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+ ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2007), 17, 92-97 La formation chirurgicale des urologues français est-elle plus efficace que celle des autres pays européens ? Stéphane LARRE (1,2), Francis DUBOSQ (2), Selçuk KESKIN (3), Yann NEUZILLET (4), Baptiste ALBOUY (4), Rien JM NIJMAN (5), Claude-Clément ABBOU (6,7), Pierre TEILLAC (8), Emmanuel CHARTIER-KASTLER (9), François RICHARD (10) et Morgan ROUPRÊT (11) (I) Chairman ofthe European Sociew of Residents in Urology. E.S.R. U., (2) French National Communication Oficer of the Eui-opean SocieQ of Resi- dents in Urology, E.S.R. W., (3). Past Chairman of the European Society of Residents in Urology, E.S.R.U., (4) CA de l'Association Française des Urolo- gues en Formation, A3U.E (5) Past President ofthe European Board of Urology, E.B. U., (6) IIce-Président du Collège Français des Urologues, C.EU., (7) Chairman de I'European Urology Scholarship Program, E. US.l?, (8) Secretary General of'the European Association of'Urology, E.A. U., (9) Secrétaire Général de l'Association Française d'Urologie, A.EU., (IO) Coordonnateur du D.E.S.C. Urologie Paris; Université Paris VI., ( I l ) Président de l'Association Française des Urologues en Formation, A.E U.R RESUME Objectif : Comparer le niveau de formation chirurgicale des internes français avec celui des autres pays d'Europe. Matériel et méthodes : Entre 2005 et 2006, un questionnaire exhaustif (www.esru.net) a été remis à 188 jeunes urologues répartis dans 30 pays Européens. Les internes ont été répartis en 3 groupes : France (groupe 1, n=28), Europe de l'ouest (groupe 2, n=75) et Europe de l'est (groupe 3, n=85). Les items concernant la pratique chi- rurgicale ont été analysés. Résultats : Dans les groupes 1 à 3 : l'âge moyen des internes était de 30,s ans (25,7-35,8), 34,6 ans (27,4-48,O) et 31,3 ans (25,3-51,3). Le nombre moyen de mois passé en urologie était respectivement de 28 mois (6-60), 44 mois (6-72) et 37 mois (2-120). Le durée moyenne du travail hebdomadaire était de 70 heures (40-90), de 60 heures (35-90) et de 65 heures (40-100). Les français étaient techniquement plus à l'aise que les groupes 2 ou 3 pour tous les actes de chirurgie (ouverte, laparoscopique, endo-urologique). Certains critères étaient significativement (p<0.05) associés à un meilleur niveau technique: le nombre d'heures hebdomadaire, le nombre réduit d'inter- nes par service, la diversité des stages, l'utilisation du cahier de l'interne et la présence d'un tuteur actif. Conclusion : Les internes français semblent appréhender les actes de chirurgie urologique avec moins de diffi- cultés que les autres internes européens. Les facteurs associés à une meilleure formation étaient la densité de la formation, la diversité des stages, le nombre limité d'interne par stage, l'utilisation du cahier de l'interne et la présence d'un tuteur actif. Mots clés : urologie, chirurgie, formation, enseignement. Niveau de preuve : NIA L'internat de médecine français, créé en 1802 par Napoléon Bona- parte, a été reconnu de longue date comme un système de formation efficace et de qualité [l, 21. Si le concours de l'internat a aujourdQ- hui disparu, pour laisser la place aux Épreuves Nationales Classan- tes (ENC), le compagnonnage chirurgical existe toujours [3, 41. Nombreux sont les anciens internes des hôpitaux qui ont contribué a la renommée internationale de la chirurgie française [l]. Au sein des chirurgiens, les urologues français ont toujours été à l'origine de nombreuses innovations. L'apport de la laparoscopie, développée depuis le début des années 90, en est probablement l'un des exem- ples récents les plus concrets [5, 61. Néanmoins l'Europe, et tout particulièrement la France, rencontrent actuellement des difficultés à s'adapter aux nouvelles contraintes imposées aux systèmes de santé. Par conséquent, certains facteurs sont susceptibles d'avoir eu un impact négatif sur la formation initiale des urologues français [4,7-91. Citons, pèle-mêle, les direc- tives européennes limitant le temps de travail hebdomadaire, l'ins- tauration du repos de sécurité après les gardes de nuit, les maquet- tes contraignantes de chirurgie générale obligeant à exercer dans des spécialités éloignées de l'urologie ou enfin la responsabilisation de plus en plus tardive des internes liée à une pression médico-léga- le exponentielle. L'European Society of Residents in Urology (ESRU) et 1'European Board of Urology (EBU) ont déjà mis en évidence de grandes disparités entre les modes de formations des pays européens [IO, 121. Outre les différences entre les systèmes de santé inhérente au niveau socio-économique, d'autres facteurs sont impliquées comme la durée effective de temps de travail, le déroulement des gardes Manuscrit reçu : octobre 2006, accepté : décembre 2006 Adresse pour correspondance : Dr S. Larré, Service d'urologie, Hopital Henri Mondor, 51 avenue de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil, France e-mail : [email protected] Ref : LARRE S., DUBOSQ F., KhSKIN S., NEUZILLET Y., ALBOUY B., NIJMAN R.JM. ABBOU C-C., TEILLAC P., CHARTIER-KASTLER E., RICHARD F., ROUPRÊT M Prog. Urol., 2007, 17, 92-97

