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Dix-neuvième siècle, et vingtième siècle Impressionnisme Mots clefs, points d’ancrage pour l’étude de l’oeuvre « A la fin de l’année 1876, Monet se lance dans des études de Paris noyé dans le brouillard hivernal. Il découvre que, plus intéressante que le brouillard, il y a la fumée, celle que crachent les locomotives aux abords de la gare Saint-Lazare. Le peintre observe les panaches vaporeux qui donnent à l’air une épaisseur, une forme et des couleurs. Toujours à court d’argent, il demande à son ami Gustave Caillebotte de lui payer le loyer d’un atelier situé rue Moncey, à proximité de la gare Saint-Lazare. Il réalise des esquisses, mais elles ne lui suffisent pas. Il veut peindre à l’intérieur même de la gare pour saisir les images dans leur instantanéité. Décidé à mener à bien ce projet, Monet revêt ses plus beaux habits. Il se présente au directeur de la gare Saint- Lazare en jouant négligemment avec ses poignets de dentelle et une canne à pommeau d’or. « Je suis le pein- tre Monet », annonce-t-il avec assurance. Impressionné par sa prestance, le directeur se met à son service. Il pense avoir en face de lui une sommité de la peinture officielle, reconnue, décorée peut-être... Tous les souhaits de Monet sont exaucés. L’ensemble du personnel lui obéit. Le train de Rouen est retardé d’une demi-heure, le peintre préférant la lumière de ce moment-là à celle de l’heure officielle. La locomotive est alimentée en char- bon jusqu’à ce qu’elle crache la fumée qui convient à l’artiste. Et quand il part, tout le monde le salue bien bas ! Monet met en scène l’architecture de la gare Saint-Lazare, qui est surmontée d’une verrière à structure métalli- que. Il note la transparence du verre, les effets d’estompe des fumées. Alors que Manet et Caillebotte avaient représenté le pont de l’Europe proche de la gare du point de vue des passants qui le traversent, Monet se place au niveau des voies. Il est de plain-pied avec la gare et le trafic ferroviaire ; noyés dans un halo de fu- mées, ceux-ci évoquent la modernité. La série des toiles de la gare Saint-Lazare illustre l’attrait des peintres im- pressionnistes pour les scènes de la vie moderne. Comme leurs contemporains, ils sont emportés par l’idée du progrès. Leur siècle est celui de la science et de la technique, du fer et de la société industrielle. La gare et la locomotive symbolisent le progrès et changent les mentalités : elles raccourcissent les distances, contractent l’espace et modifient le paysage en le déroulant à toute vitesse sous les yeux des passagers. Monet peint douze vues de la gare Saint-Lazare, et présente une partie de ce travail à la troisième exposition impressionniste, qui se tient à la galerie Durand-Ruel en 1877. » Source: collection « Grands peintres » Edité par SEP COBRA-PRISMA PRESSE-2009 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIX ème siècle XX ème siècle et notre époque arts visuels // la peinture > fiche n°33.1 3 F.Jouin /H.Hemme/D.Pelletier— apm1— inspection académique de l’oise-2010 Claude Monet (1840-1926) La gare Saint-Lazare 1877 Huile sur toile H : 75 cm ; L : 100 cm Paris, musée d'Orsay Chef de file des impressionnistes (le groupe reçoit son nom de sa toile Impression, soleil levant) Monet suit la voie ou- verte par Manet et oriente les recherches picturales vers la libération de la touche et la traduction par la couleur de l’aspect réel de la lumière. Dans la lignée du naturalisme de l’école de Barbizon et des recherches de William Turner, Monet participe à la révolu- tion de la peinture de paysage désormais pratiquée en plein air avec une rapidité d’exécution et un contact di- rect avec la nature qui préservent la spontanéité du geste, la fidélité au motif et l’authenticité des impressions transcri- tes sur la toile. Ses œuvres cadrées, si ce n’est composées, et souvent reprises en atelier n’en expriment pas moins des phénomènes atmosphériques transitoires et évanescents. Paysage urbain L’instantané en peinture Formes et couleurs Les effets changeant de la lumière La mobilité du sujet Les nuages de vapeur La série en peinture « Là est aujourd’hui la peinture... Nos artistes doivent trouver la poésie des gares, comme leurs pères ont trouvé celle des forêts et des fleuves » Emile Zola

3 arts visuels // la peinture > fiche n°33.preac.ia60.ac-amiens.fr/documents/ress.peda/hida/arts_visuels/... · Travaux d’élèves de cycle III . Petite collection d’œuvres

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Dix-neuvième siècle, et vingtième siècle Impressionnisme

