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Chapitre 6 Intervention de l’Etat et justice sociale Ce que dit le programme INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES : S’interroger sur les fondements des politiques de lutte contre les inégalités en les reliant à la notion de justice sociale e t rappeler à ce propos que toute conception de la justice doit répondre à la question : « L'égalité de quoi ? ». Distinguer égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances. Préciser qu'il n'y a pas lieu d'opposer les notions d'égalité et d'équité. Pour cela, on montrera que le degré d'égalité est un fait et peut se mesurer alors que l'équité, qui renvoie au sentiment de ce qui est juste ou injuste, est un jugement qui se fonde sur un choix éthique ou politique sous-tendu par un système de valeurs. Analyser les principaux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale : fiscalité, redistribution et protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations. Montrer que l'action des pouvoirs publics s'exerce sous contrainte et qu'elle fait l'objet de débats quant à son efficacité et aux risques de désincitation et d'effets pervers. NOTIONS : Egalité, équité, discrimination, méritocratie, assurance/assistance, services collectifs, fiscalité, prestations et cotisations sociales, redistribution, protection sociale. Acquis de première : Etat-providence, prélèvements obligatoires, revenus de transfert. DEFINITIONS DES NOTIONS A CONNAITRE POUR CE CHAPITRE NPT (notions programme de terminale). NPP (notions programme de première). NC (notions complémentaires à connaître). Assurance/assistance (NPT) : L’assurance sociale protège les cotisants contre une perte de revenu liée à la réalisation d’un risque social. Les travailleurs (et leurs employeurs) versent des cotisations qui ouvrent droit à des prestations si certains risques se réalisent. C’est le rapport au travail qui fonde la protection. L’assistance accorde aux plus démunis un minimum de ressources même s’ils n’ont pas cotisé. Chaque citoyen contribue par l’impôt selon ses facultés au financement et les prestations sont versées selon les besoins des individus indépendamment de leur effort contributif. C’est le rapport à la nation qui fonde la protection. Cotisations sociales (NPT) : Ensemble des versements que les individus et leurs employeurs effectuent aux administrations de sécurité sociale et aux régimes d’assurance chômage. Discrimination (NPT) : Différence de traitement en raison d’un critère prohibé par la loi, comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique ou sociale, la préférence sexuelle, le handicap ou encore l’apparence physique. Discrimination positive (NC) : On définira l’action positive comme un traitement préférentiel volontairement accordé aux membres d’une minorité traditionnellement désavantagée afin de compenser les désavantages associés à cette appartenance Egalité (NPT) : Egalité des droits (NC) : situation dans laquelle ce qui est légalement possible pour un individu doit l’être pour t ous les autres. Egalité des chances (NC) : situation qui permet à tous les individus de disposer des mêmes chances d’accès aux différentes professions et positions sociales, indépendamment de leur sexe, de leur religion, de leur origine sociale, etc. Egalité des situations (dite aussi égalité réelle) (NC) : situation dans laquelle les individus disposent d’un même accès effectif à une ressource socialement valorisée. Equité (NPT) : Jugement sur ce qui est juste ou injuste qui se fonde sur un choix éthique ou politique sous-tendu par un système de valeurs. Etat-Providence (NPP) : Au sens strict intervention de l’Etat dans le domaine de la protection sociale. Au sens large, toute intervention de l’Etat visant à garantir le progrès économique et social. Fiscalité (NPT) : ensemble des pratiques de perception des prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales).

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Chapitre 6 Intervention de l’Etat et justice sociale

Ce que dit le programme INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES :

S’interroger sur les fondements des politiques de lutte contre les inégalités en les reliant à la notion de justice sociale et

rappeler à ce propos que toute conception de la justice doit répondre à la question : « L'égalité de quoi ? ».

Distinguer égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances.

Préciser qu'il n'y a pas lieu d'opposer les notions d'égalité et d'équité. Pour cela, on montrera que le degré d'égalité est un

fait et peut se mesurer alors que l'équité, qui renvoie au sentiment de ce qui est juste ou injuste, est un jugement qui se

fonde sur un choix éthique ou politique sous-tendu par un système de valeurs.

Analyser les principaux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale : fiscalité,

redistribution et protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations.

Montrer que l'action des pouvoirs publics s'exerce sous contrainte et qu'elle fait l'objet de débats quant à son efficacité et

aux risques de désincitation et d'effets pervers.

NOTIONS : Egalité, équité, discrimination, méritocratie, assurance/assistance, services collectifs, fiscalité, prestations et cotisations sociales, redistribution, protection sociale. Acquis de première : Etat-providence, prélèvements obligatoires, revenus de transfert.

DEFINITIONS DES NOTIONS A CONNAITRE POUR CE CHAPITRE

NPT (notions programme de terminale). NPP (notions programme de première). NC (notions complémentaires à connaître).

Assurance/assistance (NPT) :

L’assurance sociale protège les cotisants contre une perte de revenu liée à la réalisation d’un risque social. Les travailleurs (et leurs employeurs) versent des cotisations qui ouvrent droit à des prestations si certains risques se réalisent. C’est le rapport au travail qui fonde la protection.

