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© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16 Texte long du jury Prise en charge hémodynamique du sepsis grave (nouveau-né exclu) Haemodynamic management of severe sepsis (excluding neonates) Membres du jury T. Pottecher (Président)*, S. Calvat, H. Dupont, J. Durand- Gasselin, R. Gauzit, P. Gerbeaux, S. Jaber, M. Jourdain, A. de Lassence, C. Lejus, E . L’her, F. Plouvier, S. Renolleau Comité d’organisation C. Martin (Président), T. Blanc, T. Boulain, A. Cariou, L. Donetti, C. Gervais, J. Kienlen, O. Langeron, Y. Malledant, G. Orliaguet, C. Paugam Conseillers scientifiques P.E. Bollaert, J. Kienlen Glossaire VTDG : volume télédiastolique global PAD : pression artérielle diastolique PAM : pression artérielle moyenne PAS : pression artérielle systolique PAP : pression artérielle pulmonaire PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion PFC : plasma frais congelé PVC : pression veineuse centrale SvO 2 : saturation en oxygène du sang veineux mélé ScvO 2 : saturation en oxygène du sang veineux cave supérieur STDVG : surface télédiastolique du ventricule gauche VTDVD : volume télédiastolique du ventricule droit Introduction Cette conférence de consensus, organisée conjointement par la SFAR et la SRLF, en collaboration avec la SFUM, l’ADARPEF et le Groupe francophone de réanimation et Urgences pédiatriques, se limite aux aspects hémodynami- ques de la prise en charge du sepsis grave. Ceci explique pourquoi d’autres aspects importants n’ont pas été pris en compte : diagnostic, traitement du foyer infectieux, prise en charge spécifiques des défaillances d’organes associées (dé- tresse respiratoire, insuffisance rénale, hépatique, perturba- tions de l’hémostase, etc.). En terme de définition, 3 niveaux de gravité des états sep- tiques sont actuellement reconnus (Tableau 1) Le SIRS : syndrome de réponse systémique à une inflam- mation, devient sepsis lorsque l’étiologie infectieuse est prouvée ou fort probable. Le sepsis grave est une dysfonction ou une hypoperfusion d’au moins un organe induite par une infection : par exem- ple PAS < 95 mm Hg ou lactates > 4 mmol/l. Le choc septique est un sepsis grave avec hypotension non corrigée par le remplissage. Le consensus concerne donc les deux derniers niveaux de gravité. Sur le plan méthodologique, les membres du jury ont eu à répondre à cinq questions : Quelles sont les cibles thérapeutiques ? Quelles sont les modalités de l’expansion volémique et de la transfusion sanguine ? Quelle est la place des médicaments inotropes positifs et vasoactifs ? Quelle est la place des traitements complémentaires (hémofiltration, corticothérapie,…) ? Quelle est la stratégie thérapeutique à mettre en œuvre ? Avant la réunion de consensus, les membres du jury se sont réunis à deux reprises afin de se répartir les questions, ils ont pu disposer d’une bibliographie exhaustive préparée * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Pottecher). Cet article va faire l’objet d’une publication e-only des revues : • Ann Fr Anesth Réanim 2006 ; vol. 25 ; • Réanimation 2006 ; vol. 15.

Prise en charge hémodynamique du sepsis grave (nouveau-né exclu)

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Page 1: Prise en charge hémodynamique du sepsis grave (nouveau-né exclu)

© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16

Texte long du jury

Prise en charge hémodynamique du sepsis grave (nouveau-né exclu)

Haemodynamic management of severe sepsis (excluding neonates)

Membres du jury

T. Pottecher (Président)*, S. Calvat, H. Dupont, J. Durand-Gasselin, R. Gauzit, P. Gerbeaux, S. Jaber, M. Jourdain,A. de Lassence, C. Lejus, E . L’her, F. Plouvier, S. Renolleau

Comité d’organisation

C. Martin (Président), T. Blanc, T. Boulain, A. Cariou,L. Donetti, C. Gervais, J. Kienlen, O. Langeron, Y. Malledant,G. Orliaguet, C. Paugam

Conseillers scientifiques

P.E. Bollaert, J. Kienlen

Glossaire

VTDG : volume télédiastolique globalPAD : pression artérielle diastoliquePAM : pression artérielle moyennePAS : pression artérielle systoliquePAP : pression artérielle pulmonairePAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusionPFC : plasma frais congeléPVC : pression veineuse centraleSvO2 : saturation en oxygène du sang veineux méléScvO2 : saturation en oxygène du sang veineux cave supérieurSTDVG : surface télédiastolique du ventricule gaucheVTDVD : volume télédiastolique du ventricule droit

Introduction

Cette conférence de consensus, organisée conjointementpar la SFAR et la SRLF, en collaboration avec la SFUM,l’ADARPEF et le Groupe francophone de réanimation etUrgences pédiatriques, se limite aux aspects hémodynami-ques de la prise en charge du sepsis grave. Ceci expliquepourquoi d’autres aspects importants n’ont pas été pris encompte : diagnostic, traitement du foyer infectieux, prise encharge spécifiques des défaillances d’organes associées (dé-tresse respiratoire, insuffisance rénale, hépatique, perturba-tions de l’hémostase, etc.).

En terme de définition, 3 niveaux de gravité des états sep-tiques sont actuellement reconnus (Tableau 1)

Le SIRS : syndrome de réponse systémique à une inflam-mation, devient sepsis lorsque l’étiologie infectieuse estprouvée ou fort probable.Le sepsis grave est une dysfonction ou une hypoperfusiond’au moins un organe induite par une infection : par exem-ple PAS < 95 mm Hg ou lactates > 4 mmol/l.Le choc septique est un sepsis grave avec hypotension noncorrigée par le remplissage.

Le consensus concerne donc les deux derniers niveaux degravité.

Sur le plan méthodologique, les membres du jury ont euà répondre à cinq questions :

Quelles sont les cibles thérapeutiques ?Quelles sont les modalités de l’expansion volémique et dela transfusion sanguine ?Quelle est la place des médicaments inotropes positifs etvasoactifs ?Quelle est la place des traitements complémentaires(hémofiltration, corticothérapie,…) ?Quelle est la stratégie thérapeutique à mettre en œuvre ?

Avant la réunion de consensus, les membres du jury sesont réunis à deux reprises afin de se répartir les questions,ils ont pu disposer d’une bibliographie exhaustive préparée

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (T. Pottecher).

Cet article va faire l’objet d’une publication e-only des revues :• Ann Fr Anesth Réanim 2006 ; vol. 25 ;• Réanimation 2006 ; vol. 15.

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par le groupe bibliographique (E. André, I. Boyadjiev,O. Gattoliat, S. Gibot) et des textes rédigés par les experts.Environ un mois avant la date du consensus, les membres dujury ont été contactés pour leur repréciser ce qui était attendud’eux et les modalités pratiques de leur travail. À cette occa-sion, un certain nombre de questions, émanant du jury, maisnon traitées dans le texte des conférences ont été posées etont fait l’objet de réponses des experts.

Pour chaque question, la réponse du jury est déclinée enun argumentaire et des recommandations.

L’argumentaire, composé à partir de l’analyse de la litté-rature préparée par le groupe bibliographique et du travaildes experts, sert de justification aux recommandations. Il necomporte des justifications bibliographiques que pour lestravaux qui n’ont pas été cités par les experts. En cas de dé-saccord, un vote a été effectué et le texte comporte l’avis ex-primé par la majorité.

Les recommandations, à visée volontairement opérationnel-les, sont composées en fournissant pour chacune d’elle sa forceà partir d’une cotation de médecine basée sur les preuves [1].

