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1 L.D.J. Siège social 275 rue des Pyrénées 75020 Paris N° 103 janvier-février 2010 le numéro 2,50 € Doris Bensimon nous a quittés Ce numéro de L.D.J lui est dédié Editorial Hommage à Doris Bensimon Alors que nous allions diffuser « La Lettre de L.D.J » n° 103, notre Présidente et amie, Doris Bensimon, nous a quittés le 8 décembre 2009. Et nombreux furent ses amis qui l’accompagnèrent le 16 décembre à sa dernière demeure , tous bouleversés et profondément attristés par cette disparition soudaine, par la perte d’un être cher, d’une femme d’exception qui, à divers titres au cours de sa vie, avait suscité admiration et respect. Après avoir assuré la présidence de L.D.J pendant près de 15 ans, Doris avait décidé de passer le relais. Elle l’avait annoncé et le 4 novembre 2009 un nouveau Bureau a été élu. La nouvelle équipe savait alors qu’elle pouvait compter sur Doris, désormais présidente d’honneur de L.D.J., qui restait avec nous, près de nous. Eminente Sociologue spécialisée dans l’étude des judaïcités contemporaines, Doris était l’ « âme » de L.D.J. Et nous voulions lui dire tout simplement et chaleureusement : merci. C’est avec passion, énergie et talent qu’elle a animé et dirigé notre Association. Un travail remarquable a été accompli avec son équipe, structurant et diversifiant les activités de L.D.J dans un esprit d’ouverture et de convivialité apprécié de tous. Et aujourd’hui, plus que jamais, nous mesurons l’immense et difficile tâche qui nous revient. Mais sa mémoire et toute son œuvre sont autant de repères et de lignes de force pour nous permettre de poursuivre ce travail de transmission des valeurs d’un judaïsme d’accueil, laïque et humaniste, toujours dans le même esprit de convivialité et d’ouverture aux autres et au monde d’aujourd’hui. Ce numéro spécial de « La Lettre de L.D.J » lui est consacré pour lui rendre hommage. Nous comptons aussi, chers lecteurs, sur votre soutien pour que vive L.D.J en renouvelant vos adhésions ou abonnements à « La Lettre de L.D.J », et en participant à nos activités et aux débats sur :[email protected] Que cette année 2010, vous apporte à tous, chers amis, chers lecteurs, bonheur, douceur et paix. Marlène Celermajer Le 16 décembre 2009 Elle a rangé ses affaires, méthodiquement, comme elle l’a fait durant tant d’années pour ses travaux de sociologue, elle a passé le flambeau de L.D.J et elle est partie. En cette période de Hanoukka où l'on allume des bougies la petite lumière de Doris s’est éteinte sans bruit. Elle est partie et nous l’avons accompagnée par cette matinée de décembre rejoindre son mari dans le carré juif du cimetière parisien de Pantin. Le froid glacial n’a pas empêché une foule nombreuse de venir la saluer et cela lui aurait réchauffé le cœur de voir tous ces gens réunis autour d’elle pour la dernière fois. La cérémonie a été orchestrée par le Rabbin Pauline Bebe de la Communauté juive libérale d'Ile de France, élève et amie de Doris. A la fin de son intervention Pauline a lu sur un téléphone portable le message que René-Samuel Sirat, Grand Rabbin de France, a envoyé depuis Israël où il était retenu. Une femme rabbin et un téléphone portable, quels symboles de ce Judaïsme moderne pour lequel Doris n’avait pas cessé d’œuvrer ! Les messages du monde universitaire ont été lus par J.C. Kuperminc, Directeur de la bibliothèque de L’Alliance Israélite Universelle, à la suite de sa propre intervention. (1) , et c'est le monde de la sociologie, dans son ensemble, qui a tenu à rappeler le rôle joué par Doris Bensimon. Les Associations proches de L.D.J, Izio Rosenman pour l’AJHL, Christiane Galili pour l’AACCE, et Philippe Lazar de la revue "Diasporiques" et ancien Président du Cercle Gaston Crémieux, ont tenu à se joindre à cet hommage. Doris n’avait plus de famille proche. Sa famille avait été décimée durant la Shoah et,au fil de ces dernières années, c’est L.D.J qui était devenue sa famille. C’est dans l’émotion que Claude, Alain, Armand, Anna et Marlène à qui revient la lourde tâche de succéder à Doris, ont tenu à dire l’amitié qui les liait à Doris ; Doris qui le leur rendait bien et qui, la veille de son départ, les avait encore félicités pour le numéro de la " Lettre de L.D.J" dont le projet lui avait été soumis et à la préparation duquel, pour la première fois elle n’avait pas participé Isidore Jacubowiez. 1) Gabrielle Varro, Jean Baubérot, Georges Weill, Joëlle AlloucheBenayoun, Chantal BordesBenayoun, Gérard Nahon, Danielle Delmaire, Ariel Sion

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Liberté du Judaïsme N°103 janvier-février 2010

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L.D.J. Siège social 275 rue des Pyrénées 75020 Paris N° 103 janvier-février 2010 le numéro 2,50 €

