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SPORT ET ASTHME CHEZ L'ENFANT Cette étude menée en Algérie tend à confirmer le rôle prophylactique et thérapeutique de l'activité sportive dans l'affection asthmatique*. PAR S. LEZZAR La prévalence de l'asthme en Algérie est en constante augmen- tation. Le Professeur Berrahal la considère comme la maladie la plus fréquente au Maghreb [1]. Elle concerne 10 à 20 % des enfants scolarisés connus. Pour M. Khiati, « la fréquence de l'asthme chez l'enfant a été multipliée par dix en moins de vingt ans et ceux issus des familles modestes et défavorisés sont les plus touchés par cette maladie » [2]. De nombreuses études ont mis en évidence une corrélation posi- tive entre l'absentéisme scolaire et professionnel dus à cette maladie [3]. Devant ce constat préoccupant, l'activité physique et sportive présente un intérêt tout particu- lier. Recommandée en méde- cine, notamment chez les per- sonnes atteintes de maladies chroniques (diabétiques, hyper- tendus, insuffisants cardiaques, etc.), elle constitue en effet un support que l'on peut inclure dans « l'arsenal thérapeutique » des patients, d'autant que la prise en charge des asthmatiques pose de nombreux problèmes aux parents. ASTHME ET PRATIQUE SPORTIVE Nombreuses sont les recherches qui convergent pour montrer les vertus prophylactiques et théra- peutiques de l'activité physique et sportive dans les maladies chro- niques et celles relevant de domaines psychosomatiques. « Les bénéfices de l'exercice phy- sique peuvent être à la fois préven- tifs et curatifs. Il est établi que des personnes pratiquant un exercice régulier et en bonne forme phy- sique ont un niveau d'anxiété significativement inférieur, cela est encore plus net quand il s'agit de l'exercice physique vigoureux » [4]. Cet effet préventif concerne- rait toutes les maladies [5], « les effets curatifs, sous contrôle médi- cal, sont prouvés dans l'infarctus du myocarde après quelques semaines, dans l'obésité, le dia- bète, dans l'amélioration de l'asthme parfois même dans les affections psychiatriques » [6]. L'asthme : une affection orga- nique à forte implication psy- chologique La pratique du sport permet d'agir sur les deux aspects du trouble : l'aspect somatique, en utilisant des modifications phy- siologiques et l'aspect psycholo- gique, en permettant une régula- tion psychobiologique. Tout dépend en grande partie du type d'effort à fournir. Les diffi- cultés respiratoires qui en résul- tent sont susceptibles de provo- quer une crise d'asthme. La survenue de l'asthme d'effort est très importante : « chez les enfants il dépasse probablement 90 % bien que l'intensité soit très variable » [7]. La natation demeure l'activité la plus indiquée dans ce cas. Les autres activités ne sont pas à écarter dans la mesure où elles sont pratiquées dans les conditions climatiques et hygié- niques requises (encadré 1, p. 52). Outre les bénéfices physiolo- giques importants, en particulier du point de vue de l'apprentis- sage et du contrôle respiratoires, l'activité physique et sportive tend à diminuer les crises et contribue au renforcement d'un équilibre psychique « précaire ». Elle aide à la construction progres- sive de la personnalité, qui se caractérise chez l'asthmatique, par une structure particulière en rap- port avec une certaine fragilité émotionnelle et sociale et une immaturité affective. « L'asthma- tique est un sujet inquiet, anxieux, dépendant » [8]. Sa maladie, se manifestant par d'innombrables crises dans les cas les plus sévères, est un agent causal qui affecte l'ensemble des aspects du fonc- tionnement adaptatif du patient et mène à la destruction d'un équi- libre dans tout un champ d'inter- actions sociales. Toute dislocation de ces relations le conduit inéluc- tablement à un repli sur soi, voire à l'isolement, pour peu que les parents soient hyperprotecteurs. La pratique du sport constitue, dans une certaine mesure, non seulement un processus d'appren- tissage intensif qui offre de larges possibilités au sujet dans la découverte, la prise de conscience de soi, de son corps, mais aussi, l'existence de forces interactives dans un groupe (notamment en sports collectifs). Cet aspect essentiel fait renaître chez le malade l'aptitude à des relations sociales et à son intégration, ce qui peut influencer l'évolution de sa maladie. Le rôle et les compétences du responsable de l'encadrement de la pratique L'enseignant, l'entraîneur ou l'éducateur sportif doit faire oeuvre NDLR : Les photographies de Omar Nenouche présentent un groupe d'enfants de l'École des jeunes sourds et muets d'Alger (Telemly), encadrés par Lounes Chérif Habib, étudiant en magistère « activités sportives adaptées aux handicapés ». 51 Revue EP.S n°320 Juillet-Août 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

