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Les fractions, comment mieux comprendre lesdifficultés rencontrées par les élèves ?

PAR DOMINIQUE ROSAR, UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN, BELGIQUE ;CATHERINE VAN NIEUWENHOVEN, UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN,BELGIQUE ; PHILIPPE JONNAERT, UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

14 novembre 2007

Les difficultés rencontrées par les élèves lors des ap prentissages des fractions ont souventété soulignées par les chercheurs en éducation (par exemple, Haseman, 1986 ; Streefland,1986). Parmi ceux-ci, certains observent qu’une majorité d’écoliers, lorsqu’il s’agit defractions, ne saisissent pas le pourquoi des choses et se bornent au comment : ils exécutentles opérations selon des règles imposées sur des objets mathématiques qu’ils méconnaissent(par exemple, Hart, 1980). Pourquoi nos ancêtres ont-ils inventé les fractions ? Commentdéfiniton aujourd’hui les fractions ? L’apprentissage du calcul fractionnaire est-ilindispensable ? Pourquoi s’intéresse- t-on aux représentations construites par l’élève autourde la notion de fraction ? Voilà d’emblée quelques questions auxquelles nous allons tenter derépondre dans notre partie théorique. Comment les élèves se représentent- ils les fractions ?Quelles difficultés rencontrent-ils ? Les représentations construites autour des fractionspeuvent-elles expliquer certaines erreurs commises par l’élève ? Ces questions feront l’objetde notre partie empirique. Pour cela, deux objectifs ont été définis : le premier était deconstruire des outils nous permettant de mettre en évidence d’une part, les représentationsconstruites par les élèves et d’autre part, les difficultés rencontrées par ceux-ci lors desapprentissages des fractions. Le deuxième était d’expérimenter ces outils dans une classe desixième primaire.

Pourquoi nos ancêtres ont-ils inventé les fractions ?

Pour exprimer et traiter les parties de l’entier, nos ancêtres se sont très vite trouvés dansl’obligation d’inventer des parties du nombre entier. Selon Guitel (1975), les Égyptiens del’Ancien Empire (IVe et IIIe millénaires avant notre ère) seraient les premiers à avoir utiliséles fractions. Parmi les vestiges laissés par cette civilisation, le papyrus de Rhind, traduit parT. Peet (1923, cité par Guitel, 1975), conservé actuellement au British Museum, serait le plusancien texte nous initiant à la résolution de problèmes relatifs à l’art de calculer avec lesfractions. Ce texte nous apprend, entre autre, que toutes les fractions égyptiennes avaientpour numérateur le nombre 1. Cette conception des fractions, comme le soulignent leshistoriens Dahan-Dameldico et Peiffer (1986), a rendu, à l’époque, la pratique du calcul biendifficile et accessible qu’à un petit nombre de scribes. Les auteurs donnent l’exemple duquotient 2/5 qui, pour s’exprimer, devait être décomposé en somme de fractions unitaires,soit 1/3 + 1/15. Une autre information traduite par T. Peet (1923, cité in Guitel, 1975) portesur le statut qu’avaient les fractions à l’époque : considérées comme opérateurs, commeoutils de partage, elles étaient utilisées par les administrateurs de l’état pour distribuer lessalaires et les grains, pour calculer l’aire et le volume, pour réglementer le commerce...

Au cours des siècles, succèderont aux fractions unitaires des Égyptiens, les fractions

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sexagésimales des Babyloniens et les fractions alphabétiques des Grecs... Les systèmes denumération et de notation inventés par ces civilisations seront cependant très complexes, lesfractions resteront l’apanage des administrateurs et des savants.

Il faudra attendre l’édification de l’Empire Arabe, après la mort de Mahomet (630) et lachute d’Alexandrie (641), pour que soit introduit le système de position décimal et lasymbolisation moderne des fractions. La vulgarisation des fractions devient alors possible(Guitel, 1975). C’est aussi à cette époque, comme le souligne Ifrah (1994), que commencel’extension du nombre. Celui-ci qui pendant très longtemps était réduit aux naturels, s’élargitprogressivement aux rationnels et irrationnels, aux nombres algébriques, décimaux, négatifs,transcendants et infinis. La fraction qui autrefois était utilisée comme opérateur, vadésormais, acquérir le statut de nombre et celui de rapport au Xe siècle. Cette ascension vacependant être réprimée avec l’apparition des nombres décimaux au XVIe siècle. Leurdiffusion va en effet amener la population à abandonner les lourds calculs qu’entraînent lesfractions. Cette découverte aura aussi pour conséquence le développement des systèmesdécimaux de mesure, la redéfinition des nombres rationnels et irrationnels...

