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Le Praticien en anesthésie réanimation (2009) 13, 90—103 MISE AU POINT Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière à la réhabilitation Spinal cord injury: From prehospital care to rehabilitation Laurent Benayoun , Sébastian Pease Service de réanimation chirurgicale, CHU de Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France Disponible sur Internet le 10 avril 2009 MOTS CLÉS Traumatisme médullaire ; Déficit neurologique ; Score ASIA ; Tétraplégie ; Paraplégie Résumé Le traumatisé médullaire est le plus souvent un homme de moins de 25 ans, victime d’un accident de la voie publique. Certaines lésions médullaires peuvent passer inaperc ¸ues et avoir des conséquences désastreuses pour l’avenir. C’est lors de la prise en charge préhospi- talière que le pronostic fonctionnel neurologique se joue. En effet, la survenue concomitante d’une hypotension artérielle, qui se prolonge par un choc hémorragique ou une sympathoplé- gie, et d’une hypoxémie (SpO 2 < 90 %) grève la possibilité de récupération sensitivomotrice. Sur les lieux de l’accident, un bilan clinique clair et précis permet d’établir un score de gravité (American Spinal Injury Association [ASIA]). Celui-ci permet ensuite d’aider à programmer le délai opératoire, selon le caractère complet ou non du déficit. Aucune thérapeutique médica- menteuse n’a actuellement fait la preuve d’un bénéfice quantifiable sans innocuité pour les patients. La chirurgie est encore le traitement de référence. Bon nombre de tétraplégiques ou de paraplégiques hauts vivent avec un handicap plus ou moins sévère selon le degré de dépen- dance à la ventilation mécanique. L’objectif de la médecine réadaptative est de réduire ce handicap en redonnant le maximum d’autonomie. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Spinal cord injury; Neurological deficit; ASIA score; Summary The diagnosis of an unstable spinal cord injury is sometimes difficult. A missed injury may have devastating long-term consequences. Spinal cord injury commonly occurs in young men after a traffic road accident. The neurological prognostic is dependent on pre- hospital care. Hypotension, related to haemorrhage and/or vasoplegia, and hypoxaemia may worsen neurological damage. A complete initial check up is mandatory according to a severity Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Benayoun). 1279-7960/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2009.03.003

Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière à la réhabilitation

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2009) 13, 90—103

MISE AU POINT

Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière àla réhabilitation

Spinal cord injury: From prehospital care to rehabilitation

Laurent Benayoun ∗, Sébastian Pease

Service de réanimation chirurgicale, CHU de Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc,92110 Clichy, France

Disponible sur Internet le 10 avril 2009

MOTS CLÉSTraumatismemédullaire ;Déficit neurologique ;Score ASIA ;Tétraplégie ;Paraplégie

Résumé Le traumatisé médullaire est le plus souvent un homme de moins de 25 ans, victimed’un accident de la voie publique. Certaines lésions médullaires peuvent passer inapercues etavoir des conséquences désastreuses pour l’avenir. C’est lors de la prise en charge préhospi-talière que le pronostic fonctionnel neurologique se joue. En effet, la survenue concomitanted’une hypotension artérielle, qui se prolonge par un choc hémorragique ou une sympathoplé-gie, et d’une hypoxémie (SpO2 < 90 %) grève la possibilité de récupération sensitivomotrice. Surles lieux de l’accident, un bilan clinique clair et précis permet d’établir un score de gravité(American Spinal Injury Association [ASIA]). Celui-ci permet ensuite d’aider à programmer ledélai opératoire, selon le caractère complet ou non du déficit. Aucune thérapeutique médica-menteuse n’a actuellement fait la preuve d’un bénéfice quantifiable sans innocuité pour lespatients. La chirurgie est encore le traitement de référence. Bon nombre de tétraplégiques oude paraplégiques hauts vivent avec un handicap plus ou moins sévère selon le degré de dépen-dance à la ventilation mécanique. L’objectif de la médecine réadaptative est de réduire cehandicap en redonnant le maximum d’autonomie.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary The diagnosis of an unstable spinal cord injury is sometimes difficult. A missed

KEYWORDSSpinal cord injury;Neurological deficit;ASIA score;

injury may have devastating long-term consequences. Spinal cord injury commonly occurs inyoung men after a traffic road accident. The neurological prognostic is dependent on pre-hospital care. Hypotension, related to haemorrhage and/or vasoplegia, and hypoxaemia mayworsen neurological damage. A complete initial check up is mandatory according to a severity

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Benayoun).

1279-7960/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pratan.2009.03.003

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Quadriplegia;Paraplegia

score established by the American Spinal Injury Association (ASIA). The delay to surgery isplanned according to the severity of the neurological deficit. No other treatment has beendemonstrated to be effective so far. Many patients with quadriplegia or high-paraplegia havea long-term outcome, even if they need the support of controlled ventilated. The aim of therehabilitation process is to improve patient’s autonomy.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

La prise en charge des traumatismes médullaires doit tenircompte du contexte dans lequel ces lésions surviennent. Eneffet, de multiples lésions organiques faisant suite à un poly-traumatisme (chute de grande hauteur, accident de la voiepublique) mettent au second plan diagnostique et théra-peutique les lésions médullaires fonctionnelles. Les troublesde la conscience, secondaires aux insuffisances circulatoireset/ou aux poly-intoxications et/ou au traumatisme crâniengrave, peuvent rendre difficile l’examen clinique et, de cefait, les lésions de la moelle peuvent être sous-estimées,voire totalement oubliées.

Plusieurs séries de la littérature rapportentun taux de lésions médullaires ignorées de

l’ordre de 33 % [1,2].

Les conséquences de ces erreurs diagnostiques sontimportantes, sur un plan individuel et collectif, du fait desconséquences économiques liées à la prise en charge despatients paraplégiques et tétraplégiques. Il faut donc sou-ligner la pertinence du dogme du « traumatisme médullaireexistant jusqu’à preuve du contraire ».

L’examen clinique neurologique précis de tout accidentépermet le premier tri entre des patients qui nécessitentdes examens complémentaires (radiographies, tomoden-sitométrie [TDM], résonance magnétique) et ceux pourqui tout risque de lésion instable est formellement éli-miné. Bien évidemment, seuls les patients conscientspeuvent bénéficier d’une telle procédure. Pour les autres,d’éventuelles lésions discoligamentaires parfois pressentiessur la cinétique (« coup du lapin » de la décélération brutale)imposent une investigation supplémentaire, parfois diffé-rée par d’autres priorités lésionnelles. De plus, environ 5 %des traumatisés ont deux ou plusieurs sites fracturaires, pasobligatoirement adjacents. Il n’est donc pas rare d’ignorerdes lésions thoracolombaires lors de la prise en charge detraumatismes cervicaux avérés. [1].