Doris Bensimon nous a quittés Ce numéro de L.D.J lui est dédié

Editorial Hommage à Doris Bensimon

Alors que nous allions diffuser « La Lettre de L.D.J » n° 103, notre Présidente et amie, Doris Bensimon, nous a quittés le 8 décembre 2009. Et nombreux furent ses amis qui l’accompagnèrent le 16 décembre à sa dernière demeure , tous bouleversés et profondément attristés par cette disparition soudaine, par la perte d’un être cher, d’une femme d’exception qui, à divers titres au cours de sa vie, avait suscité admiration et respect. Après avoir assuré la présidence de L.D.J pendant près de 15 ans, Doris avait décidé de passer le relais. Elle l’avait annoncé et le 4 novembre 2009 un nouveau Bureau a été élu. La nouvelle équipe savait alors qu’elle pouvait compter sur Doris, désormais présidente d’honneur de L.D.J., qui restait avec nous, près de nous. Eminente Sociologue spécialisée dans l’étude des judaïcités contemporaines, Doris était l’ « âme » de L.D.J. Et nous voulions lui dire tout simplement et chaleureusement : merci. C’est avec passion, énergie et talent qu’elle a animé et dirigé notre Association. Un travail remarquable a été accompli avec son équipe, structurant et diversifiant les activités de L.D.J dans un esprit d’ouverture et de convivialité apprécié de tous. Et aujourd’hui, plus que jamais, nous mesurons l’immense et difficile tâche qui nous revient. Mais sa mémoire et toute son œuvre sont autant de repères et de lignes de force pour nous permettre de poursuivre ce travail de transmission des valeurs d’un judaïsme d’accueil, laïque et humaniste, toujours dans le même esprit de convivialité et d’ouverture aux autres et au monde d’aujourd’hui. Ce numéro spécial de « La Lettre de L.D.J » lui est consacré pour lui rendre hommage. Nous comptons aussi, chers lecteurs, sur votre soutien pour que vive L.D.J en renouvelant vos adhésions ou abonnements à « La Lettre de L.D.J », et en participant à nos activités et aux débats sur :[email protected] cette année 2010, vous apporte à tous, chers amis, chers lecteurs, bonheur, douceur et paix. Marlène Celermajer

Le 16 décembre 2009 Elle a rangé ses affaires, méthodiquement, comme elle l’a

fait durant tant d’années pour ses travaux de sociologue, elle a passé le flambeau de L.D.J et elle est partie. En cette période de Hanoukka où l'on allume des bougies la petite lumière de Doris s’est éteinte sans bruit. Elle est partie et nous l’avons accompagnée par cette matinée de décembre rejoindre son mari dans le carré juif du cimetière parisien de Pantin. Le froid glacial n’a

pas empêché une foule nombreuse de venir la saluer et cela lui aurait réchauffé le cœur de voir tous ces gens réunis autour d’elle pour la dernière fois. La cérémonie a été orchestrée par le Rabbin Pauline Bebe de la Communauté juive libérale d'Ile de France, élève et amie de Doris. A la fin de son intervention Pauline a lu sur un téléphone portable le message que René-Samuel Sirat, Grand Rabbin de France, a envoyé depuis Israël où il était retenu. Une femme rabbin et un téléphone portable, quels symboles de ce Judaïsme moderne pour lequel Doris n’avait pas cessé d’œuvrer ! Les messages du monde universitaire ont été lus par J.C. Kuperminc, Directeur de la bibliothèque de L’Alliance Israélite Universelle, à la suite de sa propre intervention. (1), et c'est le monde de la sociologie, dans son ensemble, qui a tenu à rappeler le rôle joué par Doris Bensimon. Les Associations proches de L.D.J, Izio Rosenman pour l’AJHL, Christiane Galili pour l’AACCE, et Philippe Lazar de la revue "Diasporiques" et ancien Président du Cercle Gaston Crémieux, ont tenu à se joindre à cet hommage. Doris n’avait plus de famille proche. Sa famille avait été décimée durant la Shoah et,au fil de ces dernières années, c’est L.D.J qui était devenue sa famille. C’est dans l’émotion que Claude, Alain, Armand, Anna et Marlène à qui revient la lourde tâche de succéder à Doris, ont tenu à dire l’amitié qui les liait à Doris ; Doris qui le leur rendait bien et qui, la veille de son départ, les avait encore félicités pour le numéro de la " Lettre de L.D.J" dont le projet lui avait été soumis et à la préparation duquel, pour la première fois elle n’avait pas participé

Isidore Jacubowiez. 1) Gabrielle  Varro,  Jean  Baubérot,  Georges  Weill,  Joëlle 

Allouche‐Benayoun,  Chantal  Bordes‐Benayoun,  Gérard Nahon,  Danielle Delmaire, Ariel Sion

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Sur sa tombe… Jean-Claude Kuperminc, Directeur de la bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle Au nom du Professeur Ady Steg, Président de l’Alliance Israélite Universelle, des membres de son Comité central, de son directeur général, et de toute l’équipe de sa bibliothèque, je voulais vous exprimer la tristesse qui nous étreint après le décès de Doris Bensimon-Donath. Fidèle lectrice de la bibliothèque de l’Alliance où elle a acquis ses premières connaissances juives, Doris rayonnait d’une exigeante gentillesse. Son attention extrême à l’autre, son désir de transmettre son savoir en faisaient une enseignante d’exception. Témoin de sa volonté de partager, elle nous laisse une collection unique de coupures de presse, recueillies avec patience depuis des décennies. Ce travail monumental et ingrat est bien représentatif de cette volonté d’alimenter la recherche, dans la discrétion. D’autres que moi diront son apport irremplaçable aux sciences du judaïsme. La frêle silhouette et la voix si bienveillante de Doris nous manquent déjà. Dans le prologue de sa belle autobiographie, Doris écrit : « Aujourd’hui je suis sans famille. Ce livre est une trace laissée pour ne pas tomber dans l’oubli ». Doris, nous ne t’oublierons jamais. Izio Rosenman Président de l'AJHL Doris a été à l’image du Juif moderne : Elle a erré entre les pays, elle a erré entre les cultures, les identités. Déracinée, ou plutôt ou plutôt arrachée à ses racines par la modernité, puis par le racisme et l’antisémitisme, enfin déplacée et pourchassée par la guerre, mais toujours debout. Depuis le Lycée viennois qu’elle a quitté volontairement à la suite de la ségrégation raciale, Doris n’a cessé de construire, et de se construire intellectuellement, d’entreprendre des actions qui l’impliquaient dans la défense des autres. Ainsi pendant la guerre à la Mairie de Lille elle fut une jeune espionne, à 17 ans, au profit des Alliés pendant l’occupation nazie. En fait Doris a cheminé dans les identités : issue d’une famille de Juifs de Vienne, cultivés mais assimilés, elle est revenue à son judaïsme, au cours de ses recherches, jusqu’à devenir la spécialiste de la sociologie des Juifs , d’Afrique du Nord, de France et d’Israël. Israël auquel elle était tant attachée, et qui a transformé sa vie et ses choix, avant de se décider pour la France. Elle n’a cessé tout au long d’une vie active de chercheuse et de militante, d’interroger les identités juives et non juives et leurs transformations dans le monde moderne. Sa recherche concernait, écrit-elle, plus les Juifs que le judaïsme. Elle n’a cessé de chercher et d’écrire ses recherches, publiant des livres dont certains sont devenus des classiques de référence. Le Rabbin Pauline Bèbe a évoqué la vie de Doris, et notamment cette vie professionnelle extrêmement riche et variée : CNRS, université, INALCO, et ses activités d’enseignement, syndicales, politiques, juives et non juives qui furent nombreuses et soutenues.

