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Bu. Acad. Vét. de ance, 1991, @ (suppl. au n° 4) 55-74 Les avanges et les inconvénients de l'ulisaon des 8-agonistes dans la producon animale par Marcel V BELLE* RÉSUMÉ L'utilisation des B-agonistes possédant une structure analogue à celle de l'adrénaline, a it l'objet de nombreuses mises au point durant les dix deières années. L'administration orale de ces produits à la dose de 0,25 à 25 ppm dans les rations conduit à une modification pronde de la carcasse des moutons, bovins, porcs et volaille. On obsee une augmentation drastique des masses musculaires et une diminution concomitante des dépôts lipidiques. Ces effets sont en accord avec la demande du consommateur qui exige une viande maigre et tendre. Mais de nombreuses inconnues persistent quant à leur mode exact d'action et leurs effets négatifs. La santé de l'animal et la sécurité du consommateur sont les problèmes préoccupants à résoudre. Dans l'état actuel de nos connaissances, ces produits sont dangereux et à proscrire. Mots és: B-agonistes - Métabolisme - Croissance - Efficience alimentaire - Composition de la carcasse. SUMMARY POSITIVE AND NEGATIVE EFFECTS OF USING 8-AGONISTS IN ANIMAL PRODUCTION The use ofB-agonists as repartitioning agents in meat animais has cused our attention during the last decade. Will these agents revolutionize the meat industry? These drugs added to the diets in concentration varying om 0,25 to 25 ppm induce dramatic increases in muscle deposit. The skeletal muscle hypertrophy is associated with a tremendous reduction in t deposition. These effects are in agreement with consumers demand. But a lot of problems and negative side effects must be solved. First of ail the safety must be demons- trated r the animal health and r the .consumer. Efficiency must also be •Unité de Biochimie de la Nutrition. Université Catholique de Louvain, Place Croix du Sud, 3-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique.

Les avantages et les inconvénients de l'utilisation des 8

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Bull. Acad. Vét. de France, 1991, 64 (suppl. au n° 4) 55-74

Les avantages et les inconvénients de l'utilisation des 8-agonistes dans la production animale

par Marcel V ANBELLE*

RÉSUMÉ

L'utilisation des B-agonistes possédant une structure analogue à celle de l'adrénaline, a fait l'objet de nombreuses mises au point durant les dix dernières années.

L'administration orale de ces produits à la dose de 0,25 à 25 ppm dans les rations conduit à une modification profonde de la carcasse des moutons, bovins, porcs et volaille. On observe une augmentation drastique des masses musculaires et une diminution concomitante des dépôts lipidiques. Ces effets sont en accord avec la demande du consommateur qui exige une viande maigre et tendre.

Mais de nombreuses inconnues persistent quant à leur mode exact d'action et leurs effets négatifs.

La santé de l'animal et la sécurité du consommateur sont les problèmes préoccupants à résoudre. Dans l'état actuel de nos connaissances, ces produits sont dangereux et à proscrire.

Mots clés: B-agonistes - Métabolisme - Croissance - Efficience alimentaire -Composition de la carcasse.

SUMMARY

POSITIVE AND NEGATIVE EFFECTS OF USING 8-AGONISTS IN ANIMAL PRODUCTION

The use ofB-agonists as repartitioning agents in meat animais has focused our attention during the last decade.

Will these agents revolutionize the meat industry?

These drugs added to the diets in concentration varying from 0,25 to 25 ppm induce dramatic increases in muscle deposit. The skeletal muscle hypertrophy is associated with a tremendous reduction in fat deposition. These effects are in agreement with consumers demand. But a lot of problems and negative side effects must be solved. First of ail the safety must be demons­trated for the animal health and for the .consumer. Efficiency must also be

•Unité de Biochimie de la Nutrition. Université Catholique de Louvain, Place Croix du Sud, 3-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique.

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confirmed for each species and dose response outlined. The exact mechanism of action has to be clarified and the meat quality may not be compromised by B-agonists. These dangerous drugs have to be banned in their actually known structure.

Key words: B-adrenergic agonists - Growth - Feed efficiency - Carcass compo­sition - Metabolism.

INTRODUCTION

Plusieurs revues récentes [HANRAHAN (1987), WILLIAMS (1987), FIEMS (1987), LAFONTAN et al. (1988), VANBELLE (1988), MOLONEY (1988), FERRANDO et VANBELLE (1989))** attirent notre attention sur une nouvelle série de molécules utilisées dans la production de viande (bovins, porcs, moutons et poulets).

Il s'agit de l'utilisation des B-agonistes du type clenbutérol, cimatérol, salbutamol, ractopamine, L644969, etc., stimulant les récepteurs B-adréner­giques chez diverses espèces. Ces substances possèdent des structures chimiques analogues à celles de l'adrénaline et de la noradrénaline. L'utili­sation de ces substances (0,25 à 25 ppm) dans des rations produit une modifi­cation profonde de la composition de la carcasse de nos animaux : réduction du dépôt de graisse jusque 30% et augmentation de la musculature (hypertrophie) et donc des morceaux nobles de la carcasse des moutons, des bovins, des porcs et de la volaille. BAKER et al. (1984), RICKS et al. (1984), DALRYMPLE et al. (1984, 1987), JONES et al. (1985), LAMMING (1986), MOSER et al. (1986), HANRAHAN et al. (1986, 1987), MALTIN et al. (1986, 1987a, 1987b), WILLIAMS et al. (1987), BOUCQUE et al. (1987), WILLIAMS (1987, 1988), JONES et al. (1988a, 1988b, 1989), WATKINS et al. (1990), ADEOLA et al. (1990).

Ces effets sont en accord avec la demande du consommateur qui exige une viande maigre et tendre.

Le fait qu'on réduise les lipides en faveur des muscles fait classer ces molécules de synthèse chimique comme des agents de répartition.

Ces molécules interviennent au niveau vasculaire et surtout modifient profondément le métabolisme azoté musculaire ainsi que le métabolisme du glycogène tant au niveau musculaire qu'hépatique. Le métabolisme des lipides est perturbé au niveau de l'adipocyte en faveur de la lipolyse et au détriment de la lipogenèse. Au niveau du muscle même, la lipogenèse serait peu affectée. De nombreuses inconnues persistent au niveau métabolique et en rapport avec les besoins des animaux (ANDERSON et al., 1987b; MITCHELL et al., 1990).

•• Les références bibliographiques mentionnées dans cette communication sont dispo­nibles chez l'auteur.