En France, on estime à près de 10 000 le nombre detraumatismes du rachis annuel, de gravité très variable(symposium SOFCOT 1995), allant de la simple fracture apo-physaire épineuse ou transverse, jusqu’à la luxation-factureinstable sur plusieurs étages. Environ 60 % d’entre eux ontun traitement orthopédique simple associant une immobi-lisation externe et une restriction temporaire à la mise en

charge. Un traitement chirurgical est nécessaire pour les40 % restant. On dénombre, finalement, environ 1000 à 1500nouveaux cas par an de lésions graves. Celles-ci surviennentlors d’un polytraumatisme dans trois quarts des cas, avecune mortalité globale estimée à environ 15—20 %. Le risque

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e déficit moteur définitif est important, son pronosticépend d’une prise en charge médicochirurgicale rapidet optimale. Les indications opératoires doivent donc êtreosées au sein d’équipes entraînées et dans des centres où’activation de réseaux de soins (chirurgiens, anesthésisteséanimateurs, infirmières, kinésithérapeutes et ergothéra-eutes, assistantes sociales, diététiciens, thérapeutes de laédecine physique et réadaptative) est aisément réalisable,

fin de faciliter le parcours de soins.Une conférence d’expert francaise sur la prise en charge

es blessés médullaires est disponible depuis 2003 [3]. Cetrticle n’a pas vocation de la réinventer. Cependant, mêmei les bases fondamentales de prise en charge sont éta-lies depuis plusieurs années et ainsi colligées au sein dea conférence d’expert, il convient de mettre à jour cer-aines données, notamment sur le moment de la chirurgiet la gestion des déficits permanents.

hysiologie et physiopatholgie du rachis

e rachis est constitué de plusieurs segments. Il contientrois segments verticaux et deux segments horizontaux. Leegment vertical antérieur comprend les corps vertébrauxt les disques. Le segment vertical moyen est constitué despophyses transverses, des massifs articulaires et du canalachidien. Le segment vertical postérieur comprend essen-iellement les apophyses épineuses. Le premier segmentorizontal est constitué de la vertèbre elle-même. Le secondegment horizontal comprend le segment mobile, lui-mêmeontenant le ligament longitudinal antérieur, le disque inter-ertébral, le ligament longitudinal postérieur, les capsulesrticulaires, le ligament jaune, le ligament interépineux ete ligament supraspinal (Schéma 1).

On distingue :les lésions discoligamentaires comme les entorses graves,les luxations et les fractures-luxations dont l’instabilitéest horizontale et durable sans traitement chirurgical ;les lésions discocorporéales à type de fractures-tassements ou à type de fractures comminutives dontl’instabilité est surtout antérieure et verticale ;les lésions de type mixte souvent complexes et associantles deux modes d’instabilité.

Les traumatismes médullaires peuvent faire suite soit àne hyperflexion (décélération rapide, accident de plon-

eon) entraînant des lésions qui prédominent sur le segmentntérieur de la vertèbre, soit à une hyperextension (« coupu lapin » lors des grandes accélérations ou lors des percus-ions par l’arrière) conduisant à une atteinte prédominantur le segment postérieur, soit à une compression menant
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92 L. Benayoun, S. Pease

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chéma 1. Les segments verticaux et horizontaux. Le segment m. Le ligament longitudinal postérieur. D. Les capsules articulaireupraspinal.

des fractures tassements corporéales complètes ou cor-oréales incomplètes antérieures (« tear-drop »). Certainesirconstances peuvent être responsables de l’intrication delusieurs mécanismes qui mènent à des associations lésion-elles très instables.

rise en charge préhospitalière

a phase préhospitalière doit répondre à trois impératifsrincipaux dont dépendent le pronostic vital immédiat, maisgalement le pronostic fonctionnel :le maintien d’une ventilation et d’une oxygénation adé-quates ;l’assurance d’une bonne perfusion tissulaire donc d’unehémodynamique stable ;la répétition de l’examen neurologique, associée à unesurveillance de la température.

La prise en charge initiale doit aussi pouvoir estimere potentiel évolutif des lésions en termes de stabilité deéformation et donc de retentissement neurologique.

e ramassage et l’immobilisation

es traumatismes médullaires sont difficiles à trier sur lesieux de l’accident. En effet, on ne sait toujours pas, auu d’une littérature pourtant abondante, quels sont les cri-ères prédictifs fiables d’instabilité du rachis. En tout étate cause, l’immobilisation par minerve cervicale rigide ouatelas coquille est toujours requise lors des traumatismes

ermés à haute cinétique. La question reste entière pour desraumatismes de cinétique plus faible (ou considérés commeels), car elle est liée à l’appréciation des soignants, à’état de conscience du patient et aux défaillances d’organe

ssociées mettant en jeu le pronostic vital. La perforationirecte de l’axe rachidien rend très instable les fracturesésultant de traumatismes pénétrants par arme à feu, soitar la lésion directe sur les massifs articulaires, soit indirec-ement par l’effet de blast. En revanche, il n’est souvent

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. A. Le ligament longitudinal antérieur. B. Le disque intervertébral.Le ligament jaune. F. Le ligament interépineux. G. Le ligament

as nécessaire d’immobiliser le rachis après agression à’arme blanche et même après traumatisme crânien balis-ique, car l’effet de mouvement rapide et bref du crâne lorse l’impact s’associe très rarement à des lésions du rachiservical. De plus, l’indication d’une immobilisation doitouvoir être très largement discutée en présence de lésionsrganiques entraînant une instabilité hémodynamique.

Si un dispositif assurant l’immobilisation du rachis est ins-allé, il ne doit être retiré ou modifié qu’à l’arrivée au centreospitalier. Il existe plusieurs longues planches ou cuillèresui permettent le ramassage des patients. Les techniquese valent et dépendent essentiellement de l’habitude desecours sur place. Les planches plus courtes exposent auisque de mouvements plus amples lors des transferts etoivent rester d’emploi exceptionnel. Pour le rachis cervi-al, le geste de mise en place du collier doit être effectuén l’absence de douleur et de détérioration neurologique,uquel cas il faudrait abandonner la procédure et tenter’immobiliser en l’état. Pour le reste du rachis, la posi-ion idéale est le décubitus dorsal sur surface ferme, leatelas-coquille étant l’outil le plus adapté. Un transport

n décubitus latéral (même coquillé) peut s’avérer utileors d’une difficulté à la mobilisation en raison de douleursntenses et en cas de doute sur une luxation postérieureui pourrait s’avérer mal réduite par le positionnement enécubitus dorsal. L’agitation du patient (intoxiqué, trauma-isé crânien confus, en insuffisance circulatoire) peut rendrempossible toute immobilisation. Il convient de préférer’absence de contention à une tentative de stabilisation àout prix qui contraint le patient à une lutte contre les dis-ositifs mis en place. À l’arrivée à l’hôpital, le retrait desutils d’immobilisation ne se fait qu’après avoir pris la pré-aution d’être nombreux pour soulever le patient. On profitee ce moment pour examiner le dos du patient lors du sou-èvement ou de la rotation en monobloc. Pour cela, quatre

ersonnes sont souvent nécessaires. Une première personneour maintenir le mobile tête-rachis cervical et coordonneres mouvements, une deuxième pour le thorax, une troi-ième sur la ceinture pelvienne et une dernière pour leseux jambes. Le retrait du matelas coquille permet alors
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Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière à la réhab

de poser le patient sur une planche de transfert, idéalepour effectuer sans trop de risques les mouvements ulté-rieurs (scanner, bloc opératoire) qui doivent être réduitsà un nombre minimum. L’absence de douleurs à la palpa-tion des épineuses cervicales et à la mobilisation active durachis permet le retrait définitif du collier cervical seule-ment si l’état de conscience est normal et s’il n’existe pasde lésions trop algiques, car l’analgésie obtenue peut mas-quer les douleurs lors de la mobilisation du rachis cervical.Si le patient est comateux ou sédaté, le collier cervicalrigide est laissé jusqu’à la réalisation d’une TDM qui éli-mine les lésions ostéoarticulaires, puis on laisse un colliermousse pendant au moins trois semaines. Chez le patientdevenu conscient (sortie de coma, levée de la sédation), onpeut également ôter le collier mousse (avant trois semaines)après avoir effectué des clichés dynamiques qui permettentl’élimination de lésions discoligamentaires.