Femme de gauche, elle a souvent été engagée dans des luttes pour l’égalité. Son humanisme et son attention à l’autre ne l’ont jamais quittée : ses valeurs, écrit-elle, sont la liberté, le combat contre l’injustice, l’ouverture à l’Autre, la paix. Je l’ai mieux connue tard dans sa vie, surtout dans le cadre de ses activités de militante pour un judaïsme laïque, lorsqu’elle est devenue présidente de L.D.J-Liberté du Judaïsme, et que nous avons fait un bout de chemin ensemble. Doris a traversé le XXème siècle, ses drames et ses bouleversements : l’arrivée du nazisme, la guerre, l’Occupation, les migrations, la Shoah, puis la renaissance du judaïsme et la création d’Israël, avec tous les conflits, la renaissance des études juives en France dont elle fut un des artisans. Je voudrais terminer en lisant un petit extrait de son livre-testament, « Quotidien du vingtième siècle. Histoire d’une vie mouvementée. » « De mes expériences vécues, je n'oublie pas que j'ai été une immigrée arrivée en France à la pire époque de son histoire. Je ne supporte pas la xénophobie et le racisme, l'expulsion des immigrés, qu'ils soient blancs ou noirs. Comme tout être humain, j'ai des identités plurielles. Je suis une femme, mais ce n'est pas un choix. Je suis française et je me battrai toujours pour la démocratie. Je suis juive et j'assume ma judéité. Je suis une sociologue et la retraite ne change en rien mon attachement à cette discipline. » ( p. 226). Doris est et restera pour nous tous un exemple. Elle nous manquera. Philippe Lazar, ancien Président du Cercle Gaston-Crémieux Je suis très touché d’avoir été convié à dire quelques mots ce matin au cours des obsèques de Doris Bensimon. Nous nous connaissions relativement peu mais nous partagions, je le sais, des valeurs essentielles… en même temps que le modeste local de la rue du Cambodge, commun à Liberté du Judaïsme et au Cercle Gaston-Crémieux. La Rabbine Pauline Bèbe a merveilleusement exprimé à l’instant tout ce que l’on pouvait dire de la personnalité particulièrement attachante de Doris. Je n’insisterai pour ma part que sur l’un de ses traits : un engagement laïque (au sens le plus ouvert du terme bien sûr) d’une exceptionnelle ferveur. Sans doute la « vie mouvementée » de Doris - une expression qu’elle affectionnait tout particulièrement – l’a-t-elle confortée dans sa fascinante capacité d’empathie et dans son respect absolu des autres et de leur façon d’être et de penser. C’est bien ce que voulait dire en particulier, pour elle, je crois, le nom de l’association qu’elle présidait, « Liberté du Judaïsme » : oui, il signifiait clairement qu’on peut légitimement être juif de mille et une manières, en toute liberté. J’aimais beaucoup pour ma part lire les éditoriaux de Doris dans le bulletin de L.D.J – de plus en plus courts hélas au fur et à mesure que se détériorait son état de santé : ils exprimaient parfaitement, et de façon chaque fois renouvelée, cette profonde conviction libérale, au meilleur sens du terme, qui était la sienne. Je me suis laissé dire que, dans certaines langues africaines, il existe deux mots différents pour désigner les morts. Le premier concerne les êtres qui ont disparu mais qui restent

