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5 actualités Actualités pharmaceutiques n° 484 Avril 2009 trouve pas assez scientifique. Je souhaite que la formation continue devienne obli- gatoire le plus rapidement possible, mais qu’elle ne tombe pas complètement dans les mains de sociétés privées. Pourquoi les sages de l’Académie ne seraient-ils pas consultés ? AP : Les députés qui examinent actuel- lement le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires étudient la création de la fonction de pharmaciens de coordina- tion. Une bonne idée selon vous ? MA : C’est un sujet en pleine maturation, mais je pense que dans l’état actuel des choses, il s’agit d’une bonne idée car elle permet au pharmacien de réellement tenir son rôle d’intermédiaire entre le médecin et le patient, notamment en ce qui concerne les pathologies chroniques. Le terme de pharmacien traitant aurait amené un affron- tement avec les médecins, même si nous savons que le problème des déserts médi- caux n’est pas facile à régler. Et puis, un malade ne choisit pas de tomber malade un week-end ou en période de vacances. Or, même à Paris, il est parfois difficile de trouver un médecin, alors qu’une pharmacie de garde est toujours clairement identifiée et parfaitement accessible. Cette nouvelle fonction de pharmacien de coordination ne peut que valoriser la profession. AP : Quelles actions spécifiques souhai- teriez-vous mettre en place au sein de l’Académie ? MA : J’avais proposé, lors de mon discours inaugural, la création de deux nouvelles commissions : une commission de veille qui aurait pour but de suivre par courrier électronique les dernières avancées, les trier, les diffuser, les travailler, les expli- quer... avant que certains grands médias ne relaient des contre-vérités ou des approxi- mations, et une commission d’éthique, qui aurait pour rôle de s’intéresser en particu- lier aux lois de bioéthique et à l’évolution de l’exercice officinal. Par ailleurs, comme je considère que l’union fait la force, j’es- saie de créer des liens plus étroits avec les Académies de médecine et des sciences. Je suis d’ailleurs l’une des quatre fem- mes membres de l’Académie nationale de médecine. AP : Pour vous, quels sont les grands enjeux de la pharmacie de demain ? MA : À l’avenir, le pharmacien doit trouver sa place dans la santé publique moderne, une place de choix au-delà de l’image du pharmacien-tiroir caisse... De plus, la pharmacie et la biologie françaises doivent défendre leur particularité au niveau euro- péen. Enfin, je n’oublie pas mon passé de chercheuse et espère que la recherche ne restera pas le parent pauvre de la phar- macie. Propos recueillis par Sébastien Faure Maître de conférences des Universités, Faculté de pharmacie, Angers (49) [email protected] L a gestion de la démo- graphie des profession- nels de santé ne semble décidemment pas le fort de nos pouvoirs publics. Après avoir fixé pendant des années le numerus clausus des futurs médecins à un niveau très bas, tendance dont les conséquen- ces commencent à se faire sentir aujourd’hui, ils rivalisent d’hésitation quant à la tactique à adopter pour les pharmaciens et semblent de nouveau tentés par l’immobilisme. En effet, alors que le ministre de la Santé avait fait part de sa volonté de porter le numerus clausus des pharmaciens aujourd’hui à 3 090 à 3 300 d’ici 2012, il n’y aura, en 2009, aucune augmen- tation par rapport à l’année dernière. Cette décision est d’autant plus difficile à com- prendre, qu’outre le soutien du ministre, cette mesure béné- ficiait de la mise à disposition des moyens nécessaires. Pour le président du Conseil national de l’Ordre des pharma- ciens (CNOP), Jean Parrot, cette stagnation ne peut manquer d’être inquiétante. De nom- breux indicateurs incitent en effet, dès aujourd’hui, à une élévation du numerus clausus. La démographie actuelle des pharmaciens est le premier d’entre eux : pour la première fois, entre 2007 et 2008, le nom- bre de pharmaciens titulaires d’officine a connu une très légère diminution (0,009 %). Par ailleurs, le vieillissement de la profession a été dûment constaté par une enquête publiée l’an- née dernière par l’Ordre : « L’âge moyen, qui était de 41 ans et 8 mois au 1 er janvier 1994, est passé à 45 ans et 7 mois » relevait cette étude. Par ailleurs, Jean Parrot souligne que « pour diverses raisons, beaucoup de diplômés n’exerceront pas la pharmacie » et qu’en outre, les besoins risquent de s’amplifier dans l’avenir à la faveur de la diversification des tâches dévo- lues à l’officine de « l’éducation pour la santé » aux « aides à la personne pour favoriser le maintien à domicile » en pas- sant par l’accompagnement des patients atteints de maladie chronique. Jean Parrot, qui considère au regard de cette situation, le numerus clausus comme tout à fait « insuffisant », assure que les conséquences du fai- ble renouvellement des phar- maciens d’officine s’obser- vent déjà. « Faute de candidat à embaucher, des confrères titulaires d’officine ne peuvent respecter l’obligation d’effec- tif liée à leur chiffre d’affaires » note-t-il en effet. Aurélie Haroche © jim.fr © Fotolia.com/Petr Ciz Profession Numerus clausus des pharmaciens : toujours les mêmes erreurs

Numerus clausus des pharmaciens : toujours les mêmes erreurs

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5 actualités

Actualités pharmaceutiques n° 484 Avril 2009

trouve pas assez scientifique. Je souhaite que la formation continue devienne obli-gatoire le plus rapidement possible, mais qu’elle ne tombe pas complètement dans les mains de sociétés privées. Pourquoi les sages de l’Académie ne seraient-ils pas consultés ?