Mots clefs, points d’ancrage pour l’étude de l’oeuvre

« A la fin de l’année 1876, Monet se lance dans des études de Paris noyé dans le brouillard hivernal. Il découvre que, plus intéressante que le brouillard, il y a la fumée, celle que crachent les locomotives aux abords de la gare Saint-Lazare. Le peintre observe les panaches vaporeux qui donnent à l’air une épaisseur, une forme et des couleurs. Toujours à court d’argent, il demande à son ami Gustave Caillebotte de lui payer le loyer d’un atelier situé rue Moncey, à proximité de la gare Saint-Lazare. Il réalise des esquisses, mais elles ne lui suffisent pas. Il veut peindre à l’intérieur même de la gare pour saisir les images dans leur instantanéité. Décidé à mener à bien ce projet, Monet revêt ses plus beaux habits. Il se présente au directeur de la gare Saint-Lazare en jouant négligemment avec ses poignets de dentelle et une canne à pommeau d’or. « Je suis le pein-tre Monet », annonce-t-il avec assurance. Impressionné par sa prestance, le directeur se met à son service. Il pense avoir en face de lui une sommité de la peinture officielle, reconnue, décorée peut-être... Tous les souhaits de Monet sont exaucés. L’ensemble du personnel lui obéit. Le train de Rouen est retardé d’une demi-heure, le peintre préférant la lumière de ce moment-là à celle de l’heure officielle. La locomotive est alimentée en char-bon jusqu’à ce qu’elle crache la fumée qui convient à l’artiste. Et quand il part, tout le monde le salue bien bas ! Monet met en scène l’architecture de la gare Saint-Lazare, qui est surmontée d’une verrière à structure métalli-que. Il note la transparence du verre, les effets d’estompe des fumées. Alors que Manet et Caillebotte avaient représenté le pont de l’Europe proche de la gare du point de vue des passants qui le traversent, Monet se place au niveau des voies. Il est de plain-pied avec la gare et le trafic ferroviaire ; noyés dans un halo de fu-mées, ceux-ci évoquent la modernité. La série des toiles de la gare Saint-Lazare illustre l’attrait des peintres im-pressionnistes pour les scènes de la vie moderne. Comme leurs contemporains, ils sont emportés par l’idée du progrès. Leur siècle est celui de la science et de la technique, du fer et de la société industrielle. La gare et la locomotive symbolisent le progrès et changent les mentalités : elles raccourcissent les distances, contractent l’espace et modifient le paysage en le déroulant à toute vitesse sous les yeux des passagers. Monet peint douze vues de la gare Saint-Lazare, et présente une partie de ce travail à la troisième exposition impressionniste, qui se tient à la galerie Durand-Ruel en 1877. »

Source: collection « Grands peintres » Edité par SEP COBRA-PRISMA PRESSE-2009

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

arts visuels // la peinture > fiche n°33.1 3

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Claude Monet (1840-1926) La gare Saint-Lazare 1877 Huile sur toile H : 75 cm ; L : 100 cm Paris, musée d'Orsay

Chef de file des impressionnistes (le groupe reçoit son nom de sa toile Impression, soleil levant) Monet suit la voie ou-verte par Manet et oriente les recherches picturales vers la libération de la touche et la traduction par la couleur de l’aspect réel de la lumière. Dans la lignée du naturalisme de l’école de Barbizon et des recherches de William Turner, Monet participe à la révolu-tion de la peinture de paysage désormais pratiquée en plein air avec une rapidité d’exécution et un contact di-rect avec la nature qui préservent la spontanéité du geste, la fidélité au motif et l’authenticité des impressions transcri-tes sur la toile. Ses œuvres cadrées, si ce n’est composées, et souvent reprises en atelier n’en expriment pas moins des phénomènes atmosphériques transitoires et évanescents.

Paysage urbain L’instantané en peinture Formes et couleurs Les effets changeant de la lumière La mobilité du sujet Les nuages de vapeur La série en peinture

« Là est aujourd’hui la peinture... Nos artistes doivent trouver la poésie des gares, comme leurs pères ont trouvé celle des forêts et des fleuves »

Emile Zola

Œuvre à rapprocher de

3 arts visuels // la peinture > fiche n°33.2

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Claude Monet L’arrivée du train

de Normandie à la gare Saint-Lazare

1877 Huile sur toile

H : 59.6 cm ; L : 80.2 cm Institut d’art de Chicago

Claude Monet L’arrivée du train à la gare Saint-Lazare 1877 Huile sur toile H : 80,33 cm ; L : 98,11 cm Musée Fogg Art , Cambridge

Analyse comparative

Claude Monet Paris, 1840 – Giverny, 1926

La Gare Saint-Lazare 1877

Huile sur toile H : 75 ; L :104 cm

Paris, Musée d'Orsay legs Gustave Caillebotte,

1894

Joseph Mallord William Turner Londres, 1775 – Chelsea, 1851 Pluie, vapeur, vitesse, le grand chemin de fer de l’ouest 1844 Huile sur toile H : 91cm ; L :122 cm National Gallery, Londres

Repères, s’interroger sur :

• Les sujets représentés (les emblèmes de la société industrielle, le train, les gares, “cathédrales de l'hu-manité nouvelle”, architecture de verre et de métal, viaduc )

• Les moyens mis en œuvre par les peintres pour rendre compte de l’atmosphère et de la lumière (touche, palette colorée, composition, cadre, perspective)

• Soleil et lumière, saturation des ciels et pollution • Romantisme et impressionnisme • “Inachèvement”, flou, et distorsion du réel

À voir sur le net ....

http://www.musee-orsay.fr/

http://www.artchive.com

http://www.fondation-monet.fr

http://www.monetalia.com

A la même époque...

