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J Radiol 2010;91:126-39 © 2009. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés formation médicale continue le point sur… Nouvelle imagerie des atteintes périphériques du rhumatisme psoriasique A Denis, F Lapegue, N Sans, J Vial, H Chiavassa-Gandois, B Fournie et JJ Railhac e rhumatisme psoriasique est un rhumatisme inflammatoire rare (0,1 à 0,2 % de la population générale) qui appartient au groupe des spondylarthropathies séronégatives. Sa prévalence est probablement sous-estimée en raison d’une méconnaissance fréquente de cette affection. Le diagnostic positif de rhumatisme psoriasique est particulièrement difficile au début de la maladie en raison d’une présentation clinique et radiologique polymorphe. C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs ont proposé des critères diagnostiques intégrant des données cliniques, biologiques et radiologiques (1, 2). Malgré un bon compromis en termes de sensibilité et de spécificité, l’utilisation de ces scores ne permet pas un diagnostic précoce en particulier chez les patients dont le bilan radiographique est normal. Depuis quelques années, l’émergence des biothérapies a bouleversé la prise en charge des rhumatismes inflammatoires comme le rhumatisme psoriasique. Le bénéfice pour le patient est d’autant plus important que ces traitements sont instaurés tôt dans la maladie d’où la nécessité d’un diagnostic précoce et fiable. C’est tout l’intérêt d’utiliser de nouvelles techniques d’imagerie comme l’échographie et l’IRM afin de mieux sélectionner ces patients. D’autre part, ces techni- ques apparaissent comme des outils fiables dans le suivi et l’éva- luation de l’efficacité de ces biothérapies. Généralités Le rhumatisme psoriasique appartient au groupe des spondy- larthropathies séronégatives qui comprend également la spondy- larthrite ankylosante, les arthrites réactionnelles et les arthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires. Le rhumatisme psoriasique partage avec ces affections plusieurs éléments communs : un tropisme synovial et enthésique, une atteinte du squelette axial et appendiculaire ainsi qu’un terrain génétique commun caractérisé par la fréquence de l’antigène HLA B27. Néanmoins, le rhumatisme psoriasique a des caractéristiques propres qui le distinguent des autres spondylarthropathies séro- négatives notamment de la spondylarthrite ankylosante : l’associa- tion avec un psoriasis cutané (66 % des cas), la fréquence de l’atteinte des articulations interphalangiennes distales, une atteinte articulaire souvent asymétrique, le caractère inconstant de la sacro-iliite sou- vent découverte de façon fortuite, la présence de signes de recons- truction osseuse et une évolution fréquente vers l’ankylose. Le rhumatisme psoriasique touche l’adulte jeune entre 30 et 50 ans. Le sex-ratio est de 1. Il survient chez les patients présentant une atteinte cutanée ancienne dans 66 % des cas, mais il peut ap- paraître en même temps que les lésions cutanées dans 15 % des cas ou les précéder dans 10 % des cas (3). D’un point de vue clinique, l’oligo-arthrite asymétrique est l’atteinte initiale la plus fréquente (70 % des cas) réalisant le classique « doigt ou orteil en saucisse » (fig. 1). L’atteinte inter- phalangienne distale est également caractéristique de l’affection. Une atteinte polyarticulaire symétrique similaire à la polyarthrite rhumatoïde est beaucoup plus rare (15 % des cas) et serait plutôt l’apanage des femmes. L’atteinte calcanéenne est également évocatrice se traduisant par des talalgies postérieures ou plantaires. Les autres atteintes péri- phériques, plus rares, intéressent le plus souvent les grands trochanters et les genoux. Les atteintes axiales (rachidiennes ou sacro-iliaques) sont classiques mais rarement isolées. Elles sont classiquement moins sévères que celles de la spondylarthrite ankylosante. Étiopathogénie Le rhumatisme psoriasique, comme les autres spondylarthropathies séronégatives, possède un double tropisme à la fois synovial et enthésique. Selon Fournié ces deux lésions fondamentales permet- tent d’expliquer l’ensemble des signes cliniques et radiologiques (4). Abstract Résumé Cross-sectional imaging of peripheral involvement in psoriatic arthritis J Radiol 2010;91:126-39 The purpose of this article is to: 1) describe the main plain film, ultra- sound and MR imaging features of peripheral involvement in psoriatic arthritis, 2) describe the advantages of ultrasound and MRI at the early stages of the disease; 3) describe how to use MRI and ultrasound in order to assess response to tumor necrosis factor-alpha blocker therapy. Les objectifs de ce cours sont les suivants : connaître les principales caractéristiques radiologiques, échographiques et IRM de l’atteinte périphérique du rhumatisme psoriasique, connaître l’apport diagnos- tique de l’échographie et de l’IRM dans les formes débutantes à radio- graphies normales, savoir utiliser l’échographie et l’IRM dans le suivi thérapeutique des patients traités par anti-TNFα. Key words: Joint, inflammation. Hand. MRI. Ultrasound.. Mots-clés : Articulation, inflammation. Main. IRM. Échographie. L Service de Radiologie Centrale, CHU Purpan, Place du Docteur Baylac, 31059 Toulouse cedex, France. Correspondance : A Denis E-mail : [email protected]

Nouvelle imagerie des atteintes périphériques du rhumatisme psoriasique

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Page 1: Nouvelle imagerie des atteintes périphériques du rhumatisme psoriasique

J Radiol 2010;91:126-39© 2009. Éditions Françaises de Radiologie.