La formation chirurgicale des urologues français est-elle plus efficace que celle des autres pays européens ?

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Page 1: La formation chirurgicale des urologues français est-elle plus efficace que celle des autres pays européens ?

+ ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2007), 17, 92-97

La formation chirurgicale des urologues français est-elle plus efficace que celle des autres pays européens ?

Stéphane LARRE (1,2), Francis DUBOSQ (2), Selçuk KESKIN (3), Yann NEUZILLET (4), Baptiste ALBOUY (4),

Rien JM NIJMAN (5) , Claude-Clément ABBOU (6,7), Pierre TEILLAC (8), Emmanuel CHARTIER-KASTLER (9),

François RICHARD (10) et Morgan ROUPRÊT (11)

( I ) Chairman ofthe European Sociew of Residents in Urology. E.S.R. U., (2) French National Communication Oficer of the Eui-opean SocieQ of Resi- dents in Urology, E.S.R. W., (3). Past Chairman of the European Society of Residents in Urology, E.S.R.U., (4) CA de l'Association Française des Urolo-

gues en Formation, A3U.E (5) Past President ofthe European Board of Urology, E.B. U., (6) IIce-Président du Collège Français des Urologues, C.EU., (7) Chairman de I'European Urology Scholarship Program, E. US.l?, (8) Secretary General of'the European Association of'Urology, E.A. U., (9) Secrétaire Général de l'Association Française d'Urologie, A.EU., (IO) Coordonnateur du D.E.S.C. Urologie Paris; Université Paris VI., ( I l ) Président

de l'Association Française des Urologues en Formation, A.E U.R

RESUME

Objectif : Comparer le niveau de formation chirurgicale des internes français avec celui des autres pays d'Europe.

Matériel et méthodes : Entre 2005 et 2006, un questionnaire exhaustif (www.esru.net) a été remis à 188 jeunes urologues répartis dans 30 pays Européens. Les internes ont été répartis en 3 groupes : France (groupe 1, n=28), Europe de l'ouest (groupe 2, n=75) et Europe de l'est (groupe 3, n=85). Les items concernant la pratique chi- rurgicale ont été analysés.

Résultats : Dans les groupes 1 à 3 : l'âge moyen des internes était de 30,s ans (25,7-35,8), 34,6 ans (27,4-48,O) et 31,3 ans (25,3-51,3). Le nombre moyen de mois passé en urologie était respectivement de 28 mois (6-60), 44 mois (6-72) et 37 mois (2-120). Le durée moyenne du travail hebdomadaire était de 70 heures (40-90), de 60 heures (35-90) et de 65 heures (40-100). Les français étaient techniquement plus à l'aise que les groupes 2 ou 3 pour tous les actes de chirurgie (ouverte, laparoscopique, endo-urologique). Certains critères étaient significativement (p<0.05) associés à un meilleur niveau technique: le nombre d'heures hebdomadaire, le nombre réduit d'inter- nes par service, la diversité des stages, l'utilisation du cahier de l'interne et la présence d'un tuteur actif.

