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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 679—684 ARTICLE ORIGINAL Asthme et tuberculose : association bénéfique ou maléfique ? Tuberculosis in patients with asthma L. Fekih , L. Boussoffara, M. Jemaa, S. Fenniche, H. Hassene, D. Belhabib, M.L. Megdiche Service de pneumologie Ibn nafiss, hôpital Abderrahmen Mami, Ariana, Tunisie Rec ¸u le 7 septembre 2009 ; accepté le 3 d´ ecembre 2009 Disponible sur Internet le 2 aoˆ ut 2010 MOTS CLÉS Tuberculose ; Asthme ; Contrôle ; Traitement antituberculeux ; Évolution Résumé Introduction. — L’association de l’asthme et de la tuberculose pulmonaire suscite un intérêt particulier du fait des problèmes de prise en charge thérapeutique. Patients et méthodes. — Étude rétrospective concernant sept patients asthmatiques, hospita- lisés pour tuberculose pulmonaire pendant la période allant de juin 2001 à juin 2006. Résultats. — Il s’agit de cinq hommes et deux femmes. L’âge moyen était de 37ans. Deux malades avaient un asthme persistant léger, quatre malades un asthme persistant modéré et un dernier avait un asthme persistant sévère corticodépendant. Au moment du diagnostic de la tuberculose pulmonaire, quatre patients uniquement avaient un asthme contrôlé. Tous ces patients asthmatiques ont présenté une tuberculose pulmonaire commune bacillifère. Au cours du traitement antituberculeux, deux malades avaient développé un asthme aigu grave. L’évolution à long terme est marquée par une stabilité de la maladie asthmatique pour tous les patients avec un recul de trois à huit ans. Conclusion. — L’association entre asthme et tuberculose pose des problèmes thérapeutiques, du fait des interactions médicamenteuses des antituberculeux avec les médicaments de l’asthme. Cependant, la tuberculose peut contribuer à la stabilité et au contrôle de l’asthme dans les années suivant sa guérison. © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Tuberculosis; Asthma; Summary Introduction. — The association of asthma and tuberculosis is rare but may raise particular issues around patient management. The aim of this study was to evaluate the clinical, therapeutic and progress of this association. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Fekih). 0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2010.06.010

Asthme et tuberculose : association bénéfique ou maléfique ?

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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 679—684

ARTICLE ORIGINAL

Asthme et tuberculose : association bénéfique oumaléfique ?

Tuberculosis in patients with asthma

L. Fekih ∗, L. Boussoffara, M. Jemaa, S. Fenniche,H. Hassene, D. Belhabib, M.L. Megdiche

Service de pneumologie Ibn nafiss, hôpital Abderrahmen Mami, Ariana, Tunisie

Recu le 7 septembre 2009 ; accepté le 3 decembre 2009Disponible sur Internet le 2 aout 2010

MOTS CLÉSTuberculose ;Asthme ;Contrôle ;Traitementantituberculeux ;Évolution

RésuméIntroduction. — L’association de l’asthme et de la tuberculose pulmonaire suscite un intérêtparticulier du fait des problèmes de prise en charge thérapeutique.Patients et méthodes. — Étude rétrospective concernant sept patients asthmatiques, hospita-lisés pour tuberculose pulmonaire pendant la période allant de juin 2001 à juin 2006.Résultats. — Il s’agit de cinq hommes et deux femmes. L’âge moyen était de 37 ans. Deuxmalades avaient un asthme persistant léger, quatre malades un asthme persistant modéréet un dernier avait un asthme persistant sévère corticodépendant. Au moment du diagnosticde la tuberculose pulmonaire, quatre patients uniquement avaient un asthme contrôlé. Tousces patients asthmatiques ont présenté une tuberculose pulmonaire commune bacillifère. Aucours du traitement antituberculeux, deux malades avaient développé un asthme aigu grave.L’évolution à long terme est marquée par une stabilité de la maladie asthmatique pour tous lespatients avec un recul de trois à huit ans.Conclusion. — L’association entre asthme et tuberculose pose des problèmes thérapeutiques, dufait des interactions médicamenteuses des antituberculeux avec les médicaments de l’asthme.Cependant, la tuberculose peut contribuer à la stabilité et au contrôle de l’asthme dans lesannées suivant sa guérison.© 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSTuberculosis;Asthma;

