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Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) S23–S55 / Cahiers de nutrition et de diététique 48 (2013) S23–S55 S43 caractéristiques qui lui sont associées permettrait d’enrichir et de mieux cibler les politiques de santé publique. O39 Prise récente de complément en vitamine D, traitement hormonal de la ménopause et risque de cancer du sein chezþdesþfemmes de la cohorte E3N C. Cadeau 1,* , S. Revois 1 , A. Vilier 1 , M.-C. Boutron-Ruault 1 1 CESP – Équipe 9 : Nutrition, Hormones et Santé des Femmes, UMR-S 1018 : INSERM, Villejuif, France Introduction et but de l’étude. – Les données expérimentales suggèrent des propriétés protectrices de la vitamine D vis-à-vis du can- cer du sein mais les résultats des études épidémiologiques ne permettent pas de conclure sur cette relation [1-3]. Notre objectif était d’étudier les relations entre la prise de complément en vitamine D et le risque de can- cer du sein, notamment dans des sous-groupes à risque. Matériel et méthodes. – Nous avons étudié prospectivement les données de la cohorte française E3N entre 1995 et 2008 sur un échantillon de 57 250 femmes ménopausées âgées de 44 à 72 ans à l’inclusion. Les cas de cancer ont été identifiés grâce aux auto-ques- tionnaires envoyés tous les 2-3 ans environ, ou aux certificats de décès, et validés pour environ 95 % d’entre eux par le compte rendu histologique, permettant d’obtenir également des données sur les récepteurs hormonaux de la tumeur (RE+, RP+). La prise de complément en vitamine D a été identifiée par les décla- rations sur les auto-questionnaires ainsi que, à partir de 2004 par les données de remboursement de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN). Les risques relatifs et leurs intervalles de confiance ont été estimés par des modèles de Cox avec l’âge en échelle de temps. La prise de complément en vitamine D a été modélisée en variable dépendant du temps et découpée en trois classes : prise récente, prise passée ou non prise, et donnée manquante. Les femmes ayant déclaré une prise à un questionnaire n ont été classées comme « prise récente » entre les dates des questionnaires n et nþ+þ1. Les modèles ont été stratifiés sur les autres facteurs de risque de cancer du sein : prise de traitement hormonal de la ménopause au cours de la vie (au moins une fois/jamais), IMC (< 18,5, [18,5 – 25], 25 kg/m 2 ), prise d’alcool (< ou ³ 6,8 g/jour, la médiane de consommation). Résultats. – Au cours de 588 208 personnes-années, 2 969 cas incidents de cancer du sein ont été identifiés. Après ajustement sur les principaux facteurs de confusion, la prise récente de complément en vitamine D était associée à une diminution du risque de cancer du sein de 14 % par rapport à la non-prise ou prise passée de complé- ment en vitamine D au cours du suivi (RR = 0,86, IC 95 % = [0,72 – 0,99]). La diminution de risque était plus marquée pour les tumeurs RE+ (RR = 0,75, IC 95 % = [0,59 – 0,95]), les femmes ayant pris un traitement hormonal de la ménopause au moins une fois au cours de leur vie (RR = 0,77, IC 95 % = [0,64 – 0,93]) et les femmes ayant une consommation d’alcool supérieure à la médiane (RR = 0,75, IC 95 % = [0,59 – 0,95]). Conclusion. – Nos résultats suggèrent que la prise de complé- ment en vitamine D est associée à court terme à une diminution du risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées. Cette dimi- nution est plus marquée pour les tumeurs de type RE+ et dans cer- tains sous-groupes à risque. Références : 1. Shao T. et al. Vitamin D and Breast Cancer. The Oncologist. 2012;17:36-45. 2. Stoll F. et al. Vitamin D and breast cancer : Is there a link? Gynécologie Obs- tétrique & Fertilité. 2013;41:242–250. 3. World Cancer Research Fund and American Institute for Cancer Research. Food, Nutrition, Physical Activity and the Prevention of Cancer : a Global Perspective. 2007;295. O40 Consommation de fer héminique et filiation adénome-cancer colorectal, au sein de la cohorte E3N ; étude d’interactions avec les nutriments identifiés comme protecteurs dansþdes modèles expérimentaux N. Bastide 1,* , S. Revois 1 , A. Nasr 1 , F. Clavel-Chapelon 1 , M.-C. Bou- tron-Ruault 1 1 CESP – Équipe 9 : Nutrition, Hormones et Santé des Femmes, UMR- S 1018 : INSERM, Université Paris-Sud, Villejuif, France Introduction et but de l’étude. – En termes d’incidence et de mor- talité le cancer colorectal arrive en seconde place chez les femmes fran- çaises après le cancer du sein [1]. Le risque cancer colorectal associé à la consommation de viandes rouges et les charcuteries est classé comme étant « convainquant » par le WCRF (World Cancer Research Fund) [2]. Des études épidémiologiques et expérimentales montrent que le fer héminique pourrait être responsable de l’effet carcinogène de la viande rouge et des charcuteries sur l’intestin [3]. Il a été montré in vivo que des polyphénols pourraient neutraliser cet effet carcinogène grâce à leurs propriétés antioxydantes et/ou antinitrosantes [4]. L’objec- tif de cette étude épidémiologique est de vérifier ces hypothèses expé- rimentales en étudiant, dans la cohorte E3N, les associations entre consommation de fer héminique et risque d’adénomes et de cancers colorectaux, ainsi que les interactions avec les antioxydants potentielle- ment protecteurs. Matériel et méthodes. – La cohorte E3N, initiée en 1990, inclut 98 995 femmes nées entre 1925 et 1950, assurées par la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) [5]. Les populations d’étude sont constituées de 17 397 femmes ayant fait une colonos- copie et 1 409 cas pour les adénomes, et de 67 635 femmes et 510 cas pour les cancers. La teneur en fer héminique des aliments a été évaluée à partir de la littérature, et ajoutée à la base de données nutritionnelle, établie à partir du questionnaire alimentaire quantita- tif et de fréquence rempli entre 1993 et 1995 par 73 034 femmes. Le modèle de Cox a été utilisé, avec l’âge en échelle de temps, ajusté pour les facteurs de confusion potentiels. Résultats. – Le risque d’adénome était associé à la consom- mation de fer héminique total, (Hazard ratio pour le dernier versusþle premier quartile HR = 1,35 IC 95 % : 1,13-1,61 ; pþtendance = 0,002). Aucune association n’a été observée entre la consommation de fer héminique et le risque de cancer colorectal. En prenant comme référence les femmes dans le plus haut tertile de fer héminique et le plus bas tertile d’antioxydants (mesuré par la capa- cité antioxydante totale, FRAP), le risque d’adénome était similaire chez celles prenant peu de fer héminique, HR = 0,68 (0,53-0,86), et chez celles prenant beaucoup de fer héminique, mais beaucoup d’antioxydants, HR = 0,70 (0,55-0,89). Conclusion. – Ce travail a mis en évidence : (i) une association positive entre risque d’adénomes colorectaux et consommation d’hème ; (ii) une diminution de ce risque lorsque la consommation d’antioxydants augmente ; (iii) une absence d’association entre consommation d’hème et risque de cancer colorectal, suggérant l’influence du fer héminique à des étapes précoces de la cancéroge-

