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lAr Année 1946. 86. Le Numéro : 2 fr. 50. Mercredi 4 Septembre 1946. ^ JOURNA DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉBÂTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE COMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS Abonnements à l'Édition des DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE : FRANCE, COLONIES ET PAYS DE PROTECTORAT FRANÇAIS : S 1 5 fl% ÉTRANGER : 3&0 fiv (pour les pays accordant une réduction de 50 °/„ sur les tarifs postaux) ET 1&5 fa*, (pourtesautres pays). (Compte chèque postal : 100.97, Paris.) JOINDRE LA DERNIERE BANDE aux renouvellements et réclamations DIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION QUAI VOLTAIRÉ, PÀRIS-7* POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE AJOUTER ß FRANCS SESSION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE ELUE LE 2 JUIN 1946 l 10 Séance du Mardi 3 Septembre f 9*0. SOMMAIRE 1. Procès-verbal. 2. Excuses et congés. 3. Modification de l'ordonnance du 28 juin J9i5 relative Aux loyers. Discussion d'une -proposition de loi. M. Toujas, «rapporteur. Discussion générale: MM. IXarnon; Pierre- Henri Teitgen, garde des sceaux ; Kriegel- Vallrimont, président de la commission; de Jtforo-Giafïerri. Motion préjudicielle tendant au renvoi h la commission des. finances : MM. le garde des sceaux; Mignot; le président de la com- mission. Retrait.. MM. Mlnjoz; le président de la commis- sion. Renvoi h la commission de la justice et tixation de la suite du débat à la séance de vendredi matin. I. Troubles de Nantes. Fixation de la date de discussion d'une interpellation. MM. Depreux, ministre de l'intérieur; le colonel Félix, Roclore, Moricc, Gouge, Guitr Ion, Mo is an. Renvoi à la suite ordonné. 5. Règlement de l'ordre du jour. Renvoi à la séance de l'après-midi de la discussion du projet relatif ¿vu report de cré- dits de l'exercice 1915 à l'exercice 1946. PRESIDENCE DE Mme MADELEINE 8RAUN, vise-présidente, La séance est ouverte à neuf heures et demie. PROCES-VERBAL Mme Sa présidente. Le procès-verbal de la deuxième séance du 29 août 1916 a été affiché et distribué.- il n'y a pas d'observation Le procès-verbal est adopté. 2 — EXCUSES ET CONGES Mme la présidente. MM. d'Astier de La Vi- gerie, Baumel et Kmger s'excusent de ne •pouvoir assister aû^'séanees de ce jour et demandent des congés. Conformément à l'article 38 du règle- ment, le bureau est d'avis u'accorder ces congés. H" n'y a pas d'opposition ? L' j s congés sont accordés. 3 M-0DIF1DATS0N D»E L'ORDONNANCE DU 28 JUIN 1945 RELATIVE AUX LOYERS Discussion d'une proposition de loi. Mme la présidente. L'ordre du jour ap- pelle la discussion de la proposition de loi de M. André Mercier (Oise) et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'ordon- nance du 28 juin 1915 relative aux majo- * (3 f.l rations des loyers et aux droits à la pro- rogation. La parole est à M. Toujas, rapporteur de la commission de la justice et de législa- tion générale. ( Applaudissements il l'ex- trême gauche.) M. Toujas, rapporteur de la commisf sion de la justice et de législation géné- rale. Mesdames, messieurs, la proposition qui vous est présentée par votre commis- sion de la justice n'a pas l'ambition de porter remède aux problèmes délicats de l'habitation, des baux et locations. Le but poursuivi est plus modeste. Nous voulons simplement préciser l 'in- terprétation qu'il convient de donner à certaines lois en vigueur. Celles-ci sont ex- cessivement nombreuses ; elles se complè- tent, mais leur multiplicité facilite les ma- noeuvres de procédure qui viennent com* pliquer la jurisprudence. ! Voici, très succinctement résumé, l'état actuel de la législation en ce qui concerne j les locaux à usage d'habitation : ! Pour les habitations construites avant 1914, la loi du 1 er avril 192G, modifiée les 29 juin 1929, 31 décembre 1937, 27 avril 1940 et 29 décembre 1940, fixe le prix des loyers en prenant pour base le prix de 1914 multiplié par le coefficient 3,1, charges en sus, ou 4, sans charges, selon les cas; 2° Pour les locaux construits après 1914 et avant le 1 er septembre 1939, l'acte dit loi du 28 février 1941 stipule que le prix du loyer ne peut pas dépasser le prix tel qu'il est fixé par le bail au 1 er septembre 1939 ; 3° L'acte dit loi du 30 mai 1943 prévoit ; que les prix au 30 juin 1943 seront déter- ' minés d'après le dernier terme exigible ; avant cette date.

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  • lAr Année 1946. — N° 86. Le Numéro : 2 fr. 50. Mercredi 4 Septembre 1946. ^

    JOURNA DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

    DÉBÂTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE COMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

    QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS

    Abonnements à l'Édition des DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE : FRANCE, COLONIES ET P A Y S DE PROTECTORAT FRANÇAIS : S 1 5 fl%

    ÉTRANGER : 3 & 0 fiv (pour les pays accordant une réduction de 50 °/„ sur les tarifs postaux) ET 1 & 5 fa*, (pour tes autres pays).

    (Compte chèque postal : 1 0 0 . 9 7 , Paris.)

    JOINDRE LA DERNIERE BANDE

    aux renouvellements et réclamations DIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION

    QUAI VOLTAIRÉ, N» PÀRIS-7* POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE

    AJOUTER ß FRANCS

    S E S S I O N DE L ' A S S E M B L É E N A T I O N A L E C O N S T I T U A N T E

    ELUE LE 2 JUIN 1 9 4 6

    l 1 0 S é a n c e d u Mardi 3 S e p t e m b r e f 9 * 0 .

    SOMMAIRE

    1. — Procès-verbal .

    2. — Excuses et congés .

    3. — Modification de l ' o rdonnance du 28 ju in J9 i5 re la t ive Aux loyers . — Discussion d ' une -proposition de loi.

    M. Toujas , «rapporteur.

    Discussion g é n é r a l e : MM. IXarnon; Pierre-Henr i Tei tgen, garde des sceaux ; Kriegel-Vallrimont, p rés ident de la commiss ion ; de Jtforo-Giafïerri.

    Motion préjudicie l le t endan t au renvoi h la commiss ion des. f inances : MM. le garde d e s s c e a u x ; Mignot ; le prés ident de la com-miss ion . — Retrait..

    MM. Mlnjoz; le prés ident de la commis-sion.

    Renvoi h la commiss ion de la jus t ice et tixation de la suite d u débat à la séance de vendredi m a t i n .

    I. — Troubles de Nantes . — Fixat ion de la date de discussion d ' u n e in terpel la t ion.

    MM. Depreux, min i s t r e de l ' i n t é r i e u r ; le colonel Félix, Roclore, Moricc, Gouge, Guitr Ion, Mo is an.

    Renvoi à la suite o rdonné .

    5. — Règ lemen t de l 'ordre du jour .

    Renvoi à la séance de l 'après-midi de la discussion du pro je t relatif ¿vu report de cré-dits de l 'exercice 1915 à l 'exercice 1946.

    PRESIDENCE DE Mme MADELEINE 8RAUN, vise-présidente ,

    La séance est ouverte à neuf heures et demie.

    PROCES-VERBAL

    Mme Sa présidente. Le procès-verbal de la deuxième séance du 29 août 1916 a été affiché et distribué.-

    il n 'y a pas d'observation Le procès-verbal est adopté.

    — 2 —

    EXCUSES ET CONGES

    Mme la présidente. MM. d'Astier de La Vi-gerie, Baumel et Kmger s'excusent de ne

    •pouvoir assister aû^'séanees de ce jour et demandent des congés.

    Conformément à l'article 38 du règle-ment, le bureau est d'avis u'accorder ces congés.

    H" n 'y a pas d'opposition ? L'js congés sont accordés.

    — 3 —

    M-0DIF1DATS0N D»E L'ORDONNANCE

    DU 28 JUIN 1945 RELATIVE AUX LOYERS Discussion d'une proposition de loi.

    Mme la présidente. L'ordre du jour ap-pelle la discussion de la proposition de loi de M. André Mercier (Oise) et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'ordon-nance du 28 juin 1915 relative aux majo-

    * (3 f.l

    rations des loyers et aux droits à la pro-rogation.

    La parole est à M. Toujas, rapporteur de la commission de la justice et de législa-tion générale. (Applaudissements il l'ex-trême gauche.)

    M. Toujas, rapporteur de la commisf sion de la justice et de législation géné-rale. Mesdames, messieurs, la proposition qui vous est présentée par votre commis-sion de la justice n 'a pas l'ambition de porter remède aux problèmes délicats de l'habitation, des baux et locations. Le but poursuivi est plus modeste.

    Nous voulons simplement préciser l 'in-terprétation qu'il convient de donner à certaines lois en vigueur. Celles-ci sont ex-cessivement nombreuses ; elles se complè-tent, mais leur multiplicité facilite les ma-nœuvres de procédure qui viennent com* pliquer la jurisprudence.

    ! Voici, très succinctement résumé, l'état actuel de la législation en ce qui concerne

    j les locaux à usage d'habitation : ! Pour les habitations construites avant

    1914, la loi du 1er avril 192G, modifiée les 29 juin 1929, 31 décembre 1937, 27 avril 1940 et 29 décembre 1940, fixe le prix des loyers en prenant pour base le prix de 1914 multiplié par le coefficient 3,1, charges en sus, ou 4, sans charges, selon les cas;

    2° Pour les locaux construits après 1914 et avant le 1er septembre 1939, l'acte dit loi du 28 février 1941 stipule que le prix du loyer ne peut pas dépasser le prix tel qu'il est fixé par le bail au 1er septembre 1939 ;

    3° L'acte dit loi du 30 mai 1943 prévoit ; que les prix au 30 juin 1943 seront déter-' minés d'après le dernier terme exigible ; avant cette date.

  • 3 4 4 6

    La minorité de votre commission, com-posée des commissaires du groupe au mouvement républicain populaire et du croupe du parti républicain de la liiierlô, S soutenu-que cette disposition supprimait toutes celles qui avaient été prises ante-î i eurement et légalisait tous les prix des loyers au 30 juin 1943. Cette interpréta-tion nui est Aîissi celle donnée par la Cour t b passation dans un arrêt r endu le 28 ju in l'Mf» n 'a pu être re tenue par la major i té . ' l a loi, ainsi comprise, permettrai t en effeî- aux propriétaires malhonnêtes qui •n'ort pas resnecté les lois en vigueur de voir légaliser leur malhonnêteté . Or, dans la rédaction même do l 'acte dit loi du •}0 mai 4043, l 'expression « terme ex;gi-i>le » ne peut que signif ier : terme que le propriétaire est en droit d'exiger d après les '.'ois. . .

    ï i majori té de votre commission a es-t imé que l 'acte dit loi du 30 mai 1043 N'annulait pas les dispositions de ;a IOL du 1er avril 102G modifiée ni celles de l 'acte dit loi du 28 février 1941, en ce qui concerne le taux des loyers, mais qu il les confirmait. , .

    Ce point de vue est d'ailleurs celui qui est exprimé par l 'ordonnance du 28 juin j915. L'exposé des motifs affirme en ef ie t : « Il a paru nécessaire, tout en prorogeant l ' ensemble des dispositions existantes, de maiorev» l 'ensemble des loyers dont les pr ix sont en général bloqués depuis 1030 ».

    L'ordonnance de 1915 ne considère donc pas qiif* les prix des loyers ont été déblo-qué-, comme certains l 'a f f i rment , par l 'acte du 30 mai 1943.

    L'ordonnance du 28 juin 1945 pré-voit, dans son article 3, une augmenta-tion de 30 p, 100 su r - l e prix des loyers soumis à la Toi du 1er avril 1926 modifiée.