SPORT ET ASTHME - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70320...SPORT ET ASTHME CHEZ L'ENFANT Cette étude menée en Algérie tend à confirmer le rôle prophylactique

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  • SPORT ET ASTHME

    CHEZ

    L'ENFANT Cette étude menée en Algérie tend à confirmer le rôle prophylact ique et thérapeut ique de l'activité sportive dans l'affection asthmatique*.

    PAR S. LEZZAR La préva lence de l ' a s thme en Algérie est en constante augmen-tation. Le Professeur Berrahal la considère comme la maladie la plus fréquente au Maghreb [1]. El le conce rne 10 à 20 % des enfants scolarisés connus. Pour M. Khia t i , « la f réquence de l ' a s t h m e chez l ' en fan t a été multipliée par dix en moins de v ingt ans et ceux issus des familles modestes et défavorisés sont les plus touchés par cette maladie » [2].

    De nombreuses études ont mis en évidence une corrélation posi-tive entre l'absentéisme scolaire et p r o f e s s i o n n e l dus à c e t t e maladie [3]. Devant ce constat préoccupant, l 'act ivi té physique et sportive présente un intérêt tout particu-lier. R e c o m m a n d é e en méde-cine, notamment chez les per-sonnes a t t e in tes de ma lad ies chroniques (diabétiques, hyper-tendus, insuffisants cardiaques, etc.), elle constitue en effet un support que l ' on peut inc lure dans « l'arsenal thérapeutique » des p a t i e n t s , d ' a u t a n t que la prise en charge des asthmatiques pose de nombreux problèmes aux parents.

    ASTHME ET PRATIQUE SPORTIVE

    Nombreuses sont les recherches qui convergent pour montrer les vertus prophylactiques et théra-peutiques de l'activité physique et sportive dans les maladies chro-niques et ce l les re levant de domaines p s y c h o s o m a t i q u e s . « Les bénéfices de l'exercice phy-sique peuvent être à la fois préven-tifs et curatifs. Il est établi que des personnes pratiquant un exercice régulier et en bonne forme phy-sique ont un niveau d ' anx ié té significativement inférieur, cela est encore plus net quand il s'agit de l'exercice physique vigoureux » [4]. Cet effet préventif concerne-rait toutes les maladies [5], « les effets curatifs, sous contrôle médi-cal, sont prouvés dans l'infarctus du myoca rde après que lques semaines, dans l'obésité, le dia-bète , dans l ' amé l io ra t ion de l 'asthme parfois même dans les affections psychiatriques » [6].

    L'asthme : une affection orga-nique à forte implication psy-chologique La p ra t ique du sport pe rme t d ' ag i r sur les deux aspects du trouble : l 'aspect somatique, en

    utilisant des modifications phy-siologiques et l'aspect psycholo-gique, en permettant une régula-tion psychobiologique. Tout dépend en grande partie du type d'effort à fournir. Les diffi-cultés respiratoires qui en résul-tent sont susceptibles de provo-quer une cr ise d ' a s t h m e . La survenue de l'asthme d'effort est très importante : « chez les enfants il dépasse probablement 90 % bien que l ' i n t ens i t é soit t rès var iable » [7] . La nata t ion demeure l'activité la plus indiquée dans ce cas. Les autres activités ne sont pas à écarter dans la mesure où elles sont pratiquées dans les conditions climatiques et hygié-niques requises (encadré 1, p. 52). Outre les bénéfices phys io lo-giques importants, en particulier du point de vue de l 'apprentis-sage et du contrôle respiratoires, l 'act ivi té physique et sportive tend à d i m i n u e r les c r i ses et contribue au renforcement d'un équilibre psychique « précaire ». Elle aide à la construction progres-sive de la personnal i té , qui se caractérise chez l'asthmatique, par une structure particulière en rap-port avec une certaine fragilité émotionnel le et sociale et une immaturité affective. « L'asthma-