Certaines procédures, comme l’intubation orotrachéale,imposent parfois le retrait transitoire du collier cervi-cal rigide. Dans ce cas, un maintien manuel de l’axetête—cou—tronc doit rester permanent pendant toute laprocédure. L’intubation orotrachéale en urgence se fait àtrois personnes. Une qui maintient l’axe tête—cou—tronc,une deuxième qui maintient une pression cricoïdienne(manœuvre de Sellick) et la troisième à l’intubation.L’utilisation d’un curare dépolarisant n’est pas contre-indiquée. Les fasciculations observées lors de l’injection desuxaméthonium n’entraînent jamais de mouvement suffi-samment important risquant le déplacement d’une fractureinstable du rachis. Il en est de même pour la manœuvre deSellick, dont certains estiment qu’elle pourrait déplacer lerachis lors de sa réalisation. La poussée exercée ne peutêtre réellement à l’origine d’un déplacement, car, même

mal effectuée, la pression n’est pas suffisante. A contra-rio, le risque d’inhalation est maximum chez des patientsdont l’estomac est plein et qui sont susceptible d’avoir unegastroparésie et des troubles de conscience.

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Schéma 2. Le diagramme de Hall. PGF2 alpha : prostaglandine F2 alphphage migration inhibitory factor ; RLO : radicaux libres de l’oxygène ; A

tion 93

es trois impératifs

i l’intubation n’est pas requise, un apport supplémentairen oxygène s’impose pour tenter de minimiser le dévelop-ement de lésions secondaires (ischémie—reperfusion) enériphérie de la zone traumatique (Schéma 2). Le relargagee certains acides aminés excitateurs, comme le glutamate,acilite l’entrée intracellulaire de calcium qui déclenchene cascade d’évènements favorisant la destruction cellu-aire [4]. D’autres lésions cellulaires peuvent majorer lesésions neurologiques secondaires. Il s’agit des troubles duétabolisme énergétique mitochondrial, de l’altération de

ertaines pompes ioniques, de la mauvaise clairance desadicaux libres de l’oxygène produits en excès et de l’excèse la réponse astrocytaire avec implication du transformingrowth factor-beta (TGF-�) [5]. Le pronostic fonctionnel,onc le niveau lésionnel définitif, pourrait en dépendre6].

Le choc spinal s’accompagne régulièrement d’un syn-rome sous-lésionnel. En fonction du niveau lésionnel, lesatients peuvent présenter une sympatholyse plus ou moinsévère, responsable d’une vasodilatation sous-lésionnelle et’une hypotension artérielle (Schéma 3). Le remplissageasculaire est moins efficace à rétablir la pression artérielle.a perfusion continue de catécholamines est souvent néces-aire. Même si les travaux expérimentaux et cliniques neont pas nombreux en la matière, l’hypothèse d’une régula-ion de la pression de perfusion médullaire a été proposée,l y a déjà 20 ans, par Guha et al. [7,8], dans des situationse traumatismes médullaires hauts situés. Pour cela, on’efforce de maîtriser également d’autres agressions secon-aires d’origine systémiques, comme l’anémie (hématocriteaintenu au-dessus de 8 g/dl ; avis d’expert sans niveau de

reuve élevé), l’hyperglycémie (pas d’utilisation d’extrait’amidon mais préférence pour le sérum physiologique poure soluté ; là encore, sans niveau de preuve pertinent),’hypoxémie (SpO2 > 95 %), l’hypercapnie (pCO2 < 35 mmHg).

a ; TXA2 : thromboxane A2 ; PGI2 : prostaglandine I2 ; MIF : macro-A : acides aminés.

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94 L. Benayoun, S. Pease

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Encadré 1

Les corticoïdes dans le traumatisme médullaire• Concept : il s’agit d’une corticothérapie à

hautes doses (30 mg/kg par voie intraveineuseen 15 minutes, puis 5,4 mg/kg sur 23 heures) quipourrait prévenir la survenue des lésions médullairessecondaires. Les effets potentiels des corticoïdessont : la possibilité de limitation de l’œdèmevasogénique, la chélation des radicaux libres del’oxygène, la stabilisation membranaire (protectionde la barrière hématoméningée) et la réduction dela réponse inflammatoire.

• Études NASCIS 1, 2 et 3 [9—11] : 330, 487 et 499patients ont été inclus respectivement. L’étudeNASCIS 1 (1 g/j, puis 100 mg/j pendant dix jours),sans groupe placebo n’a pas démontré de bénéfice.NASCIS 2 (protocole 30 mg/kg, puis 5,4 mg/kg) avecgroupe placebo a démontré un bénéfice sur lamotricité et la sensibilité à six mois pour despatients paraplégiques avec déficit complet ouparesthésiques avec déficit incomplet variable, quiavaient recu les corticoïdes avant la huitième heure.NASCIS 3 (même protocole de perfusion que NASCIS 2)avec un groupe placebo et un groupe lazaroïde(méthylate de tirilazad) a montré une efficacitéclinique à six semaines et six mois mais plus du toutà un an.

• Complications : chez les patients sous corticoïdes,une augmentation significative du nombred’infections de paroi et d’hémorragies digestivesa été retrouvée au cours de NASCIS 2 ainsi que dunombre de sepsis et de pneumopathies au coursde NASCIS 3. Des cas de myopathie ont été décrits.L’hyperglycémie résultante d’une intoléranceaux hydrates de carbone décompensée par lescorticoïdes nécessite un contrôle de la glycémie,comme lors des traumatismes crâniens graves,car elle pourrait majorer les lésions neurologiquessecondaires (Grade E).

• Critiques : outre les complications induites parles corticoïdes, les études NASCIS ont étélargement discutées dans la littérature. Lesprincipales remarques ont fait référence auxcritères d’inclusion des patients (niveaux lésionnelsdifférents), à la prise en charge médicochirurgicalenon standardisée, aux résultats limités à unseul côté (à droite), à l’absence d’étude derécupération fonctionnelle, aux erreurs d’analysestatistique. Au total, les études NASCIS permettentune recommandation au mieux de niveau IIIou Grade D (faible puissance). De plus, si onsouhaite être tout à fait complet, l’inhibition de lalipoxygénase par les corticoïdes réduit la capacitéde métabolisme des lipides complexes relargués lorsde la cascade inflammatoire qui suit le traumatismeet, donc, expose la moelle à une toxicité directe.Certains auteurs recommandent même de ne

chéma 3. La chaîne sympathique latérovertébrale.