    La majori té de la commission a estimé que cette majorat ion ne pouvait s 'appli-quer qu 'aux baux et locations ayant' res-pecté les dispositions légales. Elle a donc exprimé l 'avis, par treize voix contre neuf , de majorer les loyers soumis à cette loi du 1er avril 1926, en prenant pour base le prix du lover de 1914, multiplié par le coefficient 3.1 avec charges ou 4 sans charges. Le prix du loyer de 1939 ne peut Être rcTenu par le juge comme élément d'appréciation que s ' i l est réellement im-posab l e de retrouver celui de 101 i

    Votre commission estime que la légis-lation des loyers est très imparfaite. La major i té maintient cette base de 10i4. parce qu'elle n ' a pas d 'autres moyens à sa disposition d 'empêcher l 'arbitraire. En avantageant les propriétaires qui ont violé les lois en vigueur, elle désavantagerait eeux qui ont été respectueux de la légalité.

    Elle demande au Gouvernement de dé-poser rapidement u n projet de loi per-met tan t d'apporter une solution équitable aux problèmes du logement et met tan t

    •fin à la complexité actuelle de la législa-t ion,

    Dans son article 4, l 'ordonnance pré-voit une augmentat ion de 15 p. 100 sur les prix des lover« soumis aux dispositions de l 'acte dit loi du 28 février 1941.

    Le même souci de légalité anime la 'commission qui estime que ladite loi du 28 février 1941 n 'a pas vu ses effets annu-lés par l 'acte du 30 mai 1943.

    P j u r calmer l 'émotion d 'un grand nom-bre de locataires, la majori té de la com-mission vous demande d'adopter ses con-clusions (Applaudissements à Vextrême !'gauche )

    Mme la présidente. La parole dans la discussion générale est à M. Garet.

    M. Garet. Je renonce à la parole,.

    Mme la présidente. La parole est à M. Hamon. (Applaudissements à l'extrême-gauche.)

    M, Nanton. Mesdames, messieurs, la pro-position de loi n° 159 de M. Mercier et du groune communiste qui est' soumise , au jourd 'hu i à notre examen a pour bu t de préciser le sens de l 'ordonnance du 28 juin 1045 sur la majora t ion des loyers.

    li ne s 'agit nul lement , pour le moment , de résoudre la question dans son ensem-bte. IL ne s'agit, même pas de corriger ce que la législation antér ieure à 1945 peut avoir de défectueux, pas plus que de mo-difier l 'ordonnance du 28 juin 19i5 quant au fond.

    Il s 'agit d 'annuler les effefs de r arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 1040, afin d'éviter qu 'une nouvelle im-perfection ne s 'a joute à celles qui existent ;iéja.

    Il s 'agit d 'éviter que ro rdonnance du 28 j u i r / l i M j , qui prévoit une augmenta-tion des lovers, soit appliquée dans deux cas précis : ' 1° aux loyers des baux en cours ou prorogés; 2° aux loyers illicites, c'est-à-dire aux loyers supérieurs à ceux qui sont prévus par les lois existantes pour les différentes catégories de loca-taires.

    Nous souhaitons, nu groupe communiste , qu 'une nouvelle législation des loyers, simple et complète, intervienne dans le plus bref délai" une législation qui donne satisfaction à la fois aux locataires parce qu'elle t iendrait compte de leurs moyens (Vexistence, et aux propriétaires de bonne foi, c'est-à-dire à ceux dont le désir est de tirer des locaux qu' i ls possèdent un revenu normal, raisonnable, une législa-tion qui, par le fait même , mettrait: hors d 'état de nuire ceux que les locataires ap-pellent, à juste titre, les « vautours .». \Très bien! à l'extrême gauche.)

    Nous croyons savoir qu 'une telle légis-lation est en préparation. Elle devra ré-soudre la question des prix, le problème de la sécurité de la famille, le problème de l 'hygiène, la question des réparat ions, etc., mais, je le répète, le bu t que nous nous proposons, au jourd 'hu i est ¡beaucoup plus modeste.

    Je m 'en tiendrai str ictement, dans les observations que je vais avoir l ' honneur de présenter à l 'Assemblée au n o m du groupe communiste , aux questions posées par la proposition de loi.

    L'application de l 'ordonnance du 28 juin 1945 ne semblait souffrir aucune diffi-culté. Une série de jugements de tribu-naux de paix, interprétant la loi littérale-ment et dans un sens de justice auquel nous nous plaisons à rendre hommage, avaient, d'ailleurs, fixé très clairement les répercussions des artilces 3 et 4 de ladite ordonnance.

    Permettez-moi de rappeler que de tels jugements intervinrent aux justices de paix de Troyes, de Belfort, de Paris-V°, d 'Ivry sur-Seine. de Yilleneuve-Saint-Geor-ges, de Paris-XVIII0, de Toulon, de Ne-vers. Permettez-moi, aussi, de faire une mention spéciale du jugement rendu par le t r ibunal civil de la Seine, dans son audience du 25 février 1946, qui tranchait dans le même sens que les jugements pré-cités des justices de paix, et cela malgré une habile plaidoirie de Me Beliet, avocat de l 'Union de la propriété bâtie de France, et une intervention inaccoutumée — on doit le dire — sur ces questions des loyers, de M. le procureur de la Répu-blique, exprimant sans doute le point de vue de M. le ministre de la justice.

    On pouvait , en somme, considérer la question comme tranchée définit ivement. ,

    C'était mal connaître la ténacité de cer-tains propriétaires et de notre collègue, M. Joseph Denais, dont les questions écri-tes à M. le garde des sceaux i r o n t cer-ta inement pas peu contribué à provoquer l ' a r rê t de la Cour de cassation. En effet, la Cour de cassation, chambre sociale, par un arrêt en date du 28 ju in 1946, a dé-cidé que, non seulement la majorat ion prévue par l 'ordonnance du 23 juin 1ÎM5 s 'appliquerait aux loyers et baux en cours, mars qu'elle s 'appliquerai t même aux loyers illicites.

    Les propriétaires malhonnêtes , ceux qui ont violé la législation sur les loyers, eeux qui n 'ont pas craint de nuil fi plier les loyers souvent par hui t , dix ou douze de-puis 1030, ceux-là, au lieu de connaître les amendes et la prison, se t rouvent ainsi approuvés et m ê m e récompensés pour avoir bafoué la loi.

    Ils se t rouvent avantagés ¡par rapport aux propriétaires honnêtes qui ont appli-qué Îa loi. Us reçoivent une prime à l ' im-moralité.

    Notre collègue, M. Grimaud, a fait re-marquer à la commission de la justice que l 'article 10 de l 'acte dit loi d u ' 2 8 février 1941 autorisait la revision des loyers abu-sifs pour les ramener aux prix payés en 1939, pour les locataires des immeubles construits avant 19i4, entrés dans les l;eu> entre le 1er septembre 1939 et le 1er juil-let 1943, et d 'ai l leurs l 'autorise encore en principe, puisque cette loi vient d 'êlre pro-rogée de neuf mois par le décret de ces-sation des hostilités

    il convient, d 'abord, de faire observe! que cet article 10 n 'a pas été souvent in-voqué par les locataires.

    Comment l 'aurait-il été ? Comment de-mander à des locataires citoyens d 'un pays ravagé par la guerre , d 'un pays qui a vu des dizaines de milliers d ' immeubles s 'effondrer sous les bombes, sans compter ceux qui ont été brûlés par les bourreaux nazis, d ' un pays qui a connu à plusieurs reprises des exodes massifs , comment peut-on demander à ces locataires d'enga-ger une procédure en révision de leurs loyers, alors qu' i ls savent que les loge-ments sont Introuvables, que les « vau-tours » disposent de mille moyens détour-nés de les congédier s ' ils ne se mont ren t pas assez dociles à leurs exigences, et de mille autres moyens de les empêcher de t rouver un logement, s ' ils abandonnent de leur propre "gré celui qu' i ls occupent ?

    If faut dire, en effet, que ^i les organi-sations de locataires n 'ont pu fonct ionner sous l 'occupation, les organisai ion s de la grosse propriété bâtie fonctionnaient sous l 'occupation.

    Qu'on me permette aussi de faire obser-ver que l 'arrêt de la cour de cassation, dans un de ses at tendus, supprime impli-citement l 'effet de cet article 10 de la loi du 28 février 1941.

    Cet arrêt , en contradiction avec ladite loi qui, pour tant , vient d 'être prorogée, tendrait donc à enlever aux locataires la possibilité d 'une revision des loyers abu-sifs. Il couvre donc, sans aucun doute, les agissements délictueux des propriétaires coupables; il justifie, pour une catégorie privilégiée de citoyens, la rébellion contre la loi.

    Un tel arrêt risque de jeter le discrédit sur la plus haute juridiction de ce pays, de lui enlever l 'autori té morale dont elle jouissait jusqu 'a lors , en même temps qu'il crée dans le pays u n violent mécontente-ment susceptible de troubler l 'ordre pu-blic.

    La Cour de cassation, par sa décision du 28 juin 1916, s 'est substi tuée au législa-teur ; elle tolère que certains puissent se

  • place r . eh dehors de la loi, uniquement pour', sat isfaire ' leur esprit de lucre

    Notre collègue, M. Grimaud, a fait re-marquer aussi, devant la commission de la justice, qu'il valait mieux, à cause des difficultés qu'il pourrait y avoir dans la-'détermination des loyers de 1914, prendre pour base les loyers de 1939 et, par consé-~ qucnt, même pour les immeubles cons-trui ts antérieurement à 1914, et même clans le cas où le locataire est entré dans les lieux avant le 1er septembre 1939, sous prétexte sans doute que la loi de 1937 au-torisait ces locataires à faire ramener leurs loyers au taux licite dans les six mois.

    Que M. Grimaud me permette de faire réfuter son point de vue par un de ses amis, M. Ménager, conseiller municipal clu groupe du mouvement républicain popu-laire, et porte-parole de ce groupe au con-seil municipal de Paris. Nous lisons, en effet, dans le Bulletin municipal officiel de la ville de Paris cil date du 25 juillet 1946, à la page 396, les lignes suivantes extraites d'une intervention de M. Ména-ger : « Supposons. . . » — dit M. Ménager — « . . .un immeuble achevé au 1er août 1914 et des logements d 'un loyer annuel de 600 francs, ¡prix courant entre 1910 et 1914. En vertu de la loi du 1er avril 1926, modi-liée par celle du 31 décembre 1937, le propriétaire pouvait louer en affectant le loyer de 1914 du coefficient 4, soit 2.400 francs. Mais il pouvait très bien, aux alen-, tours de 1938-1939, sans tenir compte de la loi, en tirer un prix nettement supé-rieur, 4.000 à 5.000 francs par exemple.

    « Je précise qu 'un logement de ce^prix, dans les XIIe, XIIIe ou XIVe arrondisse-ments , comportait trois pièces principales, entrée, cuisine, W.-C., débarras, dans un bon immeuble, « bon » à l 'époque, c'est-à-dire vers 1910-1914.

    « Dans ce dernier cas, dit M. Ménager, deux hypothèses : ou bien le locataire, dû-ment stylé par un svndicat de locataires, plaidait dans les six" mois de son entrée en jouissance et obtenait la réduction du lover au taux normal; ou bien, par négli-gence, ignorance, ou respect des conven-tions qui paraîtra peut-être excessif, ledit locataire ne bougeait pas et il continuait à payer un loyer sensiblement supérieur.

    « Donc, ajoutait encore M. Ménager, pre-mière anomalie: avantage du propriétaire peu scrupuleux et peu soucieux du respect de la loi sur le propriétaire plus timoré ou respectueux de la loi.

    « Je n 'a i pas besoin, ajoute aussi M. Mé-nager, de rappeler les quittances et enga-gements remis au locataire seulement à l 'expiration des six mois fatidiques, afin

    "d'éviter l'action en révision.» Nous n'avons absolument rien à ajouter

    ici à 'cette démonstration du conseiller mu-nicipal de Paris, porte-parole du groupe du mouvement républicain populaire.

    Sans nul doute, la justice et d 'honnê-teté 'commandent donc que l 'on en re-vienne, comme le prévoit "la proposition de loi de M. Mercier, pour déterminer le prix licite, aux lois existant pour chaque ca-tégorie.