SummaryIntroduction. — The association of asthma and tuberculosis is rare but may raise particular issuesaround patient management. The aim of this study was to evaluate the clinical, therapeuticand progress of this association.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Fekih).

0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rmr.2010.06.010

680 L. Fekih et al.

Controlled;Antituberculosistreatment;Evolution

Patients and methods. — We describe a retrospective study, which included seven asthmaticpatients hospitalized for pulmonary tuberculosis during the period between June 2001 andJune 2006.Results. — Five men and two women were included. Mean age was 37 years. Two patients hadmild asthma, four had moderate asthma and one had severe and corticosteroid-dependantasthma. Only four patients had controlled asthma when tuberculosis diagnosis was established.Asthma treatment was based on inhaled corticoids and long-acting beta-2-agonists. During anti-tuberculosis treatment two patients developed near fatal asthma. Long-term stable asthmacontrol was achieved over a time course of 3 to 8 years.Conclusion. — The association of asthma and tuberculosis can lead to potential therapeuticdifficulties because of pharmacologic interactions between antituberculosis therapies and treat-ments for asthma treatment. In addition asthma following treatment for tuberculosis appearsto be well controlled.© 2010 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

’association asthme et tuberculose est rare. Cette asso-iation mérite une attention particulière car l’infection

Mycobacterium tuberculosis semble induire, par unécanisme immunoallergique, une réduction du risque de

urvenue d’asthme ou une atténuation de ses manifesta-ions [1]. Par ailleurs le traitement antituberculeux peutnterférer avec le métabolisme hépatique des corticoïdes,ompliquant ainsi la prise en charge des patients corticodé-endants [2].

L’objectif de cette étude est d’exposer le mécanismemmunoallergique intervenant dans l’association entresthme et tuberculose et de décrire le profil clinique desatients présentant cette association tout en précisant lesodalités thérapeutiques et évolutives des asthmatiques

uberculeux.

atients et méthodes

’est une étude rétrospective concernant tous les patientssthmatiques et tuberculeux hospitalisés dans le servicee pneumologie Ibn Nafiss de l’hôpital Abderrahmen Mamie l’Ariana, durant la période allant de juin 2001 à juin006. Parmi ces patients seulement sept patients ontté colligés pour association d’asthme et de tuberculoseulmonaire.

ésultats

urant la période s’étalant de juin 2001 à juin 2006,300 patients ont été hospitalisés pour asthme et02 patients ont été hospitalisés pour tuberculose pul-onaire. L’âge médian des sept patients colligés pour

ssociation d’asthme et tuberculose pulmonaire durantette période était de 37 ans. Tous ces sept patients avaient

té vaccinés par le BCG. Trois des sept patients avaient unsthme contrôlé sous corticoïdes inhalés à dose moyennessociés à la théophylline. Un patient était sous théophyllineeule. Deux patients avaient un asthme intermittent légerécessitant des �2-mimétiques à courte durée d’action à

