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MÉDIATHÈQUE de CHÂTEAUNEUF Journal des lecteurs Mai 2014 N° 26 Journal 26 2.qxp_Journal 14/05/14 15:00 Page1

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M É D I A T H È Q U E d e C H Â T E A U N E U F

Journal des lecteurs

Mai 2014 N° 26

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Sommaire

L'entre-temps, de René Guitton .................................................4

Le dernier danseur de Mao, de Li Cunxin ...................................5

Bloody Miami, de Tom Wolfe ....................................................6

Dans le silence du vent, de Louise Erdrich...................................7

Sauf les fleurs, de Nicolas Clément ...........................................8

Notre Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga.......................9

Ladivine, de Marie Ndiaye ......................................................10

Une vie entre deux océans, de M.L Stedman ...............................11

Le jardin de l'aveugle, de Nadeem Aslam ..................................12

Notre Mère La guerre, de Kris et Maël.......................................13

En finir avec Eddy Bellegueule, de Edouard Louis......................14

Xenia, de Gérard Mordillat.....................................................15

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Édito

Un numéro riche et dense qui vous emmène de la Chine auPakistan, du Rwanda au Maroc en passant par la Picardie ou la ban-lieue parisienne.

Le point commun : des personnages forts, étonnants, d’hommes et defemmes confrontés à un destin tragique. Des histoires de vie qui nous émeu-vent ou nous révoltent dans des contextes très différents.

Et dans tous les cas, une écriture très personnelle, un véritable style. Alors,toutes affaires cessantes, laissez vous entraîner dans ces romans qui nous ontbouleversé(e)s.

Marie-Claude

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L’entre-tempsRené GuittonCalmann-lévy

Alex a choisi de rapatrier en France le corps de son père mort au Maroc afin qu’ilrejoigne sa mère. Le départ du roman est donc ce dernier trajet vers le Maroc, lieude son enfance. Et les souvenirs remontent à la surface, égrenés tout au long del’ouvrage. Très personnel donc, ce roman est extrêmement attachant par la tendres-se qui en émane. Tendresse du fils pour son père trop tôt disparu, fils devenu plusvieux que ne l’a été son père.

« Je venais de te perdre. Pas de ces disparitions dont on espère retrouver unjour le disparu. Là, perdu à jamais, parti dans ton errance sans fin, en dehors demoi, hors de tout, pour le dernier voyage, le plus rien, le néant. Finis nos histoiressans paroles et nos sourires complices. Finies nos méditations vagabondes, et nosheures, côte à côté, à regarder la mer. Finie la quête du rayon vert ou les rêves devoyage à Lasekrem, dans les pas de Foucauld. Fini ta main refuge, ta mainimmense, musclée, rugueuse, ferme, rassurante, chaude qui prenait la mienne etm'entraînait dans ses élans. Fini. Tout était fini. Dieu n'existait plus. »

Cette tendresse, cette sensibilité sont écrites avec une telle délicatesse que cettehistoire très personnelle devient attachante pour le lecteur. Un roman d’amourfilial à déguster avec lenteur.

Marie-Anne

René Guitton est éditeur et auteur. L’éditeur édite des ouvrages de littérature générale, l’auteur écritpour le livre, le théâtre et la télévision.

Parallèlement à ses fonctions, ce voyageur inlassable étudie les grands courants religieuxmonothéistes, la philosophie et les systèmes de pensée. Défenseur ardent de la dignité humaine,passeur infatigable des religions et des cultures entre les peuples, il œuvre depuis de nombreusesannées pour un dialogue philosophique, spirituel et religieux entre l’Orient et l’Occident.

Plusieurs de ses ouvrages ont été couronnés de prix. « Si nous nous taisons », Prix Montyon delittérature et de philosophie de l'Académie Française, Prix Lyautey de l'Académie des sciences, et prixLiberté. « Ces Chrétiens qu'on assassine », prix des Droits de l'Homme.

