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Imagazine octobre 2013 en lecture

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CONOMIE L’aide multilatérale au 21e siècle Donald Kaberuka, Président de la Banque africaine de développement Anne Paugam, Directrice générale de l’Agence Française de Développement "Le 19ème siècle a été celui de l'abolition de l'esclavage. Le 20ème celui de la fin de la colonisation. Le 21ème pourrait éradiquer l'extrême pauvreté." 5th African Grain Summit Explore the continent’s potential as the next frontier GEOPOLITIQUE & DIPLOMATIE France/Mozambique Armando GUEBUZA, Président de la République du Mozambique au Palais de l’Elysée Guinée Equatoriale Sipopo 1: IIIème forum des souverains traditionnels d'Afrique Mali Modibo Keïta et Ibrahima Boubacar Keïta Destins croisés, pour le Mali éternel France/Mali AMISOM-AUC Somalie Entretien exclusif M YAO ELOI

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IMAGAZINE PDF N°23

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EDITORIAL : 3

ECONOMIE 10-13

L’aide multilatérale au 21e siècle Donald Kaberuka, Président de la Banque africaine de développement

Anne Paugam, Directrice générale de l’Agence Française de Développement "Le 19ème siècle a été celui de l'abolition de l'esclavage. Le 20ème celui de la fin de la colonisation. Le 21ème pourrait éradiquer l'extrême pauvreté."

5th African Grain Summit Explore the continent’s potential as the next frontier

GEOPOLITIQUE & DIPLOMATIE 4-10

France/Mozambique

Armando GUEBUZA, Président de la République du Mozambique au Palais

de l’Elysée Guinée Equatoriale Sipopo 1: IIIème forum des souverains traditionnels d'Afrique

Mali Modibo Keïta et Ibrahima Boubacar Keïta Destins croisés, pour le Mali éternel France/Mali

AMISOM-AUC Somalie Entretien exclusif M YAO ELOI

SOCIAL BUSINESS 14-20

UNESCO Journée mondiale des enseignants à Paris et dans le monde La RSE et les investissements en Afrique Pierre Jacquemot, Chercheur associé IRIS/Septembre 2013

MICRO FINANCE Centre Mohammed VI de Soutien à la Micro finance Solidaire Asri Mohamed, Directeur Général de "l'Observatoire de la Micro Finance SIMILIGRAM Enzongo NGEKE La Fondation de France 9 projets associatifs exemplaires primés

USA DC: AFRICAN HERITAGE

CELEBRATION

"Panafricanisme et Renaissance

mondial africaine au 21e siècle"

CULTURE & MEDIAS 20-22 ERIC BREUX Directeur du Pôle Entreprises et Institutions du GROUPE AUDIENS

LIVRES : 22-28

ADER-Annuel Efficacité d'analyse du développement 2013 Daniel Bô Brand Culture Indicateurs sur le genre, la pauvreté et l'environnement sur les pays africain

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DIPLOMATIE & GEOPOLITIQUE

France/Mozambique Relations stables

François HOLLANDE, le Président français a reçu le 27 septembre dernier, dans l’après-midi au palais de l’Elysée M. Armando Emilio GUEBUZA, président de la République du Mozambique. Les deux Présidents ont décidé d’une nouvelle impulsion des relations bilatérales dans tous les domaines : politique, économique et culturel. La France, par sa coopération, à travers notamment l’Agence Française de Développement, souhaite en accord avec les autorités mozambicaines accroître les échanges dans les secteurs des infrastructures, de la santé et de l’environnement. La France et le Mozambique, qui sont voisins dans l’Océan indien, partagent plusieurs priorités : la sécurité des mers, le développement et la protection de l’environnement. Le Président français a salué l’action efficace du Mozambique à la présidence de la communauté de développement d’Afrique australe (SADC) jusqu’en août dernier qui s’est traduite par des progrès sensibles dans la résolution des crises régionales. La France a soutenu l’action de la SADC et de l’Union africaine à Madagascar et en République démocratique du Congo (RDC). Le Mozambique contribue de manière modeste aux opérations de maintien de la paix (OMP) sur le continent africain. S’agissant de Madagascar, les deux chefs d’Etat sont convenus qu’il était désormais essentiel que la Communauté internationale encourage et accompagne au plus vite le processus électoral restauré. François HOLLANDE a invité M. Armando Emilio GUEBUZA à participer au Sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique qui aura lieu les 6 et 7 décembre prochains à Paris. La visite des deux exécutifs s’est poursuivie à Cherbourg, le 30 septembre aux chantiers naval de Normandie. Une commande par le Mozambique 30 navires, dont 24 chalutiers, d'une valeur de 200 millions d'euros avait été faite au début du mois de septembre, Le secteur privé mozambicain prendrait également part au projet annoncée triomphalement début septembre par le gouvernement français. Ce chantier naval est depuis 1992 sous le contrôle du milliardaire Iskandar Safa et de son groupe Privinvest, qui a des chantiers en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Grèce et aux Emirats arabes unis.

Ancienne colonie portugaise, le pays est indépendant depuis le 25 juin 1975. Après 16 années (1977-92) de guerre civile (le FRELIMO d’obédience marxiste au pouvoir contre la RENAMO, soutenue par le régime apartheid sud-africain), les accords de paix de Rome (4 octobre 1992) ont ouvert une période de stabilité et de développement économique.

Relations économiques

La France n’est pour l’heure qu’un partenaire commercial mineur du Mozambique (13ème)). De nouveaux investissements sont toutefois annoncés dans les secteurs hydroélectrique, minier, le transport maritime et les ports, les secteurs avicoles et céréaliers, le tourisme et l’exploration pétrolière. Un accord de protection des investissements est entré en vigueur en 2006, et des missions du MEDEF se sont rendues à Maputo en septembre 2007 et mars 2012. Anne Marie Idrac, Secrétaire d’Etat au commerce extérieur s’est rendue au Mozambique les 11 et 12 mars 2010. Lors de cette visite elle a signé le troisième C2D (2010-2014) pour 18,3 M€ainsi que quatre conventions de financement de l’AFD, et deux conventions supplémentaires l’une de prêt à l’entreprise Companhia Moçambicana de Hydrocarbonetos (CMH) pour l’extension des champs pétroliers de Pande et Temane, l’autre pour garantir les prêts aux PME auprès de la banque BCI. Lors de cette visite ce sont 76 millions d’euros d’engagements financiers nouveaux de notre pays au Mozambique qui ont étés signés. le Ministre de la coopération, lors de son entretien avec le Président Guebuza en marge du sommet de Paris sur l’ITIE (3 mars 2011), a annoncé la signature de prêts AFD pour 175 M € . Le développement du potentiel hydroélectrique sur le Zambèze suscite l’intérêt des investisseurs français. A l’occasion de son séjour à Maputo, les 6 et 7 décembre 2011, une importante délégation de la société Electricité de France a été reçue en audience par le Président Guebuza. Coopération culturelle, scientifique et technique La coopération française intervient dans ce pays de la Zone de Solidarité Prioritaire (Z.S.P.) depuis 1981. Notre aide (100 M$ en 2008) passe essentiellement par les canaux multilatéraux (84,25M$ en 2008). La France n’est en revanche qu’au 16ème rang des bailleurs bilatéraux avec 8,5 Millions d’euros en 2008. Le Mozambique ne fait pas partie de notre liste de « pays pauvres prioritaires. » Le Mozambique fait partie des pays

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avec lesquels la France participe de manière active au processus d’harmonisation de l’aide. Quatre postes d’assistants techniques sont actuellement ouverts (finances, conseiller pour le français auprès du Ministère de l’éducation, appui à la société civile au titre de l’ITIE, partenariat hospitalier dans le secteur de l’anesthésie-réanimation). L’Agence Française de Développement (AFD) met en œuvre les Contrats de désendettement-développement (C2D). Le troisième C2D (2010-2014) d’un montant de 18,9 M€ est consacré à l’aide budgétaire globale (10 M€) et à l’environnement afin de renforcer l’appui au développement du parc national des Quirimbas (4 M€) et d’accompagner la création de la fondation pour la conservation de la biodiversité (4 M€) ; enfin, le reliquat (0,9 M€) sera affecté à un projet d’enseignement supérieur en santé de spécialité à travers des partenariats hospitalo-universitaires. L’AFD, en tant que gestionnaire du C2D, gère l’aide budgétaire globale et représente la France au niveau chefs de coopération au sein du Groupe des bailleurs de fonds (G19), qui coordonne l’aide budgétaire globale. L’Agence a repris au début de 2010 ses prêts souverains au Mozambique pour des projets d’infrastructures prioritaires dans les secteurs de l’énergie, de l’eau et des transports. Une convention de prêt à l’Etat mozambicain de 20 M€ a été signée pour l’extension de la fourniture de courant électrique aux zones périurbaines des villes de Maputo et de Pemba. L’AFD est également, depuis juin 2011, le chef de file des bailleurs de fonds sur le secteur de l’énergie. Un projet FSP de 0,9 M€ portant sur la gouvernance locale et les finances publiques est en cours d’exécution. Le Centre culturel franco-mozambicain avec un budget de 420 000 euros (subvention du gouvernement de 210 000 euros) constitue un des principaux pôles d’attraction de la vie culturelle à Maputo. Il émarge également depuis décembre 2011 à un appel à projet européen PALOP pour 93 996 euros. Une librairie de langue française a été inaugurée en octobre 2011. La France apporte régulièrement son aide au Mozambique à l’occasion des catastrophes naturelles que subit le pays (15 000 € en janvier 2013 ; 158 000€ début 2007). La coopération décentralisée se développe : Coopération du Conseil général de la Seine-Saint-Denis avec la ville de Matola, accords avec Mayotte (santé), et coopération avec la Réunion, notamment aux plans culturel, éducatif (CIEP de La Réunion), universitaire et militaire. La société réunionaise « Aquapesca Lda » gère un projet aquacole important à Quelimane (élevage de crevettes). Un accord entre le Mozambique et la Réunion portant sur la surveillance des pêches dans le canal du Mozambique est en cours de préparation. Enfin, plusieurs coopérations tripartites Mozambique-France-Brésil sont à l’étude : Récife – Nantes – Maputo/Matola en santé publique, Maputo/Matola, Conseil général de la Seine Saint Denis, Garulhos. Coopération militaire : « L’accord de coopération militaire » entré en vigueur le 21 août 2004 a permis le développement des relations bilatérales portées par les FAZSOI (Forces Armées de la Zone Sud de l’Océan Indien). Cette coopération se concentre sur l’enseignement du français en milieu militaire, le soutien à la marine mozambicaine, la formation, notamment aux opérations de maintien de la paix ou la participation à des exercices interarmées. Relations politiques

Le Président Jacques Chirac a effectué une visite au Mozambique en juin 1998 , suivie des visites du Président Joaquim Chissano à Paris en mai 2004, puis du Président Armando Guebuza en juillet 2006. Le Président Guebuza s’est entretenu à Paris avec le Ministre de la Coopération Henri de Raincourt, le 3 mars 2011, à l’occasion de sa participation à la conférence sur l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Visites mozambicaines en France : Président Chissano : 6-7/05/04. Armando Guebuza, candidat à l’élection présidentielle : 1/10/04, Président Guebuza : le 10/9/05 à Lyon ; 2006 : Mme Machavela, min. Justice, mai 06 ; Mme Abreu, MAE,

juin 06 ; le Président Guebuza : les 20 et 21 juillet 2006 (visite officielle). 2007 : participation du Président Guebuza au Sommet Afrique-France des 15 et 16 février (Cannes). 2008 : Mme Machavela, Ministre de la Justice en février (4ème Conférence des ministres de la justice ayant le français en partage). 2010 : participation du Président Guebuza sommet de Nice. Dernière visite de la Renamo : Afonso Dhlakama en 1996. Visites françaises au Mozambique : Président CHIRAC (29/6/98), ministre des AE (20/7/2002) et des ministres délégués à la coopération : MM. Roussin (1995), Godfrain (1996), Josselin (06/97 et 05/2000) et Wiltzer (10-12/07/03). Missions du CNPF (06/1998 et 05/2000), puis du MEDEF (03/04 et 09/07). M. Camdessus, représentant personnel du PR pour l’Afrique, à Maputo en mai 06. Groupes d’amitié France/Mozambique : sénateur Ferrand (Groupe d’amitié sénatorial) du 25 au 27 mars 2007, député Chassaigne (Groupe d’amitié France-Mozambique de l’Assemblée Nationale) du 19 au 23 mars 2007. Député Michel Voisin à l’occasion de l’investiture du Président Guebuza, Janvier 2010 ; Anne Marie Idrac, Secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur, le 11 et 12 février 2010. Démographie Population totale : 23 406 000 habitants Densité : 52,4 hab./km² Indice de fécondité : 4,61 Croissance démographique : 2% Espérance de vie : Femmes : 49,4 ans Hommes : 48,8 ans

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Guinée Equatoriale IIIème forum des souverains traditionnels d'Afrique

Le Président équatoguinéen S. E. Obiang Nguema Mbasogo a inauguré le 7 septembre dernier à Sipopo1, le IIIème Forum des rois, sultans,

cheiks, princes et leaders traditionnels d’Afrique sur lr thème « Valeurs culturelles traditionnelles dans la société africaine contemporaine ».

72 chefs d'État traditionnels la Guinée Equatoriale assistaient à la séance plénière de l'ouverture du forum le lundi 9 septembre dernier, présidée par le chef d'État équato-guinéen S. E. Obiang Nguema Mbasogo.

Parmi les interventions des personnalités, on note le discours de bienvenue prononcé par madame María Coloma Edjang Mbengono, maire de Malabo, ou celui du secrétaire général permanent du conseil du forum, Jean Gervais Tchiffi Zie, représentant les membres de l'assemblée et les délégations officielles des pays de l'Afrique.

Un hommage spécial a été rendu à tous les leaders décédés pour ce continent ; Kuame Nkruma, Djomo Keniata, Modibo Keita, Patrice Emeri Lumumba ou Mouammar El Kadhafi, etc .

Tchiffi Zie a également remis le certificat que l'Institut des recherches scientifiques de la République sud-africaine accordé au président de la Obiang pour son soutien à la recherche scientifique et culturelle.

Après les différentes interventions, notamment celles des délégués, des représentants pays, Clemente Engonga Nguema Onguene, actuel ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, a souligné qu’une délégation de 72 chefs d'État traditionnels la Guinée Equatoriale participait à cette rencontre..

Texte : Javier Obama Nsue (Presse présidentielle). Photos : Santos Oba(Équipe de la presse présidentielle) Bureau d'information et de presse de Guinée équatoriale.

MALI

Modibo Keïta et Ibrahima Boubacar Keïta Destins croisés, pour le Mali éternel C’est à la soixantaine que meurt le

Président Modibo Keita (62 ans),

père fondateur de la Nation

malienne et premier Président de

la République du Mali. C’est à la

soixantaine qu’accède au palais

de Koutouba, le Président

Ibrahima Boubacar Keita (68 ans) à

la tête de l’Etat malien. C’est

d’abord à Kidal que fût envoyé

Modibo Keita en prison en 1968

par la junte militaire. C’est de Kidal

en 2012, qu’est partie l’une des

plus graves crises politico-

militaires qu’a connu le Mali.

