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Louis Quéré Au juste, qu'est-ce que l'information ? In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 331-357. Résumé Cet article examine les tentatives de reconceptualisation de la notion d'information qui ont eu lieu récemment dans les recherches cognitives et la psychologie de la perception. Ainsi disposons-nous aujourd'hui, à côté du concept ordinaire et du concept mathématique d'information, d'un concept naturaliste et d'un concept écologique. L'auteur évalue le parti que l'on pourrait tirer de ces innovations pour l'analyse de la communication en sciences sociales, ainsi que pour le développement d'une théorie de l'action située. Abstract This article examines recent attempts by cognitive research and the psychology of perception to reconceptualize the notion of information. Along with the ordinary and the mathematical concepts of information, we now have a naturalist and an ecological concept. The author evaluates the way in which these innovations could be used to analyse communication in the social sciences and to develop a theory of situated action. Citer ce document / Cite this document : Quéré Louis. Au juste, qu'est-ce que l'information ?. In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 331-357. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_2000_num_18_100_2227

Quéré_qu'Est-ce Que l'Information

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Information, Simondon

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  • Louis Qur

    Au juste, qu'est-ce que l'information ?In: Rseaux, 2000, volume 18 n100. pp. 331-357.

    RsumCet article examine les tentatives de reconceptualisation de la notion d'information qui ont eu lieu rcemment dans lesrecherches cognitives et la psychologie de la perception. Ainsi disposons-nous aujourd'hui, ct du concept ordinaire et duconcept mathmatique d'information, d'un concept naturaliste et d'un concept cologique. L'auteur value le parti que l'onpourrait tirer de ces innovations pour l'analyse de la communication en sciences sociales, ainsi que pour le dveloppement d'unethorie de l'action situe.

    AbstractThis article examines recent attempts by cognitive research and the psychology of perception to reconceptualize the notion ofinformation. Along with the ordinary and the mathematical concepts of information, we now have a naturalist and an ecologicalconcept. The author evaluates the way in which these innovations could be used to analyse communication in the social sciencesand to develop a theory of situated action.

    Citer ce document / Cite this document :

    Qur Louis. Au juste, qu'est-ce que l'information ?. In: Rseaux, 2000, volume 18 n100. pp. 331-357.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_2000_num_18_100_2227

  • AU JUSTE, QU'EST-CE QUE

    L'INFORMATION ?

    Louis QUERE

    Rseaux n 100 - CNET/Herms Science Publications - 2000

  • Si tout organisme est environn d'informations, c'est tout simplement qu'il y a partout autour de lui de l'organisation, et que celle-ci, du fait mme de sa diffrenciation, contient de l'information. L'information est dans la nature, et son existence est donc indpendante de l'activit de ces donneurs de sens que sont les interprtes humains1.

    Le lecteur s'tonnera peut-tre que l'on puisse encore soulever une telle question, car cela voudrait dire que lorsque nous parlons de traitement de l'information, nous caractrisons notre socit comme

    une socit de l'information, ou attribuons l'information comme fonction certaines de nos institutions, nous ne comprenons pas vraiment ce que nous disons ou ce que nous faisons2. C'est d'ailleurs sans doute en partie le cas, y compris lorsque nous produisons des analyses dites scientifiques, en particulier en sciences sociales. La notion d'information dont celles-ci se servent est pour l'essentiel emprunte l'usage ordinaire, et il est rare qu'elle fasse l'objet d'une vritable conceptualisation. Certes, nous disposons aussi du concept d'information labor par la thorie mathmatique de la communication, mais ce concept n'est pas facilement transposable au domaine socio-historique, et quand il y est appliqu il contient des paradoxes qui font douter de son adquation. Alors comment respcifier le concept d'information pour en faire un outil analytique des sciences sociales ?

    Je voudrais esquisser une rponse cette question en partant de l'examen d'une nouvelle tentative de conceptualisation de l'information : celle qui a t faite, ces dernires dcennies, dans le domaine des recherches cognitives. Les spcialistes de la cognition ont en effet considr que, pour rendre compte de l'intelligence, en particulier de celle implique dans les

    l.DUPUY, 1994, p. 126. 2. Je remercie Paul Beaud, Patrice Flichy et Christian Licoppe pour leurs remarques et suggestions sur une premire version de ce texte. Merci aussi Marc Relieu qui a veill mon intrt pour la thorie de la perception de Gibson.

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    comportements orients, qui ne sont pas rservs l'homme, il convenait de dvelopper un concept d'information diffrent de ceux que nous fournissait soit le langage ordinaire, soit la thorie mathmatique de la communication, savoir un concept naturaliste. Prsente schmatiquement, l'ide sous- jacente est qu'un organisme ne peut manifester un comportement orient que dans la mesure o il est en relation informationnelle avec son environnement et o l'information qu'il y puise joue un rle dterminant dans le contrle de sa conduite. Cette information est suppose d'emble disponible et perceptible dans l'environnement. Elle constitue une denre objective . Elle ne requiert ni un agent cognitif, dot de connaissances et capable d'apprendre, ni un acte de communication ou de transmission de messages. Toute objective qu'elle soit, cette information n'est cependant pas absolue : elle demeure relative aux systmes forms par le couplage d'organismes d'un certain type avec leur environnement.

    Les recherches cognitives actuelles enrichissent ainsi la palette de nos concepts d'information. Mais il est craindre que cet enrichissement ne soit d'aucune utilit pour les sciences sociales. Peut-tre faut-il alors orienter dans une autre direction la recherche d'un concept d'information plus appropri aux sciences sociales. Tel est du moins le point de vue que je dfendrai. Pour esquisser une telle orientation, je m'appuierai sur l'apport de la psychologie cologique de J. Gibson, que je reformulerai l'aide d'outils emprunts d'un ct la thorie de l'enqute de J. Dewey, de l'autre la problmatique de l'individuation de G. Simondon.

    L'INFORMATION COMME DENREE OBJECTIVE

    Le constat de dpart des recherches cognitives est que nous trouvons beaucoup d'informations dans notre environnement pour organiser notre exprience et que ces informations n'impliquent ni acte de connaissance ni transmission de messages. Ce constat ne vaut pas seulement pour les humains ; il concerne aussi beaucoup d'organismes vivants. De quel type sont les informations ainsi immdiatement disponibles dans l'environnement ? Ce sont des informations fondes sur des invariances, c'est--dire sur des relations constantes et rgulires entre des faits, des vnements ou des situations : si deux faits sont corrls par une ncessit quelconque, alors l'un est porteur d'informations sur l'autre. Ainsi, l'orientation de la girouette dtermine par la direction du vent indique-t-elle cette direction. Dans le mme ordre d'ide, la monte du mercure dans le

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    thermomtre indique une hausse de la temprature dans la pice ; le nombre de cercles sur la coupe du tronc de l'arbre que l'on vient d'abattre indique son ge ; la couche de glace sur la bassine d'eau laisse dehors pendant la nuit indique que la temprature est descendue au-dessous de zro ; l'allumage du clignotant de la voiture qui me prcde indique qu'elle va tourner droite ou gauche, ou s'arrter sur le bord de la chausse. Dans tous ces cas, un tat de choses, un fait, une situation ou un vnement vhicule une information sur un autre tat de choses, un autre fait, une autre situation ou un autre vnement (qui peut tre pass ou futur). Ce qui peut s'noncer formellement comme suit : le fait que r est indique le fait que s est F. C'est ce que P. Grice appelait la signification naturelle d'un signe, qui est de l'ordre de l'indication : la fume signifie le feu ; le virage au rouge d'un papier imprgn de tournesol signifie la prsence d'acide dans le liquide dans lequel il a t plong.