Conclusion : Les internes français semblent appréhender les actes de chirurgie urologique avec moins de diffi- cultés que les autres internes européens. Les facteurs associés à une meilleure formation étaient la densité de la formation, la diversité des stages, le nombre limité d'interne par stage, l'utilisation du cahier de l'interne et la présence d'un tuteur actif.

Mots clés : urologie, chirurgie, formation, enseignement. Niveau de preuve : NIA

L'internat de médecine français, créé en 1802 par Napoléon Bona- parte, a été reconnu de longue date comme un système de formation efficace et de qualité [ l , 21. Si le concours de l'internat a aujourdQ- hui disparu, pour laisser la place aux Épreuves Nationales Classan- tes (ENC), le compagnonnage chirurgical existe toujours [3, 41. Nombreux sont les anciens internes des hôpitaux qui ont contribué a la renommée internationale de la chirurgie française [l]. Au sein des chirurgiens, les urologues français ont toujours été à l'origine de nombreuses innovations. L'apport de la laparoscopie, développée depuis le début des années 90, en est probablement l'un des exem- ples récents les plus concrets [5 , 61.

Néanmoins l'Europe, et tout particulièrement la France, rencontrent actuellement des difficultés à s'adapter aux nouvelles contraintes imposées aux systèmes de santé. Par conséquent, certains facteurs sont susceptibles d'avoir eu un impact négatif sur la formation initiale des urologues français [4,7-91. Citons, pèle-mêle, les direc- tives européennes limitant le temps de travail hebdomadaire, l'ins- tauration du repos de sécurité après les gardes de nuit, les maquet-

tes contraignantes de chirurgie générale obligeant à exercer dans des spécialités éloignées de l'urologie ou enfin la responsabilisation de plus en plus tardive des internes liée à une pression médico-léga- le exponentielle.

L'European Society of Residents in Urology (ESRU) et 1'European Board of Urology (EBU) ont déjà mis en évidence de grandes disparités entre les modes de formations des pays européens [IO, 121. Outre les différences entre les systèmes de santé inhérente au niveau socio-économique, d'autres facteurs sont impliquées comme la durée effective de temps de travail, le déroulement des gardes

Manuscrit reçu : octobre 2006, accepté : décembre 2006

Adresse pour correspondance : Dr S. Larré, Service d'urologie, Hopital Henri Mondor, 51 avenue de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil, France

e-mail : [email protected]

Ref : LARRE S., DUBOSQ F., KhSKIN S., NEUZILLET Y., ALBOUY B., NIJMAN R.JM. ABBOU C-C., TEILLAC P., CHARTIER-KASTLER E., RICHARD F., ROUPRÊT M Prog. Urol., 2007, 17, 92-97

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d'internes, ou encore le nombre d'années requises pour former un urologue (variable entre 10 et 14 ans) [ I l , 121 Ces différences entre les systèmes de formation des internes d'urologie sont probable- ment à l'origine d'une certaine hétérogénéité dans le niveau global de performance chirurgical des urologues continentaux. L'identifi- cation de critères d'amélioration pertinents permettrait certainement d'harmoniser a terme les systèmes de formation des jeunes urolo- gues européens. L'objectif de ce travail était de comparer, à l'aide d'un questionnaire, le niveau technique des internes d'urologie fran- çais avec celui des autres pays européens.

MATERIEL ET METHODE

Entre 2005 et 2006, un questionnaire rédigé en anglais a été propo- sé de façon prospective aux urologues en formation (internes, chefs de clinique ou équivalent) en Europe. Ce questionnaire, rédigé à l'i- nitiative de I'ESRU, a été remis par courriel a tous les membres de I'ESRU et de I'AFUF, ou directement au cours des 2 congrès sui- vants: lors de la "6th consultation on prostatic disease" organisée à Paris par la Société Internationale d'urologie (SIU), lors de la 3'"' session de I'EUREP à Prague. Le questionnaire de 5 pages explorait notamment les conditions de vie des internes, la formation chirur- gicale, la formation théorique et l'accès a la recherche (Figure 1). Nous nous sommes délibérément consacrés à la seule question de la formation chirurgicale dans cette étude préliminaire. L'intégralité du questionnaire est accessible sur internet à l'adresse suivante http://www.esru.net/files/Questionnaire%20ESRU%20eng.pdf.