Grade A : recommandation basée sur au moins deux étu-des de niveau 1 ;

Grade B : recommandation basée sur une étude deniveau 1 ;

Grade C : recommandation basée sur des études deniveau 2 ;

Grade D : recommandation basée sur une étude deniveau 3 ;

Grade E : recommandation basée sur des études deniveau 4 ou 5.

Rappelons qu’en médecine factuelle, la valeur scientifi-que d’une étude comporte 5 niveaux :

Niveau 1 : Essais randomisés de grande taille à résul-tats clairs et faible risque de faux positifs (α) ou fauxnégatifs (β).Niveau 2 : Essais randomisés de taille réduite avecrésultats incertains et risques moyens ou élevés de fauxpositifs (α) ou faux négatifs (β).Niveau 3 : Études non randomisées, contrôlées avec grou-pes contemporains.Niveau 4 : Études non randomisées, comparaison avec sé-rie historique ou opinion d’experts.Niveau 5 : Cas cliniques, études non comparatives et opi-nions d’experts.

Les textes composés par les membres du jury ont étérelus par une équipe de relecteurs (T. Boulain, A. Cariou,L. Donetti, C. Gervais, Y. Malledant, O. Langeron,C. Paugam, G. Orliaguet) issus des comités/commissionsdes référentiels des deux sociétés organisatrices. Le rôledes relecteurs s’est limité à des vérifications de forme : enparticulier, ils ont dû s’assurer que ce texte d’argumentairerestait compréhensible pour des lecteurs qui n’ont pasassisté aux délibérations jury. Les relecteurs ne sont pasintervenus sur le fond de l’argumentaire produit par le jury.

Pour les points plus spécifiquement pédiatriques, deuxpédiatres, membres du jury, ont colligé toutes les particula-

Tableau 1. Définitions du sepsis, du sepsis grave et du choc septique (les valeurs propres à la pédiatrie sont en italique).(A) = adulte, (E) = enfant.

Variables Définitions

Réponse inflammatoire systémique(au moins deux des critères suivants)

Température > 38,3°C ou < 36°CPouls > 90 c/min (A), > 2 DS pour l’âge (E)Fréquence respiratoire > 20 c/min (A), > 2 DS pour l’âge (E)Glycémie > 7,7 mmol/l

Leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ou > 10 % de formes immatures Altération des fonctions supérieuresTemps de recoloration capillaire > 2 sec (A), > 5 sec Lactatémie > 2 mmol/l

Sepsis Réponse inflammatoire systémique + infection présumée ou identifiée

Sepsis grave Sepsis + lactates > 4 mmol/l ouhypotension artérielle avant remplissage oudysfonction d'organe (une seule suffit) : - respiratoire (PaO2/FIO2 < 300 (A),

FiO2 > 0,5 pour SpO2 > 92%

- rénale (Créatininémie > 176 mmol/l (A), > 2X normale ou oligurie (E) - coagulation (INR > 1,5 (A), >2 (E) - hépatique (TP > 60 s, bilirubine > 78 mmol/l (A + E), transaminases >2*normale)

- thrombocytopénie [< 105/mm3 (A), 8*104/mm3 (E)] - fonctions supérieures [GCS < 13 (A), <11 (E)]

Choc septique Sepsis grave + hypotension artérielle (malgré le remplissage vasculaire : 20-40 ml/kg (A), > 40 ml/kg (E)

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rités propres aux enfants. Lorsqu’elles étaient significatives,elles ont systématiquement été ajoutées à chaque question.

La diffusion des argumentaires se fera par les journaux et lessites web des sociétés savantes concernées. Les recommanda-tions seront éditées sous forme d’une plaquette cartonnée com-portant les algorithmes décisionnels et organisationnels.

Question 1 : Quelles sont les cibles thérapeutiques ?

Préalablement à la définition des cibles thérapeutiques ilconvient de reconnaître précocement l’infection et ses signesde gravité (Tableau 1).

Aucune étude ne relie la variation d’un paramètre régio-nal ou d’un marqueur de dysfonction d’organes à l’amélio-ration de la morbidité/mortalité du patient. À la phase aiguëdu sepsis grave, la correction de l’hypotension artérielle etl’augmentation du transport en oxygène par une expansionvolémique, améliorent le pronostic.

1.1. Cibles spécifiques au niveau tissulaire

Les données physiologiques, expérimentales ou cliniquesne permettent pas de prévoir l’effet des thérapeutiqueshémodynamiques sur les débits régionaux ou les dysfonc-tions d’organes et a fortiori sur le pronostic. Aucun modèleexpérimental ne reproduit l’ensemble des situations clini-ques rencontrées en pathologie humaine.

1.2. Dysfonction vasculaire

L’endothélium vasculaire est une cible privilégiée aucours du sepsis car il intègre de multiples signaux del’inflammation et de la coagulation.

D’une part, il est atteint dans son intégrité morphologi-que, avec pour conséquences la fuite capillaire, l’hypovolé-mie, ainsi que le passage de nombreux médiateurs del’inflammation vers le secteur interstitiel.

D’autre part, il existe une altération de la fonction endo-théliale évoluant en deux temps, dans laquelle le métabolis-me du monoxyde d’azote (NO) joue un rôle majeur. Aprèsune diminution initiale de l’activité de la NO synthétase(NOS) constitutive, à l’origine d’une altération de la vasore-laxation, une augmentation de la NO synthétase inductible(NOSi) peut être observée dans un délai de quelques heures.Elle est à l’origine de la vasoplégie et d’une altération de laréponse aux vasopresseurs. L’utilisation d’inhibiteurs spéci-fiques ou non spécifiques des NOS a été envisagée, maissans aucun résultat clinique satisfaisant. L’hydrocortisone,parmi ses effets multiples au cours du sepsis, pourrait jouerun rôle à ce niveau.

En dehors du traitement de la vasoplégie par des agentsvasoconstricteurs, il n’existe pas de thérapeutique spécifiquede la dysfonction vasculaire.

1.3. Dysfonction myocardique

Toutes les propriétés cardiaques, à l’exception du débitsanguin coronaire, sont potentiellement modifiées par le

sepsis. Cette dysfonction cardiaque semble liée à des modi-fications intrinsèques des structures intracellulaires desmyocytes et des cellules endothéliales cardiaques. La sensi-bilité des myofilaments cardiaques au calcium est abaissée.L’hyperproduction du NO semble là encore jouer un rôlemajeur. Les modifications de la fonction mitochondriale etles phénomènes d’apoptose seraient également impliqués.Cette dysfonction cardiaque est maximale en 2-3 jours, avechabituellement normalisation en 7-10 jours. Au cours dusepsis grave, le débit coronaire est maintenu voire augmentéet l’extraction myocardique d’oxygène est le plus souventnormale, ce qui plaide contre une origine ischémique à ladysfonction myocardique.

La dysfonction myocardique a généralement peu deconséquences sur l’index cardiaque (IC) et la saturationveineuse en oxygène (SvO2). Seul 10 à 20 % des patientsadultes évoluent vers la défaillance cardiaque, associant unIC bas et une SvO2 basse persistants après expansion volé-mique et traitement vasopresseur. Le traitement inotropepositif est réservé à ces patients.

1.4. Dysfonction hépatosplanchnique

L’étude de la dysfonction hépatosplanchnique en cliniquenécessite d’utiliser des moyens de monitorage spécifiques,complexes et limités. Aucun travail en clinique humaine n’a,à ce jour, étudié le débit hépatosplanchnique à la phaseinitiale du choc septique.