    La capacit d'information lie la relation d'indication repose sur une rgularit ou une systmaticit des enchanements entre phnomnes. Il y a possibilit d'information ds lors que ces enchanements sont rgis par des contraintes (j'emprunte ce terme la smantique des situations). Ces contraintes sont de diffrentes sortes, qui vont de la dpendance nomique la convention culturelle. Ainsi, le vent dtermine-t-il l'orientation de la girouette par un mcanisme causal que l'on peut dcrire en termes physiques et dont on peut noncer les lois mcaniques. De mme, la hausse de la temprature dtermine-t-elle causalement la monte du mercure dans le thermomtre par dilatation du liquide, ou la baisse de la temprature au- dessous de zro le changement d'tat de l'eau. Par contre, l'information vhicule par l'allumage du clignotant repose sur un autre type de contrainte, celui des rgles et des conventions : c'est bien en vertu d'une convention, et d'une rgle du code de la route, que l'allumage d'un clignotant indique normalement un arrt ou un changement de direction.

    Si l'on adopte un point de vue naturaliste strict, qui ne prend en considration que des relations de ncessit naturelle ou des corrlations nomiques entre phnomnes, on dira que l'information vhicule par un support quelconque est la converse d'une relation causale . De mme que si Marie est la mre de Thomas, il s'ensuit, par conversion de la proposition, que Thomas est le fils de Marie (c'est l'exemple type de la relation converse), de mme, si le vent dtermine causalement la direction de la girouette, il s'ensuit, par une conversion similaire, que l'orientation de

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    celle-ci indique d'o souffle le vent : c'est parce que est la cause de e, que e vhicule une information sur ; e vhicule une information sur si et seulement si cause e. En d'autres termes, tout effet porte une information sur sa cause ds que l'un et l'autre sont lis par une ncessit naturelle : c'est parce que le nombre d'anneaux sur la coupe d'un tronc d'arbre est causalement li au nombre de cycles annuels de croissance qu'il indique l'ge de l'arbre.

    Si l'on n'adopte pas un point de vue naturaliste strict, on admettra d'autres formes de contraintes ou de rgularits que la causalit ou la dpendance nomique, par exemple celles des ncessits logiques, analytiques ou mathmatiques, celles des conventions sociales, culturelles, linguistiques, etc., et celle des rgles et des institutions. En un sens ce sont ces rgularits systmatiques ou ces contraintes qui sont les canaux de l'information.

    Une condition importante pour que de telles informations puissent exister dans l'environnement est que les enchanements entre phnomnes soient non seulement rguliers mais aussi univoques : si le changement de position de la girouette pouvait tre provoqu aussi bien par le changement de temprature de l'air ou de son humidit que par la direction du vent, la girouette ne vhiculerait pas d'information dtermine. Pour qu'une information soit vhicule par un indicateur, il faut que l'on puisse infrer coup sr, et de manire univoque, un tat du monde (la direction du vent) de l'tat de l'indicateur (l'orientation de la girouette).

    D'autres conditions sont requises. L'une d'elles est une familiarit ncessaire avec les contraintes qui rgissent les enchanements de phnomnes. Celui qui n'est pas habitu ou accord ces contraintes ne peut pas saisir l'information vhicule par les faits ou les vnements qu'elles relient : celui qui ne sait pas que l'eau gle en dessous de zro ne tirera aucune information d'ordre mtorologique de la perception d'une couche de glace sur la bassine d'eau qu'il a laisse dehors pendant la nuit ; celui qui ne sait pas qu'il n'y a pas de fume sans feu ne pourra pas infrer l'existence d'un feu de la perception de fume ; celui qui ne sait pas se servir d'une girouette ne pourra pas dterminer la direction du vent en constatant sa position, etc. L'usage de verbes tels que savoir et infrer dans les exemples prcdents ne doit cependant pas faire supposer qu'un sujet cognitif est requis : nombre d'organismes vivants sans esprit saisissent l'information prsente dans l'environnement travers la seule perception de

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    rgularits ou d'invariances. Certains philosophes (Barwise et Perry par exemple3) ont emprunt Gibson sa notion attunement to constraints pour prvenir ce genre de supposition : il y a de l'information dans l'environnement pour un organisme accord ses contraintes ou qui est l'unisson de ses invariances et entre en rsonance avec elles.

    Parmi les autres conditions requises figurent aussi des conditions auxiliaires, surtout lorsque les indicateurs sont des artefacts. Imaginons que l'aiguille de la jauge essence sur le tableau de bord de ma voiture ne monte pas. Cela peut vouloir dire que le rservoir est vide. Mais il se peut aussi qu'il n'y ait plus de batterie ou que le fusible du circuit d'alimentation lectrique de la jauge ait fondu. On peut encore imaginer que la jauge soit compltement dcalibre. Bref, la capacit d'information d'un indicateur dpend de conditions auxiliaires comme son fonctionnement normal ou sa bonne calibration. On pourrait dire que ces conditions concernent l'tat du canal, plutt que l'tat de la source.

    Jusqu' prsent je n'ai introduit que des exemples relatifs des humains, qui peuvent donner penser que l'information est une affaire d'infrence ou de raisonnement. Mais un des objectifs de cette approche naturaliste de l'information est de montrer qu'un esprit n'est pas requis pour constituer ou saisir les informations prsentes dans l'environnement. Pour cela, elle remplace, autant que faire se peut, les inferences par des dterminations causales. Ainsi, peut-on expliquer en termes purement causaux la capacit d'organismes sans esprit de s'orienter dans leur environnement et d'y atteindre des buts. Par exemple, la perception de la prsence d'un poisson sous la surface de l'eau peut causer un certain tat interne chez le fou de Bassan, qui lui indiquera la prsence d'un poisson dans son primtre de pche ; cette information pourra dterminer causalement son comportement (plonger en suivant une certaine trajectoire). Dit en termes plus formels : un tat de choses externe F peut provoquer systmatiquement, par un mcanisme strictement causal, un tat interne (un tat du cerveau, par exemple, ou une hausse du niveau hormonal) ; cet tat interne indique l'tat externe F. A son tour, cette information peut provoquer causalement un comportement dtermin.