O39 Prise récente de complément en vitamine D, traitement hormonal de la ménopause et risque de cancer du sein chez des femmes de la cohorte E3N

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Page 1: O39 Prise récente de complément en vitamine D, traitement hormonal de la ménopause et risque de cancer du sein chez des femmes de la cohorte E3N

Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) S23–S55 / Cahiers de nutrition et de diététique 48 (2013) S23–S55 S43

caractéristiques qui lui sont associées permettrait d’enrichir et de

mieux cibler les politiques de santé publique.

O39Prise récente de complément en vitamine D, traitement hormonal de la ménopause et risque de cancer du sein chezþdesþfemmes de la cohorte E3NC. Cadeau1,*, S. Revois1, A. Vilier1, M.-C. Boutron-Ruault1

1CESP – Équipe 9 : Nutrition, Hormones et Santé des Femmes,UMR-S 1018 : INSERM, Villejuif, France

Introduction et but de l’étude. – Les données expérimentales

suggèrent des propriétés protectrices de la vitamine D vis-à-vis du can-

cer du sein mais les résultats des études épidémiologiques ne permettent

pas de conclure sur cette relation [1-3]. Notre objectif était d’étudier les

relations entre la prise de complément en vitamine D et le risque de can-

cer du sein, notamment dans des sous-groupes à risque.

Matériel et méthodes. – Nous avons étudié prospectivement les

données de la cohorte française E3N entre 1995 et 2008 sur un

échantillon de 57 250 femmes ménopausées âgées de 44 à 72 ans à

l’inclusion. Les cas de cancer ont été identifiés grâce aux auto-ques-

tionnaires envoyés tous les 2-3 ans environ, ou aux certificats de

décès, et validés pour environ 95 % d’entre eux par le compte rendu

histologique, permettant d’obtenir également des données sur les

récepteurs hormonaux de la tumeur (RE+, RP+).

La prise de complément en vitamine D a été identifiée par les décla-

rations sur les auto-questionnaires ainsi que, à partir de 2004 par les

données de remboursement de la Mutuelle Générale de l’Education

Nationale (MGEN). Les risques relatifs et leurs intervalles de

confiance ont été estimés par des modèles de Cox avec l’âge en échelle

de temps. La prise de complément en vitamine D a été modélisée en

variable dépendant du temps et découpée en trois classes : prise

récente, prise passée ou non prise, et donnée manquante. Les femmes

ayant déclaré une prise à un questionnaire n ont été classées comme

« prise récente » entre les dates des questionnaires n et nþ+þ1. Les

modèles ont été stratifiés sur les autres facteurs de risque de cancer du

sein : prise de traitement hormonal de la ménopause au cours de la vie

(au moins une fois/jamais), IMC (< 18,5, [18,5 – 25], ≥ 25 kg/m2),

prise d’alcool (< ou ³ 6,8 g/jour, la médiane de consommation).