C’est à l’école normale William

Ponty de Gorée, au Sénégal, que le

Président Modibo Keita est sorti

comme instituteur. C’est à

l’Université de Dakar que le

Président Ibrahima Boubacar Keita

a fait ses premiers cycles d’études

supérieures. Le Président Modibo

Keita a eu à faire face à une

rébellion au Nord Mali (Touareg)

en 1962. Le Président Ibrahima

Boubacar Keita arrive au pouvoir

dans une résurgence d’une crise

multiforme au Nord Mali.

Tous deux portent le même nom:

Keita, fils du Mandé. Il y a comme

qui dirait, une sorte de destins

croisés entre les Présidents

Modibo Keita et Ibrahima

Boubacar Keita. Tant il est vrai que

de par la similitude, le parallélisme

et la trajectoire, à la fois politique,

professionnelle et personnelle de

ses deux descendants de

Soundiata Keita, laissent entrevoir

le Président Ibrahima Boubacar

Keita, comme l’héritier et le

continuateur de l’œuvre de Modibo

Keita. Pour le ‘’Mali d’abord’’. Pour

le Mali éternel.

Ce qu’ont dit les masques de

Mahou aux Présidents Modibo et

IBK

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Au village de Mahou, une bourgade

située dans le cercle de Koutiala,

réputée pour ses masques sacrés, le

Président Ibrahima Boubacar Keita, en

campagne électorale lors de ces

élections 2013, n’a pu retenir ses larmes,

quand les populations l’ont accueilli avec

les masques du village, en ajoutant que

c’est la deuxième sortie desdits masques

pour honorer un homme public de cette

envergure. Le premier, selon les

habitants, fut le président Modibo Keïta

et Ibrahim Boubacar Keïta est le second.

Ce dernier peut être assuré, il est déjà

élu Président. Les masques de Mahou ne sortent pas pour saluer n’importe qui, lui

a-t-on signifié. Mieux, au village de Kangaba, les siens lui ont affirmé qu’il est sur les

traces de ses ancêtres, notamment Soundiata Keïta, et à ce titre, il a la mission

historique de sauver le Mali avec la promesse ferme qu’il sera à Koulouba.

(re)Bâtir une Nation, (re)Construire un Etat

Pour le Président Modibo Keita, le défi à partir du 22 Septembre 1960 fut de bâtir

une Nation, la Nation malienne, sur un double passif (les séquelles du colonialisme

et les ficelles du néocolonialisme) et sur un espoir (la Fédération du Soudan), très

tôt brisé par Charles de Gaule et Léopold Sédar Senghor. Pour le Président

Ibrahima Boubacar Keita, le défi sera de (re)construire l’Etat malien. Sous le Mali de

1960 à 1968 sous le Président Modibo Keita, les enjeux nationaux et mondiaux

étaient manœuvrés, nourris et entretenus par la guerre froide où l’opposition

capitalisme/socialisme était à la fois, le régulateur des relations internationales et le

moteur des dysfonctionnements et de la conflictualité sociopolitique à l’intérieur des

États.

Sous le Président Ibrahima Boubacar Keita, les enjeux sont multipolaires où la

globalisation de l’économie et la mondialisation des capitaux, marquées par un

morcellement et une totalité du monde, exige une double présence (ici et là bas) et

une compétition-coopération de tous les instants. Le tout dans un reclassement

géostratégique international sans précédent pour l’Afrique, devenue la nouvelle

destination et direction de l’économie mondialisée.

Au temps du Président Modibo Keita, les enjeux nationaux et géostratégiques pour

le Mali étaient politiques et culturelles. Au temps du Président Ibrahima Boubacar

Keita, les enjeux nationaux et géostratégiques pour le ‘’Mali d’abord’’ sont

économiques et des enjeux de gouvernance publique.

Même dans le contexte de guerre froide, la conflictualité idéologique n’avait pas

empêché au Président Modibo Keita, de mettre le Mali sous la voie d’une économie

socialisante. Dans ce contexte d’économie ouverte, le Président Ibrahima Boubacar

Keita a plus que jamais des atouts en main, de par les importantes dotations

factorielles (ressources minières, tourisme, eau) que regorge le Mali.

Ibrahima Boubacar Keita, continuateur de l’œuvre de Modibo Keita

Le défi du Président Modibo Keita de bâtir la Nation malienne fut un défi

éminemment Politique qu’il a eu à faire face en s’appuyant sur l’Economie

(socialisante) pour tisser et nourrir des liens entre les Maliennes et Maliennes, pour

l’inscrire sur la voie du progrès économique et social. Le défi du Président Ibrahima

Boubacar Keita sera un défi éminemment Economique qu’il va falloir construire et

gagner sur des ressorts et bases éminemment Politiques (Gouvernance publique),

pour restaurer l'autorité de l'Etat, réaliser l'Etat de droit et relever et réconcilier un

pays meurtri et divisé par 18 mois de crise politico-militaire. Entre les Présidents

Modibo Keita et Ibrahima Boubacar

Keita, c’est comme si l’héritage

s’inscrit dans une dialectique des

sens contraires.

Si le Président Modibo Keita avait

déclenché sa ‘’révolution active’’ pour

neutraliser ‘’les ennemis de

l’intérieur’’ qui avaient saboté son

projet économique (Franc malien en

1962, économie socialiste) et

politique (Progressiste et

Panafricaniste), le Président Ibrahima

Boubacar Keita pourrait déclencher

quant à lui, une véritable ‘’révolution

pacifique’’ pour réconcilier la partie

Nord du Mali à sa partie Sud, qui à y

regarder de plus près, s’était déjà

rebellée dans les années 60, en

réclamant d'abord l’indépendance

avant de la transiger en une

autonomie (la région Azawad.

Une rébellion qui fut durement

réprimée par le Président Modibo

Keita. Monsieur le Président Ibrahima

Boubacar Keita, le Mali risque de

tomber dans un profond piège

(Touaregisation de la crise) en

déroulant une politique de régime

spécial (Ministère chargé du

Développement du Nord) pour le

Nord Mali (Kidal, Tombouctou, Gao)

qui à y regarder de plus près, n’est

pas seulement habité par des

Touaregs, mais aussi par des

Songhaïs, par des Peuls, par des

Bozos, par des Barbiches. Sur ce

sujet Monsieur le Président IBK,

demandez conseil au Président

Abdoulaye Wade du Sénégal, il vous

dira combien il a regretté et a été

déçu et souffert des résultats de son

programme ‘’Spécial Casamance’’.

Du Nord au Sud et non le Nord et

le Sud

Monsieur le Président, ne tombez

pas dans le piège stratégico-politique

qui voudrait faire de la crise au Nord

Mali, une crise de la question

Touareg. Monsieur le Président, la

crise au Nord n’est pas identitaire

(même si on la présente ainsi) mais

nationale. Ses racines ne sont pas

politiques mais économiques.

Monsieur le Président de la

République, est ce que la création de

deux Agences Autonomes de

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Développement (pour le Nord et pour le Sud) en charge de faire de ces deux

régions, des Pôles de croissance et de compétitivité sur la base des dotations

factorielles pour chaque région, n’aurait pas permis de donner une réponse

économique à une question politique, plutôt que d’ériger un Ministère de plein

exercice pour le seul Nord Mali? En érigeant un Ministère dédié rien que pour le

Nord Mali, Monsieur le Président, cette option politique risque de cristalliser des

passions, de raviver des tensions, d’aiguiser des appétits et d’alimenter des

surenchères, dans le long terme. Dans un contexte où tous travaillent autour du

concept ‘’le Mali un et indivisible’’, ‘’l’intégrité territoriale et l’Unité nationale’’. Car,

Ségou, Kayes, Mopti, ne sont pas mieux lotis que Gao, Tombouctou et Kidal, en

termes d’infrastructures structurantes et de développement intégré. D’où l’intérêt de

voir la question de la crise politico-militaire, sous toute sa transversalité (nationale

plus que régionale).

Panifricaniste et socialiste

Militant panafricaniste, Modibo Keita fut une figure de proue de l'Afrique des années

60. Depuis son retour au bercail dans les années 90, le Président Ibrahima

Boubacar Keita est devenu un dinosaure de la vie politique malienne et a été de

tous les combats démocratiques depuis la conférence de la Baule en 1989. Père de

l’indépendance du Mali, le Président Modibo Keita a imprégné de façon indélébile,

les mentalités collectives de ses compatriotes maliens et africains. Le Président

Ibrahima Boubacar Keita, depuis les années 2000, cristallise autour de sa

personne, l’espoir, l’alternative, le progrès et le changement de tout un Peuple,

après avoir démontré à travers ses multiples charges publique d’homme d’Etat

(ancien ministre des Affaires étrangères, ancien Premier ministre, ancien Président

de l’Assemblée nationale malienne), qu’on entre en Politique pour servir l’Etat, sévir

et être au service de ses concitoyennes et concitoyens, mais non pour se servir de

l’Etat ni pour s'asservir.

Quand naquit Modibo Keita le 4 Juin 1915 dans le quartier de Coura à Bamako, il ne

naît pas dans un pays, le Mali, mais dans un territoire qui regroupait quatre Etats: le

Sénégal, le Mali (appelé Soudan à l'époque), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et

le Niger. Cela a sans aucun doute une influence sur le Président Modibo Keïta qui

sera un panafricaniste convaincu et militant, et a œuvré toute sa vie durant, pour

l’Unité africaine (Fédération du Mali avec le Sénégal d’abord et ensuite Union des

États de l'Afrique de l'Ouest avec la Guinée de Sékou Touré et le Ghana de Kwame

Nkrumah). Son combat n’aura pas été vain, au regard de la prestation de serment

du Président Ibrahima Boubacar Keita qui a vu le Mali réunir en même temps, sur le

même lieu et sous le même rapport, une bonne palette de hauts dirigeants africains

(16 Chefs d’Etat et 1 Roi).

Le rêve du Président Modibo Keita,

panafricaniste et socialiste, le

Président Ibrahima Boubacar Keita,

membre de l’international socialiste,

l’aura réalisé: l’unité des cœurs et

des esprits à défaut de la fédération

des Etats. Et sa tournée africaine

effectuée bien avant sa prise officielle

de fonction, renseigne pour

beaucoup, de la fibre panafricaine qui

anime le Président Ibrahima

Boubacar Keita.

Ibrahima Boubacar Keita, l’héritier

de Soundiata

Djibril Tamsir Niane nous explique

dans son livre ‘’Soundjata où

l’épopée mandingue’’, que quand

Soumaoro Kanté, roi du Sosso,

attaqua le royaume du Manding et

que le roi Dankaran Toumani (frère

consanguin à Soundiata), craignant

pour sa vie, finit par fuir vers

Kissidougou (en actuelle Guinée), le

roi du Sosso Soumaoro Kanté

massacra onze des fils de Naré

Maghann Konaté (défunt roi du

Manding, père de Danakaran et de

Soundiata), sauf Soundiata, qui entre

temps s’est exilé.

Pour recouvrer leur royaume, les

maîtres de la parole racontent que

les habitants du Manding allèrent

chercher Soundiata dans son exil et

lui demandèrent de prendre son

héritage, soit «Kien» (héritage) et

«Ta» (prendre), qui est devenu

«Kienta» (prends ton héritage) et par

la suite «Keïta».

Ce que fit Soudiata, qui allait

rassembler les armées de différents

petits royaumes en lutte contre le

Sosso et réussit à vaincre l’armée de

Soumaoro Kanté en 1235 à la bataille

de Kirina, qui finit par disparaitre

dans une montagne à Koulikoro.

L’écrasante victoire du Président

Ibrahima Keita (77,61%) à la dernière

élection présidentielle malienne, est-

elle un signe du «Kienta» fait par le

Mali à l’homme que l’on surnomme

’Kankelitigui" (l'homme qui n'a qu'une

parole en langue bambara)? Le Mali

peut tanguer mais ne chavira jamais.

Parce que le ‘’Mali d’abord’’, est

éternel.

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Mohamadou SY ‘’Siré’’ /[email protected] CEO ‘’Epsilone Consulting’’, stratégie & management. Casablanca, Maroc

France/Mali

Visite du Président Malien Ibrahim Boubakar Keita à Paris le 1er

octobre dernier. La France met l’accent sur le renforcement des capacités de l’administration et l’appui aux collectivités territoriales. Près de 30 millions d’euros de projets sont en cours d’exécution ou d’instruction pour ces deux secteurs sur les 280 millions engagés par la France sur deux ans. La France soutient également la mobilisation de la diaspora malienne dans des projets d’aide au développement.

AMISOM-AUC SOMALIE

« Je lance un appel à la communauté africaine de supporter les efforts de paix en Somalie »

Vingt ans de bourbier somalien laissent des traces indélébiles, « Puntland, Somaliland » comme sécessionnistes, la Somalie comme indivisible Unité. Mais, si l’objectif politique est l’organisation de l’élection Présidentielle en 2016 dans une Somalie unifiée, le pari de l’Union Africaine et des Institutions internationales, par la présence des soldats africains de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) depuis six ans est de reconstruire les infrastructures, l’unité nationale détruit par les guérillas urbaines, rétablir le

courant humanitaire jadis fleurissant dans la sous-région, reconstruire une armée digne pour cette corne de l’Afrique. Entourée par le golfe d'Aden, l'océan Indien, Djibouti, l'Éthiopie et le Kenya, la Somalie possède 3 025 km de côtes et 2 366 km de frontière terrestre dont plus de la moitié avec l'Éthiopie. Son point culminant est le Shimbiris (2 416 m), situé au nord du pays. Le sous-sol contient de l'uranium, du minerai de fer, de la bauxite et du cuivre.

M Eloi Yao, responsable du département de communication de l’Amisom, dans un entretien exclusif, évoque les enjeux et défis des troupes africaines en terre de Somalie.

Entretien exclusif

M YAO ELOI DE L’AMISOM-AUC

Que penser de cet attentat ?

-C’est un attentat que nous déplorons, parce que le Kenya est un pays africain, membre de l’Union Africaine, et de surcroît participe à l’AMISOM à travers ses hommes et ses femmes en Somalie. Pays qui travaille pour une stabilité de la Somalie. C’est dommageable qu’un pays qui fait des efforts pour aider son voisin à sortir de plus de vingt ans de trouble vive un acte dramatique de cette ampleur.

Cela peut-il avoir une répercussion sur l’AMISOM, les Shebabs justifient cet acte malheureux en rapport à l’intervention des soldats kenyans dans les forces de l’AMISOM en Somalie ?

-Ils ont toujours des arguments, des raisons, mais, il ne faut pas oublier l’action humanitaire importante du Kenya pour les réfugiés somaliens, aussi que le Kenya a souffert de cette instabilité chez son voisin immédiat, des répercutions de cette instabilité sur les autres pays frontaliers. La Somalie a subie de nombreuses actions d’instabilités. Qu’à cela ne tienne, le Kenya sera toujours partie prenante dans l’AMISOM en Somalie.

Ce drame était-il évitable compte tenu de l’avertissement précédent des shebabs ?