    3. Voir BARWISE, 1989 ; ISRAEL et PERRY, 1990.

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    Un tel argument introduit en fait un nouveau type de causalit, appel causalit informationnelle : C'est en vertu du contenu informationnel F qu'il indique, que l'tat interne produit le mouvement M4. Bref, un contenu informationnel indiqu par un support quelconque en vertu d'une causalit physique de premier ordre peut jouer un rle causal dans le contrle d'un comportement dtermin. Je ne m'tendrai pas toutefois sur cette attribution d'un pouvoir causal l'information ainsi dfinie, car mon intention n'est pas de discuter les stratgies de naturalisation du sens et de l'intentionnalit qui s'appuient sur cette ide de causalit informationnelle introduite par le philosophe F. Dretske.

    Quelles sont les principales caractristiques du concept d'information ainsi redfini ? Je ferai provisoirement abstraction des diffrences qu'il peut y avoir entre un point de vue naturaliste strict (ou matrialiste-causaliste) - celui de Dretske, par exemple - un point de vue smantique - celui des promoteurs de la smantique des situations (Barwise et Perry) - et le point de vue de la psychologie cologique - celui de Gibson, entre autres, sur lequel je reviendrai plus loin. - L'information requiert un support qui indique quelque chose de diffrent de lui-mme : ce sont essentiellement des faits, des tats de chose, des situations ou des vnements qui vhiculent de l'information. Un objet peut aussi constituer le support d'une information, mais via la dtermination causale de l'tat dans lequel il se trouve : c'est relativement un fait ou une situation (tre dans une position dtermine) que la girouette indique la direction du vent. -L'information vhicule par un fait ou une situation est relative une contrainte (une loi, une dpendance nomique, une convention...) : c'est relativement une contrainte - l'action du vent sur la surface de la girouette, relevant des lois de la mcanique - que la girouette indique la direction du vent. Sans une conjonction systmatique et univoque de deux ou plusieurs faits, vnements, situations, on ne peut pas considrer l'un comme indiquant l'autre ; ce n'est donc pas en raison de ses proprits intrinsques qu'un fait peut contenir une information. - L'information est de nature relationnelle : un fait ne vhicule pas une information sur lui-mme mais sur un autre fait ; l'information contenue dans une situation ou un vnement est au sujet d'une autre situation ou d'un

    4. PROUST, 1997, p. 140.

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    autre vnement. La relation informationnelle tient entre des faits, des tats de chose, des situations ou des vnements. - Le contenu informationnel d'un fait ou d'une situation est une proposition vraie (ds lors que la relation informationnelle est la converse d'une relation systmatique entre des faits ou des situations ) : le fait qu'il y ait cinquante anneaux sur la coupe du tronc de l'arbre indique la proposition vraie que l'arbre a cinquante ans . Ce qui n'empche pas qu'il soit possible de se tromper dans l'identification du contenu informationnel d'une situation : la glace dans la bassine dehors peut dater de plusieurs jours, y avoir t dpose par quelqu'un ou tre tombe du ciel, si bien que je peux me tromper en infrant de sa prsence que la temprature qu'il a fait la nuit dernire a t infrieure zro. -L'information vhicule par un support est diffrente de l'information transmise : alors que la premire vit sa vie dans le monde, indpendamment de tout observateur, la seconde implique un rcepteur et est relative lui, en particulier aux informations dont il dispose dj. L'information transmise dpend de la rserve de connaissances du rcepteur, tandis que l'information vhicule ne dpend que du fait d'tre accord aux contraintes d'un environnement ou d'tre l'unisson avec elles. -L'information peut concerner des situations ou des vnements loigns dans l'espace et dans le temps : le trou creus dans le sol par la chute d'un mtorite il y a plusieurs milliers d'annes informe sur ce qui s'est pass l'poque cet endroit. - L'information peut aussi tre au sujet d'objets particuliers qui ne sont pas spcifis par l'indicateur. Le vtrinaire qui a examin la radio qu'il a faite de la patte de mon chien, Ulysse, a vu qu'elle tait casse ; mais cette radio lui indiquait une fracture sur la patte d'un chien, pas sur celle d'Ulysse. C'est parce qu'il savait par ailleurs, par une connaissance collatrale , qu'il s'agissait de la radio de la patte d'Ulysse, que cette radio lui indiquait qu'Ulysse avait la patte casse. Pour que la radio en question vhicule une telle information spcifie, il a fallu qu'une connexion soit tablie entre cette radio dtermine et l'objet spcifique dont elle tait la radio. - Une seule et mme information peut tre vhicule par des faits diffrents : le vtrinaire a pu faire la mme inference en palpant la patte du chien qu'en examinant la radio qu'il en a faite. - Une seule et mme information peut tre code de diffrentes faons, entre autres de faon digitale ou de faon analogique, une distinction de Dretske

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    reprise par P. Jacob5 : la radio vhicule, de manire analogique, l'information qu'Ulysse a la patte casse ; elle prsente, travers des nuances de noir et de blanc, toute une gamme d'informations, dont celle qu'il s'agit de la fracture d'un os de la patte d'un chien ; mais le vtrinaire voit aussi qu'il s'agit de tel type de fracture sur tel os de telle patte de telle race de chien ; il extrait donc de la radio, et de l'information sensorielle large et inclusive qu'elle prsente, une information plus spcifique par un processus de digitalisation, qui fait intervenir des connaissances, des catgories, des concepts, etc. Dans le langage de Dretske, on dira que le contenu smantique de l'indicateur, rsultant de la digitalisation, est plus troit ou plus spcifique que son contenu informationnel , qui, lui, est de nature analogique. La digitalisation est un processus de traitement de l'information visant la spcifier, donc l'appauvrir slectivement. -C'est une chose de vhiculer une information, c'en est une autre d'en transmettre une. Mais c'en est encore une autre avoir une information : le vtrinaire qui a dcouvert que mon chien a une patte casse dtient dsormais une information, qu'il peut me communiquer, de mme qu'il peut dsormais agir de manire approprie, faire ce qu'il convient de faire, compte tenu de l'information qu'il a (et moi de mme). On dira que l'information dtenue affecte (ou peut affecter) la conduite.

    L'INFORMATION ENTRE SAVOIR ET COMMUNICATION

    En quoi ce concept naturaliste d'information diffre-t-il des concepts habituels ? Il se distingue d'abord du concept ordinaire. En quoi consiste ce concept ordinaire ? Informer quelqu'un c'est le mettre au courant de quelque chose, lui faire connatre un vnement, une situation ou un tat de choses dtermin. Etre inform est la fois un tat et un vnement. Un tat, car tre inform c'est savoir, voire savoir ce qu'il faut savoir (aspect normatif). Un vnement, car tre inform c'est apprendre quelque chose, ce qui a lieu dans le temps, a une dure plus ou moins brve, a un dbut et une fin, et ne se produit qu'une fois : si j'ai appris en lisant le journal que la Grande- Bretagne a dcid de renvoyer Pinochet au Chili, je ne pourrai pas l'apprendre une seconde fois en regardant le journal tlvis quelques heures plus tard. L'information n'aura pas disparu en tant qu'tat, elle aura disparu comme vnement. N. Luhmann relie ces deux aspects en disant que l'information est un vnement slectif : elle slectionne et change les

    5. JACOB, 1997.

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    tats d'un systme , en fonction d'une structure. L'information est toujours une information pour un systme , dans lequel elle produit des effets structuraux en liminant une incertitude au sujet du monde6. Ce caractre vnementiel de l'information tend cependant tre gomm dans l'usage courant du concept.