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COMMUNICATIONS 57

LES B-AGONISTES: STRUCTURE ET PHARMACODYNAMIE

Les B-agonistes possèdent une constitution chimique analogue à celle de l'adrénaline, de la noradrénaline et de l'isoprénaline, c'est-à-dire une structure B-phényléthanolamine. Ils appartiennent au groupe des arylétha­nolamines dont nous indiquons la formule générale parallèlement à celle de l'adrénaline.

OH

HO 0 �HCH, NHCH, Adrénaline

H�

� !} !:CH, NCHC-R Formule générale

R � Aryléthanolamine

3 2

Les divers radicaux situés sur le noyau et la chaîne latérale de l'arylétha­nolamine aboutissent à de nombreux composés: métaprotérénol, terbutaline, salbutamol, sotérénol, carbutérol, clenbutérol, cimatérol, mabutérol, tolubutérol, prénaltérol, ractopamine, L644969.

Le tableau 1 renseigne les formules de quelques molécules.

Plusieurs de ces composés ont été expérimentés en élevage, les mieux connus le clenbutérol, le cimatérol, plus récemment la ractopamine, le L644969 et le salbutamol sont en expérimentation. Nos connaissances de base émanent surtout des expériences réalisées avec le clenbutérol et le cimatérol, en moindre mesure de la ractopamine.

Quel est le mode d'action de ces B-agonistes? Quels sont les mécanismes biochimiques susceptibles d'être impliqués dans les mécanismes biochimiques pouvant intervenir dans la genèse des effets anaboliques et cataboliques de ce type de molécules?

Nous savons que ces molécules "répartiteurs" affectent la croissance, la consommation, l'efficacité alimentaire, la composition et le rendement des carcasses, la croissance musculaire et les dépôts adipeux, mais le mécanisme moléculaire exact de leur activité reste incomplètement connu (RICKS, 1987; WILLIAMS, 1987; TIMMERMAN, 1988; BUTTERYet DAWSON, 1988; LAFONT AN et al. 1988).

Comme nous venons de l'évoquer, ces agents chimiques ont une structure analogue aux catécholamines naturelles, adrénaline et noradré­naline. Ces dernières exercent leurs effets par des interactions avec des structures réceptrices, les récepteurs a mais surtout B. Bien que l'identité pharmacologique et biochimique des récepteurs ne soit pas entièrement élucidée à ce jour, nous commençons grâce aux techniques affinées des radioligands à mieux cerner leur structure, leur nombre, leur activité et surtout leur régulation (désensibilisation, dow-régulation).

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58 BULLETIN DE L'ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

Tableau 1 Relation structurale de quelques 8-agonistes avec celle de l'adrénaline

EPJNEPHRJNE

SOTEJlENOL

MESUPRJNE

a.ENBUTEROL

OH

CIMATEROL

SALBUTAMOL

RlTOORINE

R..\CTOPAML"4E

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COMMUNICATIONS 59

On admet actuellement que les récepteurs médiés par une perte d'ions calcium dans le cytosol avec le concours du phosphatidylinositol après stimulation par l'adrénaline sont des récepteurs a. Ces récepteurs sont trouvés dans les vaisseaux sanguins, le tube digestif et le foie (glycogé­nolyse). Les récepteurs membranaires médiés par l'AMPc sont des B-récepteurs. Il y a des B-récepteurs appartenant au système sympathique (neurotransmetteurs) et des B-récepteurs hormonaux.

Selon la stimulation plus forte par respectivement la noradrénaline ou l'adrénaline, LANDS et al., (1967) ont postulé l'existence de deux sous-types de B-adrénorécepteurs : le B 1 plus sensible à la noradrénaline et le type B2 plus sensible à l'adrénaline (ARIENS et SIMONIS, 1983). La distribution tissulaire de ces récepteurs, leur coexistence éventuelle, a été bien résumée par LAFONTAN et al. (1988) (voir tab. 2) et TIMMERMAN (1988). Soulignons cependant que les BI-récepteurs sont plus abondants dans le ventricule cardiaque du rat et du chat que chez l'homme. Ils seraient respon-

Tableau 2

Distribution tissulaire des récepteurs 8-adrénergiques : Nature des réponses physiologiques, métaboliques et endocriniennes

liées aux les 8-agonistes

Effecteur Type de

Réponse 8-récepteur

Muscle lisse : - vasculaire 82 Relaxation. - bronchique 82 Relaxation. - utérin 82 Relaxation.

Cœur 81 & 82 Inotrope et chronotrope positifs.

Foie 82 Glycogénolyse.

Adipocyte blanc 81 &82 Stimulation de la lipolyse. "atypique"

Adipocyte brun 81 &82 Stimulation de la lipolyse de la thermogenèse et de la "protéine découplante".

Muscle squelettique 81 &82 Effets sur contraction, ef-fets métaboliques (lipolyse et glycogénolyse stim.); protéolyse inhibée.

Hypothalamus 82 Inhibition de la libération GrH.

Hypophyse 82 Augmentation de la libéra-tion GH.

Pancréas 82 Stimulation de la sécrétion de l'insuline et du glucagon.

Eléments figurés (plaquet- 82 Stimulation de la produc-tes et lymphocytes) tion d'AMPc.

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sables de l'effet chronotrope et inotrope positif des catécholamines. Les récepteurs 62 sont plus importants dans le poumon, le cervelet, les plaquettes lymphocytes et l'hépatocyte. Ils sont aussi dominants dans le muscle lisse (utérus), strié et les tissus vasculaires. De plus, et il faut le souligner, d'après ARCH (1989), le tissu adipeux blanc contiendrait des 6-récepteurs atypiques très différents des B-récepteurs cardiaques (HARMS et al., 1977; WILSON et al., 1984; BOJANIC et al., 1985).

La classification des B-récepteurs en B 1 et 62 a donc ses limites et mieux vaut comme le propose ARCH (1989), parler de récepteurs 63 pour les tissus adipeux blancs, bruns et cardiaque du rat. En outre, de sérieuses limitations existent aussi pour la classification des récepteurs 6-adrénergiques du tissu adipeux brun qui joue un rôle de premier plan dans la thermogenèse et la production de chaleur. On admet (ARCH et al., 1986) que le régulateur principal de ces tissus est la noradrénaline et que le type dominant de récepteurs serait donc du sous-type 61 (et moins du 62). Mais ARCH (1989) vient de montrer clairement (par l'utilisation d'antagonistes) que les 6-adrénorécepteurs du tissu adipeux brun ne sont pas identiques aux adrénorécepteurs classiques 61 et 82 mais sont également atypiques. Le danger d'introduire des sous-types comme 63 est que l'on va assister à une prolifération de ces sous-types: en effet, les 6-adrénorécepteurs dans le tissu adipeux blanc et brun peuvent être similaires mais nécessairement identiques pour les mêmes tissus dans différentes espèces. Il est grand temps que la recherche pharmacologique nous précise mieux les structures des différents types de B-récepteurs, car il faut lever des confusions existantes. C'est ainsi, par exemple, que le salbutamol, le sotérénol, le zintérol, le fénotérol, le procatérol stimulent l'adénylate cyclase membranaire pulmonaire sans agir sur celle de la membrane myocardique. La spécificité d'action est une nécessité car nous devons maîtriser les récepteurs dans leur spécificité si nous voulons un jour avoir l'assurance totale d'atteindre la cible musculaire ou adipocytaire et non la cible cardiaque. Trop de nos molécules actuelles ne possèdent pas assez de spécificité. Cependant, ARCH (1989) vient de montrer que certains B-agonistes du type BRL 28410 et surtout BRL 37344 sont plus puissants pour la lipolyse de l'adipocyte brun du rat.