rClap

a demande. Une patiente présentant un asthme sévèreersistant était sous corticoïdes inhalés à forte dose et sousrednisone per os au long cours. Les différents stades de’asthme ont été résumés dans le Tableau 1. Durant l’annéeyant précédé l’épisode de tuberculose pulmonaire, leseux patients ayant un asthme persistant léger ont présenténe exacerbation, les quatre patients ayant un asthme per-istant modéré ont présenté deux épisodes d’exacerbationt la patiente ayant un asthme persistant sévère a présentérois épisodes d’exacerbation dont un asthme aigu grave.es sept patients asthmatiques ayant présenté une tuber-ulose pulmonaire représentaient 0,3 % de l’ensemble dessthmatiques au cours de la période s’étalant de juin 2001 àuin 2006. Les sept malades atteints de tuberculose pulmo-aire confirmée par la recherche de BAAR dans les crachatsnt été traités selon le protocole national par isoniazide,ifampicine, pyrazinamide et streptomycine pendant deuxois, puis isoniazide et rifampicine pendant quatre mois.u cours du traitement antituberculeux, deux maladesvaient développé un asthme aigu grave, un de ces maladesvait un asthme sévère nécessitant une corticothérapie paroie générale. Malgré la survenue d’un asthme aigu gravehez ces deux patients, le traitement antituberculeux n’aas été modifié. L’évolution à long terme était marquéear une stabilité de la maladie asthmatique avec absence’exacerbations. En effet, aucun de ces sept patients n’até hospitalisé pour crise d’asthme et cela avec un recul derois à huit ans par rapport à la guérison de la tuberculoseulmonaire. Les observations ont été résumées dans laableau 2.

iscussion

a tuberculose constitue un problème majeur de santéublique à l’échelle mondiale ; en Tunisie, une baisse’endémicité a été constatée au cours des 30 dernièresnnées. La dépression immunitaire est un des facteurs de

isque les plus importants de survenue d’une tuberculose.ette dépression immunitaire peut se voir au cours de

’infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH),u cours du diabète ou lors d’un traitement par immunosup-resseurs ou corticothérapie par voie générale.

Asthme et tuberculose 681

Tableau 1 Stades de sévérité de la maladie asthmatique.

Symptômes diurnes Symptômes nocturnes DEP ou VEMS/variabilité du DEP (%)

Intermittent 1 fois/semaine ≤ 2 fois/mois ≥ 80Asymptomatique < 20

Persistant léger ≥ 1 fois/semaine mais < 1 fois/j > 2 fois/mois ≥ 80Activité normale 20 à 30

Persistant modéré Quotidiens > 1 fois/semaine 60 à 80Activité perturbée < 30

Persistant sévère Permanents Fréquents ≤ 60Activité limitée > 30

mum

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DEP : débit expiratoire de pointe ; VEMS : volume expiratoire maxi

Les corticoïdes par voie systémique ont, en plus deleur action anti-inflammatoire, une action immunosup-pressive. L’immunosuppression induite par les corticoïdesporte essentiellement sur l’immunité cellulaire. Quand elleest brève, l’immunosuppression entraîne une séquestrationtransitoire des lymphocytes T notamment CD4+ ; si elleest prolongée, elle peut entraîner une lymphopénie mar-quée et/ou une hypogammaglobulinémie qui expose auxinfections [5]. Ces effets sur le système immunitaire per-mettent d’expliquer le risque accru à toutes les infectionsen particulier à la tuberculose. L’immunosuppression, quellequ’en soit la cause, modifie le profil évolutif de la tubercu-lose en altérant les mécanismes de lutte anti-infectieuseaugmentant ainsi le risque de réactivations à partir d’uneinfection primaire. Ce risque augmente dès qu’on utilisedes doses quotidiennes de 15 mg d’équivalent prednisonesur des durées supérieures à quatre à six semaines [6]. Lerisque semble augmenter aussi avec la dose cumulée et ladose moyenne journalière pendant la première année, avecla durée totale du traitement, et avec l’utilisation ou nonde bolus de corticoïdes [5]. Inversement plusieurs études[7] s’accordent sur le fait que la corticothérapie inhalée nesemble pas influencer la survenue de tuberculose pulmo-naire. Les cas de tuberculose rapportés dans la littératurechez des patients traités par des corticoïdes inhalés sontrares [8].