Petit à petit, va apparaître aussi l’idée de structure à la base d ‘une théorie mathématique. Cequi importe alors dans une théorie, ce n’est plus la nature des objets mathématiques mais lesrelations entre eux. Ce changement dans la conception des mathématiques aux XIX et XX esiècles conduit à une réorganisation tenant compte des nouvelles acquisitions et de leursrelations avec des connaissances anciennes comme les fractions. C’est ainsi, selon Ifrah(1994), que les fractions, nombres de la forme p/q avec p entier relatif quelconque et q entierrelatif non nul, se définissent à partir des entiers, par l’intermédiaire d’une relationd’équivalence.

Actuellement, la notion de fraction évolue encore. Une récente réforme de l’institution desmathématiques (1980) en matière de langue de mathématiques propose de réduire la notionde fraction à l’écriture des rationnels. Ainsi, actuellement, la fraction p/q n’est plus unopérateur, un rapport, un nombre, mais une façon de noter un nombre qui s’appellerationnel. Comme le souligne Baruk (1992), ce décret semble toutefois ne pas arriver às’imposer, les programmes et manuels scolaires continuent à définir les fractions de façontraditionnelle. Ces définitions font l’objet du point suivant.

Aujourd’hui, comment définit-on les fractions ?

Si l’on consulte les programmes de l’enseignement fondamental et les manuels scolairesdestinés aux élèves et aux enseignants (Jonnaert et al, 1989, 1995 ; Roegiers, 1989 ; Rouche,1992, 1998), trois situations sont le plus souvent proposées pour aborder les fractions : lesfractionnements, les rapports et les calculs fractionnaires. À ces situations sont rattachées lesdéfinitions des fractions opérateurs, des fractions rapports et des fractionsnombres.

Les premières situations utilisées dans l’enseignement primaire pour approcher les fractions,sont les situations de fractionnement. Le fractionnement se définit comme la combinaisondes opérations de partage et de prélèvement. On représentera ces opérations par la fractionp/n, p étant le nombre de parts prélevées parmi n parts (Roegiers, 1989). Cette fractionest appelée opérateur. Pour s’expliquer sur tout cela, prenons les expressions suivantes :1/2 kg et 1/2 pomme. Chacune de ces expressions désigne une moitié d’une grandeur, et cettemoitié est encore une grandeur. L’opération composée de couper en deux parts égales et deprélever une part est associée à la fraction 1/2. Dans ces expressions, la fraction est appelée

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opérateur car elle opère (agit) sur la grandeur. Les situations de fractionnement à l’écoleprimaire sont le plus souvent limitées aux partages de tartes et sont très vite abandonnéespour laisser la place à l’apprentissage des procédures de calculs. Dans notre quotidien, cessituations sont fréquentes et peuvent présenter une variété d’aspects. Ainsi, il est aisé decouper un disque en 2 parts ou en 4 parts équivalentes à partir de deux diamètresperpendiculaires, et ensuite en 8 ou en 12 parts à partir de chaque quart. Couper un disqueen 7 parts équivalentes, par contre, n’est pas une opération élémentaire. Il est d’ailleursdémontré que cette opération est impossible à la règle et au compas. Il est malheureux deconstater que ces différents niveaux de difficultés sont le plus souvent ignorés, abandonnéspar les enseignants sous prétexte qu’on accède aux calculs fractionnaires.

Les rapports existant entre deux grandeurs quelconques, ou à l’intérieur d’une mêmegrandeur, sont les seconds terrains d’apprentissage des fractions dans l’enseignementprimaire. Un rapport peut se définir comme un mode de comparaison entre deux grandeursde même nature (Baruk, 1992). Dans le paragraphe précédent, lorsque nous parlions dufractionnement, nous envisagions les situations où l’on avait au départ une grandeur B et unefraction opérateur, on pouvait ainsi déterminer une grandeur A. Dans les situations derapports, nous allons maintenant envisager les situations où l’on a au départ deux grandeursA et B pour lesquelles on recherche un opérateur de fractionnement que l’on peut appliquer àA pour obtenir B. Autrement dit, on recherche la fraction qui exprime le rapport entre cesdeux grandeurs, nous l’appellerons fraction rapport. À l’école primaire et dans notre viequotidienne, ce concept est souvent utilisé pour exprimer les sous-unités de mesure (parexemple, 1 dl = 1/10 de l ; 1 cl 1/100 de l...). On parle aussi des rapports lorsqu’on étudiel’échelle numérique d’une carte géographique, d’un plan... Enfin, ce concept s’est aussibeaucoup développé en physique notamment pour définir la vitesse (rapport entre un espaceparcouru et le temps), la pression (rapport entre une force exercée et la surface subissantcette force), la densité (rapport entre un poids et une unité de volume) et le degréhydrométrique (rapport entre une masse d’eau et le volume contenant cette masse).

