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génétique | pratique OptionBio | Lundi 19 mai 2008 | n° 400-401 25 M ettre en place un diagnostic prénatal passe classiquement par l’étape de recueil de cellules fœtales, dont la mise en culture permet la réalisation du caryotype pour la détection éventuelle d’anomalies génétiques ou chromosomiques fœtales. Ces cellules provien- nent de liquide amniotique le plus souvent, de villosités choriales ou de sang fœtal. Leur recueil invasif n’est pas dénué de risque de perte du fœtus, pouvant varier de 0,5 à 5 %, ce qui explique la recherche de moyens non invasifs de diagnostic prénatal. Comment obtenir du matériel génétique fœtal ? Le problème majeur est d’obtenir un nombre suffi- sant de cellules fœtales nucléées. Plusieurs pistes ont été suivies. • La recherche par prélèvement endocervical a été étudiée, mais les cellules trophoblastiques sont trop peu nombreuses et le caractère non invasif du prélèvement n’est pas totalement probant. • On connaît depuis longtemps la présence de globules rouges fœtaux dans le sang maternel, mais les hématies n’ont pas de noyau. • Depuis les années 1970, on sait qu’il existe des cellules trophoblastiques dans la circulation mater- nelle. Une étude multicentrique sur la détermina- tion du sexe fœtal et la recherche de trisomie 21 a cependant abouti à des résultats décevants, notamment du fait de la très faible cellularité fœtale et de la difficulté d’enrichissement (la plupart de ces cellules sont en état d’apoptose). En 1997, a été mis en évidence la présence d’ADN dérivé du chromosome Y dans le plasma d’une femme enceinte, amenant le concept d’ADN fœtal circulant. Cet ADN provient essentiellement des cellules syncytio-trophoblastiques et apparaît dans la circulation maternelle aux environs de la 6 e semaine d’aménorrhée. Sa concentration aug- mente au cours de la grossesse, décroît dans les heures qui suivent l’accouchement et ne persiste pas d’une grossesse à l’autre (contrairement aux cellules trophoblastiques circulantes évoquées ci-dessus). L’ADN fœtal circulant Les limites des techniques basées sur l’ADN fœtal circulant sont liées d’une part à la très faible proportion de cet ADN fœtal (de l’ordre de 20 à 30 copies/mL), comparativement à la pré- sence d’ADN maternel. D’autre part, l’analyse de cet ADN n’est pertinente que sur des séquences paternelles. Le diagnostic de sexe Ce diagnostic est très réglementé et est indiqué pour la recherche de pathologies liées au chro- mosome Y. Si, sur simple prise de sang mater- nel, il n’est pas mis en évidence d’ADN dérivé du chromosome Y, le suivi de la grossesse est alors uniquement échographique. L’hyperplasie congénitale des surrénales Cette pathologie conduit à une virilisation des fœtus féminins. L’attitude thérapeutique consiste en un traitement corticoïde lourd, à fortes doses, et qui doit être réalisé en début de grossesse, avant 8 semaines. Un diagnostic de sexe réalisé entre 6 et 8 semaines sur l’ADN fœtal circulant permet de n’instaurer le traitement corticoïdes qu’en cas de non mise en évidence d’ADN dérivé du chromosome Y. Le génotype Rhésus fœtal Les recommandations (2006) 1 préconisent l’ad- ministration d’immunoglobulines à toute femme Rhésus négatif au cours du 3 e trimestre de grossesse. Sachant que cela concerne environ 150 000 femmes en France par an et que c’est inutile pour un tiers de ces grossesses, il parait donc intéressant de pouvoir mieux identifier les grossesses à risque. La démarche est la même que pour le diagnostic de sexe. Il faut cependant noter que la recherche sur ADN fœtal circulant est ici surtout pertinente pour les femmes caucasiennes et s’avère plus complexe pour les femmes africaines. En effet, la fréquence chez ces dernières d’un phénotype Rhésus négatif avec délétion partielle du gène Rh est beaucoup plus fréquente. Et demain ? Cette analyse de l’ADN fœtal circulant, bien que de découverte récente, fait partie intégrante des outils disponibles dans le cadre du diagnostic anténatal, mais pour des applications restreintes comme nous l’avons vu. La recherche de trisomie 21 n’est aujourd’hui pas possible sur ADN fœtal circulant, du fait de la présence d’un ADN majoritairement maternel et d’une trop grande homologie. Il faudrait pouvoir isoler l’ADN fœtal. Une des pistes consisterait à utiliser le fait que les fragments d’ADN fœtal circu- lants ont toujours une taille inférieure à 300 paires de bases (pb), alors que ceux de l’ADN maternel ont des tailles très variables. Une autre piste de développement concerne les technologies de puces à ARN. Il existe en effet des ARN fœtaux circulants, spécifiquement produits par le placenta, et dont l’intérêt est de ne pas avoir de contrepartie maternelle. | ROSE-MARIE LEBLANC consultant biologiste, Bordeaux (33) [email protected] Diagnostic prénatal non invasif sur ADN fœtal circulant De nombreux examens prénataux sont effectués sur cellules provenant de liquide amniotique le plus souvent, de villosités choriales ou de sang fœtal. L’ADN fœtal circulant permet un diagnostic, très réglementé, portant sur le sexe du fœtus. 25 © Fotolia.com/Perrodactyle Source Communication de J.-M. Costa (laboratoire Pasteur Cerba, Cergy- Pontoise, 95), lors du 36 e Colloque national des biologistes des hôpitaux, Dijon, octobre 2007. Note 1. www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PURPC_13.HTM.

