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Droit Déontologie & Soin 14 (2014) 68–79 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect Synthèse Le contentieux de la responsabilité médicale et l’ONIAM Gilles Devers 22, rue Constantine, 69001 Lyon, France Disponible sur Internet le 3 mars 2014 Résumé L’ONIAM a été le grand apport de la loi du 4 mars 2002, mais la pratique du contentieux montre à quel point les règles de procédure, de condamnation et d’action subrogatoire de l’ONIAM sont complexe. La jurisprudence, petit à petit, définit ce régime d’application. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. Les principaux apports de la loi du 4 mars 2002 ont été la création des commissions régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et le dispositif global repose sur un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé 1 . Par cette loi, l’ONIAM est chargé d’indemniser intégralement les victimes d’un accident médical résultant d’un « aléa thérapeutique » remplissant les conditions prévues par les textes. Le succès du système est établi. Adresse e-mail : [email protected] 1 Sur les bases du régime : S. Hocquet-Berg, L’ONIAM ou la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. . . », Resp. Civ. et Assur., octobre 2004 ; L. Lambert-Garrel, Libres propos sur l’article L. 1142-1-II CSP ; L. Dubouis, La réparation des conséquences de risques sanitaires, RTDSS 2002, p. 803 ; F. Blanco, La loi du 4 mars 2002 et les commis- sions régionales de conciliation et d’indemnisation, CRA 2005 ; G. Memeteau, Manuel des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, Les Études Hospitalières, février 2004. Sur la pratique : S. Gibert, Le régime d’indemnisation des infections nosocomiales en France, Risques et qualité en milieu de soins, juin 2009 ; C. Hauteville, Infection nosocomiales : actualités de la jurisprudence administrative, DDS, mars 2013. N. Ouchia, Recours de l’ONIAM contre l’assureur de l’Hôpital, DDS, 2012, n o 2, p. 138 ; P. Flavin, Panorama de jurisprudence : ONIAM et dispositif anti-Perruche, Revue hospitalière de France, n o 541, 2001, p. 34 ; F. Avram, S. Gibert et S. Gromb Monnoyeur, Dix ans d’application de la loi Kouchner. Colloque organisé par l’Institut du droit de la santé Université Montesquieu Bordeaux IV, Revue générale de droit médical, n o spécial, 2013, 133 p. 1629-6583/$ see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2014.01.010

Le contentieux de la responsabilité médicale et l’ONIAM

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Droit Déontologie & Soin 14 (2014) 68–79

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

Synthèse

Le contentieux de la responsabilité médicale etl’ONIAM

Gilles Devers22, rue Constantine, 69001 Lyon, France

Disponible sur Internet le 3 mars 2014

Résumé

L’ONIAM a été le grand apport de la loi du 4 mars 2002, mais la pratique du contentieux montre à quelpoint les règles de procédure, de condamnation et d’action subrogatoire de l’ONIAM sont complexe. Lajurisprudence, petit à petit, définit ce régime d’application.© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Les principaux apports de la loi du 4 mars 2002 ont été la création des commissions régionalede conciliation et d’indemnisation (CRCI) et de l’Office national d’indemnisation des accidentsmédicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et le dispositifglobal repose sur un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargéde la santé1.

Par cette loi, l’ONIAM est chargé d’indemniser intégralement les victimes d’un accidentmédical résultant d’un « aléa thérapeutique » remplissant les conditions prévues par les textes.

Le succès du système est établi.

Adresse e-mail : [email protected] Sur les bases du régime : S. Hocquet-Berg, L’ONIAM ou la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. . . »,

Resp. Civ. et Assur., octobre 2004 ; L. Lambert-Garrel, Libres propos sur l’article L. 1142-1-II CSP ; L. Dubouis, Laréparation des conséquences de risques sanitaires, RTDSS 2002, p. 803 ; F. Blanco, La loi du 4 mars 2002 et les commis-sions régionales de conciliation et d’indemnisation, CRA 2005 ; G. Memeteau, Manuel des commissions régionales deconciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, LesÉtudes Hospitalières, février 2004.Sur la pratique : S. Gibert, Le régime d’indemnisation des infections nosocomiales en France, Risques et qualité en milieude soins, juin 2009 ; C. Hauteville, Infection nosocomiales : actualités de la jurisprudence administrative, DDS, mars2013. N. Ouchia, Recours de l’ONIAM contre l’assureur de l’Hôpital, DDS, 2012, no 2, p. 138 ; P. Flavin, Panorama dejurisprudence : ONIAM et dispositif anti-Perruche, Revue hospitalière de France, no 541, 2001, p. 34 ; F. Avram, S. Gibertet S. Gromb Monnoyeur, Dix ans d’application de la loi Kouchner. Colloque organisé par l’Institut du droit de la santé –Université Montesquieu – Bordeaux IV, Revue générale de droit médical, no spécial, 2013, 133 p.