Très privilégié dans l’enseignement primaire, le calcul fractionnaire est le troisième terraind’apprentissage des fractions. Ici, les fractions sont des nombres que l’on peut comparer,additionner, soustraire, multiplier et diviser grâce à des règles spécifiques qui sont le plussouvent la croix de nombreux élèves du primaire. Si le calcul fractionnaire est très présentdans nos classes primaires, dans la vie quotidienne nous ne l’utilisons que très rarement,l’emploi des nombres décimaux étant beaucoup plus commode. Dès lors, on peut s’interrogersur les raisons qui font que le calcul fractionnaire n’est pas abandonné dans nos classes.Pourquoi étudie-t-on encore aujourd’hui les règles du calcul fractionnaire ? Trois tentativesde réponses ont été avancées par Rouche (1998). Les paragraphes suivants en présentent unesynthèse.

L’apprentissage des règles du calcul fractionnaire estil indispensable ?

Une première raison qui fait que le calcul fractionnaire n’est pas abandonné dans nos classesest son usage lors de l’estimation des probabilités. Prenons l’exemple suivant cité parRouche (1998, p. 97) : « on a une urne qui contient 3 boules blanches et 2 noires. On tire unepremière boule, puis une deuxième. Quelle est la probabilité d’obtenir au total 2 boulesblanches ? La probabilité d’obtenir une blanche au premier tirage est de 3/5. La probabilitéd’obtenir une blanche au deuxième tirage, si on a obtenu une blanche au premier, est de 2/4.La probabilité d’obtenir 2 blanches au total sera de 6/20 ». À partir de cet exemple, deuxremarques peuvent être faites. On soulignera tout d’abord l’intérêt de l’écriture fractionnairequi rappelle clairement le nombre de cas possibles (3/5 étant plus évocateur que 0,6).

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Ensuite, on remarquera que sont utiles les règles de multiplication d’une fraction par uneautre pour résoudre les problèmes de probabilité (3/5 x 2/4 = 6/20).

L’algèbre est la seconde raison qui incite Rouche (1998) à justifier l’apprentissage du calculfractionnaire. Le système de notation et les règles du calcul fractionnaire deviennent, eneffet, indispensables lorsque les élèves abordent cette matière. Une fraction arithmétique est,d’un certain point de vue, une division que l’on n’a pas faite (par exemple, la fraction 3/2 estl’équivalent de 3 ÷ 2). Mais on peut toujours faire la division, quitte à ce que le quotient soit« un nombre décimal infini périodique ». Une fraction algébrique est aussi une division nonexécutée, avec la différence que le diviseur et le dividende sont ici des expressions littérales etnon plus des nombres entiers.

Une autre différence fondamentale est que, dans le cas des fractions algébriques, on ne peutle plus souvent pas, de manière simple, exécuter la division pour obtenir une expression pluscommode. Les règles utilisées pour le calcul fractionnaire arithmétique seront alors trèsutiles.

Les avantages de l’écriture fractionnaire peuvent être aussi soulignés ici. On pourrait en faitéviter la barre de fraction en la remplaçant par le signe ordinaire de division. Alors, au lieude :

on écrirait

On voit que pour noter la hiérarchie des opérations dans le deuxième cas, nous avons eubesoin de crochets. Ce qui n’est pas le cas lorsque nous utilisons la notation fractionnaire.

Les avantages de l’écriture et du calcul fractionnaire lors du travail avec les racines et lespuissances sont aussi cités par Rouche (1998). L’écriture des expressions (√x)3 · (3√x)2 ,souvent malaisée à déchiffrer, sera remplacée par l’expression x3/2 · x2/3. Les opérations surles fractions permettront de la simplifier, on obtiendra alors le produit : x13/6.

Loin du contexte où l’on apprend à calculer avec les fractions, ces trois motifs tententd’expliquer pourquoi le calcul fractionnaire, très rarement utilisé dans la vie quotidienne,n’est pas abandonné dans l’enseignement. On peut toutefois s’interroger sur la précocité deces calculs et sur les difficultés que ceux-ci entraînent. Quelles difficultés les élèves duprimaire rencontrent-ils ? En dehors de toutes situations pertinentes, comment les élèvespeuventils donner sens aux fractions ? Quelles représentations vontils construire autour decette notion ?

