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actualités | 6 OptionBio | Lundi 26 mars 2012 | n° 469 U ne suspicion de sepsis néona- tal justifie une antibiothérapie empirique large sans attendre les résultats des hémocultures, qui demandent deux à cinq jours. La bio- logie moléculaire propose des tests bactériologiques plus rapides que les hémocultures, qui pourraient réduire le nombre et la durée des antibiothé- rapies “inutiles” dans les unités de néonatologie. Suspicion de sepsis et rt-PCR Des auteurs suédois rapportent leur expérience de la PCR en temps réel dans des suspicions de sepsis chez 317 enfants de moins de 3 mois, en majorité des nouveau-nés, qui avaient fait l’objet de 368 hémocul- tures et PCR simultanées, dont 334 entre J0 et J28. Techniquement, les PCR étaient réa- lisées sur sang total. Le couplage de l’amplification et de la détection permettait d’obtenir les résultats en 6 heures. Les amplicons étaient détectés avec une sonde générale, qui se liait au gène de l’ARN riboso- mal 16S, et six sondes spécifiques, qui se liaient à des gènes des germes fréquents dans les infections néona- tales : staphylocoques coagulase négatifs (2 sondes), staphylocoques dorés (1 sonde), streptocoques B (1 sonde), colibacilles (1 sonde) et bacilles à Gram négatif (1 sonde). Cinquante-six hémocultures ont été positives pour un (49) ou plusieurs germes (7), y compris les contami- nants, avec une nette prédominance des staphylocoques coagulase néga- tifs (41/56 hémocultures). Soixante- quinze PCR ont été positives pour une sonde ou plus. Par rapport aux hémocultures, les PCR en temps réel avaient une sensibilité de 79 %, une spécificité de 90 %, une valeur prédictive positive de 59 %, une valeur prédictive négative de 96 %, un likelihood ratio positif de 7,9 et un likelihood ratio négatif de 0,24. Faux positifs et faux négatifs La PCR de 31 enfants était “fausse- ment positive” (avec une hémoculture négative dans le même temps) ; cinq enfants avaient eu une hémoculture positive 1 à 5 jours auparavant, et 3 d’entre eux recevaient une antibiothé- rapie au moment du prélèvement. La PCR de 12 enfants était “faussement négative” (avec une hémoculture positive dans le même temps), mais les germes des hémocultures étaient une fois sur deux des contaminants. Une analyse des résultats des PCR sonde par sonde montre que : – seulement 19 PCR 16S étaient positives, et que 10 d’entre elles correspondaient à des hémocultures positives ; – les corrélations entre les PCR spé- cifiques positives et les hémocultures positives n’étaient satisfaisantes que pour les staphylocoques coagulase négatifs et les staphylocoques dorés. Les hémocultures toujours déterminantes Au total, les PCR en temps réel don- nent des résultats rapides ; la combi- naison d’une PCR générale et de PCR spécifiques améliore leur précision. Cependant, leur valeur prédictive négative n’autorise pas à s’abstenir d’une antibiothérapie ou à arrêter celle-ci avant les résultats des hémo- cultures ! En l’état actuel des choses les PCR représentent une technique d’appoint dans le diagnostic bacté- riologique des sepsis néonatals. | JEAN-MARC RETBI © www.jim.fr D écouverte en 1930, la pro- téine C réactive (CRP), pro- téine de la phase aiguë de l’inflammation, reste d’actualité : son dosage plasmatique, marqueur sanguin très informatif, reflète les capacités de l’hôte à répondre à une agression, notamment dans le cadre d’un processus infectieux. La signification de valeurs “extrêmes”, cependant et si l’on en croit C. Le Gall et al., de l’hôpital d’instruc- tion des Armées de Brest (29), est peu étudiée. Une raison incontes- table pour y consacrer une étude spécifique. Une étude rétrospective sur des CRP supérieures à 500 mg/L Étude rétrospective, donc, de patients ayant présenté une CRP supérieure à 500 mg/L. Réali- sée entre le 1 er janvier 2002 et le 31 décembre 2008, l’étude a per- mis de colliger 91 prélèvements réalisés chez 68 patients (38 femmes et 30 hommes), d’un âge moyen de 65 ± 15 ans (extrêmes : 32 à 95 ans). La CRP moyenne de l’ensemble de ces prélèvements était de 574 ± 71 mg/L (extrêmes de 501 à 915 mg/L). Un peu plus de la moitié des prélèvements provenaient du service de réani- mation, un quart des urgences, six de médecine interne, 6 de chirurgie, 5 de pneumologie et 5 de gastroentérologie. Soixante-quatre patients (94 % de la population étudiée) étaient septi- ques : sepsis simples pour 9 d’entre eux (14 %), sepsis sévères avec au moins une défaillance d’organe pour 30 (46 patients) et choc septique pour 26 (40 %) ; 78 foyers infec- tieux ont pu être identifiés, avec une prédominance des étiologies respiratoires (62 %), suivies des étiologies digestives (17 %). Une baisse rapide à J4 témoin d’une guérison La proportion d’infections nosoco- miales, retrouvées chez 20 patients, représentait 40 % des épisodes septiques. Une valeur de CRP supé- rieure à 500 mg/L semblait traduire une gravité clinique et évolutive particulière ; une baisse rapide et significative à J4 constituait le témoin d’une guérison en cours. Pour les auteurs, une CRP extrême reflétait finalement une susceptibi- lité individuelle de l’hôte à induire une réponse inflammatoire accrue, disproportionnée, voire inadaptée au stimulus princeps. Taux en croissance et risque d’aggravation Ce qu’on pourra finalement cer- tainement retenir de cette étude, c’est qu’à l’hôpital une cinétique de croissance de 25 % ou plus par rapport à la veille est fortement évocatrice d’une infection nosoco- miale ; et aussi qu’elle traduit un fort risque d’aggravation du tableau clinique dans les heures qui suivent la mesure, et finalement un risque élevé de mortalité sur le plan pro- nostique. La CRP, si longtemps après sa découverte, permet toujours d’apprécier la réaction de défense de l’organisme, d’adapter précisé- ment un traitement et d’émettre un pronostic. | JACK BREUIL © www.jim.fr Où en est le diagnostic moléculaire des sepsis néonatals ? De la signification d’une CRP supérieure à 500 mg/L Source Ohlin A, Bäckman A, Ewald U et al. Diagnosis of neonatal sepsis by broad-range 16S real- time polymerase chain reaction. Neonatology. 2012;101:241-6. Source Le Gall C, Desideri-Vaillant C, Nicolas X. Signi- fications d’une protéine C réactive supérieure à 500 mg/L : à propos de 91 prélèvements dans un centre hospitalier brestois. Pathol Biol. 2011;59:319-20.

