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© Dunod, Paris 2016 – STRATEGOR 7 e édition © Dunod, Paris 2016 STRATEGOR Coordonné par : Laurence LEHMANN-ORTEGA Frédéric LEROY Bernard GARRETTE Pierre DUSSAUGE Rodolphe DURAND 7 e édition 25 grands auteurs en stratégie

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Sommaire 25 grands auteurs en stratégie Kenneth R. ANDREWS 3

H. Igor ANSOFF 4

Chris ARGYRIS 5

Jay B. BARNEY 6

Alfred D. CHANDLER 7

Carl von CLAUSEWITZ 8

Michel CROZIER 9

Peter F. DRUCKER 10

Kathleen M. EISENHARDT 11

Henri FAYOL 12

Sumantra GHOSHAL 13

Gary HAMEL 14

James G. MARCH 15

Henry MINTZBERG 16

Edith PENROSE 17

Michael E. PORTER 18

C.K. PRAHALAD 19

Richard P. RUMELT 20

Joseph SCHUMPETER 21

Philip SELZNICK 22

Herbert SIMON 23

David J. TEECE 24

Karl E. WEICK 25

Oliver E. WILLIAMSON 26

Abraham ZALEZNIK 27

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Kenneth R. ANDREWS (1916–2005)

Le fondateur de la corporate strategyKenneth Andrews voit son doctorat en lettres interrompu par la Seconde Guerre mondiale. Il se retrouve dans l’armée de l’air sur le campus de Harvard, dont il côtoie les enseignants. À l’issue de la guerre, il revient terminer son PhD sur Mark Twain à Harvard. Alors que sa formation en lettres ne l’y prédispose pas, il deviendra une figure emblématique de la Business School de Harvard pendant ses quarante années de présence.Dans les années 1950, Andrews enseigne en MBA et devient membre d’un groupe de travail chargé de refondre le cours obligatoire de Business Policy. Ce groupe articule le cours autour du concept de corporate strategy, proposant une démarche intégrative d’analyse et de formulation de la stratégie. En collaboration avec Learned, Christensen et Guth, il développe l’un des premiers modèles généraux d’analyse stratégique. Ce modèle, parfois désigné par l’acronyme LCAG (du nom des auteurs : Learned, Christensen, Andrews et Guth) est plus connu sous le sigle SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). Combinant analyse interne et analyse externe, il consiste à confronter les forces (strengths) et faiblesses (weaknesses) de l’entreprise face aux opportunités (opportunities) et menaces (threats) de l’environnement. Sur cette base, on peut ensuite recenser les possibilités d’actions et aboutir, en fonction des valeurs de l’entreprise, à la formulation de la stratégie. Ce modèle se veut avant tout pragmatique. Fondé sur l’observation des pratiques d’entreprises performantes, il est destiné à des praticiens expérimentés. S’il paraît quelque peu simpliste aujourd’hui, sa logique reste à la base de toute démarche d’analyse stratégique.Par ailleurs, de 1972 à 1985, Andrews est un membre influent du comité éditorial de la Harvard Business Review. En tant que directeur, il a contribué à en faire une revue de référence internationale dans le monde des affaires. Il veille notamment à la publication d’articles portant sur l’éthique et préface un ouvrage regroupant les meilleurs articles sur le sujet en 1989 : Ethics in Practice: Managing the Moral Corporation.Même si le terme « management stratégique » est préféré à celui de « corporate strategy » à partir du milieu des années 1970, Andrews, en tant que chef de file du groupe d’enseignants en Business Policy de Harvard, reste considéré comme l’un des fondateurs de la discipline, notamment en ce qui concerne l’enseignement par la méthode des cas.

✔Concepts clés :Corporate strategy. Modèle LCAG. Modèle SWOT.

✔Principales publications :Andrews K.R., Learned E.P., Christensen C.R. et Guth W.D., Business Policy, Text and Cases, Irwin, 1965.Andrews K.R., The Concept of Corporate Strategy, Dow Jones-Irwin, 1971.Andrews K.R., Ethics in Practice: Managing the Moral Corporation, Harvard Business School Press, 1989.

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H. Igor ANSOFF (1918–2002)

Le père du management stratégiqueNé à Vladivostok en Russie, docteur en mathématiques appliquées, Igor Ansoff débute sa carrière en entreprise, à la Lockheed Aircraft Corporation, où il fut notamment responsable des plans et programmes. Ces quinze années d’expérience en entreprise le confrontent à la complexité et à la turbulence de l’environnement et le convainquent de la nécessité de structurer la démarche stratégique. C’est ce qu’il cherchera à faire en devenant professeur à partir de 1963. Tout en restant consultant pour de grandes entreprises multinationales, Ansoff développe, à travers plus de 120 articles et ouvrages, des outils cherchant à faire le pont entre théorie et pratique.Dès 1965, Ansoff publie Corporate Strategy, qui devient rapidement un ouvrage de référence. Ses concepts clés imprègnent encore les outils actuels de la stratégie : la construction du système d’objectifs, la synergie, la mission, la célèbre matrice de développement (distinguant pénétration, extension, développement et diversification), les types de diversification (horizontale, verticale, concentrique, conglomérale), l’analyse concurrentielle des écarts ainsi que les choix du portefeuille d’activité. Ce ne sont pas tant les concepts en eux-mêmes qui sont novateurs (la plupart ont été développés précédemment par d’autres auteurs), mais l’intégration et l’articulation de ces concepts. La principale contribution d’Ansoff est de proposer un cadre d’analyse structuré, cohérent et systématique. En combinant analyse et mise en œuvre, Ansoff inscrit la planification stratégique dans un cadre plus large qu’il nomme le management stratégique.Dans un article notable de 1975, Ansoff revient sur l’importance de l’analyse de l’environnement et souligne la nécessité de détecter les signaux faibles (weak signals) permettant d’éviter les surprises stratégiques. Il remet ainsi en cause l’approche habituelle de la planification stratégique, essentiellement fondée sur l’étude d’informations passées : selon lui, les plans stratégiques du milieu des années 1970 sont mal construits, puisqu’ils n’ont pas su prévoir un événement tel que le premier choc pétrolier. L’entreprise doit donc disposer d’un processus d’examen systématique de l’information : Ansoff insiste sur la veille stratégique et l’intelligence économique.Si ses travaux ultérieurs, notamment son ouvrage de 1984, Implanting Strategic Management, ont moins de retentissement, l’œuvre essentiellement prescriptive d’Ansoff, qui a su être à la fois manager, consultant et enseignant, demeure fondatrice pour le management stratégique.

✔Concepts clés :Planification stratégique. Matrice produits-marchés. Diversification. Veille stratégique. Weak signals.

✔Principales publications :Ansoff I., Corporate Strategy: An Analytic Approach to Business Policy for Growth and Expansion, McGraw-Hill, 1965.Ansoff I., « Managing Strategic Surprise by Response to Weak Signals », California Management Review, n° 18, pp. 21-33, 1975.Ansoff I., Implanting Strategic Management, Prentice Hall, 1984.

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Chris ARGYRIS (1923–2013)

L’apprentissage organisationnelTitulaire d’un master en psychologie et économie et d’un PhD en comportement des organisations de l’université de Cornell, Chris Argyris a été attiré vers la stratégie du fait de son intérêt pour le comportement des managers au sein d’équipes. Il a enseigné à Yale pendant vingt ans avant de rejoindre la Harvard Business School à partir de 1971.Argyris est principalement connu pour ses travaux fondateurs sur l’apprentissage organisationnel, qui ont un ancrage pluridisciplinaire et concernent à la fois l’individu et l’organisation. Argyris s’intéresse à la capacité de changement, inhibée par les routines défensives mises en œuvre par les acteurs. L’apprentissage implique la détection et la correction d’erreurs : en étudiant des organisations ayant réussi à faire face au changement, Argyris identifie deux formes d’apprentissage. L’apprentissage en boucle simple implique la correction de l’erreur en recherchant une solution à l’intérieur des cadres de référence habituels. L’apprentissage en double boucle en revanche consiste à remettre en cause ces cadres de référence afin de trouver une solution nouvelle et inhabituelle. Or, cette seconde forme d’apprentissage est particulièrement difficile à mettre en œuvre.Grâce à son expérience de conseil auprès de nombreuses entreprises, Argyris a mis au point des modèles permettant de résoudre les difficultés inhérentes au changement et favorisant l’apprentissage en double boucle. À la fois chercheur et consultant, Argyris ne conçoit son travail de recherche que dans le cadre d’interventions en entreprise. Cette approche donne naissance à des « connaissances actionnables », c’est-à-dire opérationnelles pour les managers.

