont ensuite combattu mile Ollivier en 1870. Dans cet extrait, lEmpereur annonce un assouplissement de la lgislation sur la presse, un largissement du droit de runion et un pas vers le rgime parlementaire. En effet, mme sil continue refuser lide dun gouvernement responsable devant le parlement, Napolon III entend crer un lien entre les ministres et les deux assembles. THIERS Les discours de Thiers en 1850 sont clairants quant aux rapports entretenus entre la bourgeoisie et les classes laborieuses dites dangereuses. Il faut tout faire pour le pauvre except lui donner le droit de vote. La vile multitude , hritire de la violence spontane jacobine ou de la jacquerie, nest pas en capacit de se prononcer, faute dducation politique, sur le sort ou lavenir du pays . Elle voque pour Thiers cette populace linstinct sanguinaire qui a perdu toutes les rpubliques modres. La phobie des rouges explique lincommunicabilit entre la IIe Rpublique et le peuple. Le socialisme y est encore de lordre non pas du discutable, mais du pervers ou du pathologique. Les liberts ncessaires selon Thiers en 1869 Cest le programme de lopposition librale lEmpire en rponse au discours du trne de 1864. Thiers, alors opposant orlaniste lEmpire, dfinit les liberts ncessaires : la garantie du citoyen contre larbitraire du pouvoir, la libert de la presse et la libert des lections. Ces trois liberts devant dboucher sur le droit dinterpellation et, terme, sur le rgime parlementaire. Le discours de Thiers repose sur lacceptation du suffrage universel. Lauteur est un des hommes politiques les plus importants de lpoque. La11

Bordeaux, puisque Paris a t assige par les Prussiens. Les conditions de larmistice font obligation au gouvernement provisoire, dont Bismarck ne reconnat pas la lgalit, de procder des lections do doit sortir un pouvoir lgal. Le 8 fvrier, une Assemble nationale est lue dans un pays en large partie occup et dans une prcipitation exige par les Allemands. Le rsultat se solde par une victoire trs nette des monarchistes se donnant pour le parti de la paix, sur les rpublicains partisans de la reprise des combats. La France, assomme par le dsastre revient ses lites traditionnelles. Paris, profondment rpublicain, soffense de ce rsultat et craint la restauration. Lextrme-gauche, galvanise par la rsistance hroque du peuple parisien lors du sige de la capitale (septembre 1870-janvier 1871), trouve humiliante la paix que ngocie le gouvernement franais. Elle saccompagne, en effet, de la perte de lAlsace-Lorraine et dune occupation du territoire jusquau paiement d'indemnits de guerre (5 millions de francs-or). Le dfil des Prussiens dans la capitale (le 1er mars), la suppression par lAssemble Nationale (le 8 mars) de la solde des gardes nationaux (seule ressource des ouvriers mobiliss) et du moratoire sur les loyers finissent dexasprer les Parisiens et expliquent en grande partie le soulvement de la Commune. Les maladresses de lAssemble achvent dexasprer les Parisiens et les poussent dans la rvolte. La premire maladresse est la dcapitalisation de Paris. Aprs la signature des prliminaires de paix (le 1er mars) et lvacuation de Paris par les troupes prussiennes, lAssemble peut rentrer dans la capitale. Mais les dputs monarchistes se mfient de lagitation parisienne et proposent de sinstaller Versailles. Les ruraux , comme on appelle les dputs de lAssemble, dcident que le nouveau sige du pouvoir sera Versailles, sige symbolique de lancienne monarchie dchue mais qui pourrait bien tre restaure. Louis Blanc (1811-1882), thoricien du socialisme, en exil Londres de juin 1848 septembre 1870, est dput de la Seine. Il intervient au nom de la gauche rpublicaine, dont il est lun des chefs avec Gambetta. Louis Blanc essaie de mettre en garde lAssemble nationale contre les consquences de la dcision quelle sapprte prendre : la dcapitalisation de Paris. Dune faon prmonitoire, Louis Blanc affirme que le peuple de Paris ne supportera pas, aprs les souffrances quil a endures au cours du sige par les Prussiens, de voir Paris prive de son rang de capitale ; il risque alors de se rvolter, lhorrible guerre trangre laissant la place une guerre civile plus