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LES ANNONCES DE LA SEINE RENTRÉE SOLENNELLE Barreau du Fort-de-France Vigies de l’état de droit par Raphaël Constant ....................................2 Thèse négative par Laurie Chantalou-Norde .......................................4 Thèse affirmative par Délalie Viagbo ...................................................7 ACADÉMIE FRANÇAISE Réception de Simone Veil Fraternité et avenir par Simone Veil ................................................11 La France que l’on aime par Jean d’Ormesson ...............................12 NÉCROLOGIE In Memoriam Jean-Pierre Cochard (1927-2009) par Bernard Pagès............................................................................14 ANNONCES LEGALES ...................................................16 AVIS DENQUÊTE PUBLIQUE....................................23 DIRECT Conférence des Bâtonniers Assemblée générale du 19 mars 2010 Avant-projet du futur Code de procédure pénale ...........................24 SUPPLÉMENT Droit de la montagne par Maurice Bodecher et Pascal Vie J OURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Lundi 22 mars 2010 - Numéro 16 - 1,15 Euro - 91 e année L a 11 ème Conférence du Barreau de Fort-de-France créée en janvier 1998 par le Bâtonnier Raymond Auteville, s'est déroulée le 29 janvier dernier en présence de professionnels du droit, de parte- naires et des représentants de la société martiniquaise. Des artistes martiniquais étaient en outre associés à l'évènement puisque les œuvres de Victor Permal étaient exposées et Annie-Laure Carole, élève du célèbre clarinettiste Barel Coppet, a interprété des œuvres du répertoire musical traditionnel de la Martinique, ponctuant ainsi d'un intermède musical les interventions successives. L'avocat est-il vraiment indépendant ? C'est sur ce thème fixé par le Bâtonnier Raphaël Constant que les jeunes avocats se sont livrés à l'exercice traditionnel d'éloquence oratoire. Laurie Chantalou-Norde a défendu la thèse négative alors que Délalie Viagbo a soutenu la thèse affirmative. Le Bâtonnier Raphaël Constant a invité ses confrères à se positionner face à toutes les questions mettant en cause l’état de droit, qu'il s'agisse de l'absence criante de moyens tant sur le plan humain que matériel ou encore de l'inflation législative. Le Bâtonnier de Fort- de-France a aussi tenu à évoquer les difficultés spéci- fiques de la justice martiniquaise qui souffre d'une sur- population carcérale conduisant à des conditions de détention indignes. Une politique de prévention et de lutte contre le trafic de stupéfiants, pourtant crucial pour l'avenir et pour protéger la jeunesse, fait aussi cruellement défaut. Enfin, en mémoire aux combats du bâtonnier Marie- Alice André-Jaccoulet, disparue en janvier 2009 et à qui cette 11 ème Conférence était dédiée, Raphaël Constant a appelé ses confrères à être les vigies de l'Etat de droit. Jean-René Tancrède D.R. Conférence du Barreau de Fort-de-France Martinique - 29 janvier 2010 Raphaël Constant

Edition Du Lundi 22 Mars 2010 - 16

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Les Annonces de la Seine

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  • LES ANNONCES DE LA SEINE

    RENTRE SOLENNELLEBarreau du Fort-de-FranceVigies de ltat de droit par Raphal Constant....................................2Thse ngative par Laurie Chantalou-Norde .......................................4Thse affirmative par Dlalie Viagbo ...................................................7

    ACADMIE FRANAISERception de Simone VeilFraternit et avenir par Simone Veil ................................................11La France que lon aime par Jean dOrmesson ...............................12

    NCROLOGIEIn Memoriam Jean-Pierre Cochard (1927-2009)par Bernard Pags............................................................................14

    ANNONCES LEGALES ...................................................16AVIS DENQUTE PUBLIQUE....................................23DIRECTConfrence des BtonniersAssemble gnrale du 19 mars 2010Avant-projet du futur Code de procdure pnale ...........................24

    SUPPLMENTDroit de la montagnepar Maurice Bodecher et Pascal Vie

    JOURNAL OFFICIEL DANNONCES LGALES - INFORMATIONS GNRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilit pour les dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

    FONDATEUR EN 1919 : REN TANCRDE - DIRECTEUR : JEAN-REN TANCRDE

    Lundi 22 mars 2010 - Numro 16 - 1,15 Euro - 91e anne

    La 11me Confrence du Barreau de Fort-de-France

    cre en janvier 1998 par le Btonnier RaymondAuteville, s'est droule le 29 janvier dernier enprsence de professionnels du droit, de parte-

    naires et des reprsentants de la socit martiniquaise.Des artistes martiniquais taient en outre associs l'vnement puisque les uvres de Victor Permaltaient exposes et Annie-Laure Carole, lve duclbre clarinettiste Barel Coppet, a interprt desuvres du rpertoire musical traditionnel de laMartinique, ponctuant ainsi d'un intermde musicalles interventions successives.L'avocat est-il vraiment indpendant ? C'est sur cethme fix par le Btonnier Raphal Constant que lesjeunes avocats se sont livrs l'exercice traditionneld'loquence oratoire. Laurie Chantalou-Norde adfendu la thse ngative alors que Dlalie Viagbo asoutenu la thse affirmative.

    Le Btonnier Raphal Constant a invit ses confrres se positionner face toutes les questions mettant encause ltat de droit, qu'il s'agisse de l'absence criante demoyens tant sur le plan humain que matriel ouencore de l'inflation lgislative. Le Btonnier de Fort-de-France a aussi tenu voquer les difficults spci-fiques de la justice martiniquaise qui souffre d'une sur-population carcrale conduisant des conditions dedtention indignes.Une politique de prvention et de lutte contre le traficde stupfiants, pourtant crucial pour l'avenir et pourprotger la jeunesse, fait aussi cruellement dfaut.Enfin, en mmoire aux combats du btonnier Marie-Alice Andr-Jaccoulet, disparue en janvier 2009 et qui cette 11me Confrence tait ddie, RaphalConstant a appel ses confrres tre les vigies del'Etat de droit.

    Jean-Ren Tancrde

    D.R

    .

    Confrence du Barreaude Fort-de-FranceMartinique - 29 janvier 2010

    Raphal Constant

  • Vigies de ltat de droitpar Raphal Constant

    Permettez-moi, en votre nom tous, desouhaiter nos invits, personnalitsjudiciaires, politiques et militaires labienvenue en cette 11me confrence duBarreau de Fort-de-France.Cre en 1998, par Monsieur le BtonnierAuteville, la Confrence du Barreau est unmoment fort de rencontre avec tous nospartenaires o nous raffirmons nos valeurs etau travers dun exercice dloquence assur cetteanne par nos confrres Laurie Chantalou-Norde et Dlalie Viagbo, dmontrons ledynamisme et la comptence des avocats de laMartinique.Mais, nous ne pouvons commencer cettemanifestation qui se veut un acte de foi, ausens gnrique du terme, et un acte de joie,sans avoir, pralablement, une pense pour lesinnombrables victimes, disparues ou survi-vantes, du peuple hatien, terrass par unsisme destructeur.Ds le premier jour de ce drame, en ma qualitde btonnier, jai fait part de la volont de lOrdredes avocats, dapporter une aide concrte lapatrie de Toussaint Louverture et de Dessaline,premire rpublique noire de notre continent.Sachez que cette aide se met en place.Il est aussi possible que laide au peuple hatiendoive aussi se manifester sur notre propre solde Martinique.A cet gard, nous veillerons, et toutparticulirement, notre Commission des droitsde lHomme prside par Monsieur le BtonnierEloidin, ce que la mme sollicitude, le mmedploiement mdiatique, administratif etpolitique rservs de jeunes orphelins hatiensallant rejoindre leur famille dadoption en Franceseront galement dmontrs aux parentshatiens vivant rgulirement en Martiniquequi souhaiteraient, dans le cadre dunregroupement familial, faire venir leurs proches,en particulier, leurs enfants prs deux.Notre sens de lquit fait que nous ne pourrionsconcevoir une attitude discriminatoire vis--visdenfants, base sur lorigine des parents adoptifsou biologiques.Mesdames et Messieurs,Ds mon lection comme btonnier de lOrdre,jai souhait, et ce souhait a rencontr unacquiescement unanime au sein des avocats duBarreau de Fort-de-France, que cetteconfrence, la premire qui ait lieu la suite deson dcs, soit ddie la mmoire de Madamele btonnier Marie-Alice Andr-Jaccoulet, quinous a quitt le 11 janvier 2009.Femme de fortes convictions, je puis dautantplus laffirmer que nous ne partagions pas lesmmes, femme de courage, militante de ladignit martiniquaise, de la dfense avec ungrand D au sein de notre barreau et de notresocit.Battante, toujours traquer linjustice, ladnoncer, toujours lcoute des sans-voix,incisive, quelquefois excessive, "dlicieusement

    insupportable" pour reprendre lexpression deMadame le btonnier Yoyo, elle a laiss un videbant, qui, soyons honnte, ne pourra jamaistre combl.Si le Btonnier Andr-Jaccoulet a tant marqunotre profession, limage dautres de nosconfrres, comme les Gratiant, Manville,Darsires et tant dautres, cela nest pas duniquement au talent, la comptence, autravail.Certes, il y a cela aussi, mais surtout, cettemarque indlbile quelle a laiss tient sacapacit avoir fait le relais entre le droit, sciencehumaine, donc susceptible derreur, et la socithumaine dans laquelle elle vivait, travaillait,voluait.Elle tait un avocat dans la cit.Un des rdacteurs du Code civil, Portalis,dclarait au dbut du XIXme sicle "les loisdoivent tre faites pour les hommes et non leshommes pour les lois".Ce lien entre lhomme et la loi, le citoyen et lajustice, le justiciable et linstitution judiciaire, telest le dfi quotidien, permanent que doit releverlavocat.Le Btonnier Andr-Jaccoulet a crit dans sonouvrage "De Solitude Mlodie" : "LAvocat estsouvent le conseiller, le confesseur, le psychologue.Il doit faire preuve dun courage extraordinaire,dune indpendance toute preuve et dun sensde lhumain de tous les instants".Tout est dit !Tout est bien dit !Lavocat est un tre protiforme devant allerpartout o les intrts de son client sont en pril.Il doit tre double, triple, doit remplir, une deux,trois fonctions.Parfois, il pourra prendre le temps, dans laquitude de son cabinet, de peaufiner unestratgie daction et de dfense, parfois, il devra,dans lurgence, en pleine audience, dterminerun choix, trouver une voie au pied lev.Lavocat peut devoir, en pleine nuit, se rendreen garde vue rassurer son client, participer auconseil dadministration dune grande socitou lassemble gnrale dune petiteassociation, assister son client une ngociation,laccompagner dans une administration pourfaire valoir ses droits.Lavocat doit couter son client, recueillir sesconfidences, les garder prcieusement dans sammoire qui devient un tombeau, le rassurersans lui cacher la vrit sur les risques de sonlitige.Lavocat doit sinvestir dans la cause du clientmais garder assez de recul pour resterclairvoyant.Lavocat va la prison. Il coute les protestationsdinnocence. Il doit dissquer le vrai du faux.Pire il doit comprendre la dtresse ou ladviance humaine pour parvenir la restitueret lexpliquer.Lavocat doit expliquer pourquoi les procs sontsi longs alors que pour le client sa cause est sisimple et videnteFace au juge, il doit connatre la rgle de droit,porter la vrit de la cause quil dfend enargumentant pour quelle devienne vritjudiciaire.