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présents en nous ; le second ceux que l’oubli a définitivement effacés de la mémoire des hommes. Nous ne pouvons évidemment prendre d’engagements que s’agissant de nous-mêmes. Mais s’agissant de nous, nous savons non seulement que nous n’oublierons pas Doris mais aussi que le tissu relationnel la reliant à nous tous, ici présents, et à tous ceux qui l’ont connue à de multiples titres, subsiste et subsistera bien au-delà de sa disparition en tant que personne vivante. Elle est en fait présente en nous, chacun de nous le ressent, j’en suis certain, en ces moments où nous pensons intensément à elle. Et d’une certaine façon elle revit et revivra dans nos échanges tant que nous serons là pour penser à elle et pour parler d’elle. Ce réseau relationnel avec les autres, cet enchevêtrement de réseaux dirais-je plutôt, je pense qu’il est concevable de lui attribuer le beau nom d’âme, que l’on soit ou non croyant. C’est dans ce même sens qu’on peut parler de l’âme d’un peuple… Permettez-moi dès lors un dernier mot, inspiré de cette phrase qu’on prononce traditionnellement sur les tombes juives : « Que l’âme du défunt rejoigne le faisceau de la vie ! ». Chères amies, chers amis, l’âme de Doris a rejoint à jamais le faisceau de nos vies ! Valérie Stenay Présidente de l’AACCE « Elle a toujours été là ! Elle était là quand le Comité de Liaison des Associations Juives Laïques s’est formé. Elle était là lors de ces réunions où nous avons échangé, bataillé parfois. Elle était là lorsque nous avons travaillé sur la mixité ou bien lorsque nous l’avons sollicitée sur d’autres domaines. Elle va nous manquer terriblement. Nous n’entendrons plus cette voix, ce phrasé si particulier qui la caractérisaient si bien. Il nous restera d’elle ses écrits, nombreux et réfléchis, notamment ses apports innombrables sur le monde juif. Nous nous souviendrons toujours de cette chercheuse infatigable, toujours ouverte sur le monde, ne ménageant pas ses efforts, mais aussi de cette femme qui a su rester accessible, profondément humaine. En un mot bienveillante envers les autres… » Christiane Galili Vice- présidente de l’AACCE Je ne connaissais pas Doris intimement, mais nous nous étions souvent croisées ; nous avions parlé, ri ensemble… déploré les dogmatismes, les injustices et les idées formatées recuites… Je garde d’elle, outre l’apport précieux de ses compétences professionnelles, un regard, une voix, une attention chargés de réel intérêt pour autrui. Je l’ai appréciée, aimée spontanément. Elle fait partie de ces femmes qui, par leur ton, leur façon d’être, leur savoir , nous aident à penser et à vivre. Doris a bien rempli la « condition juive » qu’elle s’était assignée : être un passeur – une passeuse – d’humanité. Merci à elle. Anna Sarfati Doris Bensimon-Donath nous a quittés un jour de décembre et sa disparition nous est difficile à comprendre dans la chronologie. Pour ma part, quand j'ai aperçu les volets de son bureau fermés alors qu'elle ne les fermait qu'à la veille d'un départ en voyage, je me suis interrogée. Et si Doris

était libre de son judaïsme, elle mérite un grand respect dans toutes ses libertés. Je voudrais juste, parler de nos derniers instants, ensemble, avec Margaret. Nous avons été la voir samedi 5 décembre et je me suis laissée aller à dormir comme un bébé un instant sur ce canapé ancien et particulier et sur sa table, près de son regard .Doris avait compris cette fatigue et m'a gratifiée d'un beau sourire lorsque je me suis réveillée. Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai embrassée, elle était surprise mais pas étonnée! Je lui avais apporté la prochaine lettre de L.D.J que le Bureau avait alors à valider et le texte de sa successeuse Présidente l'avait, j'en suis sûre, bien réconfortée. Je me souviens qu'elle nous a dit alors: très bien! Je vois que la Lettre a doublé de pages..... Nous l'avons quittée, Margaret et moi, dans cette image de travail réalisé et ce sourire lumineux, en parlant de Hannoucca qu'elle devait aller fêter à la synagogue du Rabbin Pauline Bebe. Voilà ! Marlène Celermajer L’après-midi chez Doris le 7 décembre 2009

Doris avait tout préparé pour son départ de la présidence de notre association. Elle nous a en quelque sorte pressés, bousculés même, pour qu’en sortant de l’assemblée générale du 4 novembre 2009 un nouveau Bureau avec un nouveau président soient élus. Et il était souvent difficile de lui résister. Si tout était prêt pour le passage de témoin, sans cesse j’ai dû en un mois faire appel à elle. Doris répondait toujours, par mail, par téléphone et j’allais la voir pour travailler avec elle sur des dossiers complexes qu’elle maitrisait parfaitement. La dernière fois ce fut le lundi 7 décembre 2009 où je passai l’après-midi avec elle. Elle avait préparé toutes les archives de L.D.J que nous devions enlever et toutes les réponses à mes questions étaient prêtes. Elle était fatiguée plus que d’habitude, mais son esprit et ses avis toujours aussi vifs et clairs, fidèles à ses engagements. Elle parlait alors de son agenda à venir : " vendredi , vous prendrez les archives de L.D.J avec Armand mais soyez là le matin car l’après midi je suis occupée" ; elle pensait à l’allumage de la 1ère bougie de Hanouka au CJ.L avec le rabbin Pauline Bebe; ou encore : « le dimanche 17 janvier , je vais au cercle de Lecture chez Maryse avec Anna et Margaret»…… Lorsque la gardienne a sonné, elle a pris « Le Monde » posé devant sa porte et je l’ai laissée peu avant 18h ce lundi -là. Le lendemain, mardi 8 décembre, Doris nous avait quittés ! Le choc violent de sa disparition m’est apparu alors insupportable : j’ai revu le dernier numéro de notre journal où elle avait dit « ADIEU » en titre de son éditorial ; et je me suis sentie seule, un peu orpheline en quelque sorte, car Doris nous manque : sa générosité, son accueil chaleureux, son ouverture d’esprit n’avaient d’égale que son érudition. Doris, j’ai été heureuse de te connaître. Et j’espère ne pas trop la décevoir dans tout ce que nous allons entreprendre ensemble. Le chemin sera long ….. Mais peut-être veille-t-elle un peu sur nous, comme tous les êtres chers que nous avons aimés et que nous portons en nous.

