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LES NOUVEAUX « VISAGES » DE L'ADMINISTRATION SURINTERNET : POUR UNE ÉVALUATION DES SITES PUBLICS DEL'ÉTAT David Alcaud et Amar Lakel E.N.A. | Revue française d'administration publique 2004/2 - no110pages 297 à 313
ISSN 0152-7401
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2004-2-page-297.htm
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Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Alcaud David et Lakel Amar, « Les nouveaux « visages » de l'administration sur Internet : pour une évaluation des sites
publics de l'état »,
Revue française d'administration publique, 2004/2 no110, p. 297-313. DOI : 10.3917/rfap.110.0297
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Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A..
© E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays.
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LES NOUVEAUX « VISAGES »DE L’ADMINISTRATION SUR INTERNET :
POUR UNE ÉVALUATIONDES SITES PUBLICS DE L’ÉTAT 1
David ALCAUD
Chargé de recherche au Centreinterdisciplinaire de recherches
comparatives en sciences sociales (CIR),Maître de conférences à l’IEP de Paris
Amar LAKEL
Chercheur en sciences de l’informationet de la communication,
Centre de recherches en informationspécialisée et en médiation des savoirs
– Université Paris X-Nanterre
Les services de l’État en ligne sont accessibles sur près de 1 000 sites nationaux 2.L’objectif prioritaire de l’administration, continûment réaffirmé, est d’offrir, d’une part,un meilleur service à l’usager et, d’autre part, une meilleure information au citoyen. Cediscours de modernisation a caractérisé la montée en puissance des discours légitimantl’e-administration en France depuis 1997 et l’avènement du Programme d’actiongouvernementale pour la société de l’information (PAGSI) 3. Le principe d’une évalua-tion annuelle des sites internet de l’État a été affirmé par la circulaire du Premier ministredu 7 octobre 1999, qui en confie la responsabilité à la Délégation interministérielle à laréforme de l’État (DIRE). Avec la structuration d’une politique de développement del’administration électronique, la DIRE avait mis en place un tableau de bord de suivi desprojets au sein des administrations d’État. Deux rapports annuels sur les sites de l’État
1. Parmi tous les acteurs engagés dans le projet d’administration électronique et qui ont bien voulu nousaider dans le cadre de nos enquêtes, nous tenons à remercier tout particulièrement Jean-Paul Baquiast, ChristianScherer, Laurent Sorbier, Isabelle Roux-Trescases, Gilles Brégant, Philippe Moutié, Jean Pierre Dardayrol,Bernard Benhamou, Christophe Alviset, Yannick Durantin, Philippe Alviré et Martin Hogart... et tous ceux etcelles qui ont bien voulu nous accorder un entretien ou répondre à un questionnaire dans le cadre de nosenquêtes.
2. L’ADAE recensait sur son tableau de bord des sites publics, en avril 2004, 7015 sites internet publicstoutes administrations confondues. Pour les sites nationaux, elle dénombrait 956 sites.(http ://www.adae.gouv.fr/article.php3 ?id_article=16)
3. Alcaud (David), Lakel (Amar), Groupe européen d’administration publique, « Reconciling PublicLaw and the Modernising State », Lisbonne, « E–Government and Modernising State in France », Commu-nication sélectionnée pour publication in Information Polity : the International Journal of Government andDemocracy in the Information Age, 2003.
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(2000 4, 2001 5) ont été établis s’appuyant sur des critères qualité communément admisdans le développement des sites internet, préservant la grille d’analyse d’une année surl’autre.
Notre enquête souhaite profiter des quatre années de recul pour offrir un nouveau« portrait » des sites ministériels de l’État. Comme tout portrait, cette représentation estle fruit de la rencontre entre une méthode d’analyse rigoureuse et l’appréciation desauteurs, qui ne peuvent réduire à néant la part de leur subjectivité. Ainsi, entrel’objectivation quantitative d’une grille d’analyse instituée et l’exploration subjective desusagers (certes expérimentés), il s’agit de retranscrire l’expérience des sites ministérielsen France tels qu’ils s’offrent aux citoyens aujourd’hui 6.
En effet, si les études précédentes, profitant de l’émergence des offres publiques surinternet, avaient pu constituer un large panel, s’étendant des sites du gouvernement auxservices déconcentrés et locaux, en passant par les offres ministérielles, les établisse-ments publics et les sites des politiques interministérielles, le nombre de sites étudiés nes’élevait alors qu’à environ 160. Aujourd’hui, ce nombre a été multiplié par plus de cinq.Dans le cadre d’une étude quantitative en cours sur les sites publics d’État 7, nousn’avons voulu retenir, pour la cohérence de nos conclusions, qu’un échantillon réduit àl’offre ministérielle. Cette coupe apporte en effet de nombreux avantages car il existe unecertaine hétérogénéité de « niveaux » entre les sites du gouvernement (qui visent avanttout à présenter la politique à l’échelle nationale), les sites des administrationsdéconcentrées (très hétérogènes et cherchant avant tout à assurer une information et unservice de proximité) et les sites ministériels/interministériels lesquels jouissent d’unepérennité et d’une capacité qui en font l’objet d’étude privilégié de l’administrationélectronique.
Dans le cadre de cet article, nous souhaitons insister en particulier sur la genèse du« modèle français » de gestion de l’information publique. Sans revenir ici sur l’ensembledu processus d’institutionnalisation d’une politique publique nationale des NTIC 8, nousvoudrions montrer ce qui détermine, en partie, à la fois la mise en place de la « sociétéde l’information » et les contraintes qui grèvent son établissement. À partir d’uneenquête empirique sur les sites internet publics, « résultats » de huit ans de politiqued’incitation à la présence des administrations sur le web 9, et d’entretiens auprès des
4. Délégation interministérielle à la réforme de l’État, Le développement des sites internet des servicesde l’État (évaluation au printemps 2000), Paris, DIRE.
5. Délégation interministérielle à la réforme de l’État, Le développement des sites internet des servicesde l’État (évaluation 2001), Paris, DIRE.
6. Pour une étude déjà publiée, nous renvoyons à une typologie comme celle de Livtak (David), « Uneseconde génération de typologies pour mesurer la sophistication des services publiques électroniques »,Téléscope, vol. 10, n° 5, novembre 2003, pp. 32-34.
7. Cette étude repose sur une série d’enquêtes qualitatives auprès des responsables TIC des ministères,qui ont été conduites dans le cadre de la finalisation de la thèse de doctorat de Lakel (Amar), Analyse desfondements des politiques publiques des NTIC en France (1995-2004), et poursuivie dans le cadre d’une étude,menée par les auteurs, basée plus spécifiquement sur les catégories d’élaboration de la modernisation de l’Étatpar les NTIC, présenté à la Conférence annuelle du GEAP (Voir : Alcaud (David), Lakel (Amar), Groupeeuropéen d’administration publique, « Reconciling Public Law and the Modernising State », op. cit.).
8. Alcaud (David), Lakel (Amar), « Premier Congrès de l’Association française de Sociologie », atelier :« Les recompositions de l’espace politique démocratique dans la société contemporaine » : « E–gouvernementet recomposition de l’espace public démocratique : théories et pratiques du pouvoir dans le processuscontemporain de réforme de l’État », Villetaneuse, du 24 au 28 février 2004.
