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Dérivés nitrés M Galinier A Pathak JM Fauvel Résumé. Les dérivés nitrés, nitrates et donneurs d’oxyde nitrique (NO), sont des vasodilatateurs endothélium indépendants. Ces substances contiennent dans leur structure chimique un ou plusieurs groupements NO capables d’activer la guanylate cyclase soluble du muscle lisse vasculaire. Leur effet vasodilatateur prédomine au niveau de la circulation veineuse. En administration prolongée, ils sont soumis à un phénomène de tolérance d’origine plurifactorielle. En urgence, lors des syndromes coronariens aigus ou des poussées d’insuffisance cardiaque, les nitrés restent une des bases de la prise en charge thérapeutique. En traitement chronique, ils constituent un traitement symptomatique efficace, tant dans la prévention des crises angineuses que de la dyspnée, mais n’augmentent pas la survie. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : nitrés, oxyde nitrique, phénomène de tolérance, maladies coronaires, insuffisance cardiaque. Introduction L’utilisation des dérivés nitrés, longtemps empirique, a été éclairée ces dernières années par la mise en évidence, tant au cours de la maladie coronarienne que de l’insuffisance cardiaque, d’une anomalie de la vasodilatation endothélium dépendante, secondaire à un déficit en oxyde nitrique (NO). Or, les dérivés nitrés, nitrates et donneurs de NO, sont des vasodilatateurs endothélium indépendants [4] . En effet, ces substances contiennent toutes dans leur structure chimique un ou plusieurs groupements NO capables d’activer directement la guanylate cyclase soluble du muscle lisse vasculaire et d’entraîner sa relaxation, et ceci qu’il y ait ou non présence d’un endothélium sous-jacent [1, 3, 17] . Mécanisme d’action À la différence du Sin-1, métabolite actif de la molsidomine, qui est un donneur direct de NO, la nitroglycérine et le dinitrate d’isosorbide sont des nitrates organiques (NO 3 ), capables de libérer in situ du NO uniquement après réduction par un processus métabolique enzymatique nécessitant l’apport de groupements thiols (-SH). Cette étape de réduction peut constituer un facteur limitant de leur action, dans la mesure où les capacités métaboliques de l’organisme à réduire ces substrats sont limitées, notamment lors d’apports massifs ou répétés de ces substances. La déplétion intracellulaire en groupements sulfhydryles, dont le stock est limité, est l’une des explications pharmacologiques du phénomène de tolérance aux nitrés survenant lors de leur administration chronique [1, 35] . Au niveau de la cellule musculaire lisse, ce ne serait pas le NO lui-même qui serait actif mais un complexe de type nitrocystéine lié au fer [4, 5] . Il stimule la guanylate cyclase soluble, ce qui a pour Michel Galinier : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Atul Pathak : Interne des Hôpitaux. Jean-Marie Fauvel : Professeur des Universités, chef de service, praticien hospitalier. Service de cardiologie A, centre hospitalier universitaire de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31403 Toulouse cedex 4, France. effet d’augmenter les concentrations intracellulaires d’acide guanosine monophosphorique cyclique (GMPc) qui est à l’origine de la vasodilatation. En effet, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une protéine kinase GMPc-dépendante, l’augmentation du GMPc diminue la disponibilité du calcium intracellulaire, notamment au niveau du réticulum sarcoplasmique, entraînant la relaxation du muscle lisse vasculaire. Les mêmes mécanismes de transduction se produisent au niveau des plaquettes sanguines dont les capacités d’adhésion et d’agrégation sont diminuées, tout au moins in vitro, en présence de dérivés nitrés et de donneurs de NO. Propriétés pharmacodynamiques L’effet vasodilatateur des dérivés nitrés prédomine au niveau de la circulation veineuse. Au niveau de la circulation artérielle, leur action est fonction du calibre des vaisseaux. Ils dilatent de manière remarquable les gros troncs vasculaires, ou artères de conductance, alors que leur effet relaxant au niveau des artères de résistance est beaucoup plus limité [17, 25, 63] , se différenciant tout à fait des vasodilatateurs artériels. Ce phénomène est expliqué par la nécessité d’une conversion métabolique du groupement NO apporté par les dérivés nitrés en un complexe intermédiaire actif, de type nitrocystéine, capable d’activer la guanylate cylase au sein de la cellule musculaire lisse vasculaire. La réduction du nombre des groupements sulfhydryles ou leur moindre disponibilité au niveau des artères de résistance, pourraient expliquer la réduction, voire l’absence, d’effet dilatateur des dérivés nitrés sur ces microvaisseaux. En effet, l’apport exogène de cystéine à leur niveau permet de révéler leur effet dilatateur artériolaire [35, 36] . Inversement, un vasodilatateur mixte comme le nicorandil, qui associe les propriétés d’un dérivé nitré à celles d’un agoniste potassique, est capable de dilater simultanément les gros troncs et les artérioles coronaires indépendamment de la présence d’un endothélium vasculaire fonctionnel [3] . L’efficacité des dérivés nitrés dans le traitement des spasmes vasculaires, notamment coronaires, s’explique ainsi par leur aptitude à relaxer les artères de conductance, quel que soit l’état fonctionnel de l’endothélium sous-jacent. Même en présence de Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-907-A-10 11-907-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Galinier M, Pathak A et Fauvel JM. Dérivés nitrés. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-907-A-10, 2001, 8 p.

Dérivés nitrés

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Dérivés nitrésM GalinierA PathakJM Fauvel

Résumé. – Les dérivés nitrés, nitrates et donneurs d’oxyde nitrique (NO), sont des vasodilatateursendothélium indépendants. Ces substances contiennent dans leur structure chimique un ou plusieursgroupements NO capables d’activer la guanylate cyclase soluble du muscle lisse vasculaire. Leur effetvasodilatateur prédomine au niveau de la circulation veineuse. En administration prolongée, ils sont soumis àun phénomène de tolérance d’origine plurifactorielle. En urgence, lors des syndromes coronariens aigus oudes poussées d’insuffisance cardiaque, les nitrés restent une des bases de la prise en charge thérapeutique. Entraitement chronique, ils constituent un traitement symptomatique efficace, tant dans la prévention des crisesangineuses que de la dyspnée, mais n’augmentent pas la survie.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : nitrés, oxyde nitrique, phénomène de tolérance, maladies coronaires, insuffisance cardiaque.

Introduction

L’utilisation des dérivés nitrés, longtemps empirique, a été éclairéeces dernières années par la mise en évidence, tant au cours de lamaladie coronarienne que de l’insuffisance cardiaque, d’uneanomalie de la vasodilatation endothélium dépendante, secondaireà un déficit en oxyde nitrique (NO). Or, les dérivés nitrés, nitrates etdonneurs de NO, sont des vasodilatateurs endothéliumindépendants [4]. En effet, ces substances contiennent toutes dansleur structure chimique un ou plusieurs groupements NO capablesd’activer directement la guanylate cyclase soluble du muscle lissevasculaire et d’entraîner sa relaxation, et ceci qu’il y ait ou nonprésence d’un endothélium sous-jacent [1, 3, 17].