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Le dernier danseur de MaoLi Cunxinl'école des loisirs

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Si vous avez aimé Le Journal de Ma Yan vous allez adorer Le dernier danseur deMao. Même vie de dur labeur et de quasi famine au sein de la paysannerie chinoise,même lutte âpre pour y survivre, même soutien et solidarité de la part des parents.Mêmes piété filiale, courage et persistance aussi.

Mais à la différence de Ma Yan, Li Cunxin (né en 1961) connut la Révolutionculturelle de Mao, et donc le lavage de cerveau ultra efficace qui fit de tout unpeuple des pantins obéissants. Aucune remise en question possible.

Le parcours du garçon, sélectionné presque par hasard à 9 ans pour subir unentraînement d'une rigueur extrême à l'école de danse de Pékin (dirigée parMadame Mao), dans le but de former les meilleurs danseurs du monde, futextraordinaire et exemplaire. D'autant plus que le rêve/miracle se réalisa. Lors d'unstage à Huston en 1981 Li Cunxin décida d'y rester, "trahison" qui déplut fort auxautorités chinoises et le rendit persona non grata dans son pays d'origine pendantde nombreuses années et empêcha tout contact entre lui et ses parents.

Son talent et sa renommée étaient pourtant tels que lui et sa deuxième femme,la danseuse étoile australienne Mary McKendry, finirent par être accueillis engrande pompe en Chine, désormais fière de ce fils prodigue qui lui fait honneur.

Cette belle histoire véridique ne manquera pas de vous étonner et de vousémouvoir.

Anne

Sixième fils (sur sept) Li Cunxin naquit le 26 janvier (Australia day !) 1961 dans une famille chinoisetrès pauvre.

Après une brillante carrière comme danseur étoile à Huston et ensuite en Australie (Melbourne) ilprit sa retraite à 38 ans à l'apogée de son parcours, puis travailla pendant plusieurs années dans lemilieu des finances, pour enfin revenir à son premier amour. Il est maintenant directeur artistiquedu ballet de Queensland et un des citoyens australiens les plus fêtés et admirés.

Depuis sa parution en 2003 son livre connaît un grand succès (vendu dans plus de 20 pays), ainsique le film qui sortit en 2009.

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Bloody MiamiTom Wolfe

Robert Laffont

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On n'est jamais déçu avec Tom Wolfe, quand on aime les émotions fortes !

Miami est la ville qu'il a choisie pour y mener, en digne successeur de Zola, dontil revendique la paternité, son enquête préalable. Miami est une ville auxpopulations multiples, assez fortement cloisonnées : noirs – dont le chef de lapolice –, cubains, haïtiens, souvent en rivalité ; WASP (white anglo-saxonprotestant) devenus minoritaires, mais honteusement fortunés.

Ses deux héros, eux, sont cubains ; amants, ils se séparent, elle, très jolieattachée d'avocat, lui, jeune flic consciencieux et ambitieux. L'auteur les projettedans des endroits à̀ mille lieues de leur quartier populaire d'origine : île réservéeaux WASP où le sexe débridé règne ; foire à l'art contemporain où les prix flambentridiculement (séquence délirante !); maison art déco des quartiers chics où l'amournous conduit ; restaurant branché ; réduit de dealer, à l'autre bout de la société. Ondécouvre avec eux les dessous de la Miami pourrie par le fric et les tensionscommunautaires.

Comme ce fut le cas pour Le bûcher des vanités, l'œuvre phare de Tom Wolfe,ce livre peut tenter le cinéma, grâce à une part visuelle spectaculaire, comme l'orgiesur l'ile privée, la bousculade pour entrer à l'expo d'art ; mais sa profondeurd'analyse de la société et des êtres repose aussi sur les « sous conversations »ponctuées de :::::: . On sent que l'auteur revendique la part d'étonnement quisubmerge ses personnages, spectateurs de situations invraisemblables, comme s'ildisait : « Regardez ce que font les hommes ! Ils se livrent à des orgies, ils s'arrachentpar snobisme des œuvres d'art stupides et onéreuses ! »

Il s'agit d'un roman bien documenté auquel l'auteur applique son stylepercutant et un rythme haletant – qui s'essouffle toutefois vers la fin –, sans exclurela profondeur psychologique, car les personnages y ont de l'étoffe ! Un romancomplet, donc.