Résultats. – Au cours de 588 208 personnes-années, 2 969 cas

incidents de cancer du sein ont été identifiés. Après ajustement sur

les principaux facteurs de confusion, la prise récente de complément

en vitamine D était associée à une diminution du risque de cancer du

sein de 14 % par rapport à la non-prise ou prise passée de complé-

ment en vitamine D au cours du suivi (RR = 0,86, IC95 % = [0,72 –

0,99]). La diminution de risque était plus marquée pour les tumeurs

RE+ (RR = 0,75, IC95 % = [0,59 – 0,95]), les femmes ayant pris un

traitement hormonal de la ménopause au moins une fois au cours de

leur vie (RR = 0,77, IC95 % = [0,64 – 0,93]) et les femmes ayant une

consommation d’alcool supérieure à la médiane (RR = 0,75,

IC95 % = [0,59 – 0,95]).

Conclusion. – Nos résultats suggèrent que la prise de complé-

ment en vitamine D est associée à court terme à une diminution du

risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées. Cette dimi-

nution est plus marquée pour les tumeurs de type RE+ et dans cer-

tains sous-groupes à risque.

Références :1. Shao T. et al. Vitamin D and Breast Cancer. The Oncologist. 2012;17:36-45.

2. Stoll F. et al. Vitamin D and breast cancer : Is there a link? Gynécologie Obs-tétrique & Fertilité. 2013;41:242–250.

3. World Cancer Research Fund and American Institute for Cancer Research.Food, Nutrition, Physical Activity and the Prevention of Cancer : a GlobalPerspective. 2007;295.

O40Consommation de fer héminique et filiation adénome-cancercolorectal, au sein de la cohorte E3N ; étude d’interactionsavec les nutriments identifiés comme protecteurs dansþdes modèles expérimentauxN. Bastide1,*, S. Revois1, A. Nasr1, F. Clavel-Chapelon1, M.-C. Bou-

tron-Ruault1

1CESP – Équipe 9 : Nutrition, Hormones et Santé des Femmes, UMR-S 1018 : INSERM, Université Paris-Sud, Villejuif, France

Introduction et but de l’étude. – En termes d’incidence et de mor-

talité le cancer colorectal arrive en seconde place chez les femmes fran-

çaises après le cancer du sein [1]. Le risque cancer colorectal associé à

la consommation de viandes rouges et les charcuteries est classé

comme étant « convainquant » par le WCRF (World Cancer Research

Fund) [2]. Des études épidémiologiques et expérimentales montrent

que le fer héminique pourrait être responsable de l’effet carcinogène de

la viande rouge et des charcuteries sur l’intestin [3]. Il a été montré invivo que des polyphénols pourraient neutraliser cet effet carcinogène

grâce à leurs propriétés antioxydantes et/ou antinitrosantes [4]. L’objec-

tif de cette étude épidémiologique est de vérifier ces hypothèses expé-

rimentales en étudiant, dans la cohorte E3N, les associations entre

consommation de fer héminique et risque d’adénomes et de cancers

colorectaux, ainsi que les interactions avec les antioxydants potentielle-

ment protecteurs.

Matériel et méthodes. – La cohorte E3N, initiée en 1990, inclut

98 995 femmes nées entre 1925 et 1950, assurées par la MGEN

(Mutuelle Générale de l’Education Nationale) [5]. Les populations

d’étude sont constituées de 17 397 femmes ayant fait une colonos-

copie et 1 409 cas pour les adénomes, et de 67 635 femmes et 510

cas pour les cancers. La teneur en fer héminique des aliments a été

évaluée à partir de la littérature, et ajoutée à la base de données

nutritionnelle, établie à partir du questionnaire alimentaire quantita-

tif et de fréquence rempli entre 1993 et 1995 par 73 034 femmes. Le

modèle de Cox a été utilisé, avec l’âge en échelle de temps, ajusté

pour les facteurs de confusion potentiels.

Résultats. – Le risque d’adénome était associé à la consom-

mation de fer héminique total, (Hazard ratio pour le dernier

versusþle premier quartile HR = 1,35 IC 95 % : 1,13-1,61 ;

pþtendance = 0,002). Aucune association n’a été observée entre la

consommation de fer héminique et le risque de cancer colorectal. En

prenant comme référence les femmes dans le plus haut tertile de fer

héminique et le plus bas tertile d’antioxydants (mesuré par la capa-

cité antioxydante totale, FRAP), le risque d’adénome était similaire

chez celles prenant peu de fer héminique, HR = 0,68 (0,53-0,86), et

chez celles prenant beaucoup de fer héminique, mais beaucoup

d’antioxydants, HR = 0,70 (0,55-0,89).

Conclusion. – Ce travail a mis en évidence : (i) une association

positive entre risque d’adénomes colorectaux et consommation

d’hème ; (ii) une diminution de ce risque lorsque la consommation

d’antioxydants augmente ; (iii) une absence d’association entre

consommation d’hème et risque de cancer colorectal, suggérant

l’influence du fer héminique à des étapes précoces de la cancéroge-