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

formation médicale continue

le point sur…

Nouvelle imagerie des atteintes périphériques du rhumatisme psoriasique

A Denis, F Lapegue, N Sans, J Vial, H Chiavassa-Gandois, B Fournie et JJ Railhac

e rhumatisme psoriasique est un rhumatisme inflammatoirerare (0,1 à 0,2 % de la population générale) qui appartient augroupe des spondylarthropathies séronégatives. Sa prévalence

est probablement sous-estimée en raison d’une méconnaissancefréquente de cette affection. Le diagnostic positif de rhumatismepsoriasique est particulièrement difficile au début de la maladieen raison d’une présentation clinique et radiologique polymorphe.C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs ont proposé descritères diagnostiques intégrant des données cliniques, biologiqueset radiologiques (1, 2). Malgré un bon compromis en termes desensibilité et de spécificité, l’utilisation de ces scores ne permetpas un diagnostic précoce en particulier chez les patients dont lebilan radiographique est normal. Depuis quelques années,l’émergence des biothérapies a bouleversé la prise en charge desrhumatismes inflammatoires comme le rhumatisme psoriasique.Le bénéfice pour le patient est d’autant plus important que cestraitements sont instaurés tôt dans la maladie d’où la nécessitéd’un diagnostic précoce et fiable. C’est tout l’intérêt d’utiliser denouvelles techniques d’imagerie comme l’échographie et l’IRMafin de mieux sélectionner ces patients. D’autre part, ces techni-ques apparaissent comme des outils fiables dans le suivi et l’éva-luation de l’efficacité de ces biothérapies.

Généralités

Le rhumatisme psoriasique appartient au groupe des spondy-larthropathies séronégatives qui comprend également la spondy-larthrite ankylosante, les arthrites réactionnelles et les arthritesassociées aux entérocolopathies inflammatoires. Le rhumatismepsoriasique partage avec ces affections plusieurs élémentscommuns : un tropisme synovial et enthésique, une atteinte du

squelette axial et appendiculaire ainsi qu’un terrain génétiquecommun caractérisé par la fréquence de l’antigène HLA B27.Néanmoins, le rhumatisme psoriasique a des caractéristiquespropres qui le distinguent des autres spondylarthropathies séro-négatives notamment de la spondylarthrite ankylosante : l’associa-tion avec un psoriasis cutané (66 % des cas), la fréquence de l’atteintedes articulations interphalangiennes distales, une atteinte articulairesouvent asymétrique, le caractère inconstant de la sacro-iliite sou-vent découverte de façon fortuite, la présence de signes de recons-truction osseuse et une évolution fréquente vers l’ankylose.Le rhumatisme psoriasique touche l’adulte jeune entre 30 et50 ans. Le sex-ratio est de 1. Il survient chez les patients présentantune atteinte cutanée ancienne dans 66 % des cas, mais il peut ap-paraître en même temps que les lésions cutanées dans 15 % descas ou les précéder dans 10 % des cas (3).D’un point de vue clinique, l’oligo-arthrite asymétrique estl’atteinte initiale la plus fréquente (70 % des cas) réalisant leclassique « doigt ou orteil en saucisse » (fig. 1). L’atteinte inter-phalangienne distale est également caractéristique de l’affection.Une atteinte polyarticulaire symétrique similaire à la polyarthriterhumatoïde est beaucoup plus rare (15 % des cas) et serait plutôtl’apanage des femmes.L’atteinte calcanéenne est également évocatrice se traduisant pardes talalgies postérieures ou plantaires. Les autres atteintes péri-phériques, plus rares, intéressent le plus souvent les grandstrochanters et les genoux.Les atteintes axiales (rachidiennes ou sacro-iliaques) sont classiquesmais rarement isolées. Elles sont classiquement moins sévères quecelles de la spondylarthrite ankylosante.

Étiopathogénie

Le rhumatisme psoriasique, comme les autres spondylarthropathiesséronégatives, possède un double tropisme à la fois synovial etenthésique. Selon Fournié ces deux lésions fondamentales permet-tent d’expliquer l’ensemble des signes cliniques et radiologiques (4).

Abstract Résumé

Cross-sectional imaging of peripheral involvement in psoriatic arthritis

J Radiol 2010;91:126-39

The purpose of this article is to: 1) describe the main plain film, ultra-sound and MR imaging features of peripheral involvement in psoriatic arthritis, 2) describe the advantages of ultrasound and MRI at the early stages of the disease; 3) describe how to use MRI and ultrasound in order to assess response to tumor necrosis factor-alpha blocker therapy.

Les objectifs de ce cours sont les suivants : connaître les principales caractéristiques radiologiques, échographiques et IRM de l’atteinte périphérique du rhumatisme psoriasique, connaître l’apport diagnos-tique de l’échographie et de l’IRM dans les formes débutantes à radio-graphies normales, savoir utiliser l’échographie et l’IRM dans le suivi thérapeutique des patients traités par anti-TNFα.

Key words:

Joint, inflammation. Hand. MRI. Ultrasound..

Mots-clés :

Articulation, inflammation. Main. IRM. Échographie.