horrible encore . La seconde maladresse est une autre preuve dhumiliation : les Prussiens auront le loisir dentrer et de dfiler dans Paris, Thiers, chef de lexcutif, ayant jug que la sauvegarde de Belfort valait bien une petite occupation de Paris par les Uhlans. Assemble parisienne constitue de dlgus de la Garde nationale au lendemain des lections de fvrier 1871, le Comit central des vingt arrondissements dirige temporairement la capitale et fait procder llection dune Commune, qui se veut la continuatrice de la Commune insurrectionnelle de 1792. Les Parisiens, durement touchs durant le sige de Paris, nacceptent pas la paix et se considrent comme trahis. On peut voquer quelques-uns des thmes majeurs du programme des Communards : mandat impratif, gouvernement direct, responsabilit des fonctionnaires, instruction laque, gratuite et obligatoire, sparation de lglise et de ltat, suppression du budget du culte et des couvents (les Communards partagent avec les Rpublicains conciliateurs cette hostilit linstitution religieuse quand ce nest pas la religion elle-mme, parce que lglise a partie lie avec lensemble des forces ractionnaires), impt progressif, fin du service militaire et des armes permanentes remplaces par une Garde nationale Ces dcisions ont t appliques entre mars et fin mai 1871. Dans tout cela, pas de socialisme mais lidal de la Rpublique dmocratique et sociale , dfendue par le Paris populaire, celui des insurrections romantiques du XIXe sicle. Lchec des tentatives de conciliation entre Assemble nationale et Conseil communal, aggrav par la pression des rvolutionnaires, radicalise le mouvement qui se transforme en rvolution politique et sociale. Le 18 mars, le peuple parisien sinsurge. Le gouvernement de Thiers se retire Versailles, repousse la tentative de conciliation des maires parisiens (dont Clemenceau) et coupe la ville de ses communications avec lextrieur. Lisolement de Paris, lattentisme du reste de la France, permettent A. Thiers avec la complicit de Bismarck, de prparer la rpression. La proclamation dA. Thiers aux Parisiens date du 8 mai 1871 tmoigne de linterprtation du mouvement communard par les Versaillais . La Commune, prsente comme un pouvoir illgitime, minoritaire et dictatorial, partisan de la guerre outrance et empchant par l

situation sous le Second Empire reste intolrable pour lopposition mene par Thiers. Le Second Empire ne respecte pas lhabeas corpus, fondement de la libert individuelle, puisque de simples suspects peuvent tre condamns sans procs. La rpression policire a longtemps t forte. Pour Thiers, la presse a un rle essentiel jouer dans la vie politique dun pays car elle permet dchanger les ides , elle enfante lopinion publique . Lauteur rclame donc une plus grande libert pour les journaux, mais pas une libert totale. Le journaliste ne doit pas pouvoir outrager lhonneur des citoyens , cest--dire les diffamer, et ne doit pas pouvoir troubler le repos du pays , cest--dire appeler des rvoltes violentes. Les journaux sont loin de disposer dune telle libert sous le Second Empire, mme si la situation sest nettement amliore depuis 1868. Mme si le Second Empire a maintenu le suffrage universel masculin, les lections ne se droulent pas de manire dmocratique. Les rsultats des lections lgislatives sont biaiss par la pratique de la candidature officielle. Elle permet au rgime dobtenir de confortables majorits. Thiers souhaite linstauration dun rgime parlementaire dans lequel le gouvernement est responsable devant lAssemble et dans lequel les lus disposent de linitiative des lois. Or, sous le Second Empire, aucune des assembles (Snat ou Corps lgislatif) ne possde le pouvoir de renverser le gouvernement ou de proposer une loi. Ces revendications de lopposition sont peu peu prises en compte, lEmpire autoritaire deviendra un Empire libral. La Rpublique sera conservatrice ou elle ne sera pas Depuis fvrier 1871, A. Thiers, chef de ltat, exerce pleinement ses pouvoirs. Le 17 fvrier 1871, il a t lu par lAssemble chef de lexcutif de la Rpublique franaise en attendant quil soit statu sur les institutions de la France . Aprs la Commune, la loi Rivet (31 aot 1871) a confirm Thiers dans