Nicole

Tom Wolfe, auteur culte américain de 83 ans, a été journaliste avant d'écrire des romans, tous trèsdocumentés, dont le best-seller mondial Le Bûcher des vanités.

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Le roman se passe aux Etats-Unis en 1988.  Dès les premières pages on apprend qu'unemère de famille a été violée.  L'intrigue tourne donc autour de la recherche de l'agresseur.

Ce qui rend ce roman intéressant et différent est que le crime a eu lieu dans une réserveindienne du Nord Dakota  et que Louise Erdrich, elle-même, est amérindiennne de la tribuOjibwe par sa mère et germano-américaine par son père. 

C’est l'histoire d'une famille unie.  Géraldine, la mère,  est spécialiste desappartenances tribales, le père est juge et Joe, le fils, vient d'avoir 13 ans.  C'est pourtantlui qui raconte le déroulement de l'enquête, à la première personne.  Dans ce contextele rôle de la police est important.  Mais quelle Police ?  Trois policiers se rendent dansla  famille pour entendre les déclarations de Géraldine. « Un policier d'État - un autrede la ville de Hoopdance où ils vivaient et un policier de la Police tribale. »

« Mon père avait insisté pour que chacun d'eux prenne la déposition de ma  mèreparce qu'on ne savait pas trop où avait eu lieu de délit: - sur un territoire de l'Etat oucelui de la réserve - ni qui l'avait commis: un Indien ou un non Indien.....Jesavais...que ces questions changeraient inévitablement notre façon d'aller en justice ».

Désemparé,  le père se tourne vers son fils et ensemble ils relisent les anciensdossiers dont le Juge avait eu à s'occuper pour, peut-être, trouver le nom d'un coupablepotentiel.  A la lecture de ces dossiers, quelques noms ressortent « de ces gens quiparlent de leur rapport avec les Bons Indiens, des gens qui, si l'occasion se présentaitpouvaient se montrer capables d'actes monstrueux ».

« En 1893 le pays tout entier est fondé sur la volonté de s'emparer des terresindiennes...Le Président Marshall a investi le gouvernement du Droit Absolu à la terreet n'a donné aux Indiens rien de plus que le Droit à l'Occupation.  Et encoreaujourd'hui, ces termes sont utilisés pour continuer à nous déposséder de nos terres ».

Insouciants avant l'événement, Joe et sa bande de copains parcouraient la réserve àvélo en vrais adolescents bravant les interdits: buvant, fumant,  riant de leurs « blaguesindiennes ».  Mais Joe est passé rapidement de l'insouciance à la maturité.  Il mène sapropre enquête, ils fouinent partout à la recherche d'indices.

Des personnages hauts en couleurs comme Mooshum le grand-père paternel ouencore Linda, la postière, à l'histoire surprenante.  Des portraits forts, visuels,  del'humour.  Louise Erdrich met l'Amérique face à son passé.  Et pourtant ce dernierroman a été récompensé aux U.S.A. par le National Book Award.  Le New York Timesfait un parallèle entre la voix de l'auteur et celle de Faulkner. 

Un livre plein de suspense. Un livre puissant à découvrir. 

Simone

Dans le Silence du VentLouise Erdrich Albin Michel

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Sauf les fleurs Nicolas Clément Buchet Chastel

Un petit livre qui ne pèse pas 100 grammes mais qui vaut de l’or… le genre delivre qu’on passe à ses vrais amis !

Des phrases courtes, poétiques pour dire et cacher en même temps l’indicible.

Première ligne : «  Nous étions une famille de deux enfants, plus les parents ».

La narratrice, c’est Marthe , encore presque une enfant, qui chuchote : « J’écriscette histoire pour oublier que nous n’existons plus ».