On observe dans le sepsis grave une dissociation entre leversant macrocirculatoire caractérisé par un état hyperkiné-tique et le versant microcirculatoire caractérisé par une vaso-constriction microvillositaire. Par conséquent, un traitementefficace pour le versant systémique pourrait être délétère auniveau microcirculatoire. Le clinicien ne dispose pas à l’heu-re actuelle d’outil pertinent de monitorage du débit hépato-splanchnique.

1.5. Dysfonction rénale

La baisse du débit sanguin rénal n’est pas le seul détermi-nant de l’insuffisance rénale aiguë au cours du sepsis, il exis-te aussi probablement, des modifications de la répartitioncorticomédullaire du flux sanguin. La restauration d’unepression artérielle moyenne ne suffit pas pour juger de l’adé-quation de la pression de perfusion rénale. La diurèse horaireet l’évolution biologique de la fonction rénale au cours dutraitement sont les seuls paramètres de surveillance actuelle-ment disponibles.

La dopamine utilisée à faible dose n’améliore pas la fonc-tion rénale et n’évite pas le recours à l’épuration extrarénale.

1.6. Tissu musculaire et métabolisme du lactate

Contrairement aux idées reçues, l’hyperlactatémie dusepsis grave ne reflète pas la mise en jeu du métabolismeanaérobie au niveau splanchnique, à l’exception des situa-tions de bas débit caractérisé. Le muscle strié squelettique

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contribue majoritairement à la production cellulaire de lac-tate. L’hyperlactatémie correspond le plus souvent, à uneaugmentation du métabolisme musculaire aérobie sous ladépendance de la stimulation β2 adrénergique activant lapompe Na-K+-ATPase sarcolemmale et induisant une aug-mentation importante de la glycolyse.

Quel que soit le mode de production du lactate au coursdu sepsis grave, la persistance de l’hyperlactatémie gardeson caractère pronostique péjoratif.

1.7. Particularités pédiatriques

Les modalités de diagnostic et de traitement doivent pren-dre en compte les particularités physiologiques qui évoluenten fonction de l’âge (répartition et renouvellement des flui-des dans les différents compartiments de l’organisme, phy-siologie cardiovasculaire). Le diagnostic du choc septiqueest difficile avec un tableau hémodynamique initial qui peutêtre différent de celui observé chez l’adulte. Il se caractérisepar une hypovolémie majeure et par une défaillance myocar-dique qui semble plus fréquente. L’issue est essentiellementconditionnée par la rapidité du diagnostic et de la mise enroute d’une expansion volémique agressive associée à uneantibiothérapie très précoce. La mortalité est plus faible quechez l’adulte.

La plupart des aspects de la prise en charge hémodynami-que du sepsis grave dans cette tranche d’âge résulte d’avisd’experts et de l’extrapolation des données obtenues chezl’adulte. Une conférence réunissant 20 experts internatio-naux a récemment défini les différents stades du sepsis enpédiatrie (Tableau 1) en tenant compte des valeurs anorma-les selon l’âge (Tableau 2). L’entité particulière du Purpurafulminans mérite d’être individualisée car elle est beaucoupplus fréquente chez l’enfant. D’origine essentiellement mé-ningococcique, elle associe au choc septique, la présenced’un purpura extensif et d’une CIVD.

Le profil hémodynamique du choc septique présentedeux particularités chez le jeune enfant. La dysfonctionmyocardique est plus souvent associée à une défaillancecardiaque en particulier au cours des chocs septiques àméningocoques. L’hypovolémie est sévère et répond bienau remplissage vasculaire. Le diagnostic est difficile et lechoc n’est reconnu et traité de façon optimale que dans50 % des cas.

La terminologie de « choc chaud » et de « choc froid »demeure classique en pédiatrie. Le tableau de « choc froid »associe bas débit cardiaque et résistances vasculaires éle-vées. L’hypotension est souvent tardive et son absence estfaussement rassurante. La pression artérielle peut être long-temps maintenue en dépit d’une baisse significative du débitcardiaque. La tachycardie, plus précoce, constitue un signald’alarme. Les signes cliniques d’altération de la perfusionpériphérique sont au premier plan. Le choc « chaud » asso-cie au contraire débit cardiaque élevé et résistances basses.

Question 2 : Quelles sont les modalités de l’expansionvolémique (y compris la transfusion) ?

Le remplissage vasculaire au cours du sepsis grave reposesur l’administration de solutés cristalloïdes ou colloïdes demanière à restaurer et maintenir une pression de perfusiontissulaire et un transport d’oxygène satisfaisants.

2.1. Diagnostic et monitorage du déficit volémique

À la phase initiale du sepsis grave (définie arbitrairementcomme les 90 premières minutes suivant le diagnostic), l’ur-gence est au remplissage vasculaire systématique, l’hypovo-lémie étant constante tant relative qu’absolue. Celle-ci estresponsable en grande partie de la chute du débit cardiaqueinitiale souvent améliorée par le remplissage vasculaire.L’expansion volémique est donc indiscutable à ce stade etaucun indice prédictif de la réponse au remplissage n’estnécessaire pour sa mise en œuvre. Le monitorage hémodyna-mique invasif ne doit pas retarder la mise en route de l’expan-sion volémique, et n’est donc pas prioritaire à ce stade.

L’objectif à atteindre est une PAM > 65 mmHg et la dis-parition des signes cliniques d’hypoperfusion.

Au total, les différents stades du sepsis se caractérisentpar des modifications macro et microcirculatoires souventantagonistes. À ce jour, les possibilités de monitorage de lamicrocirculation sont limitées et les thérapeutiques spéci-fiques ne sont pas validées. Ces données expliquent pour-quoi les cibles thérapeutiques et le monitorage sont limitésaux éléments de la macrocirculation (pression artérielle,volémie, fonction cardiaque, résistances vasculaires desgros vaisseaux).

Tableau 2Valeurs à prendre en compte pour définir le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) et les objectifs thérapeutiques (PAS et pression de perfusion)chez l’enfant en fonction de l’âge.

Âge Fréquence cardiaque (b/min) Fréquence respiratoire Pression artérielle systolique Pression de perfusion (PAM-PVC) Globules blancs

Tachycardie Bradycardie (c/min) (mmHg) (mmHg) (X103/mm3)

1 mois–1 an > 180 < 90 > 34 < 75 60 > 17,5 ou < 5

2 à 5 ans > 140 < 90 > 22 < 74 65 > 15,5 ou < 6

6 à 12 ans > 130 < 90 > 18 < 83 65 > 13,5 ou < 4,5

13 à 18 ans > 110 < 90 > 14 < 90 65 > 11 ou < 4,5

John Hopkins. The Harriet Lane Handbook : A manual for pediatric house officers. 16th edition. St Louis, Mosby, 2002, Goldstein 2005.

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Après la phase initiale, l’intérêt de la poursuite du remplis-sage doit être évalué car il peut être à l’origine d’un œdème pul-monaire. Si le remplissage doit être poursuivi, c’est en utilisantdes indices prédictifs de l’état de précharge-dépendance.

Sauf valeurs extrêmes, les indicateurs statiques de pré-charge, que ce soient les mesures de pressions (PVC, PAPOobtenues par CAP) ou les mesures de surfaces ou de volumescardiaques (VTDVD par CAP, STDVG par échocardiogra-phie, ou VTDG par PiCCOTM), ont une médiocre valeur pré-dictive de réponse au remplissage et ne sont pasrecommandés pour guider celui-ci.

Il est recommandé d’utiliser les indicateurs dynamiquesde réserve de précharge, qu’ils soient obtenus de façon inva-sive ou non. Ces indices dynamiques de réserve de préchargene sont pas des indices de volémie, mais aident à prédire laréponse au remplissage pour les patients sous ventilationmécanique (Tableau 3).