L

Service de Radiologie Centrale, CHU Purpan, Place du Docteur Baylac, 31059 Toulouse cedex, France.Correspondance : A DenisE-mail : [email protected]

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L’enthèse

(fig. 2)

représente la zone cible privilégiée, elle corres-pond à la zone d’insertion des tendons, des ligaments et des struc-tures capsulaires dans l’os. La majeure partie de l’enthèse estintra-osseuse et il existe une continuité anatomique entre lestrabécules de l’os et les fibres du tendon qui s’ossifient progressi-vement.L’enthésite consiste en une inflammation des enthèses fibreuseset fibro-catilagineuses. À la phase inaugurale, elle se manifestepar une ostéite sous-chondrale. Secondairement, elle évolue versune ossification cicatricielle plus ou moins efflorescente de la par-tie extra-osseuse de l’enthèse (à l’origine des enthésophytes, desépines, d’une ankylose, d’une hyperostose). Ces phénomènes dereconstruction osseuse en réponse à une atteinte inflammatoirede l’enthèse caractérisent les spondylarthropathies et les diffé-rencient de la polyarthrite rhumatoïde.

Cette enthésite peut également s’accompagner d’une périostiteréactionnelle à la périphérie de l’enthèse et d’une ostéomyéliteaseptique par contamination de la moelle osseuse à partir dufoyer d’ostéite initial.Ce tropisme privilégié vers l’enthèse explique la fréquence del’atteinte digitale et en particulier des articulations interphalan-giennes distales qui sont particulièrement riches en structurescapsulo-ligamentaires.Contrairement à la polyarthrite rhumatoïde, le tropisme synovialde la maladie est au second plan. Pour plusieurs auteurs, la syno-vite du rhumatisme psoriasique est une synovite de contiguïtésecondaire au relargage de cytokines inflammatoires à partir del’enthésite adjacente (2, 4, 5).Des études récentes suggèrent le rôle central joué par les ostéo-clastes dans l’initiation et la progression des érosions osseuses (6).Des analyses biochimiques ont confirmé la présence au sein de lamembrane synoviale de patients souffrant de rhumatisme psoriasi-que de protéines favorisant la différenciation des ostéoclastes.Des taux plus élevés de précurseurs ostéoclastiques ont égalementété retrouvés dans la circulation générale de ces patients avec unetendance à la diminution sous traitement par anti-TNFα (6).Comme dans les autres spondylarthropathies, il existe une pré-disposition génétique matérialisée par la fréquence de l’antigèneHLA B27 et par d’autres antigènes (HLA B13, B16, B17, B38,B39, CW6 et DR7).

Imagerie des atteintes digitales du rhumatisme psoriasique

1. Apports diagnostiques des clichés standard

En 2009, la place des clichés standard reste essentielle dans le dia-gnostic de rhumatisme psoriasique. En effet, au niveau des mainset des pieds les radiographies permettent de visualiser d’embléela distribution des lésions. Sur les petites articulations comme lesinterphalangiennes distales, les radiographies resteraient plussensibles que l’IRM et l’échographie pour détecter des érosions etdes proliférations osseuses (7).C’est à Fournié que l’on doit la description des CRDO (CritèresRadiologiques des Doigts et des Orteils) et surtout leur intégrationdans le diagnostic positif de rhumatisme psoriasique parallèlement àd’autres critères cliniques et biologiques (1).

1.1. La distribution des lésions est évocatrice

Trois éléments sémiologiques doivent systématiquement êtrerecherchés puisqu’ils sont des éléments d’orientation forts enfaveur d’un rhumatisme psoriasique :• Le caractère asymétrique ou unilatéral des lésions.• L’atteinte des articulations interphalangiennes distales classi-quement épargnées dans la polyarthrite rhumatoïde.• L’atteinte digitale en rayon c’est-à-dire associant au moinsdeux articulations voire trois d’un même doigt (fig. 3).

1.2. La présence de signes de reconstruction osseuse est un élément clé du diagnostic

Le rhumatisme psoriasique entraîne comme les autres rhumatis-mes inflammatoires des destructions de l’os sous-chondral mais

Fig. 1 : Dactylite psoriasique du 2e doigt ou « doigt en saucisse ».

Fig. 2 : Schéma de l’enthésite d’après Fournié. Ostéite sous-chondrale (1), ossification cicatricielle de l’enthèse extra-osseuse (2), périostite réactionnelle de contiguïté (3), ostéomyélite aseptique (4).

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se caractérise surtout par la présence de signes de reconstructionosseuse particulièrement marqués.• Les érosions osseuses sont dites hyperostosantes c’est-à-direqu’elles coexistent avec des reconstructions osseuses apparaissantsous la forme de spicules ou d’efflorescences osseuses. Le plussouvent, ces reconstructions osseuses prennent le pas sur les éro-sions qui sont masquées et difficilement visualisables (fig. 4).

• Les appositions périostées s’intègrent également dans ces phé-nomènes de reconstruction. Elles s’observent au niveau desdiaphyses et des métaphyses para-articulaires (fig. 4).• La raréfaction osseuse est absente et fait place à une densifica-tion intraspongieuse d’aspect flou en phase inflammatoire.• Les phénomènes de résorption de l’os sous-chondral peuventêtre considérables et aboutissent à deux aspects caractéristiquesdes doigts : aspect dit en « pencil and cup » et de doigt en « lor-gnette ». L’aspect en « pencil and cup » est réalisé par la dispari-tion de la tête du métacarpien dont la diaphyse s’articule avec unebase phalangienne évasée (fig. 5).

1.3. L’ankylose osseuse est particulièrement fréquente

Elle touche le plus souvent les articulations interphalangiennesdistales et plus rarement le carpe ou les grosses articulations.