Mécanisme d’action

À la différence du Sin-1, métabolite actif de la molsidomine, qui estun donneur direct de NO, la nitroglycérine et le dinitrated’isosorbide sont des nitrates organiques (NO3), capables de libérerin situ du NO uniquement après réduction par un processusmétabolique enzymatique nécessitant l’apport de groupementsthiols (-SH). Cette étape de réduction peut constituer un facteurlimitant de leur action, dans la mesure où les capacités métaboliquesde l’organisme à réduire ces substrats sont limitées, notamment lorsd’apports massifs ou répétés de ces substances. La déplétionintracellulaire en groupements sulfhydryles, dont le stock est limité,est l’une des explications pharmacologiques du phénomène detolérance aux nitrés survenant lors de leur administration chronique[1, 35]. Au niveau de la cellule musculaire lisse, ce ne serait pas le NOlui-même qui serait actif mais un complexe de type nitrocystéine liéau fer [4, 5]. Il stimule la guanylate cyclase soluble, ce qui a pour

Michel Galinier : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Atul Pathak : Interne des Hôpitaux.Jean-Marie Fauvel : Professeur des Universités, chef de service, praticien hospitalier.Service de cardiologie A, centre hospitalier universitaire de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès,31403 Toulouse cedex 4, France.

effet d’augmenter les concentrations intracellulaires d’acideguanosine monophosphorique cyclique (GMPc) qui est à l’originede la vasodilatation. En effet, soit directement, soit parl’intermédiaire d’une protéine kinase GMPc-dépendante,l’augmentation du GMPc diminue la disponibilité du calciumintracellulaire, notamment au niveau du réticulum sarcoplasmique,entraînant la relaxation du muscle lisse vasculaire. Les mêmesmécanismes de transduction se produisent au niveau des plaquettessanguines dont les capacités d’adhésion et d’agrégation sontdiminuées, tout au moins in vitro, en présence de dérivés nitrés etde donneurs de NO.

Propriétés pharmacodynamiques

L’effet vasodilatateur des dérivés nitrés prédomine au niveau de lacirculation veineuse. Au niveau de la circulation artérielle, leuraction est fonction du calibre des vaisseaux. Ils dilatent de manièreremarquable les gros troncs vasculaires, ou artères de conductance,alors que leur effet relaxant au niveau des artères de résistance estbeaucoup plus limité [17, 25, 63], se différenciant tout à fait desvasodilatateurs artériels. Ce phénomène est expliqué par la nécessitéd’une conversion métabolique du groupement NO apporté par lesdérivés nitrés en un complexe intermédiaire actif, de typenitrocystéine, capable d’activer la guanylate cylase au sein de lacellule musculaire lisse vasculaire. La réduction du nombre desgroupements sulfhydryles ou leur moindre disponibilité au niveaudes artères de résistance, pourraient expliquer la réduction, voirel’absence, d’effet dilatateur des dérivés nitrés sur ces microvaisseaux.En effet, l’apport exogène de cystéine à leur niveau permet derévéler leur effet dilatateur artériolaire [35, 36]. Inversement, unvasodilatateur mixte comme le nicorandil, qui associe les propriétésd’un dérivé nitré à celles d’un agoniste potassique, est capable dedilater simultanément les gros troncs et les artérioles coronairesindépendamment de la présence d’un endothélium vasculairefonctionnel [3]. L’efficacité des dérivés nitrés dans le traitement desspasmes vasculaires, notamment coronaires, s’explique ainsi par leuraptitude à relaxer les artères de conductance, quel que soit l’étatfonctionnel de l’endothélium sous-jacent. Même en présence de

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Galinier M, Pathak A et Fauvel JM. Dérivés nitrés. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie,11-907-A-10, 2001, 8 p.

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lésions artérioscléreuses, les dérivés nitrés peuvent encore relaxerles portions résiduelles de muscles lisses non touchés par cesprocessus dégénératifs, améliorant les conditions de perfusion du litvasculaire d’aval.

Structure chimiqueet pharmacocinétique

Les dérivés nitrés sont des produits de synthèse résultant del’estérification d’une molécule organique par l’acide nitrique [57]. Cesnitrates organiques sont caractérisés par l’enchaînement chimique-C-O-NO2. Le plus ancien est la nitroglycérine (trinitrine), utiliséedepuis 1846 dans le traitement de l’angine de poitrine. Son effetvasodilatateur bref ne convenant pas à une utilisation thérapeutiquerépétée sans artifice galénique, d’autres dérivés nitrés ont étésynthétisés, en particulier le tétranitrate de pentaérythrityle, ledinitrate d’isosorbide et son métabolite actif, le 5-mononitrated’isosorbide. Le nicorandil, qui est un agent agoniste des canauxpotassiques acide adénosine triphospate (ATP) dépendants, estégalement un dérivé nitré, car il possède un groupement nitrate(-O-NO2) sur la chaîne latérale de sa molécule [5].Les dérivés nitrés pénètrent facilement au travers des membranescellulaires, car ce sont des substances très liposolubles. Au sein descellules musculaires lisses vasculaires, les nitrates (-NO3) doiventêtre d’abord réduits en nitrites (-NO2), puis en NO, par le jeu deréactions chimiques qui ne sont pas encore toutes identifiées. Si unevoie de libération enzymatique du NO a pu être identifiée in vitroen incubant de fortes concentrations de trinitrine avec des vecteurschimiques de groupements thiols (-SH) réducteurs, ce sont surtoutdes voies enzymatiques qui président à la biotransformation desnitrates en NO in vivo [5]. La principale voie de biotransformationdes nitrates en NO dans les vaisseaux met en jeu une séried’isoenzymes de la classe des glutathion-S-transférases, quiréduisent les nitrates en utilisant le glutathion comme sourceendogène de groupement thiols réducteurs.L’absorption de la trinitrine est rapide et excellente. Fortementliposoluble, elle permet de nombreuses voies d’administration :orale, sublinguale, transcutanée et intraveineuse. La trinitrine subitune hydrolyse gastrique et est ensuite métabolisée très rapidementlors du premier passage hépatique en métabolites inactifs, d’où unedurée de vie plasmatique très brève (6 à 7 minutes) en l’absenced’artifices galéniques (préparation retard, fortes doses).L’administration sublinguale permet d’éviter l’hydrolyse gastriqueet le premier passage hépatique, d’où une action rapide de l’ordrede la minute, mais de courte durée, entre 10 et 30 minutes. La voieveineuse permet l’obtention de taux plasmatiques rapidementefficaces, mais avec une durée d’action très brève nécessitantl’emploi d’une perfusion continue. Les systèmes transdermiquesadhésifs sont des réservoirs de trinitrine, qui peut passer dans lacirculation à travers la peau pendant 24 heures, l’absence de premierpassage hépatique améliorant la biodisponibilité du produit [28]. Lestaux plasmatiques actifs sont atteints au bout de 15 à 30 minutes etdécroissent très rapidement (30 minutes ou moins) après le retraitdu patch. Ce taux reste stable tout au long du nycthémère,contrairement aux formes orales dont la durée d’action dépasserarement 12 heures pour les formes galéniques retards.Le dinitrate d’isosorbide est métabolisé dans le foie lors de sonpremier passage en deux métabolites, le 2-mononitrate d’isosorbide,dont la durée d’action est courte, et le 5-mononitrate d’isosorbide,dont la durée d’action est beaucoup plus prolongée, environ4 heures. Des préparations galéniques retards permettent l’obtentionde concentrations efficaces pendant 12 à 24 heures. Le dinitrated’isosorbide peut également être utilisé par voie veineuse. Par voiesublinguale, son absorption est plus lente que la trinitrine, le picplasmatique étant atteint en 5 à 15 minutes, mais sa durée d’actionest plus longue, d’environ 90 minutes.Le 5-mononitrate d’isosorbide est bien résorbé, sans effet de premierpassage hépatique, d’où une excellente biodisponibilité et moins de