Les indices dérivés de la courbe de la PA sanglante(Tableau 3) nécessitent que le patient soit en ventilationmécanique sans mouvement spontané parasite et en rythmesinusal. Le lever de jambes passif (angle de 45° maintenupendant 1 min, équivalant à un remplissage réversible de300 ml) peut être utilisé chez les patients ayant des mouve-ments respiratoires spontanés. L’étude des variations de l’am-plitude du signal d’oxymétrie pulsée au cours de la ventilationmécanique est une piste intéressante du fait de son caractèrenon invasif et de la diffusion de ce monitorage. Cependant enpratique, seuls des dispositifs particuliers sans amplificationautomatique du signal permettent cette analyse.

L’efficacité du remplissage est évaluée principalementsur l’amélioration des paramètres cliniques (PA, diurèse,disparition des marbrures, état neurologique).

2.2. Choix du soluté

Les produits dérivés du sang, les dextrans et les amidons depoids moléculaire supérieur à 150 KDa ne doivent pas être uti-lisés comme solutés de remplissage. Les cristalloïdes et lesautres colloïdes quand ils sont titrés pour un même objectifhémodynamique ont une efficacité équivalente. Il n’existe pasde différence en termes de durée de ventilation, durée de séjouret de mortalité corrélée à l’utilisation de colloïdes ou de cristal-loïdes. Compte tenu du coût bien moindre et de l’innocuité, onpeut recommander l’utilisation de cristalloïdes isotoniques sur-tout à la phase initiale du choc et ne particulier s’il existe unedéshydratation. Malgré un pouvoir d’expansion théorique plusfaible (0,2-0,3), un risque théorique de surcharge pulmonaire,l’absence d’effet oncotique et une demi-vie plus courte que lescolloïdes, les cristalloïdes n’ont pas les effets secondaires descolloïdes (allergie, perturbations de l’hémostase et insuffisancerénale). Les données concernant les effets rénaux des HEA lesplus récemment commercialisés (PM < 150KDa) sont insuffi-santes pour se positionner quant à leur utilisation.

2.3. Rythme et modalités d’administration

À la phase initiale du sepsis grave, le remplissage vascu-laire s’effectue par des séquences de 500 ml de cristalloïdessur 15 min en débit libre. Ces bolus doivent être répétésjusqu’à restauration de l’état hémodynamique (PAM> 65 mmHg) en l’absence de signes de surcharge pulmonai-re. Le volume nécessaire peut atteindre plusieurs litres et l’ob-jectif hémodynamique doit être atteint rapidement, si possibledurant les 90 premières minutes qui suivent le diagnostic.Dans le cas contraire, le recours aux amines vasopressives nedoit pas être retardé. Lorsque l’hypotension engage le pronos-tic vital, le recours aux agents vasopresseurs doit être immé-diat quelle que soit la volémie. La constatation d’une PADeffondrée (< 40 mmHg) pourrait être un élément en faveur del’introduction précoce d’amines vasoconstrictrices.

Le choix de la voie veineuse est déterminé par sa rapiditéde mise en place, le plus souvent périphérique et de gros ca-libre. L’utilisation d’une poche de pression augmente signi-ficativement la vitesse de perfusion.

Après la phase initiale, si les objectifs hémodynamiquesne sont pas atteints, la quantité de soluté de remplissage doitêtre titrée en fonction des résultats obtenus par la mesure desindicateurs dynamiques de réserve de précharge suite àl’administration de 250 à 500 ml de soluté en 20 à 30 min.

2.4. Place de la transfusion sanguinedans l’expansion volémique

Les produits sanguins labiles ne peuvent être considéréscomme des produits de remplissage standard compte tenu deleur coût, de leur rareté, de la majoration des anomalies rhéo-logiques et du risque de transmission d’agents infectieuxconnus ou émergents. Ils peuvent néanmoins contribuer àl’expansion volémique s’ils sont prescrits dans leurs indica-tions respectives.

Tableau 3Valeurs seuil des indices dynamiques « invasifs » et « non invasifs » prédic-tifs d’une réponse positive au remplissage vasculaire.

Variabilité respiratoire sous VM

Paramètres invasifs

∆PAS > 10 mmHg ou 9 %

∆down > 5 mmHg

∆PP > 12-13 %

∆VES > 10 %

Paramètres non invasifs

∆Vpic > 12 %

∆VCId > 12 %

Diminution inspiratoire de VCS > 36 %

Lever de jambes passif :

– élévation de PP > 10 %

– élévation de débit aortique > 10 %

VM : ventilation mécanique.∆PAS : variations respiratoires de la pression artérielle systolique.∆DPP : variations respiratoires de la pression artérielle pulsée.∆down : différence de PA systolique minimale avec la valeur de PA. systolique après une pause télé expiratoire en ZEEP.∆VES : variation de volume d’éjection systolique.∆Vpic : variations respiratoires de la vélocité du flux aortique en ETO.∆VCId : variabilité respiratoire du diamètre de la veine cave inférieure.VCS : veine cave supérieure.

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L’anémie est fréquente et multifactorielle (dilution, inflam-mation, iatrogène, hémolyse). S’il n’existe pas de seuil trans-fusionnel, l’objectif visé est de 8 à 9 g/dl d’Hb en fonctionde la tolérance clinique et de la probabilité d’un remplissagevasculaire complémentaire. Pour évaluer cette tolérance, ilest recommandé d’utiliser la SvcO2 qui est un reflet de labalance entre consommation et transport d’O2 : devant uneanémie avec SvcO2 > 70% : il est licite de ne pas envisagerde transfusion, à l’inverse, devant la même anémie avecSvcO2 < 70% : la transfusion doit être envisagée. Un terrainparticulier (par exemple une insuffisance coronaire connue)doit inciter à une transfusion pour maintenir des chiffres plusélevés d’hémoglobine.

L’utilisation de PFC et de concentrés plaquettaires ne se jus-tifie qu’en présence respectivement de troubles de l’hémostasesévères ou de thrombopénie sévère avec risque hémorragique.

2.5. Particularités pédiatriques

De larges déficits en volume peuvent survenir chez l’enfant,proportionnels à la sévérité du syndrome de fuite capillaire, etnécessiter un remplissage vasculaire supérieur à une massesanguine au cours des premières heures. Au cours de la pre-mière heure, un remplissage vasculaire jusqu’à 60 ml/kg réduitla mortalité sans augmenter l’incidence de l’œdème pulmonai-re. Le remplissage vasculaire chez l’enfant doit débuter dansles 10 premières minutes qui suivent la suspicion du diagnos-tic. Il est au mieux initié par des bolus répétés de 20 ml/kg ad-ministrés en 10 minutes. L’efficacité est jugée sur desparamètres cliniques simples : fréquence cardiaque, pressionartérielle, temps de recoloration, niveau de conscience.

Il n’y a pas de donnée spécifiquement pédiatrique sur laplupart des nouveaux indices prédictifs de l’efficacité del’expansion volémique explorés chez l’adulte.

Si le délai de normalisation de la pression artérielle estplus long avec le Ringer-Lactate®, l’efficacité des colloïdes,du sérum physiologique et du Ringer-Lactate® est compara-ble en terme de mortalité. Aussi, pour les mêmes raisons quecelles exposées chez l’adulte, les cristalloïdes isotoniquessont préférés.

La valeur du seuil transfusionnel est identique à cellerecommandée chez l’adulte.

Question 3 : Quelle est la place des médicamentsinotropes positifs et vasoactifs ?

