Rapport e Commerce

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CATHERINE BARBA

2020 : la n du e-commerce

ou lavnement du commerce connect ?

Avec le soutien du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (Direction Gnrale de la Comptitivit, de l'Industrie et des Services)

2020 : la n du e-commerce ou lavnement du commerce connect ?CATHERINE BARBA

P R FA C E 2020, la n du e-commerce ? Ainsi pose, la question peut paratre quelque peu droutante : elle peut laisser entendre que lvolution fulgurante de la vente en ligne, initie il y a maintenant quinze ans et anime par la formidable dynamique que nous connaissons tous, pourrait prendre un jour n horizon dix ans. Derrire ce titre se cache une autre ralit. Non pas celle de la mort du commerce en ligne, mais plutt celle de la n de la distinction articielle entre e-commerce et commerce. Nous en avons la conviction : les consommateurs de demain ne connatront pas cette dichotomie entre lachat en ligne et lachat magasin. Ils prendront les bons cts du e-commerce : la recherche facilite, le gain de temps, le fait de pouvoir commander 24 heures sur 24, les avis clients et de lachat de proximit dont la dimension humaine et physique restera primordiale : le contact avec un vendeur, la possibilit de voir les dtails dun produit, limmdiatet de la possession, la scnarisation de loffre et du parcours client Le commerce de demain permettra naturellement un acheteur de rechercher un produit sur un support digital, de dcider sil veut lacheter en magasin ou en ligne, partir dun terminal xe ou portable, de se le faire livrer ou le retirer dans un magasin prs de chez lui, bncier dun SAV prs de chez lui ou aller le retirer dans un point relais, un point de vente ou chez un particulier. Le e-commerce sera une exprience dachat totalement intgre la vie relle.

Le monde marchand de demain sera plus complexe car il sera plus ouvert. Et il oblige ds aujourdhui les dcideurs penser vite, multicrans et cross-canal pour faire entrer en cohrence le online et le ofine. La n de la dualit entre commerce et e-commerce marquera lavnement dune nouvelle re : celle du commerce connect . Magasins physiques et virtuels seront plus que jamais connects entre eux, et connects sur lextrieur, crant ainsi une proximit nouvelle avec les consommateurs. Face ces perspectives pleines de promesses, la rgulation du ecommerce devient aussi un enjeu majeur. Elle se doit daccompagner le dveloppement du e-commerce, de fournir un environnement stable, quilibr, responsabilisant, et qui permettra la fois de sceller la conance des consommateurs, et dencourager les entreprises investir dans la voie de linnovation et du progrs an de rpondre aux exigences du commerce de demain. La Fevad, travers cette tude prospective ralise par Catherine Barba, avec le soutien de la DGCIS et le concours de nombreux acteurs et experts, vous propose de tracer les grandes lignes dhorizon de ce que sera le paysage e-commerce dans 10 ans. Cette dmarche sinscrit dans le cadre de laction mene par la Fevad en faveur de la connaissance et de la comprhension des tendances venir dans le e-commerce. Elle tmoigne de son engagement au service du dveloppement durable et thique de lconomie numrique, dont le prsent rapport prsente toute la richesse daujourdhui et les extraordinaires promesses de demain.Marc Lolivier

SOMMAIREPrface IntroductionP. 4 P. 8

1. LES DBUTS DU E-COMMERCE : LES ENSEIGNEMENTS DES 15 PREMIRES ANNES1.1. 1.2. 1.2.1. 1.2.2. 1.2.3. 1.3 Les grands jalons de lhistoire Les enjeux du e-commerce dhier Le prix La prsence sur Google La qualit de la livraison Le nouvel Internet 2.0. est en marche P. P. P. P. P. P. 14 35 35 37 38 39

2. LE-COMMERCE EN 2011 : LES FONDAMENTAUX IMMUABLES ET LES INNOVATIONS QUI POURRAIENT TOUT CHANGER2.1. 2.2. Donnes de cadrage 2010 en Europe Larrive des enseignes et des marques fait du cross-canal un enjeu majeur P. 44 P. 50

2.3. 2.4.

Les consommateurs ont chang Les chantiers prioritaires des e-marchands en 2011

P. 56 P. 62

3. LE PAYSAGE E-COMMERCE DU FUTUR3.1. 3.2. 3.3. 3.4. Le monde de 2020 Quelles sont les questions que lon se pose aujourdhui sur le-commerce de demain ? La n du e-commerce ? Des enjeux scaux et rglementaires dcisifs P. 76 P. 78 P. 90 P. 92

Conclusion Remerciements

P. 96

P. 100

INTRODUCTIONAvant 2000, quand on parlait de-commerce en France, on ne savait pas trs bien ce que ctait. Quinze ans plus tard, on a du mal se souvenir comment tait la vie sans mobile, sans Amazon, sans iTunes Qui pouvait imaginer quel point Internet changerait notre faon de consommer ? Aujourdhui on achte en ligne aussi naturellement quon le fait dans un magasin ; on rserve ses voyages sur son mobile, on aime sur Facebook, on partage ce que lon a achet avec sa tribu. Au-del des prvisions les plus optimistes, le-commerce sest impos comme une vidence. Contrairement ce que lon imaginait, il ny a pas dun ct les acheteurs de la vraie vie et de lautre ceux qui seraient dans une vie virtuelle. Avec lquipement en ordinateurs aujourdhui gnralis, le haut-dbit, laccs mobile Internet, les smartphones, les iPhones et autres iPads qui accompagnent les gens partout, en permanence, ce qui tait une bulle digitale est entr dans la vraie vie, crant des occasions supplmentaires de contact et dachat. En dnitive, le cyber-acheteur nexiste pas. En 2011, le-commerce bouillonne. PriceMinister est devenu japonais, Amazon fait des ventes prives, Vente-Prive va aux USA, eBay rachte lacteur majeur de la dlgation e-commerce GSI ; la concurrence est mondiale. Facebook est en train de devenir plus important que Google pour les e-marchands, les rseaux, le social shopping et le mobile sinvitent dans les mix media, les marques et les enseignes physiques arrivent en masse sur Internet La convergence est l, indniable, et ne va que saccrotre dans les prochaines annes. Ce formidable essor est rjouissant.

Dans cette effervescence, o va le-commerce ? Une certitude : nous ne sommes quau tout dbut de cette rvolution qui va continuer de bouleverser le monde pour le sicle venir, offrant des services que nous ne pouvons pas imaginer aujourdhui. Personne ne sait ce qui sera invent ; le prsent rapport na pas de vise prophtique mais propose une rexion sur les perspectives et les enjeux du e-commerce travers une analyse de fondamentaux immuables et des innovations qui pourraient tout changer. Dans un premier temps, nous ferons un retour sur les quinze premires annes du e-commerce en Europe, pour nous arrter sur les grandes tapes et les enjeux dhier. Nous dresserons ensuite un tat des lieux du e-commerce europen daujourdhui : sa situation en chiffres, une photographie des consommateurs et des nouveaux enjeux pour les e-marchands. Nous verrons enn en quels termes se posent aujourdhui les questions de lavenir de le-commerce. Comment les acteurs envisagent son lien avec le commerce physique en 2020 ? A quoi ressemblera un site e-commerce ? Un magasin ? Une exprience dachat ? La rglementation europenne reste lombre au tableau : le cadre juridique du e-commerce saura-t-il protger de manire quilibre les e-marchands et les consommateurs, et rduire les ingalits scales pour leur permettre daffronter solidement la concurrence mondiale ?

Christophe Agnus, extraits de LInternet a 10 ans , Blog Les Echos Je me souviens de Mosaic, le premier navigateur, qui nous avait fait ouvrir de grands yeux merveills. Je me souviens de larrive de FranceNet en 1994. Je me souviens de Netscape. Je me souviens des runions lAtelier, avec Jean-Michel Billaut. Je me souviens que personne, ou presque, ne croyait Internet. Je me souviens de Lokace. Je me souviens de Mygale, puis de Multimania. Et aussi de Nomade. Je me souviens de la difcult du march en 1998. Je me souviens de la folie du march en 1999. Je me souviens que tout le monde sest mis mettre de largent dans nimporte quoi. Je me souviens que les First Tuesday avaient demand Transfert, qui organisait dj un dner de pionniers du Net le premier mardi du mois, sils pouvaient le faire ce jour l. Je me souviens dAucland et Fabrice Grinda. Je me souviens dun trs bon papier de Laurent Mauriac sur Boo.com o on se demandait comment cette socit pouvait bien avoir lev 800 millions de francs. Je me souviens de Caramail et des saunas de Spray. Je me souviens de la n de Boo.com, un an aprs son lancement. Je me souviens que je devais me battre pour expliquer quAmazon serait un jour une norme socit bnciaire, et que mes interlocuteurs ricanaient souvent. Je me souviens du crash. Je me souviens des chiffres daffaires qui seffondrent de 70% en deux mois. Je me souviens que les abonns Internet taient de plus en plus nombreux .

CHAPITRE 1

LES DBUTS DU E-COMMERCE : LES ENSEIGNEMENTS DES 15 PREMIRES ANNESPour comprendre le-commerce daujourdhui, autant que la direction dans laquelle notre industrie de plus de 180 milliards deuros en Europe semble se diriger, il faut revenir sur ses premires annes. Quelles sont les grandes tapes qui ont structur son histoire et marqu ses avances jusqu ce jour ? Quels ont t les enjeux des e-marchands jusquen 2010 ?