Filiations et repères historiques

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En 1877... 20 février : première du « Lac des Cygnes » de Tchaïkovski au Bolchoï à Moscou 26 février : Parution de « L’assommoir » de Emile Zola 15 avril : l’ingénieur italien Enrico Forlanini réussit à faire voler un héli-coptère modèle réduit à une hauteur de 13 mètres 19 décembre : Thomas Edison invente le phonographe

1864 Johan Barthold Jongkind

peint : «La Seine et Notre-Dame de Paris»

1874 Eugène Boudin

peint : «Rivage de Portrieux»

1897 Claude Monet

peint : «Bras de Seine près de Giverny,

soleil levant»

1960 Sam Francis peint la série :

«Blue-Balls»

De 1895 à 1926 Claude Monet peint la série :

«Les Nymphéas»

Aux environs de 1430, Jan Van Eyck perfectionne la technique de la

peinture à l’huile grâce à l’emploi de l’huile siccative

1859, Lefranc commercialise les premiers tubes

de peinture à fermeture étanche

1963, Commercialisation de la peinture acrylique

par la marque Liquitex

arts visuels // la peinture > fiche n°33.3

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

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La lumière La couleur La série Le reportage photographique L’architecture industrielle La nature

Vers la pratique plastique

Nature et monde urbain

Quelques pistes pour la classe

Bibliographie sélective

Claude Monet « Intime »

de Georges Clémenceau

Editeur : Parkstone International

Claude Monet

Collection « Télérama Hors-série »

Editeur : Télérama SA

• Travail photo : choix d'un lieu (naturel ou urbain) et travail de variations autour de la lumière (différents moments de la journée, différentes saisons, différents phénomènes atmosphériques...), variations du point de vue, le détail, l'ombre, le cadre...

• Travail de dessin : photographier une architecture industrielle en mettant en valeur les lignes

(poutrelles, colonnes, câbles...). Reproduire un fragment agrandi d'une de ces photos sur un format rai-sin et jouer sur les contrastes de teintes pour la mise en couleur.

• Travail de dessin : collecter dans un espace urbain des formes architecturales : formes de toits, d'élé-

ments décoratifs, les reproduire dans le carnet de dessin • Travail de dessin (aquarelle, pastels) : dans un espace naturel dégagé permettant d'appréhender les

lignes et masses colorées du paysage, reproduire les effets colorés perçus, la lumière... Autour de la banque d’images : • Entamer une banque d’images autour de Claude Monet en l’organisant par périodes

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M comme Monet

de Marie Sellier

Editeur : RMN

Monet pour les enfants

de Mila Bouta

Editeur : Albin Michel

Monet

De Pascal Bonafoux

Editeur : Librairie académique Perrin

Travaux d’élèves de cycle III

Petite collection d’œuvres de Monet

la peinture arts visuels // 3 > fiche n°33.4

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Femmes au jardin 1867 Huile sur toile H : 255 cm ; L : 205 cm Musée d'Orsay, Paris

Camille ou la femme à la robe verte

1866 Huile sur toile

H : 231cm ; L : 151cm Kunsthalle, Brême

Camille, la femme à la robe verte Première compagne de Monet, Camille-Léonie Doncieux partage avec lui le temps de la bohème et du pain sec. Opposée à cette liaison, la famille du peintre l’incite à abandonner la jeune femme. Monet refuse. Il tient bon et finit par épouser celle qui lui sert si souvent de modèle. Ils auront ensem-ble deux fils, Jean et Michel. Quand Camille mourra en 1879, Claude Monet la peindra une dernière fois sur son lit de mort, et lui passera autour du cou son médaillon, qu’un ami aura été retirer pour lui au mont-de-piété.

La Japonaise (Camille Monet

en costume japonais)

1876 Huile sur toile

H : 232 cm ; L : 142 cm Musée des Beaux-Arts

de Boston

Femme à l‘ombrelle, Madame Monet et son fils

1875 Huile sur toile H : 100 cm ; L : 81 cm Galerie nationale de l’Art, Washington

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Camille à la fenêtre, Argenteuil 1873 Huile sur toile H : 60 cm ; L : 50 cm Musée des Beaux-Arts de Virginie

arts visuels // la peinture > fiche n°33.5 3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

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Terrasse à Saint-Adresse de Claude Monet, une analyse de Judith Robert

Claude Monet

Terrasse à Sainte-Adresse

1867 Huile sur toile

H : 98 cm ; L :130 cm Metropolitan Museum, New York

« Un balcon sur la mer »

Bien avant que Julien Gracq n’écrive son Balcon en Forêt, Claude Monet, En 1866, peint Terrasse près du Havre dit, aussi, Terrasse à Sainte-Adresse. Comme l’écrivain du XXème siècle, le peintre du XIXème siècle affectionne l’idée de montrer un pro-montoire aménagé depuis lequel il est loisible d’observer la nature environnante. L’idée n’est pas neuve qui, dès avant le Romantisme, pousse Moreau l’Aîné, par exemple, à faire de la clôture d’un jardin la rampe de-puis laquelle un personnage admire un coin de campagne. Avec Monet et quelques autres, le bord de mer , littéralement « inventé » avec la vogue hygiéniste des toutes nouvelles stations balnéaires, fait son entrée dans la peinture comme objet pittoresque. Monet brosse ici une quasi-scène de genre dont l’apparente simplicité est bien vite déconstruite par le spec-tateur. Entre deux mats, où flottent deux drapeaux (dont les couleurs -hormis le vert - condensent les teintes de la toile), un jeune couple semble échanger quelques mots. Sans doute, l’homme et la femme occupaient-ils les fauteuils laissés vacants dans le jardin. Ils se seraient donc levés pour quitter le demi-cercle des sièges où sont encore assis une ombrelle et un canotier, puis seraient venus se découper sur le rectangle bleu-vert déli-mité par les hampes. Les deux personnages, debout, posent comme poseraient deux figures dans l’atelier de quelque photographe, un atelier où, sur la toile de fond, en trompe-l’œil, des voiles et des navires à vapeur animeraient la mer un jour de grand soleil. Dominant l’ensemble, un spectateur imaginaire - moi - observe la « salle » ( le jardin) et la « scène » ( le jeune couple devisant). Cette distribution des lieux qu’on retrouve chez nombre d’ impressionnistes (Degas, Renoir, Lautrec, Zandomeneghi, Mary Cassatt, etc.) est une sorte de poncif, né sans doute du fait que la vie sociale est, depuis longtemps, considérée comme un théâtre. Quoi qu’il en soit le canotier (de trois-quarts) et l’om-brelle (de dos) font office d’ordonnateurs : ils organisent pour nous une histoire. De fait, c’est dans la ligne de visée des personnages assis que les personnages debout se sont distribués comme pour signifier quelque idylle. A bien y regarder, nous comprenons que ce tableau est un tout à la fois homogène et composite. D’une part, les trois plans de l’image se présentent comme un continuum naturel ; d’autre part, ces mêmes trois plans for-ment une composition dont l’artifice même paraît être le sujet de la peinture. Monet, en effet, a eu beau peindre un tableau de plein air, saisi sur le motif, il est non moins évident que sa toile est le fruit d’une construc-tion dont la naturalité est un leurre. Dans un ouvrage consacré à l’impressionnisme, le critique Jean Leymarie écrit : « (...) L’admirable Terrasse près du Havre claquante d’oriflammes, somptueuses de fleurs, inondée de lumière, s’ouvre triomphalement sur le