1.4. L’atteinte des houppes phalangiennes est polymorphe

Elle s’associe souvent à une atteinte unguéale adjacente. Elle semanifeste soit par une acro-ostéolyse soit par des phénomèneshyperostosants donnant une densification des houppes réalisantà l’extrême l’aspect de phalange ivoire (fig. 6).

2. Apports diagnostiques de l’échographie

L’échographie offre de nombreux avantages dans la prise encharge initiale et le suivi des rhumatismes inflammatoires. Elleest plus accessible et moins coûteuse que l’IRM. Elle est en continuitéavec l’examen clinique et permet une exploration dynamique deplusieurs articulations lors d’un même examen. En pathologieinflammatoire, l’inconvénient notable de l’échographie par rap-port à l’IRM est son incapacité à analyser l’os spongieux et donc àdétecter l’œdème intra-osseux.

Fig. 3 : Rhumatisme psoriasique. IRM coupe coronale en pondéra-tion T1 après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse. Atteinte digitale en rayon du 4e doigt (MCP, IPP et IPD).

Fig. 4 : Rhumatisme psoriasique : aspects radiographiques.a Atteinte de l’articulation interphalangienne proximale

associant des érosions osseuses, un pincement de l’interli-gne articulaire et surtout des efflorescences osseuses.

b Aspect de pérostite engainante avec présence d’apposi-tions périostées développées aux dépens de la diaphyse d’une phalange.

Fig. 5 : Rhumatisme psoriasique : sémiologie radiologique. Atteinte en rayon (1), érosions osseuses hyperostosantes (2), aspect en « pencil and cup » (3) et ankylose osseuse (4).

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La sémiologie échographique du rhumatisme psoriasiquecomporte deux catégories de signes : des signes synoviaux etextrasynoviaux.

2.1. Les signes synoviaux

Ils correspondent aux synovites, ténosynovites et aux érosionsosseuses, présents dans 76 (8) à 96 % des dactylites psoriasiques.Peu d’études ont comparé les performances diagnostiques desdifférentes techniques d’imagerie dans la détection des synoviteschez les patients atteints de rhumatisme psoriasique. Les données dela littérature concernant la polyarthrite rhumatoïde confirmentla supériorité de l’échographie par rapport à l’examen clinique età la radiographie dans la détection des synovites (9).La sensibilité de l’IRM est discrètement supérieure à l’échographieau niveau des mains et des pieds sauf pour les interphalangiennesdistales où l’échographie semble plus performante (7, 10).Les synovites et ténosynovites se manifestent par un épanchementhypoéchogène, un épaississement et une hyperhémie en modeDoppler (Doppler énergie) des membranes synoviales et des gainestendineuses. Cet épaississement reste toutefois moins marqué quecelui observé dans la polyarthrite rhumatoïde (fig. 7).En ce qui concerne la détection des anomalies des contours os-seux (érosions et proliférations), l’échographie apparaît globale-ment plus performante que la radiographie (11). Cette différenceest probablement liée au fait que les remaniements osseux qui nesont pas tangents aux rayons antéropostérieurs peuvent ne pasêtre visualisés sur les clichés standard (11). Toutefois, ces anoma-lies des contours osseux doivent être interprétées avec prudenceen raison de nombreuses variantes de la normale : encoches dor-sales ou palmaires de la MCP, irrégularités osseuses de P3 ou desdiaphyses phalangiennes. L’analyse comparative avec les autresdoigts sains est donc fondamentale.

2.2. Les signes extrasynoviaux

Ils sont beaucoup plus spécifiques car non présents dans la poly-arthrite rhumatoïde et sont retrouvés dans 84 % des dactylitespsoriasiques.

Ils regroupent des signes liés à l’enthésite digitale comme :• La périostite juxta-articulaire dans 36 % des cas qui se traduitpar une fine apposition périostée linéaire hyperéchogène avec hyper-vascularisation Doppler dans 50 % des cas (8).• L’enthésophyte capsulaire dans 12 % des cas correspondant àune production osseuse hyperéchogène à distance de l’interligne(8).• L’enthésopathie du tendon fléchisseur profond au niveau de laphalangette dans 16 % des cas se traduisant par une extrémitéhypoéchogène du fléchisseur profond à son insertion sur P3, laprésence de fines calcifications hyperéchogènes linéaires en re-gard de son insertion distale et d’irrégularités corticales en regardde l’enthèse (8).• L’hypersignal doppler du lit unguéal (8 % des cas) (12).• Les manifestations extrasynoviales comportent égalementdes signes liés à l’inflammation des tissus cellulograisseuxsous-cutanés :• La pseudo-ténosynovite de Fournié correspond à l’épaississe-ment et à l’inflammation du tissu cellulograisseux et des élémentsconjonctifs des doigts (8).• La pulpite se traduit par un épaississement et une hyperhémiefocalisée en mode Doppler des parties molles de l’extrémité dudoigt.