Les experts internationaux et francais n’ont paspté pour une recommandation concernant l’utilisationes corticoïdes à hautes doses en raison de l’absencee preuves d’efficacité clinique suffisantes. Les étudesASCIS (I, II et III) [9—11], randomisées et contrô-

ées, montraient une efficacité clinique peu convaincanteEncadré 1 ).

La répétition de l’examen clinique doit être systéma-ique lors des différentes phases préhospitalières (arrivéeur place, après ramassage, au cours de l’immobilisation,ors du transport). Une surveillance de la température estndispensable, car l’hypothermie se produit rapidement paredistribution de chaleur (comme au cours de l’anesthésieachidienne) non compensée par un frisson (pas de contrac-ion musculaire).

’arrivée à l’hôpital

’examen neurologique du blessé médullaire

’examen doit être simple et méthodique pour dépister

u suivre l’évolution des lésions neurologiques. Ainsi, leisque d’ignorer une lésion devient faible. L’examen chezn patient conscient est facilité par l’apparition d’une dou-eur constante et d’une contracture musculaire au niveau

pas perfuser de méthylprédnisolone au vu de la

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Encadré 1 (Suite )

réduction importante des effets protecteurs del’érythropoïétine sur la moelle [36].

Les autres choix thérapeutiques de laneuroprotection médullaire• Les gangliosides : ce sont des composants de la

membrane cellulaire du système nerveux central.Deux études contre placebo ont été menées avec desprocédures standardisées. Pour chaque étude, lesauteurs utilisaient concomitamment des corticoïdes.Il en résultait un bénéfice sensitivomoteur trèsréduit. Cependant, il n’était noté aucun effetnéfaste. [37].

• Les antagonistes des récepteurs NMDA : une étudefrancaise multicentrique, incluant des traumatismesmédullaires sévères (trois quarts de paralysiescomplètes) suivis pendant un an, ne notait aucunedifférence significative entre les groupes traités etplacebo en termes de récupération sensitivomotriceévaluée sur le score ASIA.

• L’érythropoïétine : elle est exprimée au niveaudu système nerveux central. Lors de modèlesexpérimentaux de traumatismes médullaires on luiaurait attribué un rôle protecteur vis-à-vis del’ischémie neuronale et de l’apoptose neuronale, enréduisant notamment la concentration de calciumintracellulaire et la production de NO [35].

• La naloxone a été évaluée sur des patients ayant deslésions complètes ou incomplètes avec un bénéficeidentifié pour des doses élevées chez une majoritéde patients ayant un déficit incomplet [38].

• Les inhibiteurs calciques (nimodipine) : il existeune étude expérimentale francaise qui conclut àl’amélioration du débit sanguin médullaire après untraumatisme médullaire chez le babouin. Pas dedonnées en clinique humaine [39].

• Le sulfate de magnésium : plusieurs étudesexpérimentales sur un modèle de moelle derat traumatisée ont la preuve d’une efficacitésignificative, en termes de diminution del’activité de la myélopéroxydase (MPO) [40],de réduction de l’apoptose induite par la caspase-3 [41], de préservation cellulaire neuronale etvasculaire [42] et de réduction de l’infiltratinflammatoire [43]. Pour chaque travail, les scoresde fonction neurologique sont meilleurs pourles rats traités par magnésium à fortes doses(600 mg/kg).

• L’interféron-bêta humain : une étude expérimentalesur un modèle de contusion médullaire chez lerat démontre un bénéfice significatif sur l’activitémyélopéroxydase (infiltration neutrophilique), surla peroxydation lipidique et sur des critèresultrastructuraux de la moelle [44].

Encadré 1 (Suite )

D’autres substances ont été essayées et certaines avecdes effets intéressants• Le Resveratrol, une molécule anti-oxydante présent

dans le vin rouge et à l’origine du « French Paradox »sur la protection cardiovasculaire attribuée à laconsommation modérée de vin [45,46] a aussi despropriétés anti-inflammatoires qui ont été évaluéessur un modèle expérimental de moelle traumatiséeavec des effets cliniques (score neurologique)bénéfiques.

• La Nigelle (Nigella Sativa), une épice présente dansla nourriture indienne aurait des effets supérieursaux corticoïdes sur la limitation de l’extension deslésions secondaires dans une étude expérimentalerécente [47].

• La mélatonine a été testée sur des rats traumatiséset semble plus efficace que la méthylprédnisolonesur les lésions cellulaires (moins d’altérationscytoplasmiques) [48].

• La progestérone a également été testée avec pourelle aussi des résultats in vitro très satisfaisants[49].

La correspondance lésionnelle aux membres supérieurset inférieurs.

Racine Activité motrice

C4 InspirationC5 Flexion coudeC6 Extension poignetC7 Extension coudeC8 Flexion des doigtsL2 Flexion HancheL3 Extension genouL4 Flexion dorsale piedL5 Extension gros orteilS1 Flexion plantaire

dumglSt(Ao•

u foyer de fracture. Le niveau lésionnel est précisé parn examen de la motricité et de la sensibilité des quatreembres, du tronc et du périnée. Il est de rigueur de consi-

ner par écrit les résultats de cet examen. Afin de facilitereur tracabilité, il est préconisé d’utiliser le score Americanpinal Injury Association (ASIA) qui a l’avantage de concen-rer sur une seule page un examen sensitivomoteur bilatéralSchéma 4). Cette échelle permet ensuite d’établir un scoreSIA en cinq grades correspondant à la déficience complèteu non :Grade A : lésion complète sans préservation sensitivomo-trice sur les segments sacrés S4-S5 ;Grade B : lésion incomplète avec préservation d’une fonc-tion sensitive mais non motrice au niveau sacré ;

Grade C : lésion incomplète avec préservation d’une fonc-tion motrice en dessous de la lésion avec une forcemotrice < 3 ;
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96 L. Benayoun, S. Pease

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chéma 4. Le score ASIA.

Grade D : lésion incomplète avec préservation d’une fonc-tion motrice en dessous de la lésion avec une forcemotrice > 3 ;Grade E : fonction sensitivomotrice normale.

Il ne faut jamais hésiter à répéter un examen cliniqueouteux ou objectivant un déficit en mosaïque. L’attitudehirurgicale qui découle des conclusions de l’examen cli-ique peut être variable. Le score de Frankel (Schéma 5) et’analyse de la stabilité lésionnelle permettent de détermi-er l’urgence de la fixation chirurgicale.

Au terme de l’examen, si le patient est conscient, non

ntoxiqué, qu’il n’a aucune douleur spontanée ou provo-uée et qu’il n’est pas déficitaire, on peut raisonnablementonclure à l’absence de lésion du rachis [12]. Si le patient’est pas conscient ou semble intoxiqué (alcool, autolyseédicamenteuse) ou encore trop imprégné en opioïdes, il

ruada

onvient de considérer qu’il existe une lésion jusqu’à sonlimination par l’imagerie.