    2 Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16

    Rentre solennelleLES ANNONCES DE LA SEINESige social :

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 572 142 677 - (1957 B 14267)

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    Directeur de la publication et de la rdaction :Jean-Ren Tancrde

    Comit de rdaction :Jacques Barthlmy, Avocat la CourThierry Bernard, Avocat la Cour, Cabinet BernardsFranois-Henri Briard, Avocat au Conseil dEtatAntoine Bullier, Professeur lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrg des Universits de droitAndr Damien, Membre de lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit Paris I Panthon SorbonneDominique de La Garanderie, Avocate la Cour, ancien Btonnier de ParisBrigitte Gizardin, Substitut gnral la Cour dappelSerge Guinchard, Professeur de Droit lUniversit Paris II Panthon-AssasFranoise Kamara, Conseiller la premire chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat gnral honoraire la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat la Cour, Matre de confrence H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit lUniversit Paris II Panthon-AssasNolle Lenoir, Avocate la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit Paris II Panthon-AssasPierre Masquart, Avocat la CourJean-Franois Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesSophie Pillard, MagistrateGrard Pluyette, Conseiller doyen la premire chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol, Ancien Prsident de lIFACFrancis Teitgen, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

    Publicit :Lgale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frdric Bonaventura

    Commission paritaire : n 0708 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 099 exemplairesPriodicit : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de lAtlas - 75019 PARIS

    Copyright 2010Les manuscrits non insrs ne sont pas rendus. Sauf dans les cas o elle est autoriseexpressment par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale oupartielle du prsent numro est interdite et constituerait une contrefaon sanctionnepar les articles 425 et suivants du Code Pnal.

    Le journal Les Annonces de la Seine a t dsign comme publicateur officiel pour lapriode du 1er janvier au 31 dcembre 2010, par arrts de Messieurs les Prfets : de Paris,du 29 dcembre 2009 ; des Yvelines, du 16 dcembre 2009 ; des Hauts-de-Seine, du23 dcembre 2009 ; de la Seine-Saint-Denis, du 22 dcembre 2009 ; du Val-de-Marne,du 18 dcembre 2009 ; de toutes annonces judiciaires et lgales prescrites par le Code Civil,les Codes de Procdure Civile et de Procdure Pnale et de Commerce et les Lois spcialespour la publicit et la validit des actes de procdure ou des contrats et des dcisions dejustice pour les dpartements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : Ladministration dcline toute responsabilit quant la teneur des annonces lgales.

    - Tarifs hors taxes des publicits la ligneA) Lgales :Paris : 5,22 Seine-Saint-Denis : 5,22 Yvelines : 5,01 Hauts-de-Seine : 5,22 Val-de-Marne : 5,17 B) Avis divers : 9,50 C) Avis financiers : 10,60 D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,69 Hauts-de-Seine : 3,70 Seine-Saint Denis : 3,69 Yvelines : 5,01 Val-de-Marne : 3,70 - Vente au numro : 1,15 - Abonnement annuel : 15 simple

    35 avec supplments culturels95 avec supplments judiciaires et culturels

    COMPOSITION DES ANNONCES LGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

    Surfaces consacres aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinasTitres : chacune des lignes constituant le titre principal de lannonce sera compose en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi 4,5 mm.Les blancs dinterlignes sparant les lignes de titres nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lannonce sera compose en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi 3,40 mm. Lesblancs dinterlignes sparant les diffrentes lignes du sous-titre seront quivalents 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est spare de la prcdente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lespace blanccompris entre le filet et le dbut de lannonce sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le mme principe rgira le blanc situ entre la dernire ligne de lannonce et le filet sparatif.Lensemble du sous-titre est spar du titre et du corps de lannonce par des filets maigres centrs. Leblanc plac avant et aprs le filet sera gal une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinas : le blanc sparatif ncessaire afin de marquer le dbut dun paragraphe o dunalina sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces dfinitions typographiquesont t calcules pour une composition effectue en corps 6 points Didot. Dans lventualit o lditeurretiendrait un corps suprieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

    2009

  • Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16 3

    Rentre solennelle

    Face au confrre dfendant la partie adverse, ildoit tre confraternel dans la limite de lintrtquil dfend.Face au client, il doit vaincre la priori de laconnivence entre gens de justice. A lheuredinternet, il doit pouvoir rpondre son clientqui a trouv sur Lgifrance ou tout autre site"juridique" la solution son litige.Lavocat est tout cela, il est aussi un gestionnairedentreprise. Il doit grer son personnel sans quiil serait perdu, ngocier avec sa banque undcouvert pour faire face ses charges, contesterles calculs de lURSAFF, la CGSSM, Ple emploi,sans oublier les impts.Pris par la dfense des autres, il se dfendsouvent mal. Ne dit-on pas que lavocat qui sedfend lui-mme a pour client un fou ?Alors au soir dun mauvais jugement, dunecondamnation quil estime injuste, dunedemande du btonnier, dun rappel de paiement,il se dsespre, se maudit davoir choisi ce mtiersi beau mais si souvent ingrat.Il se dsespre et se noie.Comme lcrit Monsieur le btonnier Eloidindans son pome "Advocatus-Avocat" : "Je suislhomme qui se meurt souvent mais ne steintjamais".Alors au petit matin, parfois avant 6 heures, son cabinet, se plongeant dans les dossiers dujour ou du lendemain, il reprend vit, il renat nouveau pour la dfense des autres.Cela est le lot en Martinique de 168 avocats,20 socits davocats.Un ordre, limage de notre socit, majoritfminin (~ 60%) et jeune (30% des avocats ayantmoins de 10 ans de barre).LOrdre, jentends par l, le btonnier et leConseil de lOrdre, a une mission de dfense dela profession. Il doit sassurer de la formation deses membres et veiller au maintien et au respectde la dontologie.Mesdames, Messieurs,LOrdre des avocats na pas quune missioninterne.Concourant laction judiciaire, partenaire dela "chose" de justice, lavocat ne peut senfermerdans lisolement.La justice est lpine dorsale de la socit.Sans justice, sans tat de droit, la socit seraitune jungle.Les avocats dans leur diversit et lOrdre,doivent se positionner face toutes les questionsmettant en cause ltat de droit.Nayez crainte, je ne prtends pas, ici, treexhaustif. Trois points seulement seront abordsdans ce propos.En premier lieu, nous dpendons dune socitsouffrant dun travers multisculaire.La France est en effet lun des pays dveloppdont la part du P.I.B. consacr la justice est unedes plus faibles.La consquence est une absence criante demoyens tant sur le plan humain que matriel.A cela sajoute un critre rcent, celui de larentabilit ou de lefficacit, rclam aupersonnel judiciaire.Nous ne croyons pas que la justice puisse trerentable. Ce nest pas une entreprise.Il ne sagit pas de rendre le maximum de

    jugements avec le minimum de juges mais dese doter des moyens de rendre la justice dansdes dlais raisonnables pour tous les justiciables,tant ceux qui esprent leur procs que ceux quiattendent une dcision de justice.

    Le second travers est plus rcent mais encoreplus pernicieux : linflation lgislative.On multiplie les lois, le Parlement estembouteill.Il semble que, de plus en plus souvent, la loiapporte une rponse politique des situationsparticulires alors que la recherche de lintrtgnral est de plus en plus hypothtique.Une malheureuse anecdote a illustr ce fait en2009.Ce nest pas le procs dun ancien Premierministre devant un tribunal correctionnel, ni lerenvoi devant cette mme juridiction dunancien Prsident de la Rpublique.Cest le fait que, dans un procs fortement

    mdiatis, celui de la scientologie, on a vu le plusgrand Parquet de France, celui de Paris, requrirune peine pnale qui nexistait plus dans larsenallgislatif, depuis quelques semaines.Quand, par la suite, il a t expliqu que ctaitquasiment "par mgarde" que le lgislateur avaitsupprim cette disposition (permettre ladissolution dune personne morale reconnuecoupable de certaines infractions pnales), on apu mesurer avec inquitude, le niveau extrmede confusion lgislative o nous sommes arrivs.A nos yeux, linflation lgislative est synonymedinscurit juridique pour le citoyen.

    Le troisime point que je souhaiteraisrapidement aborder est celui de la politiquepnale en Martinique.En 2009, le Centre pnitentiaire de Ducos abattu tous les records de sur-occupation.Nous en sommes plus de 80% et ceci en dpitdune extension des locaux en 2008.Cela induit des conditions de dtention indigneset nous ne pouvons que nous inquiter durcent dcs dun dtenu des suites dune simplecrise dasthme.De mme nous ne pouvons que partagerlmotion de beaucoup de Martiniquaisconcernant le maintien en prison de MonsieurPierre-Just Marny, plus ancien prisonnier deFrance.La situation est telle quun secrtaire gnral delUFAP (lUnion des fonctionnaires deladministration pnitentiaire) a demand, dansle silence assourdissant des politiques, laconstruction dune deuxime prison enMartinique.Deux tablissements pnitentiaires de plus de500 places sur un territoire de 1 000 km et de400 000 habitants, cela na pas de sens.

    La socit martiniquaise nest pascongnitalement plus criminogne que dautressocits.Cette ralit est la consquence non seule-ment dun recours trop systmatique lincar-cration, phnomne de mode qui na commeconsquence que daugmenter la dlinquance,mais surtout au fait que la politique de pr-vention en Martinique est extrmement faiblevoire drisoire.En lespce, il est anormal quil ny ait que deuxjuges pour enfants dans notre pays alors que ladlinquance y est pour beaucoup juvnile.Ces magistrats font de leur mieux et nemnagent pas leurs efforts mais le manque demoyens est criant.De mme la lutte contre la toxicomanie disposede peu de moyens alors que nous savons que ladrogue est un vecteur de dlinquance.Nous sommes daccord pour lutter contre lenarcotrafic avec des procs fleuves mme si

    ceux-ci impliquent des difficults pour notreOrdre trouver des avocats au titre de laCommission doffice et un retard pour lesjusticiables de la Martinique, en raison desmoyens mobiliss.Lefficacit de ces procs reste dmontrer maisil faudrait en tout tat de cause et avant tout nepas oublier la prvention et la lutte contre letrafic de stupfiants, dans les rues de Fort-de-France !Nous interpellons les pouvoirs publics et leshommes politiques sur ce point car il estirresponsable pour lavenir de ne pas protgernotre jeunesse.Mesdames, Messieurs,Imaginons un bateau nomm Justice naviguantdans les eaux dmontes de la criseconomique et sociale mondiale.Saluons dj les soutiers, ce personnelfonctionnaire de justice, qui dans lanonymat,permettent que le bateau ne sombre pas.Nul doute quaux commandes se trouvent desmagistrats de qualit, uvrant ce qu lre dunuclaire, ce bateau voile continue davancer.Les justiciables, passagers embarqus souventmalgr eux, sont inquiets car ils se demandentsils atteindront le port ou sils drivent.Nous avocats, fidles notre mission de justicesommes au poste de vigie et crions :- restrictions budgtaires au Nord,- manque de personnel au Sud- prison sur-occupe lEst- dlais draisonnables lOuest.Justice en danger !Mes Chers confrres, pour que lme et lescombats du Btonnier Andr-Jaccouletcontinuent de vivre, je vous appelle tre lesvigies de ltat de droit.Je vous appelle la vigilance.

    La justice est lpine dorsale de la socit.

    Sans justice, sans tat de droit, la socit serait une jungle.