Pour répondre à ces questions, deux outils ont été construits dans le cadre de cetterecherche : une mini-entrevue et un entretien critique. Ces outils nous ont permis de

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préciser, d’une part, certaines difficultés rencontrées par les élèves lors de tâches autour de lanotion de fraction, et d’autre part, les représentations construites par ces élèves autour de lanotion de fraction. L’entendement que nous réservons aux représentations mais aussil’intérêt que nous y portons lors du diagnostic vont être discutés dans les paragraphessuivants.

Pourquoi s’intéresser aux représentations des élèves ?

Une des caractéristiques de la notion de représentation est la polysémie qui s’attache à ceterme, conséquence du développement de cette notion dans de nombreux secteurs de lapsychologie. Cette pluralité de significations nous oblige à préciser le paradigme éducatifdans lequel se place notre étude et l’entendement que nous réservons à ce terme.

Notre intérêt pour les activités de représentation s’inscrit dans une perspective théoriquesocioconstructiviste. Sous-jacente à de nombreuses recherches en didactique (Astolfi, 1997 ;Larochelle et Bednarz, 1994), elle renvoie à une conception de l’apprentissage dans laquellel’apprenant est activement impliqué dans la construction de ses connaissances, il apprendavec ses pairs et l’enseignant mais aussi, grâce aux interactions qu’il a avec son milieu.

Les travaux conduits depuis plusieurs années dans cette perspective, mettent en évidence lerôle joué par l’activité de représentation dans le processus d’élaboration des connaissances(par exemple, Brousseau, 1998 ; Léonard et Sakur, 1990, Vergnaud, 1996...). Définies dansde nombreux courants comme produit interne et conscient d’une activité individuelle, ellessont à présent associées à l’idée d’interprétation ou de réorganisation d’une certaine réalité.Le processus d’apprentissage est ici conçu comme une mise à l’essai de modèles,provisoirement bons, qui seront constamment réajustés, voire même rejetés pour faire placeà de nouvelles connaissances (Brousseau, 1989). Dans le domaine des mathématiques,plusieurs auteurs soulignent l’importance de ces modèles dans la construction des savoirs(Di Sessa, 1987 ; Jonnaert, 1996). Il est ainsi admis que les représentations des élèvesconstituent l’un des facteurs déterminants sur lequel va s’appuyer tout apprentissageultérieur, celles-ci pouvant soit servir de pont dans la construction de nouvellesconnaissances, soit s’instituer en obstacles à cet apprentissage... La connaissance de cesmodèles permettra ainsi d’expliquer certaines difficultés rencontrées par les élèves(Léonard et sakur, 1990 ; Jonnaert, 1992). Notre objectif dans la partie empirique, serad’établir les relations existantes entre les représentations construites par les élèves autour dela notion de fractions et les difficultés rencontrées par ceux-ci.

Recherche empirique

Questions-problèmes et hypothèses

Confrontés à des items où ils doivent définir, représenter, reconnaître la fraction, quelle(s)difficulté(s) l’élève va-t-il rencontrer ? Quelles représentations a-t-il construites par rapport àcette notion ? Existe-t-il un lien entre les difficultés rencontrées par l’élève et lesreprésentations qu’il a construites ? Voilà les questions auxquelles nous allons tenter derépondre dans la présente recherche.

Les travaux de Brousseau (1998), Jonnaert (1992) et Richard (1990) faisant référence au rôlejoué par l’activité de représentation lors de la construction des savoirs, nous amènent àpostuler l’existence d’un lien entre les difficultés rencontrées par l’élève lors d’opérations surles fractions et les représentations construites autour de cette notion. Nous nous attendonsen effet à trouver, sous-jacentes aux difficultés rencontrées par les élèves, des

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représentations précaires autour de cette notion.

Échantillonnage

Vingt (20) élèves de sixième primaire ont participé à cette recherche. Tous ont 11 ans et sontscolarisés dans la même classe d’une école accueillant une population relativement aisée.Nous avons choisi de travailler avec ce public qui, à ce moment de leur scolarité, ont déjàrencontré les fractions dans les différentes situations décrites dans le cadre théorique. Il estpar conséquent possible pour nous de repérer les représentations qu’ils ont construitesautour de cette notion. Les nombreuses difficultés rapportées par les parents, les enseignantset les élèves en fin de scolarité primaire autour de cette notion, ont aussi influencé notrechoix.

Outils utilisés pour le recueil de données

Deux outils ont été construits par l’expérimentateur pour investiguer les difficultés et lesreprésentations construites autour de la notion de fraction : une mini-entrevue et unentretien de type critique. Les caractéristiques de ces outils sont présentées dans lesparagraphes suivants. L’intégralité des questionnaires sont repris en annexe 1 et 2.