plein air marin et la présence de figures naturelles et bien saisies réalise un accord très heureux de charme in-time et de vaste horizon, de vie contemporaine et de lyrisme éternel. » Difficile d’en disconvenir. Il reste que nous ajouterions volontiers que Terrasse à Sainte-Adresse est peut être d’abord une réflexion subtile sur l’art de peindre, c’est-à-dire une démonstration en acte, comme cela se fit si souvent : un art poétique, en somme. Terrasse à Sainte-Adresse est peint à une époque ou les artistes sont familiers de la photographie, voire des estampes japonaises arrivées en France depuis peu. Nul doute que leur vision du monde en ait été profondé-ment affectée. Monet, pour sa part, nous donne, saisis dans le même espace, un encadrement et un ca-drage concurremment au travail. Le contraste est en effet remarquable entre le monde parcouru de fluides et de scintillements et cette fraction du tableau à l’immobilité convenue. Construction où chaque plan de la toile constitue pour les autres à la fois un prolongement et une mise à distance. L’art moderne approche à grands pas.

Texte issu du site en ligne « Mucri » (Musée critique de la Sorbonne)

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

La Pie de Claude Monet, une analyse de Nathalie Reymond

« La note entr’aperçue de l’oiseau, posé là » Au premier regard, ce tableau apparaît comme un quasi-monochrome blanc. La neige recouvre entièrement le paysage le plus simple qui soit : un champ, une barrière, des arbres nus, des toits, le ciel, quelques bandes de blancs variables, et quelques accents sombres, comme calligraphiés. Mais, si l’on scrute la peinture, lentement le blanc disparaît et la couleur éclate. Les reproductions ne rendront jamais la subtilité de toutes ces variations sur la lumière pure, diffractée par les pris-mes imperceptibles des cristaux de neige, tous ces tons chauds dans le soleil, froids dans l’ombre, ces oranges, ces jaunes, ces bleus, ces violets en sous-couches et la transparence des superpositions de matière. Elles ne don-neront pas l’épaisseur de la touche, ses directions multiples (virgules en premier plan, arabesques sur les arbres, tirets minces dans le ciel), la qualité presque « crémeuse -gustative » autant que tactile, de la surface peinte. Il s’agit pour Monet de sélectionner des formes dans le fouillis de la nature, sans trahir ce fouillis, de retenir une combinaison formée par le hasard (un "effet") sans trop l’organiser, de saisir l’instant qui passe, sans le figer. Il s’agit de rendre les jeux mouvants de la lumière et de l’ombre, sans détruire l’unité du tableau, d’exalter les rapports des multiples couleurs, sans les altérer, de montrer des vibrations, des transparences, sans brouiller le regard. Il s’agit de trouver le difficile équilibre entre une analyse (observer tous les succulents détails de la réalité) et une synthèse(montrer un paysage reconnaissable), tout en préservant l’unité picturale et la luminosité spécifique de la surface peinte . Impression. Une journée de neige, un peu brumeuse, où la lumière est douce, où les ombres sont longues et les bruits effacés. Le format étiré accentue l’effet de calme, de même que la composition, très simple -une séries de bandes hori-zontales, un peu plus denses parce que plus contrastées au centre- tandis que les teintes subtiles, l’écriture ner-veuse des touches, et la matière solide de la pâte picturale, confèrent au tableau une présence d’une surpre-nante intensité. Alors on n’ose plus parler de théorie, de lumière diffractée, de couleurs complémentaires, de contrastes simultanés et pourtant, tout est là, non avoué, non démontré, mais vécu dans un éblouissement tendre, une harmonie du presque rien. Le titre, fait référence à un élément discret et pourtant fondamental de la figuration : l’oiseau sur la barrière à gau-che, est un point de passage entre l’avant et l’arrière, entre la terre et le ciel ; il résume en son plumage l’opposi-tion de l’éclairage total, du blanc, réflexion de toutes les couleurs et de l’absence de lumière, du noir qui absorbe tous les rayons. La pie, le tableau de Monet, ne décrit pas les choses, il fait advenir "le moment (...) /intenable", quasi insaisissable, du poème, de la peinture. Un équilibre délicieusement instable se crée entre l’apparence du monde et le geste qui la transcrit, au point qu’on ne sait plus trop où se situe le réel : sont-ce les couleurs, les lignes, les textures, ou bien la note entr’aperçue de l’oiseau posé là ? Le visible, pli ténu de l’espace, ride du temps qui passe, devient apparition et silence. La peinture est silence. Elle est là, lumineuse, dans son évidence de « chose-événement ».

