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139 Les apports du balanced scorecard la recherche de la performance Youssef ERRAMI IAE des Pays de l Adour Universit de Pau et des Pays de l Adour Les apports du balanced scorecard la recherche de la performance R sum : Dans cet article, nous allons chercher, en partant de la typologie des systèmes de contrôle de William Ouchi (1979), affinée notamment par Norman Macintosh (1994), à déterminer les mécanismes sur lesquels se base le balanced scorecard, pour permettre à une organisation d atteindre ses objectifs. Quelles am liorations pourrions-nous lui apporter ? Quelles sont leurs limites ? Nous allons galement voir dans quelle mesure le balanced scorecard, qui a pour objectif principal d assurer la mise en uvre de la strat gie selon une conception top-down , est susceptible d aider la formulation d une nouvelle strat gie. Mots cl s : balanced scorecard, mesure de la performance, pilotage, stratégie, systèmes de contrôle, indicateurs. Abstract : In this paper, we will try to determine the mechanisms which are at the basis of the balanced scorecard, and which permit an organization that aims to reach its objectives, through the typology of the systems of control by William Ouchi (1979) which was sharpened by Norman Machintosh (1994). Which improvements can we carry out to this system? What are its limits? We will also study how the balanced scorecard, which principal aim is to assure the application of the strategy according to a top-down conception, is likely to contribute to the formulation of a new strategy. Key words : balanced scorecard, performnance measurement, orientation, strategy, systems of control, indicators.

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Les apports du balanced scorecard à la recherche de la performance

Youssef ERRAMIIAE des Pays de l’Adour

Université de Pau et des Pays de l’Adour

Les apports du balanced scorecard à la recherche de la performance

Résumé :

Dans cet article, nous allons chercher, en partant de la typologie des systèmes de contrôle de William Ouchi (1979), affinée notamment par Norman Macintosh (1994), à déterminer les mécanismes sur lesquels se base le balanced scorecard, pour permettre à une organisation d’atteindre ses objectifs. Quelles améliorations pourrions-nous lui apporter ? Quelles sont leurs limites ?Nous allons également voir dans quelle mesure le balanced scorecard, qui a pour objectif principal d’assurer la mise en œuvre de la stratégie selon une conception « top-down », est susceptible d’aider à la formulation d’une nouvelle stratégie.

Mots clés : balanced scorecard, mesure de la performance, pilotage, stratégie, systèmes de contrôle, indicateurs.

Abstract :

In this paper, we will try to determine the mechanisms which are at the basis of the balanced scorecard, and which permit an organization that aims to reach its objectives, through the typology of the systems of control by William Ouchi (1979) which was sharpened by Norman Machintosh (1994). Which improvements can we carry out to this system? What are its limits? We will also study how the balanced scorecard, which principal aim is to assure the application of the strategy according to a “top-down” conception, is likely to contribute to the formulation of a new strategy.

Key words : balanced scorecard, performnance measurement, orientation, strategy, systems of control, indicators.

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INTRODUCTION

Dans cet article, nous allons essayer de présenter les bases théoriques sur lesquels se fond le balanced scorecard. Après une présentation succincte de cet outil et des critiques formulées à son égard dans la littérature française, nous allons présenter les conceptions des systèmes de contrôle organisationnel, traditionnelles et modernes, puis essayer de situer l’outil dans leurs logiques.

Présentation du balanced scorecard

Le balanced scorecard est un instrument de contrôle de gestion apparu au début des années 1990 dans les écrits de Robert Kaplan et David Norton. Il vise la mesure et l’amélioration de la performance par la définition d’un ensemble d’indicateurs financiers et non financiers, directement liés à la stratégie de l’entreprise. Ces indicateurs sont regroupés autour de quatre axes préétablis : financier, client, processus interne et innovation et apprentissage organisationnel (Figure 1). Le pilotage stratégique et le pilotage opérationnel sont imbriqués dans les différents axes, grâce à une articulation entre des indicateurs stratégiques et des indicateurs historiques. Ces indicateurs sont choisis selon une vision de l’organisation comme un processus, et sont liés de ce fait, par une chaîne de causalité.