Il est nécessaire de connaître la correspondance lésion-elle pour établir l’atteinte motrice. Celle-ci peut êtreapidement effectuée par l’utilisation de cinq mouvementsux membres supérieurs qui correspondent aux racines ner-euses de C4 à C8 et de cinq autres aux membres inférieursui testent les racines de L2 à S1 (Encadré 1).

es lésions médullaires complètesi le foyer fracturaire se situe au niveau cervical ou tho-acique haut, on parle de tétraplégie complète. Il existe

ne perte totale des fonctions sous-lésionnelles, avec unebsence de sensibilité, une abolition des réflexes ostéoten-ineux (ROT) et un tonus musculaire quasi nul. On parlelors de choc spinal. La disparition des réflexes peut être
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Schéma 5. Le score de Frankel : le symbole rouge identifie les délais opératoires : pas d’urgence (scores D et E) ou urgence relative(score A) et urgence absolue (scores B et C). A. Atteinte neurologique complète. Aucune fonction motrice ou sensorielle conservée en

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sous-lésionnel B. Atteinte neurologique incomplète. Fonction sensoincomplète. Fonction motrice conservée sous le niveau neurologiquD. Atteinte neurologique incomplète. Fonction motrice conservée ssupérieur ou égal à 3. E. Les fonctions sensorielles et motrices sont

transitoire (quelques jours à quelques semaines), jusqu’àl’installation d’un automatisme médullaire. Les troublespelviens peuvent associer une béance anale à une réten-tion aiguë d’urine et/ou à un priapisme avec abolition duréflexe bulbocaverneux. Il existe très souvent des troublesneurovégétatifs secondaires à la dysautonomie résultantde la paralysie de la chaîne sympathique latérovertébraleet à la persistance de l’activité parasympathique. La bra-dycardie qui en résulte est maximale au bout de trois àcinq jours et expose à un arrêt cardiocirculatoire, surtoutlors de stimulations vagales (hypertonies parasympathiques)comme les aspirations trachéobronchiques ou les mouve-ments douloureux lors des soins, d’autant plus que le patientest hypotherme et/ou hypoxémique. L’hypotension arté-rielle à différentielle élargie (du fait d’un tonus diastoliqueabsent) peut être vite majorée par la diminution du retourveineux et donc du débit cardiaque. Si la fracture est au-dessus de C4, la dépendance ventilatoire est complète.Pour des atteintes plus basses, il apparaît une paralysie desmuscles respiratoires accessoires, notamment abdominaux,dont la manifestation caractéristique est le balancementthoracoabdominal de la respiration. En fait, les mouvementsrespiratoires deviennent anarchiques du fait de l’absencede course diaphragmatique résultant du conflit entre uneinspiration peu profonde et un creusement de la paroi del’abdomen qui envoie les organes intra-abdominaux vers lethorax. Les conséquences sont une réduction de 50 % de lacapacité vitale et une augmentation du volume résiduel auxdépens du volume de réserve expiratoire. Les atélectasieset l’encombrement bronchique sont très fréquents et sont àl’origine de nombreuses infections pulmonaires récurrentesparfois mortelles. Cependant, tous les patients victimesd’un traumatisme cervical au-dessus de C5 ne nécessite-

ront pas une ventilation mécanique prolongée. Parmi les 17patients admis au cours d’une année, à l’hôpital Beaujon,avec un traumatisme médullaire cervical médian entre C4et C5, sept ont retrouvé une autonomie respiratoire sanstrachéotomie [13].

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conservée sous le niveau neurologique. C. Atteinte neurologiquemajorité de muscles clés avec score moteur inférieur ou égal à 3.niveau neurologique, majorité de muscles clés avec score moteurales.

On parle de paraplégie complète quand la fracture estn dessous de C7-D1. L’atteinte respiratoire reste réelle,

fortiori quand la lésion est haute. Au niveau de D1,e diaphragme et les muscles scalènes sont fonctionnels.haque niveau métamérique conservé permet le maintiene l’activité des muscles intercostaux correspondants. Àartir de D7 et au-dessous, on commence à voir apparaîtrees muscles abdominaux, qui sont totalement fonctionnelsi la lésion descend au-dessous de D12.

es syndromes incompletsn distingue plusieurs variantes selon la préférence de loca-

isation antérieure, postérieure, latérale de la lésion.

e syndrome de contusion centrale (syndrome’Alajouanine-Schneider) ou syndrome centromédul-airel associe des atteintes des membres supérieurs et/ounférieurs dans un tableau de tétraplégie incomplète.’évolution peut se faire vers une tétraplégie haute avec desros troubles respiratoires ou vers une bonne récupérationensitivomotrice. Ce syndrome semble concerner élective-ent des personnes âgées dans un contexte de myélopathie

ervicarthrosique préexistante.

e syndrome de contusion médullaire antérieure (syn-rome de Kahn-Schneider)e mécanisme lésionnel survient à la suite d’une destruc-ion antérieure par possible thrombose de l’artère spinalentérieure ou bien par compression par une hernie discalexclue. Il existe ainsi une atteinte motrice et thermoalgiquerédominante.

e syndrome de contusion médullaire postérieuresyndrome de Roussy-Lhermitte)e mécanisme est secondaire au traumatisme direct desléments postérieurs du rachis. Il est caractérisé par unetteinte sensitive prédominante à type d’hyperesthésie

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uperficielle et d’anesthésie épicritique. L’évolution esténéralement bonne.

e syndrome de Brown-Séquardl n’est pas rare de le retrouver lors des atteintes cervicalesncomplètes. Il associe une hémiplégie homolatérale à laésion, une anesthésie thermoalgique controlatérale et uneerte de la sensibilité profonde. Il fait régulièrement suiteun traumatisme unilatéral médullaire.

es lésions du cône médullairen le situe entre L1 et L2, mais sa position varie selon lesouvements du rachis. Les lésions atteignent les racines

ombaires et sacrées. On note donc une aréflexie vésicalet des membres inférieurs. Le pronostic de ces lésions estdapté à la possibilité ou non de récupération sphincté-ienne.

es atteintes de la queue de chevallles peuvent concerner un nombre variable de racines entre2 et S5. La récupération semble de rigueur, car ces racinesont rarement totalement arrachées. C’est l’atteinte simul-anée du cône médullaire qui grève le pronostic.

e pronostic neurologique immédiat

ans certaines situations, il existe une réelle difficulté àffectuer une discrimination précise et claire du carac-ère complet ou incomplet de certaines lésions. Cependant,ertains éléments cliniques revêtent une résonance toutearticulière s’ils sont mis en évidence. Il s’agit des troubleseurovégétatifs associant une hypotension artérielle et, sur-out, une dysautonomie avec sympatholyse et hypertonieagale pouvant conduire jusqu’à l’arrêt cardiaque. Si cesroubles neurovégétatifs sont présents, ils signent le carac-ère haut situé et donc péjorative de la lésion. Deux autresléments sont associés à un pronostic défavorable, commea présence d’un priapisme avec disparition des réflexesrémastériens et bulbocaverneux, d’une part, et présence’une béance anale, d’autre part.