variations interindividuelles. Sa demi-vie de 4 heures peut êtreallongée avec les préparations galéniques retards.En cas d’insuffisance cardiaque sévère, une insuffisance hépatique,secondaire à la congestion veineuse systémique et à la diminutiondu débit sanguin, peut modifier la pharmacocinétique des dérivésnitrés, métabolisés par le foie. La diminution de la clairancehépatique de la trinitrine aboutit à une augmentation de saconcentration plasmatique, mais aucun effet délétère n’a étérapporté. Malgré un important effet de premier passage hépatique,la pharmacocinétique du dinitrate d’isosorbide ne semble pasaffectée par l’insuffisance cardiaque. Quant au 5-mononitrated’isosorbide, qui n’a pas d’effet de premier passage hépatique, sapharmacocinétique n’est affectée ni par l’insuffisance cardiaque nipar l’insuffisance hépatique [55].La molsidomine est une prodrogue transformée en métabolite actif,le Sin-1A (linsidomine), dans l’organisme indépendamment de touteenzyme. Le Sin-1A s’oxyde spontanément en Sin-1C, biologiquementinactif, en libérant simultanément du NO. Cette décomposition duSin-1A en Sin-1C s’accompagne également de la formation d’anionssuperoxydes qui accélèrent la dégradation du NO sous formed’anions nitrites et nitrates par une réaction autocatalytique [5]. Sonabsorption digestive est rapide (10 minutes) et sa demi-vie de2 heures environ.

Principaux effets

EFFETS HÉMODYNAMIQUES

Chez des patients insuffisants cardiaques dont les pressions deremplissage sont élevées, en administration aiguë, les dérivés nitrésprovoquent une baisse de la pression télédiastolique du ventriculegauche, de la pression capillaire pulmonaire moyenne, des pressionspulmonaires et de la pression auriculaire droite, sans modificationimportante du volume systolique, de la fréquence cardiaque et dudébit cardiaque. À fortes doses, un effet vasodilatateur artériel peutapparaître, entraînant une réduction des résistances artériellessystémiques qui, associée à l’augmentation de la compliance desgrosses artères, est à l’origine d’une diminution de la postcharge. Enadministration chronique, leurs effets sont plus controversés, bienque plusieurs travaux retrouvent la persistance d’un effethémodynamique favorable sur les pressions pulmonaires au reposet à l’effort ; l’effet vasodilatateur artériel périphérique tend às’estomper [37]. Il existe en effet un phénomène d’échappementthérapeutique plurifactoriel qui limite l’efficacité de cette classethérapeutique à long terme [47]. Chez l’insuffisant cardiaque, à côtéde l’épuisement des radicaux sulfhydriles [46] apparaissant lors detoute prescription au long cours de dérivés nitrés, pouvant être évitépar la réalisation de fenêtre thérapeutique de plusieurs heuresjournalières, il faut insister sur l’importance de l’activation dessystèmes neurohormonaux vasoconstricteurs, induite parl’utilisation des dérivés nitrés et qui en limite l’efficacité [28, 51].Expérimentalement, il a en effet été montré que le mécanismed’épuisement des dérivés nitrés en prescription continue avait pourpoint de départ une réduction du débit sanguin rénal, responsabled’une activation secondaire des systèmes sympathique et rénine-angiotensine qui s’opposeraient progressivement à l’effet deréduction de la précharge induite par les dérivés nitrés [2]. Cetéchappement hémodynamique est majoré par un phénomèned’hémodilution, secondaire à l’action des dérivés nitrés sur lessphincters précapillaires, influant les échanges entre lescompartiments intra- et extravasculaires, avec influx net positif deliquide pénétrant dans le secteur vasculaire [42]. Ces hypothèses sontsoutenues par le fait qu’une élévation de l’activité rénineplasmatique, une réduction de l’hématocrite et une augmentationdu poids corporel ont été observées lors de l’administration enmonothérapie des dérivés nitrés dans l’insuffisance cardiaque. Lacoprescription d’un vasodilatateur artériel, en augmentant le débitsanguin rénal par le biais de l’accroissement du débit cardiaque,pourrait en théorie réduire cette activation secondaire des systèmes

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sympathique et rénine-angiotensine, permettant ainsi de pérenniserles effets vasodilateurs veineux des dérivés nitrés lors de leuradministration chronique dans l’insuffisance cardiaque. Les travauxcliniques n’ont cependant pas confirmé cette hypothèse : en effet, lacoprescription d’inhibiteur de l’enzyme de conversion [13], y comprisde captopril qui assure de plus un apport en radical -SH [32], ou dediurétique [50] s’est révélée inefficace pour s’opposer au phénomèned’échappement aux dérivés nitrés.

EFFETS SUR LA CIRCULATION CORONAIRE

Au cours de l’insuffisance coronaire, les dérivés nitrés diminuent laconsommation et augmentent l’apport en oxygène au niveau dumyocarde. Ils diminuent la pression et le volume ventriculaires parleur effet vasodilatateur veineux, effet d’autant plus marqué que lapression télédiastolique ventriculaire est plus élevée. La diminutionde la tension pariétale qui en résulte diminue la consommationmyocardique en oxygène. De plus, ils peuvent également augmenterla perfusion des couches endocardiques des zones ischémiques,grâce à la réduction de la tension pariétale ventriculaire consécutiveà leurs effets hémodynamiques. Cet effet de redistribution de lacirculation coronaire dans les couches sous-endocardiques estd’autant plus marqué qu’il existe une ischémie myocardique ou uneinsuffisance ventriculaire gauche. Un certain degré de vasodilatationde la circulation de suppléance a également été démontréangiographiquement après l’administration de dérivés nitrés enphase aiguë d’infarctus [39]. Cependant, en cas d’utilisation de tropfortes posologies, l’hypotension ou la tachycardie réflexe qu’ilsengendrent peuvent entraîner une vasodilatation des territoires nonischémiques. Ce phénomène de vol coronaire, avec dérivationpréférentielle vers les zones saines aux dépens des zonesischémiques, peut avoir des effets négatifs. Enfin, la vasodilatationdes artères coronaires de conductance induite par les dérivés nitrésest favorable en cas de spasme coronaire, que ce soit dans l’angor dePrinzmetal ou au cours des rares spasmes associés à l’infarctus.