✔Concepts clés :Apprentissage organisationnel. Apprentissage en boucle simple et en double boucle. Routines défensives.

✔Principales publications :Argyris C., « Double Loop Learning in Organizations », Harvard Business Review, vol. 55, n° 5, pp. 115-125, 1977.Argyris C., Organizational Learning. A Theory of Action Perspective, Addison-Wesley, 1978.Argyris C., Knowledge for Action: A Guide to Overcoming Barriers to Organizational Change, Jossey-Bass Publishers, 1993 (traduction française : Savoir pour agir : surmonter les obstacles à l’apprentissage organisationnel, Dunod, 2003).Argyris C. et Schön D., Organizational Learning II: Theory, Method and Practice, Addison-Wesley, 1996 (traduction française : Apprentissage organisationnel : Théorie, méthode, pratique, De Boeck Université, 2002).

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Jay B. BARNEY (né en 1954)

Les ressources stratégiquesJay Barney a obtenu son doctorat en sciences administratives et en sociologie à l’université de Yale. Il a publié plus de 50 articles dans des revues académiques, ainsi que trois ouvrages. Il enseigne la stratégie au Fisher College of Business de l’Ohio State University.Barney doit sa réputation à son rôle pionnier dans l’approche de la stratégie par les ressources, qu’il a contribué à faire émerger. Dans son article fondateur de 1991, « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage », il cherche à identifier les sources de l’avantage concurrentiel. Contestant les arguments de Porter, Barney montre que la performance des entreprises n’est pas tant liée au choix d’opérer dans une industrie plutôt que dans une autre, mais qu’elle découle de la détention de ressources qui confèrent à l’entreprise un caractère unique. Les sources de l’avantage concurrentiel sont donc, d’après lui, exclusivement internes et n’ont rien à voir avec les déterminants hérités de l’économie industrielle que Porter met en avant.Il existe selon Barney trois catégories de ressources : le capital physique, le capital humain et le capital organisationnel. Seules les ressources dotées de certaines caractéristiques, connues sous l’acronyme VRIN, contribuent à l’avantage concurrentiel durable : celles qui sont Valorisables (qui permettent d’exploiter des opportunités ou de neutraliser des menaces dans l’environnement), Rares (pour conférer à l’entreprise son caractère unique), Inimitables (pour garantir l’avantage concurrentiel lui-même) et Non substituables (pour assurer la durabilité de l’avantage concurrentiel). En 2006, Barney regroupe l’inimitabilité et la non-substituabilité en un seul critère et en rajoute un autre, l’Organisation, aboutissant ainsi au modèle VRIO.Même si Barney s’est plus intéressé à la sélection et à l’exploitation des ressources qu’à leur construction, il est toujours l’un des contributeurs majeurs à l’approche de la stratégie par les ressources.

✔Concepts clés :Ressources de capital physique, de capital humain et de capital organisationnel. Modèle VRIN. Modèle VRIO.

✔Principales publications :Barney J.B., « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage », Journal of Management, vol. 17, n° 1, pp. 99-121, 1991.Barney J.B., Gaining and Sustaining Competitive Advantage, Addison-Wesley, 1997.Barney J.B., Ray G. et Muhanna W.A., « Capabilities, Business Processes and Competitive Advantage: Choosing the Dependant Variable in Empirical Tests of the Resource-Based View », Strategic Management Journal, vol. 25, n° 1, pp. 23-37, 2004.

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Alfred D. CHANDLER (1918–2007)

L’historien du lien stratégie-structureHistorien, Alfred DuPont Chandler s’est intéressé à l’organisation des entreprises par une sorte d’atavisme. Comme son middle name l’indique, il était lié à la famille DuPont, héritière du groupe chimique DuPont de Nemours qui fait l’objet d’un chapitre dans son livre Strategy and Structure. De plus, son arrière-grand-père, Henry V. Poor, rédacteur en chef de l’American Railroad Journal dans les années 1850, puis des Poor’s Manuals of Railroads après la guerre de Sécession, a laissé son nom à la célèbre agence de cotation Standard and Poor’s. C’est en rédigeant une biographie d’Henry V. Poor à partir des archives de son aïeul qu’Alfred Chandler obtient son doctorat d’histoire à Harvard. Au cours de ce travail, il comprend que les chemins de fer ont donné naissance aux premières organisations « modernes », conviction qui irrigue toute son œuvre. Il enseigne ensuite au MIT puis à la John Hopkins University avant de retourner à Harvard à partir de 1970 en tant que professeur de Business History.Chandler a été le premier à s’intéresser aux liens entre stratégie d’entreprise et structure organisationnelle. Ses recherches se concentrent sur l’émergence et l’histoire de « l’entreprise moderne ». En 1962, il publie Strategy and Structure. À partir de quatre monographies historiques portant sur DuPont, General Motors, Standard Oil et Sears Roebuck, ce livre analyse l’apparition de la structure multidimensionnelle décentralisée, dite « forme M », née de la croissance et de la diversification de ces grands groupes. Chandler oppose la forme M à la structure fonctionnelle centralisée, dite « forme U ». Ce faisant, il montre que la structure de l’entreprise doit s’articuler étroitement avec les stratégies poursuivies, ce qui exige des restructurations souvent douloureuses et complexes. Bien que Chandler lui-même considère que le lien entre stratégie et structure est réciproque, son livre deviendra célèbre pour la recommandation qu’il suggère : la structure doit découler de la stratégie.En 1977, dans The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Chandler brosse une fresque historique de la grande entreprise américaine en analysant notamment l’évolution de la fonction de direction générale. Il montre dans ce livre que la « main visible » des managers s’est largement substituée à la « main invisible du marché », chère à Adam Smith, pour allouer les ressources et coordonner les activités économiques. L’approche de Chandler s’apparente ainsi à celle de Williamson dans la mesure où elle étudie la substitution du marché par l’organisation structurée (que Williamson appelle « hiérarchie »).

✔Concepts clés :Lien stratégie-structure. Forme en U. Forme en M.

✔Principales publications :Chandler A.D., Strategy and Structure, Chapters in the History of the Industrial Enterprise, MIT Press, 1962 (traduction française : Stratégies et structures de l’entreprise, Éditions d’Organisation, 1972 et 1989).Chandler A.D., The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Belkmap Press, 1977 (traduction française : La Main visible des managers : une analyse historique, Économica, 1989).

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Carl von CLAUSEWITZ (1780–1831)

Le théoricien de la stratégie militaireCarl von Clausewitz intègre l’armée prussienne à l’âge de douze ans, participe aux batailles du siège de Mayence (1793) et entre à l’Académie militaire de Berlin en 1801, où il étudie notamment Kant. Après avoir été prisonnier des Français entre 1807 et 1808, il est promu major et devient professeur à l’Académie militaire, en charge de la formation du prince héritier de Prusse. Il laisse à son élève princier des manuscrits intitulés « Des principes de la guerre ». En 1818, il est élevé au grade de major général et nommé directeur de l’administration de l’Académie militaire de Berlin, poste qu’il occupe pendant douze années, en se consacrant à la rédaction de son livre. Nommé chef d’état-major de l’armée levée pour contrer l’insurrection polonaise, il meurt des suites du choléra contracté sur le champ de bataille. Sa femme fait publier son œuvre, De la guerre.Clausewitz a été le premier à « penser » la guerre, c’est-à-dire à affirmer qu’elle ne peut se résumer à un plan simple ou à l’application de recettes. Il distingue le niveau stratégique (la guerre) du niveau tactique (la bataille). L’objectif est bien de détruire l’ennemi mais, face à l’incertitude, il s’agit de faire évoluer ses manœuvres tout au long de la bataille, en fonction des événements. De plus, il insiste sur les facteurs humains, tels que le leadership, le moral, le courage.Considérées encore aujourd’hui comme majeures en matière de stratégie militaire occidentale, ses idées ont été transférées dans d’autres disciplines telles que les sciences politiques, l’économie et le management stratégique.