    Qu'elle soit envisage l'actif ou au passif, comme tat ou comme vnement, l'information, en son sens ordinaire, met en jeu un sujet pistmique, c'est--dire un sujet dot de connaissances, muni d'attentes et capable d'apprendre sur les tats de chose, les situations et les vnements du monde, de former des penses leur sujet et de communiquer ce qu'il sait, ce qu'il a appris ou ce qu'il a form comme penses. Les philosophes dfinissent le sujet pistmique comme un agent qui peut avoir des attitudes propositionnelles : quelqu'un qui croit que p, sait que p, ne sait pas que p, pense que p, juge que p, doute que p, craint que p, espre que p, s'attend ce que p, etc. L'information n'est autre que ce qu'un agent ayant des attitudes propositionnelles peut apprendre7. En termes plus formels, elle correspond au contenu propositionnel exprim par la compltive d'un nonc comportant un verbe d'attitude propositionnelle. Par exemple,^ sais, pour l'avoir appris par Le Monde du 19 janvier 2000, que Jean-Pierre Chevnement veut 'mettre la mthode au service de l'motion' , en ce qui concerne la lutte contre la mare noire sur la cte atlantique.

    Imaginons qu' la place de cet nonc on en ait eu un autre, ayant la mme condition de vrit (seule aurait vari la prsentation du rfrent du nom- sujet de la phrase) : Le ministre de l'Intrieur veut 'mettre la mthode au service de l'motion'. Celui qui ignorerait que J.-P. Chevnement est le ministre actuel de l'Intrieur pourrait admettre le premier nonc et refuser le second. C'est, protesterait-il, J.-P. Chevnement et non pas au ministre de l'Intrieur qu'il faut attribuer cette intention louable. Par contre, pour celui qui ignorerait tout de J.-P. Chevnement, par exemple un tranger de passage en France, n'ayant jamais entendu parler jusque-l de notre actuel ministre de l'Intrieur et n'ayant pas d'attentes particulires son gard, l'nonc ne signifierait pas autre chose que : une personne nomme J.-P. Chevnement a tenu tel propos bien frapp tel jour tel endroit.

    6. LUHMANN, 1995, p. 67. 7. JACOB, 1997, p. 61.

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    On peroit ainsi quel point la valeur informative d'un message dpend des connaissances (toujours changeantes), des attitudes propositionnelles et des attentes du rcepteur : l'nonc pris comme exemple induit des croyances et des penses trs diffrentes selon ce que sait ou ne sait pas, croit ou ne croit pas, pense ou ne pense pas, attend ou n'attend pas, imagine ou n'imagine pas (au sujet de Chevnement et de la mare noire) le lecteur du journal. Pour saisir, dans sa subtilit, le contenu de pense exprim par cet nonc, il doit, entre autres, savoir quelque chose, par connaissance collatrale , de la rputation et de l'histoire du personnage mis en scne. Mais il faut aussi qu'il sache interprter l'nonc de presse comme il convient, c'est--dire trouver le bon contexte permettant de saisir sa teneur de signification, par exemple percevoir le brin d'ironie que comporte la narration journalistique. Il faut enfin qu'il sache dans quelles circonstances le propos rapport a t mis. Ces circonstances sont dcrites dans l'article qui rapporte le propos : celui qui le lit apprend que le ministre de l'Intrieur tait en dplacement en Bretagne pour exposer son plan de nettoyage systmatique de la cte atlantique souille par le ptrole de Erika un mois aprs le naufrage, rappeler les engagements de l'Etat et prsenter les nouveaux moyens mobiliss pour faire front la mare noire.

    Si le concept ordinaire d'information suppose un sujet pistmique, ayant des attitudes propositionnelles et capable d'apprendre, il suppose donc aussi un processus de communication et des oprations la fois d'organisation du message et de calcul de sa valeur informative ou de sa teneur de signification. Prcisment, cette double dpendance n'existe plus dans la conception naturaliste de l'information, et les attitudes propositionnelles d'un sujet pistmique cdent la place Yattunement d'un organisme aux contraintes, aux rgularits ou l'organisation de l'environnement.

    Il me semble que c'est aussi ce concept pistmique ordinaire qui est utilis par la plupart des analyses sociologiques, mme lorsque l'information est redfinie en termes de data ou de donnes. Dans l'ouvrage qu'il a rcemment consacr au mode informationnel de dveloppement qui caractrise, ses yeux, les socits en rseaux , M. Castells prcise rapidement, par souci de clart, dit-il dans une note du chapitre 1, ce qu'il entend par information. Il reprend son compte une dfinition de M. Porat, dans son ouvrage classique sur l'conomie de l'information : L'information ce sont des donnes qui ont t organises et

  • Au juste, qu'est-ce que l'information ? 343

    communiques8. Aujourd'hui il est devenu courant de considrer les informations comme des data. Ce terme est suffisamment vague pour inclure des formes trs diverses de connaissances. Il privilgie implicitement les rsultats d'oprations d'abstraction, de mesure et de quantification appliques aux processus dmographiques, conomiques, politiques, sociaux, etc. Les data sont essentiellement des donnes quantifies, considres comme isoles, compltes, autonomes9. Le problme avec ce genre de data est cependant, comme nous le verrons plus loin, qu'ils ne peuvent pas, en cet tat d'isolement, vritablement constituer des informations.

    La conception naturaliste ne se distancie pas seulement du concept ordinaire d'information. Elle carte aussi le concept dvelopp par la thorie mathmatique de la communication, bien qu'elle en reprenne certains aspects. En effet, l'information n'y est plus thmatise en fonction d'un problme d'organisation d'un message en vue d'une communication ou d'une transmission. La thorie de Shannon et Weaver, on le sait, dfinit l'information en termes de probabilit : l'information est l'inverse d'une probabilit ; elle est nulle quand l'tat de choses ou l'vnement sur lequel elle porte tait totalement prvu ou prvisible, ou bien absolument dtermin d'avance. Une telle prvisibilit ou une telle dtermination rend inutile l'envoi d'un message. Il n'y a de sens adresser un message que si son objet n'est pas connu. C'est pourquoi l'information comporte un lment de surprise (qui peut tre plus ou moins grand) : elle s'carte de ce qui tait attendu10. Par ailleurs, dans cette thorie, l'information n'est dfinissable que dans un systme comportant une source, un canal et un rcepteur, donc trois quantits d'information. Ces quantits sont mesurables, l'aide de l'unit de mesure, lie une dcision binaire, qu'est le bit : grosso modo, La quantit d'information associe une situation donne est fonction du nombre de possibilits antcdentes et de la probabilit associe chacune de ces possibilits11.