L’assistance accorde aux plus démunis un minimum de ressources même s’ils n’ont pas cotisé. Chaque citoyen contribue par l’impôt selon ses facultés au financement et les prestations sont versées selon les besoins des individus indépendamment de leur effort contributif. C’est le rapport à la nation qui fonde la protection.

Cotisations sociales (NPT) : Ensemble des versements que les individus et leurs employeurs effectuent aux administrations de sécurité sociale et aux régimes d’assurance chômage. Discrimination (NPT) : Différence de traitement en raison d’un critère prohibé par la loi, comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique ou sociale, la préférence sexuelle, le handicap ou encore l’apparence physique. Discrimination positive (NC) : On définira l’action positive comme un traitement préférentiel volontairement accordé aux membres d’une minorité traditionnellement désavantagée afin de compenser les désavantages associés à cette appartenance Egalité (NPT) : Egalité des droits (NC) : situation dans laquelle ce qui est légalement possible pour un individu doit l’être pour tous les autres. Egalité des chances (NC) : situation qui permet à tous les individus de disposer des mêmes chances d’accès aux différentes professions et positions sociales, indépendamment de leur sexe, de leur religion, de leur origine sociale, etc. Egalité des situations (dite aussi égalité réelle) (NC) : situation dans laquelle les individus disposent d’un même accès effectif à une ressource socialement valorisée. Equité (NPT) : Jugement sur ce qui est juste ou injuste qui se fonde sur un choix éthique ou politique sous-tendu par un système de valeurs. Etat-Providence (NPP) : Au sens strict intervention de l’Etat dans le domaine de la protection sociale. Au sens large, toute intervention de l’Etat visant à garantir le progrès économique et social. Fiscalité (NPT) : ensemble des pratiques de perception des prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales).

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Justice sociale (NPT) : Idéal au regard duquel on juge de la situation existante en ce qui concerne la répartition du pouvoir, du prestige, du revenu, du patrimoine, etc. Méritocratie (NPT) : système d’attribution des positions et des statuts sociaux au mérite. Prélèvements obligatoires (NPP) : Ensemble des impôts, taxes et cotisations sociales perçus par les administrations publiques. Prestations sociales (NPT) : Transferts versés (en espèces ou en nature) à des individus ou à des familles afin de réduire la charge financière que représente la protection contre divers risques. Protection sociale (NPT) : Ensemble des dépenses publiques ou privées liées à la mutualisation des risques sociaux. Redistribution (NPT) : Ensemble des prélèvements et réaffectations de ressources opérés par les administrations publiques affectant les revenus des ménages. Revenus de transfert (NPP) : Transferts, en espèces ou en nature (remboursement de soins notamment), aux ménages qui sont destinés à alléger la charge financière que représente pour ceux-ci la protection contre un certain nombre de risques ou de besoins Services collectifs (NPT) : Productions non marchandes du secteur public financées par les prélèvements obligatoires.

Sujets de bac possibles : Dissertation (Dossier de 4 documents factuels)

- Vous analyserez les mesures mises en œuvre pour réduire les inégalités. - Quels sont les effets de la fiscalité sur les inégalités sociales ? - Montrez comment les pouvoirs publics peuvent favoriser la justice sociale. - Comment les pouvoirs publics doivent-ils concilier la recherche de justice sociale avec d’autres objectifs ? - Dans quelle mesure l’action des pouvoirs publics est-elle efficace pour lutter contre les inégalités ? - Pourquoi le système fiscal français rencontre-t-il des difficultés à réduire les inégalités de revenus ? - Montrer que l'action des pouvoirs publics s'exerce sous contrainte

Epreuve composée Partie 1 (Questions de cours sans document) - Comment les services collectifs permettent-ils de contribuer à la justice sociale ? - En quoi la fiscalité contribue-t-elle à la justice sociale ? - Les concepts d’équité et d’égalité sont-ils synonymes ? - Distinguer égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances. - Distinguez assurance et assistance. - Comment peut-on justifier l’existence de services collectifs pour lutter contre les inégalités ? - Peut-on opposer les notions « d’égalité » et « d’équité » ? - Présentez deux difficultés auxquelles se heurte l’application du principe méritocratique. - Quels sont les moyens des pouvoirs publics pour réduire les inégalités de revenus ? - Présentez deux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale. Epreuve composée Partie 2 (Après avoir présenté le document, vous…) - En quoi la redistribution contribue à la justice sociale ? (graph répartition niveaux de vie avant/après redistribution) Epreuve composée Partie 3 (A partir du dossier documentaire de vos connaissances …) - Comment la protection sociale permet de contribuer à la justice sociale ? - La redistribution réduit-elle les inégalités de niveau de vie ? - Vous montrerez que l’action de l’Etat sur la justice sociale s’exerce sous contrainte.

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Chapitre 6 : Intervention de l’Etat et justice sociale

Introduction : sociétés démocratiques et justice sociale

1. Les différentes conceptions de la justice sociale articulent différemment les trois formes d’égalité

Exercice polycopié n°1

Document polycopié n°1 Egalité des chances, égalité des situations, deux conceptions de la justice sociale

Document polycopié n°2 L’inégalité des situations joue contre l’égalité des chances

Document polycopié n°3 La diversité des conceptions de la justice sociale.