ses fonctions de prsident de la Rpublique. Le 13 novembre 1872, lors de louverture de la session de lAssemble nationale, il se prononce pour une Rpublique conservatrice . Ce discours montre lvolution politique de lancien orlaniste, chef du parti de lOrdre, dsormais convaincu de la ncessit dinstaurer une rpublique pourvu quelle soit autoritaire. ge de 74 ans, Thiers est une sorte de patriarche de la politique, aprs un itinraire politique sinueux en apparence, puisquil a t ministre de Louis-Philippe, chef du parti de lOrdre en 1848, dfenseur des liberts ncessaires sous Napolon III. En fait, ce parcours politique est cohrent : Thiers a toujours dfendu une ligne politique centriste, librale,12

mme la pacification et la rorganisation dun pays exsangue, le chef du gouvernement en appelle la rpression pour en finir avec la guerre civile . Marianne prend pour les conservateurs le visage effrayant de la Sociale . Une rpression froce (21-28 mai 1871) Avec laide de Bismarck qui libre des prisonniers franais, Thiers peut rassembler une arme de 130 000 hommes qui lui permettra dcraser la Commune. Les Versaillais entrent dans Paris par louest, leur progression mthodique pour reconqurir la capitale se ralentissant au fur et mesure que lon se rapproche de lEst ouvrier. Le 23 mai, 500 barricades slvent dans Paris. partir du 24 mai, Paris devient le lieu dune vritable chasse lhomme. Cette Semaine sanglante prend fin au cimetire du Pre-Lachaise le 28 mai. Aprs la Commune, une fois la Rpublique installe, il deviendra un des lieux symboliques des rassemblements de la gauche. Il y a peu de photographies fiables relatives la semaine sanglante . Beaucoup semblent tre des reconstitutions, et il nest pas inutile de rappeler quune photographie nest pas forcment une source primaire qui chapperait dventuelles manipulations. Les Communards, peu peu refouls dans les quartiers de lEst, malgr les barricades, pratiqurent la stratgie de la terre brle qui npargna mme pas le sige de leur pouvoir, cet Htel de Ville bientt incendi et le palais des Tuileries, qui ne sera pas reconstruit. Au milieu des combats, une foule enrage rclame lexcution des otages que la Commune tenait emprisonns depuis le dbut du mois davril : des gardiens de la paix, larchevque de Paris, Monseigneur Darboy et dautres prtres, des civils considrs comme des mouchards, en tout une centaine dindividus sont passs par les armes. Le bilan de la rpression est difficile tablir. Lhistorien britannique Robert Tombs a tent de dnombrer les victimes dune manire trs mticuleuse. Lhistoriographie a souvent avanc le chiffre de 17 000 morts dans les rangs des Communards, voire un chiffre plus lev. Selon Tombs, le bilan est sans doute de 10 000 Communards tus au cours de la semaine sanglante (pour larme versaillaise, le bilan est de 400 tus et 1 100 blesss graves). Mme si le nombre des morts a donc t revu la baisse, il reste norme. Surtout, il faut souligner que, dans leur trs grande majorit, ces Communards ne sont pas morts dans la fureur des combats, mais dans des excutions sans jugement systmatiquement organises par les chefs de larme versaillaise. Tombs insiste sur ces massacres planifis dans un cadre quasiment lgal, par des forces militaires et policires intervenant aprs les combats. Comme nous lavons montr, la Semaine sanglante fut en grande partie une tuerie froide et impersonnelle. [] Si lcrasement de la Commune a marqu en France la fin de lre des rvolutions, il a t un des signes avant-coureurs de lre moderne des gnocides (Tombs, pages 345-346). A ce triste constat sajoutrent encore 37 309 prisonniers (dont 819 femmes et 538 enfants). Les jugements, par des tribunaux militaires, durrent quatre ans. Il y eut 93 condamns mort, 251 aux travaux forcs, 4 586 dports en Nouvelle-Caldonie (dont Louise Michel) et 5 207 peines de prison (dont 90 enfants). Les derniers prisonniers et dports sont amnistis en 1880. La Commune de Paris reste dans la mmoire du mouvement ouvrier et du socialisme comme une aube annonciatrice de lavenir. Elle est plutt la dernire des insurrections du Paris des rvolutionnaires, la rencontre de la tradition rvolutionnaire, fille de 1793, du mouvement