EFFETS SUR LA CAPACITÉ À L’EFFORT

Au cours de l’insuffisance coronaire, les dérivés nitrés améliorent latolérance à l’exercice, prolongeant la durée de l’effort et retardant ledébut de l’ischémie myocardique [58, 60].Au cours de l’insuffisance cardiaque, les travaux étudiant les effetssur la capacité à l’effort de la prise de dérivés nitrés utilisés commeseuls vasodilatateurs sont peu nombreux et portent sur de faibleseffectifs de patients. Plusieurs publications rapportent néanmoinsune augmentation de la durée de l’exercice après 3 mois detraitement par 160 mg de dinitrate d’isosorbide [21, 37]. L’associationdérivés nitrés-hydralazine a en revanche été mieux étudiée. L’étudeV-HeFT 1 [9], qui a comparé les effets de l’adjonction au traitementclassique digitalodiurétique de l’association dinitrate d’isosorbide-hydralazine au placebo ou à la prasozine a retrouvé uneamélioration de la tolérance à l’effort, uniquement à 12 mois, sousdérivés nitrés-vasodilatateurs artériels, non retrouvée au cours desautres périodes (2, 6, 18 et 24 mois). Surtout, l’étude V-HeFT II [10],qui a comparé les effets de l’adjonction au traitement classiquedigitalodiurétique, soit de l’association dinitrate d’isosorbide-hydralazine, soit de l’énalapril, a retrouvé une augmentationsignificative de la consommation maximale d’oxygène après13 semaines et 6 mois de traitement uniquement dans le groupe sousdérivés nitrés-vasodilatateurs artériels et non dans le groupeénalapril. Parallèlement, la fraction d’éjection du ventricule gaucheà la 13e semaine a augmenté significativement plus sous l’associationdinitrate d’isosorbide-hydralazine que sous énalapril.

EFFETS SUR L’ISCHÉMIE MYOCARDIQUE

Les dérivés nitrés ont une action favorable sur l’ischémiesymptomatique, constituant depuis près d’un siècle le traitement dela crise d’angine de poitrine, mais également silencieuse [14]. Lesétudes par enregistrement électrocardiographique Holter ont

démontré que les dérivés nitrés ont un effet bénéfique sur la chargeischémique totale, améliorant non seulement le profil clinique despatients angineux et leur tolérance à l’exercice, mais également, dansla plupart des séries publiées, en diminuant considérablement lenombre d’événements ischémiques silencieux.

EFFETS SUR LA MORTALITÉ

Au cours de l’insuffisance coronaire, aucune conclusion n’estpossible sur les effets des dérivés nitrés sur la mortalité dans l’angorstable, les données étant trop peu nombreuses malgré la réalisationrécente d’une méta-analyse [26]. Les dérivés nitrés ont été mieuxétudiés à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde selon différentesformes de présentation [6]. L’administration très précoce sublingualede trinitrine ou de dinitrate d’isosorbide améliore la repolarisationet pourrait diminuer la taille de l’infarctus appréciée par l’élévationdes enzymes myocardiques [39]. Les dérivés nitrés administrés parvoie orale ont été également évalués dans quelques essais où lesrésultats sont moins démonstratifs. Pour le 5-mononitrated’isosorbide, en l’absence d’insuffisance cardiaque, les résultats sontdécevants : 40 à 80 mg quotidiens de 5-mononitrate d’isosorbides’associent à une mortalité à 5 jours de 4,9 % contre 4 % chez lestémoins [19], alors que pour les patients présentant une insuffisancecardiaque, on observe une réduction non significative de 39 % de lamortalité qui est de 12,9 % chez les témoins et de 7,8 % chez lespatients traités. Quant au dinitrate d’isosorbide utilisé par voie oraletoutes les 3 à 4 heures, il n’a pas démontré d’effet significatif sur laréduction de la masse infarcie. Les dérivés nitrés utilisés par voieintraveineuse ont fait l’objet de plus nombreuses études dont lesrésultats demeurent divergents.Les essais cliniques antérieurs à 1993 [7, 20, 29, 31, 38, 44, 54] ont évalué l’effetde la trinitrine intraveineuse à la phase aiguë de l’infarctus dumyocarde. Dans toutes ces études, le traitement était débuté moinsde 24 heures après le début des symptômes et les doses initialesfaibles (0,3-0,9 mg/h). La durée d’administration variait de 24 à 48heures. Deux études retrouvaient une diminution significative de lamortalité. Il s’agissait des essais où la mortalité était la plus forte,41 % à 18 mois dans l’une, et 23 % à 3 mois dans l’autre dans lesgroupes placebo [7, 31]. En combinant ces résultats, une méta-analysea alors démontré une baisse significative de la mortalité hospitalièred’environ 30 % [64]. Le traitement par dérivés nitrés semblait pouvoirdiminuer la taille de l’infarctus du myocarde, appréciée sur lacinétique enzymatique [31], et réduire l’incidence des arythmiesventriculaires survenant pendant les 24 premières heures [44].Ainsi, à la fin des années 1980, l’utilisation des dérivés nitrés parvoie intraveineuse en phase aiguë de l’infarctus du myocardesemblait réduire l’ischémie myocardique, limiter la taille del’infarctus et diminuer la mortalité. Cependant, les essais évaluantles dérivés nitrés étaient de petite taille, incluant 28 à 310 sujets, etla réalisation d’essais cliniques avec de grands effectifs demeuraitnécessaire pour juger de leur réelle efficacité.L’étude GISSI-III, qui a inclus 19 394 patients présentant unesuspicion d’infarctus du myocarde admis dans les 24 premièresheures après le début de la douleur, a comparé les effets del’administration de trinitrine par voie intraveineuse pendant24 heures, avec un relais par un patch transdermique de 10 mg deglycéryl trinitrate appliqué chaque matin du lever au coucherpendant 6 semaines, au placebo [23, 24]. La fonction ventriculairegauche était estimée par échographie et la mortalité était évaluée àla sixième semaine et au sixième mois. La trinitrine n’a pas eu d’effetsur la mortalité à 6 semaines (6,5 % dans le groupe traité, 6,9 % dansle groupe contrôle). De plus, elle n’a diminué ni l’incidence del’insuffisance cardiaque (3,8 % dans les deux groupes), ni lafréquence des récidives ischémiques. La fonction ventriculairegauche n’était pas améliorée par les nitrés. À 6 mois, il n’y aégalement pas de différence en termes de mortalité ou dedysfonction ventriculaire gauche grave entre les patients traités pardérivés nitrés ou par placebo (18,4 versus 19,9 %) [24]. Il fautcependant noter que dans cet essai, le groupe de patients recevantl’association nitrés plus lisinopril avait une mortalité à 6 semaines