2. Les moyens d’action des pouvoirs publics pour contribuer à la justice sociale

2.1. L’intervention de l’Etat pour rétablir l’égalité des chances et lutter contre les discriminations

2.1.1. La lutte contre les discriminations

Document 2 p.315 Bordas

Voir document 2 p.314 Bordas

Document 3 p.315 Bordas

2.1.2. Les politiques de discrimination positive

Document polycopié n°4 Les ZEP, le bilan.

Voir diapo 1

Document polycopié n°5 Les limites de la discrimination positive

2.2. L’intervention de l’Etat pour réduire les inégalités de situation

2.2.1. L’Etat peut utiliser la fiscalité pour réduire les inégalités

Document polycopié n°6 Les différents types de prélèvements et leur impact sur les inégalités

Voir diapo 2

Document polycopié n°7 Un système faiblement progressif

Document polycopié n°8 La structure du système socio-fiscal français

Voir diapos 3 et 4.

Document polycopié n°9 Fiscalité et justice sociale

Voir diapo 5

2.2.2. L’Etat peut réduire les inégalités grâce à la protection sociale

Voir diapos 6, 7 et 8 sur la logique d’assurance.

Voir diapos 9 et 10 sur la logique d’assistance.

Document polycopié n°10 L’impact de la redistribution sur les inégalités de revenus

Document polycopié n°11

Document polycopié n°12

Document 3 p.311 Bordas

Document 4 p.317 Bordas

Voir diapo 11

2.2.3. La contribution des services collectifs à la réduction des inégalités

Document 4 p.313 Bordas

Document polycopié n°13

3. La contribution de l’Etat-providence à la justice sociale en débat

3.1. Un Etat-providence sous contrainte financière

Document polycopié n°14

Document polycopié n°15

Voir diapo 12

Document 2 p.316 Bordas

3.2. Les risques d’effets pervers dénoncés par les libéraux

Document polycopié n°16 Inégalités et incitations

Document polycopié n°17 Protection sociale et emploi

Document polycopié n°18 L'assistance décourage-t-elle l'emploi ?

Document polycopié n°19 Le revenu minimum d’insertion (RMI) et le revenu de solidarité active (RSA)

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Exercice polycopié n°1 Egalité des droits : situation dans laquelle ce qui est légalement possible pour un individu doit l’être pour tous les autres. Egalité des chances : situation qui permet à tous les individus de disposer des mêmes chances d’accès aux différentes professions et positions sociales, indépendamment de leur sexe, de leur religion, de leur origine sociale, etc. Egalité des situations (dite aussi égalité réelle) : situation dans laquelle les individus disposent d’un même accès effectif à une ressource socialement valorisée. 1) Imaginons que l’on s’intéresse à l’égalité des éventuels participants à une course de 100 m. Parmi les trois propositions suivantes, désignez celle qui fait référence à l’égalité des droits, à l’égalité des chances et à l’égalité des situations.

Tous les participants arrivent en même temps sur la ligne d’arrivée.

Chacun peut participer à la course.

Chaque participant doit se soumettre à un contrôle anti-dopage. 2) Indiquez à quelle forme d’égalité contreviennent les situations suivantes :

Les femmes se heurtent dans l’entreprise à certaines discriminations pour l’accès aux postes à responsabilité →

Les ouvriers gagnent trois fois moins que les cadres. →

Dans certains pays, la loi interdit aux femmes d’être salariées d’une entreprise. →

Les enfants de cadres sont surreprésentés parmi les étudiants des grandes écoles. →

En France, les femmes ne pouvaient voter jusqu’en 1944. →

L’espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes. →

Document polycopié n°1 Egalité des chances, égalité des situations, deux conceptions de la justice sociale Dans les sociétés démocratiques, la reconnaissance des talents et des mérites individuels ne devrait pas dépendre de

l'hérédité sociale et des hasards de la naissance. Il n'est pas acceptable que, pour l'essentiel, les futures élites soient issues des élites et que les jeunes voués aux emplois les plus pénibles et les moins bien payés naissent dans les classes les moins favorisées. (…)

Au nom de ces convictions, il va de soi qu'il faut se battre de toutes nos forces contre les mille discriminations qui empêchent les filles, les enfants des classes populaires et ceux des minorités visibles de faire valoir leur mérite au même titre que les autres. Nous devons donc soutenir tous les dispositifs qui visent à réaliser l'égalité des chances en permettant aux élèves des quartiers et des établissements défavorisés d'accéder aux meilleures formations dès lors qu'ils ont assez de mérite pour prétendre y réussir. C'est là l'image de la justice sociale qui s'est imposée aujourd'hui, à droite et à gauche, et, sauf à défendre l'héritage des conditions sociales, il n'y a pas à s'y opposer.