✔Concepts clés :Étrange trinité. Guerre théorique vs guerre réelle. Friction.

✔Principales publications :von Clausewitz C., Vom Kriege, Dümmlers Verlag, 1832 (traduction française : De la Guerre, Minuit, 1955).

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Michel CROZIER (1922–2013)

Le sociologue des organisationsDiplômé d’HEC, Michel Crozier obtient après la guerre une bourse pour étudier les syndicats aux États-Unis, ce qui lui donne le goût du terrain. De retour en France, il devient docteur en droit et chercheur au CNRS. Il alterne les périodes de recherche et d’enseignement en France et aux États-Unis (Stanford, Harvard…), forgeant les principaux concepts de la sociologie des organisations, en associant recherche théorique et enquête empirique.À partir de 1950, il conduit des études sur l’organisation et le comportement des travailleurs, essentiellement dans des administrations et des entreprises publiques. Son objectif est de comprendre et d’expliquer les dysfonctionnements de ces organisations. En 1959, invité à l’université de Stanford, il s’inspire des écrits de la sociologie des organisations américaine pour développer ses propres concepts, présentés en 1964 dans son livre Le Phénomène bureaucratique. Ce livre, qui esquisse ce qui deviendra l’analyse stratégique des organisations, connaît un fort retentissement. Ce succès conduit Crozier à fonder en 1965 le Centre de Sociologie des Organisations, dont l’équipe entreprend un programme de recherche sur l’administration française. En collaboration avec E. Friedberg, Crozier publie en 1977 L’Acteur et le système, qui présente les éléments d’une théorie organisationnelle de l’action collective.En résumé, Crozier a développé une nouvelle théorie des formes bureaucratiques qui établit des corrélations entre le système bureaucratique et les relations de pouvoir : un système bureaucratique qui ne sait pas corriger ses erreurs, et donc s’adapter au changement, ne fonctionne que par crises, qu’il faut à la fois susciter et contrôler. Afin de faciliter le développement des organisations, il faut en assouplir le fonctionnement et développer la coopération.Pour Crozier, la sociologie doit être non seulement un champ théorique mais aussi une connaissance utile, c’est-à-dire un outil de changement qui permet aux acteurs de la vie économique de mieux appréhender leur situation.

✔Concepts clés :Analyse stratégique des organisations. Zone d’incertitude organisationnelle.

✔Principales publications :Crozier M., Le Phénomène bureaucratique, Le Seuil, 1964.Crozier M., La Société bloquée, Le Seuil, 1970.Crozier M. et Friedberg E., L’Acteur et le système, Le Seuil, 1977.Crozier M., On ne change pas la société par décret, Grasset, 1979.Crozier M., À quoi sert la sociologie des organisations ? vol. 1 : Théorie, culture et société ; vol. 2 : Vers un nouveau raisonnement pour l’action, Éditions Seli Arslan, 2000.

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Peter F. DRUCKER (1909–2005)

Le père du management moderneNé dans une famille influente de Vienne (Schumpeter est un ami de son père), Peter Drucker y obtient un doctorat en droit public et international. Il travaille d’abord comme journaliste à Francfort puis, face à l’avènement du régime nazi, il part à Londres, où il devient économiste à la London Banking House. Il émigre aux États-Unis en 1937. Il concilie son métier de professeur (à la New York University puis à la Claremont Graduate University, en Californie) avec celui de consultant pour de grandes entreprises (General Motors, General Electric…). Drucker n’est pas un théoricien stricto sensu mais plutôt un praticien cherchant à formaliser, dans une quarantaine d’ouvrages, son expérience dans le but de la transférer à des managers. Il a souvent été qualifié de « gourou », même s’il détestait ce terme. Drucker a été le premier à mettre en lumière l’importance du rôle du manager dans la réussite de l’entreprise. Afin d’être efficace, le manager doit exercer cinq activités essentielles : fixer des objectifs, organiser le travail, motiver, communiquer, établir des normes de performances. Pour ce faire, Drucker préconise des structures décentralisées et simplifiées. Drucker analyse l’émergence de la société de services, où les individus travaillent plus avec leur cerveau qu’avec leurs mains, et où les organisations tayloriennes ne sont donc pas toujours adaptées. Dès 1959, il invente le terme de « knowledge worker », travailleur du savoir : il a compris que la connaissance devenait une ressource essentielle pour le xxie siècle, plus encore que le capital financier. La gestion de la connaissance prend tout son sens dans une approche centrée sur le marché : il faut selon Drucker donner la priorité au client et innover en permanence. Plus généralement, il souligne l’importance d’envisager toutes les activités de l’entreprise sous l’angle du client. Le profit n’est pas le but de l’organisation : c’est le client. Selon lui, cette focalisation sur le client générera mécaniquement du profit.

✔Concepts clés :Management par objectifs. Travailleur du savoir. Approche centrée sur le marché.

✔Principales publications :Drucker P. F., Concept of the Corporation, John Day, 1946.Drucker P. F., The Practice of Management, Harper & Row, 1954.Drucker P. F., Management: Tasks, Responsibilities and Practices, Heinemann, 1974.Drucker P. F., Management Challenges for the 21st Century, HarperBusiness, 2001.Drucker P. F., Maciariello J. A., The Daily Drucker: 366 Days of Insight and Motivation for Getting The Right Things Done, HarperBusiness, 2004.

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Kathleen M. EISENHARDT

Vitesse, changement et chaosAprès son diplôme d’ingénieur, Kathleen Eisenhardt obtient un PhD à Stanford, où elle fera toute sa carrière académique. Elle est professeur au département de management et d’ingénierie au sein de l’école d’ingénieurs. Sa formation, son environnement académique, ses activités de conseil ainsi que sa position au cœur de la Silicon Valley imprègnent l’ensemble de ses travaux.Eisenhardt est en effet connue pour ses recherches sur la prise de décision stratégique et l’innovation dans des secteurs en rapide évolution et à fort contenu technologique. « Construisant des théories à partir de recherches basées sur des études de cas » (titre de l’un de ses articles sur la méthodologie de recherche), elle a développé des concepts, utiles à la fois sur les plans théorique et pratique. Eisenhardt a d’abord montré que dans ces environnements fortement changeants, inconfortables, la vitesse était un facteur décisif, à la fois dans les processus de prise de décision et d’introduction de nouveaux produits. Dans ces contextes, elle montre que certaines caractéristiques, perçues habituellement comme des faiblesses, peuvent en fait constituer des avantages. Ainsi, afin d’aboutir à une décision rapide, l’entreprise doit simplifier son processus de décision en s’appuyant sur un nombre limité de règles simples, qui servent de fil conducteur (par exemple, des critères simples pour décider ou non d’une acquisition). Par ailleurs, les conflits dans les équipes de dirigeants peuvent être positifs, en contribuant à faire émerger des remises en cause. Enfin, la gestion du portefeuille d’activité est présentée comme un rapiéçage stratégique permanent (patching), contrastant avec les approches habituelles, visant à la stabilité. En résumé, le défi est donc d’instaurer un chaos structuré. Mettant ainsi en exergue le fait que la stratégie se situe plus dans l’action que dans l’analyse, Eisenhardt contribue à développer le courant des capacités dynamiques, définies comme l’aptitude de l’organisation à gérer, voire provoquer le changement. Au final, cette aptitude devient le seul avantage concurrentiel durable, les autres n’étant que temporaires.