    En bref, nous constatons : 1° Que l 'arrêt de la Cour de cassation

    est en opposition avec l ' interprétation que bon nombre de tribunaux ont donnée de l 'ordonnance du 28 juin 1945, qu'il cons-titue un véritable coup de force destiné •à annihiler, - contre toute justice, les dé-risions précédemment intervenues et cons-tituant jurisprudence ;

    2° Que la seule solution honnête con-siste à prendre pour base, non pas uni-formément les prix de 1939, dont certains étaient, déjà illicites, comme M. Ménager

    l'a si bien démontré, mais les prix tels qu'ils sont déterminés pour chaque caté-gorie par la loi antérieure à l 'ordonnance du 28 juin 1945.

    Mais on peut aller plus loin ; il est fa-cile de montrer que si beaucoup de tri-bunaux n'ont pas hésité sur l ' interpréta-tion de la loi, c'est parce qu'aucun doute n'était possible en toute bonne foi. En effet, que disent les articles 3 et 4 de l 'ordonnance du 28 juin 1945 ? • Article 3: « Les prix des loyers et char-

    ges soumis à la .réglementation de la loi du 1er avril 1926, modifiée par les lois des 29 juin 1929 et 31 décembre 1937, et tels qu'ils sont déterminés par cette loi, sont de plein droit majorés de 30 p. 100. »

    Article 4: « Les prix des loyers soumis à l'acte dit loi du 28 février 1941 rela-tif à la majoration abusive des locaux à usage d'habitation ou à usage profession-nel, modifié par l 'acte dit loi du 22 juillet 1943, et tels qu'ils sont déterminés par ces actes, sont de plein droit majorés de 15 p. 100.

    J'attire votre attention, mesdames, mes-sieurs, sur 'ce mot « déterminés ». Le ju-gement rendu par la justice de paix de Ne-vers le 13 juillet 1946 — affaire Parnière-veuve Moureaux — dit en effet à juste ti-tre :

    a Attendu que M. Parnière soutient que l'expression « de plein droit », figurant dans le texte de l'article 3, exclut.la néces-sité d'une formalité quelconque, et notam-ment celle d'une dénonciation par congé de la location préalablement à l'applica-tion de la majorat ion;

    « Attendu que l'expression « de plein droit » implique pleinement une idée d'au-tomatisme dans l'exécution, mais qu'elle doit être abstraite du texte dans lequel elle est incluse et qui est ainsi rédigé: « Les prix des loyers et des charges sou-mis à la réglementation de la loi du 1er

    avril 1926, modifiés et tels qu'ils sont dé-terminés par cette l

  • 3 4 4 8 i16 SEANCE DU 3 SEPTEMBRE 1946

    « Je suis soutien de famille; j 'ai ma femme malade, une petite fille de 14 ans et ma ¡belle-mère infirme à ma charge. »

    Voici une autre lettre d'une vieille femme de 77 ans de la Varenne:

    « Je paie maintenant, avec les charges, 570 francs par trimestre, ce qui est lourd avec un revenu de 600 francs par mois-Mais je préfère me priver de tout et ne pas vivre dan un taudis.

    « J'ai T ans, je travaille encore pour gagner très peu, très peu. De plus, je suîs dans l'angoisse ta*«; je crains qu'on me mette dehors. Où aller à mon âge ? j 'ai subi l 'ablation d 'un rein et dernière-ment j 'ai été opérée d'un fibrome.

    « Mon pavillon a changé, il y a deux ans, de propriétaire et le nouveau songe à me renvoyer. Il a ' pour tan t à Paris un grand appartement. ,

    « Puissiez-vous, monsieur, me rassurer. Combien je vous serais reconnaissante. Ou a^ors, je préfère ne plus vivre; à mon âge je ne peux plus aller longtemps et je n 'aurai aucun regret car la vie a tou-jours été dure pour moi. »

    Voici une lettre qui me parvient d'Arcv, dans l'Yonne, d 'un vieillard de 76 ans, retraité du gaz. Il dit:

    « Je paie 2.100 francs par an, plus 150 francs' de contributions. Avant moi, le locataire payait 1.200 francs. Je l 'ai su après, ma i s v j ' a i payé ce qui m'a été demandé.

    « Depuis le 1er juillet 1945, le proprié-taire a voulu me faire payer une majo-ration de 30 p. 100, ce que j 'ai refusé.

    « Depuis ce temps-là, j 'ai aifaire à des gens très méchants. Je leur ai offert 15 p. 100, qu'ils ont acceptés. Aujourd'hui, j 'a i été payer mon loyer; ils me l 'ont majoré, à nouveau, de 15 p. 100. Est-ce que je dois payer ?

    « Puis, voilà qu'au moment où j ' a rpayé , mes propriétaires m'ont fait savoir qu'ils se voyaient dans l'obligation de me mettre i< la porte. »

    Ce vieillard ajoute, lui aussi, qu'il a de nombreuses charges de famille.

    Voici encore une autre lettre d 'un vieil-lard de 68 ans, de Saint-Florentin, dans l'Yonne :

    « Monsieur le député, j 'ai bien l 'hon-neur d'attirer votre attention sur les agis-sements des propriétaires de Saint-Fïoren-tin. Une cascade d'augmentations s'abat sur les locataires et ils n 'y vont pas avec le dos de la cuiller.

    « Ainsi, les loyers qui avaient avant 1914 une valeur locative de 100 à 120 francs par an, passent aujourd 'hui à 5.000 francs et même davantage.

    « Quand on proteste et qu'on fait res-sortir qu'ils ne doivent augmenter que de 15 ou de 30 p. 100, ils répondent qu'ils se fichent de la loi et vous mettent en demeure de quitter le logement sous pré-texte de reprise. »

    Un vieillard de Paris, parle dans le même sens:

    « J'ai quité Paris en 1929 pour la grande banlieue, que j 'ai dû fuir en 1943, pour ne pas être dépossédé par. les Allemands. J 'ai loué à Paris ce que j ' a i pu trouver et j 'ai payé un prix bien plus élevé que mon loyer de Paris de 1929 multiplié par 4. .

    « Je ne pourrai pas supporter la majo-ration. J'ai 72 ans et j 'a i été sinistré en 1942. »

    Je cite encore un extrait d 'une lettre d 'un ancien prisonnier de Loir-et-Cher :

    « Je reçois ce jour une lettre de mon propriétaire. Demeurant à Chantóme, par Binas (Loir-et-Cher). Je suis ancien pri-sonnier et je vous informe qu'avant la guerre je payais un loyer de 500 francs..

    Aujourd'hui mon propriétaire me réclame 1.800 francs. »

    Je pourrais continuer ainsi à citer des lettres.

    En voici encore une, écrite le 5 février 1946, d'une locataire de la Seine. Elle habite Le même logement d'avant 1914 depuis vingt ans. Elle a pavé jusqu'au terme d'octobre 292 francs "par terme. Pour le terme de janvier, le montant du loyer a été porté à 385 francs. Le proprié-taire a laissé entrevoir une nouvelle aug-mentation pour le terme d'avril.

    J 'ai choisi quelques-unes de ces lettres parmi des milliers qui sont parvenues à mes collègues du groupe communiste et à moi-même, et sans doute à tous les membres de cette Assemblée. ^

    La question est donc claire. Un grand nombre de gens aux ressources souvent plus que modestes, payent des loyers su-périeurs à ceux qui ont été déterminés par les lois successives sur les loyers.

    Or, l 'ordonnance du 28 juin 1945 pré-voit une augmentation des loyers seule-ment dans le cas ou ceux-ci ont été dé-terminés par les lois sur les loyers.

    Cette ordonnance ne s'applique donc pas aux loyers qui n 'ont pas été déterminés par les lois existantes, c'est-à-dire aux loyers illicites qui sont des lovers con-ventionnels.

    D'ailleurs, je rappelerai à ce propos que, lors du débat qui s'est déroulé ici sui-tes baux commerciaux à propos d 'un amendement qui avait été présenté, M. le ministre de la justice avait bien voulu déclarer lui-même que cet amendement risquait de mettre en cause les conven-tions intervenues entre bailleurs et loca-taires.

    Bien entendu, cette ordonnance ne peut pas s'appliquer non plus aux lovers des baux en cours parce que ce serait con-traire à notre conception du contrat.

    Le groupe communiste votera donc la proposition de loi de M. Mercier:

    Premièrement, parce qu'elle reprend l 'ordonnance de 1945 contre l ' interpréta-tion abusive de la Cour de cassation;

    Deuxièmement parce que, ce faisant, elle tend à empêcher qu'une nouvelle charge injuste et illégale ne pèse sur une foule de .locataires déjà assez malheureux

    ! et que les propriétaires honnêtes soient punis pour avoir respecté la loi alors que les propriétaires malhonnêtes recevraient la récompense dame violation ouverte de la législation sur les loyers.

    Evitons donc, mesdames, messieurs, en attendant une loi qui simplifie la législa-tion en cours et détermine d'une façon claire un taux de loyer qui donnera 'sa-tisfaction à la fois aux locataires et aux propriétaires raisonnables, que l'immoralité triomphe et que la loi soit bafouée impu-nément. (Applaudissements à Vextrême-gauche et sur divers bancs.)

    Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Pierre-Henri Teïtgen, garde \des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs, l'Assemblée voudra bien nfac-corder quelques minutes de son temps. J'essaierai de lui exposer, aussi simple-ment que possible, les termes du pro-blème et d'attirer son attention sur les conséquences de la solution qui lui est proposée.

    Notre législation des loyers, celle qui était applicable de 1926 à 1943, tendait, clans ses grandes lignes, vers deux objec-tifs : elle prorogeait certaines locations en cours, elle déterminait des prix. Ces prix, pour les loyers des immeutbles d'habita-tion construits avant 1914, étaient fixés par cette législation au m.oyen d'un coef-ficient qui multipliait les loyers de 1914,

    les lois successives ayant progressive-ment augmenté ce coefficient.

    La législation dont il s'agit a été modi-fiée par une loi intervenue en 1943, qui a décidé qu'à l 'avenir il ne serait plus tenu compte du loyer de 1914, qu'on ne multiplierait plus par un coefficient déter-miné, mais qu'on prendrait pour base les loyers réels tels qu'ils étaient pavés à la date de publication de la loi de 1943, -oyers qui se trouvaient ainsi définitive-ment consolidés.

    Une ordonnance du 28 juin 1945 est venue compléter et modifier le système législatif en vigueur. Cette ordonnance est capitale. Elle contient deux séries de dis-positions essentielles.

    Les unes prévoient une hausse des loyers en. cours. Les autres organisent une caisse nationale d'entretien et d'amé-lioration de l 'habitat urbain et rural.

    En ce „qui concerne la fixation du-pr ix des loyers, l 'ordonnance du 28 juin sti-pule que les loyers des immeubles cons-truits avant 1914 et soumis à la loi de 1926 seront majorés de 30 p. 100, le prix de hase étant celui qui résulte de la loi de 1943, laquelle, je le répète, a consolidé les locations au jour de sa publication.

    Pour les loyers des immeubles cons-truits avant 1914 et soumis à la loi de 1926, le prix de base est donc celui que fixait la loi de 1943, majoré de 30 p. 100.

    Pour les loyers -des ' immeubles cons-truits après 1914 ou non soumis à la loi de 1926, la hause est fixée par l 'ordonnance du 28 juin 1945 à 15 p. 100.

    Mais aussi, mais surtout l 'ordonnance du 28 juin 1945 a institué dans ses articles h) et-suivants une caisse nationale d'en-tretien et d'amélioration de l 'habitat urbain et rural financée par un prélève-ment sur l 'augmentation des loyers dont bénéficient les propriétaires. * -

    C'est cette ordonnance du 28 juin 1945 qui a provoqué la difficulté à laquelle voudrait remédier la proposition de loi qui vous est soumise.