Diagnostic prénatal non invasif sur ADN fœtal circulant

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génétique | pratique

OptionBio | Lundi 19 mai 2008 | n° 400-401 25

Mettre en place un diagnostic prénatal passe classiquement par l’étape de recueil de cellules fœtales, dont la mise

en culture permet la réalisation du caryotype pour la détection éventuelle d’anomalies génétiques ou chromosomiques fœtales. Ces cellules provien-nent de liquide amniotique le plus souvent, de villosités choriales ou de sang fœtal. Leur recueil invasif n’est pas dénué de risque de perte du fœtus, pouvant varier de 0,5 à 5 %, ce qui explique la recherche de moyens non invasifs de diagnostic prénatal.

Comment obtenir du matériel génétique fœtal ?Le problème majeur est d’obtenir un nombre suffi-sant de cellules fœtales nucléées. Plusieurs pistes ont été suivies.• La recherche par prélèvement endocervical a été étudiée, mais les cellules trophoblastiques sont trop peu nombreuses et le caractère non invasif du prélèvement n’est pas totalement probant.• On connaît depuis longtemps la présence de globules rouges fœtaux dans le sang maternel, mais les hématies n’ont pas de noyau.• Depuis les années 1970, on sait qu’il existe des cellules trophoblastiques dans la circulation mater-nelle. Une étude multicentrique sur la détermina-tion du sexe fœtal et la recherche de trisomie 21 a cependant abouti à des résultats décevants, notamment du fait de la très faible cellularité fœtale et de la difficulté d’enrichissement (la plupart de ces cellules sont en état d’apoptose).En 1997, a été mis en évidence la présence d’ADN dérivé du chromosome Y dans le plasma d’une femme enceinte, amenant le concept d’ADN fœtal circulant. Cet ADN provient essentiellement des cellules syncytio-trophoblastiques et apparaît dans la circulation maternelle aux environs de la 6e semaine d’aménorrhée. Sa concentration aug-mente au cours de la grossesse, décroît dans les heures qui suivent l’accouchement et ne persiste pas d’une grossesse à l’autre (contrairement aux cellules trophoblastiques circulantes évoquées ci-dessus).

L’ADN fœtal circulantLes limites des techniques basées sur l’ADN fœtal circulant sont liées d’une part à la très faible proportion de cet ADN fœtal (de l’ordre de 20 à 30 copies/mL), comparativement à la pré-sence d’ADN maternel. D’autre part, l’analyse de cet ADN n’est pertinente que sur des séquences paternelles.

Le diagnostic de sexeCe diagnostic est très réglementé et est indiqué pour la recherche de pathologies liées au chro-mosome Y. Si, sur simple prise de sang mater-nel, il n’est pas mis en évidence d’ADN dérivé du chromosome Y, le suivi de la grossesse est alors uniquement échographique.

L’hyperplasie congénitale des surrénalesCette pathologie conduit à une virilisation des fœtus féminins. L’attitude thérapeutique consiste en un traitement corticoïde lourd, à fortes doses, et qui doit être réalisé en début de grossesse, avant 8 semaines. Un diagnostic de sexe réalisé entre 6 et 8 semaines sur l’ADN fœtal circulant permet de n’instaurer le traitement corticoïdes qu’en cas de non mise en évidence d’ADN dérivé du chromosome Y.

Le génotype Rhésus fœtalLes recommandations (2006)1 préconisent l’ad-ministration d’immunoglobulines à toute femme Rhésus négatif au cours du 3e trimestre de grossesse. Sachant que cela concerne environ 150 000 femmes en France par an et que c’est inutile pour un tiers de ces grossesses, il parait donc intéressant de pouvoir mieux identifier les grossesses à risque.La démarche est la même que pour le diagnostic de sexe. Il faut cependant noter que la recherche sur ADN fœtal circulant est ici surtout pertinente pour les femmes caucasiennes et s’avère plus complexe pour les femmes africaines. En effet, la fréquence chez ces dernières d’un phénotype Rhésus négatif avec délétion partielle du gène Rh est beaucoup plus fréquente.

Et demain ?Cette analyse de l’ADN fœtal circulant, bien que de découverte récente, fait partie intégrante des outils disponibles dans le cadre du diagnostic anténatal, mais pour des applications restreintes comme nous l’avons vu.La recherche de trisomie 21 n’est aujourd’hui pas possible sur ADN fœtal circulant, du fait de la présence d’un ADN majoritairement maternel et d’une trop grande homologie. Il faudrait pouvoir isoler l’ADN fœtal. Une des pistes consisterait à utiliser le fait que les fragments d’ADN fœtal circu-lants ont toujours une taille inférieure à 300 paires de bases (pb), alors que ceux de l’ADN maternel ont des tailles très variables.Une autre piste de développement concerne les technologies de puces à ARN. Il existe en effet des ARN fœtaux circulants, spécifiquement produits par le placenta, et dont l’intérêt est de ne pas avoir de contrepartie maternelle. |

ROSE-MARIE LEBLANC

consultant biologiste, Bordeaux (33)

[email protected]

Diagnostic prénatal non invasif sur ADN fœtal circulant

De nombreux examens prénataux sont effectués sur cellules provenant de liquide amniotique le plus souvent, de villosités choriales ou de sang fœtal. L’ADN fœtal circulant permet un diagnostic, très réglementé, portant sur le sexe du fœtus.

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SourceCommunication de J.-M. Costa (laboratoire Pasteur Cerba, Cergy-

Pontoise, 95), lors du 36e Colloque national des biologistes des

hôpitaux, Dijon, octobre 2007.

Note1. www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PURPC_13.HTM.