✔Concepts clés :Strategy as simple rules. Capacités dynamiques. Rapiéçage stratégique. Chaos structuré.

✔Principales publications :Eisenhardt K.M., « Building Theories from Case Study Research », Academy of Management Review, vol. 14, n° 4, pp. 532-551, 1989.Brown S.L. et Eisenhardt K.M., « The Art of Continuous Change: Linking Complexity Theory and Time-paced Evolution in Relentlessly Shifting Organizations », Administrative Science Quarterly, vol. 42, n° 1, pp. 1-34, 1997.Eisenhardt K.M. et Martin J.A., « Dynamic Capabilities: What Are They? », Strategic Management Journal, vol. 21, n° 10-11, pp. 1105-1122, 2000.Eisenhardt K.M. et Sull D.N., « Strategy as Simple Rules », Harvard Business Review, vol. 79, n° 1, pp. 106-117, 2001.

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Henri FAYOL (1841–1925)

Le premier théoricien du managementDiplômé de l’école des Mines de Saint-Étienne, Henri Fayol a fait toute sa carrière à la Société industrielle et minière de Commentry-Fourchambault, dont il est devenu directeur général en 1888, après lui avoir évité la faillite. Sa conception de l’administration est largement inspirée de sa propre expérience. Fayol est considéré comme le père de l’école classique du management, puisqu’il a été le premier à théoriser l’administration des entreprises et du commandement.Partant du constat que la majorité des dirigeants de l’époque étaient issus d’écoles d’ingénieurs, il cherche à développer des concepts pouvant être intégrés dans leur formation. Dans son ouvrage de 1916, Administration industrielle et générale, considéré comme le fondement de la théorie classique de l’organisation, il propose la première théorie générale du management et de ses principes.Selon Fayol, une entreprise s’analyse à travers six fonctions principales : technique, commerciale, financière, de sécurité, comptable et administrative. En étudiant la fonction administrative (celle de la direction), Fayol a défini les cinq principes universels du management moderne : prévoir et planifier, organiser, commander, coordonner et contrôler. Afin d’optimiser le fonctionnement de l’entreprise, les dirigeants doivent tenir compte de quatorze principes généraux d’administration : la division du travail, l’autorité, la discipline, l’unité de commandement, l’unité de direction, la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général, la rémunération, la centralisation, l’ordre, la hiérarchie, l’équité, la stabilité du personnel, l’initiative et l’esprit de corps.Paradoxalement, les idées de Fayol ont d’abord été appliquées aux États-Unis avant de trouver un écho en France après la Seconde Guerre mondiale. Ses principes sont complémentaires de ceux de Taylor, son contemporain américain, dont le pivot d’analyse est l’ouvrier, alors que celui de Fayol est le dirigeant. L’œuvre de Fayol est finalement très en avance sur son temps, et se révèle encore pertinente aujourd’hui.

✔Concepts clés :Cinq principes universels. Principes généraux d’administration.

✔Principales publications :Fayol H., Administration industrielle et générale, Dunod, 1916.Fayol H., « L’Industrialisation de l’État », Bulletin de la société de l’industrie minérale, 1919.

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Sumantra GHOSHAL (1948–2004)

L’entreprise transnationaleAprès des études de physique, Sumantra Ghoshal débute sa carrière au sein de la Indian Oil Corporation. Il décide en 1981 de devenir chercheur en management, et réussit à obtenir presque simultanément un PhD de la Sloan School of Management du MIT (1985) et un DBA de la Harvard Business School (1986). Il débute à l’INSEAD en 1985 puis rejoint, en 1994, la London Business School.Ghoshal est connu essentiellement pour ses travaux sur le management des grandes entreprises internationales. Son ouvrage Managing Across Borders, publié en 1989 avec Bartlett, est considéré par le Financial Times comme l’un des ouvrages de management les plus influents des dernières décennies. Les auteurs y exposent les résultats de leurs recherches menées auprès de grandes entreprises opérant sur des marchés internationaux. Ils en tirent une typologie en quatre catégories :

– le groupe multinational est une fédération d’entreprises libres de leurs décisions stratégiques, ce qui favorise l’adaptation aux marchés locaux ;

– l’entreprise globale est fortement centralisée et laisse peu d’initiative aux différents pays, ce qui permet d’exploiter fortement les économies d’échelle ;

– l’entreprise internationale se situe entre ces deux extrêmes et bénéficie des transferts d’apprentissages entre entités nationales ;

– l’entreprise transnationale, quant à elle, est considérée comme une sorte d’idéal type, vers lequel les autres devraient tendre afin de s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation. L’entreprise transnationale sait en effet combiner les avantages des autres formes, favorisant à la fois l’adaptabilité aux marchés locaux, l’exploitation d’économies d’échelle et le transfert d’expérience.Peu avant sa disparition, Ghoshal s’était donné pour objectif de mener des recherches s’attaquant aux dérives du management stratégique et de son paradigme dominant, la maximisation de la valeur pour l’actionnaire.

✔Concept clé :Entreprise transnationale.

✔Principales publications :Ghoshal S. et Bartlett C.A., Managing Across Borders: The Transnational Solution, Harvard Business School Press, 1989 (traduction française : Le Management sans frontières, Éditions d’Organisation, 1991).Ghoshal S. et Bartlett C.A., The Individualized Corporation: A Fundamentally New Approach to Management, HarperCollins Publishers, 1997 (traduction française : L’Entreprise individualisée, une nouvelle logique de management, Maxima, 1998).Ghoshal S., « Bad Management Theories are Destroying Good Management Practices », Academy of Management Learning and Education, vol. 4, n° 1, pp. 75-91, 2005.

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Gary HAMEL (né en 1954)

L’agitateurPremier dans le classement des vingt penseurs en stratégie les plus influents du Wall Street Journal et qualifié de « meilleur expert mondial en stratégie » par le magazine Fortune, Gary Hamel assume pleinement sa qualité de « gourou ». Incitant les dirigeants à s’opposer aux idées dominantes, il applique également cette stratégie à lui-même.Après son MBA, Hamel est pendant quelques années administrateur d’hôpital avant de reprendre ses études pour obtenir, en 1990, son PhD en affaires internationales à l’université du Michigan, où il rencontre C.K. Prahalad. Jusqu’au milieu des années 1990, Hamel et Prahalad coécrivent les articles qui les ont rendus célèbres. Rejetant l’approche déterministe de Porter, dominante à l’époque, ils travaillent à l’élaboration d’un cadre d’analyse alternatif. En observant les entreprises japonaises performantes, ils constatent que celles-ci se focalisent peu sur leurs concurrents et sur l’environnement. Considérant que le moteur de la performance des entreprises est donc essentiellement interne, ils donneront naissance aux concepts d’« intention stratégique » et de « compétence clé », d’abord à travers des articles dans la Harvard Business Review, puis dans leur ouvrage Competing for the Future. Prônant une approche pro-active de la stratégie, ils expliquent que l’entreprise doit développer une vision, également appelée « intention stratégique », c’est-à-dire une description de ce qu’elle aspire à devenir dans le long terme. Forte de cette vision, l’entreprise doit s’appuyer sur ses compétences clés pour croître, en modifiant les règles du jeu du secteur à son profit.En 1995, Hamel fonde le cabinet de conseil Strategos. Consultant auprès de grandes sociétés multinationales, Hamel conseille les dirigeants sur les questions d’innovation, d’entrepreneuriat et de compétitivité industrielle. Il exhorte les dirigeants à s’engager dans une révolution stratégique. Il préconise la créativité stratégique qui commande une approche plus générale de l’innovation, stimulée par une culture d’entreprise ouverte et démocratique.Au total, Hamel propose un état d’esprit plus que de véritables outils. Il manie la métaphore et la preuve par l’exemple, ce qui se retourne parfois contre lui, comme dans le cas d’Enron qu’il avait érigé en modèle. Son approche peu scientifique ainsi que son marketing personnel lui valent d’être souvent rejeté par la communauté académique.