    L'information, dans cette perspective, est ce qui apporte une rponse la question du rcepteur : quel est l'tat de la source ? Comme l'crit

    8. CASTELLS, 1998, p. 38. 9. Je laisse ici de ct le concept technique de data, qui dsigne des bits d'information que l'on peut transporter ou tlcommuniquer . 10. LUHMANN, 1990. 11. PACHERIE, 1993, p. 216.

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    G. Simondon, qui cherche tirer parti de la thorie mathmatique de l'information pour rviser la conception de la forme avance par la psychologie de la Gestalt : Dans la thorie de l'information, on considre en fait (...) comme fondamentale la relation entre un metteur et un rcepteur qui ont besoin d'une corrlation, si bien que l'information est ce par quoi un certain systme, le rcepteur, peut se guider sur un autre systme, l'metteur ; on pourrait dire que le but du passage d'information, c'est de resserrer la corrlation entre l'metteur et le rcepteur, de rapprocher le fonctionnement du rcepteur de celui de l'metteur12. Simondon remarque cependant que, applique au domaine psychologique et sociologique, cette thorie probabilitaire contient un paradoxe, qui affaiblit sa porte : Plus la corrlation entre l'metteur et le rcepteur est troite, moins est grande la quantit d'information. Ainsi, par exemple, dans un apprentissage totalement ralis, l'oprateur n'a besoin que d'une trs faible quantit d'information venant de l'metteur, c'est--dire de l'objet sur lequel il travaille, de la machine qu'il conduit13. Et Simondon de conclure qu'il faudrait apporter un terme non probabilitaire la thorie de l'information pour pouvoir la transposer dans le domaine psychologique et sociologique, c'est--dire raisonner non plus en termes de quantit d'information mais de qualit, de tension d'information ou d' intensit d'information , une orientation qui, comme nous le verrons, n'est pas trs loigne de celle de Gibson.

    Plutt que de transformer dans cette direction la thorie mathmatique de l'information, les thoriciens naturalistes ont tent de formuler autrement sa constitution probabilitaire. Par exemple, dans son ouvrage de 1981, Dretske dfinissait en termes de probabilits le contenu informationnel d'un indicateur : Un signal r est porteur de l'information que s est F si et seulement si la probabilit conditionnelle que s soit F, tant donn r, est gale l14. Le fait qu'un bout de papier imbib de tournesol vire au rouge lorsqu'il est plong dans un liquide vhicule l'information que celui-ci est acide si et seulement si la probabilit que le liquide soit acide, tant donn le rougeoiement du papier imbib de tournesol, est gale 1. Ce qui veut dire aussi que l'indicateur ne vhicule d'information que si toutes les possibilits alternatives ou les autres causes possibles du rougeoiement ont t limines. Cette probabilit gale 1 dfinit en quelque sorte l'univocit de l'indicateur ou du signal. Mais, comme le fait remarquer E. Pacherie, cette univocit n'a

    12. SIMONDON, 1989, p. 51. 13. Id., p. 51. 14. D'aprs la traduction de PACHERIE, 1993, p. 215.

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    rien de probabilitaire puisqu'elle procde d'une corrlation nomique : c'est parce que la mise en contact des deux objets provoque invitablement une raction chimique d'un certain type, obissant des lois dtermines, que l'enchanement des deux vnements est ncessaire (donc de probabilit gale 1) et que l'tat d'un indicateur (le rougeoiement du tournesol) peut vhiculer une information sur un tat de choses (l'acidit du liquide). II y a quelque chose de trompeur dans la dfinition qui est donne par Dretske du contenu informationnel. En dfinissant (celui-ci) en termes de probabilits, il occulte en fait l'essentiel. Le fait qu'un signal ne puisse tre porteur de l'information que s est F que si la probabilit que s est F, tant donn le signal, est 1 n'est qu'une consquence d'un fait plus important, savoir qu'un signal ne peut tre porteur de l'information que s est F que s'il existe une corrlation nomique entre les proprits du signal et les proprits de la source. C'est donc cette dernire condition qui est en fait la condition essentielle d'une dfinition du contenu informationnel15.

    Cette critique rejoint la perspective de Gibson, qui consiste lier l'information la perception plutt qu' la communication, et concevoir la saisie d'informations dans l'environnement comme une affaire de dtection visuelle d'invariants structurels : La saisie de l'information ne doit pas tre conue comme un phnomne de communication. Le monde ne parle pas l'observateur (...). Des mots ou des images vhiculent de l'information, la transportent ou la transmettent, mais l'information que comporte l'ocan d'nergie qui nous entoure (...) n'est pas vhicule. Elle est simplement l (...). La supposition que l'information peut tre transmise et emmagasine convient la thorie de la communication, pas celle de la perception (...). L'information pour la perception ne peut malheureusement pas tre dfinie et mesure comme peut l'tre l'information de Claude Shannon16.

    Gibson veut non seulement librer l'information du scheme technologique de la transmission, mais aussi, comme Simondon, remdier, par une approche renouvele de la perception, certaines difficults de la thorie de la forme esquisse par la psychologie de la Gestalt. Dans sa thorie, l'information devient la composante essentielle de la perception, et par l, de l'organisation d'une conduite ajuste l'environnement. Prcisons que Gibson aborde la perception du point de vue d'un organisme en situation et en mouvement, explorant son environnement pour y trouver des points

    15. Id., p. 219. 16. GIBSON, 1979, p. 242-243.

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    d'appui lui permettant de dterminer son comportement. Sparant nettement la perception de la sensation, il soutient que ce qu'un tel organisme peroit directement ce sont les affordances des objets, des vnements, des personnes ou des situations, leur signification ou leur valeur d'usage, ce qu'ils suggrent ou sollicitent comme actions ou ce qu'ils dissuadent de faire, plutt que leurs qualits ou leurs proprits intrinsques17. Ces affordances, qui sont des proprits fonctionnelles pertinentes pour l'action, sont spcifies par des informations contenues dans l'environnement.

    D'un point de vue cologique, l'information est donc ce qui spcifie , slectionne ou individualise, des affordances en vue de l'organisation d'une conduite. Disponible dans l'environnement, elle peut tre saisie par un systme perceptuel. Un systme perceptuel se distingue d'un appareil sensoriel en ce qu'il se dfinit par une activit : regarder, couter, sentir, goter. . . Cette spcification se fait par la dtection d'invariants structurels, de proprits permanentes ou d'identits persistantes dans le flux des stimuli environnants : Nous pouvons dire que celui qui peroit spare ce qui change de ce qui ne change pas, fait attention ce qui reste la mme place et ce qui bouge, ou voit l'identit continue des choses en mme temps que les vnements (changeants) auxquels elles participent. Comment le fait-il ? Quelle est l'information pour la persistance et le changement ? Il faut rpondre comme suit : celui qui peroit extrait les invariants structurels du flux de stimulation, tout en faisant attention ce flux18. Et plus loin : Je suggre que le systme perceptuel se contente d'extraire les invariants du flux ; il entre en rsonance avec la structure invariante ou est l'unisson de celle-ci19. Saisir l'information est donc un processus actif, consistant extraire du flux des stimuli les invariants structurels qui sont des proprits permanentes de l'environnement, entrer en rsonance avec eux, de faon rtablir un quilibre dans le systme form par l'organisme et son environnement.