Cependant, même ces signes ne doivent pas faire consi-érer la situation comme non réversible. Lors des entretiensvec les patients ou leur famille, on doit éviter lesffirmations péremptoires comme « il n’y aura jamais deécupération », car parfois on est surpris du contraire mêmei la récupération est partielle ou bien « on se prononceraéfinitivement dans un ou deux ans », phrase qui impose unettente au patient et qui réduit sa participation active à saééducation.

’imagerie du blessé médullaire

’imagerie est rendue indispensable (Grade B) par la pré-ence d’une douleur élective du rachis avec contracture enegard, la présence d’une intoxication ou lors de troublese la conscience après polytraumatisme rendant subjec-if l’examen clinique neurologique, ou encore lors de’administration d’une sédation qui peut masquer une dou-eur du rachis.

es clichés standardses clichés standards du rachis sont encore souhaités dansertains centres. Ils ne doivent pas retarder la réalisation

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L. Benayoun, S. Pease

’une TDM si possible, a fortiori pour les patients poly-raumatisés. Ces clichés radiologiques peuvent la plupartu temps affirmer la lésion et son siège, mais ils explorental la charnière cervicothoracique et la région thoracique

aute. On peut réserver ces clichés pour la réalisation’une exploration dynamique au bout de dix à 15 jours à laecherche d’une instabilité discoligamentaire chez patientsnitialement dans l’impossibilité de profiter d’un examenbjectif (coma, sédation). Ceux-ci sont à effectuer au mieuxn présence d’un chirurgien orthopédique qui surveille’apparition d’un bâillement, signe d’une luxation induitear la mobilisation.

a tomodensitométrie (TDM)a TDM est l’examen de choix (recommandation Grade B),urtout en cas de polytraumatisme, de traumatisme à hauteinétique, de traumatisme crânien grave avec troubles de laonscience et de déficit neurologique. Elle permet l’étudeu type de fracture, du canal rachidien (recul du murostérieur, fragments intracanalaires) et des trous de conju-aison. Elle permet une reconstruction en trois dimensions,ne analyse plus fine du déplacement et un examen plusapide sans trop mobiliser le patient. Une étude de 2003’est attachée à démontrer la supériorité de la TDM sures clichés radiologiques standards. Il s’agit d’une étuderospective, menée en insu (en interobservateur) chez 100atients victimes d’un traumatisme sévère. La sensibilité àétecter des fractures instables était de 97 et 33 % pour laDM et les cliches standards respectivement et la reproduc-ibilité interobservateur était meilleure pour la TDM. Bienvidemment, la dose d’irradiation délivrée lors de la TDMst largement supérieure à celle liée aux clichés standards19,5 contre 6,4 mSV) et le temps d’acquisition des imagesst supérieur pour la TDM (40 contre 33 minutes) [14].

’imagerie par résonance magnétique (IRM)’IRM présente le triple intérêt d’explorer la moelle de faconlus discriminante que les autres imageries, d’explorer’appareil discoligamentaire et de rechercher la présence’un éventuel hématome. La sensibilité et la spécificitée l’IRM sont supérieures à 90 % et la reproductibiliténterobservateur est bonne [15]. L’IRM reste difficile à effec-uer en urgence pour les polytraumatisés dans certainsentres d’accueil du fait de l’indisponibilité de matérielon ferromagnétiques. Elle est fortement indiquée dans desituations de lésions médullaires probables sans anomalieadiologique (hernie discale, contusion médullaire) ou bienors d’un déficit neurologique dans un contexte de cervicar-hrose, ou encore pour contrôler les réductions du rachiservical (tractions des fractures-luxations).

raitement

e traitement orthopédique

l est indiqué pour des lésions stables. Il est naturelle-ent basé sur la mise au repos du rachis lésé qui permet

urtout la réduction de la douleur. L’immobilisation este rigueur pour le rachis cervical (collier empêchant lesouvements antéropostérieurs) mais non obligatoire pour

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Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière à la réhab

le rachis dorsolombaire. Toute immobilisation n’empêchepas les mouvements de rééducation statique qui évitentl’atrophie musculaire.

La réduction orthopédique est parfois nécessaire. Elle sefait par un chirurgien expérimenté, alors que le patient estconscient. Une traction continue (halo crânien) est instal-lée après la manœuvre de réduction. La consolidation estobtenue en deux ou trois mois, quelques fois après un relaisentre la traction et un corset avec ou sans appui mentonnier.Pour le rachis dorsolombaire, la réduction précède la miseen place d’un corset plâtré. Puis une surveillance radiolo-gique s’installe pour vérifier la consolidation de la réductionet pour adapter la taille du corset à la fonte musculaire quiapparaît parfois.

Dans certains cas, la réduction orthopédique du rachiscervical procède de la première phase du traitement chi-rurgical.

Le traitement chirurgical

La première question qu’il convient de se poser avantd’envisager le traitement de lésions instables, qu’elles nefont pas discuter l’indication opératoire, est « faut-il opérerles fractures stables ? ». Une étude [16], incluant 47 patientsavec une burst-fracture thoracolombaire stable sans défi-cit neurologique, n’a montré aucune différence significativepour le degré de cyphose (à l’admission et lors de l’examenfinal) et le pourcentage d’obstruction du canal rachidien (àl’admission et lors de l’examen final) entre un groupe opéréet non opéré. Les auteurs ne trouvaient pas non plus de dif-férence sur les niveaux de douleur. Les patients non opérésapparaissent plus autonome dans leur quotidien (tendancenon significative) et il est noté un taux de complicationsplus important dans le groupe de patients opérés. Ce travailvient conforter plusieurs autres études dont l’approche estcomparable [17,18].

Le traitement chirurgical proprement dit doit s’attacherà respecter plusieurs impératifs tels que la levée dela compression médullaire ou radiculaire directe, lapossibilité de réduire la déformation et, enfin, la stabili-sation.

La levée de la compression et la réduction de ladéformation sont souvent simultanées lors de l’abord chi-rurgical lorsque le rachis récupère sa forme première.La stabilisation fait appel à de nombreuses méthodesd’ostéosynthèses, antérieures, postérieures, mixtes, avecou sans greffe osseuse, avec un matériel parfois très dif-férent selon les équipes chirurgicales et leurs habitudeslocales.

S’il n’existe pas de déficit neurologique préopératoire,la déambulation postopératoire précoce (j2—j3) est pré-conisée. Le lever s’effectue après avoir mis en placele corset d’immobilisation (avec ou sans minerve selonle niveau lésionnel). La consolidation survient après unedurée d’immobilisation qui varie entre trois et quatre

mois.

S’il existe un déficit neurologique préopératoire (sensi-tif), l’immobilisation est requise pour faciliter la verticali-sation, même si elle expose le patient à des compressionsaux points de maintien du corselet-minerve et, donc, à desrisques d’escarres.

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e délai opératoire

n cas de lésions rachidiennes sans signes neurologiques,’acte opératoire peut être reporté. L’heure de la chirurgieépend du caractère stable ou non de la lésion ; mécanismeésionnel complexe associant flexion et compression, luxa-ion des massifs articulaires sur plus d’un étage, rotationu niveau des charnières cervicodorsal et dorsolombaire, enait, toute suspicion de lésion associée du segment mobile.