Mais le fait qu'un principe de justice soit excellent ne signifie pas qu'il n'entraîne pas, à son tour, d'autres injustices. (…) On ne voit pas pourquoi ceux qui ont échoué dans la compétition de l'égalité des chances pourraient se plaindre, dès lors que la compétition elle-même est équitable. En clair, la méritocratie est une morale de vainqueur considérant que les vaincus méritent leur sort quand la compétition a été juste et équitable. (…)

Et puis, savons-nous véritablement ce qu'est le mérite ? Il n'est pas impossible que le mérite ne soit qu'une fiction grâce à laquelle les inégalités des talents et de la naissance sont " blanchies" par l'école pour renaître comme les produits incontestables de la volonté et du courage. Il n'est pas certain non plus que les épreuves scolaires dégagent la totalité du mérite et que d'autres épreuves ne construiraient pas d'autres hiérarchies, ni plus ni moins justes.

Afin d'atténuer les effets négatifs du monopole de l'égalité des chances et du mérite, il nous faut donc affirmer résolument la priorité de la réduction des égalités entre les positions sociales afin que l'égalité des chances ne se retourne pas contre elle-même et ne soit pas qu'une idéologie, une simple manière de rendre légitimes les inégalités sociales.

François Dubet, Les pièges de l'égalité des chances, Le Monde, 30 novembre 2009.

1) Sur quelle forme d’égalité s’appuie la conception de la justice sociale qui repose sur la méritocratie ? Justifiez. 2) Dans quelle direction doit aller l’intervention de l’Etat si son action en faveur de la justice sociale repose sur cette conception méritocratique ? Essayez d’illustrer par quelques actions possibles. 3) Quelles sont les limites principales de cette conception méritocratique de la justice sociale ? Quelle autre conception peut-on alors lui opposer ?

Document polycopié n°2 L’inégalité des situations joue contre l’égalité des chances La méritocratie privilégie l'égalité face aux règles de sélection, en acceptant les inégalités de position auxquelles conduit ladite

sélection. Il s'agit bien d'un droit égal pour tous de s'intégrer dans une société inégale. Dès lors qu'on se focalise sur l'égalité face aux règles de la sélection, c'est la notion d'égalité des chances qui devient prioritaire. Elle est consubstantielle à celle de méritocratie. [...]

Comment l'école pourrait-elle neutraliser complètement chez les jeunes générations, ces inégalités dont ils héritent de leur milieu social, inégalités sur lesquelles ils vont buter ensuite, et qu'ils anticipent ? À l'évidence, même si on atteignait les conditions de l'égalité des chances – quant à l'accès à des positions inégales –l'existence de ces positions inégales ruinerait l'égalité des chances pour la génération suivante. L'égalité des chances a donc d'autant plus de probabilités d'être (raisonnablement) atteinte que l'éventail des inégalités est lui-même modéré. [...] Non seulement la lutte contre l'inégalité des chances ne dispense pas d'une lutte contre les inégalités, mais engager la seconde est la voie privilégiée pour réaliser la première. Les inégalités détériorent la qualité des relations sociales, la solidarité et la confiance ; elles accroissent la violence et la criminalité.

M. DURU-BELLAT, Le Mérite contre la justice, Presses de Sciences Po, 2009.

1) Quel est l’argument central en faveur de la réduction des inégalités de situation mis en avant par l’auteur ?

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Document polycopié n°3 La diversité des conceptions de la justice sociale.

Courants théoriques

Caractéristiques d’une société juste

Libertariens R. Nozick F. Hayek

Garantie de la propriété de soi (droit absolu de disposer de sa personne, sauf pour renoncer à sa liberté), de la juste circulation des droits de propriété (des objets) par transfert volontaire du propriétaire légitime

Egalitaristes K. Marx

Fin de l’appropriation du surtravail des salariés (exploitation) par les détenteurs des moyens de production (capitalistes) par le communisme (propriété collective des moyens de production) qui partage les richesses selon le principe : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Il implique une égalité réelle.

Les libéraux égalitaires J. Rawls

Adoption des principes de répartition, hiérarchisés des « biens premiers sociaux » (libertés fondamentales, chances d’accès aux positions sociales, bases sociales du respect) : 1. Principe d’égalité des libertés de base pour tous ; 2. Les inégalités économiques ne sont justifiées que si : a. elles sont attachées à des positions et fonctions ouvertes à tous (principe de juste égalité des chances), b. elles sont au bénéfice des moins avantagés (principe de différence). Priorité des principes 1>2a>2b

D’après C. Arnsperger, P. Van Parijs, Ethique économique et sociale, La Découverte, coll. « Repères », 2000. 1) Quelle(s) théorie(s) considèrent qu’une société juste suppose : 2) Comment Rawls évite-t-il le sacrifice des libertés de quelques-uns au bénéfice du plus grand nombre ? 3) Dans une société composée de trois groupes de même taille A, B et C, parmi les partages suivants des revenus, lequel serait considéré comme le plus juste par Rawls ? par les égalitaristes ? A quelles conditions ? a) A=10, B=25, C=29 b) A=18, B=11, C=31 c) A= 10, B=10, C=10

Document polycopié n°4 Les ZEP, le bilan. En 1982, face à la persistance de l'échec scolaire parmi les élèves les plus défavorisés, une expérience rompant avec l'idée

d'égalité de traitement est tentée : les zones d'éducation prioritaire (ZEP) sont créées dans quelques régions, mesure renforcée et étendue en 1989, puis en 1990, et prorogée régulièrement depuis. Elle incite les établissements à développer des projets éducatifs et des partenariats locaux en les dotant de ressources supplémentaires (crédits, postes, heures d'enseignement, etc.). C'est le premier exemple français à la fois de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives.