Nous le répétons, une meilleure connaissance de la structure des récepteurs, leur nombre, la régulation de leur activité par type de tissus, la relation entre la structure chimique et l'activité des molécules adréner­giques s'impose (TIMMERMAN, 1987).

ETAT DE NOS CONNAISSANCES SUR LE MODE D'ACTION DES 6-AGONISTES

(RICKS, 1987; WILLIAMS, 1987; LAFONT AN et al., 1988; ARCH, 1989; KRETCHMAR et al., 1990)

Nous savons maintenant que la plupart des 6-agonistes induisent des effets souvent interdépendants sur le métabolisme énergétique, lipidique et

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COMMUNICATIONS 61

protéique, soit de manière directe par une action sur les B-récepteurs adrénergiques de l'adipocyte du système vasculaire et du muscle, soit de manière indirecte au travers du système neuro-endocrinien ou des cellules Bêta du pancréas ou mieux par le biais de leurs actions sur la motricité du tractus digestif ou l'absorption des nutriments (voir fig. 1).

Aliment + JJ-agonistes (BA)

lSystème nerveux

Hypothalamus Glande pituitaire

Ingestion inhibée----�-------? hormone de croissance ( (stimulation?)

Estomac Rumen Thyroïde et j Contraction inhibée · h�rmone t.hY_I"oïdienne ?

Fermentation inhibée (1) action �erm1ss1ve sur BA. meme chose sur

les glandes surrénales

Intestin et les glucocorticoïdes

� Cœur

Résorption � (tachychardie)

t Poumon Sang

_ inhibition de la contraction Fonction organique des muscles bronchiaux par les JJ récepteurs :----___

/ Tissus adipeux

Lipolyse accrue Lipogénèse abaissée

Thermogénèse accrue

"'-. -------- Foie stimulation de la

glycogénolyse et de la néoglycogénèse

Pancréas ) stimulation du glucagon inhibition de l'insuline

Muscles Synthèse protéique stimulée

Dégradation protéique abaissée Elévation de la glycolyse

de la production de lactate de l'utilisation de 02

Figure 1 Mode d'action des .a-agonistes sur différents organes ou tissus

(Fiems, 1987)

Pour leur action sur le système nerveux central et le système hypothalamo-hypophysaire et leur passage éventuel de la barrière hémato­encéphalique, nous renvoyons le lecteur aux études spécialisées bien résumées récemment par LAFONTAN et al. (1988). Leurs effets sur la sécrétion ou non de l'insuline pancréatique restent très discutés surtout chez les ruminants.

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EFFETS SUR LE MÉTABOLISME DES LIPIDES ET DU TISSU ADIPEUX

Comme signalé plus haut, les effets des 8-agonistes au niveau de l'adipocyte blanc s'exercent par le biais de la concentration en AMP cyclique. Cette action est exercée par une cascade de réactions enzyma­tiques aboutissant finalement à une activation de la lipase hormone sensitive, résultant finalement en une libération d'acides gras à partir des triglycérides de réserve et une augmentation d'acides gras libres avec une réduction concomitante de la lipogenèse par réduction des effets de l'insuline (MURRAY et al., 1988). En même temps, on constate un accrois­sement du flux sanguin dans le tissu adipeux par action sur les B2-récepteurs du système vasculaire (ROTHWELL et al., 1987) de l'adipocyte. Dans le tissu adipeux brun (rongeurs et autres espèces qui en possèdent), les B-agonistes stimulent la thermogenèse et la dissipation de chaleur par la stimulation de la synthèse de la thermogenine, mais la sensibilité du tissu adipeux blanc (mélange de 81 et82-récepteurs ou B3 atypiques) est variable d'une espèce à l'autre. Les tissus adipeux du ruminant sont très sensibles "in vitro" alors que celui du porc (MERSMANN, 1984a, 1984b) et du poussin est moins sensible "in vitro" mais "in vivo", des injections répétées chez le bétail et le mouton {THORNTON et al., 1985) maintiennent une concentration élevée d'acides gras libres dans le plasma. En même temps, on constate un accrois­sement d'utilisation des acides gras libres par les fibres musculaires du type oxydatif, résultant en une modification drastique dans la composition de la carcasse. En outre, E ADARA et al. (1987) observent une stimulation sélective de la lipolyse du tissu adipeux blanc du rat par le cimatérol ainsi qu'une augmentation de l'activité de la lipoprotéine lipase du muscle squelettique dirigeant ainsi l'énergie des acides gras vers le muscle. BERNE et al., (1985) avaient également observé avec le clenbutérol une réduction des dépôts adipeux blancs associée à une augmentation du tissu adipeux brun interscapulaire.

Selon MERSMANN (1987), l'infusion de clenbutérol ne stimule pas "in vitro" la lipolyse du tissu adipeux blanc du porc, mais "in vivo" augmente la concentration en acides gras libres et celle du glycérol dans le sang.

En outre, les B-agonistes dans l'adipocyte blanc de la souris, même en présence de concentrations physiologiques d'insuline (ORCUTT et al., 1986), diminuent la lipogenèse dans ce tissu et inhibent le transport du glucose (SMITH et al., 1984; KASHI W AGI et al., 1983). Cela pose non seulement le problème des B-agonistes en relation avec la sécrétion de l'insuline, mais également leurs effets sur la liaison de l'insuline à ses récepteurs et leur incidence sur la régulation de l'activité de ces récepteurs. Il y aurait une réduction de la sensibilité des adipocytes à l'insuline! (LIU et MILLS, 1989, 1990; MILLS et LIU, 1990; PETERLA et SCANES, 1990).