1629-6583/$ – see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2014.01.010

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Le nombre de dossiers déposés devant les CCI s’est stabilisé à 4255, les commissions ont émis1527 avis, soit 8,7 % (134) de plus qu’en 2011 et le délai moyen écoulé entre le dépôt d’un dossiercomplet et la notification d’un avis s’est stabilisé à un an.

Le nombre de dossiers de CCI recus par l’ONIAM a crû de 15 % passant de 669 à 769 et lenombre de dossiers clos par l’ONIAM a crû de 21 % passant de 384 à 464.

Le taux d’acceptation des offres de l’ONIAM par les victimes reste élevé à 96 % et l’évaluationde l’application du référentiel de l’ONIAM montre le maintien d’un strict respect, en très grandemajorité, des fourchettes de ce référentiel.

Le nombre de contentieux gérés par l’office est passé de 1800 à 2300 de 2011 à 2012 (+28 %).Parallèlement, l’office a continué à résorber le stock de dossiers d’indemnisation du VHC tout

en absorbant le stock et le délai moyen de traitement de ces dossiers a été réduit alors que le tauxd’indemnisation des dossiers par rapport au nombre de dossiers déposés est passé de 64 à 75 %.Le taux d’acceptation des offres par les victimes demeure stable à 85 %.

Si le principe est simple, à savoir doubler le régime de la responsabilité pour faute prouvée, etqui dépend du jeu des assureurs, par un régime d’indemnisation via la solidarité nationale pourles accidents graves, les modalités de mise en œuvre s’avère complexe, et le Conseil d’État doitrégulièrement intervenir pour casser des arrêts de cours administrative d’appel et donner la justelecture de ce mécanisme. À ce jour, les bases sont bien définies, mais le contentieux laisse encoreapparaître des points qu’il faut affirmer, ou réaffirmer.

1. Le régime de base

En vertu de l’article L. 1142-1 du CSP, la réparation des conséquences dommageables d’actesde prévention, de diagnostic ou de soins incombe aux professionnels et établissements de santélorsque leur responsabilité est engagée en raison d’une faute ou au titre d’une infection noso-comiale et à l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale, lorsque le dommage n’engage pas laresponsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé et que certaines conditions setrouvent remplies.

Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du CSP organisent une procé-dure de règlement amiable confiée à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation(CRCI).

Les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 du CSP prévoient que :

• lorsque la CRCI estime que la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santéest engagée, l’assureur de celui-ci adresse une offre d’indemnisation à la victime ou à ses ayantsdroit ;

• si l’assureur s’abstient de faire une offre, l’ONIAM lui est substitué, que l’acceptation d’uneoffre de l’office vaut transaction ;

• l’office est subrogé, à concurrence des sommes versées par lui, dans les droits de la victime oude ses ayants droit contre la personne responsable du dommage ou son assureur.

En vertu de l’article L. 1142-17 du CSP, si la commission estime que le dommage est indem-nisable au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit uneoffre d’indemnisation.

Enfin, aux termes de l’article L. 1142-20:

« La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d’action en justice contre l’office si aucuneoffre ne lui a été présentée ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

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« L’action en indemnisation est intentée devant la juridiction compétente selon la nature dufait générateur du dommage ».

Lorsque, en l’absence de présentation d’une offre de l’assureur d’un établissement public desanté ou de l’ONIAM ou à défaut d’acception de cette offre, la procédure de règlement amiableprévue par les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du CSP n’a pu aboutir,la victime conserve le droit d’agir en justice :

• soit contre un établissement public de santé, si elle estime que sa responsabilité est engagée ;• soit contre l’ONIAM, si elle estime que son dommage est indemnisable au titre de la solidarité

nationale.

Les dispositions de l’article L. 1142-20 du CSP, selon lesquelles la victime ou ses ayants droitpeut agir en justice contre l’ONIAM en l’absence d’offre ou si elle n’a pas accepté l’offre quilui a été faite, ne sont applicables que dans l’hypothèse où le dommage ouvre droit à réparationau titre de la solidarité nationale et n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer un droit d’agiren justice contre l’ONIAM au titre de dommages engageant la responsabilité d’un établissementpublic de santé lorsque, en l’absence d’offre de l’assureur de ce dernier, l’Office n’a pas non plusfait d’offre, ou s’il a fait une offre qui n’a pas été acceptée.