9. La première circulaire incitant les ministères à être présents sur internet date de 1996 (circulairen° 4.361/SG du 15 mai 1996 relative à la communication, à l’information et à la documentation des servicesde l’État sur les nouveaux réseaux de télécommunications).
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responsables projets, nous voulons proposer une « coupe » dans la démarche de mutationde l’administration électronique, partie prenante de la « République numérique ».
Nous avons établi une grille d’évaluation reposant sur 35 critères qualité répartis encinq domaines correspondant aux cinq axes prioritaires développés par les politiquespubliques : la mise à disposition des données publiques, la facilitation de l’accès auxdonnées, la mise en place de téléprocédures, le développement d’une culture mettantl’usager au cœur des échanges et enfin l’objectif consistant à rendre l’administrationcommunicante (voir l’annexe). Notre synthèse nous a amenés à construire des variables,agrégées sur la base de moyennes pondérées. Nous avons cherché à dégager la répartitiondes investissements entre l’ensemble des critères qualité, tout en les comparant à cesmoyennes forcément agrégatives. Nous avons pu ainsi constituer l’identité de chaque sitepour en déduire à la fois une typologie et approcher la figure du site interministérielmoyen. Nous avons, dans un second temps, cherché à observer la répartition de cetéchantillon, en prenant comme point de référence les ministères de tutelle. Parallèlement,nous avons envoyé un questionnaire aux responsables des sites, par le biais des moyensdisponibles sur leurs propres sites 10. Cette méthode nous a permis non seulement depouvoir évaluer le temps de réponse à un problème (en matière d’accusé de réceptionpuis de réception effective) mais aussi d’obtenir de leur part une auto-évaluation sur laqualité de leur site ministériel public.
Notre analyse reposera donc à la fois sur la mise en perspective des caractéristiquesde l’engagement de l’État et sur le dévoilement du véritable « visage » de ce qui estactuellement présenté comme la « seconde phase » de l’administration électronique.Cette démarche nous permettra en effet de saisir autrement la nature du processus àl’œuvre et d’évaluer les usages, recherchés et possibles, des sites ministériels.
L’INNOVATION ADMINISTRATIVE : L’INTERNET AU SERVICEDE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT
L’ensemble des témoignages associe à l’été 1995 l’émergence de la question del’internet en France 11. En 1995, l’internet était surtout une affaire d’infrastructures, dedéploiement de nouveaux réseaux, une affaire de « tuyaux ». Pourtant « l’administrationcommunicante », nom du rapport de la Commission pour la simplification des formalités(COSIFORM) daté d’octobre 1996, montre très tôt une prise en compte de l’internet dans
10. L’enjeu de la première partie de notre recherche vise ainsi à établir les bases d’un tableau de bordafin de dégager les traits saillant du « visage » de l’administration électronique du côté de l’usager. Nousmenons parallèlement une série d’enquêtes qualitatives et semi-directives afin de mieux saisir les probléma-tiques de développement des projets « administration électronique » (Voir Alcaud (David), Lakel (Amar),Groupe européen d’administration publique, « Reconciling Public Law and the Modernising State », op. cit.)
11. Par exemple : « À l’été 1995, lorsque pour la première fois un gouvernement français a vouluprendre position sur le développement du réseau, la construction d’un discours politique et la définition d’uneaction publique dans le domaine de l’internet rencontraient un évident problème de légitimité », Sorbier(Laurent), « La construction de l’action publique dans le domaine de l’internet en France : un témoignagepersonnel », Les cahiers du numérique, vol. 3-2, 2002, pp. 213-237.
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les projets d’administration électronique. Mais pour l’heure, c’est la norme EDIFACT 12,qui semble au cœur de la réflexion. Toutefois, l’Institut international d’administrationpublique (IIAP) et l’École nationale d’administration publique du Québec organisent desrencontres à Québec les 20 février et 1er mars 1996, sur le thème de « la modernisationde l’administration publique et l’utilisation des technologies de l’information : pratiquesfrançaises et pratiques québécoises ». L’attention est portée sur la question de savoir enquoi le web nécessite la refondation de la réflexion menée jusque-là par la prise encompte de l’usager dans l’échange électronique.
Soutenir l’économie numérique par l’offre d’information publique :priorité au « back office »
À partir de la circulaire du 16 septembre 1996, relative aux schémas directeursministériels, les systèmes d’information et de télécommunications devaient viser à« l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du service public, ainsi que la simplifi-cation des relations avec les usagers ». Alain Juppé, alors Premier ministre, prescrit àchaque administration d’être présente sur internet avant le 1er décembre 1997 13 puisdonne en janvier 1997 des instructions pour faciliter les téléprocédures entre lesadministrations et les entreprises. La « société de l’information » est alors un débat depremier plan au niveau européen, auquel contribuent plusieurs experts français 14. LeProgramme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) apparaîtcomme l’élément déclencheur d’une politique nationale : « Entre 1995 et 1997, l’admi-nistration découvrait internet avec beaucoup de réticences. Puis avec le PAGSI, le cadreconsacré aux services publics a changé l’état d’esprit » 15. Lionel Jospin reprend lespréconisations européennes d’un engagement de l’État comme locomotive de l’innova-tion largement adoptée par le gouvernement précédent. « Un engagement affirmé etsoutenu du gouvernement est nécessaire » 16. L’État doit donc s’investir pour combler leretard français.
12. La norme internationale utilisée pour l’Echange de données informatisé (EDI) est la normeUN/EDIFACT, maintenue et coordonnée par le Centre pour la facilitation des procédures et pratiques dansl’administration, le commerce et les transports (CEFACT). La norme EDIFACT est utilisée de façonprédominante dans le monde entier. Aux États-Unis, elle est désormais préconisée pour les échanges avecl’administration. En France, une circulaire du Premier Ministre demande aux administrations de baser leurséchanges sur cette norme.
13. Circulaire n° 4361/SG du 15 mai 1996 relative à la communication, à l’information et à ladocumentation des services de l’État sur les nouveaux réseaux de télécommunications.
14. L’Assemblée nationale, à la demande du Premier ministre, délègue au député Patrice Martin-Lalandeune mission qui aboutira au rapport : Internet, un vrai défi pour la France, Collection des rapports officiels,Paris : La Documentation française, 1998. Parallèlement les sénateurs Alain Joyandet, Pierre Herrisson et AlexTürk, présentent leurs conclusions de leur mission dans L’entrée dans la société de l’information, Rapport dela mission commune d’information sur l’entrée dans la société de l’information, septembre 1997. Comme lemontre le rapport contemporain du sénateur René Trégouët, Des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs,le temps est à « l’évangélisation » de la classe politique et à la mise en agenda de l’internet comme prioriténationale.
15. Baquiast (Jean-Paul), « Les administrations et internet en 2001 », in Cahiers de la FonctionPublique, octobre 2001, n° 205, p. 3-6.
16. Jospin (Lionel), « Préparer l’entrée de la France dans la société de l’information », Discours àl’Université de la Communication, Hourtin, lundi 25 août 1997.