    M. Hamon vous T a exposée. Il me per-mettra, de préciser son objet réel.

    La question était de savoir si ces haus-ses modestes de 30 p. 100 et de 15 p. 100 prévues par l 'ordonnance du 28 juin 1945 s'appliquaient aux locations e.n cours. Certaines justices de paix, certains tri-bunaux civils ont répondu, comme le rap-pelait M. Hamon, par la négative. Puis la Cour de cassation a décidé le contraire.

    M. Hamon vous a dit qu'il y avait là une sorte de coup de forcer Je dois d'abord lui répondre sur ce point.

    Je ne pen->e pas que la Cour de cassa-tion, dans l 'arrêt dont il est question, ait tenté un coup de force contre la souve-raineté nationale. Je crois nue la Cour de cassation ne tente jamais' un coup de force.

    En réalité, la question était très discu-table. Elle l 'était tellement que le garde des sceaux — M. Hamon voudra bien le croire — n'obéit à aucune préoccupation de sauvegarde de tel ou tel intérêt indi-v i d u e l mais a toujours et seulement, au nom un Gouvernement, le souci de faire appliquer les lois conformément à l 'in-tention qui a présidé à leur établissement. La question, dis-je, était tellement discuta-ble que le garde des sceaux, interrogé par le moyen d'une question, avait répondu que l 'ordonnance du 28 juin 1945 s'appli-quait aux locations en cours.

    Quel argument permettait donc de se' prononcer" en ce sens, comme l'a finale-ment reconnu et déclaré la Cour de cassa-tion ?

    Ce sont les termes mêmes de cette or-donnance. Elle dit, dans son article 3, que les majorations dont il s'agit sont appli-

  • cables de plein droit aux locations qu'elle vise. « De plein droit .», dans la langue juridique et dans la jur isprudence, cela a toujours-signifié application immédiate, en dépit des conventions des parties.

    C'est l ' a rgument qu 'a re tenu la Cour de cassation. Qu'on affirme que cet argument fû t discutable, c'est possible. Tous les a rguments de droit le sont toujours sous l ' u n ou l 'aut re de leurs aspects. Qu'on af-firme qu' i l y avait là u n coup de force, l 'expression est, évidemment, impropre !

    J ' a joute que l ' a rgumenta t ion de M. Ha-m o n ' m e paraît des plus dangereuses : c'est elle qui r isquerait de mener à un véri-table « coup de force ». M. lia mon s'ap-puyai t sur un jugement de justice de paix, lequel invoquait la possibilité pour les locataires et propriétaires de convenir, en dehors des prescriptions de la loi, de prix de location qui, du fait qu'ils avaient été établis l ibrement , échapperaient aux pres-criptions législatives ultérieures.

    L 'argument est s ingulièrement dange-reux. Il priverait cette législation des loyers du caractère que le législateur n 'a jamais cessé de lui donner, à savoir son caractère d 'ordre public. (Applaudisse-ments au centre')

    Les lois sur les loyers sont d 'ordre pu-blic. Locataires et propriétaires ne peuvent passer de conventions libres contre les prescriptions de la loi. Lorsqu'ils ont con-venu contre la loi, leurs conventions sont sans valeur : Je m 'é tonne qu 'on ait apporté à cette t r ibune un argument qui tendrait à priver cette législation de son caractère d 'ordre public et, par conséquent, de l 'es-sentiel de sa valeur exécutoire. (Applau-dissements au centre.)

    HanuMi. C'est la régie qui légalise les loyers conclus en dehors de la loi.

    M. le garde des sceaux. Si donc le juge-ment avait tort de l 'affirmer, la Cour de

    . cassation a eu raison de statuer en sens contraire.

    J ' en viens au problème qui nous occupe. Ayant suivi les débats de la commission, puisqu'el le a bien voulu me convoquer-deux fois à ses séances d 'étude de la pro-position de loi de M. Mercier, j 'a i parfaite-m e n t compris l ' idée qui l 'animait .

    Voici, en résumé, ce qu'elle pense : La loi de 1943 a consolidé les loyers aux

    chiffres en v igueur au jour de sa publi-cation. La commission estime que cette consolidation présente u n certain carac-tère d ' immorali té parce que le législateur a consolidé ainsi des taux établis entre les parties, contrairement à la législation en vigueur .

    La commission invoque donc surtout le caractère d ' immorali té de la disposition dont il s 'agit. C'est cela qui est capital et. sur ce point, je pense que la commission a raison.

    Ce caractère d ' immorali té , il tient sans 'doute aux circonstances de fait dans les-quelles est intervenue la loi de 1943. Nous étions, à l 'époque, beaucoup de résistants qui avions été obligés de quitter notre do-micile pour chercher refuge dans d 'autres villes. Des israélistes traqués s 'exilaient et allaient, eux aussi, loin de leur domicile, demander asile à d 'autres cités. Enfin, des sinistrés, des réfugiés, obligés de démé-nager, affluaient, par exemple, dan ; les villes du Midi; ils y trouvaient peu de lo-gements disponibles et ceux qui l 'étaient faisaient l 'objet d 'ardentes compétitions, Les sans-logis 'étaient , en fait, tentés d'ac-cepter et ils ont souvent accepté, pour-avoir un logement, de payer des prix illi-cites.

    On peut penser que de nombreux pro priétaires ont profité des circonstances pour obtenir de leurs locataires des prix

    non seulement un peu au-dessus du tarif licite mais ne t tement exorbitants. -.M."André Mercier (Oise-). C'est tout le fond du débat.

    M. le garde des sceaux. Je reconnais la Valeur de cet a rgument et je comprends très bien la suite du ra isonnement cle la commission : en 1943, une loi intervient qui consolide des majorat ions, illicites au point de vue juridique et immorales du fait des circonstances dans lesquelles elles sont intervenues. Puis, le ^législateur de 1945 ratifie à son tour cette1 consolidation, puisqu' i l établit ses majorat ions de 30 et 15 p. 100 sur la Base des loyers qui résul-tent de la loi de 1943. Il importe de met-tre fin à cette situation.

    Tel est l 'obje t de la proposition de M. Mercier, qu ' i l conviendrait dès' lors de voter.

    Je crois avoir fidèlement résumé les dé-bats cle la commission, tout au moins l 'in-ten t ion 'qu i a présidé à ses t ravaux.

    Il reste à savoir si la solution qui nous est proposée dans le texte en discussion cor respond 'b ien au résultat que l 'on veut obtenir , si cette solution est à tous égards satisfaisante.

    Ce n 'es t pas l 'avis du Gouvernement, et je désire vous exposer sommairement les raisons pour lesquelles il s 'oppose à l'a-doption de la proposition de M. Mercier.

    L'article 1er de la proposition qui vous est soumise est ainsi conçu :

    « Les majorat ions du prix des loyers et des charges prévues par l 'article 3 ¿le l 'or-donnance du 28 juin 1945 ne seront pas applicables :

    « 1° aux baux écrits ou locations verba-les en cours; 2° aux baux écrits ou loca-tions verbales dont le prix dépasse celui de 1914 multiplié par le coefficient 3,1, charges en sus, pour les locataires entrés dans les lieux au 31 décembre 1937 et par le coefficient 4; sans charges, pour les lo-cataires entrés dans les lieux postérieure-ment au 31 décembre 1937. »

    Si l 'Assemblée me le permet , je repren-drai successivement les deux alinéas cle cet article 1er, qu i -es t en fait u n article unique .

    Tout d 'abord, aux termes du premier ali-néa, les majorat ions prévues par l 'ordon-nance du 28 ju in 1945 ne seront plus ap-plicables aux baux écrits ou locations ver-bales en cours, ce qui signifie que ces majorat ions ne seront plus applicables à aucune location car, en fait , toutes les lo-cations actuelles résul tent au jourd 'hu i soit de baux écrits, soit de locations ver-bales.

    D'après le texte les majorat ions ne se-ront plus applicables qu 'aux locations à venir , aux baux et locations verbales ul-térieurs, à ceux qui interviendront après la publication de cette loi au Journal of-ficiel.

    Or, après cette publication, nous reste-rons soumis au régime actuel, qui est un régime de prorogation. Très peu de loca-tions seront donc renouvelées, très peu de locations verbales ou de baux écrits se-ront donc conclus demain du fait que nous serons encore régis par la proro-gation.

    Quelle sera la conséquence prat ique ? C'est que la caisse nationale d 'entret ien et d'amélioralion de l 'habi tat rura l et ur-bain se trouvera privée de ses recettes. Or, je demande à l 'Assemblée cle réfléchir aux* suites d 'une telle décision.

    Il faut avoir le courage de considérer en face Je problème de l 'habi tat en France.

    Certains imaginent qu' i l s 'agit seulement d 'arbi trer un conflit entre la classe des

    , locataires et celle des propriétaires.

    M. Péron. Nous n 'avons jamais dit cela. Nous avons dit qu ' i l y avait une prime aux propriétaires malhonnêtes .

    E. te garde des sceaux. On imagine trop souvent que les intérêts des locataires et ceux des propriétaires sont nécessairement contradictoires sur tous les points et on imagine Surtout que la classe des 'propr ié-t a ire s est une classe homogène. . .

    M. Pérou. Nous avons même déposé une proposition en faveur des petits proprié-taires. (interruptions au centre.)

    11 faut respecter la vérité. Au centre. N'interrompez pas constam-

    m e n t ! M. !e garde des sceaux. ...que tous les

    propriétaires disposent de larges revenus et ({lie, tous, ils peuvent consentir à l ' in-térêt général des sacrifices importants.

    Je répète une fois de plus à la t r ibune du Parlement que Îe problème de l 'habi-tat appelle une solution à élaborer dans un autre climat et compte tenu de l ' inté-rêt généml, du bien commun die la na-tion . qui dépasse tout à la fois les inté-rêts (les locataires et ceux des ¡proprié-taires. (Applaudissements au centre et à droite.)

    M. Bamon. C'est ce que nous avons dit. Au centre. Alors, applaudissez ! M. Pérou. Nous visons uniquement des

    propriétaires malhonnêtes . M. le garda des sceayx. Eh bien ! nous

    sommes d 'accord; mes affirmations no vont pas contre les vôtres.

    Quel est, en effet, le problème ? A l 'heure présente, les Fiançais consacrent à leur loyer une fraction de leur revenu t rès inférieure à celle que consentent à payer les habi tants des autres pays. L'Anglais, TAméricain, l 'Allemand, lé Russe con-sacre à son loyer, à sa maison, une frac-tion très importante de son salaire ou de ses revenus. Dans ces pays, les loyers sont chers et, parce qu'ils sont chers, les propriétaires ont les moyens d 'entrepren-dre des réparat ions et des transformations^ et la loi, parce qu'i ls en ont les moyens , (peut les y contraindre, elle peut contrôler l 'emploi qu'i ls font de leurs revenus et les astreindre à faire, des locaux qu ' i ls louent, des (habitations confortables et dignes des hommes et des femmes qui les habi tent .

    Par ailleurs, dans ces pays, parce que les loyers sont chers, les épargnants, pe-tits, moyens ou grands, ont intérêt à construire, à investir leur épargne dans des constructions nouvelles et, cle ce fait , on continue dans tous ces pays à cons-truire des maisons à usa^e d 'habitat ion. Le problème des loyers et de l 'habi tat se trouve, clans cette niesure même, simplifié.

    Que 'se passe-t-il en France ? La frac-tion de son revenu professionnel ou de son revenu global que le Fiançais con-sacre à son loyer est tel lement infime qu 'en réalité les propriétaires, dans b ien des cas — je ne dis pas dans tous les cas, car je sais qu' i l y a de mauvais pro-priétaires — peuvent être rangés à l ' heure actuelle dans la catégorie des économi-quement faibles. {.Applaudissements au centre et à droite.)

    M. de Mcro-Giaffem. C'est exact. RJ. Pérou. C'est pourquoi nous avions

    déposé une proposition de résolution en leur faveur . .

    M. le garde des sceaux. C'est te l lement vrai que le Gouvernement ¡sera suivi ipar le Parlement le jour où il lui demandera, par le vote d 'un projet en cours d 'é tude, de consentir des exonérations d ' impôts fonciers au profit des peti ts propriétaires rangés dans la catégorie des économique-ment faibles.