✔Concepts clés :Intention stratégique. Compétence clé. Révolution stratégique. Innovation.

✔Principales publications :Hamel G. et Prahalad C.K., « Strategic Intent », Harvard Business Review, vol. 67, n° 3, pp. 63-77, 1989.Hamel G. et Prahalad C.K., « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business Review, vol. 68, n° 3, pp. 79-87, 1990.Hamel G. et Prahalad C.K., Competing for the future, Harvard Business School Press, 1994 (traduction française : La Conquête du futur, Dunod, 1999).Hamel G. et Doz Y.L., Alliance Advantage: The Art of Creating Value Through Partnering, Harvard Business School Press, 1998.Hamel G., Leading the Revolution, Harvard Business School Press, 2000 (traduction française : La Révolution en tête, Village mondial, 2000). Hamel G., What Matters Now, Jossey-Bass, 2012 (traduction française : Ce qui compte vraiment, Eyrolles, 2012).

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James G. MARCH (né en 1928)

Ambiguïté et décisionAprès son doctorat en Sciences Politiques à l’université de Yale en 1953, James March est recruté comme professeur assistant par Herbert Simon au Carnegie Institute of Technology. Il rejoint l’université de Stanford en 1970, enseignant dans différents domaines des sciences sociales (sciences politiques, sociologie, sciences de l’éducation et management international). Avec une centaine d’articles et de nombreux ouvrages, March est un auteur de référence, en particulier pour ses recherches remettant en cause les modèles classiques de prise de décision dans les organisations et ses travaux sur le changement organisationnel.Présentant l’entreprise comme une coalition d’acteurs aux intérêts divergents, March propose une vision chaotique voire anarchique de la décision. Rejetant à la fois les modèles rationnel, organisationnel et politique, il développe, avec Cohen et Olsen, le « modèle de la poubelle » (garbage can model), en 1972. Ce dernier modèle suggère que dans les organisations, les solutions sont en quête de problèmes, et non l’inverse. Une décision est vue comme le résultat de la rencontre fortuite de problèmes (en suspens), de solutions (toutes prêtes) et de décideurs plus ou moins concernés. Cette vision permet d’expliquer des phénomènes fréquents dans les organisations, tels que des décisions ne résolvant pas les problèmes visés, l’adoption de solutions alors que la situation n’était pas problématique ou la persistance de problèmes non résolus. Le modèle de la poubelle remet finalement en cause l’idée selon laquelle la décision serait en soi un phénomène important.En s’intéressant au processus de prise de décision, March est amené à se préoccuper des changements dans les organisations, et en particulier de l’apprentissage lié à ces changements. Il publie en 1991 un article de référence sur le sujet, présentant le conflit entre activités d’exploitation et d’exploration. L’exploitation fait référence à des notions telles que le perfectionnement, la production, l’efficience, la sélection, l’exécution ; elle consiste à exploiter les routines existantes. L’exploration renvoie à des notions telles que la recherche, la variation, la prise de risque, la découverte, l’innovation ; elle consiste à explorer de nouvelles voies. La difficulté provient du conflit entre exploitation et exploration : il s’agit de trouver un équilibre entre les deux.Empruntant à divers domaines des sciences sociales, March a contribué à développer une vision plus réaliste, moins rationaliste du fonctionnement de l’organisation.

✔Concepts clés :Modèle de la poubelle (garbage can model). Exploitation vs exploration.

✔Principales publications :Cyert R. et March J.G., A Behavioral Theory of the Firm, Prentice Hall, 1963.Cohen M.D., March J.G. et Olsen J.P., « A Garbage Can Model of Organizational Choice », Administrative Science Quarterly, vol. 17, n° 1, pp. 1-25, 1972.March J.G., Decisions and Organizations, Basil Blackwell, 1988 (traduction française : Décisions et organisations, Éditions d’Organisation, 1991).March J.G., « Exploration and Exploitation in Organizational Learning », Organization Science, vol. 2, n° 1, pp. 71-88, 1991.

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Henry MINTZBERG (né en 1939)

Le généraliste prolifiqueIngénieur en génie mécanique, Henry Mintzberg débute sa carrière aux Chemins de fer nationaux canadiens avant de se réorienter dès 1968 vers une carrière académique classique, suite à l’obtention d’un PhD de la prestigieuse Sloan School of Management du MIT. Mintzberg est un auteur prolifique, tant par l’ampleur (plus de 140 articles et 13 ouvrages) que par l’étendue des thèmes qu’il traite.Ses travaux, qui critiquent la vision traditionnellement normative et rationnelle de la stratégie, peuvent être classés en quatre thèmes plus ou moins chronologiques.

– Le premier s’intéresse au travail du manager : le suivi systématique de plusieurs dirigeants lors de sa recherche doctorale a permis à Mintzberg de montrer un quotidien du manager chaotique et frénétique, bien éloigné du penseur systématique et réfléchi généralement décrit dans la littérature académique.

– Le deuxième concerne la variété des structures organisationnelles, présentée à travers les cinq célèbres configurations : la structure simple, la bureaucratie mécaniste, la bureaucratie professionnelle, la structure divisionnelle et l’adhocratie.

– Le troisième aborde la formation de la stratégie : à la planification stratégique délibérée et analytique, chère à Ansoff, Mintzberg oppose la stratégie réalisée, émergente, non intentionnelle et empreinte d’intuition.

– Enfin, les travaux récents de Mintzberg dénoncent de manière virulente les méthodes de formation au management, notamment la méthode des cas. Il plaide pour la formation de « managers, pas de MBA », ouverts à l’innovation et dotés d’un esprit entrepreneurial, à travers un apprentissage et une réflexion collective à partir de l’expérience.Le point commun des travaux de Mintzberg, outre un style incisif et l’utilisation de métaphores, se situe dans son approche. En combinant une analyse exhaustive de la littérature et une observation empirique minutieuse (en entreprise ou dans d’autres formes d’organisations, notamment dans le secteur public), il développe une vision synthétique et renouvelée des questions traitées, en proposant souvent des typologies et configurations.

✔Concepts clés :Configurations organisationnelles. Stratégie délibérée et émergente.

✔Principales publications :Mintzberg H., Structuring of Organizations, Prentice Hall, 1978 (traduction française : Structure et dynamique des organisations, Éditions d’Organisation, 1982).Mintzberg H., The Rise and Fall of Strategic Planning, Free Press, 1993. (traduction française : Grandeur et décadence de la planification stratégique, Dunod, 1994).Mintzberg H., Lampel J. et Ahlstrand B., Strategy Safari: A Guided Tour Through The Wilds of Strategic Management, Free Press, 1998 (traduction française : Safari en pays stratégie, Village mondial, 1999).Mintzberg H., Managers, not MBAs, Berrett-Koehler, 2004 (traduction française : Des managers, des vrais ! Pas des MBA, Éditions d’Organisation, 2004).