En effet, d’après Kaplan et Norton, il existerait un lien de causalité entre les différents axes du balanced scorecard : une bonne maîtrise du processus interne associée à un réel investissement de l’entreprise dans la recherche de l’innovation et dans la promotion d’une logique d’apprentissage organisationnel, vont améliorer la satisfaction des clients, entraînant par la même l’atteinte des objectifs financiers de l’entreprise.

Figure n°1 : Le balanced scorecard, Adapté de Kaplan et Norton, 1998

Vision etStratégie

Axe financier

Croissance du chiffre d’affaireRéduction des coûtsAmélioration de la rentabilitéú

Axe client

Part de marchéNombre de clients nouveauxTaux de rentabilité par segmentú

Axe apprentissage organisationnel

Productivité du travailMotivationTurn-overQualité de l’information (fiabilité et pertinence)

Axe processus Interne

Qualité des produitsDélais de fabricationNombre de brevets déposésNombre de produits nouveauxQualité du service après vente

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Les objectifs financiers restent au cœur du dispositif. La création de valeur pour les actionnaires doit être une préoccupation permanente. Il faudra définir des objectifs quantifiés tels que des taux d’augmentation du chiffre d’affaire, de la rentabilité, des marges, ou tels que la réduction des coûts, etc.

L’axe client traduit la préoccupation d’attirer encore plus de nouveaux clients. Outre les indicateurs relatifs à l’évolution de la part de marché, il est intéressant pour l’entreprise de mesurer l’évolution de la proportion de nouveaux clients, l’évolution de sa rentabilité par segment, etc.

L’axe processus interne concerne à la fois le degré de maîtrise des processus de production, les évolutions potentielles de ces processus, ainsi que la qualité du service après vente. Il s’agit notamment de rechercher et de mesurer :

- l’amélioration des délais de fabrication, de la qualité des produits, etc. ; - l’augmentation du nombre de produits en phase de lancement, des brevets déposés ;- l’amélioration de l’accueil et de la prise en charge des clients par le service après

vente.

Enfin, l’axe apprentissage organisationnel s’intéresse aux performances du travail. Les indicateurs de mesure vont concerner la productivité des salariés, leurs motivations, la communication dans l’entreprise.

Les critiques à l’encontre du balanced scorecard :

Si le balanced scorecard a connu un franc succès outre atlantique et dans certains pays européens, sa diffusion en France a été très limitée. Une littérature abondante a été consacrée aux limites de l’approche. Bourguinion, Mallerret et Nørreklit (2002) ont répertorié les critiques les plus répandues :

Le TBP n’apporterait rien de nouveau par rapport aux tableaux de bord français. Ces derniers comportaient déjà une association d’indicateurs financiers et non financiers.

Il serait mal adapté au contexte socio-organisationnel français, il ne correspondrait pas au "style de management" français : le déploiement mécanique et descendant du balanced scorecard fait une distinction entre la phase de la formulation de la stratégie, et la phase de sa mise en œuvre, et ne tient donc pas compte de la nature collective du processus d’élaboration de la stratégie. De plus, il ne prend pas en compte l’existence de marge de manœuvres aux niveaux inférieurs de l’organisation. Enfin, le système de rémunération fondée sur les performances, préconisé dans le balanced scorecard, est très peu répondu en France, son utilisation pourrait créer ou aggraver les tensions au sein des entreprises.

Problèmes de conceptualisation : Bessire (2000) a noté des confusions sur les dimensions du pilotage. Ainsi, bien que Kaplan et Norton parlent de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie, ils ne se réfèrent à aucun modèle stratégique précis comme base de leur raisonnement. Par ailleurs, la vision, qui est la vocation de l’entreprise, est mise au même niveau que la stratégie, puis écartée dès que les auteurs traitent de l’application du balanced scorecard. En outre, il y a contradiction sur la primauté ou non de l’objectif

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financier sur les autres objectifs, d’autant plus que les fondements du modèle causal du balanced scorecard, déjà exposé, ne sont pas explicités, et que l’universalité de ce modèle causal quelle que soit la stratégie peut être contestée (Lorino, 2001).