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1.1. LES GRANDS JALONS DE LHISTOIREInternet : une apparition, un voyage LInternet grand public, celui du Web et de lemail pour tous, llectricit du 21me sicle sans laquelle nous nimaginerions plus vivre, a vraiment commenc en France en 1995, avec les premires offres des fournisseurs daccs pour les particuliers. Cette anne-l, comme disait ce factieux dAndr Santini, les Franais pensent quInternet dsigne une socit amricaine de nettoyage . On est une poigne surfer sur Netscape, avec de grands yeux merveills. A charger patiemment les pages des annuaires Lokace, Mygale, Nomade, Virtual Baguette. A guetter le retour des Chroniques de Cybrie du Qubcois Jean-Pierre Cloutier, cyber-lettre en texte qui commente lclosion de cette drle de e-chose toute neuve venue de nulle part En aot 1995, deux sondages attirent lattention sur le-commerce. Le premier est ralis par linstitut Mdiangles : Au cours des six derniers mois, prs dun utilisateur sur cinq a ralis un achat ou effectu une rservation partir dinformations recueillies sur Internet. Et quatre personnes interroges sur cinq considrent quil serait utile, dans le futur, que la plupart des marques ait un serveur commercial sur le World Wide Web . Le second, conduit par Louis Harris, Enjeux-Les Echos et France Info auprs de 400 entreprises franaises de plus de dix salaris, rapporte que 9% sont connectes Internet et 50% considrent quInternet est un outil ncessaire qui va se gnraliser dans le milieu professionnel. 65% pensent quInternet est un phnomne de mode mais elles sont 69% considrer que ne pas tre connect dans les annes venir pourrait constituer un handicap . Etre connect Internet, avoir un site commercial Nous sommes en 1995, le digital est encore en France et en Europe un concept trs ou. Des prvisions extravagantes valuent le commerce lectronique mondial 200 milliards de francs en lan 2000, dont 3 milliards pour la France lquivalent 14

de trois hypermarchs moyens. En ralit, les transactions sur les serveurs commerciaux iront bien audel des attentes les plus optimistes : en 2000, le chiffre daffaires de le-commerce atteindra dj 280 milliards de francs (42 milliards deuros) dans le monde et 15 milliards (700 millions deuros) en France. Les serveurs commerciaux arrivent sur le rseau En 1995, la Fevad sappelle le Syndicat des entreprises de vente par correspondance et distance (SEVPCD) ; 230 VADistes y sont adhrents. Une enqute rend compte quils sont 77,5% souhaiter recevoir plus dinformations sur le commerce en ligne, en particulier sur les aspects juridiques, les moyens de paiement et les modalits techniques des transactions on-line. En rponse cette attente, le SEVPCD publiera en octobre 1996 le premier numro de sa Note dinformation Internet et Commerce Electronique, cahier mensuel sur les possibilits commerciales quoffre le rseau , dont les cinq cent membres actuels de la Fevad reoivent en ce mois de juin 2011 le 176me numro. Parmi les adhrents, vingt ont cr leur site. Site Web , serveur commercial - dformation Minitel oblige : on mlange un peu tous les termes pour dsigner le-commerce en gestation. Les sites sont lents et bizarrement chus, avec un design sommaire, des pages interminables... Le-commerce au dbut nest pas vraiment sexy ; il ressemble du marketing direct sur lcran monochrome dun Minitel. Dans la majorit des cas, les sites se contentent de dcrire leurs activits et de publier leurs catalogues de produits ou de services : caractristiques, disponibilit, promotions. Cest le cas du Club Dial, de Manutan, de La Redoute (qui renvoie vers le Minitel Redoute pour passer commande et comporte un espace Yves Saint-Laurent). Souvent ce ne sont que quelques pages avec un espace de rservation par formulaire ou tlphone (Yves Rocher, Banque Directe, Comtesse du Barry - en anglais, Les Editions Lamy, JM.Bruneau...). Lachat en ligne nest directement possible que sur 3suisses.com, La Boutique du tl-achat de Pierre Bellemare et Novalis. Ce dernier, qui propose la vente 400 000 rfrences de livres et de disques, prend soin de rappelerLes dbuts du e-commerce

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sur sa page daccueil que ce service est galement disponible sur 3615 NOVALIS pour 2,23 francs la minute . Le Minitel est encore vivace Cest dailleurs lui que lon rend rgulirement responsable du fameux retard franais. Alors que lAllemagne compte dj six millions dinternautes, avec prs de 30% des foyers allemands quips en outils informatiques, et 14% dun modem, la France sinstalle en effet durablement dans les derniers rangs des pays europens en termes dabonnement priv Internet, loin derrire la Grande Bretagne et lAllemagne. Sur le 1,8 million de foyers franais quips en micro-ordinateurs, soit trois fois moins que les Anglais, 58 000 sont abonns Internet (prs de 3% seulement). Lanne suivante, en 1996, ils seront 120 000 particuliers connects Internet et 370 000 professionnels (chercheurs, universitaires, entreprises). Le fournisseur daccs Calvacom observe que ses abonns se connectent en moyenne sept huit heures par mois, quun tiers dentre eux se rend au moins une fois par jour sur le Web - on dit lpoque le rseau, le rseau des rseaux. 80% dentre eux utilisent le courrier lectronique et 45% du trac sur Internet est concentr sur les forums de discussion. Le Minitel est certes en cause, mais il y a aussi le cot de labonnement Internet pour un dbit poussif de 28 ou 56 k. Le modem se bloque avec la ligne tlphonique : regarder la tlvision tout en surfant sur Internet relve de la science-ction ! Et se connecter un site e-commerce, de la bravoure Lge dor des galres techniques Cest non sans nostalgie que lon repense linterminable attente face des pages qui peinent se charger. Mme en 1997, quand la Lyonnaise des Eaux lancera pour les particuliers habitant Le Mans, Paris ou la rgion parisienne, son offre illimite par le cble au dbit mille fois suprieur (195 francs par mois), il faudra encore patienter de longues minutes pour voir apparatre une page Web compose dun grand nombre de donnes multimedia - un terme que lon affectionne alors particulirement. Bienvenue, e-commerce ! Tout commence, et tout est mettre en place. 16

Les enjeux techniques sont alors prpondrants. Tout est trs compliqu, alatoire, avec pourtant des fonctionnalits encore trs basiques. Sur Amazon, un million de livres et pas de moteur de recherche ! Il faut une expertise technique indite pour parvenir interfacer une base de donnes avec le Web, mettre les offres en ligne, permettre la mise au caddie virtuel , afcher le bon de commande avec les articles slectionns, demander les coordonnes de lacheteur, permettre le paiement et sortir les commandes de la machine Les pionniers de la vente en ligne nont pas de systme de gestion des commandes. Gauthier Picquart de Rueducommerce raconte : Pendant les six premiers mois, nous travaillions sous Excel. Il ny avait quun site, un front ofce, et tout lenjeu consistait parvenir afcher une offre, grer la commande. Nous passions 90% du temps rgler des problmes dordre technique. Tout tait inventer. Le premier enjeu des sites e-commerce est darriver construire leur environnement technologique, quils dvelopperont souvent en propre. Il faut parvenir afcher des offres en ligne et matriser toutes les tapes dune transaction commerciale distance : sapprovisionner, permettre au consommateur de payer en ligne, lui conrmer que sa commande a t envoye et lui adresser une facture. En matire de prix, sans concurrence accrue, la politique est en revanche aise. La problmatique de la politique commerciale nexistait pas vraiment. Il fallait tre moins cher. Afcher -30% par rapport la distribution traditionnelle tait peut-tre la contrepartie acceptable la galre technique. Nous ne faisions aucune marge se rappellent les pionniers. Lapprovisionnement est de mme relativement simple. Car sur un march occup par peu dacteurs, il est assez facile de rcuprer tout le catalogue dun grossiste ; se le procurer et le mettre en ligne sur son site bas prix reprsente en soi un lment fort de diffrenciation ( condition de matriser la technique !). La bataille de la base de donnes produits narrivera que plus tard. Acqurir des clients, premier graal de le-marketing Les pure players et les grandes marques commencent ouvrir des sites, mais les moteurs de recherche ne les font pas ressortir du lot analyse PatrickLes dbuts du e-commerce

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Robin en 1997, alors prsident du groupe PlaNet et crateur de Rgie On Line, une des premires rgies publicitaires franaises sur Internet. Pour tre consult, un site commercial doit tre visible . La visibilit devient trs vite la grande priorit. Pour prendre rapidement des parts de march, les proccupations des e-marchands se focalisent sur la gnration de trac quali vers leurs sites. Certains sont tents de crer de la notorit en investissant sur les media traditionnels. Ctait la frnsie autour des leves de fonds, la fuite en avant. Beaucoup de fonds poussaient les premiers sites e-commerce dpenser largent lev en acquisition de clients dans des campagnes ofine dautant plus absurdes quon tait trs peu quip pour en mesurer le ROI se rappelle Xavier Garambois dAmazon.fr, alors co-fondateur de Wine&co. Avec les limitations techniques, le moindre passage TV avait rapidement raison dun serveur ; tout site e-commerce habile en Relations Presse se trouve rgulirement inaccessible. Et comme les hbergeurs ntaient pas trs nombreux (un serveur chez France Telecom pouvait hberger jusqu 25 sites), si un serveur tombait , tous les autres tombaient. Trs vite cependant, on saperoit que le Web se rvle diablement plus efcace pour conqurir des clients et collecter des adresses email. Les e-marchands conent alors aux jeunes socits expertes de lachat despace online, Carat Multimedia ou OMD Interactive, le soin de piloter leurs campagnes dacquisition sur Internet. A lpoque, on achte au Cot Pour Mille et on fait de la bannire. La premire bannire date doctobre 1994. Elles se sont trs vite multiplies, dclin en de multiples formes, sanimant, faisant du bruit ... Les investissements qui se dversaient sur le Web via la Bourse et les investisseurs se transformaient en boutons, billboards, sponsorships, skyscrapers. Ctait Broadway ! Mais a marchait : il ntait pas rare davoir des taux de clic de plus de 10% rapporte Ccile Moulard, qui dirigeait alors Carat Multimedia. Pour que lacquisition online fonctionne cot comptitif, il fallait de gros investissements, construire un portefeuille global sur le Web. Cest seulement en engageant dimportants budgets quil tait possible de ngocier des conditions tarifaires intressantes (jusqu 0,2 le Cot Pour Mille sur Yahoo!). Un plan media type consistait mixer une prsence massive sur les gros portails AOL, MSN, Yahoo, Wanadoo des prsences au clic sur des sites 18

de deuxime catgorie : sites media, sites e-commerce, une forte prsence sur les moteurs de recherche (Overture, eSpotting) et enn plusieurs programmes dafliation pays la performance. Les portails contribuaient environ 45% du volume, les moteurs 20%, lafliation 15%, et le reste se rpartissait entre les oprations ponctuelles et le trac naturel se souvient Ludovic Levy qui co-dirigeait OMD Interactive. Les e-marchands partent la conqute des grands portails media. En 1998, Fnac Direct scelle avec Yahoo! le plus gros partenariat marchand depuis son implantation en France deux ans plus tt, pour un total de deux trois millions de francs par an. En contrepartie, Yahoo! place des liens Fnac sur tous ses produits culturels, et contribue massivement la visibilit et au volume de ventes du site. Aux Etats-Unis, pour 75 millions de dollars Ebay, numro un des services de vente aux enchres amricain, lance un partenariat de quatre ans avec AOL pour bncier dune visibilit sur AOL et les services Compuserve, Netscape Netcenter, ICQ et Digital City (tous disparus depuis). En France, sur le mme modle (et moindre frais), iBazar signera avec Voil. On se concentrait sur la cration de trac et de notorit, mais pour attirer des consommateurs sur des sites dont les fondamentaux ntaient pas solides rsume Xavier Garambois. Les fondamentaux du e-commerce restent ceux du commerce Hier comme aujourdhui, faire venir le cyber-chaland sur son site nest en effet quun lment de lquation pour gnrer une vente ; une fois attir sur le site reste lessentiel accomplir : le convertir en acheteur. Or les e-marchands, tout concentrs quils sont sur la visibilit et le trac, ngligent souvent lautre lment fondamental quest loffre. Pour un site e-commerce dalors, il est certes moins crucial quaujourdhui davoir une offre percutante et distinctive : le-acheteur des dbuts nest pas encore surinform, il ne dispose pas encore doutils de comparaison et la concurrence nest pas encore lgion. Il est plus facile dmerger quaujourdhui. Certaines socits commencent pourtant ds lors se construire sur de grands principes : le choix, le prix et le service.Les dbuts du e-commerce

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Aux Etats-Unis, le site de Lenscrafters, vendeur de lunettes et de lentilles de contact, propose ds 1996 un service personnalis pour surveiller sa vision, un petit test amusant pour valuer sa vue Pour en bncier, il suft de renseigner en ligne un formulaire o lon indique la date de son dernier achat de lunettes, de sa dernire visite chez lophtalmologiste. Avant la date anniversaire, Lenscrafters envoie par email un rappel de nouveau rendez-vous et indique ladresse du revendeur Lenscrafters le plus proche. 1800owers.com, qui gnre aujourdhui 155 millions de dollars, permet dj dacheter en ligne un large choix de bouquets, mais aussi denregistrer les anniversaires ne pas oublier. Dix jours avant la date fatidique, un gift reminder est envoy par email avec une slection de bouquets prts lachat et lenvoi. Et un petit nouveau, Amazon.com, se met concurrencer les librairies traditionnelles. Avec demble une remise de 30% sur les meilleures ventes rfrences sur le site, un service client rapide et disponible, le site ralise, en peine un an, 17 millions de dollars de revenus. Son CA se met doubler tous les trois mois et son nombre demploys passera en deux ans de 7 650 personnes (33 700 n 2010).

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La premire page daccueil damazon.com en 1995

Avec un tel graphisme, inutile de compter sur la sduction visuelle pour dclencher un achat dimpulsion ! Les sites e-commerce jouent la carte de la simplicit, et les sites offrant la plus large rponse se donnent toutes les chances de rpondre correctement la demande. Partout, ds que les problmes techniques commencent tre derrire, loffre stoffe sensiblement. Ds sa gense, le Web marchand donne raison aux offres profondes. CD Now : 200 000 titres. Amazon : 2,5 millions un an aprs son ouverture ! Fin 1998, Jol Palix, Directeur du Dveloppement de 3Suisses qui partira bientt crer Clust.com, met la totalit du catalogue Chouchou en ligne, soit 60 000 rfrences. Si nous lanons un tel projet, cest que nous sommes convaincus que lInternet va faire bouger le monde de la distribution grand public . Branch sur les mgabases de donnes des 3Suisses, le site indique la disponibilit immdiate ou le dlai dattente connu. Avec ces investissements, il espre raliser 1 2% du CA total online. Le e-commerce part la conqute dune nouvelle clientle. Le site reoit en 1996 la visite de 30 000 internautes (soit peu prs le quart des Franais connects) pour 150 ventes. Un taux de transformation de 0,5% qui nest pas si loin de la performance moyenne des sites marchands de 2011... Et des volumes nalement pas si drisoires si lon considre que le site nest pas encore scuris ; il le sera bientt grce au systme Kleline, la liale de BNP Paribas qui propose un service de scurisation des paiements. Larrive dInternet chez les VPCistes En Allemagne, le pionnier est le groupe Otto. Fin 1996, le groupe gnre dj 5% de son CA sur Internet (420 Millions de DM sur 7 Milliards de DM). Le vpciste Quelle est aussi prcurseur : il totalise prs de 300 000 visites par mois pour 100 000 DM de chiffre daffaires ds 1996. Le site propose 1200 articles, mais lachat ne sopre pas en ligne : la commande est passe par email et le paiement seffectue dans les quinze jours rception de la facture et du produit (pas de paiement par carte de crdit). Aux Etats-Unis, dinnombrables vpcistes proposent des catalogues de CD (CDNow, CD World) avec des carts de prix trs avantageux pour les consommateurs franais. Des cassettes vido sont aussi en vente sur la plupart de ces sites. Attention, rappellent les revues Internet de lpoque Internet Pro, Transfert, Stratgie Internet, le standard amricain est diffrentLes dbuts du e-commerce

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du standard franais : pour lire des cassettes vido amricaines, il faut un magntoscope compatible NTSC ! Depuis Internet, jamais le pass na sembl aussi loin et le futur aussi proche comme le rappelle Henri Kaufman Les VPcistes sont-ils les mieux arms pour sadapter au changement des rgles du commerce que lInternet engendre ? Ils partent certes avec un atout srieux. Leur exprience de la vente distance les a mieux prpars matriser les tapes dune transaction virtuelle. Au dbut, les acheteurs Internet, masculins, jeunes et technophiles, sont assez loigns de la cliente sur catalogue ; ils sont complmentaires. Mais mesure que la croissance du e-commerce attire de plus en plus de femmes, acheteuses de tous ges, le rseau digital, plus moderne, plus souple, devient le concurrent qui cannibalise les ventes catalogue. Les verbatim des internautes davant 2000, qui soulignent des avantages assez similaires ceux de la VPC, ne sont pas pour les rassurer : Internet permet de comparer les prix facilement , Il est facile de trouver ce que lon cherche dans un temps beaucoup plus court , Je peux acheter des produits qui ne sont pas vendus proximit de chez moi , ou encore Je veux pouvoir faire mes courses de chez moi 24h/24 . Prs de la moiti des internautes qui achtent en ligne afrment quils vont rduire leurs achats sur catalogue et continuer daugmenter leur budget e-commerce. En dpit de cette menace qui tait autant relle que perue, les acteurs de la VPC ont en effet trop tard ragir. Internet reprsentait dune part un revenu trs marginal dans leur chiffre daffaires global, et dautre part, la rorganisation des process ncessaires oprer tait dune ampleur considrable. Il a fallu de nombreuses annes, beaucoup de ressources et dnergie pour la mettre en uvre. Aujourdhui, chez 3Suisses, le multicanal est assum, et Internet reprsente 60% des revenus du groupe explique Denis Terrien, Directeur Gnral du groupe. Laccueil des distributeurs et des marques Pour les retailers, laffaire est plus dlicate. Ds les premiers succs de lecommerce, le commerce traditionnel se sent menac par le canal digital. La peur de la cannibalisation persistera longtemps, mme quinze ans plus tard ! Les internautes achteront-ils moins dans les commerces traditionnels parce quils pourront faire leur shopping en ligne ? 22

Le march de 2011 apporte encore la preuve du contraire. En France, il y 28 millions de cyberacheteurs, soit environ 50% de la population qui consomme, et la part du e-commerce ne reprsente pas plus de 5%, ce qui veut dire quen moyenne, structurellement, un consommateur ne passe nalement que 10% de ses achats sur le Web, le reste dans le monde physique analyse Michel de Guilhermier, fondateur de Photoways. Ceci tant dit, les distributeurs se retrouvent face la lourde tche de devoir mettre en place des synergies on/off. Le sujet du prix les paralyse. Ils vont aussi devoir sapproprier la culture du Web, autant que celle de la relation commerciale distance, apprendre la technologie, lagilit, lanalytique. Au dbut, les poids lourds de la grande distribution ne sont pas prsents. Le-commerce sera-t-il un concurrent ou sera-t-il un canal de distribution complmentaire ? Opportunit ? Menace ? Chez Auchan, le premier site e-commerce lanc en 1997 propose timidement 25 produits la vente. Chez Carrefour, le patron du e-commerce reporte pendant des annes la direction des hypermarchs, qui prfre voir son client acheter dans la galerie de son hypermarch... Cest une radicale volution de mentalit quil faut oprer pour comprendre que les Franais ont dj chang de comportement. Que le-commerce est une rvolution qui appelle une faon rsolument nouvelle de penser client et organisation dentreprise. Lalimentaire commence malgr tout faire ses premiers pas. Tlmarket ouvre son supermarch virtuel. Casino teste sur Lyon cestchezvous.com, avec 3500 produits de grande consommation que lon peut se faire livrer chez soi pour 50 francs pour au moins 400 francs dachat. Casino dispose alors dune base installe de 350 supermarchs, idale pour la livraison domicile en picking. Dans le mme temps, Promods dcide de tester un magasin en ligne, via son enseigne Shopi. Ct distribution spcialise, cest Fnac qui devient le premier click and mortar avec Fnac Direct ds 1998. Arrive ensuite Sephora.com en 1999, puis Leroy Merlin, ddi aux bricoleurs avec des produits doutillage lectroportatifs (ponceuses, visseuses, raboteuses). Linnovation est l, demble, avec une offre et un service pens client. Fidle lADN de lenseigne, le site met ds le dbut le client au centre de sa stratgie et de sa vision : carte maison, voix du client, conseil et services, formation des clients au bricolage, formation et motivation des vendeursLes dbuts du e-commerce

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Lenseigne sloigne dune conception du mtier du distributeur comme acheteur/revendeur pour devenir apporteur de solutions pour ses clients et intgrateur de produits/services. Son site e-commerce a toujours t depuis sa cration au-dessus de la moyenne parce quil est cohrent : la promesse de service de la marque sexprime partout avec des preuves concrtes analyse Olivier Sauvage, Capitaine Commerce. Les marques aussi font doucement leur perce. Aprs Sony, cest Thomson Multimedia qui lance son premier site e-commerce grand public, avec tous les produits de sa collection Line (radios, rveils, radiocassettes et tlphones) livrs en express dans toute lEurope. Cest le suivi de colis qui attire lattention : tout moment linternaute peut suivre sa commande, en prparation, en cours de livraison, livre ou en attente dans le bureau de poste le plus proche. Un numro service consommateur est mis la disposition des clients pour toute demande dinformation complmentaire. Une petite rvolution, lair de rien, pour une marque habitue toucher ses clients par lintermdiaire des distributeurs. Le-commerce est un mtier trs diffrent du leur. Procter & Gamble connat parfaitement ses consommateurs, mais ne sait pas comment leur parler, encore moins les livrer commente Gauthier Picquart.

Pendant ce temps, au royaume des pure players En France, le discount sinvite sur la Toile. Cdiscount a ouvert en dcembre 1998. Cest le site Web de la socit Scopus, fabricant de cartes plastiques et de CD audio. Quatre mois aprs son lancement, le site ralise prs de 70 commandes par jour et plus de 200 000 francs de CA par mois. Lobjectif initial tait de vendre les CD les plus populaires, les 100 meilleures ventes europennes et les incontournables, entre -25% et -40% par rapport aux vendeurs de CD ofine; des prix garantis par les volumes colossaux achets par Scopus. Les frais de port taient xes, quel que soit le nombre de produits commands, et la livraison annonce en 48 heures. Chaque nouveau client recevait un code condentiel qui lui accordait 5% supplmentaires sur son prochain achat. Visiblement la mcanique fonctionne, puisque 20 des 70 commandes passes sur le site chaque jour en 1998 sont le fait danciens clients. Cdiscount avait aussi innov en matire dacquisition avec un programme dafliation diffrent de ce qui se pratiquait sur le march. Lintgralit de la boutique en ligne avait t intgre au Web du partenaire 24

Wanadoo en marque blanche, moyennant une commission dapport daffaire de 5%. Les pure players, qui nont pas la maturit commerciale de la distribution ou de la VPC, sont peut-tre en train de redcouvrir les rgles du commerce, mais ils jouissent dune indniable avance technique, et ne sont pas ralentis dans leur dveloppement digital par des contraintes prix et de process groupe. Amazon creuse lavance en poursuivant sa diversication du livre vers le CD audio. Ses concurrents CDNow et N2K ont eu beau fusionner, il reste premier en ventes. Sur les livres, malgr lalliance de Barnes&Noble avec Bertelsmann, qui a investi 200 millions de dollars en attendant de racheter le diffuseur de livres Ingram Book Group, Amazon ne cille pas. Aprs les CD audio, cest au tour des catgories video et DVD : 60 000 titres VHS et 2000 titres DVD seront disponibles sur Amazon aprs le rachat dIMDB t 1999. Le site compte dj 4,5 millions de clients. Il testera en n danne la vente en ligne de produits lectroniques grand public, jeux vido et mme jouets. Les analystes parient sur louverture dune catgorie software. Les journalistes lappellent la pieuvre . Le voyage prend son envol Nouvelles Frontires inaugure ds juin 1995 son premier serveur commercial sous lgide dun comit de pilotage intgrant ses services communication , commercial et tlmatique . La conviction chez Nouvelles Frontires est dj l : Internet va devenir structurant pour le secteur entier du tourisme, il faut donc quil soit vu et compris par tous les collaborateurs comme un outil stratgique potentiel. Sil ne propose pas encore de vente directe, le site permet de construire son propre voyage, son propre circuit, et de le rserver. En cas de question, lengagement est dapporter une rponse sous 24h. Le serveur gnre dynamiquement les pages selon la demande. Une fois le formulaire rempli, il est envoy aux quipes qui grent les demandes Minitel ou tlphone. Une passerelle fax est mise en place pour recevoir les rservations ds leur mission sur le serveur . Le site investit en marketing dacquisition et compte un an plus tard 30 rservations par mois et 800 visiteurs par jour. 50% des clients sont danciens habitus du Minitel. Face au nombre grandissant dacteurs du voyageLes dbuts du e-commerce

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qui prennent leurs marques en ligne ds avant 2000, Nouvelles Frontires invente les ventes de voyage aux enchres en octobre 1998. Tous les mardis, une vente de billets davion invendus. Inscription entre 9h et 11h30, ouverture salle vente virtuelle 13h-15h et 18h-minuit. Ds lors, le voyagiste voit grimper en che son activit e-commerce. Cest le dbut dune belle histoire entre les internautes et le tourisme en ligne. En 2010, le secteur de le-tourisme reprsente 40% du chiffre daffaire total de le-commerce. Avec un chiffre daffaires de 10 milliards deuros, il sadjuge en France la palme de la meilleure progression : les ventes enregistrent une croissance de 20% en 2010, contre une moyenne de 15%, primtre constant de sites. Broadband, dmocratisation et diversication Le phnomne e-commerce poursuit sa croissance vitesse vertigineuse avec lvolution du taux dquipement, laccs de plus en plus uide qui garantit une meilleure rapidit du chargement des pages, et la scurit croissante des transactions. La croissance est bien au-del des prvisions les plus optimistes. Nol 1999 aux Etats-Unis est un excellent cru e-commerce : +270% du nombre de commandes, +300% du volume de ventes et +8% du panier moyen des commandes (source tude Shop.org / BCG). Les sites qui en protent le plus sont Amazon.com, Ebay, Buy.com, eToys, BN.com, CDNow et ToysrUs. En Europe, certains observateurs afrment dj que les perspectives de lEurope comme leader du e-commerce dans le monde sont trs prometteuses. En 2008, le volume de commandes en Europe dpassera en effet durablement celui des Etats-Unis. La croissance est certes essentiellement exogne, nourrie par la dferlante de nouveaux entrants e-commerce de toute taille, B2B, B2C, de lauto-entrepreneur jusquau gant du retail. En France, des sites e-commerce continuent de souvrir chaque jour dans tous les secteurs : arrivent Agns b., Kodak, Damart, Kooka, Le Club des Crateurs de Beaut, Heineken (qui se souvient de lincroyable jeu en temps rel Heineken Quest ?), Sony France Tlcom nit par se rsoudre lcher le Minitel et rachte Alapage : 600 000 visites par mois, 14 000 commandes et 700 000 rfrences issues de lunion de Plante Livre, spcialiste des bases de donnes professionnelles du livre et de Novalis. Si le secteur du livre domine toujours, le matriel informatique passe devant 26

les ventes de logiciels ; vient ensuite le voyage. Le-commerce en Europe est trs disparate. Le BCG ralise une tude auprs de 546 distributeurs europens sur les secteurs de consommation de la vente en ligne. Si 75% des commandes portent globalement sur les voyages, linformatique, les livres et les services nanciers, on observe de trs importantes spcicits locales : Les enchres entre particuliers sont deux fois plus dveloppes en Allemagne quailleurs ; Linformatique reprsente 20% du march en Europe et seulement 10% en France et en Allemagne ; Le courtage nancier atteint 30% en France quand il nest que de 3% en Angleterre ; En France laugmentation importante du nombre de nouveaux e-marchands fait chuter la part des commandes sur les sites trangers de 30% 16% en un an. En 1999, le Syndicat des entreprises de vente par correspondance et distance est rebaptise Fevad et cre son site Internet. 176 de ses adhrents ont un site e-commerce. Et au 31 janvier 2000, www.fevad.com enregistre dj plus de 66 000 visites mensuelles. Peurs mythiques et lgendes Cest lpoque o Fnac.com introduit son insu une lgende encore largement rpandue selon laquelle le site e-commerce dun rseau de magasins devrait gnrer autant de chiffre daffaires que la premire boutique du rseau. Ce qui est aujourdhui dict en rgle viendrait de la publication dun classement par la Fnac de la performance de ses magasins incluant le site marchand, assorti du commentaire : Lan prochain, fnac.com sera le premier magasin du rseau La personnalisation fait son apparition, et avec elle le mythe du one-to-one. Des agents intelligents permettent de proposer sur un site e-commerce une aide personnalise, un catalogue sur mesure ( manteau laine et cachemire marron moins de 3000 francs ), un message diffrent par client. Lide est sduisante, mais son implmentation technologique et son cot beaucoup moins... Aprs le one-to-one, cest le tout gratuit qui prend le relais. Tout sera gratuit. Le quotidien The Sun annonce en Angleterre son service daccs gratuit Internet, Wanadoo lancera le gratuit B2B.fr, services pratiques destinationLes dbuts du e-commerce

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des professionnels, PPR et TF1 lancent le FAI Mageos, distribu gratuitement en kit dans les enseignes Printemps, Redoute, Fnac, Conforama Et limpertinent Free se mettra bientt proposer la gratuit de lADSL, indiquant que son offre le restera tant que France Tlcom ne sera pas en mesure de garantir la qualit et la abilit du service . La peur du piratage bride encore les e-ardeurs. Pourtant la loi franaise en matire de vente par correspondance, qui sapplique sur Internet, met bien les consommateurs labri de tout ventuel casse informatique : toute transaction ralise au moyen dune carte bancaire sans que son dtenteur nait expressment sign un bordereau peut tre annule et le montant rembours. Le lancement commercial du protocole de scurisation des paiements SET, Secure Electronic Transaction, marquera une tape dans le dveloppement de la conance dans la vente en ligne. Cr en 1998 par Visa, Mastercard et une trentaine de banques europennes dont le GIE Cartes Bancaires en France, il permet le cryptage des donnes et lauthentication lors dune transaction en ligne. Avis de psychose sur les cookies ! Quun programme puisse crire des donnes sur un disque sans laccord de son propritaire engendre une certaine panique. Et donnera lieu jusqu nos jours une remise en cause juridique rcurrente. Les cookies ne sont pourtant que des outils permettant de reconnatre un internaute sans ncessairement lidentier sur un site. Ils enregistrent des informations sur le visiteur, son parcours sur un site Internet, ses derniers achats, ses identiants de connexion Ils ne sont pas nominatifs. Et linternaute peut librement dsactiver lenregistrement des cookies via son navigateur. Les instances juridiques remettent toutefois en cause son aspect intrusif, et les annonceurs devront demain obtenir le consentement des internautes avant de dposer un cookie pour optimiser la personnalisation, faciliter lexprience du client sur un site e-commerce et faire un ciblage publicitaire comportemental intelligent. Le besoin de rgulation se fait sentir Le 3 fvrier 1997, dans la salle de confrence Pierre Mends-France Bercy, le ministre de lIndustrie de lpoque, Jean Arthuis, faisait cette dmonstration : Je tape www.berkeley.com et en une seconde et demie, je suis en Californie . Devant lui, 900 personnes mduses. En 1997, peu de ministres savent cliquer sur un mulot. A la Chancellerie, 28

les magistrats non plus ny comprennent pas grand-chose, mais ont dj de nombreux dossiers Internet grer depuis plusieurs mois. La premire tche de formulation des enjeux de rgulation du e-commerce est cone en octobre 1997 un commerant . Francis Lorentz dirige LaSer, liale des Galeries Lafayette qui gre les cartes de crdits et les relations client du groupe. Il prsidera la mission pour le dveloppement du commerce lectronique auprs du ministre de lconomie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, dont sera issu le rapport Lorentz publi en janvier 1998. Le commerce lectronique y est prsent comme un lment central du rseau. Il est principalement suggr, pour assurer son dveloppement, de mettre en place un cadre pour protger les consommateurs. Ce premier rapport transversal marque une tape dcisive dans le long chemin vers la conance dans lachat en ligne. Il permettra ds 1999 de faire adopter par le milieu bancaire franais un principe qui sera inscrit en 2009 dans le Code montaire et nancier1, pour lever les peurs relatives au paiement en ligne : dsormais, il sera possible toute personne de contester une transaction effectue avec un numro de carte bancaire sans indication du code PIN et de se la faire rembourser par sa banque premire demande et sans frais. La rexion est en marche. En juillet 1998, un deuxime rapport consolid sur les problmes juridiques soulevs par les rseaux trace une premire ligne trs structurante pour la suite. Le rapport annuel dtude du Conseil dEtat est ddi Internet et aux rseaux numriques. Isabelle FalquePierrotin, matre des requtes au Conseil dtat, identie comme experte de ces nouveaux sujets, est charge de le rdiger autour des thmes de la protection des donnes personnelles, de la scalit, de la proprit intellectuelle, de la responsabilit des acteurs lis au contenu, des infrastructures et de la cryptographie.

Articles L.113-1 L.133-28 du Code montaire et nancier, rsultant de lOrdonnance 2009-866 du 15 juillet 2009.1

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Lvolution de la rglementation est en marche et repose sur un postulat bientt admis de tous : Internet est partout, il nest nul besoin dun droit spcique des rseaux, isol des autres thmes de rgulation. On va, ds lors, procder par (re)touches, en apportant des modications dans de nombreux domaines du droit, notamment en matire de protection du consommateur et celles qui garantissent le respect de lordre public. Durant cette mme priode, la Directive europenne n 97/7 du 20 mai 1997 va servir de squelette aux Conditions Gnrales de Ventes de tous les sites e-commerce. Initie en 1993 sur une impulsion franaise, elle harmonise des rgles minimales communes au sein de lUnion Europenne en matire de protection des consommateurs dans la vente distance. En 2011, ses fondamentaux nont pas pris une ride. Les nouvelles pratiques de vente nappellent pas ncessairement de nouveaux principes commente Etienne Drouard. La Directive 97/66 du 15 dcembre 1997, dite vie prive et tlcommunications vise, pour sa part, rguler les oprations de prospection commerciale directe visant des personnes physiques. Elle impose le consentement pralable exprs des consommateurs en matire de dmarchage par fax ou par automate dappels. Pour la prospection par e-mail ou SMS, il appartient encore aux Etats de choisir entre lexigence dun consentement pralable et exprs du destinataire (opt-in) ou un droit dopposition de la part du destinataire (opt-out). Entre 1997 et 2011, le cadre rglementaire du e-commerce va ainsi progresser par un double mouvement. Dune part, de faon directe, avec des mesures prises par lUnion europenne et par les Etats en vue dapporter des solutions des problmes juridiques identis. Dautre part, par des directives apparemment mineures en termes de rglementation, mais qui, sans avoir t penses comme telles, auront des effets dcisifs sur lavance de le-commerce. Prmisses du communautaire et du participatif Ds 1998, un nombre croissant de consommateurs amricains se mettent publier des pages Web pour alerter lopinion publique et faire pression sur les entreprises restes sourdes leurs rclamations. A tel point que le moteur de recherche Yahoo!, rfrence de lpoque, ouvre une nouvelle rubrique dans son guide Internet pour y accueillir les consumer opinions . 30

En France, une poigne dinternautes se met faire de mme, avec en ligne de mire France Tlcom qui a notamment dclench leur colre en supprimant le tarif bleu-nuit , qui accordait entre 22h30 et 6h30 une rduction du cot horaire de 65%. Franois Fillon promet une solution. Intressant aussi : ds 1998, une tude GVU soutenue par le W3C et lINRIA conduite auprs dinternautes amricains et europens met en vidence le besoin dappartenir et de crer des communauts. 55,6% dclaraient vouloir tablir plus de liens, et la question quel type de communaut recherchezvous ? , ils rpondaient (plusieurs rponses possibles) : Loisirs : 49,6% Professionnel : 46,7% Familial : 37,1% Support technique : 17,2% Politique : 13,9% Religion : 8,9% Les rsultats sont les mmes aussi bien pour les Amricains que les Europens, le sexe et lge ninuant pas sur les chiffres. En revanche, plus lexprience en ligne est ancienne, plus la demande est forte, ce qui sous-entend un besoin croissant pour ceux qui participent dj des communauts dinternautes. Au muse des fausses bonnes ides Les galeries marchandes : Surf&buy, Branch Mall, en France Globe Online, ouvrent et ferment, faute de trac. Les internautes conrment leur dsir de libert et de choix. Le Wap, ou la rvolution numrique avorte : France Tlcom et Cegetel annoncent en 1999 larrive prochaine de services dabonnement au Web sur les tlphones portables via le standard Wap, qui fera un op assez rapidement. Pourtant, lors de lenqute prospective annuelle du Journal du Net en janvier 2000, les lecteurs du site classaient lavnement du Wap loin devant les autres grands moments attendus de lanne. Cette unanimit tait la consquence de la couverture mdiatique considrable dont avait bnci lInternet mobile avant mme dapparatre. Lchec du Wap sexplique par la pauvret des applications proposes. Les services sur les portails Wap (mto, bourse, cinma,) existaient dj ailleurs. Les envois de messages dalerte, faon SMS, ne ncessitaient nulLes dbuts du e-commerce

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lement un mobile Wap. Enn le modle de fermeture choisi par les oprateurs, antinomique avec les principes de lInternet, na pas favoris non plus la crativit, en confrant aux seuls portails Wap des oprateurs la responsabilit dinventer les applicatifs qui auraient pu assurer le succs de ce standard. Et fonctionnellement, on tait assez loin de la rvolution annonce : alors que lergonomie et lusabilit sont en train de devenir impratifs pour linternaute, que les sites e-commerce ont chang visuellement, pour tre plus colors, plus agrables lil, le Wap ramenait cruellement linternaute lre du Minitel. Boo.com, e-comte : Aprs avoir cram 120 millions de dollars en quelques mois, le site de vtements davant-garde boo.com fait naufrage. Lhistoire de Boo incarne la dmesure nancire qui rgne sur la Net Economie de 2000. Base Londres, cette start-up mene par un critique littraire et un ancien mannequin sudois tait devenue en quelques semaines une multinationale avec des bureaux dans six pays, dont un Paris. Bernard Arnault stait octroy 8,5% du capital pour un apport valu plus de huit millions de dollars. Les attentes taient fortes. A sa sortie en novembre, le site est si perfectionn avec ses animations en 3D, quil est impossible de le consulter sans haut dbit : 98% des internautes se connectent avec des modems lmentaires ! Commander sur boo.com ntait pas, comme partout ailleurs lpoque, lent et compliqu : ctait juste impossible La socit continue pourtant brler , raconte-t-on, onze millions de dollars par mois en salaires, publicit, technique Les rserves nancires spuisent, le plan de redressement arrive trop tard. La socit est mise en liquidation judiciaire en mai 2000. Aprs la bulle de 2000, retour sur des fondamentaux solides. Aprs le choc de 2000 et pendant toute la dcennie, on va observer un double phnomne, la fois une adhsion extrmement importante des consommateurs Internet, avec de nouvelles populations qui passent lachat en ligne, et larrive constante de nouveaux marchands, qui viennent stimuler cette demande. Laccs Internet ne limite plus la demande. Lvolution de lquipement informatique des foyers franais sacclre et laccs devient uide. Dun matriel de base avec une connexion bas dbit, on passe un quipement haut dbit. 32

Cest en 2003 que le haut dbit sinstalle durablement. Les accs illimits haut dbit amliorent spectaculairement le niveau des ventes en ligne. Laccs une meilleure qualit, une connexion illimite un prix forfaitaire va favoriser lusage du e-commerce. Une connexion de type ADSL ou cble a pour avantage de ne pas bloquer la ligne tlphonique. Or, le recours lInternet et au tlphone la fois est frquent pour se faire assister pendant une commande en ligne. La connexion rapide rassure enn le client pour le paiement en ligne. Les temps dafchage des pages Web taient alatoires en bas dbit, le risque de rupture de ligne inquitait lgitimement linternaute qui tait en train renseigner son numro de carte bancaire. Avec le haut dbit, ce dsagrment disparat. Lachat malin attire les clients et les clientes. La crise a paradoxalement fait grandir la conance dans le-commerce. Peut-tre plus que larrive massive du haut dbit, ce sont les media qui ont contribu faire voluer la perception de le-commerce, qui de dangereux devient sans risque. Les sujets conso mettant en avant lachat malin, radin, ont acclr le basculement des acheteurs VPC vers le Web. Quand les femmes se sont mises avoir conance dans le paiement en ligne, elles sy sont mises massivement ! Le grand public commence se convaincre quon peut acheter sans risque sur Internet, et que a marche. Les nouveaux marchands afuent, la diversication est luvre. Les pure players et VADistes de la premire heure voient sinstaller sur la toile PME, auto-entrepreneurs, marques, dans tous les secteurs. Dans ce paysage marchand htroclite, le C2C fait une perce remarque. Si lon regarde le classement du Top15 des sites e-commerce les plus visits en Europe, on retrouve systmatiquement eBay et en France PriceMinister. Cest le succs fulgurant deBay qui a ouvert la voie, il y a bientt quinze ans. En attaquant le march du produit doccasion, des collectionneurs et des enchres en ligne, eBay a eu lide de gnie de permettre la vente entre particuliers tout en scurisant le mode de paiement en reprenant Paypal. Il a transform lInternet en un gigantesque vide grenier permettant dacheter facilement des centaines de millions de produits indisponibles dans les rseaux traditionnels. Lachat-vente a par ailleurs la vertu dauto-alimenter son propre dveloppement : pour nancer leurs achats, les acheteurs sont naturellement enclins devenir vendeurs pour rquilibrer leur budget.Les dbuts du e-commerce

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Lacheteur devient vendeur, le vendeur devient acheteur ; lquation est terriblement efcace. Enn dans un march o le prix et la bonne affaire constituent alors (dj ?) la premire motivation dachat, la promesse dacheter malin, dacheter radin, sduit. Pour transformer cette sduction en achat, la cl rside dans la conance. Lutter contre la contrefaon, rembourser les internautes en cas de problme : les lments pour rassurer sont trs prsents sur PriceMinister, qui russit lexploit ds avril 2010 de passer devant le gant eBay en nombre de visiteurs. La rglementation passe de la rexion laction. Lide de crer un organe public ddi aux questions juridiques poses par linternet gurait dj dans le rapport du Conseil dtat de 1997 Internet et les rseaux numriques ; cest Isabelle Falque-Pierrotin qui est sollicite, par le dput de la Nivre Christian Paul, pour laborer un rapport Du droit et des liberts sur internet . Ce rapport proposera de crer le Forum des droits sur linternet dont elle prendra la direction en dcembre 2000 jusqu sa dissolution le 7 dcembre 2010. Le Forum participera activement durant dix ans la corgulation de linternet, qui se veut tre une mthode de concertation et de complmentarit entre laction publique et linitiative prive. Lanne 2000 sera tonnamment dcisive. La signature lectronique entre dans le droit franais avec la loi du 13 mars 2000. Elle remet jour la dnition de lcrit quavait dnie le Code Civil de 1804. La signature lectronique est en ralit un non sujet pour les e-commerants sur les marchs BtoC, mais il se joue ici quelque chose dhautement symbolique. Le e-commerce vient de rendre obsolte une rgle mise en place deux sicles plus tt ! On ralise quInternet peut faire bouger les lignes sur des sujets fondamentaux. Le-commerce commence se structurer sur des fondamentaux solides. Une fois la folie de la bulle de 2000 passe, les e-commerants attaquent la dcennie et se construisent pour durer.

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1.2. LES ENJEUX DU E-COMMERCE DHIERLes enjeux techniques dpasss, et face des consommateurs de plus en plus nombreux, surinforms et exigeants, qui soffre un choix trs important doptions un clic de l, il va devenir de plus en plus difcile pour un e-marchand dattirer lattention. La diffrenciation se joue jusquen 2010 essentiellement sur trois axes : le prix, lacquisition avec notamment lusage de Google et la logistique.

1.2.1. LE PRIXLe discount, la promo, la bonne affaire vont devenir pour longtemps lADN du Net. Sinstalle durablement dans lesprit du consommateur quacheter en ligne, cest certes faire loption du choix, plus vaste que dans nimporte quel magasin physique, mais surtout celle du prix. Pour les e-commerants, lenjeu majeur est alors commercial : tre le moins cher. Les sites e-commerce commencent sengager dans des promesses tarifaires fortes (remboursement de la diffrence, frais de livraison offerts, dstockage, ventes ash), mettre en place des thmatiques commerciales rgulires, crer des rendez-vous quotidiens par email en personnalisant lexpditeur (Bons plans de Cornlia chez Rue du Commerce, Ccile de Rostand chez Vente Prive). Pour faire venir et adresser ses clients et prospects, le canal privilgi reste lemail. Lanimation commerciale est quasiment inexistante en dehors des oprations de prix. Tout ce qui est utilis encore aujourdhui a t cr il y a huit ans rappelle Gauthier Picquart. Recevoir un email chaque jour nest pas encore peru comme du spam par le client, mais sa bote mail commence tre engorge par des centaines de messages promotionnels venant des e-marchands, des sites de cashback, des sites de ventes vnementielles

La bote e-mail dun internaute en 2005Les dbuts du e-commerce

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Tout concentrs quils sont sur le prix et lacquisition, les e-marchands persistent laisser dans lombre un lment essentiel la vente : lexprience utilisateur qui attend linternaute une fois sur le site. Laccueil, la scnarisation des produits, la structuration de loffre et la navigation sont souvent impropres pousser linternaute aller jusquau bout de la commande. Le-merchandising est souvent calamiteux. Internet choue rendre les effets visuels de largeur et profondeur de gamme. Rares sont les sites qui arrivent sassurer la visibilit des 20% de produits qui ralisent 80% du chiffre daffaires, adapter leur offre par cible ou par situation dachat. Les rgles commerciales et marketing utilises pour publier automatiquement les pages du catalogue sont la plupart du temps trop pauvres pour assurer une organisation commerciale optimale du site. De mme, la structuration de loffre ne facilite pas toujours laccs direct aux produits. Les outils de recherche ne fonctionnent qu moiti. La navigation au sein de loffre et la slection de produits ne prennent pas en compte le contexte de lachat (besoin, typologie des produits, motivation, usages) ni le prol du client (rcence, frquence dachat, habitudes). Pour nir, la mise en scne des produits repose sur des visuels et des ambiances de trop pitre qualit pour dclencher lachat dimpulsion. Lexprience dachat nest pas sexy sur Internet ! admet Pierre-Noel Luiggi, fondateur dOscaro.com. Nous jouons la carte de la valeur en commercialisant nos produits de manire trs comptitive. Renforcer la qualit de lexprience que nous proposons sur notre site confortera notre image de vendeur qui offre des valeurs sres . Entre le taux de rebond, labandon du parcours dachat sans slection de produit, labandon avant et labandon pendant la transaction, le taux de conversion est de lordre de 1% sur un site e-commerce. Si lexprience utilisateur nest pas bonne, linternaute ne reviendra pas. Or on sait quil faut en moyenne cinq visites pour transformer une vente ajoute Guillaume Darrousez de laredoute.fr.

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1.2.2. LA PRSENCE SUR GOOGLEDans la bataille de lacquisition, larrive de Google a tout chang pour les sites e-commerce. Le temps o les e-marchands achetaient des bannires au Cot Pour Mille est rvolu depuis longtemps. La rentabilit est ardue, et lacquisition se paie la performance, au cot au clic, au lead, ou au nouveau client. Pour tous les e-marchands qui ne peuvent pas, comme Vente-Prive, se payer le luxe dignorer Google et dacqurir bientt 12 millions dadresses par parrainage, Google devient le canal prioritaire sur lequel investir pour gnrer de nouvelles ventes. Google change lacquisition pour en faire un enjeu majeur. A offre comparable, la diffrenciation se fait par la capacit bien utiliser Google, en rfrencement naturel et en achat de mots cls. Lenjeu est de concentrer son investissement sur le maillage de mots ayant la plus forte contribution au trac et au CA. Avec pour contrainte de bien tout mesurer : tracking des nouveaux clients, Life Time Value, travail sur le cot dacquisition compar la marge gnre. Les socits qui comprennent comment se positionner sur Google, y ddient des ressources expertes et mettent en place les bons outils de suivi, prennent incontestablement une longueur davance. PriceMinister en est un bon exemple. Amazon aussi. Nous ne pouvions pas tre positionns sur les comparateurs de prix car Amazon vend des produits culturels sur lesquels il ny a pas de comptition sur le prix. Google a t pour nous un formidable acclrateur analyse Xavier Garambois. Pour les e-marchands, Google a rvolutionn le marketing dacquisition, lui confrant la premire place dans le mix media devant le retargeting, lafliation et lemailing... en attendant Facebook et les rseaux sociaux, qui commencent dj prendre de lampleur.

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1.2.3. LA QUALIT DE LA LIVRAISONLe e-commerce cest avant tout de la logistique. Trouver un systme logistique. Relier ses stocks son site Web. Proposer un suivi de commande pouss. Livrer en temps et en heure. Grer les retours. Le marchand qui se lance dans la vente en ligne dcouvre vite la complexit du sujet logistique. Ds le dbut, pour le e-commerant, ltape la plus cruciale est celle daprs commande : de la rception de la commande, la prparation des colis jusqu leur livraison et la gestion des retours. Cest celle qui concrtise la promesse commerciale, cre le contact avec le client, sur laquelle repose une grande partie de sa satisfaction. Pour le client, cest une commodit ; pour le-marchand, cest un vrai casse-tte car les exigences du client qui a t habitu se faire offrir la livraison, sont trs leves. Il veut attendre le moins possible entre son achat et sa livraison, avoir le choix du lieu, chez lui, en point relais, ou dans un magasin, se voir proposer un crneau horaire serr, pouvoir laisser un message personnalis, suivre sa commande de bout en bout, recevoir linformation en temps rel par email, SMS Tous ces services sont loin dtre proposs. La livraison nest ni souple ni transparente. Le champ damlioration reste considrable. Lautre problmatique laquelle se retrouvent confronts les marchands est celle des frais de port : faut-il les offrir ? Limpact nancier est dterminant. Et une fois offerts, le client a du mal comprendre quils ne le soient plus. Daniel Broche de Discounteo raconte sur son blog le passage des frais de port gratuits payants : Limpact commercial fut norme (en ngatif). Il fallait faire face une situation durgence et ce ne fut pas une mince affaire tous les niveaux de lentreprise : mcontentement au service client, complication en gestion commerciale, message brouill en pub (contradiction totale avec ce que nous clamions haut et fort des mois avant) et bien sr, de quoi occuper notre responsable nancier de lpoque frachement arriv ! Mais deux ans aprs, le rsultat est trs positif. Une structure rentable qui matrise ses cots et qui est capable de rinvestir sur dautres services destination du client. En particulier sur ce qui touche aux dispositifs de livraison. 38

Une offre de livraison sur-mesure pour le client est aussi source de satisfaction et de diffrenciation. Or cela passe par des options et des choix, donc des prix spciques. Il est plus simple de vendre un service payant si loffre de base est payante car le client regarde plus lcart en proportion que le montant exact. La seule limite en matire de service transport e-commerce est la pauvret de loffre logistique lchelle nationale. Heureusement cela semble samliorer depuis quelques mois, et ce malgr la crise profonde qui traverse le monde du transport . Sa conclusion de tout cela : Si le marchand commercialise des produits dont le format et le prix sont dans la moyenne (80 -100 pour 1-5 kg) uniquement via le Web, alors il a probablement intrt jouer la carte du port inclus. En revanche sil est hors norme (trs faible valeur, encombrants ou vente multi-canal), alors la diffrenciation des services et donc des tarifs me parait une meilleure voie. Reste alors ce que toute la chane publicitaire soit capable de comprendre et relayer efcacement cette offre. L cest une autre affaire...

1.3. LE NOUVEL INTERNET 2.0. EST EN MARCHEEn aot 2004, un amendement du dput Patrick Bloche va structurellement modier lesprit et les rgles du commerce. La loi, qui vise clarier la responsabilit des prestataires techniques et des hbergeurs de contenus, va donner lieu un grand dbat sur lexpression publique et le rle des acteurs conomiques dans ce domaine naturellement rserv au juge. Cest la faveur de ce dbat que lon commence raliser lextraordinaire pouvoir que confre Internet aux citoyens, aux consommateurs et aux entreprises de la Net conomie. Le dbat autour de la libert dexpression et la responsabilit va se poursuivre autour de la Loi pour la Conance dans lEconomie Numrique (LCEN) du 21 juin 2004. Elle va mobiliser les FAI et les hbergeurs hexagonaux qui ne veulent pas se voir imposer dobligation de surveiller a priori des contenus Web illicites. De leur ct, les e-commerants retiennent, sereinement, que cette loi leur impose des rgles quils ont pour la plupart dj largement mises en uvre : mentions lgales dans les Conditions Gnrales de Vente, obligation de conserver pendant 10 ans la trace des contrats de vente pour toute commande de 120 euros, responsabilit de plein droit du commerant lectronique.Les dbuts du e-commerce

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Cette loi pose aussi lobligation nouvelle dobtenir le consentement (opt-in) explicite des personnes pour lenvoi de certaines formes de prospection par courrier lectronique. Les e-commerants peinent, dans un premier temps, raliser quils ont six mois pour nettoyer leurs bases de donnes de toutes les adresses qui nauraient pas t collectes selon ces rgles nouvelles, qui ont un effet rtroactif. Ce nest que quelques mois plus tard, la faveur de ladoption par lUFMD en mars 2005 dun code de dontologie relatif lutilisation de lemail des ns de prospection, quils sapaiseront. Cet pisode marque un tournant cl pour le-mail marketing, qui constituera encore longtemps un pilier de la collecte de nouveaux clients pour les e-commerants. La part de lemail dans les budgets dacquisition va, partir de lanne 2009, voluer pour progressivement perdre son importance relative avec lmergence du display intelligent et comportemental, du mobile et des rseaux sociaux. A partir de 2006, le nouvel Internet 2.0 vient renforcer le pouvoir des consommateurs. Car lmergence des rseaux sociaux voit grandir sur la Toile la part des contenus produits par les internautes. Partout les consommateurs sexpriment sur leurs expriences dachat, la qualit de service, les prix et les produits La prolifration davis et de reviews sanctionne ds lors bien plus svrement les mauvaises pratiques e-commerce que la loi : un bouche oreille digital ngatif ne laisse que peu de chance de survie moyen terme aux e-marchands irrespectueux de leurs engagements. Dans un contexte dinsolente croissance de le-commerce, la conance continue aussi de progresser. Les acheteurs dclarent 99,6 % dintention de rachat en ligne lissue de Nol 2007 ! Dans ce cadre, les lois Chatel 1 de 2006 et Chatel 2 de 2008, qui visent renforcer encore davantage la protection des consommateurs, imposent de nouvelles contraintes aux e-marchands : indiquer une date limite de livraison du bien (et non plus un dlai) ou de lexcution du service, rembourser les frais de retour en cas de rtractation Elles tmoignent dune volont politique en direction des consommateurs, sans quil ny ait eu de vritable demande sociale signicative. Pour autant, les e-commerants ne rejettent pas en bloc ces mesures. Ils critiquent surtout certaines dispositions de dernires minutes quils estiment discriminatoires, telles que par exemple linterdiction des numros surtaxs pour les services 40

aprs-vente pour les seuls achats raliss sur un site. Cette ingalit de traitement sera rpare deux ans plus tard avec lextension de la mesure toutes les formes de commerce dans le cadre de la loi de modernisation de lconomie. Lenjeu nest plus tant dalourdir les contraintes des e-commerants, dj bien encadrs par la rglementation de la vente distance, que de responsabiliser les e-consommateurs, qui se sont compltement transforms en lespace de quelques annes. Et si le besoin dune intervention lgislative devait se faire sentir, alors, relve Marc Lolivier, le Dlgu Gnral de la FEVAD, la concertation et le dialogue avec les professionnels devraient toujours tre considrs comme une tape importante dans le processus conduisant laboration de nouvelles normes, fortiori lorsque cela touche Internet .

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CHAPITRE 2LE-COMMERCE EN 2011 : LES FONDAMENTAUX IMMUABLES, ET LES INNOVATIONS QUI POURRAIENT TOUT CHANGER.Avec prs de 85 000 sites e-commerce en France, 300 000 en Angleterre, deux nouveaux sites crs toutes les heures, le volume dachats europen continue son envole, la marmite e-commerce bouillonne ! Le secteur est en train de vivre de profonds changements. Cest probablement le commerce qui plus largement, connat une mutation dune ampleur peut-tre au moins aussi considrable que celle qui a fait natre la grande distribution au dbut des annes 1960. Parmi les changements aujourdhui luvre sur le-commerce en Europe, on en retiendra trois : son dveloppement fulgurant, larrive des marques et des enseignes physiques et la mtamorphose des consommateurs. Ds lors, quelles sont les innovations qui changent la donne ? Quels sont les nouveaux enjeux des e-marchands ?

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2.1. DONNES DE CADRAGE 2010 EN EUROPELEurope est le premier march du e-commerce dans le monde devant les Etats-Unis. LEtude Eurostat rend compte que depuis 2008, le march des 27 pays de lUnion Europenne progresse plus vite que le march nord-amricain. Cette tendance devrait se poursuivre en 2011 : la croissance attendue en Europe sur 2011 est de +18% contre 10,9% aux Etats-Unis. LEurope devrait ainsi conrmer sa place de premier march e-commerce dans le monde avec 202,7 milliards deuros contre 192 milliards pour les Etats-Unis. Le-commerce reprsente 5,9% des ventes totales de dtail en Europe (France 6%) ; cette proportion pourrait atteindre 6,9% en 2011 (France 7,3%). Le classement des marchs leader est inchang depuis 2003 LAngleterre (52,1 milliards deuros), lAllemagne (39,2 milliards deuros) et la France (31,2 milliards), sont les premiers pays e-commerce en Europe. En 2010, ces trois pays comptent pour plus de 70% des dpenses en ligne europennes (Etude Kelkoo Janvier 2011). Les ventes en France devraient crotre de 24% pour atteindre 38,7 milliards deuros n 2011. En comparaison, les ventes totales de dtail en France devraient progresser de seulement 2,2%. La Pologne (33,5%), la France (24%) et la Sude (22,1%) devraient connatre les plus fortes croissances europennes en matire de ventes en ligne, tandis que le Royaume-Uni (14%) et lAllemagne (15%) plus matures fermeraient la marche. Les pays europens o le commerce en ligne reste encore mergeant sont lItalie (3,3%), lEspagne (3%) et la Pologne (2,5%).

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De grandes disparits entre pays Sur 493 millions dhabitants, 141 millions sont des acheteurs en ligne. Le taux daccs moyen Internet en Europe se situe aux alentours de 65% et, malgr un rattrapage sur les dernires annes, la France se situe en-de de la moyenne et la 9me place (63%). Les pays du Nord de lEurope enregistrent quant eux des taux daccs suprieurs 80%. Le taux dacheteurs en Europe est de 40%, une moyenne qui recouvre de trs grandes disparits entre les pays du Nord, et ceux de lEst et du Sud. En France, il se situe 56%. Sans surprise, lAngleterre fait partie des meilleurs lves avec une moyenne qui slve 67%. On observe de grandes disparits entre consommateurs europens : dans leur faon de rechercher des produits, les modes de transport choisis (il ne faut pas moins de 30 transporteurs diffrents pour couvrir toute lUE) et les modalits de paiement (carte bancaire, Paypal, porte-monnaie virtuel, transfert bancaire, cash la livraison). Globalement, la carte bancaire demeure de loin le moyen de paiement le plus utilis :

Source : Etude Eurostat 2011

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La nature des produits achets volue avec la maturit dun march. Le Baromtre FEVAD-Mdiamtrie//NetRatings de mai 2010 sur les comportements dachats des internautes franais montre que le voyage reste le premier poste de consommation en ligne. Entre 45% et 48% des acheteurs en ligne ont achet de lhabillement, des produits culturels, et des produits techniques. Les catgories Habillement, Maison, et Hygine / beaut / sant, portes par un grand dynamisme de cration de sites dans ces secteurs connaissent une forte croissance.

Source : Baromtre FEVAD-Mdiamtrie//NetRating mai 2010

Le top des sites est trs local En dehors dAmazon, eBay et iTunes, peu de sites e-commerce amricains ont russi ce jour une perce en Europe. Le phnomne inverse est encore plus marquant puisque parmi le Top 20 des sites aux Etats-Unis, il nexiste aucun site europen. La conqute de lOuest est la prochaine tape pour certains grands marchands, comme Vente-Prive.com qui a annonc en mai 2011 un partenariat avec American Express pour simplanter en 2012 sur les Etats-Unis. En France, le top 15 des sites par achat en mai 2010 (pourcentage des acheteurs en ligne ayant ralis au moins un achat sur le site au cours des 6 derniers mois) rend compte dune majorit de pure players, alors que sur des marchs plus matures, Angleterre, Allemagne, et aux Etats-Unis, leur part 46

dans les classements est devenue trs marginale face aux acteurs issus de la VAD et du retail. Taux de conance et taux de satisfaction sont extrmement positifs et continuent encore de crotre danne en anne. La recommandation entre internautes prend tout son sens puisquau del de ne concerner que les produits, les internautes lutilisent aussi pour des sites de conance.

Source : Baromtre FEVAD-Mdiamtrie//NetRating mai 2010

La premire motivation des e-consommateurs europens est le gain de temps qui reprsente un moteur dachat pour 72% dentre eux. Le prix ou la possibilit de pouvoir comparer les prix en vue de trouver la meilleure affaire reste dterminant 63%.

Source : tude Eurostat 2011

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Smartphone et Internet mobile Plus de 30% des tlphones portables dans les cinq plus grands pays dEurope (Allemagne, France, Royaume Uni, Italie et Espagne) sont des smartphones. Un taux dquipement en hausse de 9.5 point entre 2009 et 2010. Pour comparaison, le taux dquipement aux Etats Unis nest que de 27%. Il existe dans le monde plus dun milliard de personnes connectes lInternet xe et dj plus de quatre milliards de mobiles. Le temps pass sur le mobile crot inniment plus vite que le temps pass sur nimporte quel autre support comme le dmontre le tableau ci-contre.

Source : emarketer.com 2010

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Plus de dix milliards dunits lies lInternet mobile sont attendues pour 2012 (avec le multi-quipement en tablettes tactiles, iPod, consoles de jeux, liseuses comme le Kindle). Une tude Forester Research ralise en 2010 prvoit que le nombre dutilisateurs dInternet Mobile dpasse en 2013 le nombre dutilisateurs dInternet xe.

Source : Forrester Research 2010

En France, en 2010, un tlphone sur trois vendu en France est un smartphone. Daprs lObservatoire des Nouvelles Tendances de Consommation de CCM Benchmark, 12% des acheteurs en ligne ont dj achet un bien ou un service directement partir de leur tlphone mobile. Le m-commerce a ainsi dj sduit 3,3 millions de Franais (tlchargements dapplications mobiles exclus). En 2020, tous les clients seront quips en mobile connect. Linternet mobile se dveloppe beaucoup plus rapidement que lInternet xe, au point que certains en prdisent la disparition horizon 10 ans pour un Internet 100% mobile.

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2.2. LARRIVE DES ENSEIGNES ET DES MARQUES FAIT DU CROSS-CANAL UN ENJEU MAJEURPour la majorit des acteurs de la vente physique, la cration dun e-store compte en bonne place parmi les projets de dveloppement prioritaires. Les annes 2011 et 2012 vont tre marques en Europe par une forte acclration de larrive des enseignes physiques et des marques sur le commerce en ligne. 42% des groupements en coopratives ont en 2011 une activit de vente en ligne. Les autres ont lintention ou sont en train den dvelopper une. Ces acteurs nont pas t pionniers en termes dInternet marchand, ils nont pas essuy les pltres mais directement pris le deuxime train, cross-canal et pas multicanal. Par opposition au multicanal, qui sous-entend une juxtaposition sans interdpendance, cest en fait la logique cross-canal qui est au cur de leurs proccupations : comment combiner de faon harmonieuse et cohrente diffrents canaux, qui sont autant doccasions de rendre service son client avant, pendant ou aprs une vente ? Plus largement, tout marchand se pose de faon concrte la question de la meilleure faon dutiliser lensemble des canaux disponibles pour changer et vendre : son site e-commerce, ventuellement ses magasins et/ou son catalogue, le Web, le mobile, les rseaux sociaux, les points de contact de relation client (tlphone, email, chat). Cest un sujet difcile. Il nest pas tonnant que les marques et les distributeurs physiques aient tant tard prendre leur place face aux pure players et aux VADistes dj prsents en ligne depuis plus de dix ans. Pour un retailer, le-commerce et les problmatiques cross-canal quil implique (encore en 2011) est une sacre rvolution. Beaucoup veulent vendre en ligne parce que cest la tendance et que cest lavenir mais peu ont en ralit vraiment compris les implications et les exigences de le-commerce.

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Les freins lever sont nombreux Il y a des freins structurels, car il sagit damener des silos se parler entre eux : le commerce immatriel (clic) et le commerce en dur (mortar). Si le dialogue est parfois laborieux pour des enseignes organises en liales ou en franchises, il ne lest pas moins lorsquil sagit de groupements en coopratives, anims par une dynamique entrepreneuriale Le poids des process et des habitudes est l, qui exprime peut-tre la difcult fondamentale de mettre en cause le prisme travers lequel on voit son industrie. Sur Internet, les rapports de force, la dynamique concurrentielle, les facteurs cls de succs ne sont pas les mmes que dans le commerce physique. Il faut compter avec des acteurs 100% numriques qui jouissent dune plus grande libert pour xer leurs prix. Il faut compter avec davantage de concurrents, qui ne sont qu quelques millimtres au bout du doigt du client. Cet cosystme technique complexe rencontre des freins culturels et des apprhensions naturelles : avec ses mots barbares et ses mtiers nouveaux, ses technologies qui voluent tous les jours, laune de quels repres juger de la pertinence dune solution, dun prix ou dun prestataire dans le numrique ? Les rticences sont encore vives chez les retailers. La vente en ligne y est encore perue comme une menace avant dtre une opportunit. Comme quand est apparu Voyages-SNCF.com au sein de la SNCF. Les commerants en dur commencent par apprhender tout ce quils risquent de perdre avec le-commerce : des clients, du CA en magasin, avec la fameuse cannibalisation des ventes ; une qualit de relation sur le point de vente, avec des consommateurs qui souvent en savent plus que le vendeur et rduisent lchange une ngociation sur le prix ; du temps, pour sapproprier les codes du e-commerce et des rseaux sociaux ; des emplois Le retour des illusions sur le-commerce La croissance du secteur, 25% en 2010, encore 20% en France sur le premier trimestre 2011, fait rver bien des secteurs quand ils comparent avec leur croissance. En ralit, cet accroissement de chiffre daffaires est surtout exogne, li larrive de trs nombreux nouveaux e-marchands chaque mois, PME, TPE, auto-entrepreneurs et de nouveaux cyber-acheteurs. Si lon sattache au seul nombre dacteurs prsents lanne passe,Le-commerce en 2011

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et au mme nombre dacheteurs en ligne, alors la croissance se situe alors plutt autour de 5% par an. Et avec la profusion des e-commerants, la croissance du nombre de sites marchand est suprieure la croissance du CA e-commerce : les sites sont plus nombreux se partager le gteau . Les points de croissance sont de plus en plus difcile gagner, notamment dans les secteurs hyper concurrentiels analyse avec lucidit ce consultant e-commerce. Une autre croyance concerne la rentabilit du secteur : atteindre le point dquilibre et le retour sur investissement serait plus rapide et plus simple quen ouvrant une boutique physique (pas de pas de porte, de droit au bail, de loyer, de personnel). L encore, il sagit dun leurre. Les e-marchands savent que la rentabilit est loin dtre rapide ou facile. Une enqute mene la n 2010 et publie en janvier 2011 par Webloyalty pour Benchmark Group auprs de 52 sites e-commerce de tous secteurs rendait compte quun site interrog sur quatre ntait pas rentable, mme chez les leaders. Les exemples ne sont pas toujours engageants : Amazon dgage une marge nette de 0,8% (aprs 7 ou 8 ans de pertes), les grands du e-commerce franais (Cdiscount, RueduCommerce, LDLC) nafchent pas de rsultats si brillants Il faut investir : pour se construire un avantage concurrentiel majeur dont dcoule aujourdhui une trs forte rentabilit, des sites comme Amazon ou Vista Print ont consenti dnormes investissements au l des ans, en R&D, logistique et marketing - prs dun milliard de dollars pour Vista Print. La croissance se paye, lacclration cote et la rentabilit narrive (si elle arrive !) que plus tard. Avant dtre rentable, il faut vendre. Internet repose sur deux leviers pour cela : attirer le cyber-chaland et le convertir. Le travail sopre sur deux axes : loffre dune part, la visibilit et le trac dautre part. Ici intervient gnralement une autre reprsentation mythique, selon laquelle la puissance dune marque permettrait de limiter les investissements marketing dacquisition de visibilit et de trac. Une marque de la vraie vie forte notorit naurait pas autant besoin de budget pour faire venir des acheteurs sur son site. Or, il nen nest rien. La notorit draine des visiteurs, des curieux, des fans ou des neurs, pas ncessairement des acheteurs. Avoir une marque forte serait plutt le gage dun taux de conversion infrieur entre visiteurs et acheteurs, la transformation en achat pouvant aussi se faire en magasin. Une marque serait plutt amene, pour gnrer un mme nombre de ventes, investir davantage en acquisition de trac. Quelle que soit la notorit, le CA dun 52

site e-commerce est donc mcaniquement li linvestissement marketing ralis pour faire venir du trac et des acheteurs sur son site. Les distributeurs et les marques commencent le comprendre : un site e-commerce nest pas une boutique de plus. Il est lpicentre dune relation nouvelle avec ses clients. Les consommateurs sont tous connects, nomades, en attente dune exprience dachat partout et nimporte quand : en ligne, en magasin, sur mobile. Nos clients multicanal dpensent 30% de plus que ceux qui ne vont quen magasins , indique le directeur gnral de Fnac.com. Entre peurs et lgendes : les grands enjeux du cross-canal Cest certes un atout incomparable que de disposer dun rseau en dur pour offrir aux consommateurs une exprience shopping plus riche et plus complte quaucun pure player ne saura proposer, lui qui nexiste pas IRL ( In Real Life ). Pixmania, qui en est convaincu, a ouvert en Europe 14 magasins et 3 points de retrait, de retour ou dchange. Mais les questions sont ardues : Quelle politique de prix dnir ? A titre dexemple, une organisation en cooprative avec des adhrents libres de xer les prix pour leurs magasins doit-elle mentionner sur le site que les prix sur Internet peuvent tre diffrents de ceux pratiqus en magasin ? Faut-il ncessairement afcher le plus bas prix sur Internet ? Dans ce cas, comment ne pas dcevoir le client qui se prsente dans un magasin o le produit est vendu plus cher que sur Internet ? Quelle largeur de loffre ? Les internautes attendent le maximum de produits. Plus facile dire qu raliser, au vu du cot du shooting pour des dizaines de milliers de rfrences catalogue ou des collections quil faut renouveler plusieurs fois par an, sans parler des frais de stockage. Quels leviers mettre en place pour impliquer son rseau ? Quils soient adhrents, franchiss ou responsables de magasins, il ne sagit pas tant de mettre les quipes au mme niveau de connaissance sur les produits que linternaute surinform, que de trouver les mcaniques incitatives au cross-canal, celles qui garantiront quon rserve au client e-commerce un accueil de qualit quand il vient rceptionner sur le point de ventes sa commande passe en ligne.Le-commerce en 2011

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Exemple chez Zara : branle-bas de combat tous les tages pour retrouver un colis Internet quune vendeuse nit par dbusquer tout racorni sous la caisse (et qui, dans son moi, oublie de suggrer le-acheteuse quelle a reu un petit ensemble camel parfaitement assorti au chemisier bleu achet sur le site) ; des ventes additionnelles se perdent. Avec le temps, on saguerrit ; chez CDiscount, on est par pour le retrait en magasin chez le cousin Casino. Dj 15 20% des clients CDiscount retireraient leurs achats dans un Gant Casino (source LSA avril 2011). Laccueil est assur ds le parking ddi la clientle Cdiscount, et un point de retrait gratuit permet de venir jusqu 21 heures rencontrer un vendeur bien rel pour lui demander un dernier conseil avant de rentrer chez soi. Le multicanal est un chantier prioritaire chez Cdiscount , indique Olivier Marcheteau, prsident de Cdiscount. En 2010, nous avons livr 500 000 produits en point de retrait magasin : dans les 130 Gant, pour les produits de plus de 30 kg lectromnager, tlvisions, lits, canaps et les moins de 30 kg dans les 1800 petits Casino. Nous sommes en train de dployer Franprix en rgion parisienne. A terme, ce sont les 8000 points de vente, avec Leaderprice, Spar et Vival, qui seront impliqus . Quelle organisation logistique mettre en place pour mutualiser les cots ? Faut-il, comme Darty, regrouper et centraliser lensemble des commandes pour le-commerce, ou marier le stock du Web avec celui du magasin ? Dans tous les cas se pose la question do et comment grer les cas de retour, en garantissant la mme qualit de service et dcoute quel que soit le canal choisi par le client. Quel systme de centralisation des donnes clients mettre en place pour proposer un programme de dlit global qui intgre le Web ? Le programme de dlit nest quune partie de lquation. Fnac.com existe depuis 1996 et ce nest pourtant quen 2010 que lenseigne se met rsolument plancher sur son cross-canal. Comme partout, la rexion porte sur : le croisement des donnes comportementales avec les historiques dachat on et ofine ; la cohrence de loffre, du prix et du service, avec une rponse adapte chaque canal ; la redistribution de valeur, qui doit sappliquer mme sil ny a pas de reconnaissance en magasin des personnes ayant consult le site avant de venir ; lexprience numrique en magasin au travers du mobile qui permet par 54

exemple dcouter des extraits dalbums, daccder son historique achat tous canaux confondus ou de recevoir les coups de cur des vendeurs. On observe chaque jour de nouveaux signes encourageants de cette imbrication clic et mortar : des sites avec des store locators renvoient les internautes depuis les ches produits jusquau magasin le plus proche ; des points de vente signent leurs sacs avec leur url alors quaux Etats-Unis, les .com ont dj disparu tellement la complmentarit est devenue une vidence A New York, dans toutes les boutiques, on incite les clients devenir fans de la marque sur Facebook, ce qui donne droit des rductions sur le prochain achat, en magasin ou en ligne. Au Japon Harajuku, la marque Uniqlo propose une vraie intgration dInternet en donnant la possibilit de commander en ligne des tee-shirts sur mesure depuis le magasin. Sans aller si loin, cross-canal et convergence sont en train de simplanter avec intelligence dans le e-commerce en France, comme le rapporte Marc Schillaci, PDG dOxatis, sur son blog : On connaissait les sites Web crs par les distributeurs traditionnels pour vendre en ligne. Voici un exemple de symtrie avec lannonce hier de Vente-Prive, un pure player, qui converge vers les commerces en dur : Vente-Prive et la foncire Hammerson ont sign un partenariat pour la vente de chques cadeaux sur Vente-Prive Rosedeal. Ces chques cadeaux, vendus en ligne donc, seront valables pour effectuer des achats dans toutes les boutiques partenaires des centres commerciaux. La boucle est en passe de se boucler . Le Web, acclrateur des rseaux de vente physique ; en Europe, et ce nest que le dbut, le cross-canal est en marche, pour intgrer au mieux commerce et e-commerce, exprience en magasin et nouvelles technologies, le tout pour apporter une satisfaction suprieure ses clients. Les mentalits, les pratiques et usages nissant toujours par voluer souvent avec les hommes, certains dirigeants du retail ralisent quil leur appartient de rinventer les entreprises du commerce. La e-bascule, le dclic cross-canal, se produit quand le patron dcide de faire du e-commerce un projet dentreprise, dinvestir dans des outils e