La mini-entrevue est un outil québécois. Réalisée le plus souvent dans le contexte d’unetâche précise se rapportant à des notions déjà enseignées, il s’agit « d’un dialogue entrel’interviewer et l’élève, visant l’évaluation de la compréhension de l’élève dans la constructiond’un schème conceptuel » (Nantais, 1992, p.60). Cet outil, construit pour répondre à unbesoin des enseignants québécois, a conservé quelques caractéristiques de l’entrevue cliniquetelle que définie par Piaget (1926). Un dialogue individualisé, l’accent mis sur l’identificationdes processus de pensée, la combinaison tâche-dialogue sont quelques-unes de cescaractéristiques. Si l’entrevue clinique n’est pas standardisée, en raison du fait qu’elle vise àdécouvrir des processus de pensée, Nantais (1992) définit la mini-entrevue comme semi-standardisée. Une série de questions préparées à l’avance, essentiellement les mêmes pourchaque élève, s’avère nécessaire puisque comme le dit l’auteur : « l’objectif est de déterminerle plus efficacement possible si, pour une notion donnée, chaque élève a atteint tel niveau decompréhension » (Nantais, 1992, p.61). De plus, l’entrevue semi-standardisée permet àl’interviewer de poursuivre certaines pistes intéressantes et d’ajuster certaines formulationsde questions en fonction des réactions de l’élève. Lors de la préparation du questionnaire,quelques règles déterminées par Nantais (1992) doivent être respectées :

(1) un nombre de questions limité

En effet, ce qui distingue principalement la minientrevue de l’entretien clinique est sa courtedurée ; d’où son appellation. Le temps maximum pour chaque entretien individuel seraévalué entre 10 et 15 minutes.

(2) un emboîtement spécifique de questions

L’ordre des questions va de la plus difficile à la plus facile ; cet emboîtement veut éviter lesrisques où l’élève, en commençant par un problème plus facile, soit porté à réutiliser cetteprocédure dans des situations plus complexes, alors qu’il aurait peut-être pu employer desstratégies plus évoluées. En procédant ainsi, on évite aussi que l’entrevue ne se transformedavantage en séquence d’apprentissage que d’évaluation.

Concrètement, la présentation verbale d’un problème devra donc précéder sa présentation

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écrite, dessinée, matérielle... Les objets mathématiques sont ainsi premièrement manipulésmentalement. Les questions où l’élève va devoir générer une définition ou une représentationécrite des fractions seront aussi posées avant les questions de reconnaissance.

(3) une formulation adéquate amenant la description des processus de pensée.

La formulation des questions de la mini-entrevue doit amener l’élève à verbaliser sadémarche, à décrire ses processus de pensée. C’est pourquoi, un énoncé tel que « Commentfais-tu pour trouver la réponse ? » peut s’avérer propice. La formulation suivante est aussiintéressante : « Peux-tu expliquer à un ami comment tu fais pour... ? ». Le fait de devoirexpliquer à un autre comment lui procède, peut inciter l’élève à parler sans qu’il se senteévalué lui-même.

La méthode critique a été élaborée dans les années 40 par Piaget (1947). Celui-ci, à l’époque,modifie la méthode clinique par des formulations qui sont en fait des contre-arguments.Actuellement, plusieurs auteurs distinguent parmi les contre-arguments : la contre-suggestion et le conflit cognitif. Nous retiendrons les définitions de A. Chalon-Blanc (1997,citée par Perraudeau, 1998). Pour cet auteur, une contre-suggestion consiste à énoncer desphrases du type : « Un de tes camarades m’a dit le contraire de ce que tu me dis. Qu’enpenses-tu ? » Le conflit cognitif consiste quant à lui, à mettre l’élève devant ses proprescontradictions. Nous avons utilisé ces deux outils pour réaliser notre entretien critique.

La méthode critique selon Perraudeau (1998) peut remplir trois fonctions : le diagnostic,l’accompagnement et la remédiation. Cette méthode en effet, va faciliter la décentration chezl’élève. Elle va permettre aussi à l’élève de développer de nouveaux arguments. L’observateurquant à lui va pouvoir vérifier la véracité de ceux-ci, leur degré de formation et leur stabilité.L’entretien critique que nous avons construit aura pour fonction le diagnostic.