    Raphal Constant

  • 4Rentre solennelle

    Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16

    Thse ngativepar Laurie Chantalou-Norde

    "Je jure, comme avocat, dexercer mes fonctionsavec dignit, conscience, indpendance, probitet humanit".Me voil, main droite leve, non sur la bible,mais face mes pairs, face la cour, au procu-reur gnral, et en prsence de mes proches.Me voil, prsente par le btonnier de lOrdrequi dsormais sera le mien, comme sacrifie surlautel de cette cour qui reoit mon serment.Mon serment, lacte dengagement ma nou-velle vie, ma profession, mon sacerdoce, merappelle immdiatement que jappartiens unordre par lequel je suis soumise une disciplineet des devoirs.Les cadres sont tablis ds le dpart.Me voil, demble place sous le joug de valeurscertes plus morales que juridiques, mais dau-tant plus redoutables.Me voil, jurant publiquement allgeance auxvaleurs et principes qui me jugeront.Le premier de ces juges sera peut-tre celui lmme qui ma prsent la cour, ou serait-cecelui qui a reu mon serment, sur les rquisi-tions de lavocat gnral ?Me voil, lie mon propre serment, par lequelje viens pourtant de jurer mon entire indpen-dance, et par dfinition mon refus total et obs-tin de toute sujtion, de toute pression et detoute contrainte.Monsieur le btonnier,Mesdames et Messieurs les btonniersMes Chers confrres, Mes Chres consurs,Mesdames, Messieurs.Lavocat est-il indpendant ?Assurment ! Puisque les textes rgissant notreprofession laffirment et que notre Rglementintrieur national ne cesse de le rappeler.Mais lest-il vraiment ?

    A-t-il encore aujourdhui les moyens de ltre,et de vritablement se saisir de son indpen-dance. ?Parler daujourdhui implique ncessairementlvocation dhier, or lHistoire ne ment pas.Elle nous montre, et nous dmontre quaprsavoir t tributaire de la justice royale, lavocatest aujourdhui tributaire de lEtat et de sesagents, uvrant dans les juridictions, et quilon svertue faire croire une indpendance,dite "judiciaire".Ainsi pendant 250 ans de lhistoire de France,aucun inculp ne connaitra lassistance dunavocat en matire criminelle, selon la volontde Franois Ier.Puis, alors que la rvolution avait enfin rtablilavocat dans son rle, apparat un dcret, pro-mulgu le 11 septembre 1790, supprimantpurement et simplement lordre des avocats.Par bonheur, vingt annes plus tard, un empe-reur rtablit, certes de fort mauvaise grce, lafonction davocat dans son titre.Toutefois, les propos quil a pu tenir avant dtrecontraint daccepter ce dcret, traduisent laver-sion relle de ceux qui nous gouvernent pournotre indpendance.Cest ainsi que Napolon sinsurgea en scriant :"Ce dcret est absurde, il ne laisse aucune prise,aucune action contre eux Je veux quon puissecouper la langue un avocat qui sen sert contrele gouvernement".Au final, aucune langue ne fut coupe, peut-tre regret pour certains Enfin, ne prsu-mons de rien.Le pont entre la thorie de lindpendance et lapratique de lindpendance est-il solidementconstruit ?Je jure de ne rien vous cacher, et de vous dire lavrit, toute la vrit, rien que la vrit, en touttat de cause, ma vrit.La vrit, mes chers confrres, Mesdames etMessieurs, est que cette indpendance, si farou-chement affirme, se trouve dans les faits enca-dre de prs, de trs prs, de trop prs par lesrgles rgissant et sanctionnant la professionstrictement rglemente laquelle appartientlavocat (I).En outre, cette indpendance thorique estsoumise aux exigences du professionnel man-dataire libral quest lavocat (II).

    I. Lavocat appartient une profession strictement

    rglemente

    Chacun des actes de lavocat, chacun de ses pro-pos et peut tre mme chacune de ses penses,est examin et sanctionn au regard des termesde son serment (A), et de sa dontologie (B).

    A. Lavocat est dpendantde son serment

    Le serment est une promesse dfinitive (a),dont les piliers encerclent lavocat (b).

    a) Le serment est une promesse dfinitive

    "Si je le viole et deviens parjure, quun sortcontraire ( lhonneur) marrive !", a proclamHippocrate, loccasion de son clbre ser-ment."Tout comme le baiser qui vient dtre donn, unserment ne peut tre rappel", Daniel Piccouly.Le manquement cette promesse donne lieu la sanction disciplinaire.Il est lavocat ce que lordination est aux pr-tres, ce que ladoubement est au chevalier.Par lui, lavocat entre dans lordre et fait corpsavec lui.Lhistoire du serment elle-mme, dmontre quel point il peut tre redoutable pour lind-pendance.Il fut au renouveau du barreau, sous lempire,un serment ngatif.Lavocat jurait de ne pas trahir le souverain, leslois et lordre public.En ralit, le serment tait surtout un moyenpar lequel le pouvoir se protgeait du barreau.Aujourdhui, il est positif mais nen est pas moinsredoutable pour celui qui la prt.

    b) Lavocat est encercl par les piliers de son serment"- Dignit- Conscience- Probit- Humanit".Aucune sortie du cercle ne sera tolre, souspeine de sanction.Lavocat doit tre digne.Il lui est conseill, vivement conseill, un modede vie observant une certaine rserve et uneprudente discrtion.On exige de lui une moralit plus grande quecelle de son prochain.Mais quest-ce donc que cette dignit ?Serait-ce le "paravent plac par lorgueil et der-rire lequel nous enrageons notre aise", dontparlait Honor de Balzac, ou celle qualifie de"fille de lorgueil et mre de lennui" par Jean-Jacques Rousseau ?Noublions pas quau sens classique, la dignit,du latin dignitas, tait lie lexercice dunecharge.La dignit, cest le comportement de lavocattant dans lexercice de ses fonctions, que danssa vie prive.Vous laurez compris, lexigence de dignitdpasse mme le cadre du serment, qui la limitepourtant lexercice des fonctions de lavocat.Comme si ce cadre professionnel ntait pas suf-fisant, lOrdre et les juges, y ont ajout la vie pri-ve.Cette immixtion dans la vie prive est souventjustifie par la grandeur de la fonction : plusgrandes sont les exigences morales, plus la fonc-tion est leve.Mais mes Chers confrres, ne vous laissez passduire outrance par cette image de grandeur,servant de justification des immixtions fau-tives, dans la vie prive.Jurisprudence constante : "Lavocat ne doit pasexercer une activit publique ou prive ou avoirun comportement de nature porter atteinte sa dignit, ou ternir limage de sa profession".

    D.R

    .

    Laurie Chantalou-Norde

  • Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16 5

    Rentre solennelle

    Notre consoeur du barreau de Bergerac, ayantquelques affinits avec laccordon, a pleine-ment expriment le couperet ordinal, sanc-tionnant le manquement la dignit dans lesactes de la vie prive, lorsquelle a eu lide, peut-tre un peu folle, dentonner quelques airs avecson instrument, sur un march toulousain.Oui, il semble quavant dtre, lavocat doit para-tre, toujours et encore digne, exigeant de sa partune tenue sans faille, labri de la critique et dureproche, tel point que Jean de La Bruyre apu crire que : "Lhomme de robe ne saurait guredanser au bal, paratre au thtre, renoncer auxhabits simples et modestes, sans consentir sonpropre avilissement".Vous pensez ces critres tombs en dsutude ?Je vous informe alors que lavocat est "interditde publicit dite excessive", cela tant considrcomme un manquement la dignit.Quelles sont les limites cette exigence dedignit, qualifie de notion "fourre-tout" pardminents juristes.Qui, peut prtendre pouvoir dterminer sanssubjectivit aucune, ce qui constitue un man-quement la dignit ?Jattends des rponses, Chre consur.Vous me demandez si lavocat est vraimentindpendant ?Je vous demande si lavocat a vraiment droit une vie prive, qui chapperait lil de lOrdre?Molire, le malade imaginaire, parlait des avo-cats comme "des gens de difficult qui sont igno-rants des difficults de la conscience".Le serment de lavocat exige de lui la conscience,et donc la rigueur professionnelle, le got dutravail bien fait, la perception de limportancedes intrts confis.Cette dfinition rationnelle revt un got dina-chev.Sagit-il simplement de conscience, ou de bonneconscience ?Lexercice par lavocat de ses fonctions ne seheurte t-il pas, plus souvent que rarement, saconscience ?Sil est une chose dont lavocat dpend, cest biende sa conscience.Je vous lassure, mme lorsque lon essaie de lanoyer, cette dernire savre tre une excellentenageuse !Le serment sachve par une exigence plusgnrale, qui malgr sa grande noblesse, est dif-ficile mettre en uvre : lhumanit.Cette notion, traditionnellement traduite parla dfense de la veuve et lorphelin, laisse inter-rogateur et amer, eu gard aux exigences de ges-tion, quimpose tout cabinet.Et alors que, face ce choix cornlien, lavocatprivilgie son cabinet, il se heurte un senti-ment tout aussi rsistant que la conscience : laculpabilit.

    B. Lavocat est soumis sa dontologie

    Lavocat est soumis sa dontologie, au sein deson barreau (a), et au niveau national (b).

    a) Au niveau local

    La dontologie, ce terme, invent par le philo-sophe utilitariste Jrmy Bentham, tymologi-quement, signifie la connaissance de ce qui estjuste et convenable.Cest l"Ensemble des devoirs inhrents lexer-cice dune activit professionnelle librale".Or, la dontologie de lavocat procde de la voierglementaire : le pouvoir tatique sur la pro-fession, ne se rsume donc pas au fait historique,rappel antrieurement.Mes Chers confrres, connaissez-vous ce quiest juste et convenable ?LOrdre et le btonnier seront toujours prompts vous le rappeler, en cas doubli.La dontologie sert en effet de fondement larpression disciplinaire.Le premier juge de lavocat, sera son conseil dediscipline.Lordre, selon la loi, a notamment pour missionde veiller lobservation des devoirs des avocats.Mais la passerelle entre "veiller" et "surveiller" estsi vite franchie

    b) Au niveau nationalLe Conseil national des barreaux est investidune mission de coordination des rgles rgis-sant la profession.Il dispose ainsi dun vritable pouvoir rgle-mentaire, simposant tous les avocats deFrance et de Navarre.Ce pouvoir, coercitif au besoin, souvent malvcu par certains barreaux, qui nont pas hsit protester, et engager des recours.Appartenir un barreau, cest contracter desdevoirs et des obligations tant moraux quepcuniaires.Lavocat doit des cotisations son ordre, auConseil national des barreaux.Et pour honorer ses obligations, lavocat est sou-mis des exigences de productivit, puisquilest libral.Mais le constat est sans appel : alors mme quilest un professionnel mandataire libral, lavo-cat nest pas vraiment indpendant.

    II. Lavocat n'est pasvraiment indpendant alors

    mme qu'il est unprofessionnel mandataire

    libral

    Lavocat est avant tout un mandataire, celui quiparle pour autrui (ad vocatus), et en cette qua-lit, il doit rendre compte de ses missions (B).Il est galement libral, et devra assumer les exi-gences et dfaillances de ce caractre libral (A).