Lorsque, au cours de la procédure de règlement amiable, la CRCI a émis l’avis que le dom-mage engageait la responsabilité d’un établissement public de santé et que l’ONIAM, substituéà l’assureur de cet établissement, s’est abstenu de faire une offre à la victime ou lui a fait uneoffre qu’elle a refusée, des conclusions de la victime dirigées contre l’ONIAM et fondées sur laresponsabilité de l’établissement public de santé doivent être regardées comme dirigées contre cedernier, qu’il appartient dès lors au juge de mettre en cause.

2. Indemnisation sans faute par l’ONIAM

2.1. Conseil d’État, 6 novembre 2013, no 352492

2.1.1. FaitsMalcom C., né le 4 décembre 2003 avec une grave malformation cardiaque, a subi au CHU

de Tours, après la mise en place d’un Blalock le 11 décembre 2003, une nouvelle intervention,réalisée le 27 janvier 2005, au cours de laquelle est survenue une complication qui a entraîné uneanoxie cérébrale à l’origine de lésions neurologiques majeures.

2.1.2. ProcédureSa mère, agissant au nom de son fils, a demandé au tribunal administratif d’Orléans de mettre

la réparation des préjudices consécutifs à cette intervention, au titre de la solidarité nationale, àla charge de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogèneset des infections nosocomiales (ONIAM).

Par un jugement du 16 avril 2009, le tribunal a mis à la charge de l’ONIAM la réparation del’ensemble des conséquences dommageables de l’intervention du 17 janvier 2005.

La mère se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 juillet 2011 par lequel la cour administratived’appel de Nantes a ramené à 50 % la part du dommage indemnisable au titre de la solidariténationale et diminué en conséquence le montant des indemnités dues.

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2.1.3. En droitAux termes du II de l’article L. 1142-1 du CSP :

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organismementionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, uneaffection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudicesdu patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ilssont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ilsont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé commede l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret.«Aux termes de l’article L. 1142-22 du CSP, l’ONIAM « est chargé de l’indemnisation autitre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l’article L. 1142-1 (. . .)des dommages occasionnés par la survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogèneou d’une infection nosocomiale ».

2.1.4. AnalyseLa CAA de Nantes a jugé que :

• l’accident survenu lors de l’intervention du 27 janvier 2005 n’était pas imputable à desfautes commises par les médecins mais résultait de la présence, inhabituelle et imprévisible,d’adhérences entre le Blalock mis en place antérieurement et la paroi thoracique de l’enfant ;

• eu égard aux graves conséquences neurologiques que cet accident avait entraînées, les condi-tions d’engagement de la solidarité nationale, telles que prévues par les dispositions du II del’article L. 1142-1 du CSP se trouvaient remplies.

Après avoir relevé qu’existait un lien de causalité direct entre l’acte de soin et les dommagessubis par l’enfant, la cour a jugé que « si les conséquences de l’acte de soin ne peuvent êtreconsidérées comme normales, il est néanmoins nécessaire de tenir compte, d’une part, de l’étatde santé initial de l’enfant dont le pronostic vital était engagé à la naissance et, d’autre part, de lacomplication technique imprévisible et inhabituelle rencontrée lors de l’intervention litigieuse »,il y avait lieu, en conséquence, de fixer à 50 % le montant du préjudice imputable à l’état antérieurde l’enfant.

Après avoir constaté que les conséquences dommageables de l’intervention ne résultaient pasd’une faute du service hospitalier mais d’une complication technique imprévisible et qu’ellesremplissaient les conditions d’anormalité et de gravité ouvrant droit à réparation au titre de lasolidarité nationale, la cour a commis une erreur de droit en limitant ce droit à réparation à unefraction seulement du dommage.

3. Notion accident

3.1. CAA Nantes, 31 octobre 2013, no 12NT02665

3.1.1. FaitsDans la nuit du 5 au 6 octobre 2002, une femme a été admise au service des urgences du centre

hospitalier de Saumur pour une douleur intense aux quatrième et cinquième doigts de la maindroite, après avoir ressenti quelques heures auparavant une sensation de malaise avec troubles dela vision, troubles transitoires de l’équilibre et fourmillement dans la main droite.

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Elle a été rapidement transférée au centre hospitalier d’Angers, où les examens pratiqués ontmis en évidence l’existence d’un caillot flottant dans le tronc artériel brachio-céphalique droit,sur plaque athéromateuse, qui a justifié une intervention chirurgicale immédiate consistant en laréalisation d’un pontage par remplacement d’une partie du tronc artériel en cause par un tube degoretex de 8 mm de diamètre.

Une heure trente après son réveil l’état de santé neurologique de la patiente s’est aggravé avecl’apparition d’une hémiplégie gauche.

Une nouvelle intervention a été réalisée, qui a consisté à remplacer la première prothèse parune seconde d’un diamètre supérieur.