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« L’amélioration des relations entre l’administration et le citoyen devient un souciconstant du gouvernement » 17. Dans un premier temps, c’est une politique de l’offre,semblable à celle engagée par le ministère de la culture, qui sert de base au programmed’incitation. L’internet public semble permettre la transparence administrative à unmoindre coût. Les NTIC sont avant tout pensées comme une « numérisation del’information » qui accélère « l’informatisation des modes de production et d’échange »et offre à la France « la croissance de la part immatérielle de la richesse produite » qu’elleattend pour soutenir son économie. Ce projet connaîtra très tôt de remarquablesréussites 18. Un plan de numérisation par ministère, appuyé par la Documentationfrançaise, doit permettre d’offrir en ligne des ressources stratégiques à forte valeurajoutée aux acteurs économiques. Une mobilisation des données publiques essentiellesexige un plan de recensement et de diffusion de ressources gratuites pour rendrel’internet plus attractif.
La ré-ingénierie des processus administratifs au service d’une meilleure efficacité
En matière de téléprocédures, les ministères ont l’initiative des simplificationsadministratives relevant de leur département 19. En 2001, Thierry Carcenac dresse lebilan du PAGSI et parle d’une « formidable réussite » : « plus des deux tiers desformulaires de toutes les administrations françaises sont numérisés et téléchargeables ».Cependant, la même année, Jean Paul Baquiast constate que « tous ces projets se heurtentà de nombreuses résistances internes ne donnant que sur des ouvertures partielles,souvent en cours de développement ». Leurs analyses montrent une administration quiparaît avoir dans son ensemble fait le « gros dos » à l’arrivée des NTIC. Celles-cisemblent avoir été largement acceptées comme nouvel outil de communication et deprésentation (« sites vitrines ») à condition qu’elles ne remettent pas en cause leshabitudes de travail, les statuts et la culture administrative de chacun. Les administrationsseraient, somme toute, encore dans ce que l’on appelle aujourd’hui la première périodede la politique publique de l’administration électronique. Elles disposent pourtant depuislongtemps de systèmes informatiques qui ont permis des gains de productivité etd’efficacité importants, notamment par l’automatisation des actes de gestion interne. Sic’est au niveau des ministères que les programmes de modernisation de l’État se sonttoujours transformés en projets opérationnels, il s’agissait jusque-là pour l’essentield’une informatique de production dans un espace clos et contrôlé.
En août 2001, le discours à Hourtin du ministre de la réforme de l’État, MichelSapin, annonce une nouvelle étape. Dans le même temps, Laurent Fabius nomméministre de l’économie, des finances et de l’industrie en 2000, après un conflit social trèsdur lié à la réforme de ce dernier, engage une nouvelle stratégie de changement : lesNTIC se retrouvent au cœur d’une nouvelle configuration qui aboutira au projet
17. PAGSI, 1998.18. Le projet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, la bibliothèque des rapports publics, mais
surtout le portail www.service-public.fr.19. « Il appartient à chaque ministre de prendre en charge les procédures qui relèvent de son département
et d’élaborer les conditions, dans les conditions prévues par l’art. 1er du décret du 2 décembre 1998, d’unprogramme annuel de simplification des formalités et des procédures administratives, qui s’inscrira dans lecadre plus large de programmes pluriannuels de modernisation de son administration » (PAGSI, 1998).
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« E-Ministère » 20. Au sein même du projet, sont associées une réforme organisation-nelle, un développement technologique et une transformation culturelle. Pour la premièrefois dans la construction de la politique des NTIC, un ministre français affirme commeprioritaire cette synthèse entre innovation technologique, conduite du changement etéthique démocratique.
L’alternance politique se caractérise en la matière par une grande continuité 21. Il estproposé d’engager un plan d’action sur cinq ans dans le cadre de la nouvelle Agence pourl’administration électronique (ADAE). Il faut toutefois attendre le projet ADELE pourvoir renaître un véritable programme pour l’administration électronique au niveaugouvernemental 22. Il s’agit d’un « PAGSI II » qui est cette fois, entièrement, consacré àl’administration électronique et dont les objectifs sont, dans un premier temps entière-ment recentrés sur le principe d’efficacité et de productivité. Les technologies del’information et de la communication sont invoquées comme un levier puissant d’unetransformation de l’organisation publique, suggérant un modèle nouveau d’administra-tion publique.
La mise en réseau de l’administration au service de la simplification administrative
Une des spécificités de ce programme est de redonner, au niveau le plus haut del’État, la priorité au citoyen qui en est la cible privilégiée 23. Si le PAGSI avait voulu trèstôt favoriser les échanges en développant une interactivité nouvelle, le programme selimitait à la généralisation du courrier électronique principalement intra-administrations.La politique de points d’accueil permettant l’accès, par un public très large, aux servicesinternet des serveurs d’information proposés par l’administration restait embryonnaire.L’idée même d’accès individualisés pour les intermédiaires du service public étaitavancée mais connaissait un développement dépendant des volontés locales. QuandMichel Sapin reprend le projet d’administration électronique, trois ans plus tard, l’idéed’un service personnalisé qui s’adapte à chaque citoyen (mon.service-public.fr) est lepoint ultime d’une réflexion sur la modernisation des administrations qui s’appuie sur lestéléservices 24. Le portail placé sous la direction du Service à l’information dugouvernement lancera parallèlement le programme de mutualisation et de normalisationdes données publiques dit de co-marquage, « afin de faciliter l’accès personnalisé auxinformations et aux services 25. Dans la même logique de normalisation des critèrestechniques et logiques, est reprise la proposition du rapport Carcenac pour promouvoir
20. Présenté au colloque « e-administration, e-gouvernement : au service de la société de demain »organisé par l’Institut de la gestion publique et du développement économique, le 10 décembre 2001.
21. Le rapport « Hyper-République » (La Coste (Pierre de), L’Hyper-République : bâtir l’administrationen réseau autour du citoyen, Paris, Ministère de la fonction publique, de la réforme de l’État et del’aménagement du territoire, 2003) du gouvernement Raffarin, s’inscrit dans la continuité d’une réflexionmenée depuis le rapport Carnenac au sein des ministères.
22. ADELE (ADministration ÉLEctronique 2004/2007) mobilise de 1,8 milliards d’euros pour mettre laFrance au niveau de ses voisins européens dans l’énorme effort d’informatisation des administrations.
23. « 3939. Allo, service public », le service unique de changement d’adresse, le service personnalisémon.service-public.fr, la carte de vie quotidienne (CVQ), la dématérialisation de l’état civil, la carte nationaled’identité électronique (CNIE).
24. « D’ici 2005, l’ensemble des services publics sera devenu des téléservices publics », Sapin (Michel),« La deuxième étape de l’administration électronique commence à Hourtin », Hourtin, Université d’été de laCommunication, 21 août 2001.
25. À cette fin, les co-marquages entre des sites de collectivités territoriales et www.service-public.frseront mis en ligne dès septembre 2001.
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le cadre commun d’interopérabilité des systèmes d’information. Une longue réflexionsouterraine s’enclenche au sein des services tels que l’ATICA 26 puis de l’ADAE, de laDocumentation française, du Service d’information du gouvernement pour concevoir leprojet d’une interface unique personnalisée : « mon.service-public.fr ».