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Edith PENROSE (1914–1996)

L’économiste des ressourcesDiplômée de l’université de Californie, Edith Tilton épouse en 1945 Ernest Penrose, un économiste britannique, et obtient son doctorat en 1951 à la Johns Hopkins University à Baltimore, où elle enseigne jusqu’en 1955. Fuyant le maccarthysme, le couple part pour l’Australie puis pour l’Irak. À Bagdad, Penrose s’intéresse à l’industrie pétrolière. En 1959, les époux Penrose s’installent à Londres, où Edith enseigne à la London School of Economics ainsi qu’à la School of Oriental and African Studies. En 1978, elle devient professeur d’économie politique à l’INSEAD en France. En 1984, elle prend sa retraite et s’installe au Royaume-Uni.À la Johns Hopkins University, Penrose participe à un projet de recherche portant sur la croissance des firmes. Elle aboutit à la conclusion que les théories économiques existantes ne permettent pas d’expliquer cette croissance : elle présente sa nouvelle approche dans son ouvrage, The Theory of the Growth of the Firm, en 1959. S’éloignant de la théorie économique classique, Penrose a été l’une des premières à mettre en lumière l’importance des ressources dans la croissance de l’entreprise et également du rôle du management dans la gestion de ces ressources : c’est pour trouver de nouveaux usages à des ressources sous-exploitées que les managers développent l’entreprise et la font croître. De ce fait, Penrose est aujourd’hui considérée comme l’économiste précurseur de l’approche de la stratégie par les ressources et les compétences.

✔Concepts clés :Ressources. Croissance de la firme.

✔Principale publication :Penrose E.T., The Theory of the Growth of the Firm, Wiley, 1959.

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Michael E. PORTER (né en 1947)

L’apport de l’économie industrielleAuteur de plus de 125 articles et de 17 ouvrages, Michael Porter est une figure incontournable de la stratégie concurrentielle, tant pour les chercheurs que pour les managers et les enseignants. Sa double formation (PhD en économie et MBA, tous deux de l’université de Harvard) explique en grande partie l’origine de ses thèses.Au cours des années 1980, Porter a en effet « traduit » les concepts de l’économie industrielle en trois outils fondamentaux d’analyse concurrentielle. Il a tout d’abord identifié cinq forces (concurrence, pouvoir de négociation des fournisseurs et des clients, pression des produits de substitution et des nouveaux entrants) qui s’exercent sur toute industrie et qui expliquent selon lui la rentabilité intrinsèque du secteur. Pour affronter ces forces, les entreprises doivent choisir entre trois stratégies génériques : la domination par les coûts, la différenciation ou la focalisation. Enfin, troisième outil, la chaîne de valeur découpe les opérations de l’entreprise en diverses sous-activités. Elle constitue une grille de lecture des sources de l’avantage concurrentiel de la firme.Consultant en stratégie, Porter intervient auprès de décideurs économiques et politiques. Dans les années 1980, il est nommé par Ronald Reagan à la Commission sur la compétitivité industrielle. Il s’intéresse par la suite au développement économique des nations, et conseille les gouvernements et les collectivités locales dans de nombreux pays. Dans les années 1990, il se préoccupe du développement des quartiers défavorisés et des zones rurales aux États-Unis, ainsi que des questions de santé et d’environnement. Plus récemment, ses travaux se sont portés vers la responsabilité sociale des organisations.Les travaux de Porter ont été critiqués pour leur côté rigide, impliquant que la stratégie consiste à mettre l’entreprise en adéquation avec un environnement donné, considéré comme stable. Dans sa conception, la stratégie relève d’une démarche de positionnement, essentiellement déterminée par les conditions externes, ce que contestent les paradigmes plus récents fondés sur une meilleure prise en compte de la dimension interne de la firme, comme notamment l’approche par les ressources.

✔Concepts clés :Les cinq forces. Les stratégies génériques. La chaîne de valeur.

✔Principales publications :Porter M.E., « How Competitive Forces Shape Strategy », Harvard Business Review, vol. 57, n° 2, pp. 137-145, 1979.Porter M.E., Competitive Strategy, Macmillan Publishing, 1980 (traduction française : Choix stratégiques et concurrence, Économica, 1982).Porter M.E., Competitive Advantage, Free Press, 1985 (traduction française : L’Avantage concurrentiel, InterÉditions, 1986).Porter M.E., The Competitive Advantage of Nations, Harvard Business School Press, 1990 (traduction française : L’Avantage concurrentiel des nations, InterÉditions, 1993).Porter M.E., « What is Strategy? », Harvard Business Review, vol. 74, n° 6, pp. 61-79, 1996.Porter M.E. et Kramer M., « Strategy & Society: The Link Between Competitive Advantage and Corporate Social Responsibility », Harvard Business Review, vol. 84, n° 12, pp. 78-92, 2006.

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C.K. PRAHALAD (1941–2010)

Le rejet de la logique dominanteCoimbatore Krishnarao (C.K.) Prahalad est né à Madras, en Inde. Après un diplôme en physique, il a travaillé pour Union Carbide, avant de rejoindre les États-Unis et d’obtenir un doctorat de la Harvard Business School en 1975. Il a ensuite enseigné à la business school d’Ahmedabad, avant de retourner aux États-Unis, où il est devenu professeur à l’université du Michigan. Cette double culture a largement influencé son œuvre.Prahalad s’est d’abord rendu célèbre par les articles coécrits avec Gary Hamel dont il est directeur de thèse à l’université du Michigan. S’opposant à la logique de Porter fondée sur l’économie industrielle, dominante au début des années 1990, ils travaillent ensemble à l’élaboration d’une nouvelle forme de pensée stratégique fondée sur l’exploitation originale de compétences clés internes à l’entreprise et sur la capacité des entreprises à transformer les industries dans lesquelles elles opèrent.Ses travaux plus récents portent sur le marché inexploité que représentent les pauvres. Dans son livre Fortune at the Bottom of the Pyramid, Prahalad explique comment les multinationales, à condition de remettre en cause leur mode de fonctionnement habituel, peuvent trouver de nouvelles sources de croissance profitables dans les pays émergents. En inventant de nouveaux modèles économiques visant les populations vivant « au bas de la pyramide » des revenus, c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollars par jour, Prahalad affirme que les grandes compagnies peuvent à la fois dégager des profits et contribuer à éliminer la pauvreté.Même si ses travaux ont été largement critiqués, ses apports sont indéniables et Prahalad reste considéré aujourd’hui comme l’un des penseurs en stratégie les plus originaux.

✔Concepts clés :Intention stratégique. Compétence clé. Base de la pyramide.

✔Principales publications :Hamel G. et Prahalad C.K., « Strategic Intent », Harvard Business Review, vol. 67, n° 3, pp. 63-77, 1989.Hamel G. et Prahalad C.K., « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business Review, vol. 68, n° 3, pp. 79-87, 1990.Hamel G. et Prahalad C.K., Competing for the future, Harvard Business School Press, 1994 (traduction française : La Conquête du futur, Dunod, 1999).Prahalad C.K. et Ramaswamy V., « The New Frontier of Experience Innovation », MIT Sloan Management Review, vol. 44, n° 4, pp. 12-19, 2003.Prahalad C.K., Fortune at the Bottom of the Pyramid, Wharton School Publishing, 2004 (traduction française : 4 milliards de nouveaux consommateurs : vaincre la pauvreté grâce au profit, Village mondial, 2004).

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Richard P. RUMELT (né en 1942)

Le scientifique de la stratégieRichard Rumelt débute des études d’ingénieur avant de s’orienter vers un doctorat en Management de Harvard qu’il obtient en 1972. Il effectue toute sa carrière académique à la UCLA (University of California, Los Angeles), à l’exception des années 1993-1996, qu’il passe à l’INSEAD en France.Dans ses premiers travaux, Rumelt s’intéresse aux grandes entreprises et à la relation entre stratégie de diversification, structure organisationnelle et performance économique. Il aboutit à une typologie de neuf stratégies de croissance, et parvient à établir un lien statistique entre ces stratégies et la performance économique. Il remet ainsi en cause les travaux issus de l’économie industrielle, dont Porter est le promoteur, en montrant que les écarts de performance sont plus importants à l’intérieur d’un secteur donné qu’entre différents secteurs. Il met ainsi en exergue le rôle des compétences internes de l’entreprise et donc de l’action entrepreneuriale du dirigeant.En utilisant des méthodes quantitatives, Rumelt a contribué à conforter la légitimité du management stratégique en tant que discipline scientifique à partir des années 1970. Tout en reconnaissant l’importance de l’apport de l’économie, il a participé à l’affirmation du rôle du management interne, et, partant, de l’approche par les ressources et compétences.