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…et ensuite AKADEM Newsletter 16 décembre 2009

Sa voix fluette restera dans l'oreille de tous ceux qui ont bénéficié de son enseignement. Grande dame des études juives, Doris Bensimon a donné ses lettres de noblesses aux études démographiques sur les communautés juives, faisant passer la sociologie juive de l'impressionnisme flou à la rigueur scientifique. Benjamin Stora Je suis bouleversé par l'annonce de cette disparition. Doris Bensimon est vraiment une grande dame, une pionnière dans le domaine des études sur les Juifs d'Afrique du nord. Georges Wajs Président du Cercle G. Crémieux C'est avec une grande tristesse que j'apprends le décès de Doris. Nous nous sommes croisés quelques fois et je garde le souvenir d'une femme de conviction, chaleureuse et profondément humaine. Henri Minczeles Je voulais me joindre aux obsèques de Doris que j'ai bien connue comme j'ai bien connu Liberté du Judaïsme puisqu'il m'est arrivé de donner des conférences mais je n'ai pu me rendre au cimetière de Pantin. Aussi je vous envoie mes sincères condoléances à sa famille et au bulletin de L.D.J. C'était une femme de qualité, une personne très érudite, une spécialiste de l'Allemagne et un esprit lucide. Je regrette beaucoup sa disparition et pense souvent à elle. Honneur à sa mémoire. Maryse Sicsu Ces derniers mois, lorsque je me trouvais avec Doris, je lui demandais : "Comment vas-tu ?" "Très mal", me répondait-elle. Je ne la croyais qu’à moitié, ou alors je ne voulais pas la croire. Pourtant, je craignais le moment où elle abandonnerait la présidence de notre Mouvement. Aujourd’hui Doris nous a quittés. Pourquoi m’étais-je attachée à elle ? J’ai admiré sa puissance de travail, le dévouement qu’elle a apporté à notre Association, la façon dont elle a favorisé nos réunions qui nous ont permis des échanges d’idées, et la création de liens amicaux. Une équipe de trois membres prend la direction du Mouvement, Marlène, Armand, et Irène, épaulés par Anna et Noémie : ils ont tous les compétences, la classe, et sûrement la foi que cela demande. Dans la mesure de mes moyens, de mes disponibilités, je les aiderai.

Liliane Lascoux C'est avec émotion que j'apprends le décès de Doris Bensimon, belle figure d'ouverture, de tolérance et de courage. Je l'ai connue chez mon frère, Armand Lévy et l'on ne pouvait pas l'avoir entendue ni vue sans se souvenir d'elle, de sa force et de ses convictions. Marianne Delranc Je viens de lire ce courriel ; c'est une très triste nouvelle : Doris Bensimon était une femme d'une grande culture et très humaine. C'est une grande perte pour tous. Hélène Bendjo « J’ai eu beaucoup de chance dans la vie », disait souvent Doris Bensimon. A vrai dire, cette « grande dame » qui fut présidente de L.D.J. pendant près de quinze ans, fut une « chance » pour nous. De la vie de Doris Bensimon, je retiendrai : - les années noires de la guerre, vécues par une adolescente, - l’itinéraire d’une résistante, d’une militante, d’une femme libre, - et enfin, l’accomplissement d’une enseignante passionnée par l’étude et la recherche, apportant sa précieuse collaboration d'universitaire. Ce qui a fait l’essentiel de sa démarche fut son souci constant de la transmission des valeurs juives, humanistes et laïques… Elle vouait un soin tout particulier à cette transmission. Elle était également très attachée à la notion d’Education et du rôle fondamental de celle-ci dans la lutte contre l’ignorance et l’obscurantisme et qui demeure le seul vecteur de liberté et de paix. Personne de qualité à la grande simplicité, Doris Bensimon avait su gagner notre affection. Adeline et Borice Fride Nouveaux adhérents depuis un an à L.D.J., nous avons eu le grand bonheur de connaître Madame Bensimon-Donath que nous avons très vite appelée Doris. C'est dire l'accueil chaleureux qu'elle nous a tout de suite réservé au sein de l'association, nous invitant même à participer à des réunions à son domicile, bravant la fatigue que la maladie lui imposait, désireuse de faire partager son savoir et de nous connecter au savoir d'autrui. Initiatrice de travaux sociologiques sur le monde juif d'aujourd'hui, elle nous a donné le goût de poursuivre la réflexion sur notre judéïté dans une société en pleine mutation. Doris était une personne de qualité, "a Mensch", dirait-on en yiddish, une âme élégante, généreuse, ouverte sur le monde et l'humain dont elle connaissait les vicissitudes pour les avoir elle-même éprouvées. Nous éprouvons beaucoup de regrets de n’avoir pu suivre plus tôt son enseignement. Mais avec sa voix pleine de douceur aux accents mélodieux, Doris est toujours présente parmi nous et elle nous accompagne.

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Marlyse Kalfon-Médioni J’ai connu Doris Bensimon dans l’association qu’elle présidait L.D.J. Liberté du Judaïsme il y a une quinzaine d’années. Il y avait dans l’accueil, dans le souci d’ouvrir son association, une place pour chacun quel que soit son itinéraire et son histoire. J’ai ressenti une profonde amitié teintée d’admiration pour Doris, attachée au peuple juif, à sa culture, à ceux qui en parlaient et le vivaient. Le maître mot était « transmission » Elle a su faire partager cette passion et donner envie d’aller plus loin. Je l’ai suivie dans les colloques, en Belgique, à Prague, mais aussi tout simplement aux réunions de Bureau : elle y arrivait pleine d’idées parfois dérangeantes mais toujours foisonnantes et généreuses. Merci Doris pour tous ces moments de partage et d’amitié. Tu es toujours dans notre cœur .