Mais ce sont les objectifs de réforme de l’administration tels qu’ils sont définis dansle projet ADELE qui seront clairement orientés vers la satisfaction de l’usager. L’objectifest la mise en place d’un « front offıce » unique pour l’utilisateur, accessible par tous lesmoyens qu’il sera nécessaire de mettre à sa disposition pour rendre nul le coût detransaction. Le multi-accès a pour but de supprimer les nécessités d’apprentissage etd’adaptation des usagers, ce qui représente une mutation culturelle de près de sept ans.Dans le même temps, le portail personnalisé fait entrer une nouvelle incertitude dans lesmissions des directeurs administratifs et des responsables projets. C’est sur la base decette incertitude que la relation citoyenne peut connaître aujourd’hui un certainrééquilibrage.
ÉVALUER LES SITES D’ÉTAT
L’analyse des deux rapports de la DIRE 27 reposait sur un ensemble d’appréciationssubjectives, prenant le parti de l’usager, et restant extérieures aux données connues desconcepteurs du site. Il s’agissait d’une analyse qualitative, fondée sur l’appréciationd’experts et non sur un panel « moyen » d’internautes. Les critères retenus proposaientune lecture de ce que devrait être un « bon » site public, en passant en revue un ensembled’indicateurs de qualité. Posant les jalons d’une véritable démarche qualité au sein del’internet public français, l’étude identifiait un certain nombre de points factuels de« non-qualité », appelant une vigilance constante de la part des pilotes nationaux del’internet public, au niveau des sites nationaux et des « têtes de réseaux » de différentsministères : non fonctionnement des moteurs de recherche, non réponse aux courriels,liens morts, actualités obsolètes ou impasses de navigation et d’ergonomie. En 2000, laDIRE, à travers la première étude, posait la question : « l’usager va-t-il trouver sur ce sitel’information, le service, l’orientation qu’il cherche ? ». Leur réponse était assezlaudative, soulignant que « bon nombre des caractéristiques des sites publics françaissont réellement originales », que les sites publics français ont été bien notés dans le cadrede comparaisons internationales. Ils soulignaient également que les sites publicsprésentent : « un avantage qualitatif décisif : la crédibilité des données publiées. L’accèsdirect aux sources officielles n’est pas seulement une exigence de transparencedémocratique : c’est aussi une demande de repères dans un océan d’informations demoins en moins certaines. Cette crédibilité est renforcée par l’appellation « gouv.fr »,marque du caractère officiel des sites, ou par la notoriété des organismes ».
Quel est le « visage » de l’internet public ministériel français en 2004 ?
26. Ancienne mission interministérielle de soutien technique pour le développement des technologies del’information et de la communication dans l’administration, remplacée par l’ADAE.
27. Voir supra.
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Premiers résultats d’enquête : la maturation technique de l’offrede l’internet public
La première caractéristique qu’il nous a été donné de constater au cours de nosrecherches est l’extraordinaire explosion de l’offre publique sur internet. L’offre et lademande ont quintuplé en quatre ans. Entre septembre 1999 et juin 2004, l’AFNIC aenregistré une croissance des noms de domaines en « fr » de + 521 % (passant de 47 602noms de domaines enregistrés à 248 041) 28. Dans le même temps, la demande enservices publics a connu une croissance vertigineuse 29. Sur cette même période, le siteportail de l’administration électronique, « service-public.fr », a connu une croissancesemblable (+ 318 % entre mai 2001 et décembre 2003). Ainsi, force est de constater quel’effort massif des administrations à rattraper leur retard sur internet a rencontré un francsuccès auprès des administrés. Pourtant si la croissance des sites reste soutenue, onobserve un « plateau » qui semble augurer d’un changement dans le rythme decroissance.
Force est de constater l’actuelle disparité de réalisation des projets lancés au coursde ce qui est communément appelé la « première phase » de l’administration électroni-que. L’évolution quantitative des catégories de sites est à ce titre pertinente. Si en 2001,l’étude de la DIRE relevait que 80 % des sites avaient une dimension institutionnelle,alors que 14 % seulement proposaient un portail et 22 % s’organisaient selon desthématiques, nous avons pu constater une stabilisation des premiers (à 80 %) et uneexplosion des seconds à hauteur de 64 % pour les portails, et 60 % pour les thématiquescouplées au phénomène d’individuation déjà souligné. Les sites événementiels, quin’étaient que 6 % en 2001 et les sites transactionnels (1,2 %) apparaissent comme lesnouveaux entrants dans cette population, avec respectivement 33 % et 30 %. On peutconstater que, sur la période 2001-2004, les sites, qui s’étaient jusque-là contentésd’investir dans la mise en place d’une vitrine promotionnelle sur internet, se sontengagés, pour les deux tiers d’entre eux, à apporter un véritable service d’information etde conseil au public, ainsi qu’un accès étendu aux données de l’État. Si les sitesévénementiels sont contemporains de la naissance du web public en France, leurdéveloppement dans le paysage électronique aux côtés des sites transactionnels rendtangible les projets de « seconde génération » des sites internet de l’État. L’analysesemble ainsi nettement souligner l’entrée dans une seconde phase dans laquelle lesadministrations les plus performantes s’engagent dans un véritable service public enligne.
Nous avons pu constater le recul significatif des sites impersonnels. En 2000, àpeine 20 % des sites publics visaient une cible identifiable. Notre étude révélait que plusde 70 % des sites s’adressaient plus ou moins clairement à une ou plusieurs cibles. Lecitoyen, l’usager 30 et le professionnel sont concernés par plus d’un tiers des sites. Lapresse est la seconde cible clairement identifiée. Si l’on exclut les sites promotionnels qui
28. Un nom de domaine peut rassembler par ailleurs plusieurs adresses de sites web en sous-arborescence.
29. Le site du ministère de la justice à reçu, au mois de janvier 1999, 26 965 visiteurs ; ils étaient, en mai2001, 114 103 visiteurs (+ 423 %) et 306 491 au mois de décembre 2003 (soit, par rapport à mai 2001,+ 268 %).
30. Nous établissons ici une distinction entre, d’une part, le citoyen qui souhaite s’informer sur leministère, la conduite des politiques publiques et la transparence des administrations afin de rendre effectif sondroit démocratique de contrôle juridique et politique et, d’autre part, l’usager qui souhaite utiliser les servicespublics en ligne dans le cadre du « contrat » social attribuant respectivement aux parties des droits et des
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s’adressent à tous, 15 % des sites réservent une place équivalente à une conférence depresse continue aux fins de favoriser les échanges avec les médias traditionnels. Laprésence de cet espace peut être interprétée comme un signe d’avancée en matière degestion de l’information. En effet, réserver un espace circonscrit à la communicationpolitique évite de saturer le reste des informations pratiques et améliore la visibilité desdonnées publiques. Les agents de l’État et les élus des collectivités territoriales nereprésentent que 10 % des cibles visibles. Ce public est par sa nature plus concerné parles intranets et les extranets portés par les systèmes d’informations ministériels etinterministériels en LAN (Local Area Network) ou en WAN (Wide Area Network). Maisil faut souligner que les étrangers (européens ou non européens) susceptibles d’entretenirdes échanges avec l’administration française ne sont des cibles que dans 7 % des cas.Derrière les apparences de multilinguisme, seuls quelques sites, parmi les plus avancés,ont réservé un espace en langue anglaise ou espagnole. Ces espaces introductifs sont engénéral très faiblement convaincants dans leur rôle de service à l’usager 31.