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plus faible que celle du groupe de patients recevant du lisinoprilseul (6,0 et 6,6 %, respectivement). Il en est de même à 6 mois pourle critère de jugement mixte associant mortalité et insuffisancecardiaque (17,8 % dans le groupe traitement combiné, 18,1 % souslisinopril seul, 19,5 % sous placebo).L’étude ISIS-IV, qui a inclus 58 050 patients présentant une suspiciond’infarctus du myocarde évoluant depuis moins de 24 heures, acomparé les effets de l’administration par voie orale de mononitrate,à la dose de 30 mg au moment de la prise en charge et après 10 à12 heures, puis de 60 mg tous les matins pendant 28 jours, auplacebo [27]. Il n’y a pas eu de réduction significative de mortalitéentre le groupe traité par mononitrate et le groupe placebo à5 semaines (7,3 vs 7,5 %). Cette absence de diminution de mortalitéest également retrouvée à 1 an (12,2 vs 12,3 %). En revanche, lamortalité précoce durant les 48 premières heures était abaissée dansle groupe recevant du mononitrate (1,8 vs 2,2 % ; p < 0,001). Letraitement n’apportait pas de bénéfice quels que soient les sous-groupes étudiés : insuffisance cardiaque, douleur thoraciquepersistante à l’admission. Le nombre de récidives d’infarctus et derécidives angineuses était identique dans les deux groupes, alors quele mononitrate entraînait plus d’hypotension.L’étude ESPRIM, qui a inclus 4 017 patients présentant un infarctusdu myocarde depuis moins de 24 heures sans signe d’insuffisancecardiaque sévère, a comparé les effets de l’administration par voieintraveineuse pendant 48 heures de linsidomine, métabolite actif dela molsidomine, à la posologie de 1 mg/h, puis d’un traitement peros de molsidomine, à la posologie de 16 mg/j pendant 12 jours, auplacebo [18]. La molsidomine n’a pas diminué la mortalité après unsuivi de 35 jours (8,4 vs 8,8 % sous placebo) et de 13 mois (14,7 vs14,2 % sous placebo). Les autres critères de jugement (récidived’infarctus, insuffisance cardiaque, troubles du rythme...) ontégalement été comparables dans les deux groupes. En revanche, leshypotensions orthostatiques tendaient à être plus fréquentes sousmolsidomine (10,1 vs 8,5 % sous placebo ; p = 0,08).L’absence de démonstration d’un effet favorable des dérivés nitrés àla phase aiguë de l’infarctus du myocarde retrouvée dans ces troisgrands essais thérapeutiques mérite cependant d’être discutée. Eneffet, dans ces travaux, un dérivé nitré pouvait être donné en plusdes médicaments de l’essai. Ainsi, le pourcentage de patients ayantreçu un dérivé nitré dans le groupe placebo est de 57 % dans l’étudeGISSI-III, 54 % dans l’étude ISIS-IV et 40 % dans l’étude ESPRIM. Ilest donc possible que l’absence d’effet bénéfique du dérivé nitré testédans ces essais, notamment sur l’insuffisance cardiaque et lesrécidives ischémiques, soit secondaire à l’utilisation sélective d’undérivé nitré dans les groupes placebo chez les patients quiprésentaient une insuffisance ventriculaire gauche ou une récidiveischémique, atténuant ainsi la différence entre les deux groupes.Ainsi, si l’on peut conclure que l’administration systématique dedérivé nitré à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde ne réduitpas la mortalité et ne diminue pas le nombre de récidivesischémiques, tout en exposant à un risque faible d’hypotension, ilreste difficile d’affirmer que les dérivés nitrés ne sont pas utiles chezles patients qui relevaient classiquement de leur indication :douleurs thoraciques à la prise en charge ou persistantes,manifestations d’insuffisance cardiaque, du fait de la possibilitéd’administration dans le groupe placebo de dérivés nitrés chez cespatients.Les résultats contradictoires entre les études antérieures etpostérieures à 1993 laissent penser que le bénéfice apporté par lesnitrés s’est atténué à mesure que des thérapeutiques plus puissantesont été proposées au patient. En effet, dans les travaux antérieurs à1993, la diminution significative de mortalité sous dérivés nitrésn’avait été retrouvée que dans deux études où la mortalité étaitparticulièrement élevée sous placebo, alors que la mortalité estparticulièrement faible dans les trois grands essais publiés après1993 où les patients ont pu bénéficier d’un traitement optimal del’infarctus.Au cours de l’insuffisance cardiaque, aucun essai thérapeutiqueayant eu pour objectif d’apprécier les effets sur la mortalité desdérivés nitrés utilisés comme seul agent vasodilatateur n’a été

réalisé. En revanche, deux essais ont étudié les effets de l’associationdérivés nitrés-vasodilatateurs artériels purs sur la mortalité dansl’insuffisance cardiaque : les études V-HeFT I et II [9, 10]. Dans ces deuxessais, l’association testée comportait une forte dose de dinitrated’isosorbide (160 mg administrée à doses progressivementcroissantes) et une forte dose de dihydralazine (300 mg). Dansl’étude V-HeFT I, l’association dérivés nitrés-hydralazine a améliorésignificativement la survie, avec une réduction de la mortalité de38 % à 1 an et de 25 % à 2 ans par rapport au groupe traité pardigitalodiurétiques seuls ou associés à la prasozine. Alors que le tauxde mortalité à 2 ans est de 34 % dans le groupe placebo de l’étudeV-HeFT I, le taux de mortalité à 2 ans sous l’association isosorbidedinitrate-hydralazine est respectivement de 26 et 25 % dans lesétudes V-HeFT I et II. Cependant, dans l’étude V-HeFT II, le taux demortalité à 2 ans est significativement inférieur sous inhibiteurs del’enzyme de conversion (18 %). Dans cet essai portant sur despatients en insuffisance cardiaque légère à modérée, de classe II à IIIde la New York Heart Association (NYHA), l’analyse du mécanismede décès montre une incidence des morts subites moindre sousénalapril (37 %) que sous l’association dinitrate d’isosorbide-hydralazine (46 %). La réduction préférentielle sous énalapril de lamortalité cardiaque non liée à une aggravation de l’insuffisanceventriculaire, alors même que l’association dinitrate d’isosorbide-hydralazine entraîne une amélioration plus marquée de la fractiond’éjection et de la consommation maximale en oxygène, soulèvel’hypothèse d’effets bénéfiques supplémentaires induits par la prised’inhibiteurs de l’enzyme de conversion pouvant être liés à unmécanisme autre que la seule vasodilatation. Ainsi, puisquel’association dérivés nitrés-vasodilatateurs artériels et les inhibiteursde l’enzyme de conversion semblent avoir un effet bénéfiqueindépendant, une stratégie thérapeutique possible pourrait consisterà utiliser ces drogues simultanément.

Indications

INSUFFISANCE CORONAIRE

Le traitement de la crise d’angine de poitrine repose sur l’usage dela trinitrine sublinguale. L’efficacité de ce traitement ponctuelconstitue un critère diagnostique. Cependant, les douleursspasmodiques d’origine digestive sont également soulagées par lesdérivés nitrés, ce qui enlève de la valeur à ce test. L’administrationsublinguale du médicament s’effectue soit par dragée, soit par spray.Les principaux effets secondaires du produit sont les céphalées etl’hypotension, ce dont le patient doit être prévenu afin qu’il s’assoitjambes pendantes, ce qui participe à la diminution de la précharge.L’usage prophylactique du médicament en prévision d’un effortprécis peut être utile.Dans l’angor stable, l’utilisation des dérivés nitrés au long courspeut prévenir la survenue de crises d’angor et élève les seuilsischémiques et angineux à l’effort [8, 40, 48, 51, 52, 59, 61]. L’administrationpeut se faire par voie orale ou percutanée. Cette dernière offrel’avantage d’éviter une dégradation hépatique rapide. Cependant,le traitement continu tend à induire une accoutumancepharmacodynamique puisque les nitrémies ne sont pas modifiées [12].L’utilisation des posologies actives les plus faibles possibles etl’usage discontinu au cours du nycthémère des dérivés nitrés aulong cours ont l’intérêt de prémunir du risque d’épuisement de leurefficacité. En effet, en prenant comme paramètre d’évaluation lesépisodes ischémiques enregistrés par Holter [33] ou la durée del’épreuve d’effort [15], le traitement discontinu s’avère supérieur autraitement continu, du moins si la fenêtre thérapeutique est de12 h/j [62]. L’association des dérivés nitrés aux bêtabloquants, quiconstitue le traitement anti-ischémique de fond, est particulièrementlogique et son efficacité a été démontrée par les testsergométriques [11]. L’adjonction d’une autre thérapeutiqueantiangineuse aux dérivés nitrés (bêtabloquants ou inhibiteurscalciques) a de plus pour avantage d’assurer une couverturethérapeutique pendant l’intervalle libre journalier où le patient n’est

