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ENQUETE SUR 6 LEGUMERIES EN PAYS DE LA LOIRE Document de synthèse : Analyse et enseignements transversaux Programme « Complémentarités Locales pour l’Accès à une Alimentation de Qualité » (CLAAQ) Marion ABADIE, Bio Loire Océan Cécile MORVAN, Bio Loire Océan Ronan LE VELLY, UMR Innovation Montpellier SupAgro Octobre 2017 © EPLEFPA Nantes Terre Atlantique

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ENQUETE SUR 6 LEGUMERIES EN PAYS DE LA LOIRE

Document de synthèse : Analyse et enseignements transversaux

Programme « Complémentarités Locales pour l’Accès à une Alimentation de Qualité » (CLAAQ)

Marion ABADIE, Bio Loire Océan Cécile MORVAN, Bio Loire Océan Ronan LE VELLY, UMR Innovation Montpellier SupAgro

Octobre 2017© EPLEFPA Nantes Terre Atlantique

1. Les légumeries : un maillon de la relocalisation alimentaire

Lesactionspubliquesnationales,régionalesoulocalesfavorablesàlarelocalisationalimentairesontaujourd’huiabondantes.Ducôtédel’offre,auseindesorganisationsprofessionnellesagricoles,nombreusessontlesinitiativesquicherchentàaccompagnerlesproducteursdanslamiseenplacedecircuitscourtsdeproximité(venteàlaferme,magasinsfermiers,systèmesdepanier…).Demême,ducôtédelademande,desactionssontégalementmenées,parexemplepourrecréerdesmarchésdepleinventoudévelopperunapprovisionnementlocaldelarestaurationcollective.Pourautant,toutescesactionsnesontpasforcémentcouronnéesdesuccès:desproducteursserendentcomptequelaventedirecteestuneactivitétrèsconsommatricedetempsetd’énergie,descollectivitéspeinentàtrouverdesproduitslocauxpourleurscantinesscolaires,desconsommateursselassentducontenudeleurspaniers,etc.Construiredescircuitscourts,venantremplacerlescircuitslongshabituels,souventbienrodés,n’estpasuneminceaffaire.

Unedifficultéparticulièreconcernelebesoinpourlesproducteursdetransformerlesproduitsavantde les vendre.Ceproblème sepose classiquementpour lesproduits carnés, nécessitant aminimaabattage,découpeetconditionnement,maisilpeutégalementseposerpourlesfruitsetlégumes.Ilpeutêtreintéressantpourunmaraicherdeproduiredescoulisdetomateenétéafindelesrevendreenhiver,parexemples’ilparticipeàunsystèmedepanierdontlescommandesseraréfientpendantlesvacancesscolaires.Surtout,laquestiondelatransformationseposedefaçoncentraledanslesprojetsd’approvisionnement de la restauration collective. Beaucoupde restaurants collectifs ont ainsi prisl’habitudedepuislesannées1990deproduireleurrepasàpartirdeproduitstransformésde3e,4eou5egamme1,telsquedescarottesrâpéesoudespommesdeterrelavéesetépluchées.Pourunepartied’entreeux,ilsnepossèdentaujourd’huipluslematérieloulepersonnelsuffisantspoursepasserdecesproduitstransformés.Relocaliserl’alimentationimposealorsd’échangerdesproduitstransformés.

C’estdanscetteperspectivequediversprojetsdelégumeriesesontmontésenFrancedepuisledébutdesannées2010.C’esttoutparticulièrementlecasdanslesPaysdelaLoire,quiseprésententsurcepointcommeunevéritablerégionpilote.

Commentfonctionnentceslégumeries?Parviennent-ellesàrépondreauxdéfisdelarelocalisation?Cetteétudepartduconstatquenousmanquonsdereculsurces initiativesetqu’ilconvientde lesobserverdeprèspourentirerdesenseignements.Elleest,ànotreconnaissance,lapremièreàêtrepubliéeenFrancesurlesujet.

2. Une enquête de terrain auprès de 6 légumeries ligériennes

Cetteenquêteestnéede lavolontédechercheursetd’acteurs, réunisdans leprogrammeCLAAQ (Complémentarités Localespour l’AccèsàuneAlimentationdeQualité), convaincusque leslégumeriessontdesinitiativesexemplaires.Ellessontaucœurdesactionsmenéesenfaveurdel’accèsdetousàunealimentationdequalité,maisaussiaucœurdesinterrogationsrencontréessurleterrain.Cette conviction était tout particulièrement portée par Bio Loire Océan2 (BLO), la plus importanteassociationdeproducteursbiologiquesdesPaysdelaLoire,aétéinterpelléparcertainsopérateurspouruneplusgrandeimplicationdanscesoutils.BLOadoncaccueillien2017pendantsixmoisMarionAbadie,étudianteenmasterdegéographieàl’UniversitédePauetdesPaysdel’Adour,pourréaliseruneenquêtesurcesujet.