Texte issu du site en ligne « Mucri » (Musée critique de la Sorbonne)

Claude MONET La pie

Huile sur toile H : 89 cm ; L : 130 cm musée d’Orsay, Paris

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> fiche n°33.6 3 la peinture arts visuels //

3 arts visuels // la peinture > fiche n°33.7

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Monet et Giverny

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Tous les matins, un jardinier parcourait en barque l'étang de Claude Monet près de sa maison à Giverny. Il devait nettoyer méticuleusement les nénuphars souillés par la suie des trains qui passaient. Le maître exigeait que les nymphéas soient immaculés quand il montait dans son bateau le matin. Monet déménagea à Giverny, un village près de la Seine à environ 70 kilomètres à l'ouest de Paris, en 1883. Là, il dessina un bassin, remodela la majeure partie du jardin, et créa les célèbres peintures de nymphéas, de massifs de fleurs et du pont japonais. Cependant bon nombre de ses dernières toiles ne correspondent pas à la définition classique de l'Impres-sionnisme. La technique de Monet s'est profondément modifiée à Giverny. L'Impressionnisme, un courant pictural qui a débuté en France dans les années 1870, est caractérisé par de petits coups de pinceaux destinés à reproduire la lumière réfléchie, et surtout, l'impression visuelle de l'artiste devant une scène, généralement en plein air. Monet est considéré comme l'un des fondateurs de ce style. Mais à Giverny, le travail de Monet se met à refléter de plus en plus ses souvenirs et ses émotions plutôt que l'impression d'une scène transitoire. Son style devient aussi plus physique. Les coups de brosse minutieux de ses oeuvres de jeunesse font place à des coups de brosse plus larges. Dans les années 1870 il peignait par mouvements du poignet, tandis que dans les années 1920 il effectue de grands mouvements du bras et de tout le corps. En même temps que le maniement du pinceau se fait plus "physique", les toiles de Monet s'agrandissent, ce qui demande plus de déplacement de la part du spectateur. Monet crée les Grandes Décorations (1918-1926) - 20 tableaux de dimensions imposantes qui font le tour complet de 2 salles et représentent la lumière et les reflets dans son étang aux nymphéas - sur des panneaux de 2 mètres de haut et 6 mètres de large. Les peintures entourent les spectateurs, qui doivent marcher à travers la pièce pour les regarder. Monet se sentait plus libre d'expérimenter sur le plan technique - en utilisant des toiles de plus grandes dimen-sions et en s'appuyant moins sur une vérification constante du motif - parce que, dans son jardin, il pouvait contrôler la nature. Un motif ne s'y trouvait pas par accident, il était au contraire le résultat d'une intention délibérée. Monet concevait les massifs de fleurs et coordonnait les couleurs. Quand le pétale blanc d'un né-nuphar était souillé de suie, on le nettoyait.

arts visuels // 3 la peinture > fiche n°33.8

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Les nymphéas : le chef-d’œuvre de Monet

Nymphéas est en botanique le nom savant des nénuphars blancs. Monet les cultive dans le jardin d'eau qu'il fait aménager en 1893 dans sa propriété de Giverny. A partir des années 1910 et jusqu'à la mort du peintre en 1926, le jardin et son bassin, en particulier, deviennent son unique source d'inspiration. Il dit : "J'ai repris encore des cho-ses impossibles à faire : de l'eau avec des herbes qui ondulent dans le fond. En dehors de la peinture et du jardi-nage, je ne suis bon à rien. Mon plus beau chef-d'oeuvre, c'est mon jardin".

Le jardin était planté à la lumière des tableaux pas encore peints, et les peintures acquéraient une sorte d'audace lumineuse par le fait qu'elles répondaient à un jardin organisé au préalable. Si bien que se créait une sorte de relation réciproque entre le jardinage et la peinture. Monet allait plus loin dans ses expérimentations techniques que lorsqu'il était confronté au chaos de ce que l'on pourrait appeler la nature à l'état brut. Dans ce sens, le jardin était plus qu'un sujet, c'était un site, un lieu adapté à une façon spécifique de voir et, partant, à une façon spécifique de peindre. Pour Monet, le jardin était une nature morte vivante qui le laissait libre de sonder les profondeurs de sa mémoire et des ses émotions, plutôt que d'enregistrer simplement son "impression" d'une scène. De la même façon, les séries de meules de paille que Monet peignit en 1890 et 1891 étaient, grosso modo selon la même définition, des natures mor-tes. La paille gardait la même forme jour après jour. C'est là que Monet osa expérimenter de nouveaux procédés en matière de couleur et de technique. Monet ne se sent plus l'obligation de remplir l'image de données sensorielles afin de pousser l'effet de notre 'instant de reconnaissance' à son maximum. Une nouvelle forme de durée se développe dans ces séries de tableaux. Souvenir, reformulation, déplacements d'avant en arrière et à travers l'espace deviennent tous partie prenante de l'acte de voir. De même, lorsqu'il travaillait à la série des cathédrales de Rouen entre 1892 et 1894, Monet pouvait improviser avec sa technique picturale, puisqu'il utilisait comme motif la façade immuable de l'édifice. En 1912, une cataracte fut diagnostiquée à l'oeil droit de Monet. Ses deux yeux finirent par en être atteints. La vision défaillante du peintre le poussa encore plus à peindre souvenirs et émotions. Les peintures tardives du saule pleureur, de la glycine et du pont japonais, entre autres plantes familières de son jardin, ne doivent pas être prises pour des points de repères géographiques. Ils reflètent plutôt le mélange de sensations et de souvenirs qui demeurent, ce que nous emportons après avoir visité le jardin. Beaucoup de ces oeuvres tardives penchent vers l'abstraction, avec leurs couleurs qui se fondent les unes dans les autres et le manque de forme rationnelle et de perspective. La vue diminuée de Monet a ouvert une nouvelle voie à son art. Les souvenirs et l'invisible y jouent un rôle plus impor-tant que les perceptions de l'expérience directe. Dans un certain sens, nous devons apprendre à voir ces dernières images de son jardin à Giverny non pas comme des images rendues de plus en plus confuses par son incapacité à voir clairement, mais comme des images dans lesquelles les traces dans la mémoire de Monet du lieu qu'il avait plan-té, entretenu et avec lequel il avait vécu si longtemps, - les chemins, les plantes et les cours d'eau de son jardin - sont venues remplacer les images toujours plus fragiles de son oeil défaillant.