Procédures de passation

Notre cueillette de données s’est faite en deux temps. En premier lieu, la mini-entrevue a étéréalisée avec l’ensemble de notre échantillon. Lors de la première rencontre avec l’élève, lapremière chose que fait l’expérimentateur est de se présenter et de donner quelquesprécisions sur l’objet de sa présence. Il précise à l’élève qu’il ne doit pas se sentir évalué. Cequi l’intéresse, n’est pas les réponses fournies, bonnes ou mauvaises mais, les explicationssur comment il arrive à résoudre les tâches proposées. Les questions sont ensuite poséesoralement à l’élève. Une fois la réponse fournie ou la tâche réalisée, l’interviewer peutrappeler à l’élève d’expliquer comment et pourquoi il arrive à cette réponse. Tous lesentretiens sont filmés.

Parmi les élèves de notre échantillon, six d’entre eux en difficulté lors de la mini-entrevue,ont été sélectionnés pour contribuer à l’ entretien critique. Les questions sont ici aussi poséesoralement par l’expérimentateur qui essaie d’amener l’élève à préciser le plus possible sesréponses.

Présentation des résultats

L’analyse qualitative des données recueillies lors des deux entretiens nous a permis dedégager les points suivants : 1. Concernant les représentations des élèves autour de la notionde fraction

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Lors de la mini-entrevue, lorsque nous avons demandé aux élèves de définir les fractions,une majorité d’entre eux a tout d’abord donné oralement un exemple de fractions. Parmiceux-ci, nombreux sont ceux qui ont différencié par leur appellation les numérateurs desdénominateurs. Deux élèves ont décrit l’écriture fractionnaire. « Une fraction, c’estdeux chiffres un en dessous de l’autre ... Il y a une barre au milieu ». Ces 2 élèves n’ont pasété plus loin dans leurs définitions des fractions.

Par la suite, nombreux sont les élèves qui ont fait référence aux fractions commeopérateur de fractionnement. L’exemple de la tarte ou de la pizza est cité par une grandemajorité.

On soulignera aussi que seuls six élèves de notre échantillon ont défini la fraction commenombre, quatre élèves précisent que c’est un nombre que l’on divise. Lorsqu’oninterroge ces six élèves sur ce qu’est un nombre, tous donnent à titre d’exemples desnombres naturels. Pour eux : « une fraction est un nombre puisque les numérateurs etdénominateurs sont des nombres ». Aucun de ces élèves ne parle des propriétés ordinale etcardinale du nombre. L’équivalence entre deux fractions nombres a été mentionnée par cinqélèves. Tous ont justifié celle-ci à partir de l’algorithme de division des numérateurs etdénominateurs par un même nombre.

Lors de la mini-entrevue, aucun élève n’a fait référence à la fraction rapport.

Parmi les représentations avancées par les élèves dans les autres items de la mini-entrevue, ilest intéressant de souligner les fonctions attribuées par les élèves aux fractions. À laquestion : « Quelle est l’utilité des fractions ? », plus de la moitié des élèves interrogés fontréférence aux situations de fractionnement. La tarte et la pizza sont encore ici les exemples

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les plus fréquemment cités. Le restant de l’échantillon reconnaît ignorer pourquoi ilsétudient les fractions à l’école.

Lors de l’entretien critique, nous avons tout d’abord demandé aux six élèves de nous rappelerleur définition des fractions. Cinq d’entre eux ont fait référence à la fraction opérateur,deux ont parlé de la fraction nombre. La fraction rapport n’a été citée par aucund’entre eux.

Confrontés ensuite aux réponses de leurs camarades (cf. tableau 2), tous acceptent lespropositions décrivant l’écriture fractionnaire et la fraction opérateur. Par contre, lesdéfinitions de la fraction nombre et de la division du numérateur par le dénominateur sontrejetées par au moins la moitié d’entre eux. Nous allons dans les paragraphes suivantsprésenter les différentes justifications avancées par les élèves qui ont rejeté ces propositions.

Pour les quatre élèves refusant la définition de la fraction nombre : « la fraction n’est pas unnombre, c’est deux nombres ». Lorsque nous les interrogeons ensuite sur ce qu’est unnombre, tous nous donnent à titre d’exemple des nombres naturels. Certains mentionnentquelques opérations que l’on peut réaliser avec ceux-ci. Aucun d’entre eux ne cite lespropriétés ordinale et cardinale du nombre. On soulignera par la suite que tous acceptent laproposition où l’équivalence entre fractions nombres est définie ; ils justifient cet accord àpartir de l’algorithme de division du numérateur et du dénominateur par un même nombre.