    A. Lavocat est un professionnellibral : les exigences et dfaillancesdu caractre libral de la profession

    Lavocat est libral, certes, mais avant dtrelibre, il est soumis des exigences conomiques

    (a), et tout au long de sa vie professionnelle, ildevra "composer" avec ses pairs (b).

    a) Les exigences conomiques de lavocat libralLavocat libral et indpendant, est un chef den-treprise, et comme toute entreprise, mmeindividuelle, le cabinet davocat est soumis auxobligations sociales, fiscales et professionnelles.Il doit faire face ses charges, crer du profit, etvivre de sa profession.Or le constat est unanime : lindpendance co-nomique de lavocat est menace dans la quasi-totalit des barreaux dEurope.Cest le constat tabli par la fdration des bar-reaux dEurope, runie en assemble gnrale Vienne, le 18 mai 2002.Le difficile contexte conomique pousse lesplus grands de notre profession, succomber la tentation du sacrifice de lindpendance, auprofit de lconomie.Cest ainsi que le rapport Darrois prconise lacration de lavocat en entreprise, salari decette dernire, au mpris de lindpendance,puisque le btonnier et lOrdre seraient dpos-sds du contrle de labsence de lien de subor-dination entre lavocat et son employeur.Cest ainsi, galement, que la libert de fixationde lhonoraire est mise mal par certains clientsinstitutionnels, imposant des forfaits.Lavocat a-t-il encore le luxe de slectionner sesdomaines dinterventions ?Mes Chers confrres, La ralit conomique nele permet pas : la tourmente des "subprimes" estpasse par l, laissant derrire elle dsolation,clients disparus sans laisser dadresse, avec lapice la plus importante du dossier

    b) Les dfaillances du caractre libral de laprofession : lavocat face ses pairsLexercice professionnel en groupe implique lerespect des rgles du groupe, cela quil sagissedun partage de moyens, ou dune vritable miseen commun clientle.Ces rgles peuvent savrer contraignante, sicontraignantes que souvent, le divorce profes-sionnel est prononc, alors que lon stait asso-ci devant le btonnier pour le meilleur et pourle pire.Tout doit tre fait en commun : le choix desclients, le choix des dossiers, le mode de factu-ration.Et les frais engags par le groupe sont source depressions rcurrentes.Il existe galement une race hybride davocats,qui tente, selon ce que la loi prvoit, de conser-ver tant bien que mal, un minimum dindpen-dance et dchapper la subordination illgale: lavocat collaborateur libral.En tmoigne le contentieux fourni tendant larequalification de contrats de collaboration encontrats de travail, parce que le collaborateurna pas les moyens, et notamment le tempsdexercer sa profession indpendamment.Mais nabordons pas les sujets qui fchent

    B. Lavocat est mandatairede son client : une responsabilit

    en perptuel alourdissement

  • 6Rentre solennelle

    Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16

    Lavocat, ou le "bien dvou" toute preuve,voit sa responsabilit accrue par une exigencede plus en plus lourde de comptence (a et b).Et lorsquil excute son mandat, il se heurte aujuge (c).

    a) Une exigence de dvouement faisant fi delindpendanceLavocat doit dmontrer sa fidlit totalementindfectible celui ou celle dont il assume lesintrts.Le dvouement total de celui qui devient, par-fois, un vritable mercenaire, simpose.A dfaut, il sera accus de tratrise par son man-dant.Or, pour tre un vritable mercenaire, il faut lavocat du temps, encore du temps, toujoursdu temps, pour couter, encore couter, tou-jours couter.Or ce temps manque cruellement lavocat,entre les audiences, les gardes pnales, lesexpertises, la production intellectuelle quil esttenu de fournir dans le traitement de ses dos-siers, et les consultations quil doit donner.Pourtant, pour ne pas sattirer les foudres de sonclient, lavocat, souvent sera polymorphe etdeviendra psychanalyste, assistante sociale,ministre du culte, et le cas chant, avocat.Il faudra donc prter loreille religieusement etavec intrt tous ces propos, y compris ceuxinutiles la cause, pour permettre au clientdexorciser son affaire, et de se sentir mieuxensuite.Et si pour des raisons videntes dorganisations,lavocat est contraint dcourter la confession, ilsexpose lhostilit la plus explicite du narra-teur frustr.Poser la distance qui simpose avec le client nestpas chose aise, lorsquau fil du dossier et dansle cadre de son traitement, se nouent des liensde compassion, au point dentrer dans sa sub-jectivit, de vivre ses drames, sa douleur.Qui peut prtendre avoir un traitement cli-nique de chaque dossier ?Ce sont des hommes qui sollicitent notre aide,notre assistance, et non des dossiers.

    b) Une exigence de comptence engageant laresponsabilit de lavocatLavocat est un mandataire qui reprsente sonclient tant dans laction que dans la procdure.Dans laccomplissement de son mandat, il esttenu des obligations du mandataire et du bonprofessionnel.A ce titre, il est dbiteur dune obligation din-formation et de conseil envers son mandant.Dans ce cadre nouveau, lexcution de ces obli-gations est contrle, strictement, et donne lieu sanction.On assiste un alourdissement prtorien desobligations de lavocat quant lobligation deconseil, de bons conseils, et de comptence.Lavocat commet une faute en mconnaissantles rgles de droit ainsi que la jurisprudence ta-blie !Cette dclaration lapidaire constitue le dispo-sitif habituel des dcisions rendues en matirede responsabilit de lavocat.

    Trs rcemment, notre Cour suprme, a denouveau alourdi les obligations pesant sur lavo-cat, en affirmant lobligation de connatre lajurisprudence mme non publie, rcente deseulement quelques jours.Vous laurez compris, lobligation de moyendevient lentement mais srement obligation dersultat.

    c) Lavocat face au juge dans lexcution de sonmandatCest prcisment lorsque lavocat excute sonmandat, et dfend son client avec le plus grandzle, quil est confront un obstacle dune autrenature, qui vient sajouter sa responsabilit vis--vis de son client : le juge.Ds 1944, la chambre des requtes, le 6 aotprcisment, a plac sous le contrle des courset tribunaux la fonction davocat, en invoquantque cette fonction est lie ladministration dela justice et de ce faite, doit tre digne.Ce clbre arrt des barbus dAmbert illustre lapromptitude du juge, entamer un peu plus,lindpendance de lavocat.Cest ainsi que Me Imberis et Me Pacros ont tcondamns la censure simple pour avoir osse prsenter laudience tenue par le tribunaldAmbert en portant la moustache, malgr lesavertissements pralables du prsident du tri-bunal, qui considrait que le port de la mous-tache et de la barbe sur toute la figure constituaitune tenue nglige peu en rapport avec les habi-tudes de lOrdre, ainsi quun manque dgard etde respect envers la justice.Oui, la dtermination du costume de lavocatappartient lautorit suprieure.Plus rcemment, le 12 dcembre 1983, pas trsloin de nos terres, Basse-Terre, la cour dap-pel, dont la position a t entrine par notreCour suprme, a jug que le fait pour un avo-cat de participer une manifestation publique-ment dirige contre linstitution judiciaireconstitue un manquement la dlicatesse.(Article 106 du dcret du 9 juin 1972).Cest ainsi quun de nos confrres a fait lobjetdun blme, payant ainsi les drives de certainsmanifestants, la cour ayant considr quilaurait d sortir des rangs.Seule la Cour europenne des droits delHomme est venue le secourir, dfaut de notreHaute juridiction nationale.Ainsi, le citoyen, le syndicaliste, doit seffacerdevant lavocat, tenu une obligation particu-lire de rserve.Quen est-il des manifestations qui ont marqunotre vie sociale locale pendant les mois defvrier et mars 2009 ?Je ne mengagerai pas sur cette voieLavocat doit en outre faire face une arme plusinsidieuse, utilise au moindre cart de langage, la moindre manifestation dhumeur : loutrage magistrat.Notre confrre Yann Choucq en est une cl-bre illustration, contraint dabandonner la barreet chass du prtoire le 6 mars 1980, pour avoiros sinterroger devant le tribunal correction-nel de Quimper, sur labsence, parmi les prve-nus, du fils du procureur de la Rpublique,

    pourtant arrt avec les autres, qui eux ont toust renvoys devant le tribunal.Il a fallu en arriver cette extrmit pour quele Conseil constitutionnel proclame que lesdroits de la dfense font partie du bloc consti-tutionnel.Comment conserver la ncessaire fermet,contre un juge que par ailleurs on sollicite ?Faudrait-il tomber, et cest le cas de le dire, dansun excessif abaissement pour viter dindispo-ser le dcideur, ou marquer son hostilit aurisque de desservir son client ?A vous den dcider, vos risques et prils.

    Conclusion

    "La seule chose que hassent tous les hommes, enreligion comme en politique, cest la vritableindpendance desprit", disait Guy deMaupassant.Lavocat a-t-il su la conserver ?Comme en un supplice moyengeux, il est car-tel entre son serment, sa dontologie, sonordre, le juge et son client.Lavocat dispose dun certain nombre de prro-gatives.Mais pour quelles raisons ?Parce que lEtat en a dcid ainsi.Parce que des lois sont votes en ce sens, et desdcrets promulgus.Mais quen sera-t-il lorsque lEtat en dcideraautrement ?Pour quelles raisons dailleurs employer le futur? LEtat en a dj dcid autrement :- La volont affiche de transfrer aux notairesle divorce par consentement mutuel.- La Rforme de la Grande profession du droitvisant en ralit la disparition de lavocat, enportant atteinte sa spcificit.- La rforme ayant fortement limit les condi-tions de mise en uvre de la citation directe.Oui, chers confrres, oui Mesdames etMessieurs, la source mme de lactivit de lavo-cat se loge dans une concession de lEtat, et sasurvie dpend uniquement du bon vouloir decelui-ci, de cette main qui donne, et qui reprend.Mesdames et messieurs les juges, ne faites paslerreur darborer ce sourire satisfait, en enten-dant que lavocat est dpendant de lEtat.Vous ltes davantage, nonobstant le mythe dupouvoir judiciaire, qui nest autre quune erreurde raisonnement, puisque vous tes chargdappliquer les lois manent du Parlement oursultant dun projet issu du gouvernement !La tunique de Nessus le centaure, a eu raisondHracls, en le consumant, lentement, telpoint quil sollicita la mort, pour sa dlivrance.Aura-t-elle raison de lavocat ?Ma Chre consur, saurez-vous me persuaderdu contraire ?

  • Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16 7

    Rentre solennelle

    Thse affirmativepar Dlalie Viagbo

    Vous me demandez si lavocat est vraimentindpendant ?Monsieur le btonnier,Mesdames, Messieurs les btonniers,Mes chers confrres, mes chres consurs,Mesdames, Messieurs,Bien quelle ne me surprenne pas, tant notreprofession est envie et dcrie, cette questionheurte ma sensibilit davocat.Oui lavocat est vraiment indpendant et cetterobe que je porte en est le symbole.Loin dtre un simple lment dapparat, elle estnon seulement le signe de lgalit de tousdevant la justice et de lgalit entre les avocats,mais encore elle souligne lautorit qui doit sat-tacher lexercice dun service aussi importantque celui de la justice.Notre robe se porte avec sa mmoire, son sens,ses symboles et les valeurs de la profession, etjai jur comme avocat dexercer mes fonctionsavec dignit, conscience, indpendance, pro-bit et humanit.Mais parmi ces valeurs, il en est une qui consti-tue lessence mme de lavocat, sa vertu cardi-nale.Cette valeur capitale est dfinie comme lab-sence de lien de subordination.Elle est synonyme de libert.Elle doit tre matrielle, morale, intellectuelleet doit sexprimer lgard de tous.Cest elle qui libre la parole de lavocat dans leprtoire.Elle a longtemps t considre par le pouvoircomme un dfaut, une caractristique encom-brante ou la marque de linadaptation de lavo-cat sinsrer dans une socit ordonne.