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plus sous nitrés. Le respect d’une fenêtre thérapeutique de 8, voire12 heures, le plus souvent la nuit, période d’inactivité habituelle,semble impérativement nécessaire pour éviter l’apparition d’unphénomène de tolérance [56]. Cependant, elle a été rendueresponsable par certains de favoriser un effet rebond à l’origined’une recrudescence des crises angineuses pendant les fenêtresthérapeutiques [16, 33], associée à une baisse des seuils angineux et àune aggravation de l’ischémie d’effort dans les heures suivantl’ablation des patchs de trinitrine [49]. Cet effet rebond n’a cependantpas été retrouvé dans une étude multicentrique rigoureuse, ayantinclus un nombre beaucoup plus important de patients, ayantcomparé l’efficacité des patchs de trinitrine appliqués 12 heures sur24 au placebo. Cette étude confirme l’efficacité clinique etélectrocardiographique à l’effort des patchs de trinitrine durant touteleur durée d’application, sans signe d’accoutumance après 1 moisde traitement [53]. L’amélioration de la performance à l’effort estmoins importante à la 12e heure de traitement qu’à la huitième etquatrième heure, mais reste significative. Avant l’applicationmatinale du patch, il n’a pas été constaté une diminution desperformances à l’effort.Au cours de l’angor instable, les dérivés nitrés administrés par voieintraveineuse font partie intégrante du traitement. Ils sont débutés àposologie modérée, de l’ordre de 1 mg/h pour la trinitrine, 1,5 à2 mg/h pour le dinitrate d’isosorbide. L’utilisation de ces posologiesinitialement modérées évite le risque d’hypotension excessive et detachycardie réflexe, particulièrement délétères dans ce contexte. Sila réponse thérapeutique à ces posologies initiales est insuffisante,celles-ci peuvent être augmentées progressivement par paliers.L’utilisation de la posologie minimale efficace a de surcroîtl’avantage de limiter et de retarder l’apparition d’un éventuelphénomène d’échappement. En pratique, tout du moins avec ledinitrate d’isosorbide, lorsque la posologie ne dépasse pas 3 mg/h,l’efficacité se maintient quasi intacte pendant les 72 premières heuresde perfusion, ce qui correspond en pratique dans la majorité des casau délai nécessaire pour contrôler la période d’instabilité. Lesdérivés nitrés sont utilisés par voie intraveineuse pendant 2 à 4jours, puis relayés, soit par un dérivé nitré per os ou percutané, selonun mode de prescription ménageant une fenêtre de 8 à 10 heuresafin d’éviter les phénomènes d’échappement (forme retard par voieorale en monoprise ou patch dermique appliqué 12 h/24), soit parde la molsidomine.À la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, les dérivés nitrés, parleurs effets favorables sur la circulation collatérale et laconsommation myocardique en oxygène, tendent à sauvegarder laviabilité du tissu ischémié périnécrotique et à réduire la progressionde la nécrose dans la zone bordante [30, 31]. De plus, leur effetvasodilatateur sur les gros troncs coronaires pourrait lever les raresspasmes ou réduire la vasoconstriction distale, associés àl’oblitération d’une artère par un thrombus.Leur utilisation a été profondément modifiée ces dernières annéesau vu des résultats de trois grands essais thérapeutiques : GISSI-III,ISIS-IV et ESPRIM [18, 23, 27]. D’une utilisation quasi systématique, leurindication est devenue sélective, réservée aux patients présentantune insuffisance cardiaque ou une récurrence angineuse.En effet, de l’ensemble de ces travaux, on peut conclure qu’il n’estpas recommandé de prescrire des dérivés nitrés de manièresystématique à tous les patients qui présentent un infarctus dumyocarde. Il est cependant possible qu’ils aient un intérêt chez lespatients ayant un mauvais pronostic, particulièrement ceux qui nepeuvent bénéficier d’un traitement optimal et, en premier lieu, lessujets qui ne peuvent être traités par thrombolyse. Leuradministration doit être réalisée par voie intraveineuse, à la seringueélectrique qui permet un ajustement optimal des posologies, etdébuter très précocement, au mieux dans les 6 premières heures,pour avoir un intérêt clinique, puisque seule la mortalité précocedans les 48 premières heures est améliorée et que ce bénéfices’atténue rapidement. Ainsi, si la douleur cède au-delà de la sixièmeheure, l’utilisation systématique des dérivés nitrés ne semble pasindispensable chez tous les patients. Leur utilisation doit alors êtrelimitée aux patients présentant une insuffisance cardiaque gauche