Les urologues en formation ont été répartis en 3 groupes selon leur pays d'origine : France (groupe l), Europe de l'Ouest (groupe 2) et Europe de l'Est (groupe 3). Les données suivantes ont été compa- rées: l'âge, le nombre de mois passé en service d'urologie, la durée du travail hebdomadaire, le nombre d'interne dans le service, le nombre de terrain de stages différents accessibles, l'existence d'un cahier de I'interne, la présence d'un senior référent (tuteur). Ensuite quatre notes (échelle de cotation O à 20) permettaient d'évaluer de façon subjective le niveau technique de formation chirurgicale selon différents types d'intervention urologique: actes de chirurgie

noté 10 et le niveau "oui, absolument", évalué à 20. La moyenne des notes a été réalisée pour obtenir une note globale dans chaque catégorie d'actes chirurgicaux, donnant ainsi une note finale com- prise entre O et 20.

Les analyses ont été réalisées à l'aide de tests non paramétriques adaptés aux variables analysées (tests de Kruskall-Wallis, de Mann- Whitney, tests de Spearman, test du Chi2). Tous les calculs ont été réalisés à l'aide du logiciel Statview 5.0.

Au total, 188 questionnaires ont été reçus et se répartissaient ainsi entre les différents groupes : France 14,9% (n=28), Europe de l'Ouest : 39,9% (n=75) et Europe de l'Est 45,2% (n=85). Trente pays européens ont participé à l'étude. L'âge moyen des internes était de 32,6 +/-4,3 ans (25,3-51,3). Les pays inclus dans chaque groupe sont rapportés en détail dans le Tableau TI. Les internes Français se sentaient techniquement plus aptes que les jeunes uro- logues des groupes 2 et 3, à réaliser tous les types d'intervention de chirurgie urologique. Les urologues en formation Français étaient en moyenne plus jeunes que dans les autres pays Européens réunis (p=0,04), et plus particulièrement avec ceux d'Europe de l'Ouest (p<0,0001). Le temps moyen passé à se former dans les services d'urologie était plus faible en France (27,9 mois) contre plus de 37 mois dans les autres groupes (p<0,0001)). En revanche, la durée moyenne de travail hebdomadaire était significativement (p=0,02) plus longue en France (70 heures) que dans les deux autres groupe (< 65 heures). Enfin, les jeunes urologues français avaient beau- coup plus souvent recours au cahier de I'interne que leurs collègues (p=0,001). Les autres résultats sont rapportés en détail dans le Tableau III.

Tous groupes confondus, les jeunes urologues européens décla- raient avoir un tuteur actif dans 27,3% des cas (n=5 1) et utiliser un cahier de I'interne dans 28,2% des cas (n=53). La présence d'un tuteur actif ou le recours au cahier de l'interne étaient des facteurs significativement associés avec une meilleure performance chirur-

ouverte dits "mineurs", actes de chirurgie ouverte lourde dits gicale des jeunes urologues (Tableaux IV et V). Par ailleurs, il exis- "majeurs", actes d'endo-urologie et actes de laparoscopie. Les items tait une corrélation significative entre le nombre de service d'urolo- listés dans chacune de ces catégories sont détaillés dans le Tableau gie disponibles pour la formation et la capacité a réaliser la chirur- 1. gie ouverte légère (p=0,001), lourde (p<0,0001), endoscopique

(p=O,OOI) et laparoscopique (p=0,008). Pour chaque intervention, l'interne devait répondre a la question suivante ''A l'heure actuelle seriez-vous en mesure de réaliser les Enfin, le nombre d'internes au sein du service et la capacité a interventions suivantes comme chirurgien en premier (aidé par un accomplir les actes de chirurgie légère (p=0,004), lourde jeune interne) ?". 11 existait 3 niveaux de réponses possibles : le (p=0,0005), endoscopique (p=0,001) ou laparoscopique (p=0,01) niveau "pas vraiment", noté 0, le niveau "oui, dans certains cas", étaient inversement liés.