Nicole Abravanel Quelle tristesse, chère Doris ! Des mots pensés au rebord d'une tombe. La première fois que je t'ai rencontrée, c'était dans le cadre du Centre de recherche des études hébraïques aux Langues O'.Ta présence était marquante et je ne l'ai pas oubliée. Tu représentes cette transmission du judaïsme ouvert sur la cité accessible à tous, juifs et non juifs, fondée sur une vaste culture. Dans mon enseignement j'ai souvent utilisé tes livres dont Israéliens, Des Juifs et des Arabes écrit avec Eglal Errera. C'est un événement relevant de la vie de la cité qui m'a fait sauter le pas et adhérer à Liberté du Judaïsme. Notre association avait, comme d'autres, apposé sa signature à une prise de position pour la défense des lois de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat. Et puis, tu as ouvert les réunions si chaleureuses de L.D.J à la dimension des Juifs d'Espagne et du monde sépharade qui est venu enrichir notre réflexion commune. Je n'oublie pas que tu es toujours parmi nous.

Mireille Florent-Saul Je découvre avec peine l'annonce du décès de Doris qui fut ma correspondante, mon amie et souvent mon modèle... Je venais de clore un long chapitre de travail avec elle, autour de la mise en page, en place, en ordre de la Lettre de L.D.J. Elle m'avait dit "je suis très malade"... Je pense que c'était une « Mensche »...

Irène Wekstein

Pour un Judaïsme d’accueil Doris, tu aimais beaucoup cette expression, tu nous la rappelais lorsque nous nous perdions dans des discussions trop oiseuses. Ton judaïsme et ce que tu as tenté de construire à L.D.J étaient contraires à tout sectarisme et tout dogmatisme et ce caractère ouvert et chaleureux me semble issu de ton parcours personnel. Ton rattachement au peuple juif était une double reconquête. Reconquête sur l’assimilation de ta famille viennoise dont le judaïsme était assez vague. Ton éducation juive d’enfant ne consistait qu’en quelques histoires bibliques dont tu n’avais pas perçu le sens, quelques poèmes juifs récités par ton oncle Adolph et les conséquences de l’Anschluss qui t’ont appris la discrimination. Reconquête ensuite sur une éducation chrétienne qui t’a été donnée à Notre Dame de Sion où tu as été réfugiée pendant la guerre et que tu as appréciée pendant un temps. Cette double reconquête t’a montré que l’identité juive n’a jamais été une donnée immuable, qu’elle pouvait se perdre mais aussi se retrouver et que pour la retrouver, il fallait le vouloir. Ton judaïsme était une perpétuelle recherche. Est-ce la recherche de ton identité qui t’a poussée vers la sociologie ou l’inverse ? Les deux se sont confondues dans ton travail d’enseignante et de chercheuse. Ton travail portait non sur le judaïsme mais sur les judaïcités contemporaines, car tu voulais connaître des hommes dans la diversité de leurs cultures plus qu’élaborer une théorie. Tu t’es intéressée à Israël, alors en pleine construction, aux Juifs d’Afrique du Nord, aux Juifs Français, aux Juifs revenus en Allemagne ; dans chaque cas tu essayais de comprendre ce qui les animait, ce qui leur faisait obstacle. Cette attitude construisait un judaïsme pluriel, aux milles facettes où nul ne pouvait prétendre à quelque hégémonie, où les cultures s’enrichissaient réciproquement. Ton judaïsme était un judaïsme ouvert sur le monde. Fidèle aux enseignements de la Haskala – combien de conférences organisées sur ce sujet ! - tu refusais le repli sur soi au profit d’une participation active à la société dans laquelle tu vivais. Tu étais profondément laïque. Tu luttais aussi contre le refus de certains milieux religieux de reconnaître comme Juifs des personnes non pratiquantes ou faisant partie de couples mixtes. Tu disais : La religion fait partie de la culture et non l’inverse. Doris, je t’ai rencontrée à un moment où j’étais moi-même en pleine recherche identitaire. C’est ce judaïsme là que je cherchais. Merci.

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Doris Bensimon, Présidente de L.D.J.

Un jour de février 1995, Doris m'appelle et m'annonce qu'elle vient d'être élue Présidente de l'Association, qu'une équipe nouvelle a été créée et qu'elle souhaitait me confier la fonction de trésorier. Bien que n'étant pas ami des chiffres, j'acceptai cette proposition. Je la connaissais depuis peu. Je venais de finir un manuscrit sur les juifs marocains et lui avais envoyé préalablement des extraits. J'en profitai pour lui demander d'en faire la préface. Elle accepta spontanément et me demanda de venir chez elle. Elle me reçut avec simplicité et gentillesse, me parlant de l'intérêt qu'elle portait au judaïsme marocain. Elle avait passé une année à Fès comme jeune enseignante dans un lycée. L'entretien fut chaleureux. Elle alla me chercher des rafraichissements et des gâteaux secs. Si je décris ce dernier point, c'est que tout du long de ces années de travail en commun avec mes collègues de Bureau et du CA, toutes les réunions se terminaient par des collations, sucreries ou fromages. Il en était de même lors de la participation à l'envoi de la Lettre aux abonnés qui comprenait quelques personnes, sa femme de ménage et son mari et l'un ou l'autre d'entre nous. Pour avoir une vue globale des différentes activités contenues dans cette Lettre, on retrouve des conférences dont le thème avait été préalablement réfléchi entre nous, une rubrique débat centrée plus précisément sur les notions d'identités plurielles et la transmission, le coin des livres où était prévu un commentaire sur les livres parus, enfin une rubrique sur les randonnées et les visites de musées ou de rues dans Paris. Quelques années plus tard, on ajoutait des réunions portant sur la commémoration laïque des fêtes juives de Pessah, Rosh Hachana ou Chavouot. A ces occasions, on se réunissait pour un repas de fête. Nous avions dans ces années- là effectué des voyages, notamment à Strasbourg, accueillis par l'Association Vladimir Rabi. Un colloque avait été également organisé par L.D.J. en 1996 sur la Judaïcité française, les migrations juives en France et les Juifs de France dans l'Europe. Notre partenaire à ce colloque était le Cerij. Par la suite des colloques internationaux ont été organisés à Paris en participation avec l'A.J.H.L.et plus tard à New-York, dont nos amis nous rendirent compte.