En présence d’un déficit neurologique, plusieurs atti-udes s’opposent. Celle partisane d’une chirurgie enrgence, quel que soit le caractère complet ou non du défi-it, répond à une démarche physiopathologique de levéerécoce de la compression et de stabilisation urgente afine limiter l’extension des lésions secondaires qui peut aggra-er le tableau neurologique, même en cas de déficit completui peut être secondaire à une simple sidération médul-aire potentiellement réversible (Grade E de la conférence’experts). Une autre attitude consiste, en cas de lésionsomplètes, à différer (dans les 48 heures) l’acte opératoireonsidéré comme inutile [19]. Il n’existe pas d’études per-ettant de privilégier l’une ou l’autre de ces deux options,ême si des avis d’experts existent [20,21]. Lors des situa-

ions de déficits incomplets ou en cours d’aggravationes experts plaident unanimement pour une chirurgie enrgence (Grade E).

réparation pour le bloc opératoire

a surveillance de la pression artérielle par voie invasive estecommandée (Grade E) pour atteindre un objectif précise bonne perfusion médullaire (voir plus haut). La mise enlace d’un sondage urinaire permet d’adapter les apportsu débit de filtration glomérulaire. La surveillance de laempérature corporelle est indispensable en raison de laasodilatation périphérique. Une sonde gastrique permet’aspiration continue peropératoire d’un estomac possible-ent parétique, donc dilaté. Le changement de cette sonde’aspiration pour une autre sonde d’alimentation dans lesours qui suivent la stabilisation est recommandé pour ne pasajorer le déficit nutritionnel qui s’installe chez tout blesséédullaire ave déficit complet haut situé [22]. Le contrôlees voies aériennes des patients qui ont une lésion cervi-ale impose une réflexion préalable. Toute mobilisation d’unachis cervical instable peut entraîner un arrêt cardiaqueui fait suite à la majoration de la déformation et/ou de laompression médullaire. L’intubation se fait en présence duhirurgien et doit pouvoir maintenir l’axe tête—cou—troncvoir plus haut). Tout accident dysautonomique doit fairevoquer une mobilisation du foyer fracturaire cervical etequiert une réduction manuelle urgente (traction) et laise en place d’un halo ou d’une têtière à pointe.L’induction anesthésique se fait en situation d’estomac

lein. Cette crash induction permet l’utilisation de la suc-inylcholine durant 12 à 24 heures après le traumatismeédullaire (incomplet mais a fortiori complet). Au-delà,

l existe un risque théorique de déafférentation trop

rand pour utiliser un curare dépolarisant. La manœuvree Sellick n’est pas recommandée par les experts, sura base du principe de précaution. Cependant, commeu plus haut, la balance bénéfice/risque de l’appui cri-oïdien n’est pas clairement en faveur des risques au
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u du danger de mobiliser un rachis instable par cetteanœuvre qui semble minime dans des bonnes condi-

ions de réalisation. À l’inverse, le bénéfice du blocagehéorique de régurgitation provenant d’un estomac plein,arétique et dilaté, dans des conditions d’incompétenceiaphragmatique (balancement thoracoabdominal), paraîtlus important. L’intubation nasotrachéale vigile guidée parn fibroscope offre une possibilité d’intubation dans deonnes conditions. Elle nécessite un patient calme et misn confiance. Cette technique demande une expertise et neoit pas être mise à la disposition d’une situation impro-isée. L’intérêt des dispositifs (Airtraq®, GlidescopeTM) quivitent une luxation du maxillaire inférieure pour exposera glotte est à évaluer dans cette situation.

Du fait de la dysautonomie (sympathoplégie) parfois trèsnvalidante, l’induction de l’anesthésie peut s’avérer dan-ereuse. Les mécanismes cellulaires qui conduisent à cetteasoplégie (chute tensionnelle et bradycardie) associent leelargage de l’acétylcholine depuis les fibres parasympa-hiques et la sécrétion de monoxyde d’azote (NO) depuises cellules endothéliales via une stimulation choliner-ique [23]. Pour ces raisons physiopathologiques, il apparaîtécessaire aux yeux de certains de prémédiquer les patientsvec de l’atropine. Pour les mêmes raisons, le retourne-ent en décubitus ventral pour une chirurgie postérieureeut devenir vite ingérable. L’appréciation de la volémiepparaît donc primordiale pour ces patients vasoplégiquest sous anesthésie générale. Il n’existe pas de recommanda-ion claire qui définisse l’outil de surveillance de la volémiepression veineuse centrale, variation de la pression arté-ielle pulsée, cathétérisme droit, échocardiographie) ouui conseille un produit de remplissage plutôt qu’un autrecristalloïdes, colloïdes) ou qui prône l’utilisation des caté-holamines de première intention.

Il existe plusieurs études qui comparent un traitementhirurgical à une alternative non opératoire [15,24]. Celles-i ne mettent en évidence aucune différence statistiquentre les patients opérés et les non opérés sur les critèrese délai de reprise de travail, de douleur, de récupéra-ion après libération endocanalaire. Les auteurs avancentu’une énergie délivrée au moment du traumatisme est à’origine des lésions neurologiques. Les lésions ne seraientas secondaires à la compression du canal rachidien (reculu mur postérieur, fragments intracanalaires), car, en effet,l n’existe pas de corrélation entre la libération du canal, laestitution du profil et la récupération fonctionnelle.

a réhabilitation du blessé médullaire

e pronostic global

’incapacité qui résulte de la lésion médullaire est variable.l dépend du degré de lésion, du niveau lésionnel et de laualité fonctionnelle des fibres nerveuses atteintes. Quandlle a lieu, la récupération débute dès la première semainet se poursuit jusqu’à six mois environ. Cette incapacité à

ong terme exige la mise en place de procédures précocese rééducation avec les centres de médecine physique etéadaptative.

D’autres complications peuvent freiner cette réédu-ation. Il est question des escarres, des déformations

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L. Benayoun, S. Pease

rticulaires, des déficits nutritionnels, des fractures secon-aires (ostéopénie) et des thromboses veineuses profondes.

La première cause de mortalité des patients blessésédullaires adultes est l’infection pulmonaire (encombre-ent chronique, atélectasie, diminution de la capacité

ésiduelle fonctionnelle). La seconde cause est la maladiehromboembolique, dont le risque diminue avec le tempsour ne plus nécessiter de prophylaxie après six mois. Onhiffre à globalement 11 % le risque de thrombophlébites et% le risque d’embolie pulmonaire [25]. La première causee morbidité reste la complication uronéphrologique. Alorsue dans les années 1950, la moitié des décès était due àes causes urinaires. [26].

L’espérance de vie d’un blessé médullaire tout-venantarie de 30 à 50 ans (médiane 32 ans) [26] mais restenférieure à la population normale. Les facteurs prédictifsssociés de mortalité sont la survenue d’une hospitalisa-ion l’année précédente, une mauvaise perception de sontat de santé par le patient, la présence d’une escarre pro-onde, l’absence d’intégration professionnelle et l’absencee couverture sociale [27]. Lorsqu’il existe une dépendanceentilatoire permanente, le risque de décès est multipliéar 40 la première année [27,28].