3.1. Le traitement vasoconstricteur

Les médicaments vasoconstricteurs doivent être utiliséssi le remplissage vasculaire ne permet pas d’obtenir unePAM > 65 mmHg. L’administration d’amines vasoconstric-trices permet d’augmenter la survie, par simple restaurationde la pression de perfusion des organes.

L’utilisation précoce de ces agents permet de prévenir etde limiter la survenue et la progression des défaillances vis-cérales. Elle pourrait permettre de limiter le volume du rem-plissage par ses effets sur le système capacitif veineux.

Trois amines avec des propriétés vasoconstrictives sontutilisées dans le cadre du traitement du choc septique : la do-pamine, la noradrénaline, et l’adrénaline (Tableau 4). L’uti-lisation de la phényléphrine ne peut être recommandée enraison de l’insuffisance de données cliniques dans ce contex-te. En raison de son action vasoconstrictrice particulière, lavasopressine sera envisagée à la fin de ce paragraphe.

Toutes les amines vasoconstrictives augmentent la pres-sion artérielle de manière dose-dépendante.

La dopamine est celle qui possède les effets vasocons-tricteurs les moins puissants. Lorsqu’elle est utiliséeseule, elle semble incapable d’élever la PAM à plus de70 mmHg, dans plus de 50 % des cas et l’adjonction denoradrénaline devient nécessaire pour atteindre cet ob-jectif. La noradrénaline a des effets α prédominants avec une fai-ble stimulation β, en clinique, elle est la catécholaminedont l’effet presseur est le plus constant.L’adrénaline a des effets β à faibles doses (< 0,1 µg/kg/min),les effets α apparaissent avec l’augmentation des posologies.

La vasopressine et son analogue, la terlipressine, sont depuissants vasoconstricteurs. De faibles doses de vasopressine(0,01 à 0,04 U/min) ou de terlipressine (bolus de 1 à 2 mg)pourraient accélérer le sevrage des amines vasoconstrictiveset restaurer leur efficacité dans les chocs réfractaires. Cepen-dant, de nombreux points restent encore à préciser : choix dumoment de leur introduction, effet de leur association avec ladobutamine, effet sur les circulations régionales et sur la mor-

Tableau 4Principaux effets des catécholamines utilisées dans le choc septique.

Dopamine Noradrénaline Adrénaline Dobutamine

Pression artérielle ++ ++++ ++++ +/-

Fréquence cardiaque ++ + ++ ++

PAP + + - -

PAPO + ++ + +

Débit cardiaque ++(inconstants et imprévisibles)

+(inconstants et imprévisibles)

+++ ++

SvO2 + + - +/-

VO2 ++ + +++ ++

Augmentation lactatémie 0 0 ++ 0

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10 Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16

talité. De ce fait, actuellement, leur utilisation ne peut êtrerecommandée en dehors des chocs réfractaires.

Pendant longtemps, l’emploi des médicaments vasocons-tricteurs a été limité par la crainte d’effets presseurs exces-sifs pouvant être responsables de phénomènes ischémiques,en particulier dans le territoire splanchnique et rénal. En fait,ces craintes n’ont pas été confirmées lors de leur utilisationdans le choc septique. L’avantage d’une stimulation β-adré-nergique associée aux effets vasoconstricteurs α n’a pas étévalidée. Il n’y a pas de justification actuelle à l’associationsystématique d’un inotrope aux vasoconstricteurs.

3.2. Les traitements par agents inotropes positifs

La seule indication d’un traitement intrope est de corrigerune défaillance myocardique qui se traduit par un déséquili-bre de la balance DO2/VO2. Cette défaillance n’est constatéeque dans 10 à 20 % des sepsis graves.

L’indication des agents inotropes positifs, chez un patientayant bénéficié d’un traitement bien conduit (optimisationde la volémie, administration de vasopresseurs et correctiond’une éventuelle anémie) ne peut se justifier sur une valeurisolée de débit cardiaque. Il est indispensable qu’elle soit as-sociée à une valeur de la SvcO2 inférieure à 70 %.

Son efficacité doit être évaluée sur l’amélioration de laSvcO2, la baisse de la lactatémie et par la surveillance desparamètres évaluant la fonction myocardique.

La dopamine et la noradrénaline augmentent moins le dé-bit cardiaque que l’adrénaline et ce, de façon inconstante etimprévisible (Tableau 3).

Les effets de la dobutamine se manifestent essentielle-ment par une majoration de la fréquence cardiaque et del’inotropisme associée à une baisse significative des résis-tances vasculaires. La dobutamine semble posséder uneffet favorable sur la perfusion splanchnique dans sonensemble. Cet effet bénéfique paraît variable en fonctiondu stade évolutif (sepsis grave vs choc septique) et des trai-tements associés.

Au cours du sepsis grave et du choc septique, l’adrénalinepossède des effets hémodynamiques comparables à l’asso-ciation dobutamine et noradrénaline du fait de ses actions αet β mimétiques. Cependant, l’emploi de l’adrénaline s’ac-compagne d’un accroissement important de la VO2 et d’uneaugmentation significative de la lactatémie. Cet effet nesemble pas être d’origine hypoxique mais lié à une activa-tion métabolique musculaire et constitue l’équivalent d’uneépreuve d’effort qui peut être délétère dans les circonstancesoù les apports en oxygène sont limités.

Par contre, l’augmentation de la consommation en oxygènedu myocarde (MVO2) est commune à toutes les catécholami-nes à effet inotrope positif. L’utilisation de la dopexamine, del’isoprénaline, des inhibiteurs des phosphodiestérases et dulevosimendan n’est actuellement pas recommandée en raisond’un niveau de preuve insuffisant.

3.3. Particularités pédiatriques

Amines vasoconstrictives La dopamine est la catécholamine utilisée en première in-

tention en raison de ses propriétés inotropes et vasopressi-ves. Les effets indésirables décrits chez l’adulte (troubles durythme) ne sont pas rapportés chez l’enfant. Il n’existe pasde travail expérimental ou en clinique humaine pouvant per-mettre de recommander une amine plutôt qu’une autre chezl’enfant en dehors de la période néonatale. Cependant, iln’existe pas de raison physiologique pour que les effets deces médicaments soient différents chez l’enfant et l’adultetant en ce qui concerne la stimulation des récepteurs α et βque les effets sur les circulations régionales. La noradrénali-ne peut donc être utilisée en première intention.

VasodilatateursLes vasodilatateurs inhibiteurs de la phosphodiestérase

de type III ont été spécifiquement étudiés chez l’enfant. Leurutilisation peut être préconisée dans les situations de bas dé-bit cardiaque alors que les résistances systémiques sont éle-vées et la pression artérielle normale.

Question 4 : Quelle est la place des traitementscomplémentaires ?

L’utilisation des traitements complémentaires n’est à en-visager qu’après une prise en charge hémodynamique initia-le bien conduite de l’état septique grave.

4.1. L’hémofiltration

L’hémofiltration permet d’épurer de nombreuses molé-cules impliquées dans la réponse inflammatoire au cours desétats septiques sévères. Cependant, aucune donnée expéri-mentale ni clinique ne permet de relier l’élimination des mé-diateurs à une amélioration clinique hémodynamique. Afind’augmenter la clairance convective, des hauts débits(100 ml/kg/h) ont été récemment proposés.

Les données actuellement disponibles ne montrent pas debénéfice en terme de réduction de la mortalité. Il n’est paspossible de recommander l’utilisation de l’hémofiltrationpour la prise en charge hémodynamique du choc septique endehors d’une défaillance rénale associée, et ce d’autant plus

En pratiqueLe support hémodynamique du choc septique nécessite

par définition l’utilisation d’amines vasoconstrictrices.L’amine vasoconstrictrice la plus puissante, aux effets lesplus constants et bien documentés, est la noradrénaline.Elle doit donc être utilisée en première intention.