Les antituberculeux majeurs à savoir la rifampicineet l’isoniazide peuvent aggraver la maladie asthmatique.Udwadia et al. [9] rapportent le cas d’un patient asth-matique corticodépendant qui a été mis sous trithérapieantituberculeuse (isoniazide, rifampicine et éthambutol) ;quatre jours après, il a présenté un asthme aigu graveayant nécessité sa mise sous fortes doses de corticoïdeset le recours à la ventilation mécanique. Trois joursaprès l’arrêt des antituberculeux, le patient a rapidementrécupéré. La rifampicine, inducteur enzymatique et hépa-totoxique, interagit avec le métabolisme des corticoïdeschez l’asthmatique corticodépendant. En cas de tuberculosesurvenant chez des patients bénéficiant d’une corticothé-rapie par voie générale, une majoration de la posologie

de la prednisone serait donc souvent nécessaire. En effet,la rifampicine entraîne une diminution de la concentrationet de la demi-vie plasmatique de la prednisolone dont labiodisponibilité est réduite de moitié et la clearance aug-mentée [10] ; cet effet est précoce, il devient significatif

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minute.

ès le cinquième jour et atteint un plateau vers le 15e

our, sans modification du volume de distribution ou de laxation protéique. En plus de son rôle d’inducteur enzyma-ique, la rifampicine se fixe in vitro sur le récepteur auxlucocorticoïdes, récepteur qui régule l’expression de nom-reux gènes dont ceux qui codent pour les interleukines [10].u fait d’une forte affinité spécifique pour ce récepteurux glucocorticoïdes, la rifampicine est capable de dimi-uer la fixation de la dexaméthasone sur son récepteur,oire de la déplacer de son récepteur, cela est à l’origine’une réduction de son activité comme en témoigne la baisse’expression de l’interleukine 2 [11].

L’isoniazide est un antituberculeux majeur, hépa-otoxique et peut interagir avec le métabolisme delusieurs médicaments. La responsabilité de l’isoniazideans l’aggravation de l’asthme a été rapportée par Polosa etl. [12] qui décrivent le cas d’un enfant de dix ans, atteint’un asthme corticodépendant et chez qui une chimiopro-hylaxie à base d’isoniazide a été instaurée devant la notione contage tuberculeux. Dix jours plus tard, le patient arésenté une aggravation de son asthme avec augmenta-ion de la fréquence des crises nécessitant des doses plusortes de corticoïdes. À l’arrêt de l’isoniazide la maladiesthmatique s’est progressivement stabilisée. À travers leurbservation, les auteurs [12] expliquent cette aggravationar le fait que l’isoniazide, connu pour avoir une toxicitéeurologique, pourrait interagir avec le tonus bronchomo-eur des bronches aggravant ainsi la bronchoconstrictionetrouvée dans l’asthme. D’autres études [13] ont montréu’une sensibilisation à l’isoniazide peut apparaître suite àa prise par voie orale, entraînant la formation d’IgE spéci-ques anti-isoniazides. L’isoniazide se comportant commeaptène entraîne une réaction d’hypersensibilité de type, responsable de symptômes d’asthme. Dans notre série,’asthme aigu grave noté dans l’observation no 3 pourraittre expliqué par les effets concomitants de la rifampicinet de l’isoniazide en cas d’asthme corticodépendant.

La théophylline continue à être prescrite dans notreays chez les patients qui ne peuvent, faute de moyens,énéficier d’un �2-mimétique de longue action par voie

nhalée. Elle est métabolisée par le foie et son éliminationeut être affectée par les médicaments qui interagissentvec les enzymes microsomiaux du foie. La rifampicine et’isoniazide interagissent différemment avec le cytochrome450-1A2, qui constitue le principal isoenzyme intervenant

682L.

Fekihet

al.

Tableau 2 Aspects cliniques et évolutifs des sept patients.