Les travaux de DUQUETTE et MUIR (1985) sur l'adipocyte isolé du rat et sur des fragments de tissu adipeux blanc des ovins ont révélé que les B-agonistes réduisent aussi la synthèse "de novo" des acides gras à partir

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COMMUNICATIONS 63

d'acétate (THORNTON et al., I984). Ceci a été confirmé "in vivo" dans les dépôts sous-cutanés adipeux de la génisse, soit avec l'acétate, soit avec le glucose comme substrat (MILLER et al., I986); en outre, la lipogenèse intramusculaire ne semble pas affectée (COLEMAN et al., I986).

Les effets de la ractopamine (ANDERSON et al., I987; PRINCE et al.

I987) semblent plus spécifiques encore chez le porc.

Il a été montré récemment par HAUSMANN et al., (1989) dans l'adipocyte isolé du rat que le B-agoniste ractopamine (famille des phényl­éthanolamines) réduit la sensibilité et la réponse de ces cellules à l'insuline. L'activation de la lipolyse et la réduction de la lipogenèse sont doses-dépendantes et comparables aux mêmes doses à l'isoprotérénol (catécholamine mixte de BI et 82). L'action semble donc médiée par les B-récepteurs, car elle peut être complètement bloquée par le propanolol, un antagoniste spécifique des récepteurs B.

Sur l'adipocyte isolé, la dose effective maximale est de 10-6 molaire; à la dose mi-maximale (5 x 10-• M), la sensibilité à l'insuline est encore réduite, mais pas la réponse à l'insuline.

Dans d'autres études (EADARA et al., I985), la vitesse de synthèse des acides gras ne semble pas affectée par le cimatérol et réellement, d'autres recherches sont nécessaires pour clarifier l'interférence exacte des B-agonistes en fonction de la nature chimique de la molécule de B-agoniste et de l'espèce, dans la synthèse des acides gras et la synthèse des triglycérides subséquents et cela en relation avec la sécrétion de l'insuline et d'autres hormones. Des études pharmacologiques fonctionnelles ainsi que la durée et la persistance de leurs effets paraissent indispensables surtout chez les ruminants et les porcs, car à ce moment peu de données fiables existent (BEERMANN et al., I985, I986).

En outre, la nature différentielle des récepteurs BI, B2, B3, ainsi que l'efficacité du couplage entre le récepteur lié à l'agoniste et les différentes sous-unités du système adényl-cyclase membranaire restent à éclaircir chez les différentes espèces.

LES B-AGONISTES ET LE MÉTABOLISME DES PROTÉINES MUSCULAIRES

Comme le soulignaient récemment LAFONTAN et al. (1988), les 6-agonistes du type 82 exercent un effet répartiteur remarquable sur l'accrétion des protéines dans les muscles squelettiques.

L'action positive s'exercerait par une dilatation vasculaire doublée d'un accroissement du flux sanguin (BEERMANN et al., I986b; ROTHWELL et

al., I987), mais surtout par une action directe sur les 82-récepteurs musculaires (WILLIAMS et al., I984; BOCKLEN et al., I986; BOHOROV et

al., I987; WILLIAMS, I987, I988).

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64 BULLETIN DE L'ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

Leur action résulte surtout en une hypertrophie musculaire principa­lement des muscles striés, mais tous les muscles striés ne sont pas affectés de la même manière.

WU et al. (1986), MAL TIN et al. (1986) observent un accroissement de la surface des fibres ciblées mais pas de leur nombre, et l'hypertrophie induite semble bien limitée aux muscles squelettiques. Contrairement à la somato­tropine, elle n'est pas attribuable à une division cellulaire satellite suivie de fusion aux fibres musculaires existantes (KIM et al., 1986; Mc ELLIGOTT et

al., 1986).

Chez le rat, l'administration chronique d'un B-agoniste mixte (B 1 et B2) provoque une hypertrophie du muscle cardiaque, mais le clenbutérol (plus grande activité sur les récepteurs B2 que sur B 1) exerce le même effet chez le rat (ROTHWELL et al., 1987), et chez cette espèce contrairement à d'autres, l'effet porte sur un accroissement de l'incorporation d'acides aminés. Cette incorporation accrue est cependant limitée dans le temps (DESHORES et al.,

1981).

Le clenbutérol stimulerait également la synthèse protéique musculaire chez le rat (EMERY et al., 1984), mais des résultats discordants sont rapportés dans la littérature. La question est de savoir si la synthèse de protéines est réellement affectée ou si c'est le catabolisme qui est réduit. La ractopamine et l'isoprotérénol augmentent la prolifération "in vitro" de cellules satellites d'embryons de poulet (GRANT et al., 1990).

Chez l'agneau (BEERMANN et al., 1987), le cimatérol (10 ppm dans l'aliment) induit une hypertrophie du muscle semi-tendineux (S.T.) résultant en une augmentation de la protéine de 30 à 35 % après 7 et 12 semaines de traitement. La concentration en RNA était également accrue, mais la concentration en DNA était réduite de 220/o après 7 semaines, pour revenir à la normale à 12 semaines. Ces résultats indiquent donc une rapide augmentation en protéines et en RNA du muscle sans incorporation de noyaux des cellules satellites. Cependant, un accrois­sement du rapport RNA/DNA indique une capacité accrue de la synthèse protidique mais on n'a jamais montré un accroissement de la concentration en RNA messager, ni une hausse de la vitesse de traduction. A signaler aussi dans cette expérience de BEERMANN sur agneaux que l'insuline et la somatomédine (IGF1) étaient réduites de 55 et 340/o respectivement dans les animaux traités au cimatérol. Les teneurs en T4 étaient au contraire augmentées de 25 %, celles du T3 de 11 % alors que les concentrations en glucose, prolactine et cortisol plasmatique n'étaient pas modifiées. La somatotropine était 2,3 fois plus élevées après 7 semaines mais, était revenue à la normale après 12 semaines de traitement. Les acides gras libres plasmatiques étaient augmentés de 600/o par rapport aux témoins.

Les modifications endocrines induites par le cimatérol chez l'agneau peuvent aider à comprendre partiellement l'accroissement de la croissance

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musculaire et de la réduction des lipides dans les carcasses de l'agneau (MALTIN et al., 1987a). Il est bien connu qu'une augmentation de somato­tropine stimule indirectement la croissance musculaire (JOHNSON et al., 1985), mais son action est probablement médiée par les somatomédines hépatiques. Mais dans l'expérience de BEERMANN, celles-ci étaient réduites au niveau plasmatique, probablement parce que le prélèvement a été réalisé après 6 heures de retrait des aliments.