    tique est un sujet inquiet, anxieux, dépendant » [8]. Sa maladie, se manifestant par d'innombrables crises dans les cas les plus sévères, est un agent causal qui affecte l'ensemble des aspects du fonc-tionnement adaptatif du patient et mène à la destruction d'un équi-libre dans tout un champ d'inter-actions sociales. Toute dislocation de ces relations le conduit inéluc-tablement à un repli sur soi, voire à l ' isolement, pour peu que les parents soient hyperprotecteurs. La pratique du sport constitue, dans une certaine mesure, non seulement un processus d'appren-tissage intensif qui offre de larges poss ib i l i t é s au sujet dans la découverte, la prise de conscience de soi, de son corps, mais aussi, l'existence de forces interactives dans un groupe (notamment en spor ts co l l ec t i f s ) . Cet aspect essent ie l fait renaî t re chez le malade l'aptitude à des relations sociales et à son intégration, ce qui peut influencer l'évolution de sa maladie.

    Le rôle et les compétences du responsable de l'encadrement de la pratique L 'ense ignan t , l ' en t r a îneu r ou l'éducateur sportif doit faire œuvre

    NDLR : Les photographies de Omar Nenouche présentent un groupe d'enfants de l'École des jeunes sourds et muets d'Alger (Telemly), encadrés par Lounes Chérif Habib, étudiant en magistère « activités sportives adaptées aux handicapés ».

    51 Revue EP.S n°320 Juillet-Août 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • 1 . Critères de choix d e s a c t i -vités s p o r t i v e s adaptées à l 'asthmatique La pratique sportive régulière, excellent antistress, peut amélio-rer l'hyperactivité bronchique. Elle pourrait représenter un des moyens principaux de prévenir et atténuer la sévérité de la maladie.

    Précautions à prendre, résu-mées par L. Refabert : - prendre un médicament (géné-ralement un bronchodilatateur) 10 à 15 min avant le début de l'activité ; - « s'échauffer 10 à 15 min en peti tes foulées, voire en mar-chant ; - respecter un début et une fin d'exercices progressifs ; - privilégier une inspiration nasale afin que l'air inspiré soit réchauffé et humidifié ; - en cas d'apparition d'un essouf-flement, ne pas s 'arrêter mais ralentir légèrement pour mainte-nir son effort au-dessous du seuil d'essouflement ; - se méfier particulièrement des exercices physiques réalisés par t emps froid et s e c ou lors de brouillard ». - chez cer ta ins a s thma t iques g ê n é s à l'exercice malgré ce s précautions, un nouveau médica-ment (le Singulair) peut être effi-cace ; Les cas sévères, présentant une obstruction bronchique impor-tante malgré plusieurs médica-ments, devront choisir des activi-tés peu exigeantes, à la mesure de leurs capacités.

    Conditions à prendre en compte • Conditions climatiques : éviter un climat froid et s e c (peut déclencher la crise) ; privilégier une température relativement

    chaude et humide (piscine cou-verte) ; éviter de pratiquer en période de pollution, de tempéra-tures extrêmes (très chaud et humide ou t r è s froid et s e c ) . L'asthmatique peut par exemple, pratiquer le ski à une intensité modérée lorsque le temps n'est pas trop froid, surtout s'il utilise un broncho-dilatateur. • Conditions hygiéniques : pour les sports en salle, veiller à une bonne aération et au nettoyage cons t an t d e s tap is (gymnas-tique). Pour les sports de plein air, faire attention aux sujets aller-giques (se référer aux orienta-tions médicales). • Dosage approprié de l'effort physique : respecter et assurer une charge de travail favorable à l'adaptation de l'organisme, en tenant compte de l'état de santé du malade (degré de sévéri té de la maladie, asthme équilibré ou non).