    Mais elle est une vertu, une posture morale quisassimile au courage.Vous laurez reconnue, lin-d-pen-dance.Cest cette indpendance qui constitue lun desbaromtres dun Etat de droit.Quand le barreau ternue, cest toute la dmo-cratie qui senrhume.En effet, lavocat, du latin advocatus, celui quiest appel auprs de celui qui parle pour autrui,intervient en premier lieu comme contre pou-voir dans la dialectique judiciaire et il ne sau-rait jouer ce rle sil ntait pas libre.Par ailleurs, dans le prtoire, lavocat est porteurdun message, soutient des valeurs qui peuventtre en opposition avec le pouvoir.Lavocat a donc vocation tre un opposant enpuissance ou en acte au pouvoir en place et cet gard, lhistoire de lavocature est une suc-cession datteintes cette indpendance.Hier, le pouvoir convoitait notre prrogative dechoisir qui avait vocation intgrer ou non laprofession et sous-entendait de radier ou derefuser toute inscription de sujets qui seraientbonapartistes ou susceptibles dmettre desides rpublicaines.Aujourdhui, le march du droit contraint lavo-cat rompre avec sa pratique classique du ds-intressement. La fiscalit, les charges socialesont compromis le dsintressement de lavocatqui doit alimenter sans cesse, par les honorairesquil peroit, le feu brlant de ses charges.Demain, quel combat devrons-nous encoremener pour prserver notre indpendance ?Face ces atteintes renouveles, votre interro-gation est lgitime, mais laissez-moi vous ras-surer, lavocat est toujours indpendant, lavocatest vraiment indpendant.Les textes qui rgissent la profession sont suf-fisamment clairs pour quaucune remise encause de cette indpendance ne soit envisagea-ble. Le principe est si essentiel quil est garantipar la loi (I).Il ne sagit pas seulement dune belle thorie carcest dans sa pratique quotidienne que lavocatexerce en toute indpendance (II).

    I. Lindpendance :un principe essentiel garanti

    par la loi

    Lindpendance est une condition ncessaire laccomplissement de la mission de lavocat etcest la raison pour laquelle elle est garantie parla loi.Ces garanties existent et font la force de lavo-cat qui met cette indpendance au service desdroits de la dfense.

    A. Ces garanties existentet font la force de lavocat

    Lavocat qui entre dans la profession doit pr-ter serment.

    Ce serment constitue lune des garanties de lin-dpendance, et sinscrit dans lensemble plusvaste de la dontologie qui, elle, prserve cetteindpendance.

    1. Le serment garant de lindpendance"Prter serment, c'est mettre son me en pril. Nefaites jamais un serment moins d'tre capablesde mourir plutt que de vous parjurer", affirmaitKen Follett.Du jour o il prte serment, lavocat sengage agir avec courage et audace.La formule du serment reprend les vertusessentielles qui devront guider lavocat duranttoute sa carrire.Ces vertus sont le gage de lexcellence et cest lque vous vous trompez chre consur, loin denous enfermer notre serment nous libre car :"La libert ne peut-tre l'objet d'un serment,puisqu'elle en est le fruit", disait Jacques deBourbon Busset.Lindpendance est une lutte sans cesse inache-ve dont les armes sont les principes essentielscontenus dans notre serment.La dignit, la conscience, la probit et lhuma-nit sont les valeurs indispensables laconqute de lindpendance.Si lavocat exerce sa profession avec dignit, lerespect et la noblesse quil inspire lui assurerontune clientle toujours renouvele dont il seralibre daccepter ou refuser les dossiers.Lavocat digne est ainsi libr des contraintes dudmarchage et de la publicit.Cette exigence de dignit qui stend la vie pri-ve vous parat une contrainte, mais on exigeque de ceux qui sont capables.Elle dmontre que la profession davocat est plusquune profession, quelle est un tat desprit quidpasse les limites du prtoire et du cabinet.Noublions pas que lavocat, cest celui qui prendla parole pour autrui dont limage sera nces-sairement associe celle de la personne quildfend. Il convient donc que lavocat inspire lerespect, do cette exigence de dignit.Pour tre crdible, lavocat doit tre digne.Si la profession davocat exige de la dignit, elleexige galement de la conscience.Mais de tous les principes rgissant la profession,la probit est le principe dont le manquementest considr comme particulirement grave.Une personne condamne pnalement pourdes agissements contraires la probit ne peuttre admise dans la profession davocat.Comment pourrait-il en tre autrement duneprofession dont le rle est notamment de dfen-dre lquit et la libert ?Si vous doutez encore que le serment nous offrelindpendance, je vous invite le comparer celui des magistrats : "Je jure de bien et fidlementremplir mes fonctions, de garder religieusementle secret des dlibrations et de me conduire entout comme un digne et loyal magistrat".Pouvez-vous maffirmer que cette formulegarantisse la mme exigence dindpendance ?

    2. Lindpendance prserve par la dontologieLe serment sintgre dans lensemble plus vastede la dontologie.

    D.R

    .

    Dlalie Viagbo

  • 8Rentre solennelle

    Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16

    Notre confrre, Jean-Marc Varaut, du Barreaude Paris, qui discourait sur la dontologie, dansle cadre de la fte de notre patron Saint Yves, adfini la dontologie par une image potique etforte :" Il faut lever le regard vers les toiles, pour quele sillon que nous labourons quotidiennement,soit droit. Sinon, nous ne serions que des techni-ciens du prtoire, des marchands de parole, oules tenanciers de comptoirs o lon brasse desaffaires".La dontologie de la profession davocat est unedes plus anciennes avec celle des mdecins quieux, ne prtent plus serment.Elabore depuis des sicles, cette thique estlensemble des rgles que les avocats se donnent eux-mmes et se transmettent de gnrationen gnration dans la volont de prserver les-sence et la qualit de leur profession.Ces normes rgissent des sujets aussi divers quele secret professionnel, les conflits dintrts, leshonoraires, les modes dexercice et ne se limi-tent donc pas aux seules questions relatives ladiscipline des avocats.Coutumire lorigine, la dontologie, se rap-prochait de la morale.Mais comme lavocat vit avec son temps, cesrgles sont sans cesse affines et actualises.Le droit crit sest introduit en ce domaine etles rgles de la profession sont contenues dansla loi et les rglements. Ces textes sont porteursde lintrt gnral bien plus que de lintrt dela profession elle-mme.Cest lensemble de ces rgles qui garantit au jus-ticiable que son avocat prendra en charge sesintrts de manire dtermine et en touteindpendance.La dontologie prserve notre indpendanceet cest ce qui rend si spcifique la nature desrelations qui nous unissent, nous avocats, nosclients.Elle est une boussole qui guide lavocat vers lesintrts de la personne quil dfend et luvrede justice.Cest de la dontologie que la profession tire laforce ncessaire lexercice de son art.Il ny a donc pas de contradiction entre la rgleet la libert.Il est indispensable de prserver et de renfor-cer les principes essentiels de cette dontolo-gie car lavocat est le seul, parmi les autresprofessionnels intervenant sur le march dudroit, offrir cette dontologie dans lintrt deson client.Dfendre notre thique est lune des tchesessentielles de notre Ordre sans lequel lavocatna aucune chance de faire valoir son indpen-dance.Certes, lOrdre veille lobservation des devoirspar les avocats, mais il a pour principale mis-sion de faire respecter leurs droits et leurs liber-ts.Les textes lgislatifs ou rglementaires concer-nant les droits et les devoirs des avocats ne sontpas promulgus sans que les Conseils de lordrene formulent des observations, des suggestions,des rclamations ou des critiques au momentde leur prparation et de leur discussion.

    Le Conseil de lordre intervient en premireligne pour protger notre indpendance.Se sachant protg par son Ordre, lavocat setrouve libre de jouer son rle de dfenseur desliberts et des droits fondamentaux.

    B. Lindpendance au servicedes droits de la dfense

    Un Etat de droit est indissociable du respect desdroits de la dfense et pour accomplir sa mis-sion de porte-voix, la parole de lavocat bnfi-cie de limmunit.

    1. Un Etat de droit est indissociable du respect desdroits de la dfensePour vous tous qui tes assis l, il vous paraitnaturel dtre dfendu par un avocat et de pr-senter votre dfense lorsque vous comparais-sez devant un tribunal.Mais le droit une dfense na pas toujours tune vidence.Dans lAncien rgime franais par exemple,lavocat tait purement et simplement cart dela dfense pnale.Cette rsistance lexistence dune dfenseexprime clairement laversion de lEtat de se voircontester son pouvoir de punir.Les dictatures naiment pas les avocats car cesont des gneurs qui verbalisent leurs excs.Dans un contexte autoritaire, les avocats peu-vent tre victimes dactes graves allant parfoisjusqu la mort.Toute volution dmocratique saccompagnedonc de ladoption de textes protgeant lind-pendance de lavocat.De la mme manire, un Etat ne saurait se qua-lifier de dmocratique sans donner une valeurconstitutionnelle aux droits de la dfense.Dans un Etat de droit, on juge ncessairementselon les rgles de droit et quel quil soit, le pro-cs est un dbat de droit.Pour se dfendre, le justiciable fait appel un avo-cat qui, comme le juge, matrise les rgles de droit.En se posant comme mandataire du citoyen,lavocat rtablit lquilibre du dbat judicaire.Une justice civilise implique donc quune per-sonne qui saisit la justice ou qui comparaitdevant elle, puisse tre assiste dun avocat etseulement dun avocat en raison de ses garan-ties de comptence et de probit.Cest la raison pour laquelle les avocats bnfi-cient du monopole de lassistance ou de la repr-sentation devant les juridictions quelle que soitleur nature.Ce monopole de lavocat ne sert pas les intrtscorporatistes de la profession, bien au contraire,elle vise la protection des citoyens devant la jus-tice.La prsence de lavocat est donc lie aux droitsde la dfense.

    2. Limmunit de la paroleDans lexercice de ses fonctions, lavocat est dotdune parole libre, sa plaidoirie fait lobjet de lim-munit.La loi sur la libert de la presse consacre cetteimmunit en interdisant toute action en diffa-

    mation, injure ou outrage contre les discoursprononcs et les crits produits devant les tri-bunaux.Dans ce texte, limmunit de la parole de lavo-cat est consacre juste aprs celle des parlemen-taires ; son lien est par l vident avec ladmocratie."Lindpendance dun barreau est un rempartcontre les atteintes du pouvoir".Par cette formule, Berryer confre lavocat unrle minemment politique.Au-del des intrts particuliers qui lui sontconfis, ce sont des valeurs fondamentales quelavocat dfend.Cest dans sa plaidoirie que sexprime avec leplus de force lindpendance de lavocat.La plaidoirie, cest le moment du procs olavocat peut dployer son loquence sous saseule autorit personnelle.Nombreuses ont t les tentatives de muselercette parole qui remet en cause tant les carencesde lEtat que les dysfonctionnements de lasocit.La voie pnale tant verrouille par la loi, cestpar la menace dune sanction disciplinaire quontente de faire taire lavocat trop audacieux.Mais ces procdures sont loccasion pour lajurisprudence de raffirmer le principe fonda-mental de la libert de la dfense et de la parolede lavocat.Des droits aussi importants que ceux de ladfense ne peuvent tre garantis que par uneparole libre susceptible de gner et mme dan-gereuse pour lordre public.Lindpendance de lavocat est au service desdroits de la dfense, et par consquent au ser-vice de la dmocratie.Si la loi offre le cadre protecteur de lindpen-dance de lavocat, cest dans son exercice quo-tidien que cette indpendance sexprime lgard de tous.Le pont entre la thorie de lindpendance et lapratique de lindpendance est solidementconstruit car lavocat exerce en toute indpen-dance.