Pour conclure sur cette approche globale des sites internet ministériels, il nous fautsouligner la quasi-disparition des défauts de jeunesse constatés par les rapports 2000 et2001. Il ne reste que très peu de sites purement promotionnels se contentant de vanter telou tel membre du gouvernement, tel ou tel corps administratif ou encore la superbearchitecture des locaux. La qualité technique est indiscutable sur la très grande majoritédes sites avec l’usage de technologies dynamiques côté serveur. La présence de liensmorts, de moteurs de recherche défaillants, ou de pages d’informations obsolètes a atteintun niveau quasiment irréductible en matière d’informatique. Enfin, réaffirmé par denombreuses circulaires gouvernementales 32, l’usage des standards du web communé-ment acceptés et diffusés est devenu la règle pour tous. Nous avons été surpris par l’usaged’un système de « sécurisation propriétaire » dans le cadre de la téléprocédure« téléc@rte grise » qui oblige à télécharger un logiciel propriétaire obscur, s’installant enécran de fond, sans interface interactive (et donc sans information et acceptationprogressive pour l’usager) et sans possibilité de le désinstaller. Cette intrusion irrémé-diable dans l’ordinateur de l’usager par le ministère de l’intérieur, sans offrir la moindretransparence, ne peut qu’inquiéter inutilement une part des usagers encore peu familiersavec les outils du web.
devoirs. Nous rejoignons ici la position de Pierre de La Coste, exprimée dans son rapport au Premier ministreet rappelée récemment au séminaire international « De l’administration au gouvernement électronique : Étatset citoyens à l’heure des réseaux numériques » du 24 mai 2004, organisé par le COMMINT, qui vise à voir dansle projet d’administration électronique, tout autant un projet de saine gestion publique qu’une avancée pour laréalisation des pouvoirs démocratiques du citoyen. Mais il nous faut toutefois prendre de la distance avec latendance du New Management Public qui vise à réduire le citoyen à la pleine satisfaction de l’« usager-consommateur ». (Voir Massit-Follea (Françoise), « De la régulation à la gouvernance de l’internet. Quel rôlepour les usagers-citoyens ? », Les cahiers du numérique, n° 2, 2002, pages 239 à 263 ; Gingras (Anne-Marie),« La e-gouvernance aux États-Unis », in Jean Mouchon (dir.), Mutations de la démocratie : des textesfondateurs à l’émergence des nouvelles pratiques, Paris, Éd. des Riaux, parution prévue fin 2004).
31. Il nous faut toutefois souligner le véritable effort du ministère des affaires étrangères.32. Notamment, circulaire n° 4385/SG du 11 juillet 1996 relative aux modalités pratiques de mise en
œuvre des instructions sur la communication, l’information et la documentation des services de l’État sur lesnouveaux réseaux de télécommunications ; la circulaire n° 4455/SG du 29 janvier 1997 relative aux conditionsde fonctionnement des sites internet des ministères ; la circulaire n° 4597/SG du 9 avril 1998 relative à lacréation de sites internet par les services déconcentrés des administrations de l’État et les établissements ouorganismes placés sous tutelle de l’État ; circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des serviceset des établissements publics de l’État ; circulaire du 23 mai 2001 relative au choix des formats pour laréalisation de documents constitués de données numériques ; circulaire du 4 décembre 2002 relative à la miseen œuvre de la deuxième version du cadre commun d’interopérabilité des systèmes d’information publics.
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L’entrée dans l’administration électronique de la « seconde génération »
L’approche qualitative a révélé une nette diversification de l’offre publique surinternet. Il est convenu de distinguer les sites internet institutionnels, les portails,thématiques ou à types d’usagers spécifiques, les sites événementiels et enfin transac-tionnels.
Les sites institutionnels sont sans aucun doute les sites élémentaires de l’offrepublique. Sites de présentation et parfois de promotion d’une institution publique, ils selimitaient au début à une « plaquette » en ligne manifestant les talents marketing desdirections de la communication des ministères avant de devenir progressivement desoutils d’information des citoyens et des usagers. Pour ceux qui surent limiter leurstendances « narcissiques », qui rencontraient difficilement un public intéressé, ilsdevinrent une source d’information riche et complète avant de connaître ces deuxdernières années les limites dues à leur « âge ». Ainsi, depuis 2000, on a vu ces sites sescinder en deux entités, l’une se recentrant sur la fonction de représentation institution-nelle, et l’autre, qualifiée de « site portail » à l’aide d’un nom de domaine globalisant,fédérant les données publiques autour d’une plate-forme commune et rassemblant unannuaire qualifié et commenté de liens web. Ainsi education.gouv.fr se dédouble pourfaire émerger education.fr, culture.gouv.fr en culture.fr, etc.
C’est une autre logique qui a vu se multiplier les sites thématiques ou à catégoriesd’usagers (qu’il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer, ex. drogues.gouv.fr). Devantla multiplication des politiques publiques et des agences interministérielles autour d’unobjet ou d’une catégorie d’usagers spécifiques, des sites se sont développés autour d’unthème particulier. Parfois ceux-ci sont associés à une politique publique instituée sous latutelle d’un ministère ou d’une mission interministérielle 33, et parfois ils se justifient parla présence de publics/usages particuliers pour légitimer leur existence autonome 34.
Certains de ces sites peuvent avoir une vie limitée, liée à l’attention desgouvernements. Ainsi la pérennité de ces sites connaît un destin lié à la mise sur agendamédiatique ; c’est particulièrement le cas pour des sites événementiels dont l’existenceest précaire par essence. Le site sur le « bug de l’an 2000 » n’est plus que dans lesmémoires des internautes, le site sur l’Euro est une maison/musée où l’on peut relire lediscours du 18 février 2002 de M. Laurent Fabius, ministre de l’économie, des financeset de l’industrie d’alors. Parfois l’on croise un site fantôme 35.
Une dernière catégorie de sites a vu le jour avec l’émergence des téléprocédures surinternet. Les sites transactionnels visent à offrir un véritable service en ligne. Internet doitbouleverser le rapport entre l’administration et l’usager, nous a-t-on annoncé depuis plusde 10 ans. Cette révolution reposerait sur le développement des autoroutes de l’infor-mation et l’interconnexion des réseaux sous protocole IP. L’analyse des sites de l’Étatnous a amenés à nuancer cette vision.
33. www.ville.gouv.fr, www.logement.gouv.fr, www.innovations-service-public.gouv.fr,www.ecoresponsabilite.environnement.gouv.fr,www.effet-de-serre.gouv.fr, www.internet.gouv.fr, etc.
34. Le site www.minefi.gouv.fr se dote ainsi de www.entreprises.minefi.gouv.fr et de www.colloc.mi-nefi.gouv.fr On pourrait également classer dans cette catégorie www.eduscol.education.fr, www.handicap.gou-v.fr, www.enviedagir.fr, etc., qui visent tous un public spécifique. Le ministère de la culture, qui fait sans aucundoute partie des sites les plus dynamiques, distingue, par exemple le site de l’expatriation (usages),www.mfe.org, du site du Conseil supérieur des Français de l’étranger (usagers), www.csfe.org. Ces sites visenten réalité à restreindre la variable cible pour pouvoir continuer à offrir un site global qui est à la foisinstitutionnel et portail.