Tableau 1. Actes chirurgicaux listés dans les différentes catégories du questionnaire

Chirurgie ouverte Mineure Chirurgie ouverte Majeure Eudo-urologie Chirurgie Laparoseopique

- néphrectomie simple - agrandissement vésical - adénomectomie - TVT, TOT - promontofixation - cure de prolapsus par voie vaginale - vasectomie - Nesbit - circoncision - cure de varicocèle - pyéloplastie

- néphrectomie élargie - résection trans uréthrale de la prostate - néphrectomie élargie - néphrectomie partielle - résection trans urétrale de la vessie - prostatectomie radicale - néphrourétérectomie - urétéroscopie rigide - promontofixation - prostatectomie radicale - urétéroscopie souple - cure de varicocèle - cystoprostatectomie/Bricker - uréphrostomie per cutanée - cystoprostatectomie/enterocystoplastie - lithotritie extra corporelle - surrénalectomie - transplantation rénale - prélèvement rénal

(cadavreldonneur vivant)

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Figure 1. Page de garde du questionnaire ESRU remis aux internes européens (disponible en version intégrale sur hfip://www.esru.net/filedQuestionnaire%20ESRU%20eng.pdf

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Tableau II. Population de l'étude sebn les trois zones géographiques : Europe de l'Est, Europe de l'Ouest et France.

Pays Nombre '%O Age Moyen Groupe Total

Bulgarie 8 4,3 31,5 Europe de l'Est 85 (45,2%) Croatie 1 0,s 32,6 Georgie 4 2,1 31,8 Hongrie 4 T l 32,3 Lettonie 5 2,7 29,3 Lituanie 1 0,s 29,6 Macédoine 1 O S 31,5 Pologne 1 I 5,9 36,3 République Tchèque 6 3 $2 30,l Roumanie 18 9,6 30,9 Russie 4 2,1 28,2 Serbie 1 0,s 39,l Slovaquie 3 1,6 31,3 Turquie 16 8 3 29,7 Ukraine 2 1,1 26,6

Allemagne 14 7,4 36,2 Europe de l'Ouest 75 (39,9%) Autriche 4 2,1 37,9 Belgique 3 1,6 31,6 Danemark 2 1,1 41,6 Espagne 9 4,8 31,3 Finlande 1 0,s 34,2 Grèce 11 5,9 35,3 Irlande 1 0,s 40,l Italie 12 6 4 31,O Pays Bas 5 2,7 37,4 Portugal 5 2,7 32,8 Royaume Unis 2 1,1 40,6 Suède 1 0 3 40,O Suisse 5 2,7 36,4

France 28 14,9 30,8 France 28 (14,9%)

Total : 30 Pays 32,6 188 (100%)

Tableau III. Comparaison des principales données en fonction des 3 groupes de l'étude.

France Europe de l'Ouest Europe de l'Est P

Age Mois passés en urologie Heures hebdomadaires Nombre d'internes par service Nombre de services différents Présence tuteur actif Utilisation cahier de l'interne " Chirurgie ouverte mineure Chirurgie ouverte majeure Endo-urologie Chimrgie iaparoscopique

34,6 t 4,5 (27,4-48,O) 433 + 11,3 [6-721 60,l + 14 [35-901 8,5 t: 6,3 [2-251 1,9 + 1,4 [l-91

16,7% 20,1%

8,5 t 5,1 (O,$-18,s) 3,6 + 4,2 [O- 161 11,4 + 5,6 [O-201 1,8 + 3,8 [O-161

* Différence significative avec l'Europe de l'Ouest (p<0,05) ;x D~fférence significative avec l'Europe de l'Est (p< 0,OS) Les résultats sont exprimés en moyenne écart type (range) excepté pour 2 itemso (%). Les cinq dernières variables correspondent à une note moyenne comprise entre O et 20. La valeur

dep correspond au degré de significativité pour la comparaison entre moyennes des 3 groupes.

DISCUSSION

L'évaluation des différents systèmes de formation au sein de l'Eu- rope a fait l'objet de plusieurs publications [Il-131. Cette étude est, a notre connaissance, la première à mettre en évidence des diffé- rences dans le niveau technique des jeunes urologues en Europe. D'après les résultats de notre enquête, les jeunes urologues français se sentent plus à même que leurs collègues Européens pour réaliser tous les actes de chirurgie urologique. Plusieurs facteurs sont pro- bablement à l'origine de ce constat. D'abord, la densité de la forma-

tion des internes français est incontestable [8,9] . Les français pas- sent davantage de temps dans le service où ils sont affectés que leurs collègues des autres pays pendant la durée de leur stage [7]. Si la pénibilité de ces contraintes horaires est de plus en plus sou- vent contestée, il n'en reste pas moins qu'elle permet d'être confion- tée à des situations cliniques beaucoup plus variées. La durée heb- domadaire du travail en France est actuellement plus importante en France que dans les autres pays de l'union. Toutefois, ce n'est pas sans poser quelques problèmes pour l'avenir car la directive Euro- péenne 93/104/CE du 23 novembre 1993 limite la durée maximale

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Tableau ZK Habilité de l'interne a réaliser un acte de chirurgie en fonction de la présence ou non d'un senior référent au cours de la formation.