    II. Lavocat exerce en touteindpendance

    Dans son activit quotidienne, lindpendancede lavocat saffirme lgard de tous, mais enpremier lieu lgard de son client.

    A. Lindpendance lgard du client

    Lindpendance de lavocat vis--vis de sonclient sexprime tant dans son choix que dansla matrise de son argumentation.

    1. La libert de choixLes auxiliaires de justice, les officiers publicssont tenus de prter leur ministre ceux quiles sollicitent. Tel est notamment le cas des huis-siers de justice.

  • Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16 9

    Rentre solennelle

    Aucune obligation de ce genre ne pse sur lavo-cat, et pour cause, lavocat exerce sa professionavec conscience.La conscience, cest la rigueur morale, la convic-tion de lavocat dans la dfense des intrts quilui sont confis.Comment exiger le dvouement dun avocat enlui imposant la cause dfendre ?Il est donc libre daccepter ou de refuser toutesollicitation.Aucune autorit extrieure ne saurait lui impo-ser un intrt dfendre.A cette libert de choix correspond celle du jus-ticiable de choisir son Conseil.Cest la conjonction de ces deux volonts libresqui noue le lien de confiance indispensable dansle rapport entre lavocat et son client.Dans tous les cas, lavocat conserve son ind-pendance lgard de son client.Objection ! scriront certains. La commissiondoffice, laide juridictionnelle ou lassurance deprotection juridique constituent des limites notre libert de choix.Mais dtrompez-vous, cette libert est garan-tie encore et toujours par la conscience.Cette conscience permet lavocat dtredcharg dune mission quil considre commecontraire ses convictions profondes et ainsidchapper cette tentative de limiter sa libertde choix.Mme le bton du btonnier, que vous avez lairde craindre chre consur, ne peut imposer unclient.

    2. La matrise de largumentationLibre de choisir son client, lavocat est matrede son argumentation.Il dispose dune libert totale dans le choix desmoyens de dfense.Lavocat na aucune obligation de dfendre de lamanire dont on le lui demande.Il nest pas le serviteur docile des dsirs de sonclient et il na pas lui rendre compte de lamanire dont il propose dargumenter.Dans cette libert, il peut mme avoir uneconception diffrente de celle de son clientpour dfendre ses intrts.Mais en cas de dsaccord, et en face de linsis-

    tance dun client qui veut imposer ses connais-sances tlcharges dun site dit juridique, lavo-cat invitera lrudit reprendre son dossier et lui verser les honoraires dus pour les diligencesaccomplies.A cette occasion, il nest pas rare que le clientconteste les honoraires librement fixs parlavocat.Le conflit pourra alors tre port devant leBtonnier qui rendra une dcision permettantle recouvrement des honoraires sollicits.La question des honoraires nous rappelle quau-cune indpendance ne peut se concevoir sansune indpendance financire.Les atteintes lindpendance de lavocat ontnaturellement investi ce domaine avec notam-ment les contrats dassurance de protectionjuridique qui prvoyaient un barme dhono-raires.Mais fort justement une loi de 2007 est venueinterdire ces pratiques contraires la libert delhonoraire, mais surtout contraires la libertde choix de lavocat.

    B. Lindpendance lgard des tiers

    L'avocat doit donc manifester son indpen-dance lgard de son client, mais galement lgard des magistrats et de ses confrres.

    1. Lindpendance vis--vis des magistratsCest la certitude de lindpendance de lavocatvis--vis du magistrat qui nourrit la relation delavocat avec son client.Elle est la garantie que lavocat est guid parlunique dfense de ses intrts.Cest cette indpendance qui libre la parole delavocat qui ne craint aucune sanction, condi-tion bien sr, de faire preuve de dlicatesse, pourles propos tenus dans lexercice de ses fonctions.Luvre de justice ncessite que lavocat soitindpendant lgard de son client, du magis-trat, du pouvoir politique et des groupes depression.Mais lorsquil quitte le prtoire pour rejoindreson cabinet, la mme exigence dindpendancesimpose.

    2. Lindpendance lgard des confrres

    Lexercice de la profession peut prendre plu-sieurs formes.De lavocat collaborateur lexercice de groupeen passant par le salariat, lindpendance sim-pose quel que soit le mode dexercice.Les textes posent le principe que ni le contratde collaboration ni le contrat de travail ne peu-vent porter atteinte cette indpendance.Encore une fois, lOrdre intervient pour sassu-rer du respect de ce principe.Dans le cadre de la collaboration, la jurispru-dence prcise que lexistence dune clientlepersonnelle constitue un lment de lindpen-dance.Son interdiction est contraire aux dispositionslgales et justifie la requalification du contratde collaboration en contrat de travail.Concernant lavocat salari, il nest soumis unlien de subordination lgard de sonemployeur que pour la dtermination de sesconditions de travail.Dans tous les cas, lavocat collaborateur et lavo-cat salari bnficient de la clause de consciencepour faire valoir leur indpendance.De la mme manire, les impratifs de lexer-cice en groupe ne placent pas les avocats sousla dpendance les uns des autres.Quelles soient dexercice ou de moyens, lesstructures dexercice doivent permettre derespecter les rgles dontologiques et notam-ment le principe dindpendance.Si le regroupement des avocats parat une solu-tion pour faire face aux difficults cono-miques, il ne peut se faire au dtriment de leurindpendance.

    Conclusion

    "L'indpendance, ce n'est pas une rcompense,disait Pierre Bourgault, c'est une responsabilit.""Etre indpendant, cest admettre que le droit nestpas, mais quil advient ; cest se mettre enrecherche du droit ; cest sinterroger encore et tou-jours, sur le pourquoi du droit ; cest ainsi se pla-cer en qute de justice.Lavocat est lun des gardiens de la justice. Sonindpendance est la meilleure garantie quildemeure responsable de cette mission qui consti-tue la fois sa raison dtre et sa responsabilit",Bertrand de Belval, avocat au Barreau de Lyon.Consciente de sa force et de son rle, la profes-sion davocat devra faire face de nouveauxenjeux, mais restera matresse de son destin enfaisant preuve de la premire des qualitshumaines, le courage car comme disaitAristote, "le courage est la premire des qualitshumaines car elle garantit toutes les autres".Lavocat fera ncessairement preuve de ce cou-rage, comme il la toujours fait pour braver lesobstacles constamment dresss sur sa route.Oui lavocat est vraiment indpendant ! Notreindpendance est au service de la libert detous.

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    Acadmie Franaise

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    Rception de Simone Veil*Institut de France, Paris - 18 mars 2010

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    Elue l'Acadmie franaise le20 novembre 2008, Simone Veil a treue sous la Coupole le 18 mars dernierau treizime fauteuil, laiss vacant parl'ancien Premier ministre Pierre Messmer lu en1999 et dcd en 2007, qui fut jadis galementoccup par Racine.Nicolas Sarkzoy, Valry Giscard d'Estaing etJacques Chirac, trois prsidents de la Rpublique,taient prsents aux cts notamment deFranois Fillon, Grard Larcher, BertrandDelano, Valrie Pcresse et FrdricMitterrand, pour rendre hommage l'une despersonnalits contemporaines prfres desFranais.En rejoignant cette Compagnie, Simone Veildevient la sixime "immortelle" de l'Histoire,succdant ainsi l'hellniste Jacqueline deRomilly, l'historienne Hlne Carrred'Encausse, les crivains Florence Delay et Assia

    Djebar, et Marguerite Yourcenar qui avait tla premire tre lue sous la Coupole en 1980.Ceinte de son pe d'acadmicienne sur la lamede laquelle est grav son numro de dporte(78651), Simone Veil a dit sa fiert d'intgrer "letemple de la langue franaise", qui demeureselon elle "le pilier majeur de notre identit".Comme le veut la tradition, elle a ensuite faitl'loge de son prdcesseur, Pierre Messmer, cerpublicain qui songeait l'intrt du pays avantde penser au sien et qui considrait la politiquenon pas comme une ambition, "mais un service".C'est l'crivain Jean d'Ormesson qui a retrac leparcours de la nouvelle acadmicienne dontlautorit morale est limage de sonexceptionnel destin. Il a notamment voquavec une grande motion lhorreur des campsde concentration et dextermination, SimoneVeil incarnant "avec plus dclat que personneles temps o nous avons vcu, o le Mal sest

    dchan comme peut-tre jamais tout au longde lhistoire".Magistrat, membre du gouvernement,prsidente du Parlement europen, cette femmede conviction courageuse a men de nombreuxcombats au cours de sa carrire, notammentcelui pour la dignit des femmes en remportantla victoire historique de la lgalisation delinterruption volontaire de grossesse.Pour Jean d'Ormesson, admiration et affectionsont "les seuls sentiments" qu'inspire SimoneVeil, "une de ces figures de proue en avance surlhistoire".En d'autres termes, en l'accueillant, lAcadmieFranaise s'est ainsi "enrichie dune des grandesconsciences de notre temps".

    Jean-Ren Tancrde* Nous publions ci-aprs quelques extraits des discours prononcs jeudidernier sous la Coupole, ils seront publis prochainement dans leurintgralit aux Editions Robert Lafont.

    Simone Veil

  • Fraternit et avenirpar Simone Veil

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    Depuis que vous mavez fait le trs grandhonneur de me convier frapper laporte de votre Compagnie, qui sestouverte aussitt, la fiert que jprouve ne sestpas dpartie de quelque perplexit. En effet,mme si lAcadmie franaise, ds sa naissance,a toujours diversifi son annuaire, jusqu,pensez donc, souvrir des femmes, elledemeure mes yeux le temple de la languefranaise. Dans ce dernier bastion, elle pouseson temps, sans cder aux drives de la modeet de la facilit, et, par exemple, nest-ce pasMadame le Secrtaire perptuel, sans donnerdans le travers qui consiste faire semblant decroire que la fminisation des mots est unacclrateur de parit. Or, nayant moi-mmeaucune prtention littraire, tout en considrantque la langue franaise demeure le pilier majeurde notre identit, je demeure surprise etmerveille que vous mayez convie partagervotre combat.A bien y rflchir, cependant, depuis que vousmavez invite vous rejoindre, moi que nequitte pas la pense de ma mre, jour aprs jour,deux tiers de sicle aprs sa disparition danslenfer de Bergen-Belsen, quelques jours avantla libration du camp, cest bien celle de monpre, dport lui aussi et qui a disparu dans lespays Baltes, qui maccompagne. Larchitecte detalent quil fut, Grand Prix de Rome, rvrait lalangue franaise, et je nvoque pas sans motionle souvenir de ces repas de famille o javaisrecours au dictionnaire pour dpartager nosdivergences sur le sens et lorthographe desmots. Bien entendu, cest lui qui avait toujoursraison. Plus encore que je ne le suis, il seraitbloui que sa fille vienne occuper ici le fauteuilde Racine. Cependant, vous mavez comble en