patente ou latente, ainsi qu’aux patients présentant une récurrenceangineuse, dont la tension artérielle systolique demeure supérieureà 100 mmHg. Les posologies initiales doivent être faibles afin de nepas générer une baisse trop marquée de la pression artériellesystolique, mettant en jeu le baroréflexe qui pourrait stimuler lesystème nerveux sympathique. La posologie initiale dépend del’indication ; elle est faible chez les patients présentant une ischémierécurrente, de l’ordre de 0,5 à 1 mg/h pour la trinitrine et de 1 à2 mg/h pour le dinitrate d’isosorbide, plus élevée en cas de signespatents de surcharge de la petite circulation, 1,5 à 2 mg/h pour latrinitrine ou 2 mg/h ou plus pour le dinitrate d’isosorbide. Lesposologies sont ensuite adaptées en fonction de la tolérancetensionnelle et de l’effet thérapeutique recherché. La pressionartérielle systolique systémique ne doit pas chuter au-dessous de100 mmHg, et si la pression capillaire est surveillée, elle ne doit pasbaisser au-dessous de 15 mmHg. Si une tachycardie s’installe, lesdoses sont réduites ou le traitement arrêté. Après chaquechangement de palier de perfusion, une période de 20 à 30 minutesest suffisante pour obtenir un nouvel équilibre pharmacocinétiqueet réévaluer l’efficacité et la tolérance du traitement, la demi-vied’élimination des dérivés nitrés utilisés par voie intraveineuse étantcourte. Le traitement est poursuivi 24 à 36 heures, le relais étant prispar voie orale ou percutanée si nécessaire.Les dérivés nitrés sont contre-indiqués en cas d’extensionventriculaire droite d’un infarctus inférieur, qu’elle soit patente oususpectée devant les anomalies électrocardiographiques etéchocardiographiques. En effet, dans cette situation, le maintien del’hémodynamique nécessite que la précharge du ventricule droit soitréglée à un niveau élevé, ce qui peut nécessiter non seulementl’abstention des dérivés nitrés mais également une expansionvolémique contrôlée. Les dérivés nitrés ne sont pas indiqués à laphase aiguë de l’infarctus du myocarde chez les patients n’ayantpas de pressions de remplissage élevées en l’absence de récurrenceischémique. Ceci est particulièrement vrai chez les patientsprésentant une nécrose inférieure en hypovolémie ou en périodevagale. En effet, chez ces derniers, ils peuvent induire unehypotension, mais surtout une tachycardie réflexe d’originesympathique qui, si elle n’est pas contrebalancée par un traitementbêtabloquant efficace, est susceptible d’augmenter les besoins enoxygène du myocarde et de raccourcir le temps de perfusiondiastolique des coronaires.Ainsi, d’une utilisation systématique, la prescription des dérivésnitrés à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde doit être réfléchie,sélective, réservée aux patients présentant un infarctus étenducompliqué de dysfonction ventriculaire gauche, ou posant leproblème d’une récurrence ischémique. En cas d’infarctus de taillelimitée, notamment de topographie inférieure ou basale, elle doitêtre évitée du fait du risque d’hypotension et de l’extension possiblede la nécrose au ventricule droit. Cependant, les infarctus sans ondeQ ou les infarctus transmuraux avec un sus-décalage limité dusegment ST (0,2 à 0,4 mV) pourraient également constituer uneindication élective à l’utilisation des dérivés nitrés en phase aiguë.En effet, dans un essai qui inclut 301 patients recevant du dinitrated’isosorbide intraveineux ou du placebo, seuls ces deux typesd’infarctus tirent un bénéfice de l’utilisation précoce des dérivésnitrés qui entraînent une réduction de la taille de l’infarctus [41]. Dansce travail, l’importance de la surélévation du segment ST à l’étatbasal influence de manière significative l’efficacité du dinitrated’isosorbide. Il est possible que ce type d’infarctus, en fait trèsproche de l’angor instable, tire un bénéfice plus marqué de l’actionanti-ischémique des dérivés nitrés. Ce travail souligne l’actionbénéfique hétérogène des dérivés nitrés en phase aiguë d’infarctusdu myocarde qui gardent un intérêt dans certains sous-groupes, bienque leur action globale soit neutre.En postinfarctus du myocarde, les résultats de l’étude ISIS-IVn’incitent pas à l’utilisation systématiques des dérivés nitrés. Eneffet, l’efficacité à long terme des dérivés nitrés d’action prolongéen’a pas été évaluée dans des essais contrôlés dans le traitement dupostinfarctus. Ainsi, bien qu’encore largement utilisés, leurutilisation reste empirique. Leur prescription doit être réfléchie,

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adaptée au statut coronarien et à l’existence ou non d’une ischémiemyocardique résiduelle. En l’absence d’ischémie résiduelle, cliniqueou silencieuse, l’utilisation des dérivés nitrés en traitement de fonddu postinfarctus du myocarde n’apparaît pas justifiée. En casd’ischémie résiduelle, il est raisonnable d’éviter de les prescrire enmonothérapie et de les associer à des médicaments anti-ischémiquesdont l’effet bénéfique a été démontré, tels les bêtabloquants. Enrevanche, un dérivé nitré d’action sublinguale doit figurer surl’ordonnance de sortie pour le traitement ponctuel d’une éventuellerécidive angineuse.

Récemment, l’existence d’un effet délétère de l’utilisation au longcours des dérivés nitrés en postinfarctus a même été suggérée. Eneffet, l’analyse rétrospective des résultats de deux larges étudesprospectives, réalisées chez des patients ayant présenté unévénement coronarien aigu, a révélé que l’utilisation des dérivésnitrés au long cours était associée à une augmentation significativedu risque de mortalité [43]. Bien que ce type d’analyse demeurecritiquable, elle souligne la nécessité de la réalisation d’étudesprospectives à large échelle, appréciant la place des dérivés nitrésutilisés au long cours, tant dans le postinfarctus que dans letraitement de l’angor stable.

INSUFFISANCE CARDIAQUE

Au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë avec œdème pulmonaire,l’administration de dérivés nitrés représente, avec les diurétiques, labase du traitement. Initialement administrés par voie sublinguale, lerelais est pris si nécessaire par la voie intraveineuse en débutant à laposologie de 1 mg/h pour la trinitrine ou de 2 mg/h pour ledinitrate d’isosorbide, puis en augmentant progressivement lesdoses en fonction de l’amélioration fonctionnelle et de l’étathémodynamique.

Au cours de l’insuffisance cardiaque chronique par anomalie de lafonction systolique, quand les inhibiteurs de l’enzyme de conversionpeuvent être utilisés, les dérivés nitrés ne font pas partie dutraitement de première intention [22, 34]. Leur utilisation se justifie chezles patients demeurant symptomatiques, présentant des signes decongestion pulmonaire, sous l’association inhibiteur de l’enzyme deconversion-diurétique et éventuellement bêtabloquant. Quand ladyspnée représente la manifestation essentielle de l’insuffisancecardiaque, les dérivés nitrés peuvent être prescrits en ménageant unefenêtre thérapeutique d’une dizaine d’heures afin de diminuer lephénomène d’échappement. Suivant que la dyspnée prédomine àl’effort ou au repos, les dérivés nitrés sont préférentiellementprescrits le matin ou le soir. En revanche, si les symptômes de basdébit prédominent, les dérivés nitrés n’ont pas leur place, pouvantaggraver l’hypotension sans majorer le débit cardiaque. En casd’insuffisance cardiaque congestive avec œdèmes des membresinférieurs, l’efficacité des dérivés nitrés diminue, la vasodilatationveineuse qu’ils induisent étant moindre du fait de la contre-pressionexercée par l’œdème interstitiel. La posologie des dérivés nitrés àutiliser reste débattue. Si l’on se réfère aux deux grands essaiscliniques V-HeFT I et II, il faudrait avoir recours à de fortes doses :160 mg de dinitrate d’isosorbide en quatre prises, administré àposologie progressivement croissante. Cependant, l’échappementaux dérivés nitrés étant favorisé par les posologies élevées et lesadministrations continues, il semble préférable d’utiliser des dosesmoindres en aménageant des fenêtres thérapeutiques. De plus, enpratique, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, s’ils sont tolérés,devant être systématiquement prescrits et les bêtabloquants de plusen plus souvent utilisés, il est très difficile d’obtenir de tellesposologies de dérivés nitrés. En effet, on ne peut admettre qu’untraitement symptomatique empêche, du fait de l’hypotension qu’ilpeut induire, l’administration des fortes doses d’inhibiteur del’enzyme de conversion ou le recours aux bêtabloquants qui ont faitla preuve de leur efficacité sur la mortalité au cours de l’insuffisancecardiaque. Ainsi, la posologie des dérivés nitrés doit être choisie enfonction de la tolérance fonctionnelle et de l’effet sur les symptômes