AP : Les députés qui examinent actuel-lement le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires étudient la création de la fonction de pharmaciens de coordina-tion. Une bonne idée selon vous ?MA : C’est un sujet en pleine maturation, mais je pense que dans l’état actuel des choses, il s’agit d’une bonne idée car elle permet au pharmacien de réellement tenir son rôle d’intermédiaire entre le médecin et le patient, notamment en ce qui concerne les patho logies chroniques. Le terme de pharmacien traitant aurait amené un affron-tement avec les médecins, même si nous savons que le problème des déserts médi-caux n’est pas facile à régler. Et puis, un malade ne choisit pas de tomber malade

un week-end ou en période de vacances. Or, même à Paris, il est parfois difficile de trouver un médecin, alors qu’une pharmacie de garde est toujours clairement identifiée et parfaitement accessible. Cette nouvelle fonction de pharmacien de coordination ne peut que valoriser la profession.

AP : Quelles actions spécifiques souhai-teriez-vous mettre en place au sein de l’Académie ?MA : J’avais proposé, lors de mon discours inaugural, la création de deux nouvelles commissions : une commission de veille qui aurait pour but de suivre par courrier électronique les dernières avancées, les trier, les diffuser, les travailler, les expli-quer... avant que certains grands médias ne relaient des contre-vérités ou des approxi-mations, et une commission d’éthique, qui aurait pour rôle de s’intéresser en particu-lier aux lois de bioéthique et à l’évolution de l’exercice officinal. Par ailleurs, comme je considère que l’union fait la force, j’es-saie de créer des liens plus étroits avec les

Académies de médecine et des sciences. Je suis d’ailleurs l’une des quatre fem-mes membres de l’Académie nationale de médecine.

AP : Pour vous, quels sont les grands enjeux de la pharmacie de demain ?MA : À l’avenir, le pharmacien doit trouver sa place dans la santé publique moderne, une place de choix au-delà de l’image du pharmacien-tiroir caisse... De plus, la pharmacie et la biologie françaises doivent défendre leur particularité au niveau euro-péen. Enfin, je n’oublie pas mon passé de chercheuse et espère que la recherche ne restera pas le parent pauvre de la phar-macie. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités, Faculté de

pharmacie, Angers (49)

[email protected]

L a gestion de la démo-graphie des profession-nels de santé ne semble

décidemment pas le fort de nos pouvoirs publics. Après avoir fixé pendant des années le numerus clausus des futurs médecins à un niveau très bas, tendance dont les conséquen-ces commencent à se faire sentir aujourd’hui, ils rivalisent d’hésitation quant à la tactique à adopter pour les pharmaciens et semblent de nouveau tentés par l’immobilisme. En effet, alors que le ministre de la Santé avait fait part de sa volonté de porter le numerus clausus des pharmaciens aujourd’hui à 3 090 à 3 300 d’ici 2012, il n’y aura, en 2009, aucune augmen-tation par rapport à l’année

dernière. Cette décision est d’autant plus difficile à com-prendre, qu’outre le soutien du ministre, cette mesure béné-ficiait de la mise à disposition des moyens nécessaires.Pour le président du Conseil national de l’Ordre des pharma-ciens (CNOP), Jean Parrot, cette stagnation ne peut manquer d’être inquiétante. De nom-breux indicateurs incitent en effet, dès aujourd’hui, à une élévation du numerus clausus. La démographie actuelle des pharmaciens est le premier d’entre eux : pour la première fois, entre 2007 et 2008, le nom-bre de pharmaciens titulaires d’officine a connu une très légère diminution (0,009 %). Par ailleurs, le vieillissement

de la profession a été dûment constaté par une enquête publiée l’an-née dernière par l’Ordre : « L’âge moyen, qui était de 41 ans et 8 mois au 1er janvier 1994, est passé à 45 ans et 7 mois » relevait cette étude. Par ailleurs, Jean Parrot souligne que « pour diverses raisons, beaucoup de diplômés n’exerceront pas la pharmacie » et qu’en outre, les besoins risquent de s’amplifier dans l’avenir à la faveur de la diversification des tâches dévo-lues à l’officine de « l’éducation pour la santé » aux « aides à la personne pour favoriser le maintien à domicile » en pas-sant par l’accompagnement des patients atteints de maladie chronique.

Jean Parrot, qui considère au regard de cette situation, le numerus clausus comme tout à fait « insuffisant », assure que les conséquences du fai-ble renouvellement des phar-maciens d’officine s’obser-vent déjà. « Faute de candidat à embaucher, des confrères titulaires d’officine ne peuvent respecter l’obligation d’effec-tif liée à leur chiffre d’affaires » note-t-il en effet. �

Aurélie Haroche

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