-Comme j’ai déjà eu à le souligner, le terrorisme est difficilement préventif, les grandes puissances ont connu les collatéraux de ce mal. Pour revenir au Kenya, il fait face à ce fléau, mais a besoin de tout l’appui de la communauté internationale.

Cet attentat est-il le fait de leur fragilisation en Somalie ?

-Ils ont été repoussés tant bien que mal, cela peut justifier l’utilisation des méthodes asymétriques

Peut-on dire que cet affaiblissement soit à l’actif de la présence de l’AMISOM depuis 6 ans et à son action en Somalie ?

- On peut dire que de nombreux progrès ont été faits par l’’AMISOM en collaboration avec les somaliens à travers des programmes humanitaires, la menace est toujours là, la vigilance reste de mise. On ne doit pas se décourager, au contraire, avoir la détermination d’une Somalie unie et unifiée pour le bien fondé des somaliens. N’oublions pas que par le passé, ce pays a joué un grand rôle en Afrique, son armée était l’une des mieux structurées du continent, on faisait appel à elle pour le retour à la souveraineté.

L’AMISOM aujourd’hui se porte-elle bien ?

- Oui, elle va dans les objectifs fixés par l’Union Africaine et la communauté Internationale concernant la résolution de la crise somalienne. De nombreux efforts sont encore à faire. Notamment dans

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le renforcement des équipements et des capacités pour des inventions plus efficaces.

Le calendrier fixé est 2016 pour l’organisation des élections en Somalie, ce sera aussi le départ de l’AMISOM ?

-Tout dépendra de la capacité des forces somaliennes, avoir à cette échéance une armée plus qu’opérationnelle, le territoire unifié, des institutions fonctionnelles. Ceux qui la composent sont courageux et professionnels. Le travail doit continuer pour que nous soyons tous satisfaits du devoir accompli.

Quels sont les objectifs fixés en Somalie, et pour combien de temps ?

-Les objectifs fixés émanent de notre mandat et des priorités du gouvernement somalien qui sont basées sur six piliers. Le temps dépendra aussi de l'évolution des choses sur le terrain. Chaque année, la Mission effectue une évaluation dans ce sens là. Certaines des taches de l'AMISOM sont les suivantes:

· Coordonner les efforts de sécurité avec les forces somaliennes pour réduire le danger que posent les shebabs et autres groupes rebelle;

· Soutenir le gouvernement à étendre son autorité à travers tout le territoire; · Soutenir les gouvernements à établir les conditions pour une gouvernance

efficace; · Accompagner la Somalie dans le développement de ses capacités

institutionnelles y compris les services de sécurité et des services publics; · Soutenir le gouvernement à créer les conditions pour des élections libres

et transparentes en 2016; · En collaboration avec les acteurs du domaine humanitaire, faciliter

l'approvisionnement de l'aide et des services humanitaires ; · etc.

Pensez-vous que les somaliens acceptent une longue présence de l’AMISOM sur son territoire ?

-Je crois que le peuple somalien apprécie les efforts et sacrifices des frères et sueurs africains en

Somalie. L'initiative de l'Union africaine n'est pas indéterminée. Dès que les Somaliens sont en mesure d'assurer la sécurité de leur pays, les forces multinationales africaines se retireront.

Comment définissez-vous la proximité avec le peuple, est-il méfiant ?

-Les relations avec le peuple somalien étaient un peu timides au début de la mission, mais les choses ont changé. Les Somaliens sont satisfaits du travail de l'AMISOM. Ils participent à la plupart des activités de l'AMISOM donc il y a un climat de confiance.

Quels sont en quelques mots les actions humanitaires réalisées par l’AMISOM pour redonner confiance au peuple ?

-Les actions humanitaires sont nombreuses. L'hôpital destiné aux soldats reçoit environ 100 à 300 Somaliens par semaine et ces soins sont gratuits; la construction des forages pour l'approvisionnement en eau potable, la distribution de médicaments, la construction tout récemment d'une école, etc.

Le slogan « Make PeaceHapen » est-il uniquement destiné au seul cas somalien ?

-Pas du tout! C'est un message à tous les Africains pour tout pays africain en difficulté. Car comme vous le constatez, il y a de plus en plus de pays fragiles en Afrique. Donc c'est un message utile pour les initiatives de paix et de stabilité par l'Union africaine.

Un dernier mot !

-Je lance un appel à la communauté

africaine de supporter les efforts de

paix en Somalie, aussi, de ne point

se décourager pour prendre

l’exemple. C’est une lute commune.

ECONOMIE Afrique : L’aide multilatérale au 21e siècle

Donald Kaberuka, Président de la

Banque africaine de développement.

Il y a cinq ans, le rôle des banques multilatérales de développement a été prépondérant pour atténuer les effets les plus néfastes et les plus dévastateurs de la crise financière mondiale, grâce à leurs financements contra-cycliques, leur appui budgétaire, à la facilitation des échanges commerciaux, et à un bon nombre d’autres instruments. La Banque africaine de développement a, quant à elle, doublé ses dons et prêts entre 2008 et 2009. Au regard du rôle primordial de ces banques, les actionnaires ont décidé d’accroitre leur capital. Celui des Banques asiatique et africaine de développement a été triplé. Certaines de ces institutions – le Fonds africain de développement, l’Association internationale de développement (IDA) et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – finalisent actuellement la reconstitution des ressources de leur guichet de financements concessionnels, qui viennent en aide aux pays les plus pauvres. La dernière fois, ces fonds ont été généreusement reconstitués. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Parmi les pays développés, l’engagement et le financement nécessaires à l’éradication de la pauvreté des pays les moins développés sont, malheureusement, à l’épreuve de contextes économiques difficiles et persistants. Alors que l’économie mondiale se remet difficilement, c’est, en fait, la forte croissance des pays à faibles revenus qui peut lui apporter l’impulsion économique nécessaire. Pour la première fois depuis 20 ans, l’aide publique au développement (APD) a commencé à s’éroder en 2011, une baisse davantage marquée encore en 2012.

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La pression qu’elle subit désormais signifie que nous devons repenser les futurs instruments de l’aide. Cela consiste, tout d’abord, à créer des effets de levier sur la base de capitaux privés puis, ensuite, à aider les pays à mieux gérer leurs ressources naturelles.

En ces temps de morosité économique ambiante, l’APD s’avère inconstante, sujette à quantité de sensibilités externes. Certains souhaiteraient la suspendre immédiatement au motif qu’une plus grande place devrait être accordée aux préoccupations nationales, ou parce que la corruption, le gaspillage et la dépendance des pays à laquelle l’APD est destinée sont encore trop élevés. D’autres la considèrent comme un important instrument de progrès lorsqu’elle est provisoire.

J’ai, pour ma part, toujours estimé que si l’aide est véritablement efficace, elle est amenée à devenir progressivement obsolète. Nous considérons comme un succès lorsque nos pays bénéficiaires n’ont plus recours à nous, et lorsqu’ils deviennent, à leur tour, donateurs. Dans le cas de la Banque africaine de développement, l’Egypte et l’Afrique du Sud contribuent déjà au Fonds. L’Angola et la Libye ont manifesté leur intérêt.

Au cours de la dernière décennie, de nombreux pays africains ont accompli des progrès considérables. Un taux de croissance de 6 % sera atteint cette année, et le PNB du continent a doublé depuis le deuxième millénaire. Cependant, ne crions pas victoire : les défis de la transformation structurelle et de la durabilité demeurent, tout comme l’absence d’emplois et les faibles compétences. D’importantes poches de fragilité perdurent, qui sont parfois contagieuses. Le continent est toujours pénalisé par le déficit criant en transports, en énergie, en infrastructures et en eau. Ce sous-financement représente annuellement 50 milliards de dollars américains, et coûte 2 % de PIB au continent chaque année – un tiers de sa croissance annuelle. Les progrès ne peuvent se poursuivre avec un tel déficit en infrastructures.

Le Fonds africain de développement a consacré près des deux tiers de ses ressources aux infrastructures. Ces deux dernières années, 100 millions d’Africains ont pu bénéficier de ses nouvelles lignes électriques, d’un meilleur accès à l’eau et à l’assainissement, de meilleurs services de santé et de transport. Au cours de ces seules trois dernières années, nous avons consacré 7,5 milliards de dollars EU au secteur de l’énergie.

Les plans futurs sont tout autant aussi ambitieux, avec un programme opérationnel de projets – dont un quart dans des pays fragiles – comprenant des dizaines de milliers de mégawatts de capacité énergétique additionnelle, de nouvelles routes ainsi qu’un réseau routier plus performant, de nouvelles lignes à haute tension et de réseaux de distribution d’électricité, des forages et des puits, ainsi que des centaines de milliers de nouvelles inscriptions dans l’enseignement secondaire, technique, et universitaire. Nous avons pour but de faire la différence.

Nous sommes néanmoins tous conscients que le déficit de financement des infrastructures, estimé à 50 milliards de dollars EU par an, ne saurait être compensé par les seules ressources publiques. La première tâche consiste à tirer parti du cycle actuel favorable des prix des matières premières, et à gérer, de manière judicieuse, les ressources naturelles afin de financer les infrastructures. C’est pour cette raison que le programme du G8 pour la transparence en matière de fiscalité et de commerce est si important. Nous devons, ensuite, attirer le secteur privé. La révolution des télécommunications qu’a connue l’Afrique dans les années 90, rendue possible en grande partie grâce aux financements du secteur privé, à la suite de la déréglementation du secteur des télécoms, nous a indiqué ce qui était de l’ordre du possible. S’agissant de l’énergie, les réformes sont désormais en place et n’attendent plus que les capitaux privés. Notre défi est de faire de ce financement une réalité.

Associer l’aide publique au développement aux capitaux privés, nous savons le faire et l’avons démontré. Un dollar de prêt consenti par la Banque africaine de développement nous permet d’en lever près de six. J’étais récemment à Dakar pour visiter un groupement de projets d’infrastructures – une nouvelle autoroute à péage, un nouvel aéroport, une centrale énergétique et l’agrandissement du port. 245 millions de dollars EU de financement de la Banque et 132 millions de dollars du gouvernement sénégalais ont permis de lever 1,3 milliards de dollars EU additionnels auprès de banques et d’investisseurs privés.

Ceci est l’“aide intelligente” en action : générer un afflux d’investissements par l’effet de levier de capitaux privés ; combattre la pauvreté grâce aux échanges, au commerce, à l’investissement et au secteur privé. C’est également la raison pour laquelle le Fonds africain de développement introduira de nouveaux produits financiers, incluant de nombreuses garanties, pour faciliter les investissements du secteur privé dans les pays africains, ainsi que l’accès aux marchés financiers.

Un autre exemple d’optimisation de maigres ressources par le Groupe de la Banque est le Fonds Afrique 50 qui vise, en premier lieu, à mobiliser l’épargne africaine commune, telle que les revenus provenant des propres ressources naturelles du continent, et à financer ainsi les infrastructures grâce à des projets “banquables” ayant des impacts significatifs sur la vie des populations.

Si l’APD a été importante, l’histoire nous enseigne que les nations ont réussi à vaincre la pauvreté grâce au commerce et à l’investissement. C’est ce qui élèvera, également, le continent au-delà de son seuil actuel vers une pérennité accrue. Comme elles l’ont fait lorsqu’elles ont répondu à la crise financière en 2008, les banques multilatérales de développement devront, en 2013, revoir les outils à leur disposition, pour faire de ce souhait une réalité.(BAD)

Agence Française de Développement (AFD) Anne Paugam, directrice générale

"Le 19ème siècle a été celui de

l'abolition de l'esclavage. Le

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20ème celui de la fin de la colonisation.

Le 21ème pourrait éradiquer l'extrême

pauvreté."

Alors que l’assemblée générale des

Nations unies s’est réunie le 25

septembre dernier pour faire un point

d’avancement des Objectifs du millénaire

pour le développement (OMD) et préparer l’après-2015, Anne Paugam,

directrice générale de l’AFD, estime que la période qui s’ouvre va être celle de

nouveaux équilibres, de nouvelles coalitions et d’un renouveau du concept

même d’« aide au développement ».

Les Objectifs du millénaire pour le développement (les huit objectifs

prioritaires définis par l’ONU en 2000 à atteindre à l’horizon 2015) vont-ils être

atteints ?

Le premier de ces objectifs, celui de la lutte contre la pauvreté, a d’ores et déjà été

atteint et dépassé. En effet, le pourcentage des personnes vivant dans le monde

avec un revenu quotidien inférieur à 1,25 dollar par tête est tombé de 47% en 1990

à 22% cette année.

Les résultats sont plus contrastés en revanche pour la scolarisation des filles ou

pour l’accès à l'eau. Les pays les moins avancés, notamment en Afrique

subsaharienne, sont encore loin d’atteindre ces objectifs, même s’ils ont réalisé

d'incontestables progrès.

Nous ne sommes pas encore en 2015, et l’ensemble des acteurs des politiques de

développement, qu’ils soient issus du nord ou du sud, des gouvernements ou de la

société civile, doivent continuer à se mobiliser pour se rapprocher du but.

Avec le recul, que peut-on dire de l’initiative des huit Objectifs du millénaire

pour le développement ?

Ils ont indéniablement joué un rôle mobilisateur autour d’objectifs précis de solidarité

internationale.

Ils sont une franche réussite à cet égard. Avec le temps, nous avons néanmoins pu

mesurer combien ils relevaient d’une approche par trop centrée sur quelques

secteurs « sociaux » (notamment santé et éducation) négligeant la croissance

économique, facteur clé de la réduction de la pauvreté sur le long terme.

Ils ont également sous-estimé les enjeux environnementaux, qui deviennent de plus

en plus des freins à l’atteinte des objectifs de lutte contre la pauvreté.

Et donc, quels doivent être les objectifs à partir de 2015 ?

C’est l’objet de la discussion en cours au sein des Nations unies, qui est l’occasion

de tirer les leçons de cette première génération d’objectifs. Un Groupe de

personnalités de haut niveau* a récemment rendu son rapport qui a été discuté à

New York la semaine dernière. Le panel estime qu’il est impératif de conjuguer les

politiques de croissance économique, de lutte contre la pauvreté et de protection de

l’environnement – les trois dimensions d’un développement durable.

L’AFD s’inscrit pleinement dans cette orientation, qui est celle donnée à l’aide

française par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le

développement [le CICID, tenu le 31 juillet dernier, ndlr].

Une proposition ambitieuse, qui a été

retenue par le Panel, serait de

poursuivre sur la dynamique de

réduction de la pauvreté constatée au

cours des dernières décennies, en se

fixant comme objectif la fin de

l’extrême pauvreté en 2030.

L’humanité a décidé d’abolir

l’esclavagisme au 19e siècle. Elle a

décidé d’en finir avec la colonisation

dans la seconde moitié du 20e siècle.

Ce serait un choix historique pour la

communauté internationale de

décider d’en finir une fois pour toutes

avec l’extrême pauvreté.