Extraits de la conférence de Michael Marrinan, professeur d’histoire de l’art, Stanford University, 13 mars 2001

Nymphéas 1919

H : 200 cm ; L : 180 cm Huile sur toile

Musée Marmottan, Paris, France

Nymphéas 1905 H : 89,5 cm ; L : 100,3 cm Huile sur toile Musée des Beaux-Arts de Boston

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Evacuant l'horizon et le ciel, Monet concentre le point de vue sur une petite zone de l'étang, perçue comme un morceau de nature presque en gros plan. Aucun point ne retient l'attention plus qu'un autre, et l'impression domi-nante est celle d'une surface informe. Le format carré renforce cette neutralité de la composition. Cette absence de repère donne au fragment les qualités de l'infini, de l'illimité. Jamais la touche du peintre n'a été aussi libre dans sa gestualité, aussi dégagée de la description des formes. Si l'on regarde la toile de près, on a le sentiment d'une totale abstraction, tant les traces de peinture déposées par la brosse l'emportent sur l'identification des plantes ou de leurs reflets. Le spectateur doit faire un constant effort opti-que et cérébral pour reconstituer le paysage évoqué. L'inachèvement des bords laissés non peints accentue en-core cette insistance sur la peinture, comme surface couverte de couleurs, ce dont se souviendront après la Se-conde Guerre mondiale les peintres, notamment américains, nommés "paysagistes abstraits" ou "abstraits lyriques".

Nymphéas 1917

H : 200 cm ; L : 200 cm Huile sur toile

Musée Marmottan, Paris

Nymphéas 1908 H : 100,7 cm ; L : 81,3 cm Huile sur toile Musée National du Pays de Galles, Cardiff

Nymphéas 1905

H : 81,9 cm ; L : 101 cm Huile sur toile

Musée National du Pays de Galles,

Cardiff

Nymphéas 1916

H : 210 cm ; L : 180,5 cm Huile sur toile

Musée National de l’Art de l’ouest, Tokyo

"Ces toiles je les ai brossées comme les moines du temps jadis enluminaient leurs missels ; elles ne doivent rien qu'à la collaboration de la solitude et du silence, rien qu'à une attention fervente, exclusive, qui touche à l'hypnose."

Claude Monet

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3 la peinture arts visuels // > fiche n°33.9

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

> fiche n°33.10 la peinture arts visuels // 3 Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Monet et le Japon

La collection d'estampes japonaises “J'ai été flatté de vos deux lettres, ayant la plus profonde admiration pour l'art japonais et une grande sympathie pour les Japonais [...] C'est avec le plus grand plaisir que j'ai reçu

vos jolies estampes” Monet, lettre à Shinaro Yamashuita, Giverny, 19 février 1920

La collection de Claude Monet recense quarante-six estampes de Kitagawa Utamaro (1753-1806), vingt-trois de Katsushika Hokusai (1760-1849) et quarante-huit d’Utagawa Hi-roshige (1797-1858), soit cent dix-sept sur les deux cent onze exposées auxquelles s’ajou-tent trente-deux numéros en réserve.

La passion que Monet éprouva pour le Japon l'amena à introduire de manière inattendue diverses touches japonaises dans l'univers tout à fait original qu'il avait créé à Giverny. Ses emprunts à l'art japonais des jardins sont manifestes à travers l'aménagement de l'étang qu'il avait transformé en spectaculaire “jardin d'eau” (éléments de végétation, fleurs de nymphéas...). Et la passerelle qui enjambe cette vaste étendue d'eau fleurie rappelle les ponts japonais si présents dans les estampes japonaises : elle illustre combien le peintre partageait la vision des grands maîtres de l'ukiyo-e et combien il était familier avec leur “monde flottant”. Ces estampes japonaises, Monet les a regardées intensément – aussi longuement que les visages féminins gravés par Utamaro – et il les a aimées jusqu'à en constituer une collection d'exception, présentée aux murs de sa maison de Giverny : le maître de Giverny avait choisi de vivre au mileu de ces extraordinaires compositions d'Hokusai, d'Hirohige, d'Uta-maro... Passant du jardin à son intérieur, Monet “vivait au Japon” en Normandie ! Si le peintre de « l'Impression, soleil levant » n'est jamais venu découvrir le pays du Soleil-Levant, il accueillit bien volontiers les Japonais, acheteurs et collectionneurs, qui lui rendaient visite et devenaient ses amis ; s'ensuivaient des échanges épistolaires et des envois d'estampes destinés à agrandir encore l'ensemble amoureusement réuni et conservé à Giverny pour le bonheur des visiteurs.