Un autre point à retenir est l'action différentielle probable des B-agonistes sur les différents types de fibres musculaires. Le rapport entre le nombre de fibres de type 1 (à contraction lente, oxydative) et le nombre de fibres de type II (à contraction rapide, oxydative et glycolytique) ne semble pas être changé par un traitement chronique au cimatérol. Selon BEERMANN et al. (1985a), l'augmentation de la masse musculaire semble être due chez l'agneau à l'hypertrophie des deux types de fibres, mais surtout du type II selon KIM et al. (1986).

Selon REEDS et al. (1986), la synthèse de la protéine musculaire ne serait pas affectée mais au contraire, les 8-agonistes auraient un effet direct inhibiteur sur les enzymes protéolytiques du système lysosomial (Mc ELLIGOTT et al., 1986). Le catabolisme protidique musculaire serait réduit ainsi que le turnover. Les effets indirects médiés par l'insuline ne peuvent pas être écartés. A l'exemple de l'adrénaline qui induit un accroissement de la liaison de l'insuline à un récepteur musculaire, les 8-agonistes peuvent aussi interférer sur la sensibilité des récepteurs musculaires 82 à l'insuline, ce qui pourrait renforcer l'action anabolisante de l'insuline au niveau musculaire. Cet effet spécifique de l'insuline ne s'observe ni dans le foie (BONEN et al., 1986) ni dans le tissu adipeux. Cela pose toute la question de la structure différentielle (ou de leur régulation) du récepteur insuline dans différents tissus (BURAN et al., 1986; JAMES et al., 1986).

Globalement, il semble donc que les 8-agonistes réduisent le turnover des protéines musculaires alors qu'au niveau de l'adipocyte, la lipolyse est accélérée et la lipogenèse réduite. Tout se passe comme si la sensibilité et la réponse des récepteurs à l'insuline étaient fortement diminuées, mais la prudence s'impose entre le "in vitro" et le "in vivo", et certainement entre les différentes espèces. C'est ainsi par exemple que l'insuline induit une stimulation du métabolisme du glucose de 4 à 10 fois dans l'adipocyte isolé du rat ( OLEFSKY, 1977) mais seulement deux fois plus ou moins chez le porc (WALKON et ETHERTON, 1986; MERSMANN et HU, 1987). Des études fondamentales sont indispensables pour éclairer le métabolisme exact des B-agonistes et surtout leur interférence dans le métabolisme de l'insuline, dans différentes espèces et leurs différents tissus.

L'impact sur le métabolisme du glycogène sera envisagé lorsqu'on traitera des qualités organoleptiques de viande. Voyons d'abord les effets zootechniques pour terminer par les aspects négatifs et les problèmes posés par les 8-agonistes.

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RÉSUMÉ DES PERFORMANCES ZOOTECHNIQUES

1. Période optimale d'application. Les résultats récents obtenus avec ces agents sont surtout positifs à la fin de la période de croissance-finition et d'autant plus spectaculaires que les animaux auxquels on les applique, donnent génétiquement des carcasses plus pauvres (plus de graisses et moins de muscles) (ALLEN et al., 1987; LAMMING, 1987; GREIFE et al.,

1987; BERSHAUER et al., 1987; JONES, 1989a; JONES et al., 1989b).

2. Les composés testés sont actifs chez les mâles, femelles et castrats des animaux testés, mais les femelles semblent plus sensibles que les mâles.

3. Au point de vue accrétion azotée (hypertropie musculaire), l'ordre d'efficacité est: moutons et bovins> veaux> porcs> volailles (WILLIAMS, 1988). Il semble que c'est surtout la dégradation des protéines, leur "turnover", qui est réduit (surtout chez les espèces à catabolisme azoté intense) alors que la synthèse protéique semble peu affectée (voir aussi BERGEN et al., 1987; VEENHUIZEN et al., 1987; GRANT et al., 1990).

4. A noter aussi que le rendement d'abattage est augmenté en moyenne de 60/o pour les bovins, 90/o pour les agneaux et de 30/o pour la volaille alors que la carcasse du porc semble peu affectée (tab. 3, WILLIAMS, 1988). D'une manière générale, on constate aussi une réduction du poids des peaux, des viscères mais aussi des organes primordiaux tels que le cœur, les poumons et le foie, c'est-à-dire de la partie non-carcasse.

Tableau 3 Effets des fi-agonistes sur le rendement des carcasses,

la composition de la 12c côte du porc, du bétail, des agneaux et composition globale de la volaille (Williams, 1988)

Porcs Bétail Moutons

Rendement carcasses: Témoin 75,3 58,9 50,0 Traitement 75,3 62,7 54,5 t:.% 0 6 9

Epaisseur lipidique sur le longissimus dorsi: Témoin 2,59 1,16 0,52 Traitement 2,28 0,87 0,37 t:.% 12 25 29

Surface longissimus dorsi (cm2): Témoin 34,3 75,1 17,9 Traitement 37,4 90,9 23,4 t:.% 9 21 31

Poulets

68,4 70,3

3

19,38* 18,47

5

17,3** 18,0

4

• % Lipides coroporels •• % Protéines corporelles

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5. Quant aux performances zootechniques telles que l'accroissement du poids journalier, les réponses observées sont très variables d'une molécule à l'autre selon le type de ration ou le système d'alimentation (tab. 4). Elles sont en moyenne améliorées de l'ordre de 5 % pour le poulet de chair, 6% pour les bovins et moutons, et pratiquement nulles pour le porc (FIEMS, 1987). Pour la ractopamine, voir BERGEN et al. (1987), MERIŒL et

al., (1987) et WATKINS et al. (1990).

6. Quant à l'amélioration de l'indice de conversion alimentaire, il serait de l'ordre de 40/o chez le poulet de chair et le porc, et de 10-11 % chez les bovins et moutons. La dose optimale ne devrait pas dépasser 5 ppm dans la matière sèche des régimes. En fonction de la nature chimique de la molécule, les optima seraient les suivants: 0,25 ppm pour le poulet de chair, 1 ppm pour le porc en croissance-engraissement sauf pour la ractopamine : 16-18 ppm (W ATKINS et al .• 1990), 2 ppm pour le mouton et 2 à 4 ppm pour le bétail.

Pour une étude détaillée, nous renvoyons le lecteur:

- pour les résultats zootechniques obtenus sur volaille de chair, aux études de DALRYMPLE et al. (1984a, 1984b, 1984c, 1985), DUQUETTE et MUIR (1985), QUIRIŒ et al. (1985), MUIR et al. (1985), DALRYMPLE (1987), DALRYMPLE et INGLE (1987);

- pour les résultats zootechniques obtenus sur porcs, à DALRYMPLE et

al. (1984a), JONES et al. (1985), PRINCE et al. (1985), MOSER et al. (1986), BEKAERT et al. (1987), COLE et al. (1987), WALLAGE et al. (1987), V ANWEERDEN, (1987), BETCHEL et EASTER (1987), MERSMANN et al.,

(1987), PRINCE et al. (1987), ANDERSON et al. (1987), WOOD et al. (1987), W ALKER et al. (1989), JONES (1989a), JONES et al. (1989), W ATKINS et al.