De nouveaux sujets prendront aussi

de l’ampleur à l’occasion de la

redéfinition du cadre de

développement pour l’après-2015: la

création d’emplois, l’économie verte,

la responsabilité sociale et

environnementale des entreprises ou

la protection sociale. Ces

thématiques pousseront l’AFD à

continuer à innover, en s’inspirant

des meilleurs pratiques et en forgeant

de nouvelles alliances. Nous devons

pour cela mobiliser les coalitions

d’acteurs pertinentes (organisations

régionales, Etats, collectivités

locales, banques, ONG,

entreprises…) pour répondre à

chacun des défis et maximiser l’effet

de levier sur les ressources

publiques.

Il ne s’agit plus seulement d’apporter

des financements, mais de partager

des expériences, des savoir-faire et

des prises de risques.

Pour faire cela aujourd’hui, nous

avons besoin d’une nouvelle vision

de nos métiers, qui exige de repenser

le concept même "d’aide" au

développement. Une nouvelle vision,

partenariale, doit être portée au

niveau international – c’est l’enjeu de

la discussion sur le post-2015.

Les prochains objectifs pourraient

enfin être porteurs d’un changement

important de paradigme : ils

pourraient être universels,

reconnaissant ainsi que chaque

société doit faire évoluer ses

trajectoires de croissance. Cela

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demanderait de travailler à « co-inventer » de nouveaux modèles de

développement, soutenables d’un triple point de vue économique, social et

environnemental.

Les idéaux environnementaux européens et français sont-ils vraiment

adaptés au développement des pays les plus pauvres ?

Les enjeux environnementaux ne sont ni européens ni français mais bel et bien

mondiaux. Et ce ne sont pas des idéaux, mais des réalités concrètes du quotidien

de millions d’individus.

Les pays les plus pauvres sont les premières victimes du changement climatique, et

ce sont les populations les plus pauvres en leur sein qui souffrent le plus de la

dégradation du capital naturel qui les entoure. Ce sont elles qui dépendent de la

terre ou de la pêche pour se nourrir et gagner leur vie. Ce sont aussi elles qui vivent

dans des habitations ou des quartiers vulnérables aux épisodes climatiques violents

ou à la montée du niveau de la mer.

Par ailleurs l’Afrique, qui compte encore de nombreux pays très pauvres, est aussi

concernée par la réduction des émissions : sa croissance économique est de 5%

par an en moyenne depuis 10 ans. Sa population doublera dans les 40 prochaines

années, et quadruplera d’ici la fin du siècle. Si les pays africains se mettent dans

des impasses énergétiques ou sur la voie d’une urbanisation non-soutenable, leur

croissance s’en verra rapidement limitée. La pauvreté reprendra rapidement sa

progression.

On le voit : il n’y a pas de sens à opposer lutte contre la pauvreté, accompagnement

de la croissance économique et protection de l’environnement. Dans la droite ligne

des conclusions du CICID, l’agence mène ces trois missions de front.

* Le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a mis en place une équipe

spéciale chargée de coordonner les préparatifs pour l'après-2015. Il a annoncé en

2012, le nom des 27 membres d'un Groupe de haut niveau pour le conseiller sur le

développement mondial après 2015. Le Président de l'Indonésie, M. Yudoyono, la

Présidente du Libéria, Mme Johnson Sirleaf, et le Premier ministre du Royaume-Uni,

M. Cameron, ont co-présidé ce Groupe de haut niveau constitué de représentants

de la société civile, du secteur privé et du secteur public. Le Groupe d'experts a

réfléchi aux nouveaux défis du développement, tout en s'appuyant sur l'expérience

acquise dans la réalisation des OMD. (AFD)

African Grain Summit “Africa: The Emerging Frontier for Global Investments in Grain Trade.” Africa grain experts to explore the continent’s potential as the next frontier in global grain supply at 5th African Grain Summit

Over 250 top leaders from Africa including business executives from the private sector, including farmers, traders and millers, non-governmental organizations, development partners, financial institutions, researcher government representatives, regional bilateral institutions, and policymakers will convene from the 1st - 3rd October 2013 to discuss key issues affecting the African grain sector. This will be at the 5th Africa Grain Trade Summit, hosted by the Eastern Africa Grain Council (EAGC) at the Sarova-Whitesands Hotel, Mombasa, Kenya. The Summit’s theme is “Africa: The Emerging Frontier for Global Investments in Grain Trade.” The summit is timely as global focus shifts to Africa’s potential to feed itself and feed the world. Africa with an estimated population of 1 billion people and an area of 30.2 million km² is home to seven of the world’s 10 fastest growing economies with a projected economic growth rate of 6%. Additionally, the continent has a youthful population, a rich resource base, rising incomes and a steadily growing private sector: all these factors make for a healthy and attractive investment environment. At this year’s summit, delegates will focus on advocating for a predictable agricultural trade policy and price environment which facilitates public private partnerships and stimulate increased investments along the grain value chain. Additionally, opportunities for innovation and technology adoption to address constraints and increase agricultural investments in Africa will be explored as will means of optimizing intra-Africa market access by dismantling barriers to trade. Delegates will also discuss how to scale up agribusiness financing for Africa’s grain trade through Structured Trading Systems. “The summit will be setting the stage and opening doors through establishing essential linkages and new and increased investments in grain trade in Africa,” says the EAGC Executive Director, Mr. Gerald Masila. “AGRA is happy to be associated with the Africa Grain Summit as it will help in charting the way forward on resolving the issue on postharvest grain losses which are currently at 40% in sub-Saharan Africa. By

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stemming these losses we can help to increase farmers’ incomes,” says Mrs Anne Mbaabu, Director of AGRA’s Market Access Program. During the summit, the first ever Structured Trading Systems Handbook will be launched and is envisioned as being a game-changing tool in grain trade in Africa and beyond. This year’s Summit has received support from the Alliance for Green Revolution in Agriculture (AGRA), the Swedish International Development Agency (SIDA), the United States Agency for International Development (USAID), the Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation ACP-EU (CTA), the Agribusiness Initiative Trust (ABI), the Association for Strengthening Agricultural Research in Eastern and Central Africa (ASARECA), The East Africa Trade Hub (formerly known as USAID COMPETE), CARANA Corporation, Seaboard Overseas and Trading Group, Tradiverse Kenya Limited, the International Finance Corporation (IFC), Bunge East Africa Limited, Capital Reef Kenya Limited, the East Africa Breweries Limited, Cimbria East Africa, Intertek Commodities Ltd, Lesiolo Grain Handlers Limited, Cereal Growers Association, Mama Millers Ltd, Post-Harvest Services Limited, Farm Concern International, Uplands Rice Millers and the recently established East Africa Exchange (EAX) based in Kigali, Rwanda.

SOCIAL BUSINESS

USA DC : AFRICAN HERITAGE CELEBRATION

"Panafricanisme et Renaissance mondial africaine au 21e siècle"

Initié en 2010 par le Bureau pour les affaires africaines (OAA) et Vincent C. Gray, maire du district de Columbia, la 4ème édition du Patrimoine Africain a eu lieu le 30 septembre dernier, au Howard Théâtre [620 T St NW Washington, DC 20001], avec en ligne de mire le 50e anniversaire de la Union africaine. Chaque année, la célébration réunit les diverses communautés dans le district autour de l'art, la culture, l'histoire, la musique et met en valeur les contributions multiples liées a la vitalité culturelle et économique de la ville. Depuis sa création en 2010, l'Afrique Célébration DC est devenu l'un des événements culturels les plus attendus du District, attirant des milliers de participants, ce qui témoigne de la croissance sans précédent de la communauté africaine. 2013 marque la deuxième année de la proclamation du maire de Septembre est le Mois du patrimoine africain, en reconnaissance aux différents apports faits par les dizaines de milliers d'Africains qui y résident. "Le District de Columbia est à la maison à des milliers d'entreprises africaines, les résidents et leurs familles - représentant divers milieux culturels, religieux et politique. On y côtoie des centaines de langues et dialectes. Ces communautés ont enrichi le tissu culturel et économique de notre ville de classe mondiale », a déclaré le maire Gray dans la proclamation. Au niveau local, ce thème lie harmonieusement dans la vision du maire de construire "une ville" dans laquelle tous les résidents vivent, travaillent et se développent ensemble. Il a en outre fait écho aux objectifs du programme de sensibilisation multiculturelle du OAA qui vise à promouvoir la sensibilisation et la solidarité interculturelle entre diverses communautés ethniques du district d'ascendance africaine. Hommage a été rendu en le cadre de ces deux jalons historiques aux dirigeants passés et présents de la diaspora africaine qui ont apporté des contributions uniques à la renaissance culturelle et économique de la communauté africaine du District.

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INVESTIR EN AFRIQUE La Responsabilité Sociétale des

Entreprises

La RSE et les investissements en Afrique

Pierre Jacquemot, Chercheur associé IRIS

Comment se présente la question de la RSE ? Selon une étude de l’INSEE de novembre 2012, en France, plus de la moitié des sociétés de plus 50 salariés déclare s'impliquer dans la Responsabilité sociale et environnementale (RSE). L’élaboration de chartes et de codes de conduite, comme la multiplication des expériences concrètes, pourrait laisser penser qu'il ne s'agit pas d’un effet de mode.

Les approches ont évolué depuis une décennie dans des cadres de plus en plus normatifs. Le renforcement des principes internationaux (OIT, OCDE, ONU, FAO), est une tendance de fond qui oriente à présent les entreprises françaises à l’étranger. Les réglementations au niveau européen et le cadre législatif français (Grenelle I et II) imposent un certain niveau de protection de l’environnement et des standards en termes de conditions d’emploi et de travail.

De leur côté, les donneurs d’ordre, à l’instar de la SFI (filiale de la Banque mondiale), de la Banque africaine de développement (BAD) ou de la COFACE et de Proparco (filiale de l’Agence française de développement), demandent de plus en plus à ce que les entreprises soumissionnaires possèdent des qualifications RSE.

La certification est aussi une démarche volontaire. Dans le domaine agricole et alimentaire, les références sont Bio, Equitable, Nature & Progrès, Demeter, Fairtrade-Max Havelar. Dans la filière des bois tropicaux, la norme principale est le FSC (Forest Stewardship Council) qui est le plus haut niveau d’engagement reconnu par les ONG environnementales.

Mais ce domaine n’est-il pas largement controversé ? Parmi les sujets controversés concernant les activités des

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entreprises en Afrique, deux reviennent le plus fréquemment : celui de la transparence : comment rendre compte et échanger avec ses parties prenantes ? Celui de la cohérence des actions : comment atténuer voire supprimer les impacts négatifs des activités ?

La difficulté réside dans le fait que les structures d’Etat chargées de suivre l’application des lois et des règles sont encore souvent peu efficaces. Les entreprises extractives sont plus assujetties à la polémique, ainsi que les groupes agro-alimentaires ou présents dans la pharmacie et les sciences de la vie. Un consensus semble se retrouver en France autour du principe suivant : que les entreprises coupables de mauvaises pratiques dans le domaine social, des Droits de l’Homme et du respect de la biodiversité soient sanctionnées, mais que celles qui adoptent des « comportements vertueux » soient valorisées.

Les Droits de l’Homme sont-ils enfin au coeur de la RSE ? Des entorses à la liberté syndicale, une indifférence manifeste envers les préoccupations des communautés locales, l’ignorance de situations relevant du travail forcé ou du travail des enfants ou de l’existence de discriminations (sexe, ethnie, caste…), présentent de très graves risques pour les populations concernées. Elles ne peuvent être acceptées. Pour les entreprises, elles supposent d’adopter des solutions appropriées, y compris quand l’Etat ne joue pas son rôle protecteur et que la pression externe est faible. Dans ce contexte, la simple référence aux Droits de l’Homme ou aux Conventions de l’OIT suffit de moins en moins pour maîtriser tous les risques inhérents au fonctionnement des filières d’approvisionnement et de distribution. Par la force des choses, l’engagement de certaines entreprises doit aller jusqu’à la détermination précise des conditions de travail par des audits spécifiques faisant appel à une expertise extérieure, d’universitaires ou d’ONG spécialisées.

La question environnementale n’est-elle pas un élément essentiel du “permis d’opérer”?

Les pressions de la société civile sont particulièrement fortes en matière d’exploitation des ressources naturelles (extraction minière, exploitation agricole, aménagement forestier). Les critiques les plus fréquentes sur les impacts environnementaux concernent les risques de déforestation, d’épuisement des sols, les menaces sur la biodiversité et la pollution de l’eau et de l’air. Dans certaines situations, la société civile, si elle s’estime frustrée, peut montrer une capacité d’organisation susceptible de bloquer et de perturber l’activité d’une entreprise. Ce risque, qui vient s’ajouter au risque juridique et au risque de réputation, n’est désormais plus négligé par la plupart des entreprises.

Et la question de titrisation foncière ? La question foncière est au cœur de la problématique RSE pour les entreprises extractives, forestières ou agro-alimentaires. L’accès à la terre doivent être abordées de manière politique tant elles sont délicates voire controversées. Concessions, emphytéose, ou propriété ? Recours au « droit ancestral » ou au droit moderne ?… Les programmes de compensation au bénéfice des communautés ne sont jamais satisfaisants à long terme quand les intérêts des communautés sont appréciés de manière superficielle, au travers des « intermédiaires » pas toujours bien intentionnés ou faussement représentatifs. L’interférence des politiciens locaux constitue parfois un risque de détournement de l’objet quand il y a tentative de récupération à des fins électorales.

Les responsabilités amont-aval sont-elles un enjeu ? Comment faire passer les principes de la RSE sur toute la filière, en amont auprès des fournisseurs, en aval auprès des distributeurs ? La question se pose en termes très concrets dans divers domaines: préservation de la biodiversité, garantie de la sécurité alimentaire, lutte contre la corruption, abolition du travail des enfants. Un

défi majeur des entreprises concerne donc le déploiement d’une démarche RSE sur toute la chaîne de valeur. Que faire si le diagnostic révèle des atteintes aux droits fondamentaux ? La question est fondamentale. Deux attitudes sont possibles : soit couper définitivement le lien avec le fournisseur ou le sous-traitant et s’affranchir ainsi de tout risque réputationnel, soit adopter une réponse graduée pour corriger les déviances et ne pas menacer l’emploi et les revenus des populations en amont, mais avec

une forte exposition à la critique.

Un consensus se dessine en faveur de la seconde option quand les griefs ne sont pas rédhibitoires : mieux vaut tenter de « moraliser » la filière, par touches successives, afin de la faire rentrer dans un cadre acceptable. Le concours des ONG est alors souvent utile. Il conviendra ensuite d’établir des cahiers de charges avec les fournisseurs et les sous-traitants et lancer des programmes spécifiques afin de les accompagner dans leur mise à niveau aux standards requis.

La « diligence raisonnable » s’exerce même quand l’Etat est défaillant. Il ne peut pas y avoir d’impunité. Cependant lorsqu’une entreprise a fait tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir ou réparer un manquement grave en matière de Droits de l’Homme par exemple (et qu’elle peut le démontrer), elle estime alors ne peut pas être tenue pour responsable.

Comment renforcer le devoir de rendre compte ?

Certaines entreprises sont accusées de faire du top down en matière d’engagement social, avec parfois une dose de paternalisme vis-à-vis de leurs collaborateurs. Le dialogue avec les « parties prenantes » est supposé permettre d’éviter le piège de « l’autodéfinition » où l’entreprise met en place des initiatives qu’elle pense utiles, sans vérifier qu’elles répondent véritablement à une attente ou un besoin prioritaire des bénéficiaires.