3. Apports diagnostiques de l’IRM

Contrairement à la polyarthrite rhumatoïde, l’intérêt de l’IRMdans le rhumatisme psoriasique a fait l’objet de peu de publica-tions (13, 14). Néanmoins, cette technique a permis de nombreu-ses avancées dans la compréhension de la physiopathogénie durhumatisme psoriasique et en constitue actuellement la modalitéd’imagerie de choix (15). L’IRM a ainsi pris une place fondamen-tale dans le diagnostic de rhumatisme psoriasique à radiographienormale et dans le suivi sous traitement.C’est la seule technique qui permet de visualiser des anomalies designal de la moelle osseuse avant l’apparition d’anomalies radio-logiques, elle permet ainsi le diagnostic précoce de l’ostéite sous-chondrale qui est la phase initiale de l’enthésite. En ce qui concerne

Fig. 6 : Atteintes psoriasiques des houppes phalangiennes.

a Acro-ostéolyse.b Hyperostose réactionnelle

et ostéocondensation.

a b

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les atteintes digitales, elle permet, grâce au plan coronal, d’apprécierd’emblée la topographie des lésions et de rechercher une atteinteen rayon (main magnétique de face).• La dactylite (doigt en saucisse) correspond au gonflement dou-loureux ou non de l’ensemble d’un doigt. Elle est fortement évo-catrice du diagnostic mais peut également être observée dansd’autres spondylarthropathies séronégatives, dans la goutte, lasarcoïdose, la drépanocytose et les infections des gaines tendineuses.

La dactylite est particulièrement fréquente dans l’évolution durhumatisme psoriasique, son incidence est estimée à 48 % aucours de la maladie (16). Le caractère douloureux de la dactyliteconstitue un élément en faveur de l’agressivité de la maladie avecdes destructions osseuses souvent plus sévères (17). La dactylitene se réduit pas à une simple ténosynovite comme ont pu le sug-gérer certains auteurs (18). Il s’agit d’une atteinte inflammatoireglobale du doigt intéressant l’ensemble des structures ostéo-

Fig. 7 : Aspects échographiques du rhumatisme psoriasique.a Érosion pathologique de l’extrémité distale de P1 (tête de flèche), synovite avec épaississement et hyperhémie en mode doppler de la

membrane synoviale (double flèche), périostite juxta-articulaire (flèche).b Érosion pathologique de l’extrémité distale de P1 (tête de flèche), synovite (double flèche), ténosynovite (double flèche fine).c Hyperostose capsulaire de la base de P3 (flèche).d Périostite juxta-articulaire de la face palmaire de P2 (flèches).e Hypersignal doppler des parties molles de la pulpe au cours d’une pulpite clinique.f Fine calcification de l’insertion du fléchisseur de P3 (flèche) non visible en radiographie standard.

a bc de f

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articulaires, ligamentaires, tendineuses ainsi que les tissus sous-cutanés (14, 17, 19, 20). La dactylite associe donc à des degrés va-riables des lésions de type enthésite, synovite, ténosynovite, ostéite etune pseudo-ténosynovite (4). Ces signes IRM peuvent être pré-sents en l’absence d’atteinte radiographique mais également enl’absence d’atteinte clinique (des doigts non tuméfiés peuventêtre le siège de remaniements inflammatoires) (fig. 8) (21).• L’ostéite d’une ou plusieurs phalanges se manifeste par unœdème de l’os spongieux apparaissant sous la forme de plages enhyposignal T1, en hypersignal T2 aux limites floues et rehausséesaprès injection de gadolinium. Elle est présente dans 40 à 90 %des cas (12, 17, 22). Son extension est variable allant de l’os sous-chondral à l’ensemble d’une phalange (fig. 9). Ce caractère extensif

à distance de l’os sous-chondral serait un élément distinctif avecla polyarthrite rhumatoïde où l’œdème osseux reste focalisé àproximité des zones de réflexion de la synoviale (23).Contrairement à la polyarthrite rhumatoïde, il n’est pas prouvéque ces remaniements œdémateux intra-osseux soient prédictifsde l’intensité de la destruction osseuse (14). Cette ostéite est plusfréquente dans les formes douloureuses de dactylite (17).• La périostite est quasiment constante (88 (17) à 100 % (12) descas), elle se traduit par des hypersignaux et une prise de contrastejuxta-corticale.• La pseudoténosynovite correspond à une atteinte inflamma-toire des tissus cellulograisseux sous-cutanés du doigt. Elle se tra-duit par une infiltration circonférentielle des tissus mous d’un

Fig. 8 : Aspects radiographiques et IRM d’une dactylite psoriasique.a Dactylite du 2e doigt.b-d Radiographies centrées sur le 2e doigt ne mettant pas en évidence d’anomalie notable.e, f IRM coupe coronale T1 gado fat sat mettant en évidence une atteinte inflammatoire de l’ensemble du 2e rayon (MCP, IPP et IPD) à type

d’enthésite, d’ostéite, de périostite et d’inflammation de la graisse sous-cutanée.

a b c de f

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doigt apparaissant en hypersignal T2 et se rehaussant après injec-tion de produit de contraste. Elle peut être confondue avec uneténosynovite sur les coupes sagittales mais les coupes axialesmontrent bien l’extension de cette inflammation au-delà des con-tours du tendon

(fig. 10)

.• Les enthésites sont présentes dans 20 % (17) à 90 % (12) descas. Elles se traduisent par des remaniements inflammatoiresdes enthèses (prise de contraste et hypersignal T2 ou STIR)parfois difficiles à individualiser sur les petites articulations(24).• Les synovites sont présentes dans 70 % (17) à 100 % (12, 22) descas. Elles se traduisent par une prise de contraste de la synoviale

(fig. 11)

. D’après Cimmino, aucun élément sémiologique ne per-

met de différencier ces synovites de celles rencontrées au cours dela polyarthrite rhumatoïde (25).• Les ténosynovites sont présentes dans 40 % à 100 % des cas(8). Elles ne présentent pas de caractère spécifique par rapportà celles rencontrées dans la polyarthrite rhumatoïde.• Les érosions sont retrouvées dans 7 % (17) à 40 % (12) des cas. Ellesont le même aspect IRM dans la polyarthrite rhumatoïde mais leurdistribution et leur potentiel évolutif semblent différents (14).