Où en est le diagnostic moléculaire des sepsis néonatals ?

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6 OptionBio | Lundi 26 mars 2012 | n° 469

Une suspicion de sepsis néona-tal justifie une antibiothérapie empirique large sans attendre

les résultats des hémocultures, qui demandent deux à cinq jours. La bio-logie moléculaire propose des tests bactériologiques plus rapides que les hémocultures, qui pourraient réduire le nombre et la durée des antibiothé-rapies “inutiles” dans les unités de néonatologie.

Suspicion de sepsis et rt-PCRDes auteurs suédois rapportent leur expérience de la PCR en temps réel dans des suspicions de sepsis chez 317 enfants de moins de 3 mois, en majorité des nouveau-nés, qui avaient fait l’objet de 368 hémocul-tures et PCR simultanées, dont 334 entre J0 et J28.Techniquement, les PCR étaient réa-lisées sur sang total. Le couplage de l’amplification et de la détection permettait d’obtenir les résultats en 6 heures. Les amplicons étaient détectés avec une sonde générale, qui se liait au gène de l’ARN riboso-mal 16S, et six sondes spécifiques, qui se liaient à des gènes des germes fréquents dans les infections néona-tales : staphylocoques coagulase négatifs (2 sondes), staphylocoques dorés (1 sonde), streptocoques B (1 sonde), colibacilles (1 sonde) et bacilles à Gram négatif (1 sonde).Cinquante-six hémocultures ont été positives pour un (49) ou plusieurs germes (7), y compris les contami-nants, avec une nette prédominance des staphylocoques coagulase néga-tifs (41/56 hémocultures). Soixante-quinze PCR ont été positives pour une sonde ou plus.Par rapport aux hémocultures, les PCR en temps réel avaient une sensibilité de 79 %, une spécificité de 90 %, une valeur prédictive positive de 59 %, une

valeur prédictive négative de 96 %, un likelihood ratio positif de 7,9 et un likelihood ratio négatif de 0,24.