Un reporting de qualité est crucial (Grenelle II). Il est important de pouvoir « prouver » son impact positif sur les territoires. Il doit être absolument assuré par une expertise indépendante. ». Certaines sociétés font l’objet de la notation extra financière Les entreprises qui s’en

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sortent le mieux (plus rapidement) face aux controverses sont celles qui ont traité les « sujets qui fâchent plutôt que de s’enfermer frileusement dans une autosatisfaction.

Faut-il pour autant faire confiance aux entreprises pour s’occuper du développement ? Plus on s’éloigne du Centre, où tout est scruté, analysé, contrôlé, plus on se rapproche de la Périphérie, plus les risques de déviance augmentent, avec le risque de rencontrer le drame de Dacca où le 24 avril 2013 mille ouvrières du textile périrent.

Si la RSE progresse, c’est que la pression externe est forte. La question des Droits de l’Homme est incontournable. Celle de l’environnement tout autant. Quelques sympathiques incantations à la RSE et au commerce équitable ne suffisent pas. Et les règles internationales, du commerce comme du travail, pas davantage. Il faut localement un Etat démocratique, des droits concrets respectés, des syndicats crédibles.

MICRO FINANCE Centre Mohammed VI, Maroc

« Les réussites entrepreneuriales existe en nombre important et cela ne peut être évoqué de façon simple »

Asri Mohamed, Directeur Général de "l'Observatoire de la MicroFinance"

Le 1er symposium international de la Microfinance, s'est tenu à Skhirat les 11 et 12 octobre 2012, sous le haut patronage de SM le Roi. Depuis combien de temps vous dirigez "l'Observatoire de la MicroFinance" au Centre Mohammed VI ? Depuis bientôt six ans Peut- on dire que la Fondation Mohammed V place le développement

durable au cœur de sa stratégie ? Comment avec quels moyens... Je ne suis pas habilité à communiquer au nom de la Fondation Med V, par contre pour ce qui est du Centre Mohammed VI sa mission principal est d’apporter un soutien technique et logistique au secteur de la Microfinance national en particulier et a celle de la région MENA et d’Afrique de l’ouest en général. Le centre mohammed VI intervient sur trois grands axes : 1.L’axe observatoire de la Microfinance, 2.L’axe formation, 3.L’axe promotion de la Micro entreprise et appui à la commercialisation Le développement durable est au cœur de nos activités et ne peut y être dissocié, vu que nous menons des projets seul ou en partenariat avec des structures nationales ou internationales travaillons sur le développement durable et l’économie solidaire. Nos moyens nous parviennent de nos administrateurs et des ressources relatives aux projets de partenariats Quelles sont les actions entreprises pour l’insertion des démunis dans le circuit économique ? Le Centre Mohammed VI de Soutien à la Microfinance Solidaire « CMS » intervient de façon indirect, dans le cadre de l’insertion des démunis dans le circuit économique. Ses principaux partenaires sont les structures de microcrédit qui elles font appel à ses services pour former et accompagner leurs bénéficiaires en termes d’insertion. Plusieurs programmes sont mis en place a cet effet :

1.Les rencontres régionales des micros-entrepreneurs (formation et appui à la commercialisation), 2.Les programmes d’éducation financière (renforcement des capacités techniques et managériales), 3.Les programmes bilatéraux avec les partenaires (OFPPT, GIZ, SILATECH,GFA, Centre d’insertion des détenus mineurs) … Le microcrédit se révèle t'il, pour vous, comme un outil efficace de lutte contre l’exclusion et la pauvreté ? Le microcrédit au Maroc est considéré comme un des outils de lutte contre la précarité et l’exclusion. Il est efficace dans l’ensemble à condition d’en faire bonne usage (utilisation par les bénéficiaires). Toutefois, il a été prouvé à travers les études d’impacts réalisées qu’il contribue à l’amélioration du niveau de vie des populations en situation précaire et qu’il le serait d’avantage s’il est bien placé. Quels exemples concrets de réussites entrepreneuriales, pouvez-vous citer à titre de références ? Les réussites entrepreneuriales existe en nombre important et cela ne peut être évoqué de façon simple, si vous le souhaitez nous vous préparerons des fiches de cas réussies d’entreprises pour une prochaine édition. Il y aura t'il une édition 2013 ? Avec quels enjeux, quels contenus ? En avez-vous défini les dates ? Concernant le symposium international de la Microfinance, il a été décidé d’en organiser un tous les deux ans ; vu qu’il regroupe un certain nombre d’experts nationaux et internationaux et qu’il nécessite un gros travail de préparation et des moyens financiers important. Les grandes lignes du symposium sont élaborées en parfaite concertation entre les acteurs du secteur et leurs partenaires afin de répondre au mieux aux exigences de leur activité et aux attentes générales. Quels sont les futurs projets ou événements clefs de l' "Observatoire de la Microfinance ? Nous sommes en phase de lancer deux études :

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· la première touchant les activités génératrices de revenus « AGR » afin d’élaborer une base de données permettant d’identifier les différentes activités susceptibles d’être financées par le secteur de la Microfinance, mais aussi de faire ressortir celles qui sont les plus servies par le microcrédit, celles qui le sont moins et celles qui ne le sont pas du tout. Cette étude devrait permettre d’apporter des réponses claires et des suggestions en termes de produits et services adaptés aux structures de microcrédit afin de réduire les disparités de financement entre les différentes AGR. · la deuxième étude est une analyse d’opinions du grand public en termes de perception et d’impact du microcrédit sur les populations cibles. Cette étude, interrogerai l’ensemble des parties prenantes dans le développement économique et social du pays. II.Nous avons aussi prévu d’organiser une table ronde, pour présenter un benchmark en termes de transformation des secteurs de la Microfinance dans le monde, III.Un atelier de réflexion sur la micro-assurance, quels outils et quels moyens ? IV.Le prix national des micro-entrepreneurs … Tous ces événements sont programmés pour les mois a venir (les dates seront affichées sur notre site internet) Et vos objectifs sur les 5 ans à venir ? Accompagner le secteur dans la mise en œuvre de sa stratégie et maintenir nos activités

sur nos trois axes d’interventions

SIMILIGRAM Enzongo NGEKE

« Similigram est un peu le prolongement de toutes ces expériences et entreprises,

et une sorte de synthèse de mon parcours personnel. »

Comment expliquer la genèse

de Similigram ? Quel est votre

parcours ?

Tout a commencé avec le rap au

collège. Nous avions un groupe

relativement actif. Nous tournions

pas mal dans l'Essonne. Les

choses ont pris un sérieux

tournant au lycée ; (Lycée Jean

Baptiste Corot à Savigny-sur-

Orge) où dès la seconde j'ai

découvert le cinéma. C'est là que

petit à petit le cinéma a commencé à

prendre la place qu'occupait la

musique autrefois. Tout dans le

cinéma me plaisait mais la chose qui

a tout bousculé c'est lorsque j'ai

commencé à travailler en équipe sur

les premiers projets de tournages.

C'est là que j'ai compris que

l’organisation et la gestion de projets

c’était vraiment mon truc. En plus des

exercices et des projets qu'on avait à

mettre en place au lycée, j'ai

commencé à organiser pour mon

groupe, des concerts et des soirées.

Par la suite j'ai continué le cinéma à

la fac. Mon emploi du temps

relativement léger m’a permis de me

consacrer à une multitude de projets

personnels et associatifs autour de la

vidéo, de l'image et de la musique.

En ce qui concerne la solidarité

internationale et les questions liées

au développement solidaire, j'ai

presque toujours baigné dedans.

J'habite Juvisy-sur-Orge qui est

jumelée avec une ville nigérienne

(Tillabéri).

J'ai eu la chance, petit, d'atterrir dans

l'école primaire à Juvisy-sur-Orge qui

est la plus active en matière de

sensibilisation sur toutes ces

questions. Plus tard, en 2006,

j'organisais à Tillabéri, un premier

projet d'échanges de jeunes avec

mon association (Idilick). Depuis,

nous avons réalisé près d'une dizaine

de chantiers et mis en place un

studio de musique qui ne fonctionne

pas comme nous l'aurions souhaité

mais qui a le mérite d’exister.

Similigram est un peu le

prolongement de toutes ces

expériences et entreprises, et une

sorte de synthèse de mon parcours

personnel.

Une société que vous avez créée,

seul ? Basée sur quels

fondements ?

C’est une société que j’ai créée seul.

Elle reflète mon état d’esprit qui se

veut ouvert et sans prétention. Elle se

fonde sur des principes simples mais

qu’on ne retrouve pas toujours et de

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manière évidente partout : écoute, service, échanges et efficacité

Finalement, vous ouvrez vos clients à une démarche volontairement pluri-

médias, concernant leur stratégie ? Si oui, pourquoi ?

J’ai toujours aimé voir les personnes se rencontrer, les histoires se croiser, les

expériences s’entremêler. Il était donc tout naturel pour moi que les médias mais

aussi les techniciens derrières ces disciplines se mêlent dans une logique de créer

de nouvelles choses ou de créer des choses différemment. De manière beaucoup

plus pragmatique, tous les médias que nous proposons sont très transversaux. Il est

plus facile de concevoir une stratégie de communication globale à partir de ces

métiers. La pluralité, c’est d’abord une démarche d’ouverture vers l’extérieur, vers

les autres.

Vous intervenez dans le domaine du conseil, de quel type et pour quelle

clientèle ?

Pour tous les projets que nous réalisons, nous avons dans notre processus de

travail beaucoup d’échanges avec nos clients. Nous attachons beaucoup

d’importance à échanger et à impliquer le mieux possible nos clients que nous

considérons comme des partenaires. Ces informations distillées sous formes

d’échanges, c’est du conseil.

Tous nos clients ne nous contactent pas tous pour qu’on leur crée des outils.

Certains, viennent à nous pour qu’on les aide à réfléchir ou à (re)penser leur

stratégie de diffusion ou de communication ou de manière plus concrète sur une

stratégie de restitution d’une action. Là encore, il s’agit dans la plupart des cas,

d’associations.

Pensez-vous que le marché publicitaire du web va poursuivre son

augmentation en part de marché sur l'ensemble des espaces disponibles du

marché global ?

Je pense que tant que la technologie fera des prouesses en matière d’innovation, le

marché publicitaire du web poursuivra son augmentation en part de marché.

Aujourd’hui les appareils mobiles ont multiplié les espaces de diffusion. Demain, le

nombre incalculable d’objets connectés qui va débarquer dans notre quotidien,

représentera autant d’espaces de diffusion pour la publicité dans un marché global

qui devra se réinventer.

A quels types de demandes, êtes-vous confronté par vos clients ? Voyez-

vous une typologie de demandes très présente ( sur quels créneaux) ?

Beaucoup des clients qui viennent à nous, nous imaginent comme uniquement une

agence de création de sites internet. Ils associaient la communication au site

internet ou plus généralement à internet. Nous essayons de leur présenter le plus

simplement du monde ce que nous entendons par communication. Le mot

« Communication » doit selon moi avoir du sens pour un acteur associatif, plus que

pour n’importe quelle autre personne, dans la mesure où le modèle « économique »

d’une association en France repose principalement sur les fonds publics et les dons.

Il est donc préférable de savoir comment restituer aussi bien sur le plan local que

national les actions pour lesquelles on a été subventionné pour informer le mieux

possible ses donateurs sur la manière dont leur argent a été utilisé. Beaucoup

viennent d’ailleurs sans vraiment être convaincus d’avoir besoin d’un site internet et

nous le ressentons très bien et leur proposant des solutions alternatives et plus

légères (blog et réseaux sociaux) ou des films d’animations ou du motion design.

Nous n’avons pas vraiment de créneaux dans la mesure où nous nous adaptons à

chaque structure mais c’est vrai que ces derniers temps, nous avons beaucoup de

clients qui nous sollicitent pour des films d’animation, outil beaucoup plébiscité qui

permet de présenter en très peu de temps une action, un programme, un compte-

rendu et bien plus encore de façon

beaucoup plus digeste.

Votre action est aussi, d'acter pour

contribuer à des aides en direction

d'associations. Pouvez-vous nous

en dire plus ?

Au moment de la création de

Similigram, je savais déjà avec quels

genres de structures je souhaitais

travailler : les associations et toutes

les autres structures (grandes et

petites) préoccupées par les

questions de solidarité internationale

et de développement solidaire et

social. L’idée était donc de trouver

une manière concrète de contribuer

avec elles, à améliorer la situation.

Après réflexions et échanges avec

des amis et des proches, j’ai opté

pour cette idée qui était de consacrer

une partie du chiffre d’affaires de la

société, à co-financer, même

modestement au départ, des projets

associatifs innovants. Ainsi, tous les

ans, un appel à projets (6

Milligrammes d’Audace) est donc

lancé à partir des résultats de la

société. Sur l’appel à projets 2012-

2013, 6 projets associatifs ont été

cofinancés.

Quels sont vos projets pour les 2

ans à venir ?

Développer le chiffre d’affaires. Multiplier les partenariats avec des structures incontournables. Recruter et créer une vraie équipe autour de ce projet pour donner plus de souffle au concept. Dégager plus de fonds pour accompagner plus et mieux (sur le plan humain, technique et financier) des projets associatifs innovants. Me dégager plus de temps pour me consacrer un peu plus à la vie associative. S'il fallait définir, un objectif pour

vous, quel serait-il ?

Vivre en donnant du sens à ma vie.

Quel regard portez-vous sur

l'Afrique d'aujourd'hui ?

Un regard très pessimiste malgré

toutes les initiatives en direction du

continent. Les choses bougent

beaucoup trop lentement pour moi.

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J’ai peur de ne jamais voir

les changements s’opérer

de manière franche.

J’ai eu la chance, dans

une autre vie de travailler

dans une structure qui avait parmi ses missions l’accompagnement et la valorisation

des actions des acteurs issus des migrations. J’ai vu passer sur mon bureau

énormément de projets d’acteurs divers en direction principalement de l’Afrique et

de l’Asie. J’ai toujours été surpris par la qualité des projets des acteurs issus de la

diaspora asiatique : projets scientifiques, techniques et de transmission de savoirs,

etc. avec de belles perspectives à moyen et à long terme. Les projets en direction

de l’Afrique (Afrique subsaharienne), me paraissaient être pensés pour l’immédiat

avec très peu de perspectives à moyen ou à long terme.

Je pense de manière générale que l’Afrique aurait tout à gagner à investir

massivement sur de grandes thématiques comme l’éducation (pour tous) en

favorisant la formation technique, les échanges de compétences et la transmission

de savoirs et l’accès au numérique, encourager l’initiative des jeunes (initiatives

économiques, associatives, culturelles, sportives, etc.) et la justice pour créer un

cadre clair et net propice à un redémarrage. Elle devrait penser grand et à long

terme.

Quelles seraient, selon vous, ces meilleurs atouts pour l'avenir, avec quels

moyens ?