    Ce concept cologique d'information partage manifestement un certain nombre de traits avec le concept naturaliste prsent supra. La perception

    17. Le terme affordance est un nologisme invent par Gibson pour traduire en anglais un terme allemand forg par Kurt Lewin pour exprimer l'ide, formule par Koffka, l'un des fondateurs de la Gestalt Psychologie, que la signification ou la valeur des choses est perue aussi immdiatement que leur couleur. Ce terme est : Aufforderungscharakter, soit le caractre d'appel, d'invitation ou d'exhortation ( faire telle ou telle chose), que prsente un objet ou une situation. 18. GIBSON, 1979, p. 247. 19. Id., p. 249.

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    d'invariants structurels pour spcifier les affordances est du mme ordre que la saisie d'informations partir des corrlations rgulires et contraintes entre tats ou entre vnements. Cependant, pour les naturalistes, l'information est d'ordre physique, tandis que, pour les gibsoniens, elle est d'ordre cologique : les uns et les autres conoivent diffremment les phnomnes d'organisation qui engendrent de l'information20. Par ailleurs les gibsoniens s'efforcent de distinguer capacit d'indication et capacit de spcification, et lient l'information plus la spcification qu' l'indication. Un signe, un geste par exemple, indique quelque chose d'autre que lui- mme, attire l'attention d'un observateur sur un objet ou sur une affordance de l'environnement : il a une capacit d'indication21. La capacit de spcification est autre chose : l'information, que Gibson oppose aux sensations, spcifie les proprits fonctionnelles ou les valeurs d'usage des objets, et, plus largement, les affordances dans l'environnement de l'observateur (elle spcifie d'ailleurs aussi l'observateur lui-mme, la proprioception tant base sur une information de type cologique et non pas sur une perception interne).

    Qu'est-ce que cela veut dire ? Un exemple banal de mprise informationnelle donn par Gibson peut aider comprendre cette capacit spcifiante de l'information. Il nous arrive parfois de heurter une porte vitre ferme parce que nous la prenons pour une porte ouverte dans laquelle on peut passer. Dans ce cas, dit Gibson, Y affordance de la collision n'a pas t spcifie par l'information contenue dans la texture optique du champ, ou insuffisamment spcifie. Nous avons pris du verre pour de l'air, avec Y affordance de traverse que ce dernier prsente. Les contours de la porte dlimitant le passage ont par contre t bien spcifis , mais l'imminence d'une collision n'a pas t releve, parce qu'il y a eu mprise dans l'identification de ce qu'il y avait dans ces contours : une barrire imperceptible a t spcifie comme air et non comme barrire. Une petite salet sur la vitre, ou une

    20. Dans son trs beau livre sur la cyberntique comme source des sciences cognitives actuelles, Aux origines des sciences cognitives, J.-P. Dupuy relve la filiation du concept naturaliste d'information avec la cyberntique : (...) Pour ce qui est de Wiener et de ceux qui le suivent (...), ils ont fait de l'information une grandeur physique, arrachant au domaine des transmissions de signaux entre humains. Si tout organisme est environn d'informations, c'est tout simplement qu'il y a partout autour de lui de l'organisation, et que celle-ci, du fait mme de sa diffrenciation, contient de l'information. L'information est dans la nature, et son existence est donc indpendante de l'activit de ces donneurs de sens que sont les interprtes humains. (DUPUY, 1994, p. 126.) 21.REED, 1986 et 1988.

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    poigne sur la porte, nous aurait vit cette msaventure, parce qu'elle nous aurait informs de la situation et nous aurait fait spcifier Yaffordance de la collision plutt que celle du passage22. Tel est le type d'information, prsent dans l'environnement et contenu dans la lumire , comme le dit Gibson, qui contribue spcifier les affordances. En revanche, un criteau comportant la mention attention la porte vitre aurait eu une capacit d'indication plutt que de spcification.

    On voit ainsi que l'information et sa fonction de spcification entrent en jeu dans ce qu'on peut appeler les oprations d'individuation des objets, des vnements ou des situations, c'est--dire les oprations qui slectionnent leurs qualits et dterminent leur valeur fonctionnelle ou leur signification pour l'organisation d'une conduite oriente, ajuste l'environnement et aux circonstances. C'est dessein que j'emploie l'expression opration d'individuation , car la reconceptualisation de l'information tente par Simondon, qui j'emprunte cette expression, prsente un certain nombre de points communs avec la dmarche de Gibson.

    IL N'Y A PAS D'INFORMATION SANS UNE SITUATION D'INFORMATION

    Malgr plusieurs convergences videntes, le concept naturaliste et le concept cologique d'information ne sont pas ordonns exactement au mme projet. Le premier est destin fonder une entreprise philosophique de naturalisation de l'esprit et de l'intentionnalit, et d'inscription du domaine du sens dans l'empire de la nature23, tandis que le second apparat dans un programme psychologique de rforme de la thorie de la perception. Ce qui donne penser qu'il est sans doute illusoire de viser un concept unifi d'information et que la pluralit conceptuelle est, en cette matire comme en d'autres, invitable et irrductible, car lie la pluralit des programmes de recherche, des thories et des cadres interprtatifs. La question se pose cependant de savoir si les dveloppements conceptuels et thoriques que je viens d'voquer peuvent servir aux sciences sociales, en particulier l'analyse de la communication sociale, et si le concept d'information qu'ils proposent peut tre partiellement substitu, en tant que concept analytique,

    22. GIBSON, 1979, p. 142. 23. Voir ce sujet TIERCELIN, 1998.

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    au concept ordinaire (qu'il n'est en aucune faon question de rformer) ou au concept mathmatique.

    De ce point de vue, il me semble que le concept naturaliste et le concept cologique ne prsentent pas le mme intrt et n'ont pas la mme valeur. Tel qu'il est actuellement dvelopp dans le cadre des diffrents programmes de naturalisation de Fintentionnalit, le premier n'a que peu d'intrt pour les sciences sociales, sauf adhrer une conception matrialiste, voire physicaliste ou biologiste, des choses du monde socioculturel, comme celle actuellement propose par D. Sperber et nombre de psychologues et d'anthropologues cognitifs, ou penser qu'il est important aujourd'hui de disposer d'une thorie causale du sens et de ses effets24. Mais on peut douter que les sciences sociales doivent tre fondes sur la psychologie cognitive, et celle-ci sur la physique, la biologie ou la neurophysiologie. Il en va diffremment pour le concept cologique de Gibson et des gibsoniens, qui tente de rinscrire l'information dans son cadre cologique et dans sa dynamique naturelle : l'information est ce qui permet de spcifier des proprits de l'environnement pertinentes pour l'action ; elle est le fait d'un organisme qui se dirige et se meut dans un milieu organis et polaris, qu'il explore sans l'objectiver ou en faire un objet de connaissance. Il reste cependant que ce modle prsente des lacunes importantes lorsqu'on veut l'appliquer l'analyse de l'exprience d'agents qui organisent leurs conduites dans un environnement socioculturel, et que son hypothse centrale, que l'information est contenue dans la lumire ambiante, est trs problmatique25.