    me conviant parcourir litinraire de ce hrosde notre temps que fut Pierre Messmer. ()Dans cette enceinte voue la dfense et aurayonnement de la France, quil me soit permisdvoquer une ambition laquelle jai vou unepartie de ma vie : lEurope. Elle a t lhorizonquau lendemain de la guerre quelques presfondateurs se sont fix pour remiser jamaisles guerres fratricides. Ce projet, Pierre Messmerlavait vu natre et la accompagn commeministre, loyalement mais prudemment. Il aaccueilli avec scepticisme certaines avancesde la construction europenne, et notammentla cration de la monnaie unique. Les traitssuccessifs de Maastricht, de Nice et de Lisbonnelont conduit sinterroger sur le processus encours. Son histoire personnelle le rattachait lanation, et le cadre supranational ne lui tait passpontanment familier. Pourtant, lorsquen 2003votre Acadmie fut consulte sur le projet deConstitution europenne, dans llaborationduquel votre confrre Valry Giscard dEstainga jou un rle minent, Pierre Messmer syconsacra avec le sens des responsabilits quonlui connat.Cette aventure europenne fut et demeure legrand dfi de la gnration laquelle jappartiens.Emmanuel Berl disait que lEurope devait tretout la fois une communaut de dsirs et dedoctrines. Peut-tre Pierre Messmer estimait-ilque les doctrines affadissent par trop le dsir ?Ce dfi lanc aux vieilles nations, je lai accueilliet accompagn avec plus doptimisme que PierreMessmer. Et lancienne prsidente du Parlementeuropen que je suis est heureuse de deveniraujourdhui, dans cette enceinte, lun des porte-parole de cette ide europenne quillustredepuis ses origines lAcadmie. Ne sommes-nouspas en train de discourir dans un lieu appel"Collge des Quatre-Nations", appellation quidit bien sa vocation louverture ?Les pres de lEurope ont voulu construire uneralit partir du rve dun homme dont la voix

    a retenti nombre de fois sous cette Coupole. Jainomm Victor Hugo. En 1841, frachement lu lAcadmie, il se consacre la rdaction duntexte sur le Rhin, o il bauche le projet duneunion europenne fonde sur ce quil estconvenu aujourdhui de nommer le couplefranco-allemand. Il crit : "La France etlAllemagne sont essentiellement lEurope.LAllemagne est le cur, la France est la tte. Lesentiment et la pense, cest tout lhommecivilis. Il y a entre les deux peuples connexionintime, consanguinit incontestable. Ils sortentdes mmes sources ; ils ont lutt ensemblecontre les Romains ; ils sont frres dans le pass,frres dans le prsent, frres dans lavenir."Fraternit et avenir, sous lgide de ces beauxmots, qui ont naturellement cours chez vous,je suis fire dtre reue par votre Compagnie.()

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    REPERES

    A propos de Pierre Messmer (1916-2007)

    Grand-croix de la LgiondhonneurCompagnon de la LibrationCroix de guerre avec cinqpalmesMdaille dOutre-merDignitaire de plusieurs ordrestrangersHaut fonctionnaire et hommepolitique

    BiographieN le 20 mars 1916 Vincennes(Val-de-Marne) dune famillealsacienne qui avait opt pour laFrance en 1871, Pierre Messmera fait ses tudes secondaires lcole Massillon et au lyceCharlemagne. Brevet de lEcolenationale de la France doutre-mer (1934-1937), diplm de

    lEcole des langues orientales(1934-1936), licenci en droit(1936), docteur en droit (1939).Appel au service militaire enoctobre 1937, il est maintenusous les drapeaux en raison dela guerre et ne sera dmobilisque le 31 dcembre 1945.Aprs la campagne de France en1939-1940, il rejoint les Forcesfranaises libres Londres, enjuillet 1940. Affect la 13me

    Demi-brigade de la Lgiontrangre, participe, commelieutenant puis, partir de 1941,comme capitaine commandantde compagnie, aux oprationsde Dakar et Libreville, auxcampagnes dErythre, de Syrieen 1941, de Libye en 1942-1943,et de Tunisie en 1943. Combat

    Keren, Massava, Kissou,Damas, Bir Hakeim, El Alamein.Dbarque en Normandie en juin1944 et entre Paris en aot1944.Parachut en Indochine en aot1945, est fait prisonnier par leVietminh, svade et rejoint enoctobre la mission franaise Hano.Rendu la vie civile, PierreMessmer exerce ses fonctionsdadministrateur de la Francedoutre-mer : secrtaire gnraldu Comit interministriel pourlIndochine (1946), directeur ducabinet du Haut-Commissaire enIndochine (1947-1948),administrateur du cercle delAdrar mauritanien (1950-1952), gouverneur de la

    Mauritanie (1952-1954), de laCte dIvoire (1954-1956),directeur de cabinet du ministrede la France d'outre-mer (1956),Haut-Commissaire de laRpublique au Cameroun (1956-1958), en Afrique quatoriale(1958) et en Afrique occidentalefranaise (1958-1959).Nomm ministre des Armespar le gnral de Gaulle enfvrier 1960, il assume cettefonction sans interruptionjusquen avril 1969. Revient augouvernement en 1971, sous laprsidence de GeorgesPompidou, en qualit deministre dEtat charg desDpartements et Territoiresdoutre-mer et, enfin, commePremier ministre de 1972

    1974.Dput de la Moselle de 1968 1988, maire de Sarrebourg de1971 1989, prsident duconseil rgional de Lorraine en1978 et 1979.Elu lAcadmie des sciencesmorales et politiques en 1988.Secrtaire perptuel de cetteAcadmie (1995-1998).Chancelier honoraire de lInstitutde France. Chancelier de lordrede la Libration.Elu lAcadmie franaise, le25 mars 1999, au fauteuil deMaurice Schumann (13me

    fauteuil).Mort le 29 aot 2007 Paris.

    Source : www.academie-francaise.fr

  • La France que lon aimepar Jean dOrmesson

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    De toutes les figures de notre poque,vous tes lune de celles que prfrentles Franais. Les seuls sentiments quevous pouvez inspirer et eux et nous sont ladmiration et laffection. Je voudraisessayer de montrer pourquoi et comment vousincarnez avec plus dclat que personne lestemps o nous avons vcu, o le Mal sestdchan comme peut-tre jamais tout au longde lhistoire et o quelques-uns, comme vous,ont lutt contre lui avec dtermination etcourage et illustr les principes, qui ne nous sontpas tout fait trangers, de libert, dgalit etde fraternit. ()

    Votre parcours dans la magistrature nest pas detout repos. Vous tes une femme, vous tes juive,vous tes marie, vous avez trois enfants. Quelleide ! Beaucoup tentent par tous les moyens devous dissuader. "Imaginez, vous dit-on, quunjour vous soyez contrainte de conduire uncondamn mort lchafaud !" Jaime votrerponse : "Jassumerais."

    Nomme la direction de ladministrationpnitentiaire, vous avez parfois le sentiment deplonger dans le Moyen ge : les conditions dedtention vous paraissent inacceptables. Vousdcouvrez la grande misre des prisons deFrance. Au lieu de permettre une rinsertiondes dlinquants condamns, elle les enfonceplutt dans leur maldiction. Vous comprenezassez vite que le problme des prisons se heurte deux obstacles : les contraintes budgtaires et,plus srieux encore, ltat de lopinion. Lescontribuables franais ne sont pas prts payerdes impts pour amliorer le niveau de vie dansles prisons.De la situation des Algriens emprisonns lalutte contre la dlinquance sexuelle et lapdophilie, le plus souvent qualifie lpoquedattouchement et trop rarement poursuivie, lesdossiers difficiles ne vous manquent pas. De1957 1964, ce sont sept annes harassantes -et qui vous passionnent.Dans cette priode o jadmirais perdumentle gnral de Gaulle, vous ntes pas gaulliste.Vous vous situez plus gauche. Votre grandhomme est Mends France et vous votezsouvent socialiste. Vous vous prononcez surtoutavec ardeur en faveur de la constructioneuropenne, et le rejet par les gaullistes, par lescommunistes, par Mends France lui-mme duprojet de Communaut europenne deDfense, la fameuse C.E.D., vous attriste,Antoine et vous. Vous observez avec intrt lebouillonnement dides symbolis par lacration de lExpress, vous vous sentez prochede Raymond Aron, vous nourrissez lesprancede voir merger une troisime force entregaullisme et communisme. Aprs mai 68 -auquel votre deuxime fils participe assezactivement - et le dpart du Gnral en 1969,Georges Pompidou vous nomme au posteprestigieux, mais franchement plus calme aprsles tumultes de ladministration pnitentiaire,de secrtaire du Conseil suprieur de lamagistrature.Le 2 avril 1974, la mort de Georges Pompidouest un choc pour vous comme pour tous les

    Franais. Des trois concurrents en lice pour luisuccder - Jacques Chaban-Delmas, ValryGiscard dEstaing, Franois Mitterrand -, le prede la "nouvelle socit" vous apparat comme leplus authentique rformateur. Vous vousapprtez voter pour lui lorsque soudain sacampagne senlise. Une mission de tlvisiono Chaban apparat flanqu dun Malrauxprouv et peine comprhensible donne lecoup de grce ses ambitions. Au second tour,vous tes tente de vous abstenir. Contrairement ce qui a t souvent colport, aprs avoir hsit,vous votez pour Giscard.

    Cest ici quapparat un nouveau personnage,convivial et chaleureux : Jacques Chirac. Il venaitde se rallier Giscard et de lui apporter lesoutien des fameux Quarante-trois venus dumouvement gaulliste. Vous tiez lie avec saprincipale conseillre, magistrat comme vous,Marie-France Garaud. Un magazine fmininpublie un article sur un ventuel et imaginairegouvernement de femmes. Sur ce podiumvirtuel, la surprise, il faut le dire, de beaucoup,et dabord de vous-mme, vous tiez propulseau poste de Premier ministre.Un soir, un dner chez des amis, o se fait sentirune certaine ironie lgard de limprobablejournalisme fminin et de ses vaticinations, letlphone sonne. La matresse de maison vousfait un signe : cest pour vous. Au bout du fil,Jacques Chirac qui vient dtre dsign commePremier ministre par Giscard. Il vous offredentrer dans son gouvernement que leprsident Giscard dEstaing, en novateur,souhaite aussi large que possible. Vous nhsitezpas longtemps. Vous devenez ministre de laSant. Vous tes la seule femme ministre :Franoise Giroud, avec qui vous entretiendrezdes relations qui ne seront pas toujourschaleureuses, est secrtaire dEtat la Conditionfminine.Il y a un homme, dont les ides politiques ne seconfondent pas toujours avec les vtres, avecqui vous allez vous entendre aussitt : cest leconfident fidle de Giscard, cest le ministre de

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    A propos de Simone VeilGrand officier de la Lgiond'honneurChevalier de l'ordre national duMriteOfficer du British Empire (O.B.E.)Magistrat (E.R), femme politique,ancien membre du Conseilconstitutionnel

    BiographieNe le 13 juillet 1927 Nice(Alpes-Maritimes)Etudes au lyce de Nice, Facultde droit de Paris. Licencie endroit, diplme de lInstitutdEtudes politiques de ParisAttach titulaire au ministre dela Justice (1957-59), substitutdtach au ministre de la