✔Concepts clés :Diversification. Compétences. Ressources de la firme.

✔Principales publications :Rumelt R.P., Strategy, Structure and Economic Performance, Harvard University Press, 1974.Rumelt R.P., « Diversification Strategy and Profitability », Strategic Management Journal, vol. 3, n° 4, pp. 359-425, 1982.Rumelt R.P., « How Much Does Industry Matter ? », Strategic Management Journal, vol. 12, n° 3, pp. 167-185, 1991.Rumelt R.P., Schendel D. et Teece D.J., « Strategic Management and Economics », Strategic Management Journal, vol. 12, numéro spécial, pp. 5-29, hiver 1991.

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Joseph SCHUMPETER (1883–1950)

Le théoricien de la destruction créatriceIssu d’une famille d’industriels établis en Moravie (Autriche-Hongrie), Joseph Schumpeter obtient un doctorat en droit à l’université de Vienne en 1906. Après une expérience à Londres et au Caire, il publie en 1908 son premier ouvrage, Nature et contenu principal de la théorie économique, qui devient un classique de la statistique économique, et lui permet de devenir professeur d’économie politique. Après avoir été brièvement ministre des finances, il fuit la montée du nazisme et devient professeur à Harvard de 1932 jusqu’à sa mort, en 1950.Schumpeter est souvent considéré comme un économiste peu orthodoxe, pour avoir plus insisté sur les situations de rupture que d’équilibre. Convaincu que l’innovation est le moteur de l’économie, il est parmi les premiers à ne pas la réduire aux simples nouveautés techniques. Ceci le conduit à une typologie de l’innovation, en distinguant nouveau produit, nouvelle méthode de production ou de commercialisation, conquête d’un nouveau marché, nouvelle source de matières premières, nouvelle organisation de la production.Schumpeter insiste sur le rôle de l’entrepreneur dans le processus d’innovation. L’innovateur étant le premier à introduire une nouveauté, il bénéficie d’une situation assimilable à un monopole lui permettant de disposer d’une rente, plus ou moins longue suivant l’imitabilité de l’innovation. Ces monopoles nés de l’innovation sont acceptables et même nécessaires au bon fonctionnement du capitalisme. Mais pour bénéficier de ces rentes, l’innovateur doit surmonter les résistances habituelles face à la nouveauté ; il doit créer tout en remettant en cause, c’est-à-dire en détruisant l’ordre économique établi : il s’agit du célèbre processus de la « destruction créatrice ». L’innovation assure la croissance économique et le bouleversement perpétuel des positions établies.

✔Concepts clés :Innovation. Entrepreneur. Destruction créatrice.

✔Principales publications :Schumpeter J.A., Theorie der Wirtchaftlichen Entwicklung, Duncker & Humblot, 1911 (traduction française : Théorie de l’évolution économique, Dalloz, 1934).Schumpeter J.A. Business Cycles: A Theoretical, Historical and Statistical Analysis, McGraw-Hill, 1939.Schumpeter J.A., Capitalism, Socialism and Democracy, Harper & Brothers, 1942 (traduction française : Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1979).

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Philip SELZNICK (1919–2010)

Institution et identitéAprès son doctorat en 1947, Selznick a enseigné à l’université du Minnesota et à UCLA, avant de rejoindre le département de sociologie de Berkeley en 1952. Il a participé à la création du Center for the Study of Law and Society.Selznick a été l’un des premiers à combiner approche sociologique et philosophique pour considérer l’entreprise comme un groupe humain structuré, s’efforçant de devenir une communauté. L’engagement des agents d’une organisation peut être un facteur clé de succès. Or, les individus n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs personnels que leur organisation. Le rôle du leader est justement de transformer un groupe d’individus en une communauté engagée, une institution, afin de faire émerger une identité. Cette identité constitue une réalité lorsque ses membres s’identifient à elle.Selznick a ainsi posé les jalons de l’approche néo-institutionnelle, qui aborde l’étude des organisations en tant qu’institutions.

✔Concepts clés :Institution. Image de soi. Cooptation.

✔Principales publications :Selznick P., « Foundations of the Theory of Organization », American Sociological Review, vol.13, n° 1, pp. 25-35, 1948.Selznick P., Leadership in Administration, Harper & Row, 1957.Selznick P., The Organizational Weapon, The Free Press of Glencoe, 1960.Selznick P., TVA and the Grass Roots: A Study in Sociology of Formal Organizations, University of California Press, 1966.

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Herbert SIMON (1916–2001)

La rationalité limitéeNé dans une famille d’immigrés intellectuels allemands, Herbert Simon est attiré par les sciences exactes tout en étant influencé très tôt par son oncle qui l’initie aux sciences sociales et à l’économie. Avant et après l’obtention de son PhD en sciences politiques à Chicago en 1943, outre sa carrière universitaire, il occupa différents postes dans l’administration (gestion municipale, agence gestionnaire du plan Marshall…). En 1949, il rejoint la très renommée Faculté de gestion industrielle au Carnegie Institute of Technology, qui devient l’université Carnegie-Mellon en 1970. Il y est professeur d’abord d’administration jusqu’en 1961, puis d’administration et de psychologie jusqu’en 1965, et enfin de psychologie et d’informatique.Ce parcours explique des recherches très éclectiques et transdisciplinaires : il a marqué de son empreinte des champs aussi divers que la psychologie, les sciences de l’information, les mathématiques, l’économie et le management. Simon est ainsi considéré comme l’un des penseurs les plus influents du xxe siècle en sciences sociales. Il a obtenu le prix Nobel d’économie en 1978 pour ses recherches pionnières sur la prise de décision dans les organisations, qui servent de fil conducteur à ses travaux.Son étude du processus de prise de décision l’amène à rejeter les hypothèses de la théorie économique classique. Celle-ci considère, en effet, que l’information est parfaite et que la maximisation du profit est le seul critère de choix. Jugeant ces hypothèses peu réalistes, il ne se reconnaît pas pour autant dans les approches du courant behavioriste, qui accordent trop de place au subconscient. Des recherches empiriques lui montrent alors que le décideur se contente de solutions satisfaisantes et non optimales. C’est ce qu’il nomme la rationalité limitée du décideur, un concept qu’il présente pour la première fois dans son ouvrage Administrative Behavior en 1947. Pour Simon, la prise de décision est un phénomène complexe mais analysable. Ainsi, dès les années 1950, il envisage d’étudier le processus de prise de décision à travers des simulations informatiques, ce qui le conduit à devenir le pionnier de l’intelligence artificielle.Au final, l’analyse cognitive du décideur initiée par Simon, fondement de la théorie de la décision dans les organisations, sera largement reprise et développée par Cyert et March dans les années 1960.

✔Concepts clés :Rationalité limitée. Décisions programmées et non programmées.

✔Principales publications :Simon H., Administrative Behavior, Macmillan, 1947.Simon H. et March J., Organizations, Wiley, 1958.Simon H., Models of Bounded Rationality, MIT Press, 1982.

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David J. TEECE (né en 1948)

Les capacités dynamiquesTitulaire d’un PhD en économie de l’université de Pennsylvanie, David Teece débute sa carrière académique à la Stanford University en 1975 avant de rejoindre la Haas School of Business à Berkeley en 1982, où il dirige l’Institute of Management, Innovation and Organization.Dès sa thèse, qui porte sur le transfert international de technologie, Teece s’intéresse au management de la technologie, et par extension au management des entreprises évoluant dans un environnement hautement technologique et fortement évolutif. Ceci l’amène à étudier l’appropriation des avantages issus de l’innovation en développant un modèle explicatif en fonction de son caractère imitable (en rapport notamment avec les droits de propriété intellectuelle) et du rôle des actifs complémentaires. Mais Teece est surtout connu pour avoir introduit dès 1997, avec G. Pisano et A. Shuen, le concept de capacités dynamiques. Ils les définissent comme l’aptitude de l’entreprise à intégrer, construire et reconfigurer les compétences internes et externes afin de s’adapter aux mutations rapides de l’environnement. Ainsi, l’avantage concurrentiel est à chercher à l’intérieur de l’entreprise, dans sa manière originale d’aborder les processus technologiques, organisationnels et managériaux. Identifier de nouvelles opportunités est plus important que de chercher à déstabiliser les concurrents ou d’exclure de nouveaux entrants : ils s’opposent en cela à l’approche développée par Porter.Se fondant sur une approche interdisciplinaire et alimentant ses recherches par ses activités de conseil et de créateur d’entreprise, essentiellement dans la haute technologie, Teece continue à étendre la compréhension de la nature des capacités dynamiques.