L’Afrique est un continent plein de contradictions, qui dispose des plus grandes

richesses (humaine et démographique, minière, énergétique, culturelle, etc.) mais

qui connaît de réelles difficultés à aller franchement de l’avant. Outres ses atouts

naturels, elle à de sérieux atouts historiques : sa diaspora. Elle bénéficie d’un

concours d’expériences, de parcours et de vies des plus riches et variés. Je pense

qu’elle aurait tout à gagner à multiplier les échanges de compétences et de savoir-

faire avec sa diaspora.

Avez-vous des ambitions personnelles de développement avec ce continent,

si oui, lesquelles ?

J’ai en tête quelques projets mais je suis très pragmatique et aime avancer pas à

pas. Entreprendre en France c’est déjà une grosse et grande aventure. Pour

l’Afrique, je ne sais pas encore où ni comment mais ça viendra. Je me donne du

temps pour trouver une certaine quiétude dans ma vie personnelle et surtout le

temps de penser correctement les choses et de mobiliser les compétences autour

de soi. C’est donc qu’une question de temps. En parallèle, j’entretiens mon réseau

et essaie de me tenir régulièrement informé de la situation dans les différents pays

où j’ai des amis et des proches.

La Fondation de France 9 projets associatifs récompensés Depuis sa création en 1969, la Fondation de France soutient des petites associations locales qui œuvrent dans ses 3 domaines d’intervention : l’aide aux personnes vulnérables, le développement de la connaissance et l’environnement. Parmi les milliers de projets financés chaque année, certains se révèlent particulièrement innovants et exemplaires. Depuis 10 ans, les Lauriers de la Fondation de France valorisent ces initiatives pour les faire connaitre, afin qu’elles soient dupliquées et qu’elles en inspirent de nouvelles. Cette année, les Lauriers de

la Fondation de France ont déjà récompensé 51 projets (régionaux et départementaux) dans toute la France sélectionnés par des jurys d’experts (bénévoles de la Fondation de France, professionnels et acteurs associatifs). Les 9 Lauriers nationaux sont remis ce jour. Les 9 Lauriers nationaux récompensent cette année : 5 projets pour l’aide aux personnes vulnérables L’association Les Temps Mêlés, en région parisienne, a mis en place des émissions de radio dédiées aux malades psychiques. Ces moments de libre expression leur permettent d’aborder leur maladie mais également leurs passions ; leur parole se libère pour mieux rompre leur isolement. 40 personnes atteintes de différents types de handicap ont pu s’exprimer dans les émissions en 2012. L’incarcération d’un parent a de grandes incidences sur son ou ses enfants et rend le maintien des liens familiaux difficile. L’association Enjeux d’enfants a mis en place avec la prison de Rennes, de vrais rencontres entre parent et enfant dans un cadre dédié et sur une longue durée. Ce projet a déjà bénéficié à 16 personnes incarcérées. Environ 400 personnes vivant ou ayant vécu dans la rue meurent chaque année en France. Dans certain cas la rupture avec la famille ou les amis est tellement ancienne que l’annonce du décès est un véritable choc. A Paris, le collectif Les Morts de la rue permet aux proches de personnes de la rue décédées de vivre au mieux leur deuil. En 2012, 201 cas de décès ont été accompagnés. En France, un enfant sur cinq est concerné par le bilinguisme. Afin de faire de cette particularité un véritable atout, tant au plan identitaire que culturel, l’association D’une Langue à l’autre s’est engagée dans un vaste programme impliquant enfants, parents et responsables pédagogiques dans la valorisation de la langue d’origine. Ce projet a déjà mobilisé 500 familles autour de l’apprentissage de 18 langues.

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Créer un lieu d’accueil et de soins pour des personnes vivant dans la rue, tel était le défi de la Maison Goudouli. Cette structure à taille humaine située au cœur de Toulouse est une maison dans laquelle ils peuvent se reconstruire à leur rythme et qui leur apporte sécurité et stabilité. La Maison Goudouli accueille aujourd’hui 20 hommes de 32 à 58 ans. 2 projets pour le développement de la connaissance Pour enrayer la violence et l’échec scolaire, le collège Joliot Curie de Reims a mis en place, avec plusieurs associations et des professeurs volontaires, un double tutorat pour les élèves en difficulté. L’élève concerné intègre une association pour une période d’immersion variable et son travail bénévole vient s’ajouter à son emploi du temps de collégien. Le projet intègre chaque nouvel élève en difficulté, soit entre 10 et 20 collégiens par an, principalement des élèves de 5ème et 4ème . Au-delà de la prise en charge de la douleur physique des patients, l’Unité de soins palliatifs du Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon à Paris, offre un accompagnement psychique et psychologique à ces derniers. Animée par cette ambition, l’Unité a fait installer une œuvre dans les 15 chambres des patients et le salon des familles du service. Cette « fenêtre sur l’état du ciel » diffuse le ciel que l’on souhaite. 2 projets pour l’environnement Basée en Dordogne, l’association EnRgéthic a créé l’Université populaire du jardinage pour faciliter l’accès à une alimentation diversifiée et permettre aux personnes modestes de maîtriser les savoirs et les techniques fondamentales du jardinage et de la cuisine écologiques. Les ateliers formafestifs réunissent chaque mois 20 participants. En France, près de 2 millions de personnes s’adonnent à la pêche récréative sans mesurer l’impact de leur activité sur l’écosystème. L’association Île d’Oléron Développement Durable Environnement a mis en place plusieurs actions pour sensibiliser les pêcheurs amateurs et induire de nouveaux comportements plus respectueux de l’environnement. Des panneaux d’information ont été mis en place sur 40 côtes menacées et des réglettes d’identification ont été distribuées aux pêcheurs lors de maraudes de sensibilisation. Les Lauriers des Fondations sous égide : Fondation Marie-José Chérioux Pour la cinquième année, la Fondation Marie-José Chérioux sous l’égide de la Fondation de France s’associe aux Lauriers en distinguant l’association ROBA Malaysia, un centre d’accueil multiculturel et pluriconfessionnel pour femmes et enfants infectés ou affectés par le SIDA. Fondation Adrienne et Pierre Sommer Cette année la Fondation Adrienne et Pierre Sommer sous l’égide de la Fondation de France se joint aussi aux

Lauriers pour récompenser deux projets mettant en avant la relation homme-animal : - Les Loisirs Populaires Dolois pour son centre équestre situé au sein de la Zone Urbaine Sensible des Mesnils Pasteur. Des séances gratuites de découverte et d’initiation à l’équitation sont proposées pendant l’été à des enfants, adolescents et familles issus essentiellement des quartiers défavorisées. L’objectif est de reconstruire un dialogue social et calmer les tensions inhérentes à la vie dans ces quartiers. - L’association HUGO B. pour le projet « Des Camargues et des hommes ». L’objectif est de proposer aux détenus de longue peine des rencontres avec des chevaux. Le cheval est ici aussi utilisé pour ses vertus apaisantes, l’animal pousse le détenu à se « resocialiser » pour pouvoir communiquer avec lui.

CULTURE

& MEDIAS

ERIC BREUX Directeur du Pôle Entreprises et

Institutions du GROUPE AUDIENS

Créé en 2003, Audiens a, bel et bien, 10 ans ! Ce groupe est l’héritier d’une protection sociale professionnelle initiée il y a plus de 150 ans, avec la création par le baron Taylor de la première association de secours mutuels des artistes dramatiques en 1840, future Mutuelle nationale des artistes. Audiens est issu de la fusion du Griss, groupe de protection sociale du spectacle et de l’IPS Bellini- Gutenberg, groupe de protection sociale de la presse. L’objectif de cette fusion était de rassembler au sein d’un même pôle professionnel les secteurs de la culture et de la communication.

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Après une formation d'Ecole Supérieure de commerce, Eric Breux débute sa carrière dans les ressources humaines au travers de postes très opérationnels. Faisant suite à une expérience dans un grand cabinet de Conseil, il occupera des fonctions de DRH et/ou DIRCOM dans des entreprises internationales dans les domaines de la hight tech, l'industrie et les médias. En parallèle, il crée AMARIC qui compte parmi ses clients SUEZ, ALTEN, SNPC, ... Actuellement chez Audiens, il est Directeur du Pôle Entreprises et Institutions. Quels sont en majorité vos adhérents ? Quels types de protection sociale offrez-vous ? Audiens est aujourd’hui le groupe de protection sociale des secteurs de la culture, de la communication et des médias. Le groupe accompagne au quotidien les employeurs, les créateurs d’entreprise, les travailleurs indépendants, les salariés permanents et intermittents, les journalistes, les pigistes, les retraités et leur famille.Il intervient sur 4 métiers principaux - la retraite complémentaire, l’assurance de personnes, l’accompagnement solidaire et la prévention, le médical – et il propose des services sur-mesure au sens large. Expert sur l’ensemble des régimes de retraite obligatoires, Audiens met aussi son expertise en assurance de personnes au service de ses publics, particuliers et entreprises, pour concevoir des couvertures santé et prévoyance dédiées. L’accompagnement solidaire et social concerne les personnes en difficultés, en transition ou en situation de rupture. La prévention est abordée dans sa globalité, avec une approche à la fois sociale, psychologique et médicale. Le groupe dispose d’un centre de santé pluridisciplinaire au cœur de Paris. Enfin, Audiens gère des services que lui confient la profession et les entreprises (gestion pour compte de tiers, études et statistiques, permanence d’assistantes sociales en entreprise…). En tant que partenaire exclusivement dédié aux secteurs du la culture, de la communication et des médias, comment accompagnez-vous spécifiquement les employeurs ? Protégez-vous aussi les TPE PME, comment ? Audiens propose aux employeurs grands comptes et PME des offres dédiées, élaborées sur mesure, en prévoyance et en santé, permettant d’apporter des solutions adaptées à leur effectif, aux types de populations couvertes, à partir d’un diagnostic précis des besoins de l’entreprise et de son domaine d’activité. Pour les TPE, Audiens a conçu plusieurs offres types adaptées à leurs problématiques, comme par exemple pour les entreprises du secteur du spectacle vivant ou du numérique. Audiens publie chaque début d’année un Guide pratique envoyé à ses 42 000 entreprises adhérentes, pour les accompagner dans toutes leurs démarches à accomplir, leurs obligations conventionnelles, sur l’évolution de la législation ou la mise en place de nouvelles garanties, ou des cas particuliers comme, par exemple, l’emploi de salariés intermittents ou de pigistes… Audiens a également élaboré un guide à destination des salariés des entreprises, Optimiser vos dépenses de santé : il leur apporte des solutions simples pour diminuer les dépenses de santé restant à leur charge et favorise ainsi les conditions d’une protection sociale responsable, pour des contrats santé pérennes. Audiens a également conçu des services spécialement adaptés aux entreprises, certains destinés au TPE PME comme l’Information sociale spectacle, une formation dédiée aux employeurs et créateurs d’entreprises employant des artistes et techniciens du spectacle, traitant du contrat de travail et de l’élaboration du bulletin de paie. D’autres services concernent les entreprises de plus grande taille comme le service social interentrepris fédérations spectacle de la CFDT, FO, CGT, CFTC et CGC ont mis en place avec Audiens un accord interbranches, selon un dispositif solidaire inédit. Il prévoit une garantie prévoyance (décès et invalidité permanente totale) et une complémentaire santé, la Garantie Santé Intermittents, avec la mise en place d’un Fonds collectif du spectacle pour la santé, financé par les cotisations obligatoires des entreprises qui emploient des intermittents.

Ce Fonds unique et innovant permet aux intermittents ayant effectué au moins 507 heures sur l’année précédente de bénéficier d’une couverture santé de qualité, à un prix très modéré car il prend directement en charge une partie de leur cotisation mensuelle. A ce jour, la Garantie Santé intermittents compte plus de 19 000 adhérents. Par ailleurs, en 2007, l’Etat a confié à Audiens (en complément du volet indemnisation géré par Pôle emploi) la gestion d’un dispositif d’accompagnement social à finalité professionnelle pour les intermittents fragilisés ou ayant épuisé leurs droits à l’indemnisation, pour favoriser leur retour à l’emploi et sécuriser leurs parcours (www.artistesettechniciensduspectacle.fr). En quoi consiste la certification Engagement de service qui a été décernée à Audiens ? Audiens s’est engagé dans une démarche qualité qui s’est concrétisée par une certification Engagement de service décernée par l’Afnor autour de 3 axes : gestion des cotisations de retraite et de prévoyance, des prestations de retraite et de prévoyance et enfin des affiliations et cotisations des contrats individuels en santé et en prévoyance. Audiens totalise ainsi 28 engagements de service. Quel intérêt accordez-vous à la RSE ? Comment ? Le développement durable est une exigence consubstantielle à la mission d’Audiens. Le groupe est engagé dans une démarche active afin d’accompagner ses publics et ses collaborateurs. Par exemple, avec les professionnels de l’image, Audiens a cofondé Ecoprod, en partenariat avec la Commission du film d’Ile-de-France, TF1 et France TV, avec le soutien de l’Ademe et de la Dirrecte. Le programme Ecoprod sensibilise les professionnels de l’image à leur impact carbone lors des tournages. Audiens a également créé le Club du Développement durable, un espace de réflexion et d’échanges de bonnes pratiques dédié aux entreprises clientes et à ses partenaires. Depuis 2011, Audiens fait partie des 300 entreprises en France à détenir le label Diversité. Décerné par

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l’Afnor, il récompense l’engagement du groupe en matière de prévention des discriminations, d’égalité des chances et de promotion des différences, dans la gestion de ses relations humaines.

Audiens a également signé un accord sur la Gestion prévisionnelle des empois et des compétences (GPEC), afin de protéger l’employabilité de ses collaborateurs et de favoriser leur évolution dans le groupe. Audiens accompagne les salariés volontaires pour suivre 2 cursus de niveau BAC + 3 et BAC + 5, validés tout ou partie par la VAE (validation des acquis par l’expérience). Quelles sont les missions de la Fondation Audiens Générations ? La Fondation Audiens Générations récompense chaque année des œuvres, projets ou initiatives faisant preuve de solidarité active entre les générations dans les secteurs de la culture, de la communication et des médias. Créée en 2007 à l’Institut de France, elle traduit la volonté du Groupe Audiens de soutenir et d’encourager certaines démarches solidaires. Celles-ci peuvent s’exprimer par la transmission d’un savoir, la diffusion de spectacles ou de manifestations artistiques auprès de publics fragilisés, la préservation d’un patrimoine culturel, etc. La Fondation s’inscrit au cœur de la mission de protection sociale d’Audiens et constitue un prolongement des autres initiatives du groupe en matière d’engagement citoyen et sociétal. En 5 ans, elle a déjà reçu plus de 1300 candidatures et remis 26 prix. Quels sont vous-mêmes vos projets en développement ? Audiens est d’ores et déjà très impliqué auprès des acteurs du numérique afin de garantir un système de protection sociale structurant, à même de préserver les conditions d’exercice de ces professionnels. Il s’agit d’intervenants à la croisée des secteurs traditionnels de la culture et des pure players du numérique: les professionnels du numérique au service de la culture. Ils ont des statuts très divers et des parcours professionnels souvent atypiques et fragmentés. Le groupe a donc élaboré à leur intention des solutions uniques en santé et prévoyance, performantes, mutualisées et exclusivement dédiées aux entreprises du numérique, Digital Santé et Digital Prévoyance. Il travaille en outre à d’autres propositions pour sécuriser l’accompagnement social des professionnels du numérique. Vos objectifs pour les 5 ans à venir L’objectif d’Audiens est de conforter sa dimension de groupe de services. Plus qu’un groupe de protection sociale, il constitue un véritable partenaire des secteurs qu’il protège pour apporter des réponses toujours plus complètes aux attentes des professionnels de la culture, de la communication, des médias et de tous les acteurs du numérique.

es (permanence d’une assistante sociale dans l’entreprise), la préparation des salariés à la transition vers la retraite ou encore les entretiens de seconde partie de carrière pour les salariés de plus de 45 ans. Avez-vous des clients dont les activités sont liées à l’Afrique ? Audiens n’a pas d’antenne spécifique en Afrique mais a bien sûr des clients qui ont une activité internationale et active en Afrique, notamment dans les médias. Et Audiens verse des pensions de retraite dans plus de 70 pays dans le monde ! Quelles offres pour les intermittents du spectacle ? En 2008, les organisations d’employeurs réunies au sein de la FESAC (Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma) et du STP (Syndicat des télévisions privées) ainsi que les 5

LIVRE Indicateurs sur le genre, la pauvreté et l'environnement sur les pays africains

C’est le onzième volume de « Indicateurs sur le genre, la pauvreté et l’environnement sur les pays africains » publié par le Département la Statistique du Groupe de la Banque africaine de développement. La publication fournit des informations de façon générale sur les tendances de développement touchant aux problématiques sur le genre, la pauvreté et l’environnement dans les 53 pays africains. Indicateurs sur le genre, la pauvreté et l’environnement sur les pays africains 2013 est une œuvre de la Division des statistiques économiques et sociales du Département de la statistique.