rpublicain avanc et socialiste de la fin de lEmpire, dune raction patriotique face la dfaite, dune affirmation dautonomie communale face Versailles et lAssemble nationale. IV. La IIIe Rpublique simpose entre 1871 et 1879 Le vote de fvrier 1871 et la conqute rpublicaine des campagnes Le pourcentage des suffrages aux lections lgislatives du 8 fvrier 1871 oppose une France de louest, majoritairement rurale qui, assomme par le dsastre, est revenue ses lites traditionnelles, une France de lest, minoritaire, la France industrielle et urbaine, conquise par les idaux rpublicains. La reprsentation de lAssemble en 1871 confirme la majorit monarchique et permet den prsenter les trois grandes tendances orlaniste, lgitimiste et bonapartiste, aux aspirations divergentes. Aprs lanne terrible , la France se recueille dans lordre et la paix. Les rpublicains ont besoin du vote des paysans, parce que ceux-ci constituent la majorit de llectorat dans une France encore rurale (les paysans reprsentent 69 % de la population cette date). Le vote conservateur de 1871 fut plus une rponse la guerre quune volont de raction. Les campagnes ont

refusant aussi bien la raction (les blancs) que la rvolution (les rouges). La forme du rgime (monarchie ou rpublique) est pour lui secondaire. La formule la Rpublique, dj essaye deux reprises et sans succs fait rfrence bien sr aux deux premires rpubliques, considres comme des expriences peu concluantes par Thiers. La Premire Rpublique (1792-1799) a connu des troubles importants (notamment la Terreur) et a men au pouvoir Napolon Ier. La IIe Rpublique (1848-1852) sest termine de la mme faon, en amenant sur le trne Napolon III. Mais la IIIe Rpublique sera la bonne! La Rpublique est devenue selon Thiers le rgime le plus souhaitable, parce que le pouvoir hrditaire nest plus dactualit. La monarchie a montr ses limites, dabord avec lchec de Louis-Philippe (renvers en 1848), puis avec la chute de Napolon III (balay par la dfaite en 1870). La nation veut maintenant se rgir elle-mme . Ce ralliement de Thiers la Rpublique honnie inquite les monarchistes partisans de la restauration et majoritaires lAssemble. Ils le poussent la dmission le 24 mai 1873. Thiers a eu raison trop tt, puisquil a t renvers par les monarchistes en 1873. Mais la suite des vnements lui a donn raison, puisque les rpublicains opportunistes, mens par Gambetta et Ferry, ont rassembl une majorit de Franais en 1876 et 1877 autour dune Rpublique modre, conservatrice. sa mort, le 3 septembre 1877, juste avant les lections lgislatives dcisives, Thiers est salu comme lun des chefs du parti rpublicain. Destruction de la colonne Vendme le 16 mai 1871 Sous la Commune, le peuple communie dans de grandes crmonies quasi religieuses ou lors de sances solennelles dexorcisme dont lune aboutit la destruction de la colonne Vendme dnonce comme un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme . Lorsque les Communards tentent une sortie le 3 mai 1871, ils sont facilement arrts et les prisonniers sont fusills. En reprsailles, la Commune arrte des otages, dtruit la maison de Thiers et abat la colonne Vendme (rige avec les canons russes et autrichiens pris la bataille dAusterlitz et surmonte dune statue de Napolon), symbole pour elle du militarisme. Ce grand mt tout en bronze, sculpt de victoires, et ayant pour vigie Napolon , comme la dcrivait Balzac a connu bien des alas, chaque gouvernement lui ayant, tout au long du sicle, impos sa marque. Gustave Courbet, nomm prsident de la commission des Muses et dlgu aux Beaux-Arts en13