Trois élèves ont aussi refusé la définition des fraction comme équivalente à la division desnumérateurs par les dénominateurs. Pour justifier leur rejet, ces élèves font référence à ladéfinition du fractionnement : « 6/4, ce n’est pas 6 divisé par 4 car, il faut tout d’aborddiviser par 4 et ensuite multiplier par 6 »

2. Concernant les difficultés (erreurs et blocages) rencontrées par les élèves

Précisons tout d’abord l’entendement que nous réservons aux termes difficultés, erreurs etblocages. Sous l’appellation difficultés sont regroupés les blocages et les erreurs. Nousqualifions d’erreurs toutes les réponses fausses, erronées. Lorsque l’élève ne répond pas à la

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question posée, nous appelons ces réponses : blocage.

Nous devons rappeler aussi les trois niveaux de difficultés définis lors de la construction de lamini-entrevue à savoir, la génération de définitions, la génération de représentationssémiotiques et la reconnaissance. Ces trois niveaux sont pris en compte lors de l’analyse desrésultats.

Difficultés rencontrées par les élèves lors de la mini-entrevue

Les définitions obtenues lors de la mini-entrevue ayant déjà fait l’objet du point précédent,nous ne répèterons pas ici ce qui vient d’être dit.

Concernant les représentations écrites, nous remarquons que très peu d’erreurs sontcommises lorsque les élèves doivent lire, écrire des fractions et fractionner un rectangle. Unélève commet systématiquement la même erreur lorsqu’il doit lire une fraction écrite : « seizehuitièmes » pour 8/16, « cinq demis » pour 2/5. Un autre n’a pas su écrire 25/100. Untroisième a représenté 1/10 du rectangle pour 2/5... Parmi les tâches de génération, une seules’avère plus difficile. Il s’agit de celle où les élèves doivent positionner la fraction 2/5 sur ladroite numérique. Seulement quatre élèves y sont parvenus. Pour trouver cette réponse, ilsont divisé l’unité en cinq et pris deux parts. Parmi les erreurs commises, un grand nombred’élèves, neuf, positionnent 2/5 à 2,5. Les autres positionnent 2/5 à 0,1...à 0,25...0,5...0,7...2,4 ou 2,6. Deux des élèves ignorent

où se placent ces fractions sur la droite.

Contrairement à ce qui était attendu, les items où il était demandé de reconnaître l’écrituresymbolique d’une fraction, les 3/5 d’un rectangle et la position de 2/5 sur la droitenumérique ont posé autant et même parfois plus de difficultés aux élèves. En effet, alors queseuls deux élèves ont commis des erreurs lorsque nous leur avons dicté une fraction, six se

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trompent lorsqu’ils doivent reconnaître 7/8. Ceux-ci entourent 7,8 et affirment : « c’est lamême chose ». Une erreur supplémentaire a aussi été commise lors de la reconnaissance dufractionnement d’un rectangle.

Lors de l’entretien critique, lorsque nous avons demandé aux élèves de positionner 2/5 sur ladroite numérique, quatre d’entre eux placent 2/5 à 2,5 cm. Tous justifient leur réponse de lafaçon suivante : « 2/5 = 2,5. On a simplement remplacé la barre de fraction par unevirgule ». Confrontés ensuite aux réponses de leurs camarades, 2 d’entre eux vont lesaccepter, les autres vont les rejeter. Aucun d’entre eux n’est capable d’expliquer son choix.Idem pour les 2 élèves qui ont placé correctement 2/5.

Trois élèves commettent aussi des erreurs lorsqu’ils doivent reconnaître 7/8, ils entourent7,8. Ces trois élèves avaient déjà commis la même erreur lors de la mini-entrevue.

Discussions des résultats

Rappelons tout d’abord l’hypothèse que nous avions formulée :

Lorsque nous synthétisons les données récoltées dans le cadre de cette recherche, nousconstatons que la majorité des élèves définissent correctement la fraction opérateur.L’exemple le plus souvent cité étant bien entendu la tarte. La fraction nombre, quant à elle,est mentionnée par une minorité d’élèves. Les définitions proposées par ceuxci restent leplus souvent très précaires : pour expliquer pourquoi la fraction est un nombre, aucun ne fait

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référence aux propriétés ordinale et cardinale du nombre, tous donnent des exemples denombres naturels. Pour eux, la fraction est un nombre puisque les numérateurs etdénominateurs sont des nombres naturels. Confrontés dans l’entretien critique auxdéfinitions de la fraction opérateur, tous l’acceptent. La définition de la fraction nombre seraquant à elle rejetée par quatre élèves interrogés. Ceux-ci nous disent : « la fraction ce n’estpas un nombre, c’est deux nombres ».