La patiente reste atteinte d’un important trouble moteur à gauche accompagné de troublesneurologiques de l’équilibre et de troubles visuels.

3.1.2. ProcédureLa patiente a saisi la CRCI des Pays-de-Loire laquelle, après avoir fait examiner l’intéressée

par un expert, a rejeté sa demande d’indemnisation par une décision du 24 mars 2010, au motifqu’aucune faute médicale ne pouvait être retenue.

Elle relève appel du jugement du 19 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantesa rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’ONIAM à l’indemniser des préjudices subisau titre de la solidarité nationale.

3.1.3. Indemnisation au titre de la solidarité nationaleL’intervention réalisée en urgence le 5 octobre 2002 au centre hospitalier d’Angers était indis-

pensable pour prévenir le risque d’embolie massive auquel la patiente était exposée du fait de laprésence d’un thrombus non obstructif dans le tronc artériel brachio-céphalique droit.

Aucune faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d’Angers ne peut êtreretenue dans le choix de la technique d’intervention ni dans celui de la prothèse initiale d’undiamètre de 8 mm.

La patiente présentait une prédisposition importante au risque de thrombose et d’emboliecompte tenu de l’existence de lésions athéromateuses sur les troncs supra-aortiques. Par suite,et alors même que la thrombose postopératoire, à l’origine d’une hémiplégie gauche, dont a étévictime l’intéressée peut constituer un risque inhérent à l’intervention pratiquée, d’une fréquenceestimée à 5 % des cas, les séquelles de l’intervention chirurgicale du 5 octobre 2002 ne peuvent,dans les circonstances de l’espèce, être regardées comme constituant des conséquences anormalesau regard de l’état de santé initial de la patiente comme de l’évolution prévisible de celui-ci.

Il sort de là que la requérante n’est pas fondée à demander la réparation de ses préjudicesau titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions précitées du II de l’article L.1142-1 du CSP.

4. Conditions d’une procédure en référé-provision contre l’ONIAM

4.1. CAA Nantes, 3 octobre 2013, no 12NT02956

4.1.1. FaitsUn enfant né à 28 semaines de grossesse le 16 septembre 2009, a été atteint au cours de son

séjour dans le service de réanimation néonatale du CHU de Caen d’une infection dont il gardedes séquelles importantes.

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4.1.2. ProcédureSes parents ont sollicité du tribunal administratif de Caen la désignation d’un expert qui a

déposé son rapport le 30 juillet 2011. L’expert a conclu que l’enfant avait été victime d’uneinfection nosocomiale favorisée par sa très grande prématurité et son faible poids à la naissance.Les parents de l’enfant ont saisi, sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de CJA, le juge desréférés du tribunal administratif de Caen d’une demande tendant à la condamnation de l’ONIAM,ou à titre subsidiaire, du CHU, à leur verser une allocation provisionnelle de 176 735 07 euros enréparation des divers préjudices subis par leur fils.

L’ONIAM demande à la cour de réformer l’ordonnance du 2 novembre 2012 par laquelle lejuge des référés du tribunal administratif de Caen l’a condamné à verser, à titre provisionnel, auxparents la somme de 50 000 euros et a rejeté l’action récursoire qu’il avait exercée à l’encontre ducentre hospitalier.

4.1.3. En droitAux termes de l’article R. 541-1 du CJA: « Le juge des référés peut, même en l’absence

d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence del’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versementde la provision à la constitution d’une garantie ».

L’ONIAM est tenu d’assurer la réparation au titre de la solidarité nationale des dommagesrésultant des infections nosocomiales dès lors qu’elles ont entraîné un taux d’incapacité perma-nente supérieur à 25 % ou le décès du patient. Il peut s’exonérer de cette obligation en invoquant,sur le fondement du I de l’article L. 1142-1 du CSP, la responsabilité de l’établissement de santédans lequel l’infection a été contractée.

4.1.4. AnalyseL’infection subie par le jeune enfant, responsable du tableau septicémique et de ses

complications méningo-encéphaliques, a été provoquée par une infection lors de la pose le16 septembre 2009, jour de sa naissance, d’un cathéter veineux ombilical qui a été colonisé pardes bactéries d’origine digestive à un taux significatif, l’existence d’une colonisation bactérienneau niveau conjonctival étant également mise en évidence.

Les graves séquelles qui touchent l’enfant sont imputables, hormis un pourcentage de 30 %attribué à la grande prématurité de l’enfant et à son petit poids, sont imputables à cette infectionnosocomiale, laquelle est en relation directe et certaine avec les soins qui lui ont été prodiguéspar l’établissement.