3.1. Quelles séquences et quels plans de coupe utiliser ?

Les séquences en pondération T1 donnent les meilleurs rensei-gnements anatomiques et sont particulièrement sensibles dans ladétection des érosions osseuses.

Fig. 9 : Dactylite psoriasique du 2e doigt : aspects IRM de l’ostéite.a Radiographies standard ne mettant pas en évidence d’anomalie notable.b IRM, coupe sagittale T1 fat sat gado centrée sur le 4e doigt : Prise de contraste de l’os spongieux en rapport avec une ostéite de P2.c IRM, coupe sagittale T1 fat sat gado centrée sur le 2e doigt : ostéite de P3.d IRM, coupe coronale T1 fat sat gado : ostéite de P2 et P3 du 5e rayon.e IRM, coupe coronale T1 fat sat gado ostéite de P3 du 2e et 3e rayon et de P2 du 4e rayon.

a b cd e

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Les séquences pondérées T2 avec suppression du signal de lagraisse (T2 fat sat) ou en inversion récupération (STIR) permet-tent de détecter des épanchements et des anomalies de signal dela moelle osseuse.

Les séquences en pondération T1 après injection de gadoliniumet saturation du signal de la graisse sont très performantes pourrechercher des lésions inflammatoires (synovite, ténosynovite,ostéite, enthésite).

Fig. 10 : Dactylite psoriasique du 3e doigt : aspects IRM de la pseudo-ténosynovite.a Dactylite psoriasique du 3e doigt.b Radiographie de la main de face mettant en évidence des éléments orientant vers un rhumatisme psoriasique : atteinte des inter-

phalangiennes distales, ankylose de l’IPP du 4e rayon, absence de raréfaction osseuse.c, d Coupes coronales T1 fat sat gado mettant en évidence une atteinte inflammatoire en rayon du 3e doigt avec présence d’une ostéite

(prise de contraste du spongieux), d’une périostite et d’une atteinte des parties molles adjacentes (pseudo-ténosynovite).e Coupe axiale T1 fat sat gado centrée sur le 3e doigt mettant bien en évidence la prise de contraste des parties molles du doigt (pseudo-

ténosynovite) qui s’étend au-delà des contours du tendon.f Coupe sagittale T1 fat sat gado centrée sur le 3e doigt mettant en évidence la pseudo-ténosynovite et l’ostéite.

a-bc de f

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Un bilan complet comprend une imagerie dans les trois plansde l’espace. Le plan coronal est le plus informatif, il permetd’emblée d’apprécier la répartition typique des lésions (en rayon,asymétrique, atteinte des interphalangiennes distales). Il permetégalement une analyse fine des structures para-articulaires commeles structures capsulo-ligamentaires latérales et les tissus mous.

Imagerie des atteintes périphériques extra-digitales

Même si le rhumatisme psoriasique atteint préférentiellement lesextrémités, d’autres articulations périphériques peuvent être tou-chées au cours de son évolution. Le double tropisme du rhuma-tisme psoriasique explique l’atteinte de l’enthèse et/ou de la syno-viale de ces articulations.

1. Atteintes des enthèses

Les enthésites extra-digitales possèdent les mêmes caractéristiquessémiologiques radiologiques que celles des doigts. L’atteinte ducalcanéum est particulièrement fréquente, elle peut intéresser lepôle inférieur de l’os (insertion de l’aponévrose plantaire) où sa facepostérieure (insertion du tendon achilléen et région pré-achilléen-ne). Les autres atteintes moins fréquentes peuvent intéresser la pa-tella (insertion du tendon quadricipital), la tubérosité tibiale anté-rieure (insertion du ligament patellaire), l’olécrane (tendon dutriceps brachial) et le grand trochanter (insertion des muscles glu-téaux). L’aspect radiologique associe des érosions et surtout desproliférations osseuses floues (érosions hyperostosantes).En échographie, l’épaississement hypoéchogène de l’enthèse estle même que celui observé dans les enthésopathies mécaniques.La présence d’érosions hyperostosantes et d’une hyperhémie del’enthèse en mode doppler orientent vers une pathologie inflam-matoire.L’IRM retrouve des anomalies de signal et une prise de contrastedes constituants de l’enthèse

(fig. 12)

. L’épaississement de l’en-thèse peut être absent ou peu marqué.

2. Atteintes synoviales

Le double tropisme du rhumatisme psoriasique explique les sy-novites et les bursites extra-digitales. Ces atteintes peuvent êtreinaugurales et doivent faire suspecter le diagnostic en cas de pso-riasis cutané. Elles peuvent potentiellement toucher toutes lesarticulations : hanche, épaule, coude ou genou

(fig. 13 et 14)

. Desbursites psoriasiques ont également été rapportées : bourse sous-acromiodeltoïdienne, bourse du biceps brachial.