Pas de Tuteur Tuteur Actif P

Chirurgie ouverte majeure 4,5 5,7 0,09 Chirurgie ouverte mineure 9 11,2 0,02 Chirurgie endoscopique 11,7 12,9 0,36 Chirurgie laparoscopique 1 2 2,9 0,03

Echelle de cotation de O à 20

du travail hebdomadaire à 48 heures, gardes incluses. L'application de cette directive fait encore à l'heure actuelle l'objet de nombreu- ses dérogations qui ne sont que temporaires [14, 151.

Autre point important, le faible nombre d'internes affectés dans chaque service en France est un élément qui favorise incontestable- ment l'accessibilité du bloc opératoire et la réalisation précoce d'ac- tes techniques. La variété des terrains de stage et des services sus- ceptibles de recevoir des internes d'urologie est un autre atout mani- feste de l'internat français [8, 161. En multipliant les expériences, les internes peuvent se forger une "culture chirurgicale" unique en Europe. Il est toutefois possible que cette spécificité disparaisse dans les années à venir. Depuis 3 ans, les pouvoirs publics ont déraisonnablement augmenté le nombre d'internes de chirurgie nommés aux ENC (> 30%) sans garantir à chacun la même qualité de formation [17, 181. Les opportunités de réalisation de stages dans des services Européens qui sont offertes par I'European Uro- logy Scholarship Programme (EUSP) de 1'European Association of Urology (EAU) s'inscrivent parfaitement dans cette logique de diversification des sites d'enseignement. Toutefois ils sont très peu utilisés par les internes Français à l'heure actuelle.

La mise en place du cahier de l'interne est déjà une réalité dans la grande majorité (67% à 74%) des pays européens [IO]. Contre toute attente, nos résultats prouvent l'utilité de ce document pour la for-

Tableau K Habilité de l'interne à réaliser un acte de chirurgie en fonction de l'utilisation ou non du cahier de l'interne pendant son cursus.

Pas de cahier Cahier de L'Interne p

Chirurgie ouverte mineure 9,O 10,7 0,08 Chirurgie ouverte majeure 4 2 6 9 0,03 Chirurgie endoscopique 11,l 14,2 0,002 Chirurgie laparoscopique 1 2 3,3 0,12

Echelie de cotation de O à 20.

système de formation à la seule compétence chirurgicale [20]. L'u- rologie est une discipline mixte, où la prise de décision médicale a souvent son importance. De surcroît, il est légitime de savoir poser les bonnes indications avant de proposer une intervention. Les internes français ont passé moins de temps dans les services d'uro- logie que leurs collègues européens, ce qui restreint, in fine, leur apprentissage théorique au sein des équipes 110, 161. En revanche, la France dispose d'un système sophistiqué d'enseignement théo- rique, l'Enseignement du Collège d'urologie (E.C.U.). Pour tran- cher, la comparaison des résultats nationaux lors du Board Euro- péen d'urologie serait probablement un bon critère de jugement. Enfin, certains domaines sont malheureusement négligés dans le cursus des urologues français: l'apprentissage de la langue anglaise, l'initiation à la recherche fondamentale et la rédaction scientifique [3, 101. Au-delà de ces résultats préliminaires, nous souhaitons donc poursuivre le dépouillement des formulaires reçus et obtenir encore davantage de réponses, en particulier sur le plan des connaissances théoriques et de la recherche. Ce questionnaire pour- rait également nous conduire à évaluer de la même manière le sys- tème américain sous réserve que nos collègues d'outre-atlantique acceptent de se prêter au jeu des comparaisons.