Si l’état de santé de l’enfant n’est pas consolidé et si les experts ont préconisé de n’évaluer ledéficit fonctionnel permanent que vers l’âge de vingt ans, cette circonstance ne fait pas obstacleà ce que soit allouée à l’enfant, au titre de la solidarité nationale, une indemnisation provi-sionnelle, dès lors que les éléments de l’instruction permettent d’établir de manière certaineque les conditions posées par les dispositions de l’article L. 1142-1-1 du CSP sont réunies etque le taux de déficit fonctionnel permanent dont l’enfant restera atteint ne sera pas inférieur à25 %.

Dans ces conditions, c’est par une exacte application des dispositions de l’article L. 1142-1-1 du CSP que le juge des référés de première instance a estimé que l’indemnisation des préjudicesde l’enfant devait être mise à la charge de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale et quel’existence de l’obligation dont les parents se prévalaient à l’encontre de cet organisme n’étaitpas sérieusement contestable.

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4.1.5. Montant de la provisionL’enfant subit au titre de ses préjudices propres un déficit fonctionnel temporaire de 60 %, son

état n’étant pas encore consolidé. Il doit faire l’objet de soins de rééducation en kinésithérapie,psychomotricité et orthophonie et d’un suivi neurologique et son pretium doloris est estimé à5 sur une échelle de 1 à 7. L’expert a également relevé qu’il a besoin d’une assistance d’une tiercepersonne pour les actes de la vie quotidienne, la stimulation et la surveillance, qu’il a évaluée à3 heures par jour.

Dans ces conditions, et alors surtout qu’il résulte de l’instruction que l’essentiel des séquellesque conserve l’enfant revêtent un caractère irréversible, l’appréciation provisoire du préjudiceréalisée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen doit être regardée comme insuffi-sante et il sera fait une plus exacte évaluation de la somme devant être versée à titre provisionnelpar l’ONIAM à M. et Mme A. en la fixant à 80 000 euros.

4.1.6. Action récursoire de l’ONIAM4.1.6.1. En droit. Aux termes de l’article L. 1142-21 CSP :

« Lorsqu’il résulte de la décision du juge que l’office indemnise la victime ou ses ayantsdroit au titre de l’article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre leprofessionnel, l’établissement de santé, le service ou l’organisme concerné ou son assureur,sauf en cas de faute établie à l’origine du dommage, notamment le manquement caracté-risé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infectionsnosocomiales ».

4.1.6.2. Analyse. L’ONIAM soutient que les préjudices subis par l’enfant ont pour ori-gine une faute imputable au CHU de Caen, consistant en un manquement aux obligationsposées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.Toutefois, cet organisme n’établit pas que les soins prodigués par le centre hospita-lier révèleraient, de manière non sérieusement contestable, un manquement caractérisé del’établissement aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre lesinfections nosocomiales, en lien direct avec l’infection nosocomiale dont l’enfant a étéatteint.

En particulier, le médecin bactériologiste sapiteur a souligné que le CHU de Caen organisaiten son sein la lutte contre les infections nosocomiales dans les conditions prévues par voie régle-mentaire et organisait la prévention de ces infections, leur surveillance, des actions d’informationet de formation, l’évaluation périodique des actions de lutte, à l’aide d’un comité de lutte contreles infections nosocomiales (CLIN) et d’une équipe opérationnelle d’hygiène.

Les circonstances qu’au cours d’une réunion du CLIN qui s’est tenue le 5 novembre 2009 ila été indiqué que les pratiques d’hygiène dans le service de néonatologie devaient être revueset que le compte rendu d’une réunion du 30 septembre 2009 a relevé que les règles relatives aulavage des mains et le port de gant étaient insuffisamment observées ne suffisent pas à établir,en l’état de l’instruction, l’existence d’une faute de l’établissement en lien direct avec l’infectionnosocomiale dont le jeune enfant a été atteint au sens des dispositions du deuxième alinéa del’article L. 1142-21 du CSP.

Dans ces conditions, l’obligation qu’aurait le CHU de Caen d’indemniser l’ONIAM de toutou partie de la provision que celui-ci doit aux parents en qualité de représentants légaux de leurfils mineur ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.

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5. Obligation d’appeler en cause l’ONIAM, substitué à l’assureur

5.1. CAA Nantes, 31 octobre 2013, no 12NT03070

5.1.1. FaitsUn homme, qui s’était blessé à l’index droit, s’est rendu le 5 octobre 2003 au service des

urgences du CHU de Nantes, où sa blessure a été radiographiée, nettoyée et suturée.Toutefois, dans la nuit du 5 au 6 octobre, il a ressenti de vives douleurs qui l’ont conduit à

consulter en urgence son médecin traitant, puis un spécialiste de la chirurgie de la main qui adiagnostiqué une infection aiguë.