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2www.bioloireocean.fr

Unchercheurmembreduprojet,RonanLeVelly,sociologueàMontpellierSupAgro,UMRInnovation3,aencadrél’enquêtedeterrainmenéeparM.Abadie.

CetteenquêteaportésursixateliersdetransformationdelégumessituésenLoire-Atlantique,Maine-et-LoireetVendée:LocalPlanetàSavenay,ADAPEI-ARIAàLaRoche-sur-Yon,l’atelierdelaFéeauDucàSaintHerblain,laRoséedesChampsàDoué-la-Fontaine,l’ESATLesBéjonnièresàSaint-Barthélemy-d’AnjouetLaLégumeriedupaysd’Ancenis.

Surchacundecessites,plusieursentretiensontétéréalisés.L’objectifétaitd’obtenirdesinformationscroisées,afind’avoirunregardlepluscompletpossiblesurlefonctionnementdeslégumeries.Plusieurstypesd’acteursontainsiété interrogéspour recueillirdesdonnéesà la foissur l’amont, l’avalet lalégumerieelle-même.Desenquêtescomplémentairesontétéinitiéesavecdesélusetdesorganismesagricoles pour compléter les informations. Au total, quarante-trois personnes ont été interrogées(entretienssemi-directifs):treizeproducteurs,cinqagentsdestructuresdedéveloppementagricoleetrural,onzeagentsderestaurantsscolaires,deuxagentsdecollectivitésayantfinancéleslégumerieset douze personnes parties-prenantes des légumeries (présidents, directeurs, chargés demissions,responsablesdesapprovisionnements,chefsd’atelier…)

Desnotesdesynthèseontétérédigéespourchacundesentretiens,puisdesbilanspourchacundesoutilsdetransformation,reprenantl’historiquedechaqueatelier,desonémergenceàsesperspectivesd’avenir,enpassantparlespointsfortsetfaibles(Cf.livretprésentantdansledétaildequatrelégumeriesenquêtées).

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Localisation des 6 ateliers de transformation de légumesen Pays de la Loire

3https://umr-innovation.cirad.fr/

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Une analyse transversale a enfin étémenée, pour croiser les résultats qualitatifs obtenus et faireémergerdespoints importantsàretenir.Pourcettedernière,nousavonssouventétéamenésànepasprendreencompte lecasde l’atelierde lacoopérative laRoséedesChamps.Enraisondesonappartenanceàunegrandecoopérativeagricole,elles’avéraitavoirdescontingencesetopportunitésspécifiquesetunfonctionnementfinalementtropdifférentdescinqautreslégumeries.

Nousallonsmettreenavantsixenseignementsquinoussemblentremarquables.Ilsportentsur:

1.L’émergencedesprojets. 2.Lesfinancements. 3.Lesgammesdeproduitsproposées(gammes,Bio,nonBio). 4.L’amontdesfilières:lesrelationsauxproducteurs. 5.L’avaldesfilières:lesdébouchés. 6.Lalogistique.

3. Comment ont émergé ces projets de légumerie ?

Unpremierconstatestquelescinqlégumeriesenquêtéessonttrèsrécentes.Lesréflexionspréalablesontcommencéentre2010et2012pourquatrelégumeries;seulelalégumeriedel’ADAPEI-ARIAaengagéuneréflexionsurunatelierdetransformationdèslemilieudesannées2000,etaétéappuyéepourcelaparleConseildépartementaldeVendéeen2010.Lespremièrescommercialisationsdelégumess’étalententre2012et2016,selonlesorganisations.Ceconstattendàconfirmerquelacréationdecesoutilsestliéeàl’engouementrelativementrécentpourlarelocalisationdessystèmesalimentaires, mais aussi sans doute aux difficultés récurrentes rencontrées sur le dossier de larestaurationcollective.

Surlescinqlégumeriesétudiées,troissontportéespardesassociationspermettantdefairetravaillerdespersonneséloignéesdel’emploioudespersonnesensituationdehandicap(LocalPlanet,ADAPEI-ARIA,ESATLesBéjonnières).Ces typesdestructuresontextérieursà la foisaumilieuagricoleetàla restaurationcollective.Lesdeuxautres légumeriessontportéesparun lycéeagricole (L’EPLEFPANantesTerreAtlantique)etparl’associationdepréfigurationdelalégumeriedupaysd’Ancenis.Cettedernièreaétéconstituéedanslecadredumontagedelalégumeriepourmieuxpouvoirlapiloteretlagérerdèsledépart,enrassemblanttouslesacteurs(producteurs,clients,gestionnaires…)

Pourchacunedeces structures, il existedoncdesobjectifs spécifiques, issusde leurhistoire.Pourautant,chacuned’entreellesaétéégalementinitiéecommeuneréponseàunedemandeperçuesurleur territoiredeproduits locauxdequalité transformés. La plupart des ateliers de transformationavaientainsi identifiédesétablissementsscolairesetclientspotentielsdès l’étudedepréfiguration.Parexemple,laFéeauDucl’avaitfaitavechuitétablissements,dontlacuisinecentraledelaVilledeNantes.PourADAPEI-ARIA,leprojets’estconstruitautourd’unpartenariatfortavecleConseilgénéraldeVendée,tournéversl’approvisionnementdescollègespublics.