35. www.vie-associative.gouv.fr
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D’une part, le travail du Secrétariat général du gouvernement qui pilote, avec laDocumentation française et la direction des Journaux officiels, le projet du portailservice-public.fr, appuyé par le Comité interministériel des renseignements administra-tifs (CIRA), la Délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA) etla très récente Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE)pilotent les grands projets Journal-officiel.gouv.fr, ladocumentationfrancaise.fr et legi-france.gouv.fr qui forment un bouquet d’offres de publications en ligne, exploitant toutela capacité d’internet pour diffuser des informations numériques. Véritable portail del’information d’État, ces sites sont un modèle d’innovation pour l’offre documentaire enligne à l’ère du numérique. D’autre part, on a vu une offre qui s’est appuyée sur les fruitsd’une migration réussie de l’offre télématique, qui s’était développée à la fin des annéesquatre-vingt 36.
Pourtant force est de constater qu’à ce jour, les téléprocédures ne sont qu’un projetinabouti de l’administration électronique, qui peine à se réaliser dans des mesuresconcrètes vis-à-vis des usagers. Quelques exemples phares se sont développés en prioritéà partir des deux piliers de la puissance régalienne que sont la force publique et la levéede l’impôt, au risque de réduire l’« État cybernétique » à un « État Cash Machine ».L’analyse des téléprocédures, présentées par le portail service-public.fr, en réduit de faitfortement la portée.
Les premiers pas d’une téléprocédure consistent à obtenir par internet des certificatsadministratifs. Il s’agit ici de l’adaptation web des services que fournissait jusqu’alors leminitel 37. Il s’agit en fait de procédures qui font reposer leurs contrôles sur les fichiersd’état civil, qui identifient le requérant par son adresse postale, à laquelle est adressé ledocument qui ne peut être dans ce cas que papier. La procédure est simple et ancienne.On relève que ce type de procédure ne s’est pas généralisé à l’ensemble des attestationsdélivrées par les services de l’État au cours de ces dix dernières années.
Le second service, appuyé par les promoteurs de l’administration électronique,consistait à assurer la transparence des processus administratifs, qu’ils soient initiés enligne ou pas. La connaissance des étapes des processus, le suivi de son dossier en tempsréel avec la possibilité de correspondre avec le responsable auraient permis d’éviter« l’effet tunnel » si néfaste à l’image de marque de l’administration. En réalité, très peud’administrations ont initié ce projet et le « suivi de l’élaboration de la carte d’identité »,proposé par le ministère de l’intérieur, semble se résumer à des « alertes » de mise àdisposition de la carte à la sortie du « tunnel ». Le système de paiement électronique auxadministrations est quant à lui plus avancé. Il y a, bien sûr, le paiement des amendes, livré
36. On voit régulièrement apparaître sur internet d’anciennes bases de données issues du plantélématique au gré du « relookage » de la façade (l’interface web) de l’application client-serveur. La basePACTE de conservation des traités internationaux du ministère des affaires étrangères(www.doc.diplomatie.gouv.fr/pacte), le site du service des nouvelles des marchés (www.snm.agriculture.gou-v.fr), Télémaque, site sur les concours administratifs et techniques du ministère de l’agriculture (www.con-cours.agriculture.gouv.fr) sont des applications connues des professionnels, heureux de trouver une interfaceplus conviviale.
37. Le ministère de l’intérieur propose, par exemple, de fournir, à partir de la plaque d’immatriculationdu véhicule, le « certificat de situation administrative » (communément appelé « certificat de non-gage ») etnon pas comme le label « Téléc@rtegrise » tendrait à le faire penser, à obtenir ou renouveler sa carte grise).On peut sur le même modèle demander son extrait de casier judiciaire (bulletin n° 3) ou toute autre attestationd’un évènement (naissance, mariage, décès, divorce, reconnaissance...) survenu à l’étranger sur le site duservice central d’état civil (SCEC) du ministère des affaires étrangères : (https ://www.smae.diplomatie.gouv.fr/Etatcivil).
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avec le nouveau système de contrôle automatisé de la sécurité routière, mais il y a surtoutle système de télé-déclaration fiscale.
Fruit de l’ambitieux programme Copernic, qui regroupe plus de 70 projets, et quimobilisera, à son terme, près de 1,5 milliards d’euros (sur dix ans), les téléprocédures duministère des finances se veulent un laboratoire de la future administration électronique.Vitrine émergeante, qui masque en réalité un immense chantier de réingénierieorganisationnelle et des systèmes d’information de la direction générale de lacomptabilité publique (DGCP) et de la direction générale des impôts (DGI),« http ://impot.gouv.fr » est sans aucun doute le meilleur exemple de site transactionnelà ce jour. Il vise non seulement les particuliers mais aussi les professionnels et lescollectivités locales. Dans le cadre de notre évaluation, il a obtenu de très loin lameilleure évaluation (qui n’est toutefois pas la note maximale) et représente, sur denombreux points, le prototype (et donc l’unique modèle) de l’administration en ligne dedemain. Veille et actualité pertinente au service de l’usager sans aucun but auto-promotionnel, organisation de l’information en plusieurs niveaux, croissant en com-plexité, guichet intelligent de contacts et de correspondance électronique permettantimmédiatement de trouver l’interlocuteur pertinent avec ses coordonnées complètes, listedes questions les plus fréquentes, assistée d’un filtre ergonomique, transparence desactivités de la DGI et de la DGCP, simulation, effectuation, paiement en ligne,consultation du dossier personnel complet, assistant de vos droits (non-intelligenttoutefois), font de la fiscalité française un modèle salué au niveau européen pour soninnovation dans la gestion publique.
Une offre de données publiques généreuse ... mais des sites sans véritable écoute
Le site ministériel type est encore prioritairement un site institutionnel qui vise àmieux faire connaître les services administratifs de l’État. À ce titre, en faisant chuter lescoûts de publication et surtout de diffusion des données, internet a joué un rôle qualitatifunique. Que ce soit pour l’explication du fonctionnement des institutions, la mise enligne de l’immense littérature grise produite par les services d’analyse de l’État etl’interconnexion de la masse de ces données par l’hypertexte, l’offre en ligne a permisd’accéder à une excellente information avec toute la facilité de la navigation web. Cesdonnées sont gratuites dans 50 % des cas. Reposant sur l’activité de l’équipe dewebmestres, le site internet ministériel remplit largement son rôle de nouveau vecteurélectronique de la communication administrative.
L’accès aux données publiques, ressources que possédaient presque exclusivementles agents et qu’il était jusque-là très coûteux d’obtenir (que ce soit en temps ou enargent), a connu une nette démocratisation. Une série de données, jusque-là réservée auxexperts, s’affiche aujourd’hui en permanence sur l’écran de la cyber-adminsitration.Actualité et agenda permettent de se tenir au courant en permanence de l’activité desadministrations. Ces informations ponctuelles sont recoupées avec la mise en ligne descomptes-rendus annuels d’activité. La transparence administrative a nettement progresséavec le web. Non seulement la totalité des lois et règlements sont accessibles en ligne,mais les administrations n’hésitent plus à rappeler les textes qui commandent leuractivité. La plupart des administrations font œuvre de pédagogie en matière deprocédures administratives, très souvent communiquées en un langage clair et accessible.De plus les arbres et annuaires d’accès, les plans complets offrent des entrées multipleslargement usitées sur les sites publics, qui permettent de s’adapter à la diversité cognitive
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des usagers. Il faut toutefois regretter la quasi-absence des thésaurus et index, quiviendraient compléter les portes d’accès à l’information et permettraient de renvoyerl’ensemble des acronymes à un lien explicatif.