  • Dès lors, il est injuste d 'appliquer, sans nuance et sans distinction, le mot « vau-tour » à tous les propriétaires, de confon-dre sous la même étiquette des catégories tout à fait différentes et, sous 3a môme réprobation, des gens qui ont plutôt droit à l 'aide de la loi et à la protection des pouvoirs publics. {Applaudissements.)

    M, Hamon, Yi)us donnez un coup d'épée dans l 'eau. *

    M. André Mercier (Oise). Nous savons faire"la différence.

    M. Pcroti. Nous l 'avons faite. M. le garde des sceaux. Ainsi de nom-

    breux propriétaires ne peuvent p lus en-tretenir les immeubles qu'ils louent et les conditions d 'hygiène, de confort de notre habitat baissent' d 'année en année. Les au-tres ne sont plus tentés d ' investir dans des constructions à usage d 'habitat ion les fonds dont ils disposent et la construction en France est maintenant menacée d'ar-rêt c omul et.

    Il faut à tout prix remédier à cet état de choses, car l 'essentiel est ,de fournir des maisons aux Français. (Applaudisse-ments au centre et à droite.)

    IV2. de Mora-Giaffern. Très bien"! M. ïe garde des sceaux. Quel est le re-

    mède? Je l a i déjà dit à l 'Assemblée. M. le ministre de la reconstruction et moi-même, n'accord avec le Gouvernement tout en-tier, étudions et préparons le projet de loi qui, dès après les prochaines élections sera soumis à la nouvelle Assemblée en vue de régler le problème dans son en-semble.

    M, CharSss% Lusey. Puurquui pas à la veille?

    të. le garda des sceaux. II me semble, à première vue, et je suis sûr de îecueillir Mir ce point l 'assentiment de l 'Assemblée unan ime, it me semble qu' i l faut ici, comme dans beaucoup d'au 1res domaines, distinguer' trois secteurs : d 'abord un sec-teur piibl'c dans lequel l 'Etat, les collec-tivités publiques, des établisseuienls pu-blics construiront des maisons à usage d 'habi ta t ion à bon marché pour les Fran-çais qui ne peuvent payer des loyers éle-vés. Les loyers de ces locaux ne seionl pas établis "ca considération du prix de revient , mais en fonction de la capacité de payement des foyers qui y seront ins-ta l lés / Ce secteur public sera financé en grande partie par l ' impôt.

    Il faudra prévoir, à l ' aut re exlrémilé, u n . secteur libre en vue de la construc-t ion d 'appartements — disons les choses en termes simples — de grand confoil des-t inés aux gens riches. IL n ' y a pas d'inté-rê t à l imiter, en ce qui les concerne, le taux des loyers. C'es;t pourquoi un régime de liberté peut être envisagé.

    Entre ces deux secteurs, il en faudra ménager un troisième contrôlé, dans lequel l?iEtat, sous forme d'allocat-ions-logement , par exemple, contribuera au payement des loyers. Une autre forme [d'aide financière Vu d 'autres modalités d 'assistance peuvent être également envi-sagées, L'Etat aidera donc les propriétaires de ces locaux ou à améliorer leurs im-meubles , 'qu i sont maintenant dans un état désastreux, ou à construire, et réglemen-tera les locations.

    Secteur public, secteur contrôlé et sec-teur libre, c'est, clans les grandes lignes, par cette distinction que la France pourra résoudre le grave problème de l 'habitat . Elle ne le résoudra pas si l 'on s 'en tient — il faut avoir le courage de le dire — à ' ce t t e législation sommaire qui consiste, depuis des a n n é e s , ' à limiter le taux des loyers sans prendre aucune mesure pour éviter, non seulement du p ^ n t de vue économique, mais 'du- ps iM £e vue de

    l 'hygiène, de la santé publ ique et de la dignité des Français, les conséquences aux-quelles aboutit fa talement un système aussi sommaire. (Applaudissements au centre.)

    Mesdames, messieurs, vous comprendrez dès lors mon étonnement . Le Gouverne-ment avait fait un pas dans cette voie. L'ordonnance du 28 juin 1945 était le pre-mier maillon de la chaîne, la première pierre à l'édifice. Elle instituait cette caisse nationale d 'entret ien et d'améliora-tion de l 'habitat urbain et rural , première initiative dont le Gouvernement espérait des conséquences heureuses et qui peut donner d'excellents résulfats . Cette caisse est alimentée par un prélèvement exercé par l 'Etat sur les hausses de 30*et de 15 p. 100 autorisées par l 'ordonnance du 28 juin 1945.

    Et voilà qu ' au jourd 'hu i , à l ' improviste, on nous demande de renoncer à ces re-cettes de la caisse. On nous Je .demande expressément puisqu 'on décide que les hausses prévues, qui financent la caisse nationale, ne s 'appliqueront plus aux baux écrits e t ' loca t ions verbales en cours, ce qui signifie qu'elles ne s 'appliqueront à aucune local ion, ni au jourd 'hu i , ni de-main, puisque au lendemain du vote de ta loi nous continuerons à vivre sous le ré-gime de la prorogation, de telle -orte qu'il n ' y aura guère ' de renouvellement et do"nc de locations neuve lie s soumises à rnajoratio) >s.

    Prise à la lettre, la ré, ludion de la com-mission supprime donc définitivement les rosettes de' la caisse. Et >i on améliorait cotte j •'daction en précisant que les haus-ses Rappliqueront après ]a publication de la loi aux locations renouvelées après cette publication, le résultat serait prat iquement je même puisque, au lendemain de la pro-mi i^ i t io i i de la loi, il n ' y aura pas, je le répète, de renouvellement, le régime des pr~>rog ilions s u p ^ t a n t tel qu 'auparavant .

    Dès"lors, mesdames, messieurs, l 'Assem-blée prendrait une 1rès grave responsabi-iiié M, pour régiei' le problème que je po-sais tout à l 'heure et qui p j u l èt're réglé par d 'au 1res moyens — elle adopta' t cette solution bru ta le 'do suppression des recet-tes de la caisse, /jiii équivaudrait à la suppression du 'premier effort entrepris pour résoudre le problème.

    L'alinéa 2 de l 'article l , r vise les baux futurs . Les localions comprises sous, l'ali-néa 2 le sont a u ^ i sous l 'alinéa ^ ' p u i s -que celui-ci vi"e toutes les locations en cours. L'alinéa 2 n ' a donc de sens que Ril e-t entendu qu'il s 'applique aux baux fu-ture.

    Je note d 'abord que l'alinéa 2 e^l en contradiction flagrante avec le dispositif du h x t e de la commission^ L'Assemblée ne peut admettre de Je maintenir . ~ Le rapport déclare que les majorat ions

    prévues par l 'ordonnance de 1955 ne doi-vent porter que sur les prix légaux et non sur Jcs majorat ions de ces prix qui résul-ten t^de l 'ordonnance de 1913.

    Vous savez, en effet qu 'en 1913 on a substi tué, a u ' p r i x de 191 i majoré par un coefficient, le prix (fui -se trouvait en fait être p a y é ' e n 1913. Comme je vous l ' indi-quais tout à l 'heure , ce prix de 1913 peut être supérieur à celui qui, à la veille du vo'e de la loi, était dù en vertu de la légis-lation antérieure.

    Soit u n loyer de 1.000 francs en 19fi. A la veille de la publication de la loi de 19-13, ce loyer devait être légalement de 3.1.00 francs", puisque le prix du loyer de 1914 était multiplié par le 'coefficient '3,1.

    S'il se trouve qu 'en 1943 le locataire avait accepté de payer un loyer de 5.000 francs, il y a lieu de considérer deux frac-tions dans ce loyer de 5.000 francs : une

    première tranche de 3.100 francs qui es$ licite, et une t ranche qui va de 3.100! francs à 5.000 francs, qui constitue u n e majorat ion illicite au regard des lois an^' térieures.

    Je comprends fort bien qu 'on vienne nous demander au jourd 'hu i de limiter la, hausse prévue par l 'ordonnance de 1945 à) la première tranche, 3.100 francs dans mòri exemple, et d 'y soustraire la seconde t ran-che, celle qui va de 3.100 f rancs à -5.000 francs, parce que cette seconde t ranche provient d 'une majora t ion illicite.

    C'est en réalité ce que disait le rapport' de M. Toujas. J ' y lis ceci :

    « Cette proposition n 'a qu 'un but mo-. deste, c'est d'exiger le respect des lois établies. Elle reprend pour base le prix de 1914 multiplié par le coefficient 3,1 avec charges ou 4 sans charges, selon les loca-taires, ce prix de base étant le seul légal en l 'é ta t actuel de la législation pour les habitat ions construites avant 1914. Ce n ' e s t que sur ces pr ix légaux que pourront por-ter les majorat ions prévues par l 'ordon-nance. )>

    Le rapport annonce donc un texte qui décomposerait le prix de 1943 en ces deux f ract ions: la première t ranche, légale parce que du montant conforme aux lois en vigueur à l 'époque, et la seconde f ran-che, illicite. Ce texte permettrai t la majo-ration sur la première 1ranche et l ' in ter-dirait sur la seconde tranche.

    Seulement, le texte de la proposition dit exactement le contraire. 11 soustrait à la hausse la totalité du loyer. S'il y a en, avant 1943, majorat ion illicite et consoli-dation par la loi de 1943 de cette majora -lion, c'est tout le loyer qui se trouve sous-trait à la Hausse'.

    Voici, par exem]le, un locataire qui, en 1943, aurait dû payer, d 'après la législa-tion en vigueur, 3.000 francs de loyer. En fait, if payait, à la veille de la publication de la loi de 1913, 3.200 francs. De ce seul fait, il est complètement soustrait au ré-gime de hausse prévu par L'ordonnance de 1915. Ce n'e^l pas seulement sur les 200 francs de majorat ion qu'il ne payera pas l 'augmentat ion de 30 p. 100, c ' e s t ' s u r la totalité de son loyer, alors (pie le loca-taire voisin qui aura payé, avant Î943 et après 1943, le prix licite, continuera à payer un loyer majoré .

    La distinction était indispensable du point de vue logique et de l 'équité, et ce texte doit être revu.

    M. Se rapporteur. La commission a pris la précaution de vous convoquer à la com-mission. 11 est regrettable que vous ne lui ayez pas donné ee«s arguments .

    M. ïe garde des sceaux. Mon cher collè-gue, je suis allé une premiere fois devant la commission et, à la suite de mon audi-tion, la commission a repoussé le projet .

    J 'a i été de nouveau convoqué hui t jours après paice que, dans l ' intervalle, la com-mission avait décidé de revenir sur son vole, de reprendre l 'examen du problème et de procéder à une nouvelle délibéra-tion.

    Je s:lis venu sans le texte car, à ce mo-ment-là, il n ' y en avait pas.

    J 'ai proposé mes observations et, après mon audition, la commission a rédigé u n nouveau texte et désigné un nouveau rap-porteur. On ne m ' a communiqué ni le nouveau texte, ni le nouveau rapport ; j ' en ai eu .-connaissance par le service de la distribution.

    M. le rapporteur. Vous avez .assisté à) toute la discussion.

    M. le garde des sceaux. Ma collaboration vous sera toujours loyalement acquise, comme elle vous l 'a toujours été. Il aurait peut-être mieux valu, en effet, me faire convoquer au moment où la commission

  • avait rédigé son projet et son 1 apport. J 'aurais pré semé à la commission, sur l ' un cl .sur l 'autre, des observations que je re-gret le de présenter ici pour la première fous. [Applaudissements au centre et à dr frlle.)

    SA. Krisgei-Valrsmer.!, président de la commission, Monsieur le ministre, vous me permettrez de vous répondre, au nom do îa commission, qu'effectivement les choses se ^onl passées ainsi que vous les avez rapportée«. Seulement, au moment où la deuxième discussion avait pris fin, et précisément en prévision de la rédaction d'

  • l ' a r rê t en cause, celui du 28 ju in 1946, qui dit, au contraire, que les augmentat ions sont applicables aux charges et aux pres-tations.