Le décor : une ferme et des animaux dont Marthe, seule, comprend le langagemuet. Car l’autre langage ne parvient plus à se frayer un passage dans sa gorge.

Les personnages : une mère aimante, un frère adoré et surtout un père violentqui fait régner silence et terreur.

« Nous sommes pris au piège, du sommet jusqu’au puits en passant par la caseSe taire. »

Mais il y a aussi l’école, pas celle où s’agitent les autres enfants, mais celle quiouvre à la lecture grâce à une institutrice qui sait le pouvoir des mots. Martherencontre, car c’est bien une rencontre, la langue d’Eschyle et la tragédie desOreste qui devient le fil conducteur de sa vie.

Marthe pourrait échapper à son destin grâce à cette découverte et à l’amourd’un garçon mais c’est oublier la force d’attraction de cette ferme où s’est jouée latragédie.

Un roman bref, intense, écrit dans une langue qui fascine et pulvérise tous lescodes.

Marie-Claude

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Notre-Dame du NilScholastique MukasongaGallimard Continents Noirs (Folio)

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Pour cette Rwandaise qui se fait connaître en 2006 avec Inyenzi ou les Cafards,la vie n’a pas été précisément pavée de roses. Née en 1956, elle subit dès sonenfance les troubles ethniques qui culmineront en 1994 avec le génocide que l’onsait. Sa famille est déplacée puis chassée au Burundi. Elle-même trouve asile enFrance en 1992 où elle apprendra le massacre d’une partie de sa famille dont samère en 94.

Dès lors l’écriture ne pouvait que se donner pour tâche de raviver une mémoiremeurtrie, pour témoigner à la face du monde. Elle y parvient avec une rare maturitédans Notre-Dame du Nil, roman couronné par le Prix Renaudot en 2012.

Par petits chapitres, elle raconte ce lycée pour jeunes filles de la bourgeoisieafricaine, à forte majorité hutu, dans un temps où la « Révolution Sociale » stigmatiseet persécute les Tutsis. Scholastique Mukasonga tresse les fils de son récit dans unenarration vive et économe, peuplée de portraits violents et drôles. Elle le fait avecune élégance et une sobriété jamais alourdie de pathos malgré le tragique ducontexte. Toute la complexité du Rwanda nous apparaît à travers le microcosme dece lycée où les sentiments et les enjeux sont à des lieues des « teen movies » chersaux Américains. Bouleversant.

Patrick B.

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LadivineMarie NdiayeGallimard

Malinka et sa mère font partie, à leur manière, de ces « femmes puissantes »dont Marie Ndiaye aime à brosser le portrait, souvent douloureux.

Voilà un bon gros roman psychologique dont la richesse d'analyse suscitel'admiration, vrai bijou littéraire qui allie la complexité des sentiments à uneécriture d'une magnifique limpidité. D'emblée le roman captive (ou exaspère,c'est selon !).

Le secret, autour duquel se déploie la vie de trois générations de femmes,nous est dévoilé dès les premières lignes : l'héroïne s'est choisi, à sa majorité,une deuxième identité ; elle a deux vies bien cloisonnées : Malinka s'estrebaptisée Clarisse.

Postulats fondateurs de ce choix : une mère aimante mais servante à la peaunoire, que sa fille a reniée devant ses camarades de collège : « C'est maservante », leur dit-elle ; une fille à la peau blanche, soumise à la pulsion d'unenégation d'identité ; l'attente de l'apparition d'un père, inconnu à la peaublanche.

Plus la lecture avance, plus on devient le témoin stupéfait des choix deMalinka. A cette mère qu'elle aime, elle concède une visite mensuelle et la livreà un mutisme absolu sur tout ce qui fait sa vie (un travail, un mariage heureux,la naissance d'une fille) ; elle même est livrée à de violents sentiments contrairesqui la dépassent, porte ouverte à une culpabilité qu'elle veut étouffer sous uneaspiration à la perfection qui dévaste son couple ; enfin, sous son vrai nom, elleveut croire un nouvel amour qui doit lui tenir lieu de rédemption !