de congestion pulmonaire. La préférence actuelle va à uneprescription en monoprise, d’une posologie adaptée par voie orale,de forme galénique retard, soit matinale si la dyspnée d’effortprédomine, soit vespérale si l’orthopnée est au premier plan. Eneffet, les dispositifs transdermiques, qui ne possèdent pasd’autorisation de mise sur le marché pour l’insuffisance cardiaque,en entraînant des concentrations plasmatiques constantes, favorisentle phénomène d’échappement [45]. Cependant, chez ces sujetssouvent polymédicamentés, leur utilisation permet de diminuer lenombre de médicaments à prendre per os. Un tel schémathérapeutique permet de ménager des périodes libres de dérivésnitrés de 8 à 12 heures permettant d’atténuer le phénomèned’échappement hémodynamique. En cas de contre-indication oud’impossibilité d’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme deconversion et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II,l’association de dinitrate d’isosorbide à fortes posologies etd’hydralazine, en association au traitement digitalodiurétique,devrait être prescrite.Au cours de l’insuffisance cardiaque diastolique, les dérivés nitrésconstituent un traitement symptomatique efficace. En effet, endiminuant les pressions du remplissage du ventricule gauche, ilsdiminuent les symptômes liés à la stase pulmonaire. Leuradministration doit cependant être progressive et prudente, car unebaisse trop importante des pressions de remplissage peuts’accompagner chez ces patients d’une baisse préjudiciable du débitcardiaque.

Présentations

Les dérivés nitrés sont utilisés sous diverses formespharmaceutiques qui ont permis de résoudre nombre de problèmesliés à leur pharmacocinétique et ont apporté une grande souplessedans leur utilisation thérapeutique. Les présentations des principauxdérivés nitrés sont représentées dans le tableau I.En traitement aigu, par voie sublinguale, il semble que les spécialitésà base de trinitrine permettent une action plus rapide (2 minutesenviron) que celles à base de dinitrate d’isosorbide, mais cesdernières ont une durée d’action préventive plus longue.L’utilisation sous la forme de solution spray paraît la plus adaptée àl’urgence.En traitement chronique, que ce soit par voie orale ou percutanée,afin d’éviter l’apparition d’un phénomène de tolérance, il faututiliser la posologie minimale efficace et ménager une fenêtrethérapeutique d’au moins 8 heures, soit en retirant le patch, le plussouvent la nuit, soit en privilégiant une prise asymétrique desdérivés nitrés oraux à 7 heures d’intervalle (6-8 h, 13-15 h) ou enutilisant les formes galéniques qui assurent une libération prolongéeen une seule prise. La molsidomine peut être utilisée comme unealternative aux dérivés nitrés ou comme un adjuvant dansl’intervalle libre sans nitrés. Il n’y a pas, en revanche, d’intérêt àprescrire un dérivé nitré et la molsidomine en même temps.L’association des dérivés nitrés au nicorandil est égalementdéconseillée.

Effets secondaireset contre-indications

Les effets secondaires des dérivés nitrés sont dominés par lescéphalées, les bouffées vasomotrices et le risque d’hypotension. Ceseffets, dus à l’action vasodilatatrice, sont fréquents à fortesposologies. Ainsi dans l’étude V-HeFT I, près de la moitié despatients prenaient après 6 mois de traitement une dose de dérivésnitrés ou d’hydralazine inférieure à la posologie initialement prévue,du fait de la survenue d’effets secondaires [9]. Cependant, ces effetssecondaires, fréquents à l’initiation du traitement, peuvent s’atténueravec la poursuite du traitement. Au cours de l’insuffisancecardiaque, l’hypotension qu’ils peuvent générer demeure le

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problème essentiel car pouvant aboutir à la prescription deposologies trop faibles d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion oude bêtabloquants.

À côté des contre-indications classiques des dérivés nitrés,représentées par les myocardiopathies hypertrophiques obstructiveset les rétrécissements aortiques serrés, se pose actuellement leproblème de la prescription du sildénafil (Viagrat). Chez les patientstraités par sildénafil, l’utilisation au long cours de dérivés nitrés estformellement contre-indiquée du fait du risque d’hypotension. Encas de survenue d’une crise d’angor après la prise de sildénafil,l’utilisation de dérivés nitrés est également contre-indiquée dans les24 heures suivant la prise de sildénafil. En effet, les dérivés nitrés oules donneurs de NO qui activent la synthèse de GMPc, et lesildénafil qui est un inhibiteur spécifique de la phosphodiestérasede type 5, enzyme qui dégrade le GMPc, augmentent laconcentration en GMPc. Leur association pourrait entraîner unevasorelaxation artérielle trop importante, à l’origine d’unehypotension qui, chez un patient coronarien, pourrait aggraver l’étatd’ischémie myocardique.

Conclusion

Avec l’enrichissement de la pharmacopée, la prescription de dérivésnitrés doit devenir un geste réfléchi et non systématique, tant au coursde la maladie coronaire que de l’insuffisance cardiaque. En urgence, lorsdes syndromes coronariens aigus ou des poussées d’insuffisancecardiaque, ils restent une des bases de la prise en charge thérapeutique.En traitement chronique, l’action préférentielle des inhibiteurs del’enzyme de conversion et des bêtabloquants sur la survie a diminué laplace des dérivés nitrés. Ces derniers constituent un traitementsymptomatique, efficace tant dans la prévention des crises angineusesque de la dyspnée. L’amélioration fonctionnelle qu’ils induisent, que cesoit au cours de la maladie coronaire ou de l’insuffisance cardiaque,justifie leur large prescription. De plus, au vu de leurs effets bénéfiquessur la fraction d’éjection et la consommation en oxygène à l’effort, leurassociation est particulièrement intéressante tant avec les inhibiteurs del’enzyme de conversion qu’avec les bêtabloquants.

Références ➤

Tableau I. – Présentation des principaux dérivés nitrés.

Voie d’administration Nom de spécialité Forme galéniqueTeneur en dérivé nitré

par prise (mg) Posologie par jour

TrinitrineSublinguale Trinitrine Simple Laleuft pilule 0,15

Natisprayt solution spray 0,30Lénitral sprayt solution spray 0,40Natiroset comprimé 0,75

Orale Lénitralt gélule 2,5 2-3gélule 7,5 2-3

Percutanée Cordipatcht, Diafusort patch 5 1Discotrinet, Nitriderm TTSt 10 1Trinipatcht 15 1

Injectable Lénitralt injectable ampoule 3 0,5 à 4 mg/hLénitralt intracoronaire ampoule 1

Dinitrate d’isosorbideSublinguale Isocardt solution spray 1,25

Risordant comprimé 5Orale Disorlont, Isocardt comprimé 10 2-3

Langorant, Risordant 20 et 20 LP 2-340 LP 1-260 LP 180 LP 1

Injectable Risordant injectable ampoule 10 2-15 mg/h

Mononitrate d’isosorbideOrale Monicort LP gélule 20 LP 2-3

Oxycardint 40 LP 1-260 LP 1

MolsidomineOrale Corvasalt comprimé 2 3

Molsidirext 4 3Injectable Corvasalt intraveineux ampoule 10

Corvasalt intracoronaire ampoule 1

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