    D e façon générale, la plupart des disciplines sportives peuvent être adaptées à l'asthmatique. Sont consei l lés les exerc ices brefs et intenses, les exercices prolongés et peu intenses. Les exercices intenses dépassant 6 à 8 min sont mal tolérés. • Activités sportives bien tolé-rées : tennis et jeux de raquettes, handball, baseball, gymnastique, sprints, ski de piste, golf, nata-tion, plongeon, water-polo. • Activités moins tolérées : bas-ket-ball, rugby, cyclisme, course de longue distance, football, hoc-key sur glace, patinage, ski de fond, alpinisme, vélo de mon-tagne, boxe, karaté, équitation en cas d'allergie aux chevaux. • Seule activité déconseillée : la p longée s o u s - m a r i n e avec bouteille.

    pédagogique autant « qu'œuvre thérapeutique », en collaboration étroite avec le médecin, le psy-chologue, les parents. Sa capacité dans la prise en charge de ces enfants est cruciale à bien des éga rds . Son in t e rven t ion ne consiste pas à leur proposer un entraînement spécifique à une discipline sportive précise mais à apprécier leur capacité générale à s'adapter et à répondre favorable-ment à l'effort physique, en fonc-tion de leur état de santé. En premier lieu, il doit évaluer leurs possibi l i tés , en fonction desquelles il fixe un programme de travail. Il tient compte des cri-tères suivants : âge, sexe, acquisi-t ions an té r ieures de l ' enfan t , capacités cognitives (attention, mémorisation, observation, assi-milation, etc.), conduites envers

    certaines situations et bien sûr, état de santé. Par la proximité de la relation ins-taurée, il cherche à développer leur intérêt pour une participation active et enthousiaste à l'exercice physique dans le but d'améliorer leur état de santé et de lut ter contre la fréquence des dispenses médicales. Il met en place des situations pour leur apprendre à envisager celles susceptibles de provoquer une crise, puis recher-cher comment l 'affronter et la surmonter. Cet apprentissage à l'anticipation de situations anxio-gènes et à l'adoption des compor-tements adaptés est vital. Enfin, l 'éducateur propose une codification des interventions préventives, sur la base d'exer-cices physiques indiqués. Son rôle vise également à valoriser les

    forces personnelles de l'enfant, le rassurer, le stimuler et soutenir sa progression.

    ÉTUDE EXPÉRIMENTALE

    Nous cherchons à analyser l'in-fluence de la pratique sportive sur l'état de chaque patient, notam-ment par rapport aux trois aspects intimement liés qui nous intéres-sent : l'amélioration de l'état phy-sique (diminution de fréquence des crises), le renforcement de l'équi-libre psychique et émotionnel ainsi qu'une meilleure insertion scolaire et sociale. Cette étude a été menée dans le cadre des act ivi tés de recherche du laboratoire des STAPS de l'Institut d'éducation physique et sportive à l'université d'Alger, pour renforcer la forma-tion et sensibiliser nos étudiants en EPS à la prise en charge de cette catégorie de population qui a ten-dance à fuir la pratique sportive, surtout en milieu scolaire. Il s 'agit d 'une étude psycholo-gique sur la base d'une enquête effectuée en 2002-2003 dans trois établissements scolaires d'Alger. Elle concerne 16 patients asthma-tiques colligés sur 34 suivis pen-dant 15 mois, soit 47 %. Ils ont été d'abord soumis à un question-naire pour le recueil de données s o c i o d é m o g r a p h i q u e s et c l i -niques, avant de suivre un pro-gramme d'activités physiques et sportives adapté, avec un contenu étudié rationnellement.

    L'expérimentation Elle s'est déroulée en trois étapes. Évaluation initiale ou prétest Épreuve de pédalage sur bicy-clette ergométrique d'une part et course de 6 min (mini-Cooper) d'autre part, afin de mesurer la tolérance à l'effort physique, la qualité d'endurance et le niveau d'aptitude physique.

    Application du programme spor-tif expérimental (9 mois), pratique des disciplines retenues : handball, volley-ball, natation, gymnastique, athlétisme, tennis de table.

    Évaluation finale ou post-test Mesurer l'évolution des capacités respiratoires et d'endurance, en utilisant la méthode test-retest, qui favorise dans l'expérimenta-tion une bonne reproductibilité des résultats (les conditions d'ad-ministration étant les mêmes : ma té r i e l , examina t eu r , l ieu , échantillon, etc.).