Comment construire sa vie sur ces mensonges et que transmettre àLadivine, la fille bien aimée qui porte le prénom d'une grand mère dont elleignore longtemps l'existence ?

Comme toujours chez Marie Ndiaye, le fantastique traverse le roman, sousla forme d'un chien aux doux yeux bienveillants, lieu de cristallisationd'émotions trop fortes pour être contenues ou exprimées dans le cadre du réel.Un chien innocent qui efface les fautes.

Un roman au sujet et au style envoûtants, un roman qui frappe au cœur.Nicole

Marie Ndiaye a reçu le prix Goncourt pour «Trois femmes puissantes ».

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Une vie entre deux océansM. L. StedmanStock

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Survivant médaillé de la Grande Guerre, intact physiquement mais profondé-ment blessé intérieurement, Tom Sherbourne cherche la paix aussi loin que pos-sible du monde des hommes, et la trouve en tant que gardien de phare sur la biennommée île de Janus au large du Point Partageuse sur la côte australienne.

Des années passent, durant lesquelles Tom tombe amoureux d'Isabel, l'épouseet l'emmène sur son île. Seule ombre au tableau du couple très uni, Isabel enchaîneles fausses couches, dont la dernière en date remonte à deux semaines avant l'évé-nement miracle qui ouvre le roman. Un bateau échoue sur le rivage avec à sonbord le cadavre d'un homme et une petite fille bien vivante dont les cris alertent lecouple. Ils en tombent fous amoureux – de celle qui n'est justement pas tombée duciel mais a bel et bien quelque part une mère dévouée qui cherche désespérémentmari et enfant disparus. Dès que Tom cède, par amour, à la demande de sa femmede taire l'incident, le couple est pris dans un engrenage de plus en plus déchirant.

Le lecteur aussi. L'intrigue a beau être un peu convenue au départ, les dilemmesmoraux des personnages trop humains acculés à des choix impossibles le happentet l'émeuvent. La seule frontière claire entre le Bien et le Mal reste celle qui est àl'origine du drame : pourquoi mari et enfant se trouvaient-ils dans le bateau ?

La petite fille se nomme à la fois Lucy et Grace - la lumière et la grâce de l'amourréussiront-elles à vaincre les ténèbres de la bêtise et de la haine ? Le souci des autrestriomphera-t-il de l'égoïsme ? D'ailleurs qui les définit comme tels ?

Comme des milliers d'autres, laissez-vous embarquer, prenez parti et impli-quez-vous dans ce roman inoubliable.

Anne

M. L. Stedman est née en Australie et vit désormais à Londres. Une vie entre deux océans est sonpremier roman, déjà couronné de plusieurs prix et un succès international grandissant. On en ferabientôt un film.

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Le jardin de l’aveugleNadeem AslamSeuil

Bruit et fureur, amour et poésie… tout se mêle dans ce magnifique roman deNadeem Aslam qui se déroule au Pakistan et en Afghanistan après le 11septembre 2001.

Jeo, étudiant en médecine, et Mikal son frère adoptif, expert dans lemaniement des armes, décident de partir clandestinement en Afghanistan nonpour soutenir les talibans mais bien au contraire pour porter assistance etsecours aux victimes civiles. Jeo est tué (assassiné ?), Mikal emprisonné, torturépar les services américains puis abandonné à un Seigneur de la guerre. Aumoment de son départ clandestin, Jeo laisse chez son père son épouse Naheen,secrètement et réciproquement éprise de Mikal.