Malade Âge (ans) Sexe Anciennetéasthme(étiologie)

GINA 2002[3]

GINA 2006 [4] Traitement defond de l’asthme

Évolution de l’asthmeau cours du traitementantituberculeux

Évolution de latuberculosepulmonaire

Recul(ans)

No 1 50 Masculin 14 ans(allergique)

Persistantléger

Contrôlé Corticoïdesinhalés

Contrôlé Guérie6 mois

8

No 2 34 Masculin 16 ans(allergique)

Persistantmodéré

Non contrôlé Corticoïdes inha-lés + théophylline

Contrôlé Guérie6 mois

7

No 3 38 Féminin 10 ans(allergique)

Persistantsévère

Non contrôlé Corticoïdes inha-lés + corticoïdesoraux

Asthme aigu graveaprès 4 mois puiscontrôlé

Guérie6 mois

4

No 4 26 Masculin 5 ans(allergique)

Persistantléger

Contrôlé Corticoïdesinhalés

Contrôlé Guérie6 mois

4

No 5 48 Masculin 8 ans(reflux gastro-œsophagien)

Persistantmodéré

Non contrôlé Corticoïdesinhalés + ß2-mimétiquesLongue action

Contrôlé Guérie6 mois

7

No 6 35 Masculin 27 ans(allergique)

Persistantmodéré

Contrôlé Corticoïdesinhalés + ß2-mimétiquesLongue action

Asthme aigu graveaprès 4 mois puiscontrôlé

Guérie6 mois

2

No 7 28 Féminin 16 ans(allergique)

Persistantmodéré

Contrôlé Corticoïdesinhalés + ß2-mimétiquesLongue action

Contrôlé Guérie6 mois

6

GINA : Global Initiative for Asthma.

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the prevalence of symptoms of asthma, rhinitis, and eczema.

Asthme et tuberculose

dans le métabolisme de la théophylline ; la rifampicineentraîne son induction, d’où une diminution de la théo-phyllinémie, donc une inefficacité thérapeutique [14].Contrairement à la rifampicine, l’isoniazide entraîne soninhibition, d’où une augmentation de la concentration de lathéophylline pouvant aboutir à une toxicité [15]. Samigun etal. [16] ont montré que la coadministration de l’isoniazide etde la rifampicine diminue de facon significative la clearancede la théophylline, aussi bien chez les acétyleurs lents querapides ; il semble donc que le métabolisme de la théophyl-line soit plus affecté par l’isoniazide que par la rifampicine.Les effets de l’éthambutol et du pyrazinamide sur la phar-macocinétique de la théophylline demeurent inconnus [15].Les résultats des différentes études menées sur l’associationdes combinaisons d’antituberculeux avec la théophyllinesuggèrent qu’il faut surveiller la théophyllinémie pour pou-voir l’ajuster [15].

L’augmentation de la prévalence des maladies aller-giques, comme la rhinite, la conjonctivite et l’asthme, nepeut être expliquée uniquement par l’exposition de plusen plus importante aux allergènes et à la pollution atmo-sphérique [17]. L’absence d’exposition pendant l’enfanceà des infections, comme la tuberculose, la diphtérie ou larougeole, pourrait aussi expliquer l’expansion des maladiesallergiques [18]. Le rôle protecteur de l’immunité antituber-culeuse sur la survenue d’un asthme ou d’une manifestationatopique serait basé sur deux arguments :• un premier argument épidémiologique fondé essentiel-