    L'échantillon Afin de réduire et maîtriser au maximum les variables parasites ( c o m m e la p r a t i que spor t ive régulière ou l 'é tat de santé du malade), l 'homogénéité des cas est indispensable. Le choix non aléatoire de l'échantillon nous a permis de réunir quelques carac-t é r i s t i ques c o m m u n e s . L ' en -semble des consultés sont de sexe masculin (refus des parents des filles de col laborer) , avec des extrêmes de 7 à 12 ans, tous sont scolarisés. L 'anamnèse nous a permis de prendre un échantillon apte à la p ra t ique spor t ive et d'écarter les cas les p lus « sévères », qui présentent une insuffisance respiratoire chro-nique pour lesquels l'effort phy-sique peut être contre-indiqué. Nous nous sommes assurés au préalable que les enfants retenus n'avaient recours à aucun sport ni scolaire, ni extrascolaire, afin que le développement et l 'améliora-tion constatés pour les qualités physiques, psychiques, sociales ne reflètent que l'effet de la pra-tique sportive expérimentée pen-dant les 9 mois.

    La motivation des enfants et des parents a été déterminante dans l'obtention des résultats.

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  • 2. Recuei l des données psy-chologiques Phase initiale • Questionnaire adressé aux enfants. • Entretien avec les parents (anamnèse approfondie) Étude de la personnalité de l'enfant à travers l'observation clinique et le passage de quelques épreuves projectives : dessin libre, dessin de l'arbre (test de K Koch) et dessin du bonhomme (test de F Goodenough). Ce matériel simple de facilité et rapidité d'emploi, nous a fourni des indications précieuses sur l'état émotionnel et psychique de ces malades et sur leur niveau intellectuel.

    Phase postexpérimentale Recours aux mêmes procédés et bilan avec les enfants, les parents, l'éducateur sportif, le médecin.

    L'enseignant Nous avons sollicité la collabora-t ion d ' u n p ro fes seu r d ' E P S , ( l icence en EPS , actuel lement inscrit en post-graduation pour préparer un magis tère dans la spécialité « activités sportives adap tées aux h a n d i c a p é s » ) , ayant au moins cinq années d'ex-périence, notamment avec ce type de public.

    Le club sportif Nous avons choisi un club ratta-ché à un organisme public à partir des critères suivants : - la qualité des lieux par rapport à l 'hygiène, la disponibilité d'un matériel adéquat (gymnase, pis-cine couverte, stades, piste d'ath-létisme) et de toutes les commo-di tés p r a t i q u e s ( d o u c h e , eau courante, aération, etc.) ; - la présence d'un médecin sur les lieux ; - la possibilité offerte à l 'ensei-gnant d ' app l ique r de manière progressive le programme sportif adapté, à raison de trois séances par s e m a i n e d ' u n e durée de 45 min sur 9 mois.

    Les séances Elles comportent trois parties : • Mise en train, échauffement sous une forme ludique : éveil phys ique généra l (courses en petites foulées, rythme lent, alter-nées avec de la marche pour récu-pérer), assouplissements (diffé-rentes parties du corps). • Situations spécifiques à l 'une des activités sportives retenues. • Récupération, retour au calme : l 'enfant retrouve une cer ta ine

    | liberté.

    CARACTERISTIQUES DES ENFANTS

    Les caractéristiques cliniques Catégories socio-économique des parents La majorité des enfants est issue d 'un milieu socio-économique modeste dont les ressources ne d é p a s s e n t pas le S M I G (10 000 DA : environ 950 € ) .

    Scolarité La qualité de la scolarité est sou-vent compromise par la maladie, la fréquence des crises et leur durée. La majorité des patients (9/16) ont redoublé au moins une fois, cinq enfants deux fois et une minorité (2/16) trois fois. Toute-fois la maladie n 'appara î t pas toujours seule en cause, des diffi-cultés familiales, des c i rcons-tances pénibles dans leur vie sont parfois la cause de la chute des résultats scolaires.

    Antécédents Cinq enfants ont des antécédents familiaux d'asthme.