Doris Bensimon, en nous quittant, nous laisse un héritage culturel, fruit de son expérience et de son engagement de militante juive laïque. Elle a manifesté pour Israël un attachement indéfectible par ses nombreux voyages annuels où elle retrouvait ses amis de toujours.

A nous de continuer dans la voie qu'elle nous a tracée.

Armand Levy

Quotidien du 20ème siècle "Histoire d'une vie mouvementée" Dernier ouvrage de Doris BENSIMON,- L’Harmattan (2007) " Trace laissée pour ne pas tomber dans l'oubli", témoignage "dédié à tous ceux qui m'ont aidée à vivre, tout simplement pour leur dire merci", précise l'auteure dans son Prologue. Mais aussi récit pour lequel elle récuse le genre du roman car " il occulterait la réalité des faits et des rencontres". Préoccupation, constante dans l'ouvrage, de nommer précisément et de situer historiquement, qui nous renvoie à sa qualité de sociologue-historienne-démographe. Mais aussi, limite de l'autobiographie, crainte de tomber dans l'auto-célébration, et une certaine pudeur dans ce regard rétrospectif que jette sur sa vie cette femme alors âgée de 84 ans. Lisez ce livre, si ce n'est déjà fait. Et s'il nous était permis, à nous lecteurs, de franchir ces limites sans la trahir, à l'heure même où elle vient de nous quitter ? De considérer "comme un roman" ce prodigieux itinéraire de la petite fille née à Vienne dans une famille juive cultivée, non pratiquante, devenue, après un passage dans les ordres catholiques, une spécialiste reconnue des judaïcités contemporaines et la présidente pendant plus de quatorze ans de notre association de judaïsme de l'accueil ? De nous émerveiller de la soif d'apprendre, des qualités de travail et de persévérance qui ont permis à la jeune fille de seize ans, arrivée à Lille dans son éprouvant exode, d'étudier tout en travaillant dans des conditions difficiles jusqu'à passer son baccalauréat en juin 1944, pour ensuite, en Israël, assimiler les nouvelles procédures de la sociologie américaine et réaliser son étude sur l'intégration des immigrants originaires d'Afrique du Nord avant de poursuivre son œuvre abondante et féconde dans le cadre du CNRS ? De dire les valeurs et les qualités humaines essentielles qui transparaissent au fil du récit ? Les valeurs, elle en parle à la fin de son ouvrage, restant discrète au sujet de ses qualités humaines, qu'il nous a été permis d'apprécier : son humilité, sa chaleureuse disponibilité, son ouverture à l'Autre, son sens inébranlable de la solidarité manifesté dans ses engagements. Sa sincérité, le courage et la complexité de ses convictions. Ainsi, lorsque Doris rend hommage à Pauline Bebe pour lui avoir permis d'approfondir son judaïsme, elle écrit néanmoins : " Je suis devenue de plus en plus juive, même si je doute de l'existence de Dieu". Pour ajouter, quelques lignes plus loin : "Même si je ne suis pas croyante, je pense qu'une conscience humaine ne peut pas s'éteindre. J'espère rejoindre André [son mari] dans l'autre monde, à l'heure de ma mort". Profondément juive, mais non croyante ? La survivance immatérielle des âmes, une croyance tout de même. Nous

avons besoin de croire en l'immatériel. N'est-ce pas le fondement de la spiritualité ? Une spiritualité juive, humaniste, universelle ?

Noémie Fisher

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Doris Bensimon, sociologue Doris était sociologue parce qu’elle avait la curiosité des peuples et de leur culture. Avec le peuple juif, elle avait fort à faire car son histoire complexe et les effets de la diaspora ont produit non pas une mais de multiples cultures. Elle avait aussi cette particularité que chaque événement historique, chaque lieu dans lequel elle s’est posée dans sa vie mouvementée, chaque interrogation personnelle, devenaient objet d’études et d’investissement sociologique. Contrairement à tant d’autres il n’y avait pas de rupture entre sa vie et son travail de recherche. Enseignante à Fès, elle découvre le judaïsme sépharade. De nombreuses recherches découleront de cette rencontre pour elle fondamentale : L’évolution de la femme israélite à Fès. La pensée universitaire (1962) L’évolution du judaïsme marocain sous le protectorat français. Mouton (1968) L’intégration des Juifs d’Afrique du Nord en France. Mouton (1971) Les Juifs d’Algérie, hier et aujourd’hui. Mémoires et Identités.