Malgré cinq interventions réparatrices pratiquées entre le 7 octobre 2003 et le 8 mars 2004, ila dû être amputé de son index droit le 16 septembre 2004.

5.1.2. ProcédureSaisie par l’intéressé, la CRCI des Pays-de-Loire a, après une première expertise, estimé dans

son avis du 1er décembre 2004 que l’amputation résultait de la négligence fautive du servicedes urgences et était de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes. L’assureur de cetétablissement de santé, la SHAM, a refusé de formuler une offre d’indemnisation et l’ONIAM arefusé de se substituer à l’assureur défaillant.

Le patient a saisi le tribunal administratif de Nantes en vue de l’organisation d’une nouvelleexpertise médicale.

Sur la base des conclusions de ce rapport, le tribunal a, par un jugement du 5 octobre 2012,retenu la responsabilité du CHU de Nantes à raison de la perte de chance, évaluée à 50 %, pourle patient d’éviter l’amputation, et condamné l’hôpital à verser à celui-ci diverses sommes enindemnisation.

5.1.3. En droitLorsque la responsabilité d’un établissement public de santé est engagée à raison d’une faute

et que l’assureur de cet établissement refuse de faire une offre d’indemnisation à la victime,l’ONIAM est substitué à l’assureur.

En cas de refus de l’office de se substituer à cet assureur, la victime dispose du droit d’agiren justice tant à l’encontre de l’office qu’à l’encontre de l’établissement hospitalier. Mais elle esttenue d’informer le juge des actions qu’elle a intentées, afin de mettre celui-ci à même de mettre encause, dans l’instance dont il a été saisi en vue de rechercher la responsabilité de l’établissement,l’ONIAM, dont la responsabilité a été parallèlement recherchée sur le fondement des dispositionsdes articles L. 1142-15 et L. 1142-20 du CSP.

5.1.4. AnalyseÀ la suite de l’avis émis le 1er décembre 2004 par la CRCI des Pays-de-Loire dans les termes

rappelés au point 1, et alors que tant l’assureur du CHU de Nantes que l’ONIAM avaient refuséde procéder à son indemnisation, le patient a saisi, d’une part, le tribunal de grande instance deNantes d’une action dirigée contre l’ONIAM et, d’autre part, le tribunal administratif de Nantesd’une action dirigée contre le CHU de Nantes.

Par un jugement du 4 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Nantes a condamnél’ONIAM à verser au patient la somme provisionnelle de 30 000 euros.

La cour d’appel de Rennes, saisie à son tour, a décidé de surseoir à statuer dans l’attente de ladécision du juge administratif.

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Informé d’une autre procédure engagée contre l’ONIAM devant un autre ordre de juridiction,le tribunal administratif de Nantes, en n’appelant pas à la cause l’office alors qu’il s’apprêtait àcondamner le CHU de Nantes à indemniser la victime des mêmes préjudices que ceux qui avaientfait l’objet de la condamnation prononcée contre l’ONIAM, a méconnu les dispositions rappeléesdu CSP, et le jugement est annulé.

6. Situation procédurale complexe

6.1. Conseil d’État, 6 novembre 2013, no 355030

Une parturiente, Mme C., est décédée le 27 juin 2003 au centre hospitalier d’Hyères après avoirdonné naissance à un enfant, Clément.

6.1.1. Procédure6.1.1.1. CRCI. La CRCI, saisie par M. A. le compagnon de Mme C. et père de Clément, aestimé, le 25 septembre 2005, que le centre hospitalier avait commis des fautes engageant saresponsabilité.

En l’absence d’offre d’indemnisation de l’assureur de l’établissement, l’ONIAM a fait :

• d’une part, une offre relative à la réparation des préjudices qu’avait entraînés pour lui le décèsde sa compagne ;

• d’autre part, en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, une offre relative à laréparation des préjudices subis par sa compagne et par l’enfant.

Le requérant, ayant accepté la première de ces offres et percu le montant correspondant maisestimant qu’elle ne concernait que son préjudice moral et ayant renoncé à percevoir le montantprévu par la seconde offre, sur laquelle il avait toutefois apposé sa signature, a demandé que sesautres préjudices, ainsi que ceux de la mère et de l’enfant, soient mis à la charge de l’ONIAM.

6.1.1.2. Juridiction administrative. Le tribunal administratif de Toulon a statué sur ces demandespar deux jugements du 17 septembre 2009, en rejetant la première et en faisant partiellement droità la seconde.

Par un jugement du 2 juin 2010, le même tribunal a fait droit à une demande de l’ONIAMtendant au remboursement par le centre hospitalier d’Hyères des sommes versées au requérant.

La CAA de Marseille a statué le 17 octobre 2011 sur des appels dirigés contre les trois juge-ments :

• l’arrêt no 10MA00625 condamne l’ONIAM à verser à M. A. une indemnité de 22 000 euros autitre de son préjudice économique et met à sa charge une somme de 1500 euros à verser à M.A. au titre de l’article L 761-1 du CJA ;

• l’arrêt no 10MA00099 le condamne à verser à l’intéressé, en sa qualité de représentant légalde son fils, une indemnité de 11 000 euros au titre du préjudice économique de Clément maisrejette les conclusions de M. A. relatives au préjudice moral de l’enfant et aux préjudices subispar sa mère;

• l’arrêt no 10MA03107 condamne le centre hospitalier d’Hyères à verser 17 900 euros àl’ONIAM.

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Monsieur A. se pourvoit en cassation contre les trois arrêts en tant qu’ils lui font grief, et lecentre hospitalier présente un pourvoi incident contre le troisième.

6.2. Conseil d’État

6.2.1. Sur pourvoi no 355031 dirigé contre l’arrêt no 10MA00625 relatif aux préjudices subispar le requérant du fait du décès de sa compagne6.2.1.1. En droit.

6.2.1.1.1. Les textes. En vertu de l’article L. 1142-1 du CSP, la réparation des conséquencesdommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins incombe aux professionnels etétablissements de santé lorsque leur responsabilité est engagée en raison d’une faute ou au titred’une infection nosocomiale et à l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale, lorsque le dommagen’engage pas la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé et que certainesconditions se trouvent remplies.

Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du CSP organisent une procé-dure de règlement amiable confiée à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation(CRCI).

Les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 du CSP prévoient que :

• lorsque la CRCI estime que la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santéest engagée, l’assureur de celui-ci adresse une offre d’indemnisation à la victime ou à ses ayantsdroit ;

• si l’assureur s’abstient de faire une offre, l’ONIAM lui est substitué, que l’acceptation d’uneoffre de l’office vaut transaction ;

• l’office est subrogé, à concurrence des sommes versées par lui, dans les droits de la victime oude ses ayants droit contre la personne responsable du dommage ou son assureur.

En vertu de l’article L. 1142-17 du CSP, si la commission estime que le dommage est indem-nisable au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit uneoffre d’indemnisation.

Enfin, aux termes de l’article L. 1142-20:

« La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d’action en justice contre l’office si aucuneoffre ne lui a été présentée ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.« L’action en indemnisation est intentée devant la juridiction compétente selon la nature dufait générateur du dommage ».

6.2.1.1.2. Jurisprudence du Conseil d’État. Lorsque, en l’absence de présentation d’uneoffre de l’assureur ou de l’ONIAM ou à défaut d’acceptation de cette offre, la procédure derèglement amiable prévue par les dispositions rappelées ci-dessus n’a pu aboutir, la victimeconserve le droit d’agir en justice devant la juridiction compétente contre un établissement publicde santé, si elle estime que sa responsabilité est engagée, ou contre l’ONIAM, si elle estime queson dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale.

Les dispositions de l’article L. 1142-20 concernent l’hypothèse où le dommage ouvre droità réparation au titre de la solidarité nationale et n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer undroit d’agir en justice contre l’ONIAM au titre de dommages engageant la responsabilité d’unétablissement public de santé, si l’office n’a pas fait d’offre d’indemnisation ou s’il a fait une offrequi n’a pas été acceptée.

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Lorsque la CRCI a émis l’avis que le dommage engageait la responsabilité d’un établissementpublic de santé et que l’ONIAM, substitué à l’assureur de cet établissement, s’est abstenu de faireune offre à la victime ou lui a fait une offre qu’elle a refusée, des conclusions de la victime dirigéescontre l’ONIAM et fondées sur la responsabilité de l’établissement public de santé doivent êtreregardées par le juge comme dirigées contre ce dernier. Il lui appartient dès lors de le mettre encause.

6.2.1.1.3. Analyse. Il résulte de tout ce qui précède qu’en mettant à la charge de l’ONIAMla réparation du préjudice économique subi par M. A. du fait du décès de Mme B. et le versementd’une somme de 1500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative, laCour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit. L’ONIAM est fondéà demander, dans cette mesure, l’annulation de l’arrêt no 10MA00625 du 17 octobre 2011 de laCour administrative d’appel de Marseille.