(1990);

- pour les performances zootechniques obtenues chez les agneaux, on peut se référer aux études de BAKER et al. (1984), DALRYMPLE et al. (1985),

Tableau 4 Améliorations en % des performances zootechniques provoquées

par les 8-agonistes (moyenne des essais)

Porcs Bovins Veaux Agneaux Laitiers Viand.

Gain moyen 0 30 6 0 7

quotidien

Conversion 3-5 22-30 5 0 10-11

alimentaire

Réduction des lipides 6-15 33-40 30 36 19-27 dans la carcasse

Poulets

3-5

3-4

5-10

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THORNTON et al. (1985), BEERMANN et al. (1986), HAMBY et al. (1986), HANRAHAN et al. (1986), DALRYMPLE (1987), Mc RAE et al. (1988), KRETCHMAR et al. (1990);

- en ce qui concerne le veau, l'excellente expérience de WILLIAMS (1987) résume bien le problème ;

- finalement, pour les bovins, le lecteur doit se référer au Séminaire de la CEE (Ed. HANRAHAN, 1987) ainsi qu'aux études faites par RICKS et al.

(1984), ALLEN et al. (1987), BOUCQUE et al. (1987), MOLONEY (1988), SOMMER et al. (1988), EISMANN et al. (1988), MILLER et al. (1989).

LES EFFETS INDÉSIRABLES OU NÉGATIFS DES B-AGONISTES

L'impact pharmacotoxicologique des résidus des B-agonistes dans les aliments (foie, muscle) pose le problème de l'intoxication alimentaire collective du consommateur comme on l'a constaté récemment en France (PULCE et al. 1991) et en Espagne (MARTINEZ NAVARRO, 1990). Les caractéristiques cliniques des malades sont: durée moyenne d'incubation (2 h 30 à 6 heures), durée moyenne des signes cliniques (2 à 4 jours) et ces signes sont: tremblements, palpitations, tachycardie, céphalées et myalgies fréquentes.

Rappelons que la plupart des B-agonistes ( clenbutérol, cimatérol, etc.) exercent leurs effets par le biais des récepteurs BI et 82. Leurs effets broncho-dilatateurs sont bien connus, mais également leur influence non négligeable sur le système cardio-vasculaire (tachycardie, vaso-dépression), ainsi que sur le système neuro-musculaire (tremblements et crampes). La complexité de leur action et les multiples "enchevêtrements" biologiques qui en résultent incitent l'hygiéniste comme le physiopathologiste à la prudence et suscitent de sérieux motifs d'inquiétude dans l'état actuel de nos connaissances.

Il y a tout d'abord les constatations de WILLIAMS et al. (1987) chez le veau, de GREIFE et al. (1987) chez le porc à l'engrais, et enfin de Mc RAE et al. (1988) chez les agneaux, de divers troubles provoqués aux faibles doses utilisées (< 1,5 mg/kg d'aliment), notamment la tachycardie et la baisse de pression sanguine.

Chez les veaux (WILLIAMS et al., 1987) recevant 2 mg de clenbutérol par kg de poids vif, les battements du cœur passent de 75 à 120 par minute et à 150 si la dose est de 20 mg. BROCKWA Y et al. (1987) soulignent que les augmentations du rythme cardiaque, même pendant plusieurs heures, représenteraient un trouble physiologique considérable à ne pas négliger bien que le retour à la normale se produise après quelques heures.

Souvent, la déperdition de chaleur chez le rat, le porc et le veau est augmentée.

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On a également observé une diminution du volume du cœur qui pourrait extérioriser une subatrophie, voire même une atrophie de cet organe, comme du foie et des poumons, ainsi qu'une peau plus fine.

Une action vaso-dépressive survient chez le mouton dans les 8 premières heures qui suivent l'administration du clenbutérol, selon BROCKW A Y et al., ( 1987).

Par ailleurs, chez des souris mâles de souche M16 caractérisées par un gain de poids rapide dans les 3 à 6 semaines qui suivent le sevrage, et des souris ICR non sélectionnées, EISEN et al. ( 1988) observent sous l'action d'un régime contenant 50 ou 200 mg/kg de cimatérol, une mortalité de 12,50/o pour la souche M 16 contre 1,3 % pour la souche ICR, par rapport aux témoins. Les auteµrs concluent que cette réponse différentielle à l'apport de cimatérol traduit des différences génétiques dans la régulation des mécanismes métaboliques. Qui peut prévoir cette susceptibilité différen­tielle dans la pratique?

Par ailleurs, des observations analogues auraient été faites par BERNE et al. (1985) sur 4 souches de rats, tout au moins en ce qui concerne l'action sur le développement musculaire qui varierait selon les muscles d'après SAINZ et WOLFF ( 1988).

Une influence négative importante peut s'exercer sur certains muscles (oxydatifs), influence qui résulte de deux actions conjointes que certains B-agonistes exercent à ce niveau. D'une part, ce sont les fibres musculaires du type II qui sont les plus hypertrophiées mais aussi les moins riches en glycogène. Or, on ne peut pas oublier que les B-agonistes par le biais de leur récepteur B augmentent l'activité de l'adényl-cyclase membranaire et augmentent la concentration en AMP cyclique qui par une cascade biologique va accélérer la glycogénolyse tant au niveau musculaire qu'hépatique.

Au niveau musculaire, la réserve en glycogène est ainsi épuisée, il en résulte qu'au moment de l'abattage, la glycolyse post-mortem pourrait être insuffisante, entraînant un pH trop élevé (Mac DOUGALL et JONES, 1981; DEMEYER et SAMETIMA, 1991). Cette conjugaison d'actions détermine une couleur noirâtre des viandes ( dark cutting), comme on l'a remarquée au niveau du muscle long dorsal des moutons ayant reçu le cimatérol. Ce pH insuffisamment bas favorise la pollution microbienne des carcasses avec toutes les conséquences que cela peut présenter sur le plan de l'hygiène alimentaire. Les différences entre espèces restent à préciser. Les carcasses étant moins grasses, leur refroidissement risque d'être plus rapide ce qui ,influence de manière défavorable la tendreté des viandes. Enfin, la teneur en eau des carcasses est souvent augmentée chez les moutons et les bœufs, les porcs et la volaille comme le rapporte FIEMS ( 1987). Mais ce phénomène est à relativiser et est essentiellement dû à l'augmentation du taux protéique de la viande, chaque gramme de protéine entraînant une rétention de 3 g d'eau, selon ROBELIN et GEAY (1978).