Sources : Site de la fondation Claude Monet à Giverny

Hutagawa Hiroshige Les « Cent vues d'Edo »

« Les rizières d'Asakusa au moment de la fête du Coq »

101e planche de la série Vers 1857,

H : 33,5 cm ; L : 22,5 cm Fondation Claude Monet, Giverny

Katsushika Hokusai Les Trente-six vues du mont Fuji

1ère vue. « Sous la vague au large de

Kanagawa » Série de 46 planches, 36 estampes à cerne bleu et 10 planches supplémentaires à contour noir

Vers 1829-1833 H : 24,8 cm ; L : 37 cm

Fondation Claude Monet, Giverny F.J

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Bon vivant, Monet a une passion pour la bonne chère. La vie quotidienne de la famille est rythmée par les repas, pris à heure fixe pour ne pas perturber l'artiste dans son travail. Alice et Claude veillent à la qualité des produits, qui viennent du potager, de la basse-cour et du marché de Vernon. Ils aiment recevoir leurs amis, qui vantent presque autant la qualité des mets que la beauté du jardin. Les recettes, exécutées par les cuisinières, sont à l'image de cette fin de siècle : à la fois classiques et inventives, toujours goûteuses et copieuses. « …la pièce est ensoleillée, les murs tapissés de jaune citron sont décorés uniquement d’estampes japonaises que Monet nous dit avoir achetées autrefois en paquets, pour quelques francs, en Hollande. Il nous désigne nos places

(…) Il verse à boire, regarde comment on se sert des plats : « Mais vous ne mangez pas ». Du regard Monet attend nos compliments que nous ne lui ménageons pas. »

Jacques Salomon « En fait de déjeuner, celui de Claude Monet est merveilleux. D’abord quelques hors-d’œuvre avec le meilleur beurre normand, un succulent ris de veau aux épinards, deux poulets, et pour cinq personnes : le premier est rôti et

nul n’y touchera, le second est extraordinaire, fait aux olives noires, puis une tarte, véritable friandise, et des fruits beaux comme des fleurs. Monet a toujours adoré la table. »

René Gimpel

Bananes au gratin Pour 6 personnes : 6 bananes, 1 tiers de tasse de sucre en poudre, 2 cuillerées à soupe de beurre fondu,

2 cuillerées à soupe de jus de citron. Coupez les bananes en quatre dans le sens de la longueur, rangez-les dans un plat à gratin. Mélangez le sucre en poudre avec le jus de citron. Versez la moitié de la sauce sur les bananes. Enfournez à four chaud pendant 20 minutes. Arrosez souvent avec le reste de la sauce. Servez chaud ou froid.

Recette extraite du livre "Les Carnets de Cuisine de Monet" de Claire Joyes Toulgouat (Editions du Chêne)

Monet et la cuisine

La cuisine de Monet à Giverny

Une recette de Claude Monet

Monet dans sa salle à manger

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arts visuels // 3 la peinture > fiche n°33.11

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Claude Monet Le bocal de pêches 1866 Huile sur toile H : 55.5 cm ; L: 46 cm Musée de la ville de Dresde

3 la peinture arts visuels // > fiche n°33.12

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

Quelques propos de... et sur Monet...

« J'ai dressé mon chevalet devant cette pièce d'eau qui agrémente mon jardin de fraîcheur : elle n'a pas deux cents mètres de tour et son image éveillait chez vous l'idée de l'infini. »

Claude Monet « La tentation m'est venue d'employer à la décoration d'un salon ce thème des nymphéas : transporté le long des murs, enveloppant toutes les parois de son unité, il aurait procuré l'illusion d'un tout sans fin, d'une onde sans horizon et sans rivage ; les nerfs surmenés par le travail se seraient détendus là, selon l'exemple reposant de ces eaux stagnantes, et, à qui l'eût habité, cette pièce aurait offerte l'asile d'une méditation paisible au centre d'un aquarium fleuri. »

Claude Monet « Qu'on se figure une pièce circulaire dont la cimaise, en dessous de la plinthe d'appui, serait entièrement oc-cupée par un horizon d'eau tâché de ces végétations, des parois d'une transparence tour à tour verdie et mau-vée, le calme et le silence de l'eau morte reflétant des floraisons étalées ; les tons sont imprécis, délicieusement nuancés, d'une délicatesse de songe. »

Claude Monet (En regardant l'étang) « Vous y constatiez, comme en un microcosme, l'existence des éléments et l'instabilité de l'univers qui se transforme, à chaque minute, sous notre regard. »

Claude Monet « Cher et grand ami, je suis à la veille de terminer deux panneaux décoratifs, que je veux signer du jour de la Victoire, et viens vous demander de les offrir à l'Etat, par votre intermédiaire. C'est peu de chose, mais c'est la seule manière que j'aie de prendre part à la Victoire. »

Claude Monet à Georges Clemenceau le 12 novembre 1918

« Si je puis voir un jour le jardin de Claude Monet, je sens bien que j’y verrai, dans un jardin de tons et de couleurs plus encore que de fleurs, un jardin qui doit être moins l’ancien jardin-fleuriste qu’un jardin coloriste, si l’on peut dire, des fleurs disposés en un ensemble qui n’est pas tout à fait celui de la nature, puisqu’elles ont été semées de

façon que ne fleurissent en même temps que celles dont les nuances s’assortissent, s’harmonisent à l’infini en une étendue bleue ou rosée, et que cette intention de peintre puissamment manifestée a dématérialisée, en quel-que sorte, de tout ce qui n’est pas la couleur. »

Marcel Proust

« C’est une opinion généralement acceptée que l’exemple des « hommes supérieurs » est le meilleur enseigne-ment de la vie. Il est moins facile qu’on ne pourrait croire de donner une bonne définition de « l’homme supé-rieur ». On a imaginé des rubans pour cela, mais la marque n’est peut-être pas infaillible. Claude Monet avait un gros rire content quand on lui demandait pourquoi il n’était pas décoré.../... »

Georges Clémenceau

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Mme Kuroki, femme d’un collectionneur japonais, aux côtés de Claude Monet, Lily Butler, Blanche et Georges Clémenceau. Giverny, juin 1921.