Dans les tâches proposés, la définition de la fraction opérateur doit être utilisée par l’élèvelorsqu’il représente ou reconnaît la fraction d’un rectangle. Seuls deux élèves commettent deserreurs à ces items. Ces deux élèves sont aussi les seuls à ne pas avoir défini la fractioncomme opérateur lors de la mini-entrevue. Dans les items où l’élève devait placer oureconnaître la fraction sur la droite numérique, l’aspect ordinal de la fraction nombre étaitdemandé. C’est à ces items que le plus grand nombre d’erreurs ont été commises.

Les résultats que nous avons observés confirment bien notre hypothèse. Toutefois, étantdonné la taille de notre échantillon, aucune généralisation ne pourra être faite à son grouped’appartenance.

Conclusion

Au terme de cet article, rappelons les deux objectifs de notre recherche empirique : la miseau point d’outils diagnostics visant à mieux comprendre les difficultés rencontrées par lesélèves lors de l’apprentissage des fractions et l’expérimentation de ces outils dans une classede sixième primaire.

Concernant l’élaboration des outils diagnostics, la mini-entrevue et l’entretien critiquerépondent aux principes que nous nous étions fixés. Ainsi, il nous importait d’obtenir desinformations sur les difficultés rencontrées par l’élève lorsqu’il travaille avec les fractionsmais aussi, sur les représentations construites par ceux-ci. Les caractéristiques de ces outils,notamment le recours à la méthode clinique, nous ont en effet permis de dépasser la seuleévaluation de la justesse de la réponse et ainsi arriver à mieux comprendre lesreprésentations sous-jacentes aux difficultés des élèves. À partir de ces informations, leprofessionnel pourra construire des pistes d’intervention précises, s’appuyant sur lescapacités et les lacunes de l’élève.

Concernant l’élaboration des outils diagnostics, la mini-entrevue et l’entretien critiquerépondent aux principes que nous nous étions fixés. Ainsi, il nous importait d’obtenir desinformations sur les difficultés rencontrées par l’élève lorsqu’il travaille avec les fractionsmais aussi, sur les représentations construites par ceux-ci. Les caractéristiques de ces outils,notamment le recours à la méthode clinique, nous ont en effet permis de dépasser la seuleévaluation de la justesse de la réponse et ainsi arriver à mieux comprendre lesreprésentations sous-jacentes aux difficultés des élèves. À partir de ces informations, leprofessionnel pourra construire des pistes d’intervention précises, s’appuyant sur lescapacités et les lacunes de l’élève.

Cependant, aussi grande que puisse être la qualité de ces outils, on doit aussi souligner unede leur limite, à savoir le nombre restreint de concepts pouvant être évalués. En effet, à causedu temps de préparation et de passation de ces outils, on ne saurait y avoir recours pourchacune des notions du programme de mathématiques. Le professionnel doit alors se limiterà la compréhension d’un concept et aux étapes les plus importantes dans la construction dece concept. Ces outils restent toutefois très intéressants pour préciser certaines difficultésdécelées lors de test plus généraux.

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Quand à l’expérimentation de cet outil en sixième primaire, il a pu mettre en évidence laprécarité des représentations construites par les élèves autour de la notion de nombre et defraction-nombre. Comme attendu, ces représentations précaires sont le plus souventaccompagnées d’un grand nombre d’erreurs. Seuls 20% de notre échantillon placentcorrectement la fraction sur la droite numérique. Paradoxalement à ces représentationsprécaires autour de la fraction-nombre, nous constatons que les opérations sur celles-ci sontles situations les plus fréquemment étudiées lors de l’apprentissage de fractions... On peutdès lors s’interroger sur l’efficacité et la pertinence de ces apprentissages. En effet, nevaudrait-il pas mieux passer plus de temps à explorer ce qu’est une fraction, un nombre,avant de se lancer dans les situations de calcul ? Étudier le fractionnement dans sa diversitésans le restreindre à l’exemple de la tarte, insister sur l’utilisation des fractions rapportnotamment lorsqu’on travaille sur un plan, une carte, travailler sur les propriétés ordinale etcardinale de la fraction-nombre sont quelques-uns des objectifs sur lesquels devrait secentrer l’apprentissage des fractions. De plus, on peut aussi s’interroger sur la nécessitéd’insister sur certaines opérations complexes (par exemple, la division d’une fraction par uneautre...). Rappelons que ces opérations ne seront utiles que lorsque l’élève travaille l’algèbre,les probabilités et les puissances. Pourquoi alors ne pas insister principalement sur lesopérations utilisées dans le cadre de ces apprentissages ( addition, soustraction etmultiplication).

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Sébastien Deschamps