lement sur les résultats des études ISAAC 1 et ISAAC 2.L’étude ISAAC 1 [19] portait sur 235 477 enfants âgés de13 à 14 ans ayant utilisé le questionnaire InternationalStudy of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC). Il aété ainsi retenu une corrélation inverse entre l’incidencede la tuberculose pulmonaire et la survenue ultérieured’une maladie asthmatique. L’étude ISAAC 2 [20] avaitinclus deux groupes d’enfants de six à sept ans et de 13 à14 ans provenant de 38 à 55 pays différents. Les résultatsà travers le questionnaire ISAAC ont permis de conclureà une corrélation inverse entre l’infection tuberculeuseet la survenue d’asthme beaucoup plus significative pourle groupe d’enfants de six à sept ans. De ce point devue épidémiologique la suspicion d’un effet protecteur del’immunité antituberculeuse vis-à-vis d’un asthme ulté-rieur s’est basée aussi sur les résultats d’autres études,dont l’étude internationale multicentrique réalisée surprès de 250 000 enfants européens, américains, cana-diens, australiens et néo-zélandais qui a montré que lesantécédents de la tuberculose diminuaient de facon signi-ficative le risque d’asthme à l’adolescence, en revanchela prévalence des autres affections allergiques (derma-tite atopique, rhinite et rhinoconjonctivite) n’était pasaffectée [21]. Une autre étude transversale ayant étudiée337 enfants d’un pays de forte prévalence de tuberculose(Afrique du Sud) utilisant le questionnaire ISAAC a trouvéune corrélation inverse entre réaction tuberculinique etprévalence d’une rhinite présumée allergique [22] ;

• un second argument physiopathologique est basé surles lymphocytes Th1. En effet, l’effet protecteur de la

tuberculose sur l’asthme pourrait résulter d’une forteimmunisation de type Th1 au niveau du système respi-ratoire [1], mais il pourrait résulter aussi d’une actiondes traitements antituberculeux sur le système immuni-

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taire. À travers une étude ayant revu les dossiers de sixpatients atteints de tuberculose, les auteurs ont concluque la majorité des clones de lymphocytes T spécifiquesdes antigènes tuberculeux, initialement de type Th0 (pro-ducteurs à la fois d’IL-4 et d’IFN-�), se transformenten lymphocytes de type Th1-prédominant (producteursd’IFN-�, mais pas d’IL-4) concomitamment au traitementantituberculeux. Cependant, si les antigènes tuberculeuxexercent un effet protecteur vis-à-vis du risque atopique,cet effet ne semble pas être corrélé avec la réactivitécutanée à la tuberculine [23]. En effet dans une étudeayant porté sur près de 750 enfants turcs vaccinés parle BCG, la fréquence des tests à la tuberculine fran-chement positifs, légèrement positifs et négatifs a étésensiblement identique chez les enfants atopiques et nonatopiques [24]. De plus, dans une étude ayant portésur près de 600 jeunes adultes norvégiens vaccinés parle BCG, Omenaas et al. [25] ont montré qu’il n’existeaucune relation significative entre la réactivité cutanéeà la tuberculine et l’atopie, appréciée sur le taux des IgEsériques totales et le degré de positivité des RAST auxallergènes courants.

Pour réduire le risque d’asthme, certains auteurs se sontntéressés à la possibilité de fabriquer un vaccin à base duCG, puisqu’il a été démontré que l’administration intraasale de BCG chez l’animal entraîne un effet protecteuris-à-vis d’une réaction inflammatoire de type allergiquenduite expérimentalement [26], mais cela ne pouvait êtreroposé à l’homme. L’utilisation de BCG tués par la cha-eur et injectés par voie sous-cutanée diminue l’afflux’éosinophiles lors d’une réaction allergique induite expéri-entalement [27], mais il entraîne chez l’homme des effets

econdaires. Les résultats de l’utilisation d’une vaccinationntituberculeuse en prévention de l’asthme restent déce-ants [28].

onclusion

’association entre asthme et tuberculose est rare, mais elleuscite un intérêt particulier puisque, d’une part, des diffi-ultés de prise en charge thérapeutique pourraient se voirors de cette association et, d’autre part, la tuberculoseourrait contribuer au contrôle de l’asthme à long terme.es études prospectives à large échelle seraient nécessairesfin de mieux apprécier ces effets.

onflit d’intérêt

es auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt.

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