Lapériodedepréfigurations’étendgénéralementsurplusieursannées,aucoursdesquellesplusieursétapesdoiventêtrevalidéespourqueleprojetvoiefinalementlejour:

•Réalisationd’étudesdemarché,élaborationdebusinessplans(modèlesd’affaire). •Etablissementdepartenariatsaveclescollectivitéspubliqueslocales,lesorganismes agricoles,lespremiersproducteursetclients. •Réalisationdedossiersdefinancement. •Réflexionautourdesgammesdeproduitsàvendre,desprixàappliquer,delalogistique,du personnel,desfraisdefonctionnement. •Réalisationdetravaux.

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Avanttouteopérationdecommercialisation,uneétudedepréfigurationestnécessairepourévaluerlemarché,cibler lesclientspotentielset lesproducteurs,enayantconnaissancedeleursmodesdefonctionnement(moyensmatériels,prix,produitsproposésetachetés,etc.)Cesétudesdepréfigurationontétéréaliséespardescabinetsdeconseiloudesassociationsdedéveloppementterritorial.

LesporteursdeprojetontégalementcontactédesorganismesagricolesbiocommelesGroupementsd’AgricultureBiologique(GAB)oulesMangerbiodeleurterritoire,ainsiquedesassociationscommeCap44ouTerroir 44défendantuneagriculturepaysanneet ledéveloppementdes circuits courts.Quatredeslégumeriesinterrogéessesonttrèsrapidementtournéesversdesacteursprofessionnelsdelabioenamontduprojet,puisquecetypedeproduitétaitprivilégiédèsleurconstitution.Mêmesilepérimètredecequ’onnommeune«alimentationlocaledequalité»peutfairedébat,forceestdeconstaterquelabioestapparuepourlesporteursdeprojetcommeunegarantiedecettequalité.Surcepoint,ilestégalementnotablequeBioLoireOcéan,associationdeproducteursdesPaysdelaLoired’envergureayant20ansd’expérience,aétécontactéetardivementparlesstructures,unefoisl’activité de transformationdémarrée. Pour expliquer ce paradoxe, nous pouvons faire l’hypothèseque cetteassociation,dont lesmembres commercialisentenmajorité vers les réseauxdemagasinspécialisés,estmoinsconnuequelesGABoulesMangerBiodesterritoires,oumoinsimmédiatementidentifiéecommeunacteurdescircuitscourts.

4. Quels financements ?

QuatrelégumeriessurcinqontbénéficiédefinancementspublicsdelapartdecollectivitéspubliquescommelesConseilsdépartementaux,leConseilRégionaldesPaysdelaLoireouencorelescommunautésdecommunesderattachementdeslégumeries.DesfondseuropéensLEADERontétésollicitéspartroisateliers,maisn’ontpasencoreétéversésàcejourpourdeuxoutils.

Il est possible de distinguer trois types d’aides financières : les aides à l’ingénierie permettant definancerlesétudesdepréfigurationetdutempsd’ingénierie,lesaidesauxinvestissements(bâtimentmatériel)etlesaidesd’accompagnementetdefonctionnementunefoisquel’outilestenservice.Enoutre,unelégumerieafaitappelàdufinancementparticipatif.

Au-delà de ces financements, une autre forme de soutien public mérite d’être mise en avant :l’engagementdecommandeà traversdesmarchésde longuedurée.Certainescollectivités se sontainsiengagéessurdesmarchéspublicsdequatreàsixans.Cesengagementspermettentdemeneruneréelleréflexionavecdeseffetsstructurantpourl’organisationdelaproductionetcontribuentàsécuriserlesateliers.

Unefoiscespremièresaidesversées,lesporteursdeprojetdoiventdégagerdeleuractivitél’équilibreéconomiquedelastructure.Cetéquilibreestatteintàpartird’uncertainchiffred’affairespermettantdecompenserleurscharges(amortissementdumatériel,électricité,eau,salairesdespersonnels,etc.)Lesétudesdepréfigurationréaliséesenamontontpermisd’établirundélaiàpartirduquelceseuilderentabilitédevraêtreatteint,enfixantletonnagedeproduitsàtransformerpourdégagerunchiffred’affairessuffisant.D’aprèscesétudes,entretroisetsixanssontnécessairesentrelapremièreactivitéde transformationet l’atteintede cet équilibrefinancier. L’atelier de l’ADAPEI-ARIA, par exemple, adémarrésonactivitéen2012etprévoitunéquilibreéconomiqueen2018.

Toutesleslégumeriesrencontréesnousontfaitpartdeleursdifficultésàtrouverunrégimedecroisièreetunestabilitééconomique,comptetenudeleurémergencerécente.LalégumