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402 lu pour vous comme ayant une pneumopathie documentée et, lorsque les pré- lèvements étaient négatifs mais que la symptomatologie s’amélio- rait sous antibiothérapie, le diagnostic était celui de pneumo- pathie non documentée. 55,1 % des patients étaient colonisés avant l’intervention, essentiellement par Haemophilus et Streptococcus. L’incidence de pneumopathie postopératoire (PPO) était de 25 % [documentée : 14,3 % ; non documentée 10,7 %], 83,3 % des cas survenant au cours de la première semaine et la moitié dans les 4 premiers jours postopératoires. Haemophilus, Streptococcus (pneumoniae) et Serratia étaient les souches prédominantes, de nombreuses souches identifiées ayant une sensibilité réduite au kéfaman- dole. L’incidence de la pneumopathie était de 48,8 % chez les patients colonisés contre 19 % chez les autres (risque relatif : 3,84). Chez les patients colonisés qui développaient une PPO documentée, il y avait concordance bactériologique dans 85 % des cas. La mortalité postopératoire globale a été de 6,5 %, 8 des 11 patients concernés décédant de PPO. Chez les patients qui développaient une PPO, la mortalité était de 19 % contre 2,4 % chez les autres. Chez les patients colonisés, la mortalité était de 11,1 % contre 4,6 % chez les autres. Les facteurs de risque de développer une PPO étaient le sexe masculin, la présence d’une BPCO, la colonisation endobronchique et le fait de pratiquer une lobectomie plutôt qu’une pneumonectomie. La précocité des pneumopathies postopératoires et la similitude des germes retrouvés lors de ces pneumopathies précoces avec ceux iden- tifiés avant l’intervention sont deux arguments à l’appui du rôle de ces germes dans la genèse des pneumopathies. Manifestement, une partie des souches identifiées est porteuse de β -lactamases et résis- tante à l’antibiothérapie prophylactique. Ceci ne permet pas d’écarter l’hypothèse que le céfamandole a pu éradiquer certains germes qui n’apparaissent pas en culture. Pour pleinement appréhender le pro- blème, il aurait été utile de préciser l’antibiothérapie entreprise lors- que le germe n’était pas identifié et de savoir plus précisément si les patients avaient été hospitalisés avant l’intervention, ce qui était susceptible de modifier leur flore bactérienne. Plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour prévenir ce type de complication. Une des possibilités pourrait être d’identifier avant la chirurgie la flore de colonisation, de façon à utiliser une antibiothérapie sélective chez les patients colonisés par un germe prédominant. Indépendamment et en complément, une approche mécanistique (VNI — kinésithérapie — soins de réhabilitation) est également mise en place dans la plupart des centres mais pourrait faire l’objet d’une approche plus rigoureuse et plus systématique. Francis Bonnet Hôpital Tenon, Paris. Régulation des apports intraveineux chez les patients souffrant de SDRA Comparison of two fluid-management strategies in acute lung injury The National Heart, Lung, and Blood Institute Acute Respiratory Distress Syndrome (ARDS) Clinical Trial Network. N Engl J Med 2006;354:2564-75. Alors que la régulation des apports colloïdes et cristalloïdes par voie intraveineuse est une problématique quotidienne en réani- mation, notamment en cas de SDRA, il n’existe pas de recomman- dation fermement établie dans ce domaine. Les cliniciens oscillent donc entre la crainte de trop « remplir », et donc d’aggraver l’œdème pulmonaire, et celle de restreindre les apports, avec risque de bas débit cardiaque ou d’insuffisance rénale. Dans cette vaste étude multicentrique nord-américaine (20 centres), menée par un comité ad hoc, deux régimes d’apports intraveineux ont été comparés : un régime « libéral » et un régime « restrictif ». Les patients étaient en fait évalués toutes les 4 heures après leur inclusion, sur la base des données de pression veineuse centrale ou de pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), de la présence ou non d’un choc (PAM < 60 mmHg ou nécessité d’admi- nistrer des vasopresseurs), de la présence ou non d’une oligurie et sur l’existence ou non d’une inefficacité circulatoire (index car- diaque < 2,5 l/min/m 2 ou signe clinique d’hypoperfusion : mar- brures, etc.). À chaque situation correspondait un objectif de PAPO ou de PVC que l’on s’efforçait d’atteindre durant 28 jours, par l’emploi de diurétiques ou l’administration de solutés, qu’il s’agisse de cristalloïdes, d’albumine ou de dérivés du sang (au choix du clinicien). Cet objectif était différent en fonction du groupe dans lequel se trouvait le patient. Par exemple, en l’absence de choc et de bas débit cardiaque, l’objectif était d’obte- nir une PVC < 4 mmHg chez les patients du groupe « restriction des apports » et de 10-14 mmHg chez les patients du groupe « perfusion libérale ». En cas de choc ou de bas débit cardiaque, l’objectif premier était la correction du problème (selon une stra- tégie laissée à la discrétion du clinicien) puis, après le sevrage en vasopresseurs, la stratégie s’appuyait sur les objectifs fixés en fonction du groupe auquel appartenait le patient (cf. supra). Par ailleurs les conditions de ventilation (faible volume courant) et du sevrage étaient codifiées. Sur 11 512 patients « screenés », 1 001 ont été inclus dans l’étude, 503 dans le groupe « restriction » et 498 dans le groupe « libéral ». Au cours des 7 premiers jours, la balance hydrique était négative de 136 +/– 491 ml dans le premier groupe et positive de 6 692 +/– 502 ml dans le second (en cas de choc, les chiffres étaient

Régulation des apports intraveineux hez les patients souffrant de SDRA

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Page 1: Régulation des apports intraveineux hez les patients souffrant de SDRA

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lu pour vous

comme ayant une pneumopathie documentée et, lorsque les pré-lèvements étaient négatifs mais que la symptomatologie s’amélio-rait sous antibiothérapie, le diagnostic était celui de pneumo-pathie non documentée.

55,1 % des patients étaient colonisés avant l’intervention,essentiellement par

Haemophilus

et

Streptococcus

. L’incidence depneumopathie postopératoire (PPO) était de 25 % [documentée :14,3 % ; non documentée 10,7 %], 83,3 % des cas survenant aucours de la première semaine et la moitié dans les 4 premiersjours postopératoires.

Haemophilus

,

Streptococcus

(

pneumoniae

)et

Serratia

étaient les souches prédominantes, de nombreusessouches identifiées ayant une sensibilité réduite au kéfaman-dole. L’incidence de la pneumopathie était de 48,8 % chez lespatients colonisés contre 19 % chez les autres (risque relatif :3,84). Chez les patients colonisés qui développaient une PPOdocumentée, il y avait concordance bactériologique dans 85 %des cas.

La mortalité postopératoire globale a été de 6,5 %, 8 des11 patients concernés décédant de PPO. Chez les patients quidéveloppaient une PPO, la mortalité était de 19 % contre 2,4 %chez les autres. Chez les patients colonisés, la mortalité était de11,1 % contre 4,6 % chez les autres. Les facteurs de risque dedévelopper une PPO étaient le sexe masculin, la présence d’uneBPCO, la colonisation endobronchique et le fait de pratiquer unelobectomie plutôt qu’une pneumonectomie.

La précocité des pneumopathies postopératoires et la similitude desgermes retrouvés lors de ces pneumopathies précoces avec ceux iden-tifiés avant l’intervention sont deux arguments à l’appui du rôle deces germes dans la genèse des pneumopathies. Manifestement, unepartie des souches identifiées est porteuse de 

β

-lactamases et résis-tante à l’antibiothérapie prophylactique. Ceci ne permet pas d’écarterl’hypothèse que le céfamandole a pu éradiquer certains germes quin’apparaissent pas en culture. Pour pleinement appréhender le pro-blème, il aurait été utile de préciser l’antibiothérapie entreprise lors-que le germe n’était pas identifié et de savoir plus précisément si lespatients avaient été hospitalisés avant l’intervention, ce qui étaitsusceptible de modifier leur flore bactérienne. Plusieurs stratégiespeuvent être envisagées pour prévenir ce type de complication. Unedes possibilités pourrait être d’identifier avant la chirurgie la flore decolonisation, de façon à utiliser une antibiothérapie sélective chez lespatients colonisés par un germe prédominant. Indépendamment et encomplément, une approche mécanistique (VNI — kinésithérapie —soins de réhabilitation) est également mise en place dans la plupartdes centres mais pourrait faire l’objet d’une approche plus rigoureuseet plus systématique.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Régulation des apports intraveineux chez les patients souffrant de SDRA

Comparison of two fluid-management strategies in acute lung injury

 The National Heart, Lung, and Blood Institute Acute Respiratory Distress Syndrome (ARDS) Clinical Trial Network. N Engl J Med 2006;354:2564-75.

Alors que la régulation des apports colloïdes et cristalloïdes parvoie intraveineuse est une problématique quotidienne en réani-mation, notamment en cas de SDRA, il n’existe pas de recomman-dation fermement établie dans ce domaine. Les cliniciens oscillentdonc entre la crainte de trop « remplir », et donc d’aggraverl’œdème pulmonaire, et celle de restreindre les apports, avec risquede bas débit cardiaque ou d’insuffisance rénale. Dans cette vasteétude multicentrique nord-américaine (20 centres), menée parun comité

ad hoc

, deux régimes d’apports intraveineux ont étécomparés : un régime « libéral » et un régime « restrictif ». Lespatients étaient en fait évalués toutes les 4 heures après leurinclusion, sur la base des données de pression veineuse centraleou de pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), de laprésence ou non d’un choc (PAM < 60 mmHg ou nécessité d’admi-nistrer des vasopresseurs), de la présence ou non d’une oligurie etsur l’existence ou non d’une inefficacité circulatoire (index car-diaque < 2,5 l/min/m

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ou signe clinique d’hypoperfusion : mar-brures, etc.). À chaque situation correspondait un objectif dePAPO ou de PVC que l’on s’efforçait d’atteindre durant 28 jours,par l’emploi de diurétiques ou l’administration de solutés, qu’ils’agisse de cristalloïdes, d’albumine ou de dérivés du sang (auchoix du clinicien). Cet objectif était différent en fonction dugroupe dans lequel se trouvait le patient. Par exemple, enl’absence de choc et de bas débit cardiaque, l’objectif était d’obte-nir une PVC < 4 mmHg chez les patients du groupe « restrictiondes apports » et de 10-14 mmHg chez les patients du groupe« perfusion libérale ». En cas de choc ou de bas débit cardiaque,l’objectif premier était la correction du problème (selon une stra-tégie laissée à la discrétion du clinicien) puis, après le sevrage envasopresseurs, la stratégie s’appuyait sur les objectifs fixés enfonction du groupe auquel appartenait le patient (cf. supra). Parailleurs les conditions de ventilation (faible volume courant) et dusevrage étaient codifiées.Sur 11 512 patients « screenés », 1 001 ont été inclus dans l’étude,503 dans le groupe « restriction » et 498 dans le groupe « libéral ».Au cours des 7 premiers jours, la balance hydrique était négativede 136 +/– 491 ml dans le premier groupe et positive de6 692 +/– 502 ml dans le second (en cas de choc, les chiffres étaient

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lu pour vous

respectivement de + 2 904 et + 10 138 ml). Les paramètres d’évalua-tion de la fonction respiratoire étaient globalement meilleurs dans legroupe « restriction » pour ce qui concerne la PaO

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, la PaCO

2

, lerapport PaO

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/FiO

2

, la pression de plateau, la PEP, et la concentrationde créatinine sérique n’était pas significativement plus élevée dans cegroupe (p = 0,06), à l’inverse de celle de l’urée. Cependant, destroubles électrolytiques et une alcalose métabolique ont été plusfréquents dans le groupe « restriction ».

Finalement, la mortalité hospitalière (60 jours) a été de 25,5 +/– 1,9 %

dans le groupe « restriction » et 28,4 +/– 2,0 % dans le groupe« libéral » (NS). La ventilation mécanique a été plus courte dans legroupe « restriction », ainsi que le temps de mise en place d’un accèsveineux central ; la durée d’hospitalisation en soins intensifs a égale-ment été plus courte. Aucune différence dans le pourcentage depatients ayant recourt à l’hémodialyse n’a été observée.

En conclusion, une approche conservatrice des perfusions semblebénéficier aux patients souffrant de SDRA en termes de fonctionpulmonaire, sans aggraver leur état hémodynamique ni leur fonc-tion rénale. Cette approche (en dehors de la phase de choc) peutêtre préconisée, à condition d’assurer un monitorage très « serré »,car les résultats de cette étude ne peuvent être extrapolés sans tenircompte de ces conditions de monitorage très précises.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Effet protecteur de la N-acétylcystéine sur la fonction rénale

N-Acetylcysteine and contract induced nephropathy in primary angioplasty

Marenzi G, Assanelli E, Marana I, Lauri G, Campodonico J, Grazi M, De Metrio M, Galli S, Fabbiocchi F, Montorsi P, Veglia F, Bartorelli AL. N Engl J Med 2006;354:2773-82.

L’injection de produits de contraste pour investigations radiologiquesest susceptible d’aggraver la fonction rénale, notamment chez lespatients en situation précaire (choc septique, hypovolémie, etc.)souffrant d’une insuffisance rénale préalable (diabétiques parexemple). Tepel et coll. ont montré, dans une première étude, quel’administration de N-acétylcystéine (NAC) pouvait prévenir ladégradation de la fonction rénale chez les patients souffrantd’insuffisance rénale chronique devant subir des investigationsradiologiques avec injection de produit de contraste (1). Ce résul-tat tient à la capacité de la NAC de capturer les radicaux libreset d’améliorer la vasodilatation endothélium dépendante —

contrebalançant la vasoconstriction induite par les produits decontraste.

La NAC s’est montrée particulièrement intéressante en casd’infarctus du myocarde car elle s’associait à une réduction dustress oxydatif, de la taille de l’infarctus, et préservait la fonc-tion ventriculaire gauche. Enfin, son effet semble dépendre de ladose. Le centre cardiologique Monzino de Milan s’est donc pro-posé d’évaluer l’intérêt de la NAC chez les patients devant subirune angioplastie coronaire. Les patients ont été répartis en troisgroupes. Le premier groupe recevait un placebo, le second unbolus de 600 mg de NAC (Fluimucil

®

) avant l’angioplastie suivied’un traitement oral de 600 mg toutes les 12 heures et le troi-sième le double de la dose (1 200 mg en bolus IV puis toutes les12 heures pendant 48 heures). Tous les patients recevaientégalement un apport intraveineux de soluté salé isotonique(1 ml/kg/h pendant 12 heures). Le critère d’atteinte de la fonc-tion rénale secondaire à l’injection de produit de contraste étaitune augmentation de plus de 25 % de la créatininémie. Le pro-duit de contraste injecté était du iohexol, un agent non ioniqueà faible osmolalité.

354 patients ont été intégrés dans l’étude. Le pourcentaged’insuffisance rénale avant l’examen variait entre 22 et 29 % enfonction du groupe (NS). On a noté une aggravation de la fonctionrénale après l’angioplastie chez 66 (18 %) patients, avec des inci-dences respectives de 33 % dans le groupe témoin, 15 % dans legroupe NAC 600 mg/12 heures et 8 % dans le groupe NAC1 200 mg/12 heures La mortalité hospitalière était majorée de5,9 % quand il existait une aggravation de la fonction rénale(26 % contre 1,4 %). L’odds ratio pour la mortalité hospitalièreétait de 5,43 dans le groupe témoin par rapport au groupe rece-vant la plus forte dose de NAC. La NAC prévenait l’élévation decréatinine sérique, qu’il y ait ou non insuffisance rénale préalable.Les effets de la NAC sont donc à la fois très significatifs et dosedépendants. Les conditions d’administration sont favorables,puisque l’injection de NAC précède celle du produit de contraste ;de plus, d’autres effets (sur la fonction cardiaque ou l’agrégationplaquettaire) peuvent rendre compte du résultat observé. Desétudes dans le contexte de la réanimation et de l’anesthésie sontprobablement à développer sur ce sujet.

Référence

1. Tepel M, Van der Giet M, Schwarzfeld C, Lanfer U, Liermann D, Zidek W. Prevention of radiographic contrast agent induced reductions in renal function by acetylcysteine. N Engl J Med 2000;343:180-4.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.