    Justice (1959-70), conseillertechnique au cabinet de RenPleven (garde des Sceaux) (1968-1969), secrtaire gnral duConseil suprieur de lamagistrature (CSM) (1970),administrateur de l'O.R.T.F.(1972), ministre de la Sant(1974-1976), prsident duConseil de l'information surl'nergie lectronuclaire (1977),ministre de la Sant, charg dela Scurit sociale (1976-1979),parlementaire europen (1979-93) (liste le Centre pourl'Europe), prsident duParlement europen (1979-1982), prsident de lacommission juridique (1982-84)

    puis du groupe libral,dmocratique et rformateur(1984-1989) du Parlementeuropen, admise faire valoirses droits la retraite en tantque magistrat (1985), prsidentdu comit franais pour l'Anneeuropenne de l'environnement(1987), du comit europen pourl'Anne europenne du cinmaet de la tlvision (1988),ministre d'tat, ministre desAffaires sociales, de la Sant etde la Ville (1993-1995), prsidentdu Haut conseil l'intgration(1997-1998), membre du Conseilconstitutionnel (1998-2007),membre du comit directeur duFonds au profit des victimes

    relevant de la Cour pnaleinternationale depuis 2003.Mdailles de l'ducationsurveille et de l'administrationpnitentiaire.Docteur honoris causa dediverses universits dontPrinceton (1975), de l'InstitutWeizmann (1976) et del'universit de Cambridge (1980),de l'universit de Georgetown(1981), de l'universit libre deBruxelles (1984), des universitsde Yale (Etats-Unis) (1980), deGlasgow (Grande-Bretagne)(1995), de Pennsylvanie (Etats-Unis) (1997), de Montral(2007), Netanya (2008).Prix Athnes de la Fondation

    Onassis (1980), prixCharlemagne (1981), prix de laFondation Elonore et FranklinRoosevelt (1984). Prix Trumanpour la paix (Jrusalem, 1991),mdaille d'or du B'Nai Brith(Washington, 1993), mdailled'or de l'association Stresemann(Mayence, 1993), mdaille d'orde la sant pour tous del'Organisation mondiale de lasant (1997), prix Prince desAsturies et prix Grand SicleLaurent Perrier (2005).Elue l'Acadmie franaise, le20 novembre 2008, au fauteuilde Pierre Messmer(13me fauteuil).Source : www.academie-francaise.fr

    Jean dOrmesson

  • lIntrieur, cest le vritable Premier ministre bisde votre gouvernement : Michel Poniatowski.Il a t ministre de la Sant dans le derniergouvernement Pompidou - qui tait dirig parPierre Messmer dont vous venez de retracerlhrosme, la grandeur, les tourments etlattachement cette Lgion trangre qui, lematin de ses obsques, dfilera en silence, dansla cour des Invalides : il avait demand - quelleleon ! - quaucun discours ne ft prononc.Cest Michel Poniatowski qui vous parle lepremier dun problme urgent et grave :lavortement clandestin. On pouvait imaginerque cette question relevt du ministre de laJustice. Mais le nouveau garde des Sceaux, JeanLecanuet, pour dsireux quil ft de traiter cetteaffaire, ntait pas convaincu de lurgence dudbat. Cest vous que le prsident de laRpublique et le Premier ministre vont chargerde ce dossier crasant.Depuis plusieurs annes, la situation delavortement clandestin en France devenaitintenable. Lavortement est toujours un drame.Avec la vieille loi de 1920 qui tait encore envigueur, il devenait une tragdie. Un film deClaude Chabrol stait inspir de lexcution"pour lexemple", sous le rgime de Vichy, deMarie-Louise Giraud, blanchisseuse Cherbourg. En 1972, une mineure viole avaitt poursuivie pour avortement devant letribunal de Bobigny. A la suite dune audienceclbre, Gisle Halimi avait obtenu sonacquittement. En mme temps, pendant que sedroulaient des histoires plus sordides et plussinistres les unes que les autres, des trains et descars entiers partaient rgulirement pourlAngleterre ou pour les Pays-Bas afin depermettre des femmes des classes aises de sefaire avorter. beaucoup dhommes et de femmes, demdecins, de responsables politiques, effarsde voir les dgts entrans par les avortementssauvages dans les couches populaires, et vous,cette situation paraissait intolrable. Mais lesesprits taient partags, souvent avec violence.Chez les hommes, videmment, plus que chezles femmes. Vous finissez par vous demandersi les hommes ne sont pas, en fin de compte,plus hostiles la contraception qulavortement. La contraception consacre lalibert des femmes et la matrise quelles ont deleur corps. Elle dpossde les hommes.Lavortement, en revanche, qui meurtrit lesfemmes, ne les soustrait pas lautorit deshommes. Une des cls de votre action, cest quevous tes du ct des femmes. Avec calme, maisavec rsolution, vous vous affirmez fministe.Les difficults, souvent cruelles, auxquellesvous vous heurtez en 1974 ne se sont pas dis-sipes trente-cinq ans plus tard. Il y a peineun an, une affaire dramatique secouait Recife,lEtat de Pernambouc, le Brsil et le mondeentier. Une fillette de neuf ans, qui mesurait unmtre trente-six et pesait trente-trois kilos,avait t viole par son beau-pre depuis lgede six ans et attendait des jumeaux.Lavortement, au Brsil, comme dans la plu-part des pays dAmrique latine, est considrcomme un crime. La loi nautorise que deux

    exceptions : viol ou danger pour la vie de lamre. Les deux cas sappliquant, lavortementavait t pratiqu. Aussitt larchevque deRecife et Olinda, Dom Jos CardosoSobrinho, qui avait succd ce poste DomHelder Camara, porte-parole de la thologiede la libration, avait frapp dexcommunica-tion les mdecins responsables de lavorte-ment ainsi que la mre de la fillette. Le scan-dale est venu surtout de la dcision de larche-vque de ne pas tendre lexcommunicationau beau-pre de lenfant sous prtexte que leviol est un crime moins grave que lavorte-ment.Ce sont des ractions de cet ordre que vousaffrontez en 1974. Elles ne viennent pasprincipalement des autorits religieuses. Lescatholiques, les protestants, les juifs taient trsdiviss. Les catholiques intgristes vous taient- et vous restent - farouchement opposs.Certains luthriens taient hostiles votre projetalors que la majorit de lglise rforme y taitfavorable. Parmi les juifs religieux, quelques-unsvous ont gard rancune : il y a cinq ans, desrabbins intgristes de New York ont crit auprsident de la Rpublique polonaise pourcontester le choix de lauteur de la loi franaisesur linterruption volontaire de grossessecomme reprsentant des dports au 60meanniversaire de la libration dAuschwitz.Une minorit de lopinion sest dchane - etse dchane encore - contre vous. Lextrme-droite antismite restait violente et active. Maisdautres accusations vous touchaient peut-treplus cruellement. "Comment vous, vous disait-on, avec votre pass, avec ce que vous avezconnu, pouvez-vous assumer ce rle ?" Le motde gnocide tait parfois prononc.Lagitation des esprits tait son comble. Alpoque, la tlvision ne retransmettait pas lesdbats parlementaires. Au moment o souvre,

    sous la prsidence dEdgar Faure, la discussiondu projet lAssemble nationale, une grveclate lO.R.T.F. En dpit la fois de la coutumeet de la grve, des techniciens grvistessinstallent dans les tribunes et diffusent le dbaten direct. Ce sont pour vous de grandsmoments dmotion et dpuisement. Beaucoupdentre nous, aujourdhui et ici, se souviennentencore de ce spectacle o la grandeur se mlait la sauvagerie. Je vous revois, Madame, faisantfront contre ladversit avec ce courage et cettersolution qui sont votre marque propre. Lesattaques sont violentes. certains moments, ledcouragement sempare de vous. Mais vousvous reprenez toujours. Vous tes une espcedAntigone qui aurait triomph de Cron. Votreprojet finit par tre adopt lAssemblenationale par une majorit plus large que prvu: deux cent quatre-vingt-quatre voix contre centquatre-vingt-neuf. La totalit des voix de gaucheet - ctait une chance pour le gouvernement -une courte majorit des voix de droite.Restait lobstacle tant redout du Snat, rputplus conservateur, surtout sur ce genre dequestions. Le gouvernement craignaitlobligation dune seconde lecture lAssemblenationale pour enregistrement dfinitif. Lasurprise fut ladoption du texte par le Snat avecune relative facilit. Ctait une victoirehistorique. Elle inscrit jamais votre nom autableau dhonneur de la lutte, si ardente dans lemonde contemporain, pour la dignit de lafemme.

    Le temps, pour vous, passe toute allure. Pourmoi aussi. Il faut aller vite. Aprs avoir t duct de la libert des hommes et de lgalit desfemmes, vous consacrez votre nergie, votrecourage, votre volont inbranlables une causenouvelle : la fraternit entre les peuples. ()

    2010-140

    Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16 13

    Acadmie Franaise

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    Ncrologie

    Les Annonces de la Seine - lundi 22 mars 2010 - numro 16

    "Permettez moi, dabord, de me prsenter commeun iconoclaste, qui na jamais t trs respectueuxdes institutions en gnral et de linstitutionjudiciaire en particulier. Je suis entr dans lamagistrature avec une hantise de larbitrairejudiciaire qui ne ma pas quitt. Je continue ressentir une mfiance profonde envers le jugedans lexercice dune fonction sans mesure, minterroger sur sa lgitimit et ses responsabilitset sur ce quest devenue linstitution judiciaire".

    Ainsi sexprimait Jean-Pierre Cochardlors dun entretien accord en 1995 la revue Gopolitique.Cet autoportrait lapidaire refltefidlement la personnalit hors du commun deJean-Pierre Cochard, perptuellement en luttepour le triomphe des ides et des causes quilpensait justes. Sa passion dvorante, la conduittoute sa vie, par une inclination naturelle de soncaractre, se dresser ds quune menace pesaitsur les valeurs fondamentales auxquelles ilcroyait, et nul autre neut plus daversion pourla passivit que ce lutteur inlassable. Servi parsa vive intelligence, un humanisme et une forcede conviction peu commune, il allait au combatavec une fureur mle de dlectation qui mettaiten vidence son autorit naturelle, sa prestanceet un sens de la formule qui pouvait treassassin. Cest alors quil devenait "cochardesque"puisque de son nom fut tir cet adjectif,hommage ainsi rendu au talent exceptionnelquil dployait pour interpeller les conscienceset les rveiller. Tel tait son temprament, fuyantles sentiers sans gloire de la flatterie et rpugnant

    toute soumission que sa conscience luiinterdisait, il ne lui importait aucunement deplaire. Il navait cure dtre dans le sens du vent,surtout si la direction de celui-ci taitannonciatrice dorages ou de temptes pour lesliberts publiques ou menaait les deux piliersqui devaient en assurer lexercice, la Justice et laGendarmerie. Il a tonn, sduit, irrit, inquit,mais jamais il na provoqu lindiffrence.Aucune tideur chez celui dont la fortepersonnalit simposa comme secrtaire gnraldu parquet de Paris, puis comme directeur dela gendarmerie et de la justice militaire, il tenait cette dernire prcision. Aprs avoir ensuiteexerc les fonctions davocat gnral au sein denotre Cour il marqua durablement de sonempreinte la chambre sociale dont il fut leprsident de 1979 jusqu sa retraite. Il sigedailleurs toujours aujourdhui parmi nous,puisque le personnage principal des fresquesqui ornent les murs de la chambre sociale estreprsent sous ses traits. Jean-Pierre Cochardnavait pas seulement un caractre, il avait aussi"une gueule".Tmoin sur sa longue carrire des volutionsde la justice, il en dressait le constat des grandesmtamorphoses. Celle du droit dabord. La loi,disposition caractre gnral et permanentsimposant tous et gale pour tous tait engrand dclin. Il y voyait trois causes. Elle nestplus dans sa gnralit, car il est sans cesse tenucompte de situations particulires. Elle nest plusdans sa permanence du fait de la prolifrationdes lois souvent inutiles dans leurs rptitionsou nocives dans leurs contradictions. Enfinlatomisation du droit li au foisonnement desnouvelles disciplines