6.2.2. Sur le pourvoi no 355032 dirigé contre l’arrêt no 10MA00099 relatif aux préjudicessubis par Mme B. et par Clément6.2.2.1. Préjudices de Mme B. et le préjudice moral de Clément. La cour a relevé que le protocoled’accord signé le 15 septembre 2006 par M. A. avait réglé le litige relatif à l’indemnisation dupréjudice moral subi par Clément du fait de la perte de sa mère ainsi que des troubles dans lesconditions d’existence et des souffrances de cette dernière. La cour en a déduit qu’une transactionrelative à la réparation de ces préjudices avait été conclue, en sorte que les conclusions présentéespar M. A. tendant à ce qu’une indemnité soit mise, à ce titre, à la charge de l’ONIAM étaientirrecevables.

Ce point n’appelle pas de critique.

6.2.2.2. En ce qui concerne le préjudice économique de Clément. La cour a commis une erreurde droit en mettant la réparation du préjudice économique de Clément à la charge de l’ONIAM.

L’ONIAM est seulement fondé à demander que l’arrêt no 10MA00099 du 17 octobre 2011 soitannulé en tant qu’il met à sa charge la réparation du préjudice économique de Clément A.

6.2.3. Sur le pourvoi no 355030 dirigé contre l’arrêt no 10MA03107 condamnant le centrehospitalier d’Hyères à rembourser à l’ONIAM les sommes versées à M. A.

La cour a jugé que le CH d’Hyères avait commis des fautes ayant entraîné une perte de chance,évaluée à 30 %, d’éviter le décès de Mme B. et a condamné en conséquence cet établissement àverser à l’ONIAM :

• une somme de 6000 euros, correspondant à 30 % du préjudice moral de M. A., lequel a donnélieu à une offre de l’ONIAM acceptée par l’intéressé ;

• une somme de 900 euros au titre de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique, en vertuduquel, lorsque l’assureur du responsable du dommage s’est abstenu de faire une offre, le jugecondamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au pluségale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue ;

• une somme de 11 000 euros correspondant au montant de l’indemnité mise à la charge del’ONIAM, au titre du préjudice économique de Clément A., par l’arrêt no 10MA00099 du17 octobre 2011.

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Il y a lieu, par voie de conséquence de l’annulation prononcée ci-dessus, d’annuler l’arrêt n◦MA03107 en tant qu’il met à la charge du centre hospitalier d’Hyères le versement à l’ONIAMd’une somme excédant 6900 euros.

Il résulte de ce qui précède que l’arrêt no MA03107 doit être annulé en tant seulement qu’ilmet à la charge du centre hospitalier d’Hyères le versement à l’ONIAM d’une somme excédant6900 euros et que les conclusions de l’ONIAM tendant à l’annulation de l’arrêt en tant qu’ilne met pas à la charge du centre hospitalier d’Hyères la somme mentionnée dans le protocoled’accord relatif aux préjudices de Mme B. et de Clément et la somme qu’il a été condamné àverser à M. A. au titre de son préjudice économique doivent être rejetées.

7. Dommage ne pouvant être regardé comme anormal au regard de l’état de santé

7.1. Conseil d’État, 16 décembre 2013, no 354268, publié

7.1.1. FaitsLe15 octobre 2007, un homme âgé de 69 ans et atteint depuis 2004 d’un cancer du poumon, est

décédé d’une hémorragie au cours d’une lobectomie réalisée au centre hospitalier universitairede Clermont-Ferrand.

L’ONIAM ayant refusé de réparer au titre de la solidarité nationale les préjudices ayant résultépour eux de ce décès, la veuve et les enfants de la victime ont saisi le tribunal administratif deClermont-Ferrand d’une action dirigée contre cet établissement public, que le tribunal a rejetéepar un jugement du 25 mai 2010.

La famille se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 juillet 2011 par lequel la cour adminis-trative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement.

7.1.2. AnalysePour juger que le décès lors de l’intervention du 15 octobre 2007 n’ouvrait pas droit à réparation

au titre de la solidarité nationale, la cour, se fondant sur le rapport d’expertise, a relevé que :

• en raison de la fragilité importante des tissus induite par la très grande proximité de la tumeuret des zones cardiovasculaires, le patient était particulièrement exposé au risque d’un accidenthémorragique, qualifié par l’expert de « risque interventionnel classique » ;

• cette fragilité tissulaire n’avait pas permis une dissection ordinaire de la tumeur ni un contrôlede l’hémorragie.

Il ressortait de ces éléments que le patient avait dû subir, dans l’espoir d’obtenir une améliora-tion de son état de santé, une intervention indispensable présentant des risques importants liés à sapathologie, et que l’accident résultait de la réalisation de l’un de ces risques. En déduisant que ledommage ne pouvait être regardé comme anormal au regard de l’état de santé du patient commede l’évolution prévisible de cet état, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et a exactementqualifié les faits qui lui étaient soumis.