donn, en fvrier 1871, une majorit aux monarchistes, qui incarnaient la paix ce qui avait exaspr les rpublicains les plus avancs (voir la formule de Gaston Crmieux, chef de lextrme gauche marseillaise : majorit rurale, honte de la France ! ). Lon Gambetta (1838-1882) a dmissionn du gouvernement de Dfense nationale le 6 fvrier 1871. lu dput du Bas-Rhin, il a dmissionn au lendemain du trait de Francfort, pour protester contre la cession lAllemagne de lAlsace-Lorraine. Rfugi Saint-Sbastien (Espagne), il est un spectateur attrist de la guerre civile entre Communards et Versaillais. Rlu dput lors des lections partielles de juillet 1871, il dcide de devenir le commis voyageur de la Rpublique , pour raliser la conqute rpublicaine des campagnes : il sagit de proposer llectorat rural une Rpublique rassurante. Cest ce moment que Gambetta prend ses distances avec le radicalisme et se rapproche des rpublicains modrs de Jules Ferry. Gambetta conoit la propagande rpublicaine dans les campagnes comme un travail quotidien men par des militants de terrain. Il sadresse ici des rpublicains issus du monde rural et il leur demande de convaincre leurs concitoyens l o ils les trouveront, dans leur travail ou leurs loisirs : dans les foires, dans les marchs, dans vos jeux . Les paysans doivent parler aux paysans, la frange la plus avance du monde rural doit convaincre la masse des huit millions dagriculteurs de voter pour les rpublicains. Pour ce faire, il faut donner du rgime rpublicain une image rassurante, de progrs et surtout dordre. Gambetta veut renverser largumentaire de ses adversaires, qui assimilent la Rpublique la Commune, au spectre rouge , la subversion sociale. Non, ceux qui recherchent le trouble, le dsordre, ce nest pas nous , ce sont eux, les monarchistes. Lordre est du ct de la Rpublique, tandis que la monarchie reprsente les aventures (rfrence la dfaite militaire de 1870), une politique de castes et la domination dun seul , cest--dire la remise en cause des acquis de 1789. Le discours prononc Chteau-Chinon le 26 octobre 1877, sinscrit dans cette entreprise de fondation dune Rpublique des paysans , selon le mot de Jules Ferry. lu prsident de la Rpublique en mai 1873, le marchal Mac-Mahon, militaire de tradition lgitimiste, est charg de garder la place jusqu la restauration de la monarchie. Les trois reprsentants des partis monarchistes sigeant lAssemble sont le comte de Chambord pour les lgitimistes, le duc dAumale pour les orlanistes et le Prince imprial pour les bonapartistes. Faire de MacMahon, marchal trs populaire par ses victoires lors des guerres de Crime et dItalie, royaliste mais sans envergure politique, un prsident de la Rpublique, permet aux royalistes dattendre un changement dopinion du comte de Chambord. Cest la raison de la cration du septennat. Mais Henri V refuse une nouvelle fois de changer davis, malgr le ralliement du comte de Paris (aot 1873). Il ne reste plus qu faire durer la majorit royaliste jusqu la mort du duc de Chambord (sans enfants) pour que la couronne revienne alors au comte de Paris, prt accepter une monarchie constitutionnelle et le drapeau tricolore. Mais quand Henri V meurt en 1883, la Rpublique est aux mains des rpublicains depuis trois ans ! La restauration a chou parce que le comte de Chambord a refus dtre un roi constitutionnel acceptant le drapeau tricolore et cause des manoeuvres des lgitimistes et des bonapartistes. Aprs lchec de la restauration, il ne reste plus lAssemble qu se rallier une rpublique de compromis. Les lois de 1875 et le rgime parlementaire Mais le calme, loin de favoriser les conservateurs, oeuvre pour la Rpublique. Certes, le rgime politique reste provisoire, mais le temps va conduire ce paradoxe dune Assemble nationale monarchiste qui, par les lois constitutionnelles de 1875, fonde la Rpublique. Cette volution est atteste la fois par les lections lgislatives partielles mais aussi par les lections locales. De janvier 1872 la chute de Thiers le 24 mai 1873, ont lieu pas moins de trente-huit lections ! Toutes rvlent la constance et lampleur des succs rpublicains. De cette volution de lopinion, de cette pese du suffrage universel, lAssemble subit les contrecoups. Henri Wallon (1812-1904), professeur dhistoire et dput du Nord, catholique centriste, prsente son amendement le 30 janvier 1875. Il est vot dextrme justesse, grce lappui inattendu du centre droit. Lamendement fonde la Rpublique, en droit. Il faut attendre les lois constitutionnelles de 1875 pour que le suffrage universel soit enfin libre de contraintes, mais il sagit encore dun suffrage exclusivement masculin. Les trois lois de 1875 dfinissent un rgime parlementaire. La loi du 24