    Une rponse circonstancie la question de savoir quel peut tre l'apport de ces nouveaux concepts d'information aux sciences sociales exigerait un long dtour - il conviendrait par exemple d'examiner le type d'approche de la communication que l'on peut dvelopper partir de la smantique des situations26 ou de la smantique informationnelle de Dretske. Mais on peut formuler comme suit l'argument autour duquel on pourrait l'articuler. Le concept ordinaire d'information qui sert de ressource analytique aux sciences sociales, lorsqu'elles abordent la communication sociale ou les processus de mise en rseau du social, prsente trois inconvnients majeurs : faire dpendre l'information de la communication, la rapporter la prsupposition

    24. Pour une critique radicale de ce projet, voir DESCOMBES, 1995 et 1996. 25. Voir SHARROCK et COULTER, 1998 ; QUERE, 1999. 26. Voir RECANATI, 1997, par exemple sur la question de l'indexicalit.

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    d'un sujet pistmique individuel, et l'abstraire de la dynamique naturelle de sa gense et des oprations auxquelles elle participe. D'ordre exclusivement cognitif, l'information devient ainsi une ralit isole et autonome, stocke et traite par des agents mus par divers intrts de connaissance (souvent subordonns d'autres intrts). Cette conception est aussi lie une vision dtermine de l'acteur social, essentiellement un agent dsengag et dsincarn, qui tient de lui-mme ses capacits diverses, et ne se rapporte son environnement, aux objets, vnements et informations qu'il comporte, que dans une posture d'objectivation, d'utilisation, voire de matrise ou d'accumulation. La notion de data, qui sert aujourd'hui dfinir l'information en sciences sociales, porte cet isolement, ce dsengagement et cette abstraction leur comble.

    Or l'intrt des conceptions naturalistes et cologiques est qu'elles permettent de mettre en question ce genre de prsupposs et qu'elles montrent qu'il n'y a d'information ou de donnes que situes. Ainsi la cognition est-elle considre comme distribue dans l'environnement. Les objets et les artefacts effectuent une partie non ngligeable des oprations travers lesquelles l'agent acquiert la connaissance qu'il a des vnements et des tats de chose et configure sa conduite (ce clou a aussi t bien enfonc par Michel Callon et Bruno Latour). Les informations et les significations sont, pour une part importante, immdiatement disponibles dans le milieu comme choses directement perceptibles et ne dpendent pas d'actes de connaissance, de communication, de donation de sens ou d'interprtation de sujets pistmiques. Mais cette disponibilit immdiate n'implique prcisment pas qu'elles soient des data.

    C'est un point que J. Dewey avait clairement soulign dans sa thorie de l'enqute. La dtermination ou la mobilisation d'une information se fait dans un certain champ ou dans une situation : C'est un moyen d'identifier une situation par rfrence au problme soumis l'enqute. La production ou la slection d'une donne est donc contrle par le problme que pose la situation et la ncessit de dterminer les conditions qui, hic et nunc, indiquent la direction dans laquelle il doit tre rsolu . En ce sens, les data ne sont prcisment pas des donnes : ils sont pris plutt que donns . Ce qui est donn, au sens strict, c'est le champ total, la situation totale . Les informations ne sont donc ni isoles, ni compltes, ni autonomes : Etre une donne [ou une information - L. Q.], c'est avoir une fonction particulire dans le contrle de l'objet de l'enqute. Cela implique la fixation

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    du problme de faon indiquer la solution possible. Cela aide fournir la preuve qui prouve la solution qui est hypothtiquement accepte27.

    Cette relativit de l'information une situation, et l'enqute qui vise rduire son indtermination en vue de produire un comportement intgr et appropri, est prcisment ce sur quoi Gibson et Simondon ont aussi mis l'accent. Plus haut, j'ai voqu la convergence des dmarches du psychologue amricain et du philosophe franais. L'un comme l'autre veulent reconceptualiser la notion d'information autour de la notion de forme, en se dgageant du scheme technologique de la transmission et de la rception de messages et en inscrivant l'information au cur de la problmatique perceptive. Pour l'un comme pour l'autre il n'y a pas d'information en dehors d'un processus orient de spcification 'affordances ou d'individuation d'objets, d'vnements ou de situations. Il faut qu'il y ait une situation d'information pour qu'il y ait information. Cependant, cette relativit de l'information n'est pas antinomique de son objectivit.

    Pour Simondon, qui, comme le note J.-P. Dupuy, appuie sa rflexion sur une abondante littrature cyberntique , avec laquelle il prend cependant ses distances28, il y a situation d'information ds lors que se constitue un systme form par un sujet orient et le champ ou l'environnement polaris dans lequel il s'oriente. Ce systme est en quilibre mtastable ou dynamique, c'est--dire qu'il comporte d'un ct des tensions et des incompatibilits, qu'il s'agit de rduire pour restaurer l'quilibre, de l'autre un potentiel de structuration. Il faut introduire une organisation pour transformer les tensions en une structure stable, provoquer une prise de forme pour rsoudre les problmes d'incompatibilit. L'information est ce qui contribue inventer une telle organisation ou dclencher une telle prise de forme. Mais l'information n'est pas de la forme. Pour bien comprendre ce qu'est l'information, il faut donc d'abord la rapporter au type d'opration dont elle fait partie, savoir une opration d'individuation : L'information doit tre comprise dans les conditions vritables de sa gense, qui sont les conditions mme de l'individuation dans lesquelles elle joue un rle : l'information est un certain aspect de l'individuation ; elle exige qu'avant elle, pour qu'elle soit comprise comme ayant un sens (...), il y ait un certain potentiel ; le fait qu'une information est vritablement information est