    Antécédents de traumatisme affectif L'asthmatique est particulière-ment vulnérable au stress. La pré-sence d ' un t r a u m a t i s m e psy-choaffectif concerne près de la moitié d'entre eux (sept enfants sont concernés par une séparation des parents , un divorce, ou le décès d'un proche).

    Fréquence des crises Pour l'ensemble de l'échantillon elle varie de 1 à 20 par an et par-fois p lus : qua t r e enfants se situent dans la fourchette de 1 à 5 crises par an ; sept dans celle de 5 à 10 crises et cinq peuvent faire 10 à 20 crises par an et plus.

    Troubles psycho-socio-affectifs Le profil psychologique (enca-drés 2 et 3) qui se dégage de l'en-semble des patients examinés, met en évidence une émotivité prononcée chez dix d'entre eux, un manque de confiance en soi (8/16) avec sentiment d'infério-rité, sous-estime de soi réaction-nels au statut invalidant de la maladie, à la peur et à la honte des crises qui les exposent au regards des autres, à leur rejet ou à leur surprotection, d'où un comporte-ment d'évitement, de repli sur soi (6/16) et de désinvestissement des contacts sociaux (3/16).

    Les caractéristiques évolutives Dans notre série, la stratégie thé-rapeutique expérimentale basée sur un programme sportif adéquat a été la m ê m e pour tous . Les résultats appréciés après 9 mois

    sont encourageants et font état d ' u n e exce l l en t e t o l é r a n c e à l'exercice physique dans les dif-férentes d isc ip l ines re tenues . A u c u n e compl ica t ion n ' a été recensée. L'évolution ultérieure est favorable. Elle a été appréciée par un examen médical et psy-chologique post-expérimental ;

    par le bilan de l 'éducateur ainsi que par un entretien mené auprès des enfants et de leurs parents. La majorité des parents et des enfants sont favorab les à la poursuite du programme sportif, limitée en extrascolaire par les revenus et la disponibi l i té des familles. Tous semblent remettre

    3. Exemple d'étude de cas A. jeune garçon de 10 ans, est le troisième enfant dans une fratrie de 5 (2 filles, 3 garçons). La mère 54 ans, a un niveau scolaire primaire et reste au foyer ; le père 56 ans, a un niveau scolaire moyen et est sala-rié dans une entreprise publique (niveau socio-économique modeste). La famille habite dans un 3 pièces d'un quartier populaire d'Alger.

    Antécédents familiaux Le père souffre d'hypertension artérielle depuis 2 ans, la mère se plaint de troubles gastriques, le grand-père paternel était asthmatique.

    Antécédents personnels Amygdalectomie à 4 ans, otites à 6 ans, angines. Début des crises d'asthme vers 5 ans (5 à 7 par an). Hospitalisé à 7 ans (crise d'asthme aiguë). Développement psychomoteur normal. Examen médical normal. Scolarité Résultats moyens, ses prestations scolaires insatisfaisantes selon les parents : problèmes de concentration à l'école, pour laquelle il mani-feste peu d'intérêt. Il a redoublé une fois. Particularités psychologiques Enfant calme, timide qui aimait jouer seul étant plus jeune. Il a actuel-lement un seul copain. Sur le plan relationnel : jalousie à l'égard de sa jeune sœur et attachement à la mère.

    Examen psychologique préalable Il montre une inhibition (ne parle que si on l'interroge, position assise rigide) ; ses dessins révèlent un vide affectif probable, une image du corps insatisfaisante et une immaturité affective et intellectuelle ainsi qu'une agressivité refoulée. L'observation de l'enfant durant la séance dénote une grande hésitation et un manque d'assurance (ne s'ap-plique pas beaucoup, fait des ratures, recommence), une anxiété (ony-chophagie).

    Examen psychologique postexpérimental L'entretien avec les parents révèle une légère amélioration dans le caractère de l'enfant et son comportement social « moins renfermé », « s'est fait de nouveaux copains », est devenu « plus expansif ». Les relations avec sa jeune sœur sont meilleures, ses résultats scolaires demeurent moyens, mais il semble « mieux apprécier l'école ». Notre observation nous révèle un enfant plus épanoui et plus spontané qu'à la première séance, il n'a pas eu de crise d'asthme durant la phase d'expérimentation. D'après l'éducateur sportif, il a manifesté d'emblée un intérêt pour les activités physiques sportives et n'a manqué aucune séance.