Télécharger le rapport complet -------------------------------------------------- ADER-annuel Efficacité d'analyse du développement 2013

L' examen de l'efficacité du développement annuel (ADER) donne un aperçu de la façon dont la Banque africaine de développement contribue au développement de l'Afrique.

L'ADER de cette année, le troisième de la série, explore le thème de la transition vers une trajectoire de croissance durable.

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L'ADER souligne que la trajectoire de

croissance à long terme de l'Afrique

est étroitement liée à la gestion

durable de ses ressources

naturelles. L'ADER aborde trois

grandes questions: Quels sont les

progrès du développement, c'est

l'Afrique de décision? Comment bien

la BAD contribue au développement de l'Afrique ? Et comment est la BAD se gère

de mieux soutenir le développement de l'Afrique ?

L'Afrique est aujourd'hui le continent le plus rapide croissance dans le monde et son

PIB par habitant collective a atteint 953 $. La forte croissance économique a fait de

grands progrès dans la pauvreté de revenu et la part de la population vivant en

dessous du seuil de pauvreté passant de 51% en 2005 à 39% en 2012.Le défi a été

de trouver des moyens de lutter contre l'inégalité continue de sorte que tous les

Africains sont en mesure de profiter de cette croissance économique.

La Banque reconnaît que la poursuite d'un programme de croissance inclusive et

durable est essentielle pour réduire ces inégalités. De ce point de départ, l'ADER

donne un aperçu des principaux résultats obtenus par les interventions de la

Banque à travers le continent en matière de développement du secteur privé,

l'intégration régionale et le commerce , les infrastructures, l'agriculture et la sécurité

alimentaire, le genre et le développement humain, la gouvernance et la

transparence, les pays fragiles et touchés par un conflit, l'environnement et l'énergie

propre.

L'ADER rend également compte de la santé du portefeuille de placement de la

Banque et de la poursuite des efforts visant à renforcer la Banque en tant

qu'organisation de développement.

Brand Culture Daniel Bô

« En travaillant depuis 2007 sur le brand content, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait beaucoup de phénomènes très importants de la marque qu’on

ne pouvait considérer comme du contenu. » Pourquoi être passé du brand content à brand culture ? Il y a des éléments essentiels dans l’univers des marques qui ne relèvent pas du discours et qu’il faut prendre en compte : la réalité sensorielle, corporelle, physiologique, cognitive, technologique, collective, sociale des marques :

- Le bruit de la machine Nespresso fait partie intégrante de la culture Nespresso au même titre que la gestuelle impliquée et la gamme de capsules

- Les interfaces des appareils Apple, le style et les manières d’être des vendeurs et le design des Apple store ont un impact clé sur la culture Apple, bien au-delà de la communication publicitaire.

Le brand content est l’un des canaux d’expression de la brand culture, parmi toutes les autres manifestations de la marque : logo, nom, produits, publicité, lieux de vente, bâtiments, collaborateurs, histoire, fondateur, gestes, machines, pratiques, idéologies,… L’objectif ultime d’une politique de contenus stratégique est le développement d’une stratégie culturelle. Les contenus sont primordiaux pour construire un monde de marque dense et véhiculer un univers. Quelles différences établissez-vous entre content et culture ?

Le brand content est un moyen alors que la brand culture est une fin. Le fait de créer du contenu est un moyen utilisé par les marques pour développer des relations privilégiées avec les consommateurs, pour assurer leur visibilité sur le web, pour expliquer leur raison d’être. La brand culture, c’est le résultat : un univers culturel riche de sens. En quoi le brand content est une étape vers la brand culture ? Le brand content correspond à la prise de conscience que les marques peuvent devenir des médias en élargissant leur discours au-delà du message commercial. Avec la brand culture, on élargit encore le regard sur la marque en s’intéressant à sa réalité multisensorielle faite d’objets, de techniques, de sons, d’implication physiologique en la considérant comme une réalité sociale partagée non exclusivement discursive. La brand culture oblige à penser la marque de façon holistique. Pouvez-vous préciser en quoi la dimension physiologique et non discursive est si importante pour les marques ? Selon Raphaël Lellouche, on a trop privilégié la parole, le verbe, les mots, comme étant le vecteur fondamental du sens. La représentation discursive que nous avons de la culture est un atavisme qui nous est resté de l’ère Gutenberg. Or, toute la culture contemporaine est conditionnée par les médias techniques, qui enregistrent du réel et pas seulement

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du symbolique. C’est fondamental parce que le sens ne passe plus uniquement par le véhicule de la parole ou de l’écriture mais se branche directement sur notre physiologie. Il a fallu une illusion fantastique pour qu’on croie que le sens passait exclusivement par la parole. Quelqu’un qui écoute de la musique avec un casque audio, ce n’est pas du discours, et pourtant, c’est déjà de la culture. On ne comprend vraiment ce qu’est la nature culturelle de la marque que lorsqu’on a dépassé la notion de discours. En quoi les Cultural Studies ont fait évoluer la perception de la culture ? Les Cultural Studies ont permis de reconnaitre que la culture populaire est aussi une culture. C’est une culture qui passe par les vêtements, les chansons, les bars, les bandes… autant de vecteurs qui ont été longtemps méprisés. Toute activité sociale, dans le travail, les relations interpersonnelles ou familiales, dans la consommation, est articulée culturellement. Les auteurs de ce mouvement ont par exemple étudié la culture des motards. Dans les groupes de motards, il y a des « experts », des gens qui savent techniquement et scientifiquement comment fonctionne une moto. Pourtant, ce ne sont pas eux qui étaient les leaders dans les groupes : les leaders sont ceux qui articulent une expérience qui va au-delà de la rationalité du discours technique sur la moto. La culture motard, ce sont des vêtements – blouson de cuir – des cheveux longs, un certain type de posture du corps, un rapport particulier avec la femme sur la moto, un rapport particulier à la mort… Tout cela n’est pas du discours, mais c’est de la culture. C’est un exemple. On peut dire la même chose de la culture d’une marque : c’est une articulation de dimensions irréductibles à un simple discours, même si le discours en fait partie. Les marques sont donc de la culture parce qu’elles font partie de la vie quotidienne dans les sociétés contemporaines. Elles appartiennent à la culture populaire. Leur connaissance ne nécessite pas de connaissances scientifiques, littéraires. Finalement, comment pourrait-on définir la brand culture ? La brand culture, c’est la façon qu’a la marque de s’inscrire comme agent culturel dans une interaction à double sens :

- elle puise dans son environnement culturel au sens large (historique, géographique, artistique, sociétal…) les fondements d’une identité la fois cohérente et en perpétuelle adaptation à cet environnement ;

- par ses innovations, elle produit elle-même des effets culturels, fait évoluer les modes de vie, crée les tendances de demain.

Quelle doit être la place de la stratégie culturelle dans le management d’une entreprise ? La stratégie culturelle revêt une importance capitale : elle n’est pas marginale, à côté de la stratégie marketing. Elle est la stratégie de gestion des marques. Répondre aux enjeux de la brand culture et concrétiser une véritable stratégie culturelle des marques, implique pour nombre d'entreprises de concevoir, piloter et mener à bien des transformations profondes, y compris dans leur organisation actuelle. Grant McCracken milite pour la création d’un poste de CCO (Chief Cultural Officer ou vice-président à la culture) au sein de chaque entreprise. Tim Leberecht propose, lui, un Chief Meaning Officer.

- Sa mission : être, au sein du top management, le conseiller culturel de l'entreprise, celui qui définit le rôle de la marque en tant qu'agent culturel.

- Son rôle : ouvrir grands les yeux sur le monde qui l’entoure afin d’aider l’entreprise à anticiper, s’adapter et communiquer juste.

Comment évaluer le succès d’une brand culture ?

L’objectif pour une marque est d’arriver à créer un ensemble fort et cohérent qui soit immédiatement lisible et appréhendable par l’intelligence intuitive. Selon Inès Thoze, une marque s’évalue à son potentiel vibratoire, à sa capacité à entrer en résonance avec notre cerveau, qui est un système électrique, chimique, mais aussi magnétique et quantique. Il faut être très attentif aux couleurs, au choix des matériaux, au type de lumière, aux sons, à l’environnement dans lequel le produit va s’inscrire. L’enjeu pour les marques est leur consistance sémantique (meaningfullness), qui se traduit dans leur capacité à donner du sens aux consommateurs. Comment les consommateurs appréhendent-ils le sens des marques ? L’être humain est par nature un animal symbolique qui cherche à trouver du sens dans tout ce qu’il fait et dans tout ce qui l’entoure, à exprimer qui il est au travers de ses choix. Or ces choix, dans la vie quotidienne de nos sociétés capitalistes, sont notamment des choix marchands. La consommation est une activité créative, qui met en jeu notre identité personnelle et sociale et peut être analysée comme une performance culturelle. L’enjeu pour les marques est de s’inscrire dans des mouvements culturels porteurs. Grant McCracken, estime par exemple que Levi’s a perdu un milliard de dollars en passant à côté du mouvement hip-hop. Pouvez-vous citer des marques ayant réussi leur brand culture ? Nike, Coca-Cola, Harley Davidson, Repetto, Happy Pills, Sushi Shop, Patrick Roger, Pierre Hermé, Ladurée, Kusmi Tea, Mariage Frères, Petit Bateau, Desigual, La Cure Gourmande, sont des marques qui ont réussi à maximiser le sens pour leurs consommateurs. En devenant des pôles de densité sémantique consistants, elles ont créé un arsenal d’expression riche et ont généré des éléments signifiants, qui se renforcent mutuellement. Les marques de luxe ont un savoir clé dans la gestion de leur expression culturelle avec une prise en compte

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subtile de l’ensemble de leurs canaux d’expression. Quels sont les défauts des marques qui appréhendent insuffisamment leur stratégie culturelle ? Ces marques produisent une masse diluée d’expression et utilisent des éléments plus communs. Qu’appelez-vous brand bureaucracy ? C’est un mot utilisé par Douglas Holt dans le livre Cultural strategy pour désigner une gestion pseudo-scientifique et superficielle des marques à partir de quelques mots clés interchangeables.

C’est pour lui, d’une part, l’usage d’outils pour simplifier, quantifier et schématiser la réalité (statistiques, concepts abstraits, processus standardisés) et d’autre part, un management hiérarchisé, réductionniste, sans place pour l’émotion. Pour reprendre une expression de Max Weber, la brand bureaucracy est une « cage d’acier », dans laquelle se sont enfermées les entreprises, les rendant inaptes à toute vraie innovation culturelle. Résultat : la culture est réinjectée en fin de processus, lors de la dernière étape de création (design, packaging, communication,…), à partir de notions abstraites et de façon artificielle. En quoi la notion d’ADN rapportée à une marque est-elle réductrice ? Garant de son identité, l’ADN fonde la cohérence et la continuité des expressions de la marque. Néanmoins, l’ADN ne suffit pas à expliquer la marque dans sa globalité : il faut également prendre en compte l’interaction avec son environnement, qui participe de sa construction identitaire. Déterminée par son contexte historique et géographique, la marque est perméable aux influences externes, aux actions de ses concurrents et aux réactions de ses clients. Quelles sont les sources de la brand culture ? Les marques ont des sources d’ancrage culturel qui peuvent être d’abord liées à leur secteur d’activité, puis plus individuellement à leur métier ou à l’histoire de l’entreprise : lieu d’origine (La Havane pour Havana Club, les Alpes pour Evian), mythe fondateur, figure charismatique (Gabrielle Chanel, Christian Dior mais aussi Marc Jacobs et Karl Lagerfeld), interaction avec son époque (La Belle Epoque pour Perrier Jouet), usages et savoir-faire… Quels sont les canaux de diffusion de la culture ? En tant que phénomène culturel, la marque doit se rendre tangible, s’incarner dans des signes ou des supports hétéroclites, matériels ou non (couleurs, comportements, lieux…). La marque, pour reprendre la notion de Raphaël Lellouche, se fait ainsi médiale dans sa constitution même, puisqu’elle intègre du symbole dans de la matière, des objets, des formes. Les marques déploient leur culture sur différents canaux. Du produit à la publicité en passant par le lieu de vente ou les contenus, chaque élément peut devenir un vecteur culturel. Chaque canal exprime à sa manière la culture de la marque :

- la publicité, c’est la culture en 30 secondes ou en 4X3 mètres - les contenus offrent une vue de surplomb sur la culture de marque et

permettent de la raconter

- le digital est un espace interactif illimité pour diffuser la culture des marques

- le produit est une incarnation poly-sensorielle de la culture - les humains (employés et consommateurs) incarnent et vivent la culture