Rostan a créé une école dont il est chassé par les islamistes. En outre, il perdla vue quand il perd ses fils. Veuf depuis longtemps déjà, il est inconsolable « Lavie se met en travers de ton chagrin…On s’oblige à oublier sa souffrance parcequ’il y a d’autres choses dont il faut s’occuper. Mais quand on s’en souvient…eh bien…c’est une étrange douleur, comme si quelqu’un avait égaré une lamede rasoir dans ton âme. »

Son seul réconfort est son jardin, ses arbres et les oiseaux qui y trouvent refuge.Pour mieux apprécier ce roman, il faut en accepter le point de vue,

comprendre que c'est le cri de douleur d'un écrivain qui a mal à son pays natal,le Pakistan. Il l'évoque de façon extrêmement poétique, à travers des passagesd'une beauté à couper le souffle, et en exprime la profonde humanité mais aussila violence aveugle et le fanatisme. Refusant de prendre parti entre tous lesbelligérants qui font concours de foi aveugle, de tortures, d'exécutions, ilrenvoie dos à dos les talibans, les seigneurs de la guerre, et les Occidentaux, quepresque rien ne distingue dans leur cruauté et leur violence.

La force de ce roman résulte de l’alternance de moments de grâce et depoésie dans le jardin, ou dans l’attention de Naheem pour son beau-père avecdes moments de description de l’horreur de la guerre. Le jardin est un « entre-deux » apaisant, finalement voué lui aussi à la destruction.

Ces personnages, pleins de contradictions, malmenés par la vie, choisissentchaque fois que c’est possible, de vivre, de continuer à aimer, de ne pas désespérer.

La vaine attente, précédent roman de Nadeem Aslam paru en 2009, exploreces mêmes thèmes de violence, de guerre, d’amour perdu et de repos de l’espritet de l’âme dans la beauté de la nature. Mais une nature blessée dont il fautprendre soin.

Marie-AnneNadeem Aslam, né au Pakistan, émigre en Angleterre avec ses parents à 14 ans pour fuir le régimedu général Ziaq. Il se consacre à l’écriture très tôt, abandonnant des études de chimie.

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Une série de Bande dessinée en quatre tomes sur la grande guerre, celle quidevait être « la Der des Ders ».Janvier 1935, Roland Vialatte sur son lit de mort, se souvient… de ce mois d’août1914 où les cloches les ont tous appelés… « La guerre est quelque chose desonore… puis le silence. Ce silence que seule la guerre peut engendrer. Epaiscomme dans le ventre d’une mère sous la tombe ».

En 1915, lieutenant de gendarmerie, il est envoyé sur le front pour enquêter surles meurtres mystérieux de jeunes femmes.Kris ne se contente pas de raconter une enquête mais il nous plonge au cœurde cette barbarie avec puissance, vigueur. « Il s’agit de ne pas sombrer dans lafolie face à la mort omniprésente ».

Avec un travail de cinq années, il nous livre un témoignage très documenté sansconcession pour cette guerre et ses protagonistes. La vie dans les tranchées, lamort, des scènes de combat réalistes, la fraternité qui lie des hommes de toushorizons, le héros humaniste… Notons l’omniprésence de la Femme dans tousces personnages qui traversent cette saga.L’humanité entière est représentée, du pire au meilleur !

Le choix de la mise en page, la qualité de l’illustration, sa couleur souvent pastelou sépia et son trait d’une étonnante justesse contribuent à la réussite del’œuvre. Cet ouvrage est aussi un documentaire réaliste « sur » et « contre » la guerre !« Nous sommes entrés dans cette aventure plein d’une belle ardeur puisée auxsources de notre éducation…Nous en ressortons hommes, totalement…ouinous sommes sales. Nous sommes tous sales. »

Tant sur le plan narratif que graphique, cette série est une réussite, un« incontournable » disent les spécialistes !

Marie

Le réalisateur Olivier Marchal a un projet de long-métrage pour « Notre Mère laGuerre ».

Notre Mère La GuerreTexte : Kris, Dessin et Couleur de MaëlFuturoscope

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En finir avec Eddy BellegueuleÉdouard LouisSeuil

Comment faire quand, à 10 ans, le jour de l’entrée au collège, deux garçonsvous « crachent à la gueule » et vous bourrent de coups de pied ? On ne dit rien,on prend les coups et on essaie de penser à autre chose.