    M. de Moro-Giafferrï. Mon cher collègue, je vous en demande pardon, mais je ne me reconnais pas . le droit de vous suivre su r le terrain sur lequel vous vous êtes placé. Vous avez parlé de la Cour supiême avec ¡une sévérité à laquelle je ne me crois •pas autorisé.

    La Cour de cassation, c'est un magni-fique monument . Rappelez-vous son passé. Que j ' en parle au jou rd 'hu i à propos de celte question, que je sois appelé à en parler demain à propos de questions diffé-rentes , je n 'oubl ie pas, moi, ce qu'el le a été à qiielqucs-uns des moments les plus difficiles et les plus angoissants de notre histoire. N'en pariez, pas légèrement sans avoir bien réfléchi.

    De même, je vous demande la permis-sion de ne pas m'associer à vos apprécia-tions. Je ne crois pas que tous les proprié-taires soient des « vautours ».

    ' M. Hamon. Je n ' a i jamais dit cela ! M. de Mcro-Giafferri. Je croyais l 'avoir

    entendu. Je suis heureux de m'è t re trompé. Je répéterais volontiers, avec M. le garde des sceaux - - et, d 'ailleurs, nous ne l 'avons pas contredit à la commission — qu' i l y a •lin grand nombre de propriétaires mal-heureux .

    J 'ai le souvenir qu 'avant que M. le garde des sceaux ne quittât la commission, quel-qu 'un , qui me ressemblait comme un frère (Sourires), a demandé à M. le garde des

    sceaux s'il avait l ' intention de déposer le plus rapidement possible une loi générale, envisageant no tamment la revalorisation d ' u n grand nombre de loyers, et que M. le garde des sceaux a répondu affirmative-ment .

    Je dois à nos collègues communistes cette juslice de dire qu'i ls pensaient, n 'est-ce pas ? la même chose que moi. . .

    M. le rapporteur. Exactement! M. de Moro-Gafferri. 11 y a des injust ices

    à réparer . 11 n 'es t pas normal que les seuls possédants en faveur desquels on n 'envi-sage pas un al ignement des valeurs soient les propriétaires fonciers.

    Nous sommes émus de la crise immobi-lière, comme vous-même, monsieur le garde des sceaux. Nous estimons qu ' i l con-f i e n t d 'y porter remède le plus tôt possi-ble et c'est précisément sur vous que nous comptons pour cela.

    Mais pourquoi at tendre le lendemain des 'élections prochaines ? Pourquoi ne le îoriez-vous pas avant ?

    M. Eugène Petit, dit Gîaudius. Très b i e n ! M. de' Moro-Giafferrî. Songez que la pro-

    chaine Assemblée va se réuni r en no-yembre . Ses débats utiles n 'auront pas lieu avant février et vous savez l ' importance que présente, pour cette question des loyers, la date du 1er janvier .

    Il y a plusieurs dizaines de milliers de familles parisiennes, no tamment , — et il en va à peu près de même, toutes propor-tions gardées, dans toutes les grandes vil-les de France — il y a plusieurs dizaines de milliers, peut-être de centaines de mil-liers de familles, qui r isquent , demain, de se t rouver sans foyer.

    Il faut que vous vous en préoccupiez im-médiatement . 11 n ' y a pas de question plus ¿urgente.

    Quant à moi, je ne suis ni l 'ami, ni l 'ad-versaire des propriétaires. Je veux me pla-cer à un point de vue d'équité et, dans la mesure où j 'est ime que la propriété bâtie doit être encouragée pour au jourd 'hu i et pour demain, je ratifie bien volontiers les ¡paroles que vous avez prononcées tout à l ' heure .

    Mais de quoi s'agit-il, comme disait l ' au t re ?

    En at tendant que vous déposiez le projet que nous attendons, il s 'agit de savoir si nous allons ratifier, comme vous nous y invitez — après cependant avoir mani-festé é loquemment votre blâme — certains abus, je uis même certains abus délictueux, commis par certains propriétaires.

    Voilà la question. Quant à moi, je n ' en envisage pas d 'autre .

    S'il est vrai que le premier alinéa, que je veux re l i re : « Les majorat ions du prix des loyers ne sont pas"' applicables aux baux écrits ou locations verbales en cours », s 'il est vrai, contrairement à ce que nous pensions, que ce texte puisse créer une ambiguïté, si vra iment il pou-vait avoir pour conséquence de rendre impossibles les majorat ions de l 'article 3 de l 'ordonnance dû 28 juin 1945, j 'aban-donnerais volontiers, eii ce qui nie con-cerne, l 'alinéa 1°. Je conseille aux auteurs de la proposition d ' imiter ma prudence.

    En ce qui concerne l 'al inéa 2°, laissez-moi vous dire que je ne conçois pas qu' i l puisse y avoir deux opinions. Pourquoi ce texte fait-il mention du 31 décembre 1937 ? Pourquoi cette date a-t-elle été un instant re tenue ? Mais parce qu'elle figure dans des ordonnances antérieures.

    Ce que demandent nos collègues, c'est que ne soit pas ratifié l ' abus commis par quelques propriétaires — je veux croire qu'i ls sont la minori té , alors pourquoi cette émotion ? — qui, malgré les lois exis-tantes, ont appliqué des majorat ions supé-rieures au chiffre imposé.

    Voulez-vous me permettre de prendre un exemple ? Je m'excuse auprès de l'As-semblée. 11 est tou jours pénible de suivre une discussion, basée sur des chiffres ; mais, en cette matière, il me semble que c'est encore la meilleure méthode.

    Je prends l 'exemple d 'un locataire qui payait 3.000 francs, loyer moyen, en 1914, date essentielle, sans doute.

    Le texte de 1943 comporte un blocage; mais l 'article 11 est ainsi conçu: « Les prix au 30 juin 1943 sont déterminés d 'après le dernier terme exigible avant cette date ».

    Or, le « dernier terme exigible », c'était le terme conforme à la législation anté-rieure et toute la législation antérieure à 1943 était basée sur les loyers de 1914 avec les augmentat ions que l e législateur avait autorisées.

    Quand la l o i de 1943 parle du ï< terme exigible avant. . . », cela ne signifie pas qu'el le contredit. Au contraire, elle ratifie ce que le législateur avait fait auparavant .

    Mais ceci, c'est de l 'exégèse. Voulez-vous que nous en revenions aux réalités ?

    Voici donc un propriétaire qui fait payer à un locataire, pour un appartement déter-miné, en 1914, 3.003 francs de loyer. Dans une maison voisine — l 'exemple n 'es t pas exceptionnel — appartenant à un autre propriétaire, il y a des appar tements identiques. Le propriétaire respecte la loi et, j u squ ' en 1945 — faites le calcul — les loyers sont majorés du coefficient 3,1 plus les charges, soit du coefficient 4 environ.

    Le loyer que devra payer le locataire de ce premier immeuble va être de 12,000 francs. Vous lui appliquerez la majora-t ion de 30 p. 100 de l 'ordonnance de 1945. Faites le calcul, je le cite de m é m o i r e : 15.600 francs.

    Le propriétaire voisin, pour u n apparte-men t identique, est arrivé à faire payer u n loyer de 20.000 francs. Refaites main-tenant le calcul de la majora t ion de 30 p. 100. Celle-ci étant basée sur le loyer payé jusqu ' en 1945, le locataire de ce second immeuble 1 pavera un lover de 26.000 francs. " 1

    Ainsi, celui qui a respecté la loi tou-chera 10.000 francs de moins que celui qui Fa violée. (Applaudissements à l'ex-trême gauche et sur "divers bancs à gau-che.)

    Prenez garde ! Je ne l 'ai pas inventé. Vous me dispensez, n'est-ce pas, de citer des espèces. Je n ' invente jamais r ien, moi, mais il in 'arr ive de me rappeler la juris-prudence des t r ibunaux. Cette espèce-là, je l 'ai connue.

    Le x problème se pose donc dans les termes suivants. On ¡peut discuter sur des mois. Je ne dis pas qu 'un texte soit intan-gible. On pourrait indéfiniment faire des reproches à un texte. Il s 'agit de savoir si, au jourd 'hu i , cette Assemblée va con-sacrer l ' intolérable abus des mauvais pro-priétaires qui n 'on t pas respecté la loi à l 'époque où il était cependant le plus indi-qué d 'en avoir le respect.

    Je r éponds : n o n ! Jè ne peux pas faire cela, c'est une question d'équité. Je ne me préoccupé pas de savoir qui a déposé cette proposi t ion; pardonnez-moi, je ré-pète que, dans mon esprit, elle n ' a pas un caractère politique, je me trouve en l'ace du problème su ivan t : la légalité a été violée, serai-je avec ceux qui l ' o n t violée, serai-je avec ceux qui l 'ont respectée ? (Applaudissements à Vextrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

    Vous avez ajouté à cela, monsieur le garde des sceaux, une chose que nous ne pouvions pas écouter sans émotion.

    Quand vous êtes venu à la commis-don, et vous y êtes venu deux fois, il se peut qu 'on ait oublié de vous dire certaines choses. Ayons l 'élégance de ne reprocher rien à personne. Nous vous rendons hom-mage, vous êtes venu quand on vous a appelé. Vous avez prononcé un mot qui m ' a décidé et qui, je le crois, a décidé à côté de moi quelques-uns de mes collè-gues.

    Vous avez d i t : Oh! je reconnais bien que les locataires qui ont payé plus que la loi ne le voulait ont subi une sorte de con-trainte. Eh b i en ! Contrainte, illégalité, je n 'accepte pas cela et je me tourne vers vous, mes collègues qui ne siégez pas sur les mêmes bancs que moi — je crois que je dois m'adresser aussi à ceux de mes col-lègues qui siègent sur les mêmes bancs — pour leur dire : à part ir du moment où l 'on consacre une illégalité, on ne sait plus où l 'on va.

    Nous at tendons de vous, monsieur le garde des sceaux, le plus rapidement pos-sible, un projet réglant, autant que faire se peut, la question du logement.

    Nous attendons que ce projet consacre la justice au point de vue de la stabilité du toit familial, question essentielle, et aussi du point de vue de la valeur du loyer.

    Vous nous trouverez — moi, du moins — derrière vous, quand vous réclamerez la justice pour les propriétaires comme pour tous les autres citoyens.

    Mais je vous en supplie, avant de faire appel à notre équité dans ce sens, n'ac-ceptez pas de consacrer la déloyauté des propriétaires qui sont tombés sous l 'ap-plication de la loi pénale.

    J 'a i sous les yeux une question posée par M. Dariac au garde des sceaux, en 1935.. . dé jà ! Il demandai t : « Quelle sera la sanction vis-à-vis des propriétaires qui ont appliqué un taux de loyer supér ieur au taux légal ? » « La sanction, répondit le garde des sccyux d'alors, c'est la police correctionnelle ».

    Les locataires, le plus souvent, se sont tus. Vous saf/cz ce que cela représente , pour un locataire, que d 'entrer en conflit avec son propriétaire.

  • Nous vous demanderons la stabilité des loyers pour toutes les professions et môme pour les professions libérales.

    Nous vous la demanderons aussi pour Les familles nombreuses . Je suis éloigné, je le répète, de citer des cas particuliers, parce qu'ils échappent au contrôle d 'une assemblée ; celui qui cite une espèce pour-rait se laisser aller à son imagination ; mais peut-être retrouverez-vous vous-mêmes des espèces voisines. 11 est des pères de famille qui ont six enfants dans un collège ; si vous acceptez une législa-tion qui fasse échec à la stabilité du lover, voilà une famille qui va se t rouver trans-portée, malgré ses intérêts les plus légi-t imes. C 'esMà un abus qu' i l ne faut pas consacrer. Mais hâtez-vous, n 'a t tendez pas pour faire voter une loi d 'équité le lende-m a i n du jour où des expulsions de fan-taisie auraient été prononcées.