Lorsqu’un traitement inotrope positif devient nécessaire,l’adjonction de dobutamine à la noradrénaline permetd’adapter de façon séparée les composantes α et β-adréner-giques. L’adrénaline apparaît aussi efficace que l’associationdobutamine-noradrénaline mais ses effets métaboliques peu-vent restreindre son utilisation.

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Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16 11

que ces techniques (particulièrement l’UF à haut volume)n’ont pas fait la preuve de leur innocuité.

De même, les autres techniques d’épuration des média-teurs comme la plasmaphérèse, l’hémadsorption isolées ouen combinaison avec l’hémofiltration ne peuvent pas être re-commandées.

4.2. La protéine C activée recombinante humaine

La protéine C activée recombinante humaine est un trai-tement proposé dans le sepsis grave présentant au moinsdeux défaillances d’organes. Son emploi a été associé à uneréduction significative de la mortalité. Sur le plan plus spé-cifique de l’évolution de la défaillance hémodynamique, peude données sont disponibles sur l’effet de la protéine C acti-vée recombinante. Néanmoins, il semble exister une amélio-ration plus rapide de la défaillance cardiovasculaire dans legroupe traité par rapport au groupe placebo. En conséquen-ce, la protéine C activée recombinante humaine ne peut êtrerecommandée dans un but exclusif d’amélioration de l’étathémodynamique.

4.3. La corticothérapie

L’opothérapie substitutive par corticoïdes est proposée aucours du choc septique, car 50 à 60 % des patients présententune insuffisance surrénale relative à la phase précoce duchoc septique. Cette insuffisance surrénale nécessite d’êtreidentifiée précocement. Le dosage de la cortisolémie basalen’est pas pertinent du fait des grandes variations interindivi-duelles. Il est donc nécessaire de dépister l’insuffisance sur-rénale relative par la réalisation d’un test dynamique àl’ACTH (250 µg de Synacthène®). Si l’augmentation de lacortisolémie est inférieure ou égale à 9 µg/dl (∆ cortisolémiestimulée-cortisolémie basale), le patient présente une insuf-fisance surrénale relative (patient non répondeur) justifiantla poursuite du traitement. Dans le choc septique, seule l’uti-lisation thérapeutique de faibles doses d’hydrocortisone estbénéfique en terme de mortalité. Une utilisation précoce sipossible dans les 8 heures après le début du choc septique estrecommandée et ce sans attendre les résultats du test dyna-mique à l’ACTH. Il existe une amélioration de la défaillancehémodynamique qui se traduit par un sevrage plus rapide desamines vasoactives. L’hémisuccinate d’hydrocortisone à laposologie de 200 à 300 mg/j, en perfusion continue (mieuxtolérée sur le plan glycémique) ou répartie en 3 ou 4 injec-tions intraveineuses est recommandée. La durée de traite-ment est d’au moins 5 jours, suivie d’une décroissanceprogressive. À cette posologie, il n’a pas été rapporté d’aug-mentation du risque infectieux ou d’hémorragie digestive.L’hémisuccinate d’hydrocortisone possède une activitéintrinsèque minéralocorticoïde que ne possède pas la dexa-méthasone. Ceci pourrait justifier d’utiliser l’hémisuccinated’hydrocortisone seul. Il n’existe pas de données formellespermettant de recommander l’adjonction systématique defludrocortisone.

4.4. Autres traitements

Les inhibiteurs non sélectifs de la NO synthétase inducti-ble ont été proposés. Au cours du choc septique, ces inhibi-teurs induisent une hypertension artérielle pulmonaireassociée à une diminution de l’index cardiaque malgré uneélévation de la pression artérielle systémique. L’utilisationde ces molécules s’accompagnant d’une augmentation signi-ficative de mortalité, il n’est pas recommandé de les utiliserpour la prise en charge hémodynamique du sepsis grave.

Pour la prise en charge hémodynamique au cours du sep-sis grave, un certain nombre de traitements ont été proposésdont la pentoxiphylline, le phosphore, la naloxone et le sélé-nium. Cependant, à ce jour, aucun de ces traitements n’a faitla preuve de son efficacité dans ce contexte.

4.5. Particularités pédiatriques

CorticothérapieIl est recommandé de traiter par hydrocortisone (1 mg/kg

toutes les 6 heures), après dosage éventuel de la cortisolémieet test dynamique à l’ACTH :

tous les enfants avec un choc septique résistant au rem-plissage vasculaire et aux catécholamines ;les enfants ayant un Purpura fulminans, dès la phaseinitiale du choc ;les enfants ayant une insuffisance surrénalienne prou-vée ou ayant reçu une corticothérapie prolongée.

Protéine C activéeOn ne peut pas recommander actuellement un traitement par

protéine C activée chez l’enfant, sans étude complémentaire.

Hémofiltration et assistance extra-corporelle (ECMO)Faute d’études convaincantes, aucune recommandation

particulière ne peut être faite quant aux indications de l’hémo-filtration et de l’ECMO dans le choc septique de l’enfant.

Question 5 : Quelle est la stratégie thérapeutique àmettre en œuvre ?

L’amélioration du pronostic des états septiques graves estliée à plusieurs facteurs :

1) à la précocité du diagnostic ; 2) à l’application de protocoles thérapeutiques visant la

correction dans les meilleurs délais des anomalieshémodynamiques ;

3) au contrôle du foyer infectieux.L’optimisation hémodynamique précoce nécessite l’or-

ganisation formalisée d’une chaîne de prise en charge défi-nissant les intervenants, les critères d’alerte, les délais et leslieux. Cette stratégie doit tenir compte, au sein de chaqueétablissement de santé, des fonctionnements locaux et doitimpliquer, outre les services de réanimation, les unités demédecine préhospitalière, le service d’accueil des urgenceset les services d’hospitalisation classiques. Elle doit permet-

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tre une prise en charge dès l’apparition des signes de sepsisgrave et ce sur les lieux même de son identification.

La conduite à tenir suivante est recommandée, sauf détressevitale justifiant l’intervention immédiate d’un médecin compé-tent en réanimation.

5.1. Les 90 premières minutes : mesures d’urgenceet orientation des patients

Les mesures à prendre sont rappelées sur la figure 1, ellescomportent en particulier :

le diagnostic de sepsis grave à partir d’un référentielprédéfini (Tableau 1) ;la mise en place d’un monitorage minimal non invasif :oxymétrie de pouls, fréquence cardiaque, pression arté-rielle, fréquence respiratoire, diurèse (sondage urinaire) ;l’instauration systématique d’une oxygénothérapie avecun niveau de SpO2 recommandé supérieur à 95 % ;la mise en route immédiate d’un remplissage vasculaireau débit de 500 ml de cristalloïdes en 15 minutes,renouvelés jusqu’à obtention d’une PAM > 65 mmHg ;la réalisation des rélèvements sanguins nécessaires àl’évaluation des défaillances viscérales (gaz du sang arté-

riels, lactatémie, ionogramme sanguin comprenant l’uréeet la créatinine, numération formule sanguine, TP, TCAfibrinogène) et à la mise en route des traitements (hémo-cultures, groupe sanguin et bilan prétransfusionnel, pré-lèvements microbiologiques) ;

l’appel du médecin préalablement défini comme réfé-rent dans l’évaluation du sepsis grave.