Nous allons présenter les fondements théoriques des systèmes de contrôle selon les conceptions classiques et nouvelles, dans le but de faire apparaître les mécanismes sous-jacents au système du balanced scorecard.

LES CONCEPTIONS FONDAMENTALES DES SYSTEMES DE CONTROLE

Anthony (1965) a définit, une première fois, le contrôle de gestion comme un processus par lequel les gérants sont assurés que les ressources sont obtenues et utilisées pour la réalisation des objectifs d’une manière efficace et efficiente. Et en 1988, Anthony a fait évoluer cette définition. Pour lui, le contrôle de gestion représente le processus par l’intermédiaire duquel, les managers influencent d’autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre la stratégie de l’organisation.

Henri Bouquin (1996) identifie les finalités du contrôle comme étant la nécessité de relier la stratégie au quotidien de l’entreprise, d’orienter les comportements des individus, et d’identifier les relations entre finalités et ressources.

Après avoir présenté l’analyse des systèmes de contrôle selon William Ouchi, et ses extensions notamment par Norman Macintosh, nous allons traiter du cadre d’analyse novateur de Robert Simons.

L’approche contingente de William Ouchi :

William Ouchi (1979) a proposé, en se basant sur le cadre d’analyse de James Thompson (1967), une typologie qui permet d’émettre des hypothèses pour mieux comprendre la problématique du contrôle dans une organisation. Par cette typologie, Ouchi cherche à déterminer les mécanismes qui permettent à une organisation de réaliser ses objectifs, en associant un certain type de contrôle à des caractères organisationnels particuliers. Les paramètres retenus sont le niveau de connaissance du processus de production et la capacité à mesurer les résultats.

Ouchi propose trois systèmes dominants de contrôle :

Le contrôle par la bureaucratie : c’est l’ensemble des règles et procédures formelles qui indiquent ce qu’il faut faire ou ne pas faire (Livian, 1998). Lorsque les objectifs stratégiques sont clairs et les moyens de les atteindre sont maîtrisés, la spécification des règles de comportement et de production amène à la constitution d’un système bureaucratique, et ce, que la mesure de la performance soit forte ou faible. Cette forme de contrôle est applicable dans un environnement prévisible, et suppose des problèmes analysables et des tâches peu complexes.

Le contrôle par le marché : ce type de contrôle est intéressant lorsque les objectifs stratégiques ou le processus de production ne sont pas maîtrisés. Il s’agit d’une introduction des mécanismes de marché au sein de l’organisation afin de parvenir à une régulation par l’échange économique dans un contexte de concurrence. C’est un

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contrôle efficace lorsque les objectifs définis sont rationnels. La logique de contrôle par les résultats prévaut ici sur la conformité à des règles de comportement. Néanmoins, malgré l’allègement apparent des mécanismes de régulation, il ne s’agit pas d’une disparition des règles, mais simplement d’un changement de leur nature.

Le contrôle par le clan : il s’impose quand il n’est pas possible d’établir de règles de production, et quand les résultats définitifs ne sont pas disponibles. Il repose sur des rites, des coutumes, sur une forte socialisation des individus, internalisant le contrôle en chacun d’entre eux par son adhésion, plus au moins volontaire, aux principes et valeurs de l’organisation. C’est le cas des activités de recherche et développement, des hôpitaux, etc.

Bien entendu, les différentes formes de contrôle ne s’excluent pas les unes les autres,elles peuvent être complémentaires. Ainsi, s’il est important de distinguer le contrôle par le comportement du contrôle par le résultat dans une organisation, ces deux types de contrôle sont interdépendants et non substituables (Ouchi et Maguire, 1975). De plus, l’importance de la perception du contrôle par le comportement diminue quand la perception du contrôle par le résultat augmente (Ouchi, 1978), ce dernier se transmettant mieux entre les différents niveaux hiérarchiques, que le contrôle par le comportement.