    Je demande à l 'Assemblée de voter la proposition, malgré le renvoi que, je le regret te , M. le garde des sceaux a de-mandé . (Applaudissements ^ à V extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

    Rima la présidente. M. le ministre a de-m a n d é le renvoi à la commission des f inances. Cela constitue une motion pré ju-dicielle et implique, par conséquent, le renvoi , non pas conformément à l 'article 60 du règlement — qui a trait seulement aux amendements — mais à l 'article 42 dont je vous rappelle les t e rmes :

    « Lorsqu'il est présenté une motion préjudicielle ou incidente, elle est mise aux voix avant la question principale. Seuls l ' au teur de la motion et u n orateur contre ont la parole; ils peuvent céder leur droit de parole à un de leurs collègueis.

    « Le renvoi à la commission de l 'ensem-ble d 'un projet ou d 'une proposition, ou d ' u n article, peut tou jours être demandé. Lorsqu' i l est demandé ou accepté par la commission, il est de droit »;

    Monsieur le garde des sceaux, vous avez la parole.

    M. le garde des sceaux. Je voudrais {répondre d 'un mot aux observations qui Viennent d 'être br i l lamment exposées par ¡notre collègue M. de Moro-Giaiïerri.

    D'abord, qu'i l y ait lieu de soumettre à l 'Assemblée un projet générai réglant dans, son ensemble la question de l 'habitat en ¡France, j 'en suis convaincu. La chancelle-r ie a établi ce projet , qui, définitivement rédigé, est entre les mains de M. le minis-t re de la reconstruction, pour avis. Dès que cet avis nous sera parvenu, le projet s e r i soumis au conseil d'Etat, comme la loi le ¡prévoit, et viendra pour discussion devant l 'Assemblée.

    M. de Moro-Giaîferî. Très bien ! M, îe garda des scernsx. En ce .qui con-

    cerne l 'urgence d 'une solution particulière, s u r ce problème spécial des lovers deve-n u s illicites du fait de la loi de 1943, je Suis d'accord. Sur la nécessité de ne pas ratifier certains abus , j 'a i dit également que j 'étais d'accord.

    Dès lors, quand M. de Moro-Giafïcrri s 'é tonne que je refuse de seconder les efforts de îa commission, je ne comprends p lus très bien, car telle n 'est pas mon in-tent ion. J 'a i dit que la commission avait posé un problème qui appelait une solution urgente et que j 'étais prêt à lui proposer toutes les solutions équitables par lesquel-les on pourrai t remédier à l ' injust ice si-gnalée.

    Mais il y a, d 'une part, l ' in jus t ice do r t il s 'agit et, par ailleurs, les moyens d 'y parer .

    Si la commission renonce à l 'alinéa 1° qui décide que les hausses ne s'appli-queront pas aux baux en cours et aux locations verbales en cours, alors le pro-

    blème du f inancement de la caisse natio-nale d 'entret ien et d 'amélioration de l 'ha-bitat est résolu, et il n ' y a plus lieu de demander l 'avis de la commission des finances. Si donc la commission renonce à l 'alinéa 1er, comme l 'a demandé tout à l 'heure M. le président de cette commis-sion, je renoncerai , moi, à ma demande de renvoi devant la commission des finances.

    En ce qui concerne l 'alinéa 2°, nous sommes d'accord sur le principe et sur la direction à suivre. Mais il y a taut de même cette observation que j 'a i faite à l 'Assemblée et dont elle ne peut pas refu-ser de tenir compte, puisque c'est elle-même qui pose le problème dans le rap-port de M. Toujas : il s 'agit de savoir si, quand un loyer est illicite, il est totale-ment soustrait à la hausse, b ien qu 'une partie du prix soit licite. Je veux bien que la partie illicite, immorale du prix soit soustraite aux hausses do lover, que le prix soit réduit à sa t ranche ' l i c i te . Mais vous ne pouvez tout de même pas, parce que ce serait contre le bon sens, décider que la première partie du lover, celle qui est conforme à la loi, ne subira pas, elle, les hausses prévues par l 'ordonnance. Je dis que vous ne le pouvez pas, et c'est la commission elle-même, comme l ' indique son rapporteur dans l 'exposé des motifs, qui a pensé qu' i l fallait faire cette distinc-tion.

    Je me r é s u m e : si la commission renonce à l 'al inéa 1°, je ne demande plus le ren-voi à la commission des finances. Si la commission accepte de délibérer de nou-veau sur l 'alinéa 2°, nous pourrons, en une demi-heure, établir une rédaction qui don-nera satisfaction à tous, qui correspondra à l'objectif que recherche M. Mercier et qui n ' aura pas les inconvénients très gra-ves que je viens de signaler.

    Mme la présidente. Quel est l 'avis de la commission ?

    M. le président de la commission. M. de Moro-Giafferri vient de déposer, à titre personnel, un amendement tendant à sup-primer le deuxième alinéa de l 'article 1er. 11 a le droit de le défendre.

    M. Coste-Fioret. L'Assemblée, en ce mo-ment , est appelée à statuer, non pas sur l ' amendement de M, de Moro-Giafferi, mais sur la motion préjudicielle.

    Mme la présidente. L'Assemblée est sai-sie, en effet, d 'une motion préjudicielle présentée par M. le garde des sceaux. Ce n 'es t qu 'après avoir décidé sur celle-ci qu'elle pourra passer à l 'examen des arti-cles et, par conséquent, des amendements .

    La parole est à M. Mignot, pour répon-dre à M. le ministre .

    fô. Mignot. Mesdames, messieurs, j 'é tais inscrit dans la discussion générale de la proposition de loi qui nous est présentée.

    Oi, M. le garde des sceaux dépose une motion préjudicielle tendant au renvoi du texte à l ' examen de la commission afin de permettre à cette dernière d'envisager les solutions raisonnables qui pourraient être prises en la matière.

    Vous savez parfai tement qu 'en matière de loyers, la législation est très compli-quée "et que, lorsqu'on touche à ce do-maine, il faut le faire d 'une manière sure •pou-j ne pas créer des difficultés et mul-tiplier les procès, ce qui serait contraire aux intérêts tant des propriétaires que des locataires.

    Je ne discute pas la question sur 1e plan général, s 'agissant simplement de Ja motion préjudicielle. Je fais seulement remarquer à la commission que le texte qui nous est soumis est, au point de vue juridique, un monstre qui ferai t révolu-tion dans la législation sur les loyers et serait à l 'origine de nombreux ' procès entre locataires et propriétaires.

    Pourquoi est-ce un monstre ? En ce qui concerne l 'alinéa 1°, certains de nos col-lègues semblent être d'accord avec nous pour en demander la suppression, admet-tant ainsi, compte tenu des explications particulièrement per t inentes de M. le garde des sceaux, que la majorat ion pourrai t s 'appliquer aux baux et locations en cours.

    Mais l ' a rgument massue, à mon avis, est constitué par l 'article 10 de l 'ordon-nance du 28 juin 1915 qui prévoit, pour la première fois, la coopération entre tous les propriétaires, petits et grands, et même entre propriétaires et locataires pour amé-liorer l 'habitat ion.

    Il est nécessaire, au lendemain des épreuves que nous avons subies, à la fois de supprimer les taudis et de permettra de reconstruire. Si l 'Etat ne prend pas son rôle au sérieux en l 'occurrence, s'il ne coordonne pas les efforts à une époque où la construction n 'es t pas rentable, nos villes seront demain dans un état de dc-labrement lamentable.

    11 est donc certain que la suppression de l 'al inéa 1° s ' impose et, à cet égard, notre collègue M. de Moro-Giaiïerri para î t , également d'accord.

    J 'aborde la seconde question qui est plus épineuse. J 'entends bien que les au-teurs de la proposition de loi invoquent un argument qui n 'est pas dénué de va-leur. Ils prétendent qu'on consacre l'illé-galité et qu' i l serait illogique de donner une prime au propriétaire qui a violé la loi.

    Je suis tout à fait d'accord. Seulement, le texte qui vous est proposé ne vise pas la réparation d 'une injustice. C'est une sanction que l 'on demande contre le pro-priétaire.

    Or, on ne peut, légalement, demander , une sanction contre un propriétaire, étant donné que les prix pratiqués ont été décla-rés licites aux termes de la loi du 30 m a i 1943. C'est là toute la différence entre le point de vue de la commission et celui de M. le garde des sceaux.

    Je prie l 'Assemblée d 'examiner sérieu-sement cette question, car nous pourr ions peut-être arriver -à une solution que tout le monde pourrait adopter.

    En effet, je viens de le dire, ce que prévoit le texte, c'est une sanction con-tre le propriétaire, alors qu' i l m 'appara i t que c'est s implement l ' injust ice qui doit être réparée.

    La différence est la suivante, et je l'il-lustre d 'un exemple concret. Le montan t d 'un loyer est supérieur de 10 p. 100 au prix licite de 1914. D'après le texte qui nous est soumis, l 'augmentat ion de 30.p. 100 ne pourrait s 'appliquer. J 'est ime que c'est une sanction contre le proprié-taire, car il prive celui-ci de 20 p. 100 d 'augmentat ion. Ce serait, au contraire, réparer une injustice si, compte tenu du fait que le prix était supérieur de 10 p. 100 au prix licite, on ne lui permettait de l ' augmenter que de la différence, soit 20 p. 100.

    Je rejoins ainsi les explications données par M. le garde des sceaux. On ne peut plus, je l 'espère, dire maintenant que l 'on entérine des prix illicites et qu 'on donne ainsi une prime aux propriétaires qui ont violé îa loi.

    Voilà exactement comment se présente cette question. Je crois que les arguments de ceux qui ont proposé le texte en dis-cussion n 'ont plus aucune valeur. On n 'enregistre pas des prix illicites, on ne donne pas de prime aux propriétaires qui ont pratiqué de tels prix. Dans ces con-ditions, je me joins à ¡M. le garde des

  • sceaux pour demander le renvoi à la com-mission.

    Je ré pèle que, dan? son deuxième ali-néa, ce "texte 'est un monstre au point de vue ' ju r id ique . En effet, d 'abord, il reprend la notion du prix de base de 1014 que la loi du 30 mai. 1943 avait fait disparaître de notre législation.

    M. de Mcro-Gsafferrî. Pas du tout! M. fêignot. Cette loi a modifié et rem-

    placé l 'article 10 de la loi de 1026 qui prévoyait des paliers de majorat ions par rapport au prix de J9LL L'article 10 nou-veau de la loi de 1920. qui est en l'es-pèce la loi de 1943, ne tient plus compte de cette ba-e de 1914, parce que le légis-lateur a estimé qu'elle était véri tablement t rop ancienne, ef que. dans ces conditions, il était bien souvent difficile de la retrou-ver.

    Aussi, lorsque le texte qui nous est pro-posé au jourd 'hu i se réfère à nouveau aux prix de 1014, va-t-ii à r encon t re même de toute la législation en vigueur. . .

    M. Hamcn. A rencon t re de celle de Vi-eil y !

    M. Charges Bertoist. C'est la seule que vous connaissiez !

    Ma Législation de Vie-dry ou légis-lation actuelle,1" it est certain que nous sommes dans une situation de fait telle que le taux des loyers est bloqué à la date de 1953 et, si vous reprenez les prix de 19H, j 'a i le droit de dire que vous révo-lutionnez la législation actuelle, déjà bien trop compliquée.

    M. Sfamon. Vous demandez donc le main-tien de la législation de Vichy, établie à une époque où Je losalaire n 'avai t pas le droit de se défendre et où les propriétaires votaient des motions de félicitations à Pé-ta in !

    M. BiEgnst. Pourquoi voulez-vous que la législation de 1913 aille à r encon t r e de la loi de 1926 ? C'est vous qui le dites. Il y a peut-être des cas où le propriétaire a -exagéré et prat iqué des pr : x illicîies et je vous ai exposé là modification qu 'on pou-vait apporter à votre texte.

    Je demande de 'même à ceux qui sont compétents en matière de loyers de bien vouloir admettre que, du point de vue jur idique, ce texte est un monstre . C'est pourquoi j 'es t ime que son renvoi à. la com-mission s ' impose, pour permettre à cette dernière de l ' amender .