    27. DEWEY, 1993, p. 191-192. 28. DUPUY, 1994, p. 130.

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    identique au fait que quelque chose s'individue29. II faut ensuite la dfinir en termes d'intensit plutt que de quantit : II semble que ni le concept de 'bonne forme' [dvelopp par la thorie de la Gestalt - L. Q.], ni celui de quantit d'information pure [dvelopp par la thorie mathmatique - L. Q.] ne conviennent parfaitement pour dfinir la ralit information. Au-dessus de l'information comme quantit et de l'information comme qualit existe ce que l'on pourrait nommer l'information comme intensit (...) L'intensit d'information suppose un sujet orient par un dynamisme vital : l'information est alors ce qui permet au sujet de se situer dans le monde. Tout signal peru possde en ce sens un coefficient d'intensit possible, grce auquel nous corrigeons tout instant notre situation par rapport au monde dans lequel nous sommes (...). Le sujet peroit de manire accrotre non la quantit de signaux d'information ni la qualit d'information, mais l'intensit d'information, le potentiel d'information d'une situation. Percevoir c'est, comme le dit Norbert Wiener, lutter contre l'entropie d'un systme, c'est organiser, maintenir ou inventer une organisation (...). Percevoir est retenir la plus grande quantit de signaux possibles dans les formes les plus profondment ancres dans le sujet ; ce n'est pas seulement saisir des formes ou enregistrer des donnes multiples juxtaposes ou successives30 (...). Enfin, il convient de bien prciser, d'une part, le rapport de l'information aux rgularits de l'environnement, d'autre part, le rapport de la saisie d'information l'extraction d'invariants structurels : L'information (...) est mi-chemin entre le hasard pur et la rgularit absolue. On peut dire que la forme, conue comme rgularit absolue, tant spatiale que temporelle, n'est pas une information mais une condition d'information ; elle est ce qui accueille l'information, l'a priori qui reoit l'information. La forme a une fonction de slectivit. Mais l'information n'est pas de la forme, ni un ensemble de formes, elle est la variabilit des formes, l'apport d'une variation par rapport une forme. Elle est l'imprvisibilit d'une variation de forme, non la pure imprvisibilit de toute variation31.

    29. SIMONDON, 1989, p. 234-235 ; soulign par moi. 30. Id., p. 88-90 ; soulign par moi. 31. SIMONDON, 1969, p. 137.

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    POUR CONCLURE

    Les sciences sociales n'ont sans doute pas prt une attention suffisante l'information, ni suffisamment explicit le concept d'information qu'elles utilisent32. Les recherches voques ci-dessus obligent remettre en question nombre d'vidences en la matire, en particulier distendre le lien habituellement tabli entre d'un ct l'information et la communication, de l'autre la connaissance, et rviser la prsupposition courante selon laquelle les conduites sont contrles par un sujet pistmique capable de recevoir et de traiter de l'information, conue comme donne isole et complte, en fonction de ses attitudes propositionnelles . Il reste maintenant en tirer les implications pour l'tude de la communication sociale. me semble que ces implications concernent aussi bien la comprhension du phnomne de la communication en gnral que celle de l'organisation sociale de l'exprience, celle de l'exprience publique en particulier.

    Le premier type d'implication a dj t relev par N. Luhmann. Si l'information n'est pas directement lie la communication ou la connaissance, mais l'individuation perceptive des vnements et des situations et au maintien d'un quilibre dans le systme form par un organisme orient et son environnement polaris, il faut sans doute aussi concevoir la communication autrement : La communication n'est pas du tout ce qu'on la considre habituellement (...), c'est--dire un processus de 'transfert' de significations ou d'informations33. Elle n'est pas transfert de significations, car, dans la communication, les significations constituent un arrire-plan actualis en commun, et ne sont donc pas transmises ; elles sont ce qui permet la rgulation rciproque de surprises , ou encore, ce qui fait qu'un vnement a valeur d'information (par rapport des formes ou des structures qui existent dj). Et elle n'est pas transfert d'informations, s'il est vrai que l'information participe l'invention d'une organisation et est de l'ordre de l'vnement, et qu'une opration d'organisation et un vnement ne sont pas le genre de choses que l'on peut transfrer, transporter ou transmettre.

    Si la communication ne transmet ni significations ni informations, qu'effectue-t-elle donc ? Elle socialise les surprises , nous rpond, ajuste titre, Luhmann. Car ce qui se passe dans la communication sociale est beaucoup plus un processus de normalisation d'informations qu'un

    32. Voir cependant CONEIN et THEVENOT, 1997. 33. LUHMANN, 1990, p. 2.

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    processus de transmission. L'information est normalise au sens o elle est traite en fonction de significations sociales dj existantes, couramment acceptes. C'est ce qui se passe en gnral lorsque se produit un vnement non attendu, ou qui va rencontre d'attentes tenues pour allant de soi : il est normalis, c'est--dire typifi, compar des vnements passs du mme type, insr dans un champ problmatique dj constitu, dot d'une texture matrisable de causes et d'effets, rendu a posteriori plus ou moins prvisible ( on pouvait s'y attendre ), son occurrence rapporte un ordre ou un autre de ncessit. La normalisation s'effectue ainsi par une attribution de valeurs de normalit (Garfinkel), qui va de pair avec une enqute sur ce qui s'est pass, et une exploration de la situation cre ou rvle. Elle rduit la contingence des vnements et l'indtermination des situations en les traitant comme des variations par rapport des invariants structurels ou des formes qu'elle extrait de l'environnement social. Elle est sans doute le mode prdominant de traitement de l'information et de production de significations. C'est en ce sens que l'on peut dire, avec Luhmann, que la communication assure la socialisation des surprises , plutt que la diffusion de l'information.

    Une telle normalisation de l'information est aussi au cur de l'organisation sociale de l'exprience en gnral, de l'exprience publique en particulier. C'est un point qui demanderait un long dveloppement. Par exprience publique , j'entends le processus d'organisation de l'action collective qui se fait, dans notre forme de socit, travers l'exploration publique des vnements qui arrivent et des situations problmatiques qu'ils crent ou rvlent, ainsi qu' travers la configuration, par et dans le discours public, des rponses que les uns et les autres appellent, sur un arrire-plan d'exigences, de principes, de valeurs ou d'attentes de normalit tenus pour allant de soi. Contrairement l'histoire que nous nous racontons collectivement depuis le moment o se sont imposes la socit des individus , ses institutions politiques et sa reprsentation du lien social, la vise de ce processus n'est pas - ou pas principalement - la diffusion de l'information pour clairer le jugement et la dcision du citoyen-acteur rationnel, ou l'impliquer dans la gestion des affaires publiques. Elle est bien plus l'individuation des vnements contingents et la dtermination des situations problmatiques par leur normalisation. Celle-ci permet d'organiser une action collective ou publique destine rsoudre les tensions, incompatibilits et ruptures d'quilibre qu'introduisent aussi bien lesdits vnements et situations que les consquences indsirables, intentionnelles

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    ou non intentionnelles, des initiatives des acteurs individuels et collectifs qui affectent les conditions du vivre-ensemble . A ce niveau aussi, on peut dvelopper l'ide que l'information est ce qui spcifie les significations et les valeurs fonctionnelles, bref les affordances, des vnements, des conduites et des situations dans un environnement particulier, celui qu'engendrent les formes de rflexivit et les dispositifs d'action collective spcifiques notre type de socit. Sur une telle base, c'est une tout autre histoire que nous devrions nous raconter sur ce qui en est en jeu dans la communication sociale.

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    PlanL'information comme denre objective L'information entre savoir et communication Il n'y a pas d'information sans une situation d'information Pour conclure Rfrences