septembre 1870, avait alors propos au gouvernement de Dfense nationale de dplacer la colonne aux Invalides. Les Communards la mettront bas sans mnagement et Courbet devra payer sa restauration de ses propres deniers. George Sand prsente la Commune comme une sorte de drapage, d linexprience politique du peuple de Paris. Selon elle, en effet, il a commis trois erreurs : il a exagr les consquences de la dfaite militaire face aux Prussiens et surtout les responsabilits du gouvernement de Dfense nationale, accus de trahison pour ne pas avoir pu arrter lavance des Prussiens. il a surestim le poids de la droite monarchiste, sans comprendre que Thiers tait en train de rallier une partie des royalistes la Rpublique ; croyant la Rpublique en danger, il a donc cru que seule la Commune de Paris pourrait la sauver. il a plac sa confiance dans un parti essentiellement populaire qui en fait nexistait pas, puisque la Commune, trs divise, fut incapable de dfinir un vritable programme de gouvernement. Le parti des honntes gens Ce texte trs caractristique de la littrature versaillaise mais particulirement violent dans sa formulation permet de faire comprendre ltat desprit des conservateurs affols par la Commune. Feydeau propose une vision totalement manichenne de la socit franaise : dun ct les honntes gens (expression souvent utilise les annes suivantes par les tenants de lOrdre moral ) ; de lautre, les sclrats et les gredins , explicitement assimils aux Communards et aux socialistes. La Commune nest pas interprte comme un phnomne politique, mais comme un phnomne criminel. Dans cette perspective, lauteur appelle de ses voeux un rgime autoritaire, une raction au sens strict du terme, puisquil propose de revenir Louis XIV en rejetant les conqutes de 89 et le rgime parlementaire . Marianne est de retour douard Guillaumin, dit Ppin (1842-vers 1910), fut lun des principaux collaborateurs de lhebdomadaire rpublicain Le Grelot (1871-1905). En entendant La Marseillaise, les trois personnages larrire-plan sont pris de ractions violentes. Le royaliste tourne le dos et se bouche les oreilles, dans une posture ridicule (sa perruque senvole). Le jsuite lve les bras au ciel, comme sil invoquait un secours divin, et ses traits expriment un vritable affolement. Le bonapartiste semble pris dun malaise qui va le terrasser. Les ennemis de la Rpublique disparaissent ainsi, comme des fantmes, dans un lointain14

fvrier organise le Snat. Celle du 25 fvrier organise le fonctionnement des pouvoirs publics (Assemble et prsident de la Rpublique). Celle du 16 juillet 1875 organise les rapports entre les pouvoirs publics. On ne peut parler de Constitution de 1875, car il ny a pas de texte densemble vot en une seule fois, ni de proclamation de grands principes en prambule. Le gouvernement est responsable devant les deux chambres et le prsident de la Rpublique peut dissoudre la Chambre des dputs. Ce rgime parlementaire se distingue par deux traits originaux : les pouvoirs importants du Snat et du prsident de la Rpublique. La loi du 25 fvrier 1875 donne des pouvoirs tendus au prsident de la Rpublique. Incarnant en quelque sorte la Rpublique, il prside aux solennits nationales et reprsente la France vis--vis des puissances trangres. Mais il ne se contente pas de ce rle de reprsentation : il hrite du droit rgalien de grce ; il est chef des armes ; il nomme tous les emplois civils et militaires , ce qui signifie, notamment, quil nomme les ministres. Enfin, il participe au processus lgislatif, dans sa phase initiale (initiative des lois) et dans sa phase finale (promulgation). La dernire clause de larticle 3 cite ici signifie que le Prsident est politiquement irresponsable : le contreseing ministriel est normal dans le cadre dun rgime parlementaire o le gouvernement est responsable devant lAssemble. Larticle 5, qui donne le droit de dissolution au prsident de la Rpublique, est conforme aux principes du rgime parlementaire. Au total, le prsident est la tte de vastes pouvoirs, mais son mode de dsignation limite son autorit. Le prcdent du 10 dcembre 1848, marqu par lopprobre du bonapartisme, excluait llection directe du Prsident par le peuple. Contrle et quilibre des pouvoirs fondent donc un systme complexe qui peut ouvrir la voie des interprtations diverses. To