Mais ce tableau synthétique doit être nuancé par l’analyse de la répartition des sites,qui met en évidence un différentiel qualitatif notable. Si, en ce qui concerne l’autopro-motion institutionnelle, la quasi-totalité des sites mobilise d’excellentes qualités techni-ques internes ou externes, l’accès aux ressources publiques, quant à lui, se diffuselentement. Après cinq ans de politique volontariste, nos graphiques montrent unerépartition équivalente des sites sur les quatre niveaux de notation. En somme,l’engagement en faveur de l’accessibilité des données publiques, dans une totaletransparence, est désormais pleinement réalisé par la moitié des sites, l’autre moitié selimitant à une information sommaire ou à une absence claire d’informations. Ce constatest confirmé par la lente diffusion de certaines propriétés des sites, devenues aujourd’huiles éléments de base de la moindre offre de service en ligne. Nous parlons ici des moteursde recherche et du téléchargement de formulaires en ligne. La maturité technique dessystèmes d’indexation automatique de contenu appuyés sur des moteurs de rechercheintelligents à un prix modique, eu égard aux sommes engagées d’une part, et à l’énormetravail de syndication 38 de contenu et de co-marquage des formulaires en ligne par laDUSA et le portail service-public.fr d’autre part, rendent l’argument du prix ou de lacomplexité technique inopérant. Cette explication, à l’aune des réussites brillantesobservables dans une majorité des cas, nous amène à mettre en doute la volontéd’engagement et la sensibilisation globale des agents administratifs bien au-delà ducercle des directions de la communication et des responsables de la modernisation. Eneffet, l’indexation des contenus, même automatisés, demande un engagement de chaqueagent émetteur dans le « workflow » instauré par la gestion électronique d’un document(GED). En outre, la syndication exige un décloisonnement des administrations et uneintégration à la politique interministérielle, pilotée par la DUSA et l’ADAE, sous latutelle du ministère de la réforme de l’État.
Trois aspects marquent l’étendue du chantier de l’administration électronique, quepeu de ministères ont lancé à ce jour. Le bilan peut être surprenant mais l’analyse dessites ministériels a révélé que 75 à 80 % des sites étudiés ne proposent pas detéléprocédures disponibles. Nous avons recherché l’accès à des formulaires en ligne oupréformatés, usant du traitement automatisé pour assister l’usager, des systèmes desimulation et d’aide dans les échanges administratifs, la possibilité du suivi des dossiersen ligne et en temps réel ou encore, l’automatisation partielle et totale des procéduresadministratives... en somme, tout ce que l’on retrouve offert en un bouquet de servicescohérent sur le site impot.gouv.fr. Il nous faut constater que moins de 20 % des sitesoffrent au moins l’un de ces services, et aucun ne propose un ensemble cohérent sur lemodèle du site susmentionné. En appuyant 180 projets d’administration électroniquedans le cadre du projet ADELE, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, relance unchantier soutenu depuis près de cinq ans, mais qui n’a donné naissance qu’à moins d’unedizaine de solutions, dont seules deux ou trois peuvent être qualifiées de réussites.
38. La syndication, comme souvent en matière de TIC, est tout autant un principe organisationnel quetechnologique. Il s’agit dans la logique de mise en réseau des acteurs et des informations, de permettre à unsite internet de mettre à disposition, pour une communauté d’acteurs, les données qu’il produit et administresans se soucier des conditions d’interopérabilité.
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Le second axe prioritaire, qui vise à transformer la culture administrative en plaçantl’usager au cœur du service public n’a, à ce jour, que très peu d’impact sur les sitesinternet. En effet, si cette préoccupation recoupe l’innovation technique dans l’ergono-misation dynamique des sites et l’établissement de profils des usagers, très peu de sitess’adaptent à l’usager, préférant lui proposer l’organisation de l’information telle qu’elleest disponible dans l’administration à l’usage des fonctionnaires. Le passage de relais àl’administré, dans la gestion des données publiques, ne pourra pas faire l’économie d’uneréorganisation de l’accès aux savoirs administratifs. La mise en place de FAQ(Frequently Asked Questions) adaptatives et dynamiques, rassemblant non pas lesquestions préformatées du pédagogue, mais les questions effectivement les plus posées,des raccourcis dynamiques qui mettent en avant les accès aux espaces les plus demandéspar les internautes, une organisation du site selon les catégories d’usagers opérant desfiltres successifs dès la page d’accueil, la gestion totale d’un compte personnelmémorisant le profil de l’usager afin de mieux favoriser la mise à disposition des serviceset des informations selon une logique « push », voilà ce qui rythme le quotidien del’internaute mis au cœur de la prestation de services marchands. Aujourd’hui, lecommerce électronique a fait preuve d’une innovation sans précédent, habituant lesinternautes à une qualité de service inédite : non seulement le service privé, mais aussiles administrations les plus innovantes, creusent l’écart et rendent les différences detraitement difficilement compréhensibles par l’usager. Notre étude sur le panel retenu adonc révélé la profonde hétérogénéité de l’échantillon étudié. Cette hétérogénéité, déjàsoulignée dans les études précédentes, semble s’être aggravée.
Enfin, notre étude nous a permis d’observer que le progrès technique était loin d’êtreune histoire linéaire et cumulative car force est de constater la régression généralisée,voire l’abandon des moyens de communication électroniques. En ce qui concerne lagestion des contacts mails, moins de 7 % des sites ont un système de gestion dynamiquedes contacts permettant l’accès aux coordonnées complètes des personnes adéquates et20 % ont mis en place un annuaire sommaire de mails. Le second tiers propose uneadresse générique ou un formulaire élémentaire et le dernier tiers n’a mis aucun contact,voire même pour certains sites, affirme ne pas vouloir correspondre par courrierélectronique. Nous avons testé les forums, qui ne sont présents que dans 25 % des cas,avec un usage rencontrant plus ou moins de fortune. Les sondages et livres d’or,communs sur le moindre des sites privés, ne sont présents que sur 10 % des sites étudiéssans que l’on connaisse clairement le destin des réponses enregistrées ou du moins sansen avoir aucune publicité.
De nouveaux usages sont toutefois possibles. Le « chat » (interieur.gouv.fr, colloc.minefi.gouv.fr) permet une communication en ligne avec des responsables administratifschargés de rencontrer les usagers et de donner une image moins austère des agents del’État en mission. La communication comprend également l’accès à des extranetsprofessionnels, apportant un bouquet de services aux usagers, qu’ils soient descollectivités locales (colloc.minefi.gouv.fr et le projet « Hélios ») ou des professionnels(entreprises.minefi.gouv.fr). C’est aussi la syndication de contenu, qui dépasse la simpleoffre institutionnelle pour former des canaux d’information ascendants et descendants,pour s’étendre aux services des prestataires professionnels (projet du portail culture.fr« seconde génération »). Si les innovations technologiques n’ont aucune existence sansune actualisation par des usages sociaux, les opportunités offertes entraînent desinégalités qui aujourd’hui donnent une vision très hétérogène de l’internet ministériel enFrance.