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D'après les chiffres relevés dans la littérature, l'augmentation de la teneur en eau de la viande serait de 8 à 12 % chez les agneaux, de 6 à 10 % chez les bovins, de 4 à 5 O/o chez les porcs et de plus de 7 % chez le poulet.

Par ailleurs, en relation avec la qualité de la viande, il faut relever que les lipides déposés en moindre quantité ont une composition moins saturée chez le mouton et le porc. Ils sont en particulier plus riches en acide linoléique (WILLIAMS, 1988). Cela est intéressant du point de vue de la diététique des consommateurs, mais l'est moins en ce qui concerne les processus d'oxydation susceptibles de se dérouler au cours du stockage des carcasses. Des indications récentes (MILLER et al., 1988), du moins pour les bovins, tendraient à montrer que les 6-agonistes n'auraient pas ou peu d'influence sur la lipogenèse ou la lipolyse dans le tissu adipeux intramus­culaire. L'effet est inverse dans le tissu adipeux sous-cutané.

Chez le mouton, COLEMAN et al. (1988) estiment, selon des observations faites "in vitro", que le clenbutérol ne diminue pas le dépôt des graisses sous-cutanées en inhibant la lipogenèse. Il y aurait plutôt un abaissement des adipocytes riches en lipides (inhibition de l'hyperplasie) par rapport à ce qui se produit chez les moutons témoins. Il existe donc des différences spécifiques des effets chroniques de B-agonistes qui méritent d'être précisées.

Il faut ajouter que lors de la dégustation des viandes traitées par des panels de professionnels, les résultats d'acceptabilité semblent très ambigus : pour les uns, pas de différence, un peu plus dur pour d'autres. Cette ambiguïté se comprend car tous les muscles ne répondent pas de la même manière aux 6-agonistes. En ce qui concerne la tendreté de la viande d'animaux traités aux B-agonistes, on s'accorde à dire maintenant que cette qualité est négativement influencée tout au moins pour l'agneau (HAMBY et al., 1986; KRETCHMAR et al., 1990), le bétail (MILLER et al., 1988; FIEMS et al., 1990; DEMEYER et SAMETIMA, 1991) et le poulet (MORGEN et al.,

1988).

Il est clair que la protéolyse post-mortem des fibres musculaires, des protéines myofibrillaires, la rigor mortis, les lipides intramusculaires et le collagène déterminent en grande partie la tendreté de la viande. Cette protéolyse post-mortem est surtout l'œuvre de 2 types d'enzymes protéoly­tiques: des protéases lysosomiales (cathepsines A.B.D.H.L.) actives à pH inférieur à 6 {SCWARTZ et BIRD, 1977; K IRSCHIŒ et al., 1983; KOOHMARAIE et al., 1987) et des, protéases cytosoliques calcium dépendantes travaillant surtout à pH neutre et dont deux enzymes ont déjà été caractérisées : la calpaïne 1 activée par des concentrations M de calcium et la calpaïne II activée par des concentrations mM de Ca++ (voir WANG et BEERMAN, 1988; KRETCHMAR et al., 1990). L'activité de la. calpaïne 1 est régulée par son inhibiteur associé: la calpastatine, alors que l'initiation de l'activation de cet enzyme est due à l'auto lyse (DAYTON, 1982; KOOHMARAIE et al., 1986, 1987).

Il y a plusieurs publications récentes qui supportent l'hypothèse que les 6-agonistes induisent une réduction de l'activité des enzymes protéoly-

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tiques musculaires, expliquant ainsi une réduction du catabolisme protidique musculaire et l'obtention de viandes plus dures (KRETCHMAR et

al., 1990).

Pour terminer, il faut encore ajouter que dans de nombreux essais zootechniques variables selon la dose et l'espèce, des réductions d'ingestion et d'inappétence sont constatées sous certaines conditions et que, spécia­lement chez le porc, la paralysie des membres postérieurs a été observée ce qui pourrait signifier (en fonction de la dose) que certains 82-agonistes peuvent franchir la barrière hémato-encéphalique après administration systématique et perturber l'activité des neurones sérotoninergiques et adrénergiques (LAFONT AN et al., 1988). Nous devons aussi obtenir plus de précisions sur l'incidence de ces traitements aux B-agonistes sur le profil endocrinien des espèces présentant un intérêt en production animale. Quels sont les effets de perturbation sur l'homéostase à court terme et les effets des traitements chroniques sur l'homéorhèse à moyen et à long terme? De nombreuses inconnues restent à préciser (voir LAFONTAN et al., 1988 pour une étude critique).

Un des problèmes encore à résoudre est l'estimation et le dosage correcte des résidus, car il faut disposer non seulement des méthodes adéquates d'analyse pour les aliments composés mais aussi au niveau tissulaire. Si on possède déjà des méthodes de dépistage convenables pour le clenbutérol et le cimatérol, on peut se poser des questions sur la détermi­nation des résidus dans les viandes surtout que selon WILLIAMS (1988), les 8-agonistes seraient rapidement métabolisés et à ce titre, on doit signaler qu'après 3 à 5 jours de retrait de ces composés de la ration, le métabolisme normal reprend rapidement ses droits (dépôt lipidique rapidement augmenté, réduction rapide du bilan azoté, restauration du glycogène).

Cependant, WILLIAMS (1988) estime aussi que durant le traitement les 8-agonistes peuvent être séquestrés dans certains organes cibles dans le foie, les reins et le tissu adipeux. Que faut-il penser de l'induction par les 8-agonistes, après exposition chronique orale des tumeurs bénignes (Mesovarial leiomyosmas) du muscle lisse mesovarium qui place l'ovaire en opposition directe à l'oviducte?

Alors que ces symptômes avec les mêmes drogues n'apparaissent pas chez la souris femelle? Serait-ce propre à l'espèce du rat et même spécifique à certaines souches?

Chez la femme, l'utilisation des B-agonistes bronchodilatateurs dans le traitement de l'asthme (salbutamol, terbutaline) n'a que rarement induit de leiomyomes ou des leiomyosarcomes. Mais il faut rester vigilant pour voir si l'utilisation chronique des 8-agonistes ne peut être carcinogène chez la femme et d'autres espèces (Documentation CEE).