Faux positifs et faux négatifsLa PCR de 31 enfants était “fausse-ment positive” (avec une hémoculture négative dans le même temps) ; cinq enfants avaient eu une hémoculture positive 1 à 5 jours auparavant, et 3 d’entre eux recevaient une antibiothé-rapie au moment du prélèvement. La PCR de 12 enfants était “faussement négative” (avec une hémoculture positive dans le même temps), mais les germes des hémocultures étaient une fois sur deux des contaminants.Une analyse des résultats des PCR sonde par sonde montre que :– seulement 19 PCR 16S étaient positives, et que 10 d’entre elles correspondaient à des hémocultures positives ;– les corrélations entre les PCR spé-cifiques positives et les hémocultures positives n’étaient satisfaisantes que pour les staphylocoques coagulase négatifs et les staphylocoques dorés.

Les hémocultures toujours déterminantesAu total, les PCR en temps réel don-nent des résultats rapides ; la combi-naison d’une PCR générale et de PCR spécifiques améliore leur précision. Cependant, leur valeur prédictive négative n’autorise pas à s’abstenir d’une antibiothérapie ou à arrêter celle-ci avant les résultats des hémo-cultures ! En l’état actuel des choses les PCR représentent une technique d’appoint dans le diagnostic bacté-riologique des sepsis néonatals. |

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Découverte en 1930, la pro-téine C réactive (CRP), pro-téine de la phase aiguë de

l’inflammation, reste d’actualité : son dosage plasmatique, marqueur sanguin très informatif, reflète les capacités de l’hôte à répondre à une agression, notamment dans le cadre d’un processus infectieux. La signification de valeurs “extrêmes”, cependant et si l’on en croit C. Le Gall et al., de l’hôpital d’instruc-tion des Armées de Brest (29), est peu étudiée. Une raison incontes-table pour y consacrer une étude spécifique.

Une étude rétrospective sur des CRP supérieures à 500 mg/LÉtude rétrospective, donc, de patients ayant présenté une CRP supérieure à 500 mg/L. Réali-sée entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008, l’étude a per-mis de colliger 91 prélèvements réalisés chez 68 patients (38 femmes et 30 hommes), d’un âge moyen de 65 ± 15 ans (extrêmes : 32 à 95 ans). La CRP moyenne de l’ensemble de ces prélèvements était de 574 ± 71 mg/L (extrêmes de 501 à 915 mg/L). Un peu plus de la moitié des prélèvements provenaient du service de réani-mation, un quart des urgences, six de médecine interne, 6 de chirurgie, 5 de pneumologie et 5 de gastroentérologie. Soixante-quatre patients (94 % de la population étudiée) étaient septi-ques : sepsis simples pour 9 d’entre eux (14 %), sepsis sévères avec au moins une défaillance d’organe pour 30 (46 patients) et choc septique pour 26 (40 %) ; 78 foyers infec-tieux ont pu être identifiés, avec une prédominance des étiologies

respiratoires (62 %), suivies des étiologies digestives (17 %).

Une baisse rapide à J4 témoin d’une guérison La proportion d’infections nosoco-miales, retrouvées chez 20 patients, représentait 40 % des épisodes septiques. Une valeur de CRP supé-rieure à 500 mg/L semblait traduire une gravité clinique et évolutive particulière ; une baisse rapide et significative à J4 constituait le témoin d’une guérison en cours. Pour les auteurs, une CRP extrême reflétait finalement une susceptibi-lité individuelle de l’hôte à induire une réponse inflammatoire accrue, disproportionnée, voire inadaptée au stimulus princeps.

Taux en croissance et risque d’aggravationCe qu’on pourra finalement cer-tainement retenir de cette étude, c’est qu’à l’hôpital une cinétique de croissance de 25 % ou plus par rapport à la veille est fortement évocatrice d’une infection nosoco-miale ; et aussi qu’elle traduit un fort risque d’aggravation du tableau clinique dans les heures qui suivent la mesure, et finalement un risque élevé de mortalité sur le plan pro-nostique. La CRP, si longtemps après sa découverte, permet toujours d’apprécier la réaction de défense de l’organisme, d’adapter précisé-ment un traitement et d’émettre un pronostic. |

JACK BREUIL

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Où en est le diagnostic moléculaire des sepsis néonatals ?

De la signification d’une CRP supérieure à 500 mg/L

SourceOhlin A, Bäckman A, Ewald U et al. Diagnosis of neonatal sepsis by broad-range 16S real-time polymerase chain reaction. Neonatology. 2012;101:241-6.

SourceLe Gall C, Desideri-Vaillant C, Nicolas X. Signi-fications d’une protéine C réactive supérieure à 500 mg/L : à propos de 91 prélèvements dans un centre hospitalier brestois. Pathol Biol. 2011;59:319-20.