✔Concepts clés :Actif complémentaire. Capacités dynamiques.

✔Principales publications :Teece D.J., « Profiting from Technological Innovation », Research Policy, vol. 15, n° 6, pp. 285-305, 1986.Teece D.J., Pisano G. et Shuen A., « Dynamic Capabilities and Strategic Management », Strategic Management Journal, vol. 18, n° 7, pp. 509-533, 1997.Teece D.J., « Explicating Dynamic Capabilities: the Nature and Microfoundations of (Sustainable) Enterprise Performance », Strategic Management Journal, vol. 28, n° 13, pp. 1319-1350, 2007.

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Karl E. WEICK (né en 1936)

Les réalités comme constructions socialesAprès son PhD en psychologie industrielle obtenu en 1962, Karl Weick a mené sa carrière académique dans différentes universités (Purdue, Minnesota, Cornell) ; il est depuis 1988 professeur de comportement organisationnel et de psychologie à la Ross School of Business de l’université du Michigan. Il est l’un des chercheurs les plus renommés en matière de théorie des organisations.À partir de son approche psychosociologique, Weick est principalement connu pour avoir introduit les concepts d’enactment et de sensemaking dans l’étude des organisations. Pour lui, les réalités organisationnelles sont des constructions sociales.La notion d’enactment (traduit en français par les termes « activation », « mise en scène » ou « promulgation ») permet à Weick de considérer l’environnement comme une production sociale des membres de l’organisation. En d’autres termes, c’est moins l’environnement tel qu’il est que la représentation sociale collective qui en émerge, au sein de l’organisation, qui va déterminer le comportement de celle-ci. Cette notion traduit également le fait que certains phénomènes (tels que l’organisation elle-même) n’existent que parce que l’on en parle. Le sensemaking (traduit par l’expression « élaboration du sens ») est le processus de construction de sens à l’intérieur de l’organisation. Il concerne aussi bien les hommes, qui donnent un sens à l’organisation, que l’organisation elle-même, qui cherche à donner un sens à son environnement.

✔Concepts clés :Enactment. Sensemaking.

✔Principales publications :Weick K.E., The Social Psychology of Organizing, Random House, 1979.Weick K.E., « The Collapse of Sensemaking in Organizations: the Mann Gulch Disaster », Administrative Science Quarterly, vol. 38, pp. 628-652, 1993.Weick K.E., Sensemaking in Organizations, Sage, 1995.

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Oliver E. WILLIAMSON (né en 1932)

L’économiste des coûts de transactionOliver Williamson débute sa carrière en tant qu’ingénieur après un diplôme du MIT puis obtient un MBA de l’université de Stanford et un PhD en économie de l’université Carnegie-Mellon. Après un premier poste de professeur à l’université de Pennsylvanie, il est, de 1966 à 1970, attaché spécial à la division antitrust du département de la Justice américain. Il retourne ensuite à l’université de Pennsylvanie, où il débute ses travaux sur l’analyse de la firme par les coûts de transaction, recherches qu’il poursuit à Yale puis, à partir de 1989, à Berkeley où il est à la fois professeur de business administration, d’économie et de droit. Ce parcours explique son intérêt pour l’approche pluridisciplinaire par les coûts de transaction.Si le concept de « coûts de transaction » est avancé par R. Coase dès 1937, Williamson a largement contribué à développer ce courant théorique. La théorie des coûts de transaction cherche à expliquer les échecs du marché (market failures), c’est-à-dire les situations qui conduisent les entreprises à internaliser certaines transactions au lieu de les effectuer sur le marché. Les entreprises, que Williamson appelle « hiérarchies », se substituent au marché pour éviter les risques et les coûts liés à certaines transactions.La théorie des coûts de transaction stipule en effet que toute transaction économique génère des coûts : coûts de recherche d’informations sur les partenaires potentiels (clients ou fournisseurs), coûts d’écriture et de suivi du contrat, coûts liés à la prévention de l’opportunisme potentiel du partenaire, etc. Ces coûts de transaction expliquent le choix entre « marché et hiérarchie » : lorsque les coûts de transaction sont faibles, les acteurs économiques ont intérêt à recourir au marché, c’est-à-dire à confier l’activité à un prestataire externe. Au contraire, lorsque les coûts de transaction sont élevés, par exemple lorsque le contrat est coûteux à établir ou lorsque des investissements spécifiques créent un fort risque d’opportunisme de la part du partenaire, il vaut mieux internaliser l’activité, autrement dit recourir à la hiérarchie. Williamson reconnaît que le choix n’est pas toujours aussi tranché : il existe également des formes hybrides entre hiérarchie et marché, comme les partenariats et les joint-ventures.L’approche par les coûts de transaction offre une lecture originale de la firme, de sa raison d’être et de ses choix stratégiques et organisationnels. Si cette approche a été critiquée, par exemple pour l’absence de prise en compte de comportements opportunistes dans la hiérarchie, elle a servi de socle théorique aux recherches portant notamment sur l’intégration verticale, les alliances et les partenariats.

✔Concepts clés :Coûts de transaction. Opportunisme. Hiérarchie. Marché.

✔Principales publications :Williamson O.E., Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications, Free Press, 1975.Williamson O.E., The Economic Institutions of Capitalism: Firms, Markets, Relational Contracting, Free Press, 1985 (traduction française : Les Institutions de l’économie, InterÉditions, 1994).Williamson O.E., Winter S., The Nature of the Firm: Origins, Evolution and Development, Oxford University Press, 1993.Williamson O.E., The Mechanisms of Governance, Oxford University Press, 1996.

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Abraham ZALEZNIK (1924–2011)

Le psychanalyste du leadershipAbraham Zaleznik est reconnu comme une sommité mondiale en matière de psychologie des leaders et de dynamique du pouvoir dans les organisations. Il est titulaire d’un MBA et d’un doctorat de la Harvard Business School, où il enseigne dès 1947. En 1960, n’étant pas médecin, il obtient une dérogation lui permettant de débuter un parcours afin de devenir psychanalyste, objectif qu’il atteint en 1971.Il mène dès lors des recherches spécialisées sur le leadership à partir d’une approche psychanalytique. Il remet en cause les approches classiques de type behavioriste, dominantes dans les enseignements en management de l’époque et dans lesquels les comportements des individus sont appréhendés de façon trop mécanique et sur la base des seuls comportements observables. Ceci permet notamment à Zaleznik de distinguer les leaders des managers : si les premiers sont des visionnaires provoquant ruptures et changements, les managers sont, au contraire, des hommes de compromis, favorisant les processus et l’exécution de plans. Il explique le déclin des entreprises américaines par la montée en puissance des managers au détriment des leaders.

✔Concepts clés :Leaders. Managers.

✔Principales publications :Zaleznik A., Human Dilemmas of Leadership, Harper & Row, 1966.Zaleznik A., « Managers and Leaders: Are They Different? », Harvard Business Review, vol. 55, n° 5, pp. 67-78, 1977.Zaleznik A., Executive’s Guide to Motivating People: How Freudian Theory Can Turn Good Executives into Better Leaders, Bonus Book, 1990.