Cette analyse a été approfondie et étendue par Norman Macintosh (1994) et Challagalla et Shervani (1996).

Les extensions de la typologie de William Ouchi :

Norman Macintosh (1994) a réalisé un travail d’affinement et d’approfondissement de la typologie d’Ouchi. Il décrit les méthodes d’évaluation et de suivi pouvant être utilisées. Il propose ensuite, des systèmes de contrôle pour chaque situation possible. Enfin, il compare l’usage idéal de la comptabilité de gestion aux usages effectifs(de la Villarmois, 1999).

Lorsque la connaissance des moyens et du processus de production est parfaite, et que les objectifs sont clairs, les ressources utilisées doivent correspondre aux résultats attendus. Le contrôle envisagé est un contrôle de type bureaucratique basé sur des critères comportementaux. Mais les résultats peuvent diverger de l’optimum lorsque l’un de deux paramètres est incertain. Macintosh préconise la réalisation de tests instrumentaux pour voir si des objectifs intermédiaires préalablement choisit sont atteints. Enfin, si des sources d’incertitudes existent et concernent les deux paramètres, il faudra mener des tests sociaux.

Mais l’utilisation de ces types de contrôle peut se faire d’une manière non rationnelle, et s’éloigner de l’utilisation optimale. Ainsi, les systèmes de comptabilité et de contrôle sensés apporter des propositions dans le cadre du contrôle bureaucratique, peuvent être utilisés comme parades aux problèmes posés. Ces systèmes peuvent être utilisés dans le contrôle par le marché, pour conforter les engagements déjà adoptés au lieu de favoriser la réflexion dans l’organisation. Enfin, dans la logique du contrôle par le clan, ces systèmes peuvent s’avérer être des moyens pour se prémunir, plutôt que des moyen pour développer le dialogue.

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Macintosh a distingué d’autres formes de contrôle, considérées comme marginales. Il s’agit du contrôle charismatique et du contrôle collégial :

Le contrôle charismatique est préconisé dans une organisation lorsque les objectifs sont clairs, mais un environnement mouvant, ou encore, une situation de crise rendent le processus de production incertain. Les logiques de fonctionnement de l’entreprise ne sont plus conformes aux exigences d’adaptation à l’environnement. La direction aura pour rôle de promouvoir le dialogue dans l’entreprise pour permettre de dégager les meilleures perspectives d’avenir, et son intervention dans ce dialogue devra se canaliser les efforts pour l’atteinte les objectifs. La rémunération des individus doit être directement liée à l’atteinte des objectifs, le but étant de les motiver. Mais ce type de contrôle ne peut être utilisé que pour une période limitée, une fois les processus maîtrisés, il est vivement conseillé de revenir à un contrôle de type classique (la bureaucratie ou le marché). Le risque de déviation du contrôle charismatique de son usage idéal consiste à son utilisation comme réponse, plutôt que pour favoriser l’apprentissage.

Le contrôle collégial est intéressant lorsque les objectifs ne sont pas clairs, alors que les connaissances nécessaires à la transformation ainsi que les moyens de sa mise en œuvre sont maîtrisés. Un collège d’individus, choisis pour leur compétence, doit délibérer sur les valeurs principales de l’entreprise, et chercher le consensus nécessaire sur ses finalités et comment y parvenir. Mais malgré la diffusion de ce type de contrôle, reste qu’il peut être perçu comme un système manquant de démocratie. De plus, les pouvoirs du collège sont souvent détournés par la direction pour valider ses propres choix (de la Villarmois, 1999).

Il existerait par ailleurs, selon Challagalla et Shervani (1996), une autre forme de contrôle qui serait une variante du contrôle par les comportements, il s’agit du contrôle par les compétences : c’est un contrôle qui passe par une standardisation des compétences des subordonnés, plus que par la nécessité de conformer leur conduite à des consignes précises. Cette forme de contrôle se manifeste à l’occasion du recrutement, par la recherche de profils et de formations qui garantiront l’existence de comportements nécessaires à des exigences futures (Livian, 1998).