Imagerie du suivi thérapeutique

1. Apports de l’IRM dans le suivi thérapeutique

L’IRM constitue avec l’échographie la technique de choix du sui-vi des rhumatismes inflammatoires traités par biothérapies. Lesenjeux de l’évaluation thérapeutiques sont multiples : contrôlede l’efficacité du traitement, confirmation de la rémission clini-que et détection précoce d’une rechute après arrêt du traitement.La très grande majorité des publications qui évaluent l’efficacitéde ces biothérapies concernent la polyarthrite rhumatoïde, seulesquelques études récentes se sont intéressées au rhumatisme pso-riasique (6, 26, 27). Contrairement à la polyarthrite rhumatoïdequi utilise la méthode de scoring mise au point par l’OMERACT(RAMRIS) (28), le rhumatisme psoriasique ne bénéficie pas àl’heure actuelle de méthode de scoring propre permettant d’éva-luer de façon reproductible l’effet des anti-TNF

α

(24).• L’œdème osseux apparaît comme un excellent marqueur de l’ef-ficacité thérapeutique chez les patients traités par anti-TNF

α

(6,26). Une diminution significative de l’œdème intra-osseux a étémise en évidence chez des patients traités par infliximab et etaner-cept (6, 27). Anandarajah suggère aux vues de ces résultats que lacapacité des anti-TNF

α

à réduire l’œdème osseux pourrait expli-quer en moins en partie l’action anti-érosive de ces thérapeutiques(6). Paradoxalement, cet œdème osseux peut persister chez certainspatients en rémission clinique (6). Malgré l’utilisation du système

Fig. 11 : Dactylite psoriasique du pouce : IRM coupe axiale T1 fat sat gado. Mise en évidence d’une ténosynovite du long flé-chisseur du pouce et des fléchisseurs du 5e doigt (atteinte infraclinique). Atteinte inflammatoire des enthèses latéra-les de la MCP du pouce et aspect de pseudo-ténosynovite. Fig. 12 : Enthésopathie inflammatoire de l’aponévrose plantaire au

cours d’un rhumatisme psoriasique : IRM, coupe sagittale T1 fat sat gado mettant en évidence une prise de contraste de la partie proximale de l’aponévrose plantaire, des parties molles et de l’os spongieux adjacent (flèches blanches). Absence d’épaississement de l’aponévrose plantaire.

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de scoring RAMRIS, l’analyse de ces plages d’œdème reste toute-fois suggestive et sujette à de nombreuses variations interobserva-teurs. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé des méthodesd’évaluation tridimensionnelles en IRM permettant ainsi unequantification volumétrique de l’œdème (6).Le délai entre l’instauration du traitement et le premier contrôleIRM n’est pas consensuel et varie entre 14 et 24 semaines en fonc-tion des auteurs (6, 26, 27). Le rythme de surveillance ultérieurreste également à préciser.

• Les synovites peuvent être évaluées de façon quantitative ousemi-quantitative (27). La majorité des études mettent enévidence une réduction du volume synovial ou de la prise decontraste synoviale après l’instauration de biothérapies (27,29). Seule une étude récente portant sur un nombre restreintde patient, n’a pas montré d’efficacité de l’adalimumab sur lessynovites (26).• Le volume des épanchements intra-articulaires a égalementtendance à diminuer sous traitement par anti-TNFα.L’impact des biothérapies sur les modifications des contoursosseux reste à préciser.

2. Apports de l’échographie dans le suivi thérapeutique

L’activité échographique de la maladie est reflétée par le nombrede synovites en mode B mais également par le caractère inflam-matoire de la membrane synoviale lié à la néo-angiogénèse en-gendrée par le processus inflammatoire. Le doppler puissancepermet d’imager et de quantifier de façon semi-quantitative cettenéoangiogénèse et son évolution sous traitement.Depuis quelques années, de nombreux auteurs ont étudié l’in-térêt de l’utilisation d’agents de contraste intraveineux dans lesuivi des rhumatismes inflammatoires afin d’augmenter lasensibilité de l’examen doppler et de quantifier le signal in-flammatoire. Aucune étude n’a étudié l’apport de cette tech-nique dans le suivi thérapeutique du rhumatisme psoriasique.L’utilisation de l’échographie de contraste dans les autresrhumatismes inflammatoires apparaît prometteuse mais pré-sente comme principal inconvénient de transformer une tech-nique non invasive en une technique invasive. L’autre pointfaible notable est l’impossibilité d’étudier plusieurs articula-tions dans le même temps (la demi-vie des agents de contrastede seconde génération n’excède pas quelques minutes).

Fig. 13 : Rhumatisme psoriasique : atteinte inflammatoire de l’articulation gléno-humérale et de la bourse sous-acromiodeltoïdienne.a Radiographie de l’épaule de face : Volumineuses géodes au sein de la tête humérale.b IRM, coupes coronales T1 fat sat gado. Mise en évidence d’une synovite active de l’articulation gléno-humérale et de la bourse sous-

acromiodeltoïdienne. Érosion de la tête humérale secondaire à la synovite.

a b

Fig. 14 : Rhumatisme psoriasique : atteinte inflammatoire de l’arti-culation coxo-fémorale droite. IRM, coupes coronales T1 fat sat gado. Synovite active avec prise de contraste intense de la membrane synoviale. Œdème osseux intéres-sant la tête et le col fémoral. Chondropathie avec pince-ment de l’interligne articulaire.

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Compte tenu d’un éventuel rehaussement de la synoviale chezles sujets sains (30), un point fondamental mérite d’être préci-sé : quel est le seuil de rehaussement à partir duquel la prise decontraste de la synoviale doit être considérée comme patho-logique ?