Les moyens accordés aux zones prioritaires sous forme de postes et heures supplémentaires sont très faibles. En 1987, le nombre moyen d'élèves par classe était de 24,0 dans ces établissements contre 24,4 dans l'ensemble des établissements non-ZEP.

Le classement des collèges en ZEP s'accompagne d'une baisse de leurs nombres d'élèves et d'une accentuation de l'homogénéité sociale liée à un évitement par des parents qui considèrent le « signal » ZEP comme négatif et trouvent des moyens pour que leurs enfants suivent leur scolarité ailleurs

L'effet de stigmatisation semble plus net dans le cas des professeurs. Ainsi, la prime versée au personnel enseignant des ZEP ne permet pas de le stabiliser ; la proportion de jeunes enseignants augmente continûment quoique légèrement dans les collèges de zones prioritaires.

Enfin, la mise en place des ZEP n'a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves, mesurée par l'accès en quatrième, en seconde, et l'obtention du baccalauréat.

D'après R. BÊNABOU, F. KRAMARZ, C. PROST, ZEP : quels moyens pour quels résultats ? Une évaluation sur la période 1982-1992 », Économie et Statistiques, n° 380, 2004.

1. Pourquoi peut-on parler de discrimination positive dans l'éducation à propos de la création des ZEP ? 2. Par quels moyens les ZEP doivent-elles permettre de lutter contre l'échec scolaire ? 3. Quelles sont les limites rencontrées par la politique des ZEP ?

Document polycopié n°5 Les limites de la discrimination positive De nombreux esprits semblent aujourd'hui séduits, en France, par cette approche de la discrimination positive. Son faible coût

n'est pas le moindre de ses attraits. II semble commode, par exemple, d'instituer, ici ou là, des « filières ZEP » permettant un accès préférentiel à des écoles plus ou moins grandes, plutôt que d'entreprendre un vaste programme de rétablissement de l'égalité dans l'accès au savoir ou même une refonte de la carte scolaire. Les réformateurs « réalistes » proposent ainsi, lorsque le concours, « sous une apparence égalitaire, avantage les candidats qui maîtrisent les codes socioculturels essentiels », d'instiller dans les écoles où se reproduisent les élites une petite dose d'élèves qui ne maîtrisent pas ces « codes socioculturels essentiels ». L'élite découvrira ainsi la diversité, le concours sera préservé, et on se sera évité la peine d'analyser les ressorts sociaux de l'effet discriminatoire qu'il produit de manière sans cesse accrue depuis le début des années 1980.

Gwénaële Calvés, Alternatives économiques, op. cit.

1) Quelle est la critique faite par l’auteur des dispositifs de discrimination positive tels que celui mis en œuvre à Science-Po Paris ?

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Document polycopié n°6 Les différents types de prélèvements et leur impact sur les inégalités Il existe trois principales formes d’impôts : l’impôt forfaitaire (une somme fixe), proportionnel (en proportion du revenu par exemple) ou progressif (dont la proportion augmente avec le revenu). L’impôt forfaitaire L’impôt forfaitaire consiste à prélever un même montant à chaque contribuable. C’est la forme la plus rudimentaire de fiscalité et la plus injuste, puisqu’elle ne tient pas compte des niveaux de vie. Elle ne change pas les écarts absolus de revenus, mais accroît les inégalités relatives. Si l’on prélève 100 euros à une personne qui en gagne 1 000 et à une autre qui en touche 2 000, l’écart entre eux reste de 1 000 euros mais le rapport, qui était de à 2 à 1, passe de 1 à 2,1. Ce type d’impôt est en voie de disparition, mais il demeure en France notamment avec la redevance télévision, qui prélève plus de trois milliards d’euros sur la grande majorité des foyers sans tenir compte de leur niveau de vie, sauf rares exceptions. L’impôt proportionnel La deuxième forme de prélèvement est proportionnelle aux revenus ou à la consommation. Elle réduit les inégalités absolues (en euros). Une taxe de 10 % de 1 000 euros, représente 100 euros. Sur 2 000 euros, c’est 200 euros. L’écart de revenus passe de 1 000 euros à 900 euros après impôts. Ce type d’impôt ne change rien aux inégalités relatives (en pourcentage). L’écart reste de 1 à 2 avant impôt (2 000 euros contre 1 000 euros) comme après impôt (1 800 euros contre 900 euros). En France, l’essentiel de notre fiscalité fonctionne ainsi : c’est le cas de la contribution sociale généralisée ou des cotisations sociales, comme les impôts indirects, comme la Taxe sur la valeur ajoutée. Les cotisations sociales sont proportionnelles aux revenus, la TVA est proportionnelle aux dépenses. L’impôt progressif La troisième forme de prélèvement est dite « progressive ». On parle de "progression", parce que les taux de prélèvement augmentent avec la valeur de l’assiette taxée. C’est le cas notamment de l’impôt sur le revenu. Plus le revenu augmente, plus le taux de prélèvement s’accroît. Le taux le plus élevé est dit "marginal". L’impôt progressif réduit les inégalités absolues et relatives. Si vous prélevez 10 % sur les revenus de 1000 euros et 20 % sur les revenus de 2 000 euros, vous obtenez après impôts des revenus de 900 euros et 1 600 euros, soit un rapport qui passe de 1 à 2 à 1 à 1,8. La légitimité de ce type d’impôt est ancienne, l’économiste classique du XVIIIe siècle Adam Smith y était favorable. Pour une raison simple : les 1 000 premiers euros gagnés par une personne lui sont d’une utilité plus grande que les 1 000 euros gagnés par celui qui en perçoit déjà un million. Le second peut plus facilement s’en priver que le premier. C’est au nom de ce critère qu’il est apparu plus juste et économiquement plus efficace de taxer à un taux moins élevé ceux dont les revenus sont les plus faibles. En France, la fiscalité progressive ne représente qu’une part très faible de l’impôt.

Louis Maurin, « Qu’est-ce qu’une fiscalité juste ? », Observatoire des inégalités, 9 novembre 2012, http://www.inegalites.fr/spip.php?article1658

Remarque : la TVA est proportionnelle à la consommation. Mais l’on sait que les ménages à faibles revenus ont une propension moyenne à consommer supérieure à celle des hauts revenus. Cela signifie qu’il consacre à la consommation une part plus importante de leur revenu. Au final, la TVA est donc régressive par rapport au revenu, ce qui signifie que les ménages à faibles revenus consacrent une part plus importante de leur revenu à cet impôt que les ménages à hauts revenus.

1) Une personne A dispose d’un revenu annuel de 10 000€, une personne B d’un revenu annuel de 30 000€. La propension à consommer de A est de 0,9, celle de B de 0,5. Le taux de TVA, qui porte identiquement sur tous les produits achetés, est de 20%. a) Calculez le montant de la consommation de A et de B. b) Calculez le montant de la TVA payé par A et par B. c) Calculez le poids de la TVA payée dans le revenu de A et dans celui de B. Que constatez-vous ? 2) Remplissez le tableau ci-dessous à partir du texte et la question 1).

Exemples Revenu après impôt pour un

revenu imposable de 1000€

Revenu après impôt pour un

revenu imposable de 2000€

Ecarts relatifs avant/après impôts

Impact sur les

inégalités ( ou

ou )

Impôt forfaitaire de 100 euros

Impôt proportionnel de 10%

Impôt progressif de 10% et 20%

Impôt régressif de 20% et 10%

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Document polycopié n°7 Un système faiblement progressif

Document polycopié n°8 La structure du système socio-fiscal français

1) Le système socio-fiscal français permet-il globalement une réduction des inégalités ? (document polycopié n°7)

2) Quels sont les prélèvements qui concourent à une réduction des inégalités et les prélèvements qui concourent à une augmentation des inégalités ? (document polycopié n°7)

3) Expliquez votre constat de la question 1) à partir du document polycopié n°8.

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Document polycopié n°9 Fiscalité et justice sociale

1) Pourquoi peut-on affirmer que les positions en matière fiscale révèlent des conceptions différentes de la justice sociale ?

Document polycopié n°10 L’impact de la redistribution sur les inégalités de revenus

1) De quoi est composé le revenu avant redistribution ? 2) Rappelez la formule de calcul du revenu disponible. 3) Les prélèvements obligatoires permettent-ils de réduire les inégalités ? Pourquoi ? 4) Les prestations sociales permettent-elles de réduire les inégalités ? Pourquoi ? Document polycopié n°11

Insee.

Réduction des inégalités de niveau de vie en 2010, par la redistribution

Contribution à la réduction des inégalités (en %)

Prélèvements 33,8

Prestations 66,2

dont :

Prestations familiales 25,8

Aides au logement 18,5

Minima sociaux 17,4

RSA "activité" 1,2

Apa (allocation personnalisée d’autonomie) 3,4

Lecture : les prestations contribuent pour 66,2 % à la réduction des inégalités. Champ : personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage dont le revenu net est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante.

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Document polycopié n°12

1) Entre 1990 et 2010, le système socio-fiscal a-t-il évolué vers une réduction des inégalités ou une augmentation des inégalités ? Pourquoi ? Document polycopié n°13

Note : Plus l’indice d’équité est élevé, plus la probabilité pour les individus de mourir au même âge est forte (l’inégalité devant la mort est alors faible)

À la question « faut-il investir dans l'amélioration du système de santé ? », la réponse économiquement rationnelle ne peut être qu'un « oui » franc et massif. En outre, c'est à l'État, et non à l'individu, de prendre en charge la majeure partie des dépenses de santé, non seulement à cause des « externalités » engendrées par ces investissements, mais aussi pour des raisons d'équité. En effet, comme le montre bien le graphique, l'équité, mesurée par un indice de concentration des âges à la mort est reliée négativement au taux de financement personnel (et au contraire augmente avec le degré de couverture universelle des dépenses de santé). Autrement dit, plus on s'approche d'un système de couverture universelle où peu de frais de santé restent à la charge des patients, plus les gens mourront au même âge, quelles que soient leurs conditions économiques et sociales. L'exemple (ou plutôt le contre-exemple) américain est particulièrement illustratif : la médecine y est essentiellement privée, et les inégalités devant la mort y sont très fortes. Un bon système de santé est donc un système où l'État intervient de façon marquée.

Philippe Aghion et Alexandra Roulet, Repenser l'État. Pour une social-démocratie de l'innovation, Éd. du Seuil, 2011

1) Que déduire de ce graphique ? Justifiez rigoureusement. 2) Quelles sont les deux justifications de la prise en charge de la santé par l’Etat ?

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Document polycopié n°14

1) Quels sont les risques qui ont le plus augmenté ? Proposez des explications. 2) Quels sont les deux nouveaux risques qui se sont développés à partir des années 1980 ? Pour quelles raisons ? Document polycopié n°15

1) Que représente l’écart entre les deux courbes ? 2) Comment peut-il être financé ? 3) Quelle contrainte cela fait-il peser sur la contribution de l’Etat à la justice sociale ?

Maladie

Survie

Vieillesse

Accidents du travail

Invalidité

Maternité + famille

Insertion professionnelle + chômage

Logement – pauvreté - exclusion

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Document polycopié n°16 Inégalités et incitations L’ordre issu du marché permet à chacun de recevoir, en fonction de sa contribution, ce qui lui est dû : le marché apparaît donc clairement comme un outil garantissant que le critère de méritocratie est privilégié pour déterminer la distribution des positions sociales. (…) Les inégalités peuvent alors être justifiées par le talent et surtout par le travail : les inégalités sont justes car elles récompensent les plus productifs.(…) Les inégalités apparaissent en effet comme un véritable aiguillon pour les plus pauvres en permettant d’indiquer aux hommes les impasses qu’ils doivent éviter : les disparités se révèlent être un stimulant indispensable afin de les pousser à améliorer leur situation.(…) En outre, les inégalités profitent à tous : par exemple, la concentration du capital qui est la contrepartie de ces positions différentes est nécessaire au financement de l’activité productive et, donc, des emplois. L’épargne dégagée par les catégories de revenus les plus élevés sert l’investissement, ce qui, à terme, doit permettre d’augmenter la croissance économique, c'est-à-dire le bien être de l’ensemble de la population !

Eric Keslassy, Démocratie et égalité, collection Thèmes et débats, Bréal 2003.

1) Quels sont les deux effets pervers d’une politique fiscale trop favorable à la réduction des inégalités de situation ? Justifiez chacun d’eux. 2) Que pourrait répondre un keynésien à l’argument libéral considérant que les inégalités de revenus sont favorables à la croissance économique ?

Document polycopié n°17 Protection sociale et emploi C'est seulement au début des années 1980 [...] que les critiques du modèle commencent à se faire entendre. Deux arguments

principaux sont développés : le poids de la protection sociale et les risques de l'État-providence. On pourrait résumer ainsi le premier argument : trop de protection sociale tue l'emploi. [...] Celle-ci apparaît désormais principalement comme un coût, qui pèse essentiellement sur l'emploi du fait même de son mode de financement, tout au moins dans certains pays, dont la France. C'est à cette époque que sont naturellement mis en évidence les inconvénients d'un système de protection dont les ressources sont assises sur l'emploi (les cotisations sociales) et qui, en période difficile où les dépenses augmentent, alourdissent aussi mécaniquement les coûts pesant sur l'emploi, renchérissant celui-ci et dissuadant les entreprises d'embaucher. La protection sociale est considérée désormais, d'une part, comme un handicap de compétitivité pour les entreprises françaises dans un contexte de concurrence internationale accrue et, d'autre part, comme un prélèvement anti-emploi. C'est donc à une double remise en cause du niveau du prélèvement social et de son mode de financement que l'on va assister tout au long des années 1980 et 1990. [...]

Alain Lefebvre et Dominique Méda, Faut-il brûler le modèle social français ?, © Le Seuil, 2006.

1) Montrez que le financement de la protection sociale peut constituer un frein à l’embauche. 2) Récapitulez l’argumentation selon laquelle « trop de protection sociale tue l’emploi ».

Document polycopié n°18 L'assistance décourage-t-elle l'emploi ? Une partie de l'opinion et des responsables politiques semble persuadée que l'assistance aux pauvres les incite à ne pas travailler

et les conforte dans leur situation. Certes le montant des aides est parfois supérieur au revenu que procure un emploi, mais les études disponibles ne font pas apparaître de choix volontaires d'inactivité, sauf dans le cas des femmes seules avec enfants. […] Est-il possible que certaines personnes préfèrent vivre (mal) de l'assistance plutôt que de travailler si elles le peuvent ? Si le revenu que tire une personne de son retour éventuel à l'emploi est proche, voire inférieur à celui qu'elle obtient par les aides sociales, il est à craindre que cette personne ne soit piégée dans une "trappe à pauvreté": sa situation est médiocre, mais l'emploi qui pourrait être la première marche permettant de l'améliorer ne présente pas d'avantage financier significatif, tout en présentant un risque sérieux de perte de ressources. […] La comparaison du salaire et de l'allocation ne suffit toutefois pas. De nombreuses prestations sous condition de ressources sont en fait liées à un statut, de sorte que la personne qui passe du statut de RMIste à celui de salarié perd aussi le bénéfice de l'allocation logement à taux plein automatique, de l'exonération de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle ; c'est aussi la suppression de la prime de Noël, la fin du droit à la couverture maladie universelle (CMU) gratuite et l'obligation de payer à nouveau un abonnement téléphonique à plein tarif. De nombreuses aides locales sont également supprimées. Et les dettes fiscales suspendues sont à nouveau exigibles.

Inversement, l'emploi trouvé est généralement précaire. Il serait donc compréhensible que les bénéficiaires de minima sociaux hésitent à reprendre un emploi dans ces contions. En général, les études empiriques disponibles concluent qu'il n'existe pas de telles trappes. Avec une exception : les femmes seules avec enfants. Leur comportement d'activité est en effet sensible aux incitations financières liées au non-emploi, telles que l'allocation parentale d'éducation (APE) […] parce que les mères, surtout celles qui vivent seules, subissent des coûts de garde d'enfants dissuasifs lorsqu'elles travaillent. […]

Selon une enquête de 1998, 20% des RMIstes en reprise d'emploi estiment qu'ils n'y gagnent rien et 12% affirment y perdre. […] Il faut aussi tenir compte des droits auxquels l'emploi donne accès, notamment en matière de chômage et de retraite. Un emploi

peu rémunérateur peut aussi être un point d'appui pour trouver mieux ensuite. Cet argument est surtout valable pour les plus jeunes et les plus diplômés, qui sont les plus susceptibles de passer d'un emploi faiblement rémunéré à un autre plus attractif.

Au-delà des arguments économiques, l'emploi aide à se construire une image positive de soi-même, une place dans la société et un réseau de sociabilité, ce qui le rend désirable en soi et pèse probablement dans les décisions des personnes. Contrairement à une croyance de plus en plus répandue, les prestations d'assistance ne dissuadent donc généralement pas de prendre ou de reprendre un emploi. […]

Source : Arnaud Parienty Alternatives Economiques n° 245 - mars 2006.

1) Expliquez ce qu’est une trappe à chômage (ou trappe à pauvreté ou trappe à inactivité). 2) Les enquêtes empiriques montrent-elles l’existence de telles trappes ? 3) Proposez une explication au fait que certains décident d’occuper un emploi alors même que le gain financier est faible, voire inexistant.

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Document polycopié n°19 Le revenu minimum d’insertion (RMI) et le revenu de solidarité active (RSA) Le RMI, créé en 1989 en réponse à une augmentation de la pauvreté en France, dans un contexte de chômage de masse, a été remplacé en juin 2009 par le RSA. Les deux aides constituent des soutiens aux ménages à bas revenu, illimités dans le temps et en pratique non conditionnés à une formation ou à une recherche active d’emploi. Ces aides sont conçues comme des transferts de dernier recours pour des bénéficiaires qui sont en principe capables de travailler, à la différence d’aides spécifiques aux travailleurs handicapés (Allocation aux Adultes Handicapés) ou âgés (Minimum vieillesse), qui n’ont pas droit aux allocations contributives (allocation chômage), car n’ayant pas assez cotisé ou ayant épuisé leurs droits […]. Le RMI (tout comme le RSA) est éventuellement complété par des aides au logement qui peuvent représenter jusqu'à un tiers des ressources de ceux n’ayant aucun revenu personnel. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) a été mis en place en 2009 après plusieurs années de débat autour du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) concernant à la fois ses effets redistributifs et incitatifs. En particulier, le RMI a longtemps été accusé de générer des « trappes à inactivité » en réduisant considérablement les gains nets au travail pour les ménages à bas salaires. […] Depuis 2010, la réforme du RSA a permis de pérenniser le cumul des transferts sociaux et des revenus du travail. Il est maintenant possible, pour un ménage éligible, de toucher l’équivalent du RSA plein moins 38 % des revenus du travail, ceci de façon permanente. […] La réforme du RSA a permis de pérenniser cet effet incitatif […] de sorte qu’un allocataire du RSA reprenant un travail rémunéré […] peut cumuler ses revenus du travail et une partie du RSA de façon illimitée dans le temps. En simplifiant, disons que le nouveau système distingue le RSA socle pour les personnes inactives (donc correspondant à l’ancien RMI) et le RSA activité (pour ceux en activité et cumulant salaire et RSA). […] Source : Olivier Bargain, Augustin Vicard, « Le RMI et son successeur le RSA décourage-t-il certains jeunes de travailler ? », INSEE Analyses, septembre 2012 http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/docs_doc_travail/G2012-09.pdf

1) Pourquoi la création du RSA peut être considérée comme une réponse à la théorie des trappes ?