Il est également admis que ces différents systèmes de contrôle peuvent être utilisés simultanément. Ainsi, les contrôles par les compétences et par le marché peuvent être associer sans difficulté (l’évolution de la normalisation en est un très bon exemple). Ce dernier, repose par ailleurs sur une certaines idéologie (qui nous renvoie au clan) selon laquelle, le marché est le meilleur régulateur pour l’organisation. Cependant, il est difficile de s’appuyer uniquement sur le contrôle par la tradition, car l’existence d’une culture d’entreprise devrait être une réalité permanente, et non pas une alternative aux autres systèmes de contrôle (Bouquin, 1994). L’existence de règles formelles est donc indispensable (Livian, 1998). Reste que le principal risque d’une culture très fortement enracinée est la résistance au changement dans un environnement mouvant (Lemaitre, 1984).

A côté de cette vision conservatrice du contrôle, il existe une vision moderne des dimensions du contrôle selon laquelle, le contrôle dans une organisation a également pour rôle de stimuler l’apprentissage organisationnel.

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La vision des systèmes de contrôle de Robert Simons (1995)

Simons (1995) a porté un nouveau regard sur les systèmes de contrôle. Il a distingué deux catégories de contrôle : les systèmes stimulants et les systèmes contraignants (Figure n°2).

Figure n°2 : Les systèmes de contrôle chez Simons

D’après Simons 1995

L’auteur définit le contrôle organisationnel comme l’ensemble des processus et procédures formels construits sur la base de l’information que les managers utilisent pour maintenir ou modifier certaines configurations des activités de l’organisation.

Les systèmes de croyance servent à guider la recherche de nouvelles opportunités. Il s’agit de l’ensemble des documents communiqués aux salariés et qui définissent les valeurs principales de l’entreprise, sa raison d’être et ses orientations.

Stratégie

Valeursfondamentales

Risques à éviter

Incertitudes stratégiques

Domaines de performance

critiques

Systèmes traditionnels de

contrôleSystèmes

stimulants

Systèmes de barrières

Systèmes de croyance

Systèmes deDiagnostic / contrôle

Systèmes interactifsde contrôle

Contrôle interne

Contrôle stratégique

Contrôle de gestion

Contrôle opérationnel

Le consensus sur la raison d’être Délimitation du territoire

Positionnement pour l’avenir

Faire le travail

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Les systèmes de barrières limitent les domaines de recherche d’opportunités. Les managers d’une organisation doivent définir les actions et les comportements non tolérables dans la poursuite de la mission.

Les systèmes de diagnostic / contrôle sont créés pour motiver, suivre et récompenser. Si les systèmes de contrôle interne concernent la situation des actifs, les systèmes de diagnostic émettent des signaux destinés à analyser la santé de l’organisation. Les variables qui les composent sont pour certaines des indicateurs de succès stratégiques, elles doivent de ce fait être mesurées, surveillées et contrôlées.

Les systèmes de contrôle interactifs regroupent les systèmes de communication utilisés par la direction, d’une manière formelle, dans l’objectif de promouvoir le dialogue sur la stratégie, avec les subordonnés des différents échelons de l’organisation. Ils servent à stimuler l’apprentissage organisationnel et à l’émergence d’une nouvelle stratégie. En effet, la position des cadres opérationnels, directement confrontés à la réalité du terrain, leur permet de proposer des réponses adaptées aux problèmes, et aux opportunités stratégiques, auxquels l’entreprise est confrontée.

Le balanced scorecard cherche à intégrer cette dernière dimension, l’associant ainsi aux systèmes traditionnels de contrôle.

LES IMPLICATIONS POUR LE BALANCED SCORECARD

Le système du balanced scorecard a été construit pour tenir compte, à la fois, des évolutions de la situation interne de l’organisation, et de la nature changeante de son environnement.