PerspectivesLa première voie de recherche concerne l’étude de la vascula-risation de l’enthèse et de la synoviale afin de détecter de façonprécoce et surtout de quantifier de façon fiable la néo-angio-génèse secondaire au processus inflammatoire. Le but de cetteimagerie est de pouvoir évaluer de façon fiable et reproducti-ble la réponse thérapeutique chez les patients traités par anti-TNFα. En IRM et en échographie de contraste, le développe-ment de logiciels permettant une quantification fine de la vas-cularisation synoviale constitue une étape indispensable (31).En échographie de contraste, le développement de bulles dediamètre plus petit et de sondes 3D limitant les variations liéesaux mouvements permettront d’améliorer les performancesde cette technique (32).La seconde voie de recherche concerne l’utilisation et le dévelop-pement de nouvelles séquences IRM. Les séquences de type UTE(Ultrashort Time Echo) permettent d’obtenir une imagerie ul-trastructurale des tissus à T2 court (tendons, fibrocartilages et oscortical) (20, 33). Ce type de séquence permet de différencier leséléments constitutifs de l’enthèse (34). Leur utilisation dans lerhumatisme psoriasique pourrait permettre de mettre en éviden-ce plus précocement que l’imagerie conventionnelle des atteintesinflammatoires du territoire enthésique (20).Le troisième axe de recherche consiste à évaluer les performancesdiagnostiques d’IRM dédiée à bas champs (33). Dans la polyarth-rite rhumatoïde, ce type de machine permet d’obtenir des résultatscomparables à ceux de l’IRM conventionnelle dans la détection desérosions osseuses et des synovites. En revanche, elles sont moinssensibles que l’IRM conventionnelle pour mettre en évidencel’œdème intra-osseux. Dans le cadre du rhumatisme psoriasique,leur utilisation en pratique courante pourrait être intéressantepour l’étude des mains et pieds (confort pour le patient et coûtmodéré).

ConclusionLa prise en charge et le pronostic des spondylarthropathiesont été bouleversés par les biothérapies. En 2009, le bilanradiographique standard reste indispensable mais ne répondpas à l’ensemble des questions posées par le rhumatologue.L’IRM et l’échographie apportent un complément d’informa-tion indispensable en permettant un diagnostic précoce de lamaladie et une évaluation de l’efficacité des biothérapies. Cesdeux techniques sont toutefois perfectibles et on peut espérerque dans un avenir proche le développement de logiciels per-formants, l’utilisation de nouvelles séquences IRM et l’éva-luation de l’échographie de contraste permettront de renfor-cer leur rôle central dans la prise en charge du rhumatismepsoriasique.

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Points à retenir

• Le rhumatisme psoriasique possède un double tropisme enthésique et synovial mais comme dans les autres spondylarthropathies l’enthèse est la zone cible privilégiée.• Le rhumatisme psoriasique a une affinité particulière pour la distalité des doigts et des orteils en particulier pour les articulations interphalangiennes distales.• Les principaux signes radiologiques sont : les érosions hyperostosantes, les appositions périostées, l’ankylose osseuse et l’atteinte des houppes phalangiennes.• L’atteinte digitale en rayon et le caractère asymétrique ou unilatéral des lésions sont des éléments en faveur du diagnostic.• L’apport diagnostic de l’IRM et de l’échographie est essentiel dans les formes débutantes à radiographies normales.• L’échographie doit rechercher des signes d’atteinte synoviale (synovites, ténosynovites et érosions osseuses) et des signes d’atteinte extrasynoviale (périostite juxta-articulaire, enthésopathie du tendon fléchisseur profond, pseudo-ténosynovite et pulpite).• L’IRM est la seule technique qui permet de visualiser l’ostéite sous-chondrale.• Pour les atteintes digitales, le bilan IRM doit être réalisé dans les trois plans de l’espace et l’injection de gadolinium doit être systématique. Le plan coronal est le plus informatif.• L’IRM et l’échographie constituent les deux techniques d’imagerie de choix pour la surveillance des patients sous anti-TNFα.

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cas clinique

Cas clinique

Histoire de la maladieM. C., âgé de 40 ans, présente une tuméfaction non douloureusedu 4e doigt droit évoluant depuis 4 ans (fig. 1). Un bilan radio-graphique standard et IRM est réalisé (fig. 2).

Questions1) Quelles sont les principales orientations diagnostiques devantune tuméfaction d’un doigt (fig. 1) ?2) Quelles sont les anomalies présentes sur les clichés standard etl’IRM (fig. 2) ?3) Quel est votre diagnostic final ?

Fig. 2 : Aspect radiographiques et IRM du 4e doigt.a Radiographie standard centrée sur le 4e doigt.b IRM, coupe sagittale T2 fat sat centrée sur le

4e doigt.c IRM, coupe sagittale T1 centrée sur le 4e doigt.

a b c

Fig. 1 : Dactylite du 4e doigt.

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Réponses1) La dactylite n’est pas l’apanage du rhumatisme psoriasique etdes autres spondylarthropathies séronégatives. Les autres étio-logies sont la dactylite sarcoïdosique, la dactylite tuberculeuse(spina ventosa), la goutte, la drépanocytose et les infections desgaines tendineuses.2) Sur les radiographies standard, on retrouve un aspect réticuléde l’os trabéculaire (en maille), des petites lésions pseudo-kystiques

centrées ou excentrées ainsi qu’une tuméfaction des partiesmolles. L’IRM met en évidence sur les coupes sagittales T1 et T2fat sat une infiltration tissulaire des gaines tendineuses et de lamoelle osseuse.3) L’aspect radiographique et IRM est évocateur de dactylitesarcoïdosique. Les radiographies mettent en évidence une ostéitede Perthes-Jungling typique. L’infiltration tissulaire visualiséesur l’IRM correspond à des granulomes épithélioïdes non caséeux(confirmé par la biopsie).