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* *Il faut donc constater l’inégalité croissante entre les différents ministères du
gouvernement. Les ministères les plus innovants, nous pensons en particulier auxministères « régaliens » comme le ministère des finances et le ministère de l’intérieur, etceux qui s’étaient engagés très tôt dans l’aventure du Web (ministère de la culture),connaissent une professionnalisation de leurs directions qui se réorganisent en véritable« task forces » de compétences, que ce soit pour la publication en ligne ou la réingénieriedes procédures par les TIC 39. Comme le dépouillement des questionnaires et lesentretiens l’ont clairement montré, l’engagement d’une part d’acteurs à la frontière entreadministration privée et organisation publique et, d’autre part, l’engagement de plus enplus affirmé des responsables des directions auprès de leurs collègues les plusréformateurs, témoignent clairement d’une prise de conscience au sein de ces ministèresde l’émergence du système d’information informatisé ouvert sur l’usager. Les sociolo-gues de l’innovation 40 y reconnaîtraient l’amorce d’une seconde étape de la diffusiond’une innovation. Par cette acquisition de compétences et par cette « industrialisation »de la production, les sites des ministères que l’on peut classer en tête semblent connaîtredes résultats, certes aujourd’hui encore ponctuels, mais de très haut niveau en terme de« valeur ajoutée » de service public. La qualité technique des sites, que l’on pourraitqualifier de « modèles de l’administration électronique », n’a rien à envier aux sites decommerce électronique. En revanche, de nombreux ministères ne semblent pas avoirdépassé la commande d’un site vitrine « représentant » la politique ministérielle. Uneinégalité dans la qualité des sites révèle aujourd’hui non seulement une différence dansles capacités et les ressources des ministères mais aussi un profond retard de certainesadministrations, dans la prise en compte des NTIC comme modalité nouvelle desrapports entre données publiques et usagers.
Notre enquête a souligné la prégnance d’une temporalité spécifique au processus dediffusion de l’innovation. Si plusieurs rapports 41 ont joué un rôle crucial dans laconstruction ambitieuse d’une « hyper-République », force est de constater que leprogramme est loin d’être réalisé : toutes les administrations, même celles qui ont déjàterminé la première phase d’intégration de l’innovation technique et organisationnelle,traitent les TIC comme des objets de médiatisation spécifique sous la responsabilité d’unservice ou d’une direction spécialisée. Rien n’exclut encore une interprétation purementinstrumentale faisant des systèmes ouverts intranet-internet-extranet, de simples outilsajoutés au dispositif de communication, absorbant la possibilité de changement sansvéritable transformation du rapport entre agent et usager dans les échanges d’informa-tion.
39. S’agissant de la diffusion des données publiques, le ministère de la culture réorganise ses ressourcesautour d’un pôle TIC chargé de réorganiser l’ensemble des effectifs autour de la direction de l’information etde la communication. L’émergence de véritables directions projets au sein du Minefi (Copernic, Hélios, etc.)est un moteur puissant de réorganisation des services autour des nouveaux systèmes d’information informa-tisés.
40. Alter (Norbert), L’innovation ordinaire, Paris, PUF, 2003 ; Flichy (Patrice), L’innovation technique :récents développements en sciences sociales, vers une nouvelle théorie de l’innovation, Paris, La Découverte,2003.
41. Baquiast (Jean-Paul), L’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communicationsur la modernisation de l’administration, op. cit. ; internet et les administrations, la grande mutation, op. cit.,Carcenac (Thierry), Pour une administration électronique citoyenne : contributions au débat, op. cit., La Coste(Pierre de), L’Hyper-République : bâtir l’administration en réseau autour du citoyen, op. cit.
LES NOUVEAUX « VISAGES » DE L’ADMINISTRATION SUR INTERNET 311
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Il ressort des entretiens que certains responsables TIC craignent de devenir unsous-service de la direction de la communication, du service informatique ou de ladirection des ressources humaines. Tout porte à croire que ce ne sont pas les TIC qui onttransformé la culture administrative mais bien cette dernière qui a réussi à les traduiredans ses catégories d’action. Professionnalisation du service et cloisonnement des tâcheset des responsabilités, conservation de l’expertise dans des projets de plus en pluscomplexes, réduction à l’échelle ministérielle des responsables projets, faible travail enréseau ouvert à l’échelon interministériel, l’histoire des TIC pourrait peut-être ressemblerà celle de l’informatisation des administrations dans les années quatre-vingt, à la suite durapport Nora-Minc.
La réforme vient d’en haut et c’est peut être dans cette hiérarchie préservée que l’onpeut trouver aussi un début d’interprétation de la difficulté de mettre l’usager au cœur desprocessus de changement. Certes, la démocratisation et la massification de l’usage ducourrier électronique semblent, d’après les témoignages unanimes de nos interlocuteurs,avoir profondément transformé les circuits internes de communication. Les projets deworkflow, assistés d’une gestion électronique de documents, initiés à titre d’exemple parl’équipe responsable du portail « Mininfo au service des entreprises » ou par la directionde l’information et de la communication du ministère de la culture, insistent surl’intégration de tous les agents producteurs d’information aux systèmes de publication enligne des données publiques. Sans aucun doute, c’est par la possibilité réelle d’unecommunication, décloisonnée par des systèmes d’information globaux, que les agentssouhaitant participer à l’échange d’informations, pourront réellement être invités àexpérimenter la communication électronique. Le temps des sites vitrines ou portails,fruits d’une équipe spécialisée dans la communication en ligne, correspond sans aucundoute au passage nécessaire de l’acquisition des compétences et des ressources humaineset techniques. Ceux qui ont terminé cette acquisition semblent prêts à s’engager dansl’élaboration de véritables circuits de communication ouverts. La syndication de contenu,la démocratisation de la publication par des systèmes de gestion électronique dedocuments (comme ZOPE dans le logiciel libre), la mise en place de téléprocédurestotalement intégrées (de 4ème génération) sont aujourd’hui sur l’agenda des plusnovateurs. Mais ces projets n’engagent plus seulement des « techniciens » au serviced’une hiérarchie. C’est autour d’une nouvelle culture commune où il est question deprocessus, de systèmes et de pilotages évaluatifs que ces projets pourront avoir du sens :« c’est par la construction du sens, souligne Norbert Alter, qu’une invention techniquedevient une innovation sociale ». Mais cette innovation maintient ouverte la possibilitéde l’expérimentation administrative. La question de la protection des données person-nelles 42 pèse sans aucun doute sur certains développements potentiels. Au même titreque la nécessité de gérer les acteurs privés, qui offrent des services à valeur ajoutée et quise sentent de plus en plus concurrencés dans les faits par l’offre gratuite de donnéespubliques mises en ligne dans le cadre du service public, les mobilisations nonnégligeables qu’ils suscitent orienteraient-elles peut-être déjà en partie l’évolution desservices potentiels offerts par les sites publics nouvelle génération ?
42. Maisl (Herbert), Le droit des données publiques, Paris, LGDJ, 1996 ; « Le citoyen “internaute”, entreliberté d’accès aux documents administratifs et protection des données personnelles », in RFAP, n° 81,janv.-mars 1997.
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LES NOUVEAUX « VISAGES » DE L’ADMINISTRATION SUR INTERNET 313
Revue française d’administration publique no 110, 2004, pp. 297-314
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