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  • en cause la nécess i té des dis-penses médicales pour l'EPS et le sport scolaire lorsque les condi-tions sont réunies.

    Diminution de la fréquence des crises La pratique régulière d'une acti-vité physique et sportive entraîne une régression de la maladie : la f réquence des cr i ses d iminue pour près des deux t iers des enfants, notamment chez ceux qui faisaient plus de 5 crises par an. Des modifications du mode respiratoire ont été notées grâce au développement de la percep-tion par l'enfant des différents degrés du contrôle de la respira-tion, de sa régulation et de sa nor-malisat ion. L'activité sportive peut contribuer à l'amélioration rééducationnelle de l'état général du patient, les indications devant être soigneusement posées.

    Évolution des troubles socio-affectifs La pratique sportive, en stimulant l'enfant asthmatique, produit des modifications de son comporte-ment et de sa personnalité. Elle permet d'alléger les sentiments de frustration, d'anxiété, de soli-tude, d 'ennui et procure beau-coup de sat isfactions. La pré-gnance du jeu dans l ' ac t iv i té sport ive exerce une influence indéniable sur le psychisme du malade et dans la consolidation de son « Moi ». Le jeu constitue un véritable exutoire aux pro-blèmes psycho-affectifs et émo-tionnels et permet l'abréaction de sentiments et de pulsions refou-lés. L'agressivité, notamment , s ' ex té r ior i se plus faci lement . « L'agressivité réprimée mène à l 'é ta t d ' iner t ie , au manque de goût, à un sentiment d'incapacité à travailler selon ses aptitudes, à la timidité, à l'anxiété, à l 'auto-destruction etc. Une agressivité

    libérée donc affaiblie et canali-sée, mène à la joie de vivre, à la croyance en soi-même à la créati-vité, à la réalisation de soi » [9]. Le malade acquiert, peu à peu, une sensation de bien-être dans tout le corps, une harmonisation p h y s i o l o g i q u e g é n é r a l e , à laquelle s 'associent des émois agréables de sécurité, de revalori-sation de soi et de ses capacités. En terme psychanaly t ique , on peut parler de réinvestissement et de r é a s s u r a n c e n a r c i s s i q u e , conçus par rapport à la maladie vécue comme une blessure nar-cissique. Dans un autre registre, on remarque par ces résultats que l ' ac t iv i té sport ive propose au patient l'expérience capitale d'un mode de relation nouveau avec autrui. Elle a été fructueuse par rapport aux progrès dans la socia-lisation. Le pronostic est favo-rable, la faculté de relation et de communication s'est nettement enrichie et transformée, grâce au réajustement dans les réponses sociales et émotionnelles vis à vis des autres (encadré 3). À ce titre, la pratique du sport mérite d'être encouragée et renforcée par le milieu familial, scolaire (refus des dispenses abusives), sociopo-li t ique (création d ' inf ras t ruc-tures, formation). Ce processus doit être évalué en fonction du type d'exercices les mieux appropriés aux besoins de chaque patient. Insertion scolaire Dans le groupe que nous avons observé, la majorité des sujets ont une scolarité très perturbée. La maladie est souvent la cause d 'absentéisme ou de baisse du rendement scolaire. A ce niveau, les premiers signes d'amélioration apparaissent. Si la pratique régu-lière d 'un sport provoque des modifications physiques, motri-ces, psychiques et sociales chez l'asthmatique, elle contribue aussi à la s t imulat ion des fonct ions cognitives, à l'augmentation des performances, des facultés inven-tives et créatives. Comme le sou-ligne D. W. Winnicott : « C'est en jouant et peut-être seulement en jouant, que l'enfant est libre de se montrer créatif » [10]. Le résul ta t a t te int dépend de chaque cas particulier. L'amélio-rat ion est pa r t i e l l e , e l le est « bonne » pour les un (4 /16) , « moyenne » (7/16) et passable pour d'autres (5/16). Il ne devrait subsister aucune équivoque quant à l'importance effective du sport et du jeu dans l'activité infantile, dans l'édification de la personna-lité, l'élaboration et la maturation

    de la pensée, dans le développe-ment in te l lectuel de l 'enfant . Beaucoup d 'au teurs le confir-ment [10, 11, 12, 13, 14, 15]. En ce sens, la pratique de ces activi-tés ouvre de réelles possibilités pour remédier aux déficiences que peut accuser l'enfant asthma-tique scolarisé.