3 arts visuels // la peinture > fiche n°33.13

Préhistoire et Antiquité Moyen Âge Temps Modernes XIXème siècle XXème siècle et notre époque

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Un texte de Philippe Delerm

Le jardin mouillé

Giverny Les touristes s'amenuisent. On ne fait plus la queue sur le trottoir, pour pénétrer dans la maison. Tout redevient plus simple, un peu plus vrai, un peu plus calme. Fraîcheur grise, fin d'été : cela suffit pour que tout recommence à vivre, à respirer. Venir à Giverny dans le jardin mouillé, quand octobre déjà flamboie en vigne vierge rougeoyante sur les murs alentour, quand tout autour le village soudain ressemble à un village, avec ses habitants, son école à la cour penchée, son rythme, son identité. Octobre. Le nom est doux à boire, coule dans la gorge comme un vin mus-cat. Octobre à Giverny, c'est la promesse d'un automne à la française, où l'onctuosité de la Normandie se mêle à l'aristocratie d'une IIe-de-France toute proche. Partout, au début de l'automne, on fait de la gelée de coings, de mûres. Ici, Monet marchait dans son jardin, et préparait des confitures de lumière. J'entre dans le jardin gris et mouillé. Gris. Je ne l'avais jamais vu chanter dans cette tonalité qui semble froide, et cependant... Les asters, les cosmos aiment la douceur de ce gris, qui rend plus éclatant le blanc, plus délicats, plus nuancés le bleu, le mauve pâle, savamment déclinés en touffes de fraîcheur jusqu'au crépi rosé de la mai-son, à ses volets vert sombre. Quelques gouttes tombent, et je me dis qu'il faut rentrer, comme si j'étais chez moi. Tout est ici si familier : le bruit des pas sur le gravier, les odeurs avivées par le début d'averse. Au pied des marches, je m'arrête un instant. Au-dessus de la rampe, à travers les lanternes vaguement chinoises d'un fuchsia, la petite porte verte aux vitres em-brassées est si vivante. Ce n'est pas un gardien qui pourrait la pousser tout à coup, mais une cuisinière d'autre-fois, le torchon sur l'épaule, et sur la tête un bonnet blanc gaufré. Dans la maison, l'atelier tapissé de copies du maître ne parle guère - on ne vient pas ici pour trouver des copies. Mais juste avant, dans une pièce minuscule, il y a ces deux meubles amusants où l'on rangeait les oeufs. L'idée de chaleur blonde, de sensualité fermière s'accorde délicieusement au raffinement bleu des estampes japonai-ses. De la chambre du premier étage, c'est bon de regarder le jardin en contrebas, en se sentant un peu sei-gneur des lieux, au seuil d'une fraîche journée d'octobre. La pluie s'est arrêtée. Des parapluies se ferment au ha-sard des allées, une flèche de soleil vient de jouer sur les asters, les capucines. Je vais les retrouver, juste entre deux ondées. Mais d'abord m'attarder un peu dans la lumière jaune de la salle à manger, dans la lumière bleue de la cuisine, avec ses théories de casseroles en cuivre, sa cuisinière en fonte généreuse et monumentale, on imagine des parfums, des gestes vifs, des vitres embuées... Dans le jardin trempé, les dahlias sont les vedettes de l'automne, du rose dragée au rouge sang, du pastel au velours, avec au bord de leurs pétales ce qu'il faut de légèreté, mais au coeur de la fleur ce qu'il faut d'opu-lence. Les cléomes ébouriffés affectent de ne pas trop s'en vexer, mais non, vraiment, leur rose est un peu grêle, leur forme trop sophistiquée. Quelques roses tardives et sombres se rouillent imperceptiblement, stoïques et pen-chées, comme accablées par le poids de leur beauté finissante. Plus loin, deux amoureux s'embrassent sur un banc, près de l'étang des nymphéas. Monet aurait aimé cette lu-mière entre deux pluies, cet éclat furtif d'un soleil menacé. Devant le pont japonais, tout étonné du silence nou-veau, du charme retrouvé, un sumac déploie voluptueusement la luxuriance orangée de son feuillage tropical. Tout au long de l'étang, les érables sont d'octobre en rouge pomme, en jaune mordoré. Près des roseaux, d'un aster mauve, la barque en bois vert pâle, avirons sagement couchés, invite au voyage presque immobile, dans un infime clapotis qui n'effaroucherait ni les reflets des saules en longues chevelures, ni les feuilles pâlies flottant sur l'eau. C'est ça, aussi, le miracle de Giverny : malgré les autres, chacun y redevient soi-même ; chacun trouve au bord de l'étang ce reflet du bonheur qui chante pour lui seul son secret de lu-mière.

Extrait de "Les chemins nous inventent" Editions Stock, Philippe Delerm