Cette période doit avoir permis d’évaluer la réponseclinique au remplissage, le niveau des défaillances d’orga-nes associées et l’existence de facteurs aggravants liés auxcomorbidités et/ou à la nature de l’infection. Ces élémentsdéterminent l’orientation du patient :

a) patient en sepsis grave : résolution des signes clini-ques d’hypoperfusion, absence de comorbidité signi-ficative, type d’infection établi et de pronosticgénéralement favorable : transfert dans une unité pou-vant assurer une surveillance non invasive continueavec objectifs tensionnnels (PAM > 65 mmHg), et dediurèse (> 0,5 ml/kg/h), ainsi que le dépistage d’unedéfaillance viscérale. Tout objectif non atteint doitfaire discuter l’admission secondaire dans une unitéde réanimation.

Fig. 1. Algorithme de prise en charge initiale (pendant les 90 premières minutes).

Diagnostic de sepsis grave

Détresse vitale menaçante ?

• Monitorage : FC, PA, FR, diurèse• Oxygénothérapie pour SpO2 > 95 %• Bilan sanguin (lactates) et bactériologique• Cristalloïdes : 500 ml/15’ pour PAM > 65 mmHg• Appel référent

nonoui

Hypoperfusion clinique ?

PAM < 65 mmHg ?

Lactatémie > 4 mmol/l ?

Comorbidité ?

Étiologie péjorative ?

Admissionréanimation

non

• Unité de surveillance continue

• Poursuite monitorage non invasif + diurèse

PAM< 65 mmHg ?

Diurèse< 0,5 ml/kg/h ?

et

non

non

non

non

et

et

et

oui oui

ou

ou

ou

ou

oui

oui

oui

oui

oui

nonet

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Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16 13

b) patient en choc septique : persistance totale ou partielledes signes d’hypoperfusion clinique, lactatémie initialesupérieure à 4 mmol/l, présence de comorbidité significa-tive, de signes de défaillance viscérale, type d’infectionindéterminé ou aggravant le pronostic. La présence del’un de ses facteurs conduit à l’admission d’emblée dansune unité de réanimation.

5.2. Au cours des 6 heures suivantes

Les thérapeutiques sont initiées ou poursuivies afind’atteindre des objectifs mesurables fiables et hiérarchisés(Fig. 2). Si un objectif n’est pas atteint, la thérapeutique estguidée par des moyens diagnostiques complémentaires.

5.2.1. Les objectifsdisparition des signes cliniques d’hypoperfusion : mar-brures, troubles de conscience ;obtention d’une PAM > 65 mmHg : il n’existe pas debénéfice supplémentaire à viser un objectif de PAMplus élevé. Un niveau supérieur de PAM chez les pa-tients hypertendus chroniques pourrait sembler logiquemais ne peut être recommandé du fait l’absence d’étudespécifique ;obtention d’une diurèse > 0,5 ml/kg/h, en l’absence dediurèse osmotique ou d’administration de diurétique ;maintien d’une SvcO2 > 70 % : sa mesure permet la dé-tection d’une baisse du débit cardiaque ou d’une anémieet incite à des explorations et interventions thérapeuti-ques complémentaires ;maintien d’un taux d’hémoglobine entre 8 et 9 g/dl.

5.2.2 Investigations complémentairesCes investigations sont entreprises lorsque l’un ou l’autre

des objectifs précédemment décrits ne sont pas atteints, ils’agit alors :

de l’évaluation de la réserve de précharge : la poursuite duremplissage vasculaire est guidée par les paramètres dyna-miques (Tableau 3) et modulée selon la survenue d’une dé-faillance rénale et/ou respiratoire ;de l’évaluation de la fonction cardiaque : mesure du débitcardiaque et d’indices de contractilité.

5.2.3. Les traitementsLe remplissage vasculaire doit être poursuivi durant les6 premières heures sur les objectifs précédemment défi-nis. La rapidité de correction du déficit volémique est unélément crucial de prévention des défaillances d’organesultérieures. La perfusion continue d’amines vasoconstrictrices est in-diquée devant la non obtention des objectifs de PAM et/ou de diurèse fixés. Un niveau de PAS < 70 mmHg et/oude PAD < 40 mmHg incitent à l’introduction d’embléedes amines vasoconstrictrices associée au remplissage dufait du risque de désamorcage de la pompe cardiaque.L’introduction d’un traitement inotrope positif n’est passystématique et doit être discutée devant l’échec à l’acqui-sition des objectifs. La perfusion d’agent inotrope positif

est débutée sur des données authentifiant une défaillancemyocardique (dysfonction ayant un retentissement surdes paramètres d’alerte tels que PAM, diurèse, SvcO2).

Le traitement substitutif par hémisuccinate d’hydrocorti-sone est initié, après réalisation d’un test dynamique àl’ACTH et sans en attendre les résultats.

Le recours à la ventilation mécanique est préconisé etgénéralement réalisé en cas de défaillance respiratoire et/ou neurologique. Cependant, la ventilation mécaniquepeut accentuer les répercussions de l’hypovolémie.

5.2.4. Les moyens

Cathéter central : sa pose est le plus précoce possiblepar voie jugulaire ou sous-clavière, au mieux dansl’heure suivant l’admission en réanimation. Il permetd’assurer une perfusion fiable des catécholamines surune voie dédiée, de mesurer en continu la SvcO2 ou d’eneffectuer des mesures ponctuelles. Il permet enfin dedétecter des valeurs seuil de PVC (< 5 mmHg) en des-sous desquelles un bénéfice d’un remplissage supplé-mentaire peut être attendu.

Cathéter artériel : par une mesure continue, il permet unemeilleure détection des épisodes hypotensifs et amélioreainsi le contrôle de l’objectif thérapeutique. Il autorisedes prélèvements sanguins itératifs et le monitorage d’in-dices dynamiques d’estimation de réserve de précharge.Son délai de mise en place doit être d’autant plus courtque l’état hémodynamique est précaire. Le site d’inser-tion est généralement radial. La voie fémorale est envisa-gée dans les cas d’hypotension sévère, de positivité dutest d’Allen ou lorsque la mesure du débit cardiaque parthermodilution par voie transpulmonaire est envisagée.

Examens biologiques : la répétition avant la sixièmeheure du bilan initial permet de mesurer la SvcO2 (sielle n’était pas monitorée), de juger de la nécessitéd’une transfusion globulaire et de suivre l’évolution desparamètres de défaillance d’organes. La réalisation d’untest dynamique à l’ACTH peut y être adjoint. L’évolu-tion de la lactatémie est un bon indice pronostique enl’absence d’insuffisance hépato-cellulaire grave. À cetitre, la lactatémie reflète l’efficacité des interventionsthérapeutiques et l’évolution naturelle de la maladie.

Moyens d’évaluation de la fonction myocardique :selon l’équipement, les choix et les compétences au seinde chaque service, elle sera réalisée par le cathétérismecardiaque droit, l’échocardiographie Doppler, le débitcardiaque transpulmonaire ou le Doppler aortiquetransœsophagien. Les contre-indications ou la présenced’un facteur limitant l’application d’une de ces techni-ques doit faire préférer une méthode alternative.

Le contrôle du foyer infectieux (imagerie médicale, pré-lèvements bactériologiques, acte chirurgical, ablationd’un cathéter infecté…) doit être assuré dans cettemême période et ne doit pas être retardé par le respectdes délais définis précédemment.