    11 est certain que ce texte tend à sanc-t ionner des cas où il est avéré que le propriétaire avait le droit de prat iquer des prix différents de ceux calculés d 'après les coefficients fixés.

    Je prends u n premier cas concret : la loi 'de 1920 a. prévu dans son article 10 que le propriétaire a le droit de justifier que le prix de 1914 n 'étai t pas lin prix nor-mal.

    Est-ce que les ailleurs de la proposition prévoient dans leur lexlc cette situation ? Nullement.

    Ainsi, le propriétaire qui a agi dans ce sens et qui a pratiqué un prix licite par rapport à la loi de 1926, va être piini par le texte qui vous est proposé, parce qu'il n 'aurai t pas respecté le prix de base de 1914.

    Je citerai encore le cas d 'un propriétaire qui a réalisé des améliorations, qui a l'ait, par exemple, installer l 'eau, le gaz, l'élec-tricité dep uis 1914. Il avait, dans ces con-ditions, d 'après le texte de la loi de 1926 maintenant abrogé, le droit de demander une expertise pour connaître la valeur localive exacte (les lieux par rapport à des locaux similaires et le pi ix qui" était alors

    fixé légalement par voie de justice pouvait être supérieur au prix majoré des coeffi-cients autorisés, par la loi de 1926.

    Ce cas est-il prévu dans le texte qui nous est présenté ? Certainement pas.

    Il y a, eniin, le cas — et il me paraît , qu? M. le rapporteur aurait pu s 'en aper-cevoir - - des locaux professionnels.

    Dans le Icxte de la loi de 1920. ces lo-caux n'étaient pas iariiés de la même ma-nière que lc< iocaux d'habitation, le coeffi-cient n'élait pas le même. Or, iis ne sont pas non plus visés dans la proposition de loi que nous discutons.

    Par le texte proposé on arrive ainsi à trouver illicite toute une série de prix qui étaient parfai tement licites au regard de la loi uo 1926. C'est pourquoi des exceptions doivent être faites et le texte qui nous est présenté doit être examiné de nouveau par rapport à la loi de 1926. J 'es t ime donc part iculièrement fondée la demande de M. le garde des sceaux ten-dant au renvoi à la commission, ce qui permett ra à cette dernière de rediscuter de la question. Je suis persuadé que le Gouvernement aura ainsi satisfaction et que la voix de la sagesse pourra s 'expri-mer.

    C'est pourquoi, compte tenu de ces explications purement juridiques, je sup-plia l 'Assemblée de prononcer l e ' r e n v o i de la proposition de loi à la comrpission, en vue d 'un nouvel examen. (Applaudis-sements à droite.)

    I». le présidant. La parole est h M. le pré-sident de la commission.

    M. le président de la commission. Je pen-sais qu 'à la suite d 'une conversation que je viens d'avoir avec M. le garde des sceaux, la situation était claire. La vérité est qu'elle l 'est moins que je le supposais.

    M. le garde des sceaux semblait "dispo-ser à retirer sa motion préjudicielle, à con-dition que l ' amendement qui vient d 'être déposé par M. de Moro-Gafferri fû t accepté. Cet amendement tend à supprimer le pa-ragraphe de l 'article 1er qui est ainsi conçu: « 1° Aux baux écrits ou locations verbales en cours; ».

    Le seul fait que M. de Moro-Giafferri ait déposé ce texte m 'amène à constater que, sur ce point, la majori té de la commission, à la suite des discussions qui ont eu lieu dans son sein, était de son avis. Il sem-

    blait. donc que cet amendement serait ac-cepté par l 'Assemblée. Ainsi, la motion préjudicielle de M. le garde des sceaux étant retirée, il n ' y aurait plus eu lieu de renvoyer la proposition de loi, ni à la com-mission des linances dont le droit d'exa-men a été invoqué, ni à la commission de la justice. Et, sur le reste de la proposi-tion, l 'Assemblée aurait pu se prononcer immédiatement .

    Or, maintenant , la situation est moins claire. En effet, XM. le garde des sceaux vient de me déclarer qu 'à son avis, certai-nes réserves s ' imposaient encore sur le paragraphe 2° de l 'article 1er, Je dois donc lui laisser le soin de précf-cr sa pensée et d'éclairer ainsi l 'Assemblée.

    Je répète qu 'au cas où l ' amendement de M. do Moro-Giafîerri serait accepté, l'As-semblée pourrait se prononcer immédiate-ment sur le reste de la proposition. Cette façon de procéder permettrai t sans doute d 'aboutir .

    Mme la présidente. Monsieur le garde des sceaux, retirez-vous votre demande de renvoi ?

    le garde des sceaux. Voici comment se pose la question. Je vais essayer d 'être aussi clair que possible, pour éviter toute confusion.

    Nous nous t rouvons en présence d 'un texle qui comporte un aliné^ i° et un

    alinéa 2°, sur lesquels j 'a i présenté observations.

    J 'ai demandé le renvoi de l 'alinéa ¡pour avis, à la commission des f inances. . .

    M. le président de la conrsmîssïcm. Cela n'est pas possible.

    M. f¿ garde des sceaux. . . .puisqu'il s 'agi t d 'une disposition qui aboutit à priver un établi-semont public de recettes qui. jus-que-là, lui étaient garanties par la loi.

    Je vous ai dit tout à l 'heure qu'il exis-tait, aux termes de l 'ordonnance de ju in 1915, une caisse nationale d 'entret ien et d'amélioration de l 'habitat , qui constitue un établissement public dont, aux ternies de la loi, le Jinancement est assuré par un prélèvement sur les majorat ions.

    Si donc vous supprimez ces majorat ion?, cette caisse n 'a plus les recettes publ iques qui, jusque là, lui étaient assurées, et l 'Assemblée ne peut statuer sur cette ques-tion qu 'après avis de la commission des finances.

    Si la commission, constatant que sa •majorité a changé, ne s 'oppose pas à l 'adoption de l ' amendement de M., de Moro-Giafferri tendant à la suppression cîe l 'alinéa l°v l 'avis de la commission des finances sera inutile et je ret irerai m a motion préjudicielle.

    Ite-te l 'alinéa 2°, sur lequel j 'a i égale-ment présenté des observations, "'que j ' abandonne à l 'appréciation de la com-mission. Cciie-ci doit constater que m£3 observations s ' imposent de toute évidence, au moins sur un point, à savoir qu'il y a contradiction entre le rapport et le texte.

    Ce dernier rencontre une objection t rès grave, à savoir qu'il aboutit à soustraire au régime des majorat ions la partie même du loyer qui e

  • la commiss ion est p rê le à su ivre no i re col-lé mie.

    f¥L Pierre André. Mai,- non , M. de Moro-Ciaiierj ' i a dit qu ' i l déposait cet a m e n d e -m e n t en son nom pe r sonne l .

    M. le garde des su-eaux. La commiss ion , coii- lal . int que sa m a j o r i t é a changé , et p r e n a n t r e n g a g e m e n t , par la voix de son p rés iden t —"qu i est lié par la décision de la ma jo r i t é de la commiss ion — de ne pas s ' oppose r à l ' a m e n d e m e n t d'e M. de Moro-Giaiïorri , je re t i re ma d e m a n d e de renvoi à la commiss ion des f inances pour ce qui concerne l ' a l inéa l01'.

    M. Se p r e s s e n t de Sa commiss ion . Volons alors -sur l'a mend.cmeci t.

    là. Mîgnot. Quelle en est la t e n e u r ? On ne nous en a pas donné connais -

    sance . Ms^e la p rés iden te . L'A-s emblée ne peut

    ê t re appelée à se p rononcer en ce m o m e n t su r l ' a m e n d e m e n t dépose par M. Moro-Giafferr i p u i s q u e la d iscuss ion généra le n ' e s t pas encore close.

    P o u r le m o m e n t , je p rends acte que la mot ion pré judic ie l le p résen tée par M. le ga p de des sceaux est re t i rée .

    La parole est à M. Minjoz dans la dis-cuss ion géné ra l e .

    M. Minjoz. Mesdames, m e s s i e u r s , pe rme t -tez-moi de p résen te r que lques b rèves ob-se rva t i ons au n o m du g roupe social is te . Ce qui n o u s a f r appés , avan t tout , c 'est q u e la d i sposb ion qu i vous est p ré sen tée doi t être d 'o rd re e s sen t i e l l ement tech-n i q u e .

    Nous vou lons , en effet , q u ' u n e telle o p -pos i t i on n ' a i t q u ' u n seul b u t : p e r m e t t r e l ' é q u i t é , en év i t an t ; d ' u n e par t , que cer-t a i n s p ropr ié t a i r e s a ient une s i tua t ion a v a n t a g é e par r appor t aux au t res , et que , d 'autre" par t , ce r ta ins locata i res , au con-2aire, no soient dé favor i sés et obligés de p a y e r des a u g m e n t a t i o n s tout à fai t in-j u s t e s .

    P a r m i les obse rva t ions p résen tées pa r •M. le g i r d : des sceaux , il crf est qui nous s o n t a p p a r u e s fondées , et j ' a i en t endu au-t o u r de moi des col lègues déclarer que , si elles ava ien t été appor t ées devan t la c o m m i s s i o n de la j u s t i ce , le texte qui n o u s est soumis c ù f é l é réd igé a u t r e m e n t .

    C'est donc que que lque chose doit être modif ié , et je pense que nous devons dire f r a n c h e m e n t ce que nous voulons les uns et les au t r e s .

    Ce que nous vou lons — pe r sonne ne le con tes t e ra — c 'est que les locataires qui , p o u r les ra i sons indiquée*, ont été obl igés de payer , eu 1C13._ un loyer tout à fai t exagéré , tout à fait illicite, ne so ien t pas encore cont ra in t s , a u j o u r d ' h u i , de sub i r u n e nouvel le a u g m e n t a i ion, de 30 ou 15 p. 100 su ivan t les i m m e u b l e s .

    Mais nous ne vouions pas — et nous , socia l is tes , nous le disons très n e t t e m e n t •— que les d isposi t ions qui se ron t vo tées a u j o u r d ' h u i pu i s sen t nu i re à la caisse de F j i ab i i a t , et e m p ê c h e r d'envi-sager d ' u n e façon généra le le r è g l e m e n t du p rob l ème du logement .

    Nous ne vou lons pas non p lus qu ' on abou t i s se à ce r é su l t a t que des m a j o r a -tions, qui sont dues , su r lesquel les les pe-t i t s p ropr ié ta i res , que nous d é f e n d o n s (ga-i e m e n t , ont le droit de compte r , ne puis-s e n t pas s ' app l ique r . En effet , l o r sque M. le garde des sceaux nous d i t : « Si vous p r e n e z un loyer licite, la m a j o r a t i o n s 'an-p i i q u e r a , ma i s si vous prenez un loyer illi-cite, il n ' y aura plu • du tout de m a j o r a -tion », ii y a là que lque chose, vous l e ' s e n -te:, b ien , men chers col lègues, qui ne joue pas. I f f su f ï i r a de mod i f i e r ce po in t .

    Non ; p o u r r i o n s proposor im amende -m e n t en séance , ma i s je cra ins que si nous p rocéd ions a ins i , à l ' i n s t an t , dans u n e dis-

    cussion confueo, n o u s n ' abou t i s s ions à des cont radic t ions < e m m e celtes auxuueJ les

    . nous s o m m e s a r r ivés — je le dis t rès ne ' -t emen t — lors de 'a d i scuss ion de la loi sur la p ropr ié té commerc ia le . [ira; Lien! très trien!)

    Voilà pourquo i je voue; domando , n o n pas dans le bu t d 'en Ici rer le p ro je t — je lions à le s '-gna'cr. . .

    M. André Le Troquer. Au cont ra i re 1 M. Mi«;3z . . .que la e o m m ' s ^ o n de la jus -

    tice se r éun i s se , non pas ce m a t i n car il £¿1 déjà tard, mais cet apríV-inldi ou de-main "matin au p ' u s la id pour que \ e n -dredi m a t i n nous puiss ions , au débu t de la séance , r e p i e n d r e la dis uiss ion. (Ap-plaudisse moni