    Les résultats de notre étude illus-trent une progression nette vers la stabilisation de la maladie, consta-tée par les paren ts et par les patients eux-mêmes. Jusque-là méconnue ou ignorée, l'activité physique occupe désormais une place notable à côté de la médica-tion dans la thérapeutique de cer-taines maladies ch ron iques . L'adaptation de chaque discipline sportive selon le type de patient est primordiale. Elle assure un bon contrôle et une bonne maîtrise des symptômes, parfois mal équilibrés par d'autres moyens préventifs et contribue à l'épanouissement bio-psycho-social du patient.

    Samia Lezzar Maître de conférences,

    Université d'Alger. E-mail :

    [email protected]

    Bibliographie

    [1] P r o f e s s e u r B e r r a h a l , c i té par Bourki M., « Sémina i r e sur l ' a s t hme à l'école ». La nouvelle république, n° 1914. juin 2004.

    [2] Bourki M., 2004, op. cit.

    [3] Hill R.-A., Standen P.-J., Tattersfield A . - E . , Asthma wheizing and school absence in primarx schools - London : Archdis child, 1989.

    [4] P a u l h a n I. , B o u r g e o i s M. , Stress coping, les stratégies d'ajustement à l'ad-versité, 2e édition PUF : Paris, 1998.

    [5] Blair et all (1989). cités par Paulhan I., Bourgeois M. in Stress coping, les straté-gies d'ajustement à l'adversité, 2e édition, PUF. 1998-1989.

    [6] Rosan-Lumbroso J., La médecine du sport. PUF, 1982.

    [7] Lelong M. et Hénard J. : « Asthme et sport chez l 'enfant et l ' adolescent », in N.P.N. medecine, n° 161, 1990.

    [8] Rivol ie r J., L'homme stressé, PUF, 1989

    [9] Klinkhammer-Steketee H.-T., Psycho-thérapie par le jeu, traduit du néerlandais par N. et D. Toy, 3 e édi t ion, Bruxel les : Dessart et Margada Editeurs, 1977.

    [10] Winnicott D.-W., Connaissance de l'inconscient : jeu et réalité, l'espace potentiel. Ed. Gallimard, 1971.

    [11] Piaget J. : • La formation du symbole chez l'enfant, Paris : Delachaux et Nieslé, 1959. • et Inhelder B., La genèse des structures logiques élémentaires (Classifications et sériations), Coll. Actualités pédagogiques et psychologiques, Neuchâtel/Paris : Dela-chaux et Niestlé, 1959.

    [12] Winnicott D.-W., l'enfant et le monde extérieur, Payot, 1957.

    [13] Château J., Le réel et l'imaginaire dans le jeu de l'enfant, essai sur la genèse de l'imagination, Paris : Vrin, 1963.

    [14] Château J., L'enfant et le jeu, Paris : Scarabé, 1967.

    [15] Zazzo R., Croissance de l'enfant, genèse de l 'homme, Paris : PUF, 1969.

    * Voir entre autres les résultats de travaux dont nous nous sommes fait l'écho dans nos colonnes à travers divers articles : - Guyard-Bouteiller F., Daney-Bonardot A.-M., Blanot M., « Elèves asthmatiques et EPS », Revue EP.S n° 261, septembre-octobre 1996 ; - De Bisshop C., « Asthme et EPS », Revue EP.S n° 270, mars-avril 1998 ; - Dr Karila C., « L'asthme des élèves », Revue EP.S 1 n° 111, janvier-février-mars 2003. - Kohart G., « Un certificat médi-cal adapté par une EPS adap-tée » Revue EP.S n° 319, mai-juin 2006. À signaler également : Pro-gramme ludique et éducatif pour les adolescents asthmatiques : www.asthmeacademy.com

    54 Revue EP.S n°320 Juillet-Août 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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