Ed.Privat - avec Joëlle Allouche Benayoun – (1989) Chargée de mission de CNRS en Israël, elle prend ce pays comme objet d’études. Ce sera sa thèse : Immigrants d’Afrique du nord en Israël Anthropos (1970), Mais aussi L’éducation en Israël Anthropos (1975) Israël et ses populations -avec Eglal Errara - Editions Complexe (1977) Israéliens. Des Juifs et des Arabes, Editions Complexe (1989) Religion et Etat en Israël. L’Harmattan (1992) Israéliens et Palestiniens. La longue marche vers la paix. L’Harmattan (1995) En tant que juive française elle ne pouvait laisser de côté cette judaïcité particulière. Socio-démographie des Juifs de France et d’Algérie. Publications orientalistes de France 1976 La population juive de France (avec Sergio Della Pergola) CNRS 1984 La grande rafle des Juifs en France. Editions Privat (1987) Les Juifs de France et leurs relations avec Israël. L’Harmattan (1989) Les Juifs du monde au tournant du XXIe siècle. Albin Michel (1994) Dans les années quatre vingt dix elle profite de l’ouverture des frontières pour revenir vers ses origines viennoises et tchèques. Cela donnera bien sûr lieu à des études Parcours d’un intellectuel juif germanophone. Vienne Berlin Prague. L’Harmattan (2000) Juifs en Allemagne aujourd’hui. L’Harmattan (2003) La liste des ouvrages n’est pas exhaustive. Elle n’est là que pour montrer l’immense travail accompli et cette façon particulière qu’elle avait de faire de sa vie son œuvre et réciproquement.

Irène Wekstein

La Lettre de L.D.J.- janvier –février 2010 Rédaction et administration

275 rue des Pyrénées 75020 Paris Directeur de la publication: Marlène Celermajer

Comité de lecture : Irène Wekstein, Armand Levy, Isidore Jacubowiez, Flora Novodorsqui, Simone Simon, Marlène Celermajer

Copytoo 281 rue des Pyrénées 75020 Paris Dépôt légal à la parution ISSN 1145-0584

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Activités de L.D.J Conférences

L.D.J a axé son programme pour l'année 2009-2010 sur le thème :

Israél, mythes et réalités Des conférences suivies de débats ont déjà eu lieu sur les thèmes suivants : Frédéric Encel, professeur des relations internationales à Paris VIII : Histoire des sionismes dans leur diversité Doris Bensimon, sociologue Des idées socialistes au libéralisme économique Stéphane Encel, Historien Nation ou terre promise --------------------------------- Les prochaines conférences auront lieu : Mercredi 13 Janvier 2010 Moïse Rahmani, journaliste, fondateur de la revue sépharade Los Muestros «L’exode oublié» des Juifs des pays arabes du proche orient Mercredi 17 Février 2010 Dossier présenté par Irène Wekstein, Psychologue, vice-présidente de L.D.J Les Russes en Israël : une communauté très influente Mercredi 24 Mars 2010 Marius Schattner, journaliste israélien parlera de son livre : Israël, l’autre conflit : laïcs contre religieux Toutes ces conférences sont suivies d'un débat et se tiennent 13 rue du Cambodge 75020 Paris à 20 heures. Accueil dès 19 h 30.

Cercle de Lecture Dimanche 17 Janvier 2010 à 16 h Sayed Kachua : "Les Arabes dansent aussi" Editions Belfond Collection 18/10 (2003) L’auteur est un Arabe israélien qui écrit en hébreu. Réunion chez Maryse Sicsu Notifier votre participation au 01 43 55 73 83

Bureau de L .D. J. Marlène Celermajer Présidente Armand Levy Vice-président Irène Wekstein Vice- présidente Anna Sarfati Secrétaire générale Noémie Fischer Trésorière Contact L. D. J. :09 54 25 31 26 ou [email protected]

Et ailleurs : Expositions

Au Mémorial de la Shoah : jusqu'au 31 mars 2010 "Hèlène Berr, une vie confisquée ". Une jeune fille de la grande bourgeoisie juive - son père était avant 1940 un des dirigeants de la Société des Produits Chimiques Kulhmann - elle fut déportée en Mars 1944 et mourut à Bergen-Belsen en avril 1945. Elle a laissé, sur les années de guerre, un Journal, (1) que vous pouvez lire si vous ne pouvez pas aller à l'expo. Au MAHJ : jusqu'au 7 mars 2010 " La splendeur des Camondo" L'histoire d'une famille de banquiers stambouliotes, qui s'installe en France en 1870. Une famille fortunée de mécènes et d'artistes. La fin se joue en deux épisodes, le fils Nissim est tué au combat en 1917, la fille Béatrice et ses deux enfants dans les camps nazis. Si vous ne pouvez pas aller à l'expo, vous pouvez vous rattraper en allant au musée Nissim de Camodo qui est installé dans ce qui fut la splendide demeure de la famille. - 63 rue de Monceau. Paris 8ème- Rencontre La rencontre Livres des mondes juifs et Diasporas en dialogue se tiendra à l'Hôtel Lutétia samedi 23 janvier et dimanche 24 janvier 2010. Nous aurons la possibilité d'y entendre et d'y rencontrer Ghaleb Bencheikh, Yannick Haenel, Daniel Cohen, Mireille Hadas-Lebel, Alain Finkelkraut …et bien d'autres. Nous vous conseillons de réserver ces dates pour aller y faire un petit tour. Conférences Irène Wekstein et Martine Grinberg organisent durant le premier semestre 2010 un cycle de conférences sur le thème de la filiation entre la littérature yiddish et la littérature américaine, aux dates suivantes : Mercredi 6 janvier "Paraboles américaines, de Rabbi Nachman à Bernard Malamud" Mercredi 3 février "Du schlimazel au schlémil, de Menahem Mendel à Herzog Mercredi 10 mars Gangsters et mauvais garçons juifs De Isaac Babel à Jérôme Charyn Mercredi 14 avril Qui suis-je et qui est l'autre A propos des Locataires de Bernard Malamud Mercredi 5 mai On ne plaisante pas avec le Messie Cynthia Ozik et Bruno Schultz Ces conférences ont lieu à la Maison de la Culture yiddish. 18 Passage St Pierre Amelot 75011 Paris à 20 heures précises.