Idéalement, pour gagner en autonomie, les soins deéhabilitation fonctionnelle doivent être débutés au course l’hospitalisation en soins aigus. La verticalisation,’hétérosondage urinaire itératif, l’orthophonie, la réédu-ation de la déglutition et la prévention d’escarres doiventaire partie du soin à initier très tôt, parfois au cours duéjour en réanimation, mais la pénurie de personnel forméla réadaptation fonctionnelle dans ces services de soins

igus complique cette tâche.

endre l’autonomie

’autonomie passe par l’évaluation du handicap ventilatoiren premier lieu.

Si le déficit tardif reste au-dessous de C7-D1, le princi-al problème reste l’encombrement bronchique requérantne kinésithérapie active quotidienne qui semble bénéfiqueGrade D). La mise en place d’une gaine abdominale systé-atique revêt un intérêt purement théorique pour certains

uteurs.Si le déficit est au-dessus de C7-D1 mais avec une autono-

ie ventilatoire, le sevrage de la ventilation mécanique et laécanulation sont possibles, parfois retardées par l’atrophieusculaire et la lente diminution de la production de CO2

t des besoins ventilatoires.Si le déficit est au-dessus de C7-D1 sans autonomie

entilatoire possible (tétraplégie haute avec paralysie phré-ique), la situation revient à déterminer le caractèreéfinitif ou non de la ventilation mécanique. L’étude élec-romyographique du diaphragme par voie de stimulationagnétique transcrânienne peut prédire l’autonomie ven-

ilatoire. En cas de déficit permanent, le patient doittre informé des implications d’une ventilation définitivetroubles de la phonation, de la déglutition, de la dépen-

ance aux aspirations) et son entourage doit être familiariséune utilisation efficace du respirateur de domicile. La misen place d’un pacing phrénique [29] permet de stimuler leserfs phréniques et de programmer, à terme, un gain ven-ilatoire réel pour des patients dont le déficit est au-dessus
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Med 1996;3:832—9.[2] Dai LY, Yao WF, Cui YM, Zhou Q. Thoracolumbar fractures

Le blessé médullaire : de la phase préhospitalière à la réhab

de C3. La stimulation permet également le sevrage ventila-toire complet sur plusieurs heures permettant l’autonomieet la limitation de la survenue d’une insuffisance respiratoire[30,31]. Il existe plusieurs facteurs pronostiques de récupé-ration sensitivomotrice. Ces éléments cliniques, recherchésdès les premiers jours qui suivent le traumatisme, per-mettent d’établir une stratégie de prise en charge initiale(délai opératoire) et d’adapter au plus juste le discourstransmis au patient et à sa famille. On compte commefacteurs de bon pronostic les préservations de la sensibi-lité sacrée, d’une sensibilité épicritique sous-lésionnelle etd’une zone sensitive partielle étendue [32,33]. C’est ainsiqu’environ 10 % des patients avec un Grade A au score ASIApeuvent récupérer leur sensibilité sacrée, mais non motrice.Parmi les patients Grade B, 30 % évolueront vers un Grade D,30 % évolueront vers un Grade C et 30 % garderont un déficitmoteur complet [32].

Les douleurs chroniques sont multifactorielles. Ellesprennent naissance aux niveaux médullaire et cortical.D’abord nociceptives ou musculosquelettiques, neuropa-thiques mais non viscérales, de type spastique, constantesou fluctuantes, elles peuvent être sévères une fois surcinq. Ces douleurs s’expliquent notamment par l’altérationde la transmission Gaba. Puis, secondairement, viennentles douleurs par dégénérescence ou régénération axonale,dont l’origine est probablement la réorganisation sensitive.On décrit notamment des douleurs myofasciales des braset du cou des patients tétraplégiques. Plusieurs équipesse sont données comme objectif de limiter ces douleursgrâce à de nouveaux outils. La lamotrigine, un médicamentantiépileptique [34], est une de ces voies thérapeutiquesavec des effets intéressants sur les douleurs neuropathiquesrésistantes aux autres thérapeutiques, tout comme les can-nabinoïdes, les antidépresseurs (amitriptyline, trazodone)et les autres antiépileptiques (gabapentine, prégabaline,valproate) [35].

L’anxiété et la dépression sont fréquentes chez lespatients ayant un déficit complet ou incomplet haut.L’altération de l’image de soi, l’incapacité à recouvrerune vie sociale, professionnelle et familiale « normale »concourent à la détérioration psychologique. Il peut êtrenécessaire, dans certaines situations où se démasque un pro-fil dépressif, de recourir à une aide par la communicationou médicamenteuse. Ce soutien ne revêt en aucun cas uncaractère systématique mais doit répondre à une demandeexprimée. Il en est de même pour l’annonce du handicapqui se doit de répondre au plus juste sans provoquer detraumatisme. Cette annonce concerne tous les soignantsqui peuvent (et veulent) prendre part à l’entretien. Aprèsl’annonce, il n’est pas rare de se trouver confronté à plu-sieurs types de comportement comme le déni, le désaveu,la remise en cause de la connaissance médicale des soi-gnants sur le sujet, la passivité ou encore la fuite en avantvers la rééducation. Rappelons qu’un tétraplégique sur deuxapprécie la vie qu’il mène au travers de projets qu’il a pos-siblement établi avec son entourage.

Conclusion

Il apparaît difficile de parler sur quelques pages de la ges-tion des patients traumatisés médullaires. D’une part, parce

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u’il s’agit d’accidents dramatiques survenant brutalementans la vie de sujets jeunes. D’autres part, parce que chaqueistoire est unique et requiert une attention particulière.t, enfin, parce que le niveau d’investissement du patientt de ses soignants n’a d’égale que la longueur — plusieursnnées — et la lourdeur — des mois d’investissement pouragner une ou deux métamères — de la phase de réadapta-ion.

Si on en juge par l’abondante littérature publiée sur leujet, les voies de recherche thérapeutique sont encore’actualité. L’objectif de la limitation de survenue desésions secondaires reste la priorité principale, mais seégage en filigrane le rétablissement des fonctions neuro-ogiques ad integrum.

« L’espoir des hommes, c’est leur raison de vivre et demourir » A. Malraux

Les points essentials.• Le traumatisme médullaire concerne surtout des

hommes jeunes dont la moitié a moins de 25 ans.• La prise en charge initiale préhospitalière est un

élément majeur de l’amélioration du pronostic enoptimisant deux paramètres que sont une bonnel’oxygénation et la stabilité hémodynamique defacon à limiter les lésions dites secondaires.

• Chez les patients ayant subi un traumatismemédullaire cervicodorsal haut, la présence d’unedysautonomie est un facteur de mauvais pronostic,surtout si elle persiste au-delà de la premièresemaine.

• Un examen neurologique détaillé est le garant d’uneconduite à tenir adaptée au caractère complet ounon du déficit. Pour cela, le score ASIA est derigueur.

• Le traitement chirurgical est le traitement deréférence. Il doit avoir lieu au sein d’établissementslargement équipés pour la prise en charge de cespatients.

• Les corticoïdes n’ont pas fait la preuve de leurefficacité.

• Le pronostic neurologique dépend d’une prise encharge multidisciplinaire, rapide mettant en jeu desprocédures éprouvées au sein d’équipes entraînées.

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