L’analyse des concepts théoriques des systèmes de contrôle nous permet de déterminer certains mécanismes à l’origine de la construction du balanced scorecard.

1/ C’est un système fondé sur le charisme des dirigeants, pour stimuler l’apprentissage organisationnel :

Les concepteurs du balanced scorecard ont défini cinq principes pour créer les organisations orientées stratégie :

- Traduire l’organisation en termes opérationnels- Mettre l’organisation en terme adéquation avec la stratégie- Faire que la stratégie soit l’affaire quotidienne de tous- Transformer la stratégie en un processus continu- Mobiliser le changement grâce au leadership des dirigeants.

Mais c’est ce cinquième principe qui serait l’ingrédient déterminant de la réussite de la démarche (Kaplan et Norton, 1998) : le leadership du responsable serait plus important que les questions de structure et de conception. Les auteurs ont distingué la communication entre les managers et les salariés comme le moyen de gagner le cœur des salariés et obtenir le consensus sur la stratégie. Un système interactif de contrôle sera donc nécessaire, et aura pour rôle de favoriser le dialogue dans l’organisation, et participer ainsi au processus d’émergence d’une nouvelle stratégie. Dans cette logique, la direction a une idée des résultats à atteindre, mais ne maîtrise pas le cheminement pour y arriver. Elle devra privilégier la

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communication, la participation et l’innovation des salariés. C’est à ces derniers qu’il incombe de définir les moyens innovants pour accomplir leur mission, et atteindre les objectifs stratégiques. La liaison de la rémunération des salariés à la performance serait un bon moyen pour capter l’attention des salariés et canaliser leur engagement sur la stratégie.

Ces explications nous renvoient au contrôle charismatique tel qu’il a été exposé par Macintosh (1994), et au contrôle stimulant de Simons (1995). Les deux types de contrôle sont intéressants quand l’organisation connaît une situation difficile, ou s’elle se situe dans un environnement incertain, ce qui semble être le cas dans l’analyse de Kaplan et Norton. Mais le contrôle charismatique ne peut être envisagé pour une longue période. Il est nécessaire de revenir à un contrôle plus classique comme le contrôle par la bureaucratie ou par le marché. Dans la logique de Kaplan et Norton, les objectifs financiers priment sur les autres objectifs. Ceci nous renvoie au contrôle par le marché où la mesure de la performance se fait par un suivi des résultats plus que par le respect des règles et procédures.

Reste que ce système de contrôle charismatique peut être utilisé comme réponse, au lieu d’être un moyen de promouvoir l’apprentissage organisationnel. Il est ainsi possible de privilégier les résultats à court terme au détriment des objectifs à long terme1. Il est ainsi important dans la définition des indicateurs financiers d’accorder une place déterminante aux indicateurs de croissance, face aux indicateurs de calculs des coûts.

2/ De la réalité de la démarche « top-down » :

Il est clair que Kaplan et Norton insistent sur la présence d’une stratégie bien formulée pour le lancement du balanced scorecard. Néanmoins, ils ne soutiennent pas que la phase d’élaboration de la stratégie doit être définitivement distinguée de sa phase d’application. En effet, les auteurs insistent sur la nécessité d’un système interactif de contrôle, comme nous l’avons déjà exposé, qui favorisera l’émergence d’une nouvelle stratégie. Il n’y a pas de réduction des marges de manœuvre aux niveaux inférieurs de l’organisation, puisqu’ils sont une composante participante au dialogue organisationnel. Mais une fois les indicateurs de mesure de la performance adoptés, tous les niveaux devront s’y conformer.

CONCLUSION

Dans cet article nous avons essayé de mettre en lumière certains mécanismes à l’origine du balanced scorecard à partir des approches théoriques sur le contrôle organisationnel. Une principale limite de ce travail est l’absence de confrontation avec le travail de terrain.

1Kaplan et Norton (1998) citent un article de Steve Kerr (1995) intitulé « la folie de récompenser A si l’on souhaite B », qui explique comment les managers se disent à la recherche de la croissance à long terme et continuent à récompenser les résultats trimestriels.

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