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5.3. Au-delà de ces 6 heures : adaptation des traitementsinitiaux et discussion des thérapeutiques adjuvantes

Les objectifs thérapeutiques précédents demeurentvalides.Traitement vasoconstricteur : la décroissance des dosesde vasoconstricteurs doit être envisagée lorsque la sta-bilité des objectifs thérapeutiques est persistante et cesous couvert d’une réévaluation régulière de la réserve deprécharge. La persistance d’un état de choc réfractaire à

toute tentative thérapeutique peut amener à titre de sau-vetage, à proposer un traitement de recours par vaso-pressine ou terlipressine. L’hémisuccinate d’hydrocortisone est arrêté si lepatient est répondeur au test dynamique à l’ACTH, ildoit être poursuivi au moins 5 jours dans le cas contraire. L’adaptation de l’antibiothérapie et l’éradication desfoyers infectieux sont fondamentales pour l’amélio-ration des défaillances, dont la défaillance hémodyna-mique.

Fig. 2. Prise en charge de la phase secondaire (pendant les 6 heures suivantes).

Admission réanimation

Hypoperfusionclinique

•Intubation-ventilationSi encéphalopathie ou polypnée

•Pose KTC

PAM < 65 mmHg

Diurèse < 0,5 ml/kg/h

Test ACTH

Opothérapiecorticoïdes

•Noradrénalinetitrée pour PAM > 65 mmHg

•Pose KTA

PAS < 70 mmHgou

PAD < 40 mmHg

Poursuite remplissage

PVC <5mmHg

Hg < 8 g/dl

Transfusion

Patient répondeur

Arrêtcorticoïdes

SvcO2 < 70%

Indices decontractilitémyocardique

Indices deréserve de précharge

Dobutamine(adrénaline)

Remplissage

oui

non

oui

ouinon

oui

oui

non

oui

OBJECTIFS ATTEINTS

•Réévaluation permanente•Contrôle de l’infection

non

non

non

non

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Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16 15

5.4. Particularités pédiatriques

5.4.1. OrganisationAfin d’améliorer le pronostic, la prise en charge initiale et

l’organisation du transfert en réanimation pédiatrique doi-vent faire l’objet de protocoles écrits, disponibles dans tousles services d’urgences susceptibles de prendre en chargedes enfants (Fig. 3).

5.4.2. Objectifs thérapeutiquesLes objectifs thérapeutiques sont comparables à ceux de

l’adulte mais doivent être atteints plus rapidement en

raison d’un retard fréquent au diagnostic. Ainsi, l’objectifest la restauration de la pression de perfusion tissulairechez tout enfant en état de choc dans l’heure suivant sonarrivée aux urgences. Celle-ci peut être extrapolée à partirde la PAM dont les valeurs cibles doivent tenir compte del’âge. Elle est appréciée également par la perception despouls distaux, les extrémités roses et chaudes, le temps derecoloration < 3 secondes, la normalisation de l’état deconscience en l’absence de sédation. Chaque heure addi-tionnelle passée en état de choc est associée à un double-ment de la mortalité.

Fig. 3. Particularités de la prise en charge du sepsis grave de l’enfant.

Reconnaître l’état de choc.Assurer une ventilation efficace et mise en place d’accès vasculaire(s)

Perfuser 20 ml/kg de sérum salé à 9 ‰ en bolus, répétés si besoin jusqu’à 60 ml/kg au cours de la première heure. Injecter les antibiotiques

Envisager vasopresseur si hypotension sévère

Choc répondantà l’expansion volémique

Choc réfractaire au remplissage vasculaire

Observation en réanimationOu surveillance continue

Transfert en réanimationIntubation sous sédation et analgésie

Cathétérisme veineux centralNoradrénaline (dopamine)

Sondage vésical / cathétérisme artériel

Choc réfractaire au remplissage vasculaire et amines vasopressives

Echographie-doppler cardiaqueNoradrénaline ± dobutamine ou adrénaline

Ajuster posologie pour normaliser PAM pour l’âgeMaintenir la SvcO2 > 70%

Envisager transfusionPrélever la cortisolémie de base ± test à l’ACTH

hydrocortisone 1 mg/kg/6h

Choc résistant aux catécholamines

Monitorage continu du débit cardiaque si possible

PAM normaleIC

SvcO2 < 70%

Adapter le remplissage vasculaireAjouter inhibiteur PDE III

PAM basseIC

SvcO2 < 70%

Adapter le remplissage vasculaireAjuster la posologie de

dobutamine ou d’adrénaline

PAM basseIC N ou

SvcO2 > 70%

Adapter le remplissage vasculaireAjuster la posologie de noradrénaline

Choc résistant de façon persistante aux catécholamines

Adapter remplissage vasculaire, inotropes, vasopresseurs, vasodilatateurs ± vasopressine

Choc réfractaire au traitement médical – ECMO ?

H 0

H4

PRÉ

RÉA

RÉA

NIM

ATIO

N

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16 Conférence de consensus commune Sfar, SRLF (2006) 4–16

5.4.3. MoyensLes moyens utilisés pour guider la prise en charge théra-

peutique sont sensiblement identiques à ceux utilisés chezl’adulte. Néanmoins, le monitorage invasif peut être limitépar des contraintes liées à la taille de l’enfant (moins de2 ans, < 15 kg). L’accès vasculaire fémoral est souvent pri-vilégié.

5.4.4. TraitementsLa prise en charge débute quel que soit le lieu (urgences

ou domicile par le Smur) par la mise en place d’un accès vei-neux périphérique. La voie intra-osseuse constitue une alter-native transitoire. Simultanément, la surveillance parélectrocardioscopie, oxymétrie de pouls et de la pression ar-térielle est débutée. La température est mesurée. Le remplis-sage vasculaire est immédiatement initié par des bolusrépétés de 20 ml/kg administrés en 10 minutes et dont l’effi-cacité est jugée sur des paramètres cliniques simples : fré-quence cardiaque, pression artérielle, temps de recoloration,niveau de conscience. La persistance d’un état de choc aprèsun remplissage vasculaire initial de 60 ml/kg impose un trai-tement vasopresseur (dopamine ou noradrénaline) et letransfert en réanimation.

Un traitement antibiotique probabiliste doit être instituédans tous les cas très précocement. En particulier, en cas desuspicion de meningococcémie, il est débuté avant tout pré-lèvement bactériologique, quel que soit l’état hémodynami-que du patient.

Si l’arbre décisionnel pédiatrique est proche de celui del’adulte, les particularités suivantes sont à signaler :

la nécessité plus fréquente de recourir à un traitement ino-trope par la dobutamine ;

l’adaptation du schéma posologique de la corticothérapie(1 mg/kg d’hydrocortisone toutes les 6 heures) ;

l’intérêt éventuel d’un traitement vasodilatateur (inhibi-teur des phosphodiestérases de type III), lorsque le traite-ment inotrope et vasopresseur associé à un remplissageoptimal est inefficace, dans les situations où la SvcO2 restebasse avec une pression artérielle systémique maintenue etun index cardiaque bas ;

en cas de choc persistant à toutes les thérapeutiques possi-bles, le recours à l’ECMO peut être envisagé.

6. Conclusion

En conclusion, le jury de ce consensus a cherché à attein-dre deux objectifs :

simplifier les principes thérapeutiques utiles pour lespatients en sepsis grave ;

souligner l’importance de l’organisation de la prise encharge de ces patients. Il semble fondamental de se fixerdes objectifs faciles à quantifier en gardant en permanenceà l’esprit l’urgence de la correction des défaillances.

Si certaines données seront probablement à actualiserdans les années à venir à la lumière des résultats des nom-breuses études prospectives en cours, les principes d’organi-sation de cette prise en charge resteront eux inchangés.

Ce travail n’aurait été possible sans le comité d’organisa-tion, le groupe bibliographie, les conseillers scientifiques etles experts. Enfin, les membres du jury tiennent à soulignerla qualité de l’assistance secrétariale dont ils ont bénéficié etqui a permis la réalisation rapide de ce travail.