C’est Eddy qui parle à la première personne, Eddy ainsi nommé à cause desséries américaines, un nom de dur… comme le veut son père. Or, Eddy a vite desmanières bizarres, une voix aiguë, une allure de « gonzesse » impossibles à assumerdans la famille, le milieu où il va grandir. La Picardie, des champs à perte de vue,la télévision et l’alcool comme seules distractions, la vulgarité et la violence : c’estle monde que va fuir définitivement Édouard Louis à 21 ans avec ce premier romandont le titre frappe comme les coups reçus dans son enfance : « En finir avec EddyBellegueule ».

Mais en finit on jamais avec son histoire ?

Un livre stupéfiant !

Marie-Claude

Malaise !

« …C’est le monde de mon enfance qui s’est insurgé contre moi. »

Quoi de pire pour un enfant !

Ce récit est le puissant témoignage d’une violence physique et psychologiquesubie par cet enfant, qui s’exprime à chaque page, chaque phrase, prend aux tripeset mène même au bord de l’écœurement.

Je ne peux donc pas nier la réussite de l’écrit pour ce qu’il veut traduire. Mais,être plongé aussi crûment au cœur de l’intimité de ce jeune Eddy qui n’est autreque l’auteur m’a été insupportable. Il nous force au voyeurisme ! Et c’est donc unmalaise permanent qui a accompagné ma lecture. Sûrement une forme de thérapiepour lui, mais un sujet trop grave et dénonciateur pour être ainsi livré en pâtureau lecteur.

Compte-tenu de la force de cette écriture, un prochain livre est sans aucundoute à souhaiter !

Marie

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XeniaGérard MordillatCalmann-Lévy

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« Moi, je suis le Lapin blanc d’Alice au pays des merveilles, dit-elle, celui qui dittoujours “mon Dieu, mon Dieu, je vais être en retard” et qui court tout le temps. »

Xenia (en grec, l’étrangère), 23 ans, un bébé de 5 mois, quittée du jour aulendemain par son ami Jipé court en effet d ’un endroit à un autre pour quelquesheures dans une entreprise de nettoyage. Il faut bien survivre et elle ne se plaintpas. Elle cherche des combines pour faire garder son fils mais, parfois, elle n’a pasle choix et elle l’emmène avec elle… ce qui va lui coûter son poste ! L’autre femme,c’est Blandine, sa voisine, sa confidente, caissière dans un supermarché qui laprend chez elle et avec qui elle partage tout, les rires, les rêves, les coups dursparfois.

On côtoie aussi plein de personnages extrêmement vivants comme Gauvain,banquier mal à l’aise dans sa fonction, Biglouche, le garagiste, ou Samuel, l’adométis mal dans sa peau de noir, les patrons… Tous tournent autour de Xenia, forteet fragile, une véritable petite héroïne des banlieues.

Entre les drames et les révoltes, le roman se déroule comme un film en accéléréjusqu’à l’explosion. Blandine est menacée de licenciement pour faute grave : elle arécupéré des fruits invendus dans la poubelle de l’hypermarché ! Conduite parXenia, la cité s’enflamme et c’est la solidarité qui triomphe sur l’injustice.

Gérard Mordillat nous livre un témoignage poignant sur cette vie dans les cités :on sent chez lui une vraie tendresse pour les femmes de ménage, caissières,vendeuses, opprimées par le système social et machiste qui tente de les broyer. Ilcroit à leur combat, à leur force. C’est finalement un livre roboratif car on a lesentiment que, par la solidarité, le monde peut changer : Xenia, in fine, va tournerle dos à la cité, dire oui à une vie plus belle.

Un livre fort !

Marie-Claude

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Médiathèque Municipalede Châteauneuf

1, rue du Baou

Tel. : 0493424171

[email protected]

Journal des Lecteursécrit par et pour les lecteurs

Mise en page :L’esp@ce Multimédi@

Rédacteur en Chef :Marie-Claude LAMBERT

Impression :Zimmermann - Villeneuve-Loubet

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