Et comme nous le signalions (FERRANDO et V ANBELLE, 1989), des recherches doivent être entreprises à l'aide de méthodes de dosage très sensibles pour déterminer exactement ce qu'il en est. Comme l'observe GIRAULT (1986) dans sa thèse consacrée au dosage du clenbutérol, la mise

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au point d'une technique d'évaluation "d'un principe actif, administré quotidiennement à des doses unitaires aussi faibles que 40 µg, représentait un sérieux défi pour l'analyste". Cette remarque concernant l'activité thérapeutique (activité déjà à une concentration 10- 11 Molaire) inquiète aussi l'hygiéniste.

Mais l'utilisation frauduleuse des B-agonistes, dont la destination initiale était réservée (à des doses bien plus faibles) au traitement de certaines affections respiratoires chez le cheval et en obstétrique pour le contrôle des contractions utérines, devrait aussi engager la responsabilité des vétérinaires etje voudrais, avec le Pr ESPINASSE et J .P. RAYNAUD, vous inviter àrelire dans laRevuede/'Ordredes Vétérinaires (203, 1988, p.105-106) les rappels du Conseil Supérieur de l'Ordre (France).

"Le Conseil rappelle que l'usage de substances à l'état pur est interdit sous quelque forme que ce soit. Qu'en ce qui concerne en particulier les B-agonistes, elles ne peuvent être administrées dans l'alimentation des animaux même sous forme de préparations extemporanées qui ne peuvent être prescrites et fabriquées qu'à partir de pré-mélanges ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché".

"Au surplus, l'emploi frauduleux des B-agonistes présente des inconvé­nients majeurs. Sur le plan économique, leur administration aux animaux destinés à la boucherie compromet la stabilité de l'équilibre des filières de viande. La profession vétérinaire pourrait en porter la responsabilité".

Dois-je ajouter que sur le plan doctrinal, notre comité scientifique de l' Alimentation Animale de la Communauté demeure très circonspect et nos toxicologues émettent les plus grandes réserves, car nous manquons surtout d'informations précises sur la toxicologie des résidus de ces substances, leurs effets précis par espèce sur les qualités des viandes, mais surtout sur leur mode d'action au niveau cellulaire, le turnover et le mode d'élimination des résidus chez les animaux traités.

Je partage entièrement l'avis de mon collègue et ami, le Pr FERRANDO: "Pour l'instant, ne pas utiliser ces produits et en déconseiller l'usage aux éleveurs. Telle doit être la position de nos confrères".

"Les confrères refuseront d'être complices d'une fraude grave, mais ils sauront aussi dissuader les éleveurs de l'usage des B-agonistes".

RÉFLEXIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS (FERRANDO et V ANBELLE, 1989)

L'utilisation des B-agonistes va-t-elle révolutionner la production de viande de demain? C'est la question brûlante d'actualité. Il est trop tôt pour juger, mais la multiplicité complexe des répercussions des B-agonistes sur divers organes et métabolismes doit inciter à la plus grande prudence ceux qui désireraient les employer en élevage. Leur analogie structurale avec

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l'adrénaline et la noradrénaline en fait en réalité des pseudo-hormones ayant une action non seulement sur les récepteurs postsynaptiques des neurotransmetteurs, mais également sur les récepteurs hormonaux du type 6 localisés dans les membranes cellulaires cibles. Ce sont donc des 6 stimulants biologiquement actifs sur les récepteurs 61 et62.

Les récepteurs a ont surtout des fonctions stimulatrices: vaso-constriction, contraction de l'utérus, sécrétion salivaire. Ils déterminent également une inhibition du péristaltisme intestinal et de la sécrétion d'insuline. Mais leurs effets s'exercent surtout par le biais des 6-récepteurs . Les récepteurs 61 prédominent dans le tissu cardiaque et stimulent la lipolyse. Les récepteurs 62 se trouvent essentiellement dans les muscles lisses des bronches, des vaisseaux, de l'utérus, des muscles striés du poumon et du foie. Les récepteurs du tissu adipeux blanc et brun sont "atypiques". On voudrait les appeler récepteurs 63 (ARCH, 1989).

Il est clair maintenant (WILLIAMS, 1988) que tant le clenbutérol que le cimatérol ont une action concertée sur les récepteurs 61, mais plus prononcée sur les récepteurs 62 et sur les récepteurs atypiques du tissu adipeux. Il semble d'après la littérature qu'il soit actuellement assez délicat de démêler les interférences des activités que les 6-agonistes exercent sur ces différents récepteurs. La nature des récepteurs, leur nombre, la régulation de leur activité en même temps que l'affinité pour les différents

6-agonistes, leur sensibilité à concurrencer l'insuline, méritent des éclaircis­sements pour mieux définir leur mode d'action. L'avenir devrait nous fournir des B-agonistes spécifiques pour les différents récepteurs spécia­lement pour les B2 et B3 sans action conjuguée et secondaire sur les autres récepteurs. La relation entre la structure chimique de la molécule (lipophylie accrue des chaînes latérales) (TIMMERMAN, 1988) et leur activité spécifique appartient à l'avenir de la pharmacodynamie et pourra peut-être permettre d'obtenir des molécules susceptibles d'activer la synthèse protéique et de diminuer les dépôts lipidiques sans modifier le rythme cardiaque, les phénomènes de vaso-pression et la sécrétion d'insuline. Même si l'on parvient à atteindre ce but, il restera à s'assurer que la surcharge hydrique des muscles et la diminution des graisses intramuscu­laires, le persillé, ne modifient pas les qualités organoleptiques des viandes. Les changements observés au niveau du métabolisme énergétique ( thermo­genèse et l'effet sur le tissu adipeux brun) sont également à prendre en considération. Les différences interspécifiques ne doivent pas être oubliées et les problèmes du dosage des résidus dans les aliments et les viandes, et celui de leurs conséquences pour la consommation, restent à définir avec précision. Enfin, la démonstration de l'absence d'effets indésirables ou latéraux touchant la circulation, le tractus digestif ou les glandes endocrines des animaux traités, est primordiale pour sauvegarder la santé de nos animaux.

Si l'on s'en rapporte aux lignes directrices établies par la CEE pour l'autorisation des additifs dans l'alimentation des animaux, un grand nombre d'études et de recherches demeurent à entreprendre. Les données

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de toxicologie pour les produits seront soumises aux cribles de la critique objective par des pharmacologues et toxicologues éminents. En attendant qu'elles permettent de parvenir à un résultat valable, les 6-agonistes d'aujourd'hui, ces analogues structuraux de l'adrénaline et de la noradré­naline, doivent demeurer interdits, et toute action frauduleuse doit être sévèrement punie.

La profession vétérinaire se doit de ne pas être comparse dans les actions frauduleuses mais au contraire, avertir l'éleveur et l'industrie à

mieux assurer la santé des consommateurs et des animaux.