CONCLUSION

mation chirurgicale. Le cahier, en listant les principales interven- D'un point de vue technique, la formation chirurgicale des jeunes

tions chirurgicales, permet d'homogénéiser les pratiques et finale- urologues français semble supérieure à celles des autres pays euro-

ment d'apprécier la progression et l'expérience individuelle de péens. Les facteurs associés à une meilleure formation technique en

chaque opérateur. Il existe plusieurs versions de ce cahier de i'in- Europe sont le nombre limité d'internes par service, la grande varié-

terne, dont une version Européenne est fournie par l'EBU. Une har- té de terrain de stage et l'utilisation du cahier de l'interne. La pré-

monisation des différentes versions en une version unique permet- sence d'un tuteur actif est également associé à une meilleure for-

trait une meilleure comparaison entre les pays. La présence d'un mation technique, mais fait défaut en France.

senior référent est aussi la garantie d'un meilleur contrôle de la for- mation chirurgicale. La vigilance de ce tuteur permet ainsi de pal- lier suffisamment tôt à certaines carences dans le cursus chirurgical du candidat qui sont objectivées par le cahier de l'interne. En Fran- ce, à part le coordonnateur régional du DESC, les jeunes urologues n'ont pas d'interlocuteur référent responsable de leur parcours indi- viduel. L'évaluation du niveau technique réel d'un opérateur est dif- ficile et, sur le plan pratique, il n'a pas été possible de l'évaluer autrement que par notre questionnaire. Cela induit obligatoirement une part de subjectivité qui doit être prise en compte dans l'analyse des résultats. Par ailleurs, l'utilisation d'un questionnaire en anglais peut induire quelques réponses erronées.Toutefois, une étude a clai- rement démontré que les auto-questionnaires permettaient une bonne évaluation globale du niveau réel des urologues en formation ~ 9 1 .

La facilité d'accès au bloc opératoire dans les services français exerce depuis toujours une force d'attraction singulière sur les jeu- nes recrues (choix des DES, présence des étrangers, ...) [8, 161. Il semble toutefois délicat de limiter l'évaluation de la qualité d'un

Nota Bene : Cette étude a fait l'objet d'une communication orale au 100""' congrès de I'AFU, Paris, Palais des congrès, le 30 Novembre 2006.

Remerciemenîs :Au Professeur Saad Khoury, Secrétaire de la 6th Consultation on Prostate Diseases et au Professeur Heindrik Van Poppel, Chairman de llEuropean School of Urology, pour avoir facilité la distribution et la collecte des questionnaires.

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Page 6: La formation chirurgicale des urologues français est-elle plus efficace que celle des autres pays européens ?

S. Lamé et coll.. Progrès en I Jroloyic (2007). 17, 92-97

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SUMMARY

1s the surgical training of French urologists more effective than that of urologists in other European countries ?

Objective : To compare the level ofsurgical tmining of' French itzterns

with thut of'interns in other European couritries.

Material and methods : Between 2005 und 2006, an exhau.stive ques-

tionnaire (www.esnz.net) wus sent to 288 young crro1ogist.s in 30 d@-

rent Euvopean countries. Inteuns were classified into 3 groups: France

(guoup 1, n= 28), Western Europe (group 2, n= 75) and Eastern Europe

(gr-oup 3, n=85). Items concerning surgicalpractice were analysed.

Re.s~.sults : The mean age ($the interns wa.v 30.8 years (25.7-35.8), 34.6

years (27.4-48.0) and 31.3 yeavs (25.3-51.3) in groups 1 to 3, respecti-

vely. The meun nunzber of'months oj'urology training wus 28 months

(6-60), 44 months (6-72) and 37 months (2-120), respectively. The

mean of weekly working time was 70 hours (40-YO), 60 hours (35-90)

and 65 hours (40-100). French interns were technicully more ut ease

than interns in groups 2 or 3 ,for al1 surgical procedures (open, lapu-

roscopic, endourologicai). Certain criteria ulere signzficantiy (p< 0.05)

associated with a better level of technical skills: the number ofweekb

working hours, the small number of'interns per department, the diver-

sity ofinternships, the use of the intern record and the presence of an

active tutor

Conclusion : French interns appear to learn urologicul surgicalproce-

dures more eusily than other European interns. However; the scientific

training of interns must also be evaluated in order to propose a globul

assessment system qf urology training in Europe.

Key words : internship and residency, training, career choice, surgery.

urology, motivation.