- les points de vente sont les temples de la culture de marque

En quoi le magasin est-il selon vous un canal d’expression essentiel de la brand culture ? Le lieu de vente est un outil prépondérant de diffusion de l’univers de la marque. Les magasins, et plus généralement les lieux développés par les marques, sont essentiels dans le ressenti du consommateur car le temps et l’espace constituent les repères fondamentaux qui déterminent l’expérience des individus, non seulement mentale mais aussi corporelle. Or cette expérience est la clé d’entrée la plus puissante pour créer un lien avec la marque : c’est par l’immersion et le ressenti que le consommateur va trouver le sens, intellectuel, affectif ou intuitif, qui va lui donner envie de devenir ”performer”. Il s’agit alors pour les marques de sortir de la masse des lieux stéréotypés pour recréer cet élément d’intérêt qui dépasse l’aspect fonctionnel attendu du produit. Etonner, enchanter le consommateur en créant la surprise et l’émotion, transformer un rendez-vous prévu et formaté en un événement marquant, une expérience à part entière. Vous avez fait une typologie des stratégies culturelles. Pourriez-vous la décrire brièvement ? Deux grands mécanismes d’épanouissement culturel sont à noter : soit le déploiement de la culture par exploration progressive des univers voisins et contigus, pour ainsi dire « de proche en proche » (principe de la métonymie), soit par saut appropriatif dans un univers étranger (principe de la métaphore). Ces mécanismes de déploiement ou d’appropriation culturelle suscitent un plaisir chez celui qui les repère et peut les identifier. Cette mobilisation de nos capacités à repérer une cohérence et décoder des correspondances génère une sensation de bien-être et ravit. Le public jubile de voir comment l’univers de la danse est transposé dans les vitrines, les boutiques, la communication et les produits Repetto. Il devient un esthète japonisant chez Sushi Shop. Il

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s’amuse à considérer la proximité entre cosmétiques et produits alimentaires chez Lush. Les marques doivent-elles adapter leur culture en fonction du contexte international ? Dans le contexte d’une économie mondialisée surgissent des questions quant à la relation entre une marque et son milieu. Si une marque française s’est construite en s’adaptant à son environnement d’origine, rien ne dit qu’elle résonnera avec autant de force et de pertinence auprès d’un public étranger. Ainsi les marques françaises d’automobile ont des difficultés à afficher comme un avantage compétitif leur capacité technologique en Allemagne, pays reconnu pour ses performances en la matière, alors qu’elles peuvent le faire plus facilement en Italie ou en Espagne. La dimension géographique, et donc locale, de la marque peut devenir problématique lorsqu’elle cherche à s’internationaliser. Même les codes considérés comme universels s’inscrivent dans une culture, et par conséquent peuvent être en dissonance avec la culture propre à certains marchés. Lorsque les marques cherchent à conquérir de nouveaux marchés, elles doivent faire un choix entre imposer un modèle universel, ou s’adapter et se fondre dans la culture locale. Il n’y a pas de solution miracle entre ces deux pôles ; le choix dépend des marques. Chaque marque doit donc se situer dans cette tension préexistante, en n’oubliant pas que les différences culturelles, si elles sont parfois problématiques, peuvent être sources d’innovation, d’originalité et de force. Pour se lancer en Chine ou au Japon, avoir une origine culturelle différente peut être facteur de succès car Chinois et Japonais sont aussi friands de codes qui ne sont pas les leurs. L’origine française de certaines marques de luxe a ainsi fortement contribué à leur succès sur le marché chinois. Pourquoi le phénomène de la brand culture est-il aussi important aujourd’hui ? Selon le sémiologue Raphaël Lellouche, l’histoire des marques a longtemps été déterminée par des médias de masse quasi exclusifs : presse, radio, télévision. On ne pensait la marque que dans les limites des messages publicitaires liés à ces canaux-là. Depuis une quinzaine d’années, cet univers médiatique a explosé avec la convergence des médias. Cette destruction d’un contexte médiatique particulier a fait prendre conscience que la marque débordait de sa canalisation par certains medias traditionnels et était un phénomène culturel transmédia. Aujourd’hui, on continue à réfléchir au marketing avec des exemples de grande consommation mais les références à privilégier pour théoriser la brand culture, c’est Apple, Google ou Vuitton. Qu’appelez-vous performativité ? Le concept de performativité est complexe. Conçu par le philosophe Austin, auteur de Quand dire c’est faire, repris par Searle puis par Butler, il a été transposé en théorie performative de la marque par Raphaël Lellouche : chaque individu joue un rôle et ”performe” des modèles sociaux, auxquels il veut être identifié. ”Performer” est un acte qui se rejoue en permanence, comme tous les actes de performativité sociale (être un homme, être français, être un publicitaire, etc.). Le modèle de la performativité rend compte de la dynamique relationnelle entre la marque et le consommateur. Performer une marque c’est la pratiquer, la vivre, l’éprouver, adopter des gestes, des attitudes, des visions du monde. Pour en savoir plus : http://testconso.typepad.com/brandcontent/performativite/ Que signifie ”performer” une marque ? Les marques sont des ressources symboliques qui participent de la définition de l’identité de l’individu : la consommation est un terrain de jeux où s’exprime la singularité. Loin d’être purement matérielle, la consommation est signifiante, culturalisée par l’identification à des marques qui deviennent des modèles identitaires, au même titre que le genre, l’âge, la nationalité, le métier ou l’appartenance religieuse.

Pour répondre à la question “Qui suis-je ?“ et être reconnu socialement, l’individu doit prendre conscience de ces modèles auxquels il adhère. Ce choix est en soi une forme de revendication : préférer telle marque à telle autre, c'est ”performer”, consciemment ou non, la marque comme modèle culturel. Comment un consommateur ”performe-t-il” une marque ? Pour alimenter et construire sa personnalité à mille facettes (sociale, professionnelle, religieuse, nationale, etc.), chacun joue à être, et en même temps, devient à force de jouer. Judith Butler exprime cela dans son essai Trouble dans le genre, où elle qualifie l’identité sexuelle de “performative“. La preuve par un exemple, personnel... Je “performe” Smart. “Smarter“ je suis devenu parce que je m’identifie à son mode d’occupation malin de l’espace urbain. Rouler en Smart, c’est une façon de ne pas se prendre au sérieux, d’être sûr de trouver une place et, finalement, de cultiver sa bonne humeur. Comme beaucoup de propriétaires de Smart, je me gare dans les coins des rues ou en occupant des demi-places disponibles. Concrètement, la ”performativité” connaît de multiples expressions : porter les couleurs de la marque, s’identifier à son égérie, adhérer à la philosophie de la marque, vivre en cohérence avec son univers, s’en faire l’ambassadeur, réinventer ses propres usages en fonction de sa personnalité… sont autant de manières de s’approprier la marque, d’en faire un élément constitutif de son univers au sein de l’univers culturel global. L’engagement n’est qu’une facette de la performativité. Pour encourager cette symbiose, les marques ont un rôle stratégique à jouer : fournir des modalités de “performativité“ suffisamment souples pour permettre à chacun de vivre une expérience singulière et authentique. Pour cultiver cette performativité, les marques doivent s’envisager comme des agents culturels, en se dotant d’un univers riche en symboles, en pratiques associées et en supports d’identification. Quels conseils donner à une marque pour être plus performative ?

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Il faut qu’elle développe tout ce qui, dans la marque comme fait culturel, n’est pas uniquement de l’ordre du symbole ou de la représentation mais qui incite à des performances, c’est-à-dire à des actes, des activités, des comportements, des styles de vies, des manières d’adhérer à la marque au-delà du simple « payer ». Ces actes et comportements vont dépendre des marques : une performativité Apple n’est pas la même chose qu’une performativité Quick. Chaque marque, selon son secteur d’activité et son niveau de gamme, aura une performativité différente. Le comportement d’un consommateur n’est pas déterminé par la construction culturelle de la marque : il reste libre. La performativité est par essence créative, elle est invention. Les consommateurs développent des perceptions, des attitudes… qui peuvent être créatrices et venir nourrir la marque. De ce fait, le phénomène de la marque se construit à l’interférence, au croisement des signes émis par la marque et de la lecture qu’en font les usagers. Quelles méthodologies d’études sont pertinentes pour étudier et développer la brand culture ? Il faudrait que les marques fassent une analyse de leur culture, pour déterminer ce qu’elles doivent intégrer dans leur culture de marque. Les grands groupes doivent arrêter de tout sectionner. De plus en plus, dans des intentions de rationalisation et de compréhension, on sectionne dans le but d’appliquer des modèles. Le problème est que ces modèles sont souvent simplificateurs et constituent un appauvrissement. Au-delà des études consommateurs ou des analyses de fonds de marque, les marques peuvent donc trouver leur intérêt à mener des « recherches culturelles », des « explorations culturelles ». Elles consistent :

- à aider les marques à repérer dans leur patrimoine de marque les gisements de contenus qui permettront d’exprimer au mieux leur Brand Culture ;

- à identifier les points de résonances culturelles entre la marque et les individus dans le marché où elle opère. D’où l’importance de bien connaître l’évolution socio-culturelle contextuelle.

Cette « recherche culturelle » est une analyse croisée entre :

- les éléments d’identité de la marque (logo, nom, signature, codes visuels, histoire, etc.), l’histoire de la marque et son corpus de communication ;

- le milieu culturel dans lequel la marque opère, et qui lui permet de développer un univers riche et dense en capitalisant sur son héritage culturel.

Elle s’appuie sur : - un travail en interne afin d’investiguer l’histoire de la marque vue par ceux

qui la vivent et d’évaluer le potentiel d’adhésion des équipes - une analyse culturelle qui porte sur tous les supports de communication,

sur le concept central sur lequel repose la marque, et sur l’historique des expressions culturelles de la marque dans son contexte concurrentiel

- une recherche documentaire approfondie autour du patrimoine de la marque et de l’univers culturel de référence (lecture d’ouvrages de références, d’histoire, d’histoire de l’art, d’histoire du produit, etc.).

Comment voyez-vous la relation entre les marques et les artistes ? Voici ce que dit Raphaël Lellouche dans la post-face et auquel je souscris totalement : « Aujourd’hui, on constate que les marques ont accédé au statut d’agent dans l’économie de la culture et cela même au niveau de la culture “élitaire”. C’est particulièrement prégnant dans le luxe, où les marques se font véritablement mécènes de plasticiens ou de musiciens contemporains. Les marques sont légitimes dans cette fonction. D’abord le lien entre les artistes contemporains, les média techniques et les marques n’est pas récent, contrairement à l’illusion rétrospective : l’art n’existerait pas sans les média techniques, qui sont eux-mêmes portés par des marques. La musique, par exemple, est aujourd’hui un produit de l’industrie musicale, qui ne suppose pas seulement des instruments mais des studios où est produit le « sound », ce qui n’est pas tout à fait la même chose que le « son », elle suppose des média,

des investisseurs, etc. ; tandis que certains plasticiens comme Jeff Koons ou Takashi Murakami sont carrément devenus eux-mêmes l’équivalent de marques sur le marché de l’art. Ensuite, à l’accusation de détournement des buts de l’art, il faut répondre que de tout temps, les puissances publiques ont été la condition d’existence de l’art. Sans l’Eglise médiévale, pas de peinture religieuse ni même de tradition picturale en Occident ; sans les familles princières et patriciennes comme les Médicis à Florence, pas de Renaissance artistique italienne ; sans la monarchie absolue et Louis XIV, pas de Versailles ni d’essor du goût français. Le pouvoir dominant qui, à l’époque articulait le politique et le religieux, a simplement fait place aujourd’hui au pouvoir économique, qui a naturellement pris le relai du mécénat. La question du biais ou de la manipulation n’a ici pas lieu d’être : l’art pur, « l’art pour l’art », est un fantasme de la fin du XIXe qui a abouti à la dissolution de la forme ; pour le reste, l’art a toujours participé aux puissances, jusqu’à faire l’apologie des puissants, il a toujours été utilisé à des fins de prestige et de propagande. Il n'en va pas autrement aujourd'hui. En dehors du fait que, certes, la plus grande partie de cette production culturelle et artistique est simplement médiocre, la critique de principe de sa légitimité n’en est pas moins pour une grande part irrecevable. » Comment situez-vous la brand culture des marques discount ? Même les marques qui n’ont pas d’univers imaginaire riche, comme les marques discount, ont une culture, proche de la culture du vrac. Ces marques « ascétiques » s’auto-dénient comme marques et se refusent à développer un imaginaire en dehors de la culture du produit lui-même. Ainsi l’une des clés de la culture discount, c’est la culture du « vrac », du « brut ». Lorsque les marques discount créent un visuel pour illustrer le produit, c’est sans décor ni mise en scène. Ce refus des fioritures correspond à une neutralité revendiquée : être dans le vrai, dans le vrac, dans le fongible. Le consommateur n’achète pas du riz de la marque Taureau ailé, mais du riz au kilo.

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L’intervention de la marque est réduite au minimum, et son rapport au consommateur se cantonne à un professionnalisme neutre, dépourvu de toute forme de séduction ou de « marketing ». Cette transparence est en soi une posture qui a du sens et justifie autant qu’elle

signifie le tarif discount : à la standardisation et à l’absence de valeur imaginaire correspond le minimalisme du prix et de la fonction. Et des marques BtoB ? Au travers de leurs plaquettes informatives, les entreprises BtoB communiquent tout particulièrement sur leur savoir-faire technique. La culture éthique est transmise de manière souvent informelle via les collaborateurs, qui sont amenés à entrer directement en contact avec leurs clients : ils leurs dévoilent leurs habitus et attitudes ; leurs font visiter leurs bureaux, dont l’organisation reflète la structure hiérarchique de l’entreprise ; mettent en avant les curriculum vitae de leurs équipes, parlant ainsi implicitement de leur politique de recrutement et de leurs préférences en termes de capital humain ; les familiarisent avec leurs process internes. La culture philosophique est la moins explicite. Or ces implicites sont importants à dévoiler : l’entreprise est d’autant plus performante qu’elle connaît mais aussi qu’elle fait connaître à ses clients potentiels les valeurs sur lesquelles elle s’appuie, sa vision du monde, sa philosophie, et, idéalement, l’utopie qui la mobilise, le moteur qui la met en mouvement. Quel est le rapport entre brand culture et culture interne ? Patrick Mathieu, expert conseil interviewé dans cet ouvrage, analyse en ces termes la notion de culture de marque : « La culture de marque oblige à réconcilier l’interne et l’externe des marques et des entreprises. Penser en termes de « marketing », c’est s’orienter vers l’extérieur des marques, pour se projeter sur un marché. Mais il peut très bien exister une dichotomie entre ce que l’on dit au consommateur sur le marché et ce que les managers ou les professionnels de la marque vivent et pensent en interne. Parler en termes de culture, c’est différent, car une culture qui ne serait qu’un argument de vente pour les consommateurs, sans être vécue par les équipes, par l’intérieur de la marque, ne serait pas une culture, ce serait un mensonge. La culture crée, nécessairement, un lien entre externe et interne parce que la culture devient opposable en interne. » Ainsi, si la culture véhiculée au public n’entre pas en cohérence avec la culture interne de la marque, alors cette culture affichée se dénonce elle-même comme imposture, fausse culture et masque marketing. Toute culture qui ne serait que partiellement vécue se trahirait comme jeu d’acteur ou comportement de touriste. Selon Pascal Somarriba, « toute démarche de brand culture est holistique et doit plonger dans une recherche de valeurs et d’expressions spécifiques à mettre en œuvre à tous les niveaux. Le principe holistique conduit à un "alphabet de la Marque", qui ne doit pas être que contraintes avec appauvrissement du potentiel créatif mais trouver un équilibre entre cohérence distinctive et efficacité. Cela passe par un travail passionné et acharné d’alphabétisation et d’évangélisation, qui prenne en compte les valeurs, l’éthique, les expériences et stimule le potentiel d'application créative au sein de l'entreprise et chez ses prestataires. »

Ainsi va le Monde, imagazine et là

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