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Dépénalisation du droit des affaires Le législateur marocain moins sévère? Par A.B. , L'Economiste, 2001 · La tendance générale serait à l’assouplissement des peines · L’adaptation des lois à la réalité locale demeure essentielle Quid de la dépénalisation au Maroc? A ce niveau, il faut rappeler qu’en matière de droit des affaires, depuis la loi 17-95, les professionnels du secteur appellent à un allégement, voire à une disparition des sanctions pénales, qui seraient de nature à entraver le développement de la libre entreprise. Selon l’avocat d’affaires Azzedine Kettani, le droit marocain a emprunté depuis longtemps la voie de l’assouplissement des peines, mais avec certaines nuances. L’exemple du chèque est très révélateur, notamment en matière de transactions commerciales. L’importance de l’utilisation du chèque peut se mesurer via l’observation de la bancarisation. Plus le taux de cette dernière est élevé, plus l’utilisation des moyens de paiement va se répandre dans le milieu commercial, et plus le risque d’émission de chèques sans provision augmentera. Dans la plupart des systèmes juridiques mondiaux, le chèque sans provision est pénalisé. Au Maroc, la jurisprudence a adouci cette pénalisation. Une personne physique ayant émis un chèque sans provision risque un emprisonnement assorti d’une amende. Concernant la personne morale, désormais, seule la responsabilité de la personne qui a signé le chèque est engagée. Une telle sanction n’est pas de nature à entraver

Dépénalisation Du Droit Des Affaires

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Dépénalisation du droit des affaires

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Dpnalisation du droit des affairesLe lgislateur marocain moins svre?

Par A.B. , L'Economiste, 2001

La tendance gnrale serait lassouplissement des peines

Ladaptation des lois la ralit locale demeure essentielle

Quid de la dpnalisation au Maroc?

A ce niveau, il faut rappeler quen matire de droit des affaires, depuis la loi 17-95, les professionnels du secteur appellent un allgement, voire une disparition des sanctions pnales, qui seraient de nature entraver le dveloppement de la libre entreprise.

Selon lavocat daffaires Azzedine Kettani, le droit marocain a emprunt depuis longtemps la voie de lassouplissement des peines, mais avec certaines nuances.

Lexemple du chque est trs rvlateur, notamment en matire de transactions commerciales. Limportance de lutilisation du chque peut se mesurer via lobservation de la bancarisation. Plus le taux de cette dernire est lev, plus lutilisation des moyens de paiement va se rpandre dans le milieu commercial, et plus le risque dmission de chques sans provision augmentera. Dans la plupart des systmes juridiques mondiaux, le chque sans provision est pnalis. Au Maroc, la jurisprudence a adouci cette pnalisation. Une personne physique ayant mis un chque sans provision risque un emprisonnement assorti dune amende. Concernant la personne morale, dsormais, seule la responsabilit de la personne qui a sign le chque est engage. Une telle sanction nest pas de nature entraver le bon fonctionnement de la socit. On est donc dans une optique dallgement de la peine. Par ailleurs, si lmetteur du chque sans provision paie le bnficiaire de ce dernier, la condamnation pnale peut tre ramene au sursis.

Amendes colossales

Concernant les infractions en matire de la proprit intellectuelle, elles ont toujours t pnalises, depuis le dahir de 1916. Les choses auraient pu voluer, mais deux paramtres ont entrav ladoucissement des sanctions.La contrefaon au Maroc a svi de manire prodigieuse durant les 40 dernires annes, souligne matre Kettani. Il y a eu bon nombre de mesures dissuasives telles les interdictions, les saisies, les confiscations, ou encore les dcisions par voie de rfr. Sur le plan international, tous les pays de lUnion europenne ainsi que les Etats-Unis se sont arms juridiquement contre le piratage et la contrefaon.

Ce qui a donn lieu une pnalisation svre, concrtise par des amendes colossales, ainsi que de nombreuses et importantes peines de prison. Rien dtonnant cela, puisque le flau de la contrefaon est notoirement connu pour dstabiliser le monde des affaires. En consquence, la nouvelle loi en matire de proprit intellectuelle a introduit des peines plus svres que celles du dahir de 1916.

En droit des socits, Azzedine Kettani insiste sur un phnomne particulirement rcurrent au Maroc, qui na toujours pas trouv de solution dans le cadre juridique. Les formalits de cration de socits ayant t simplifies, on est en train dassister lmergence dune gnration spontane de socits qui se crent. Un tel phnomne est de nature encourager les investissements et les jeunes entrepreneurs. Mais on assiste de plus en plus la disparition de socits dbitrices, aprs avoir contract des dettes auprs de leurs fournisseurs.Ces socits sont toujours inscrites au registre du commerce, mais le dmnagement ou plutt la disparition du sige social fait quelles deviennent introuvables pour leurs cranciers. Ces derniers peuvent attaquer la personne morale, mais une telle procdure demeure inefficace. Reste alors le dpt dune plainte pour escroquerie contre le dirigeant de mauvaise foi. Et il y a loin de la plainte la condamnation. La plupart du temps, un curateur est dsign pour la socit, et le dossier est class sans suite. On peut adresser des sommations aux actionnaires, si on les trouve. Un tel comportement mriterait la cration dune infraction spciale.Le droit des affaires marocain nest donc ni pour la dpnalisation, ni pour la pnalisation, selon Azzedine Kettani. Il y a une attitude clectique avoir. Notre tissu social nous est propre, nous devons agir en fonction de la culture locale.

On arrive au pnal gnralement aprs le civil. Un actionnaire victime de fraude ne va pas forcment dposer une plainte pour abus de biens sociaux de but en blanc. Que cherche vraiment la victime dans tout acte de pnalisation? Elle prfrerait en gnral rcuprer sa mise de dpart, ventuellement des dommages et intrts. Cependant, il convient de faire la part des choses.

Infliger une sanction pnale pour non-observation dune formalit est ridicule, surtout si le dommage est minime ou sans incidence sur les tiers, souligne matre Kettani. Il ne faut pas oublier que la sanction pnale est avant tout caractre prventif. Par contre, on devrait garder les sanctions pnales pour les dirigeants de mauvaise foi, qui mettraient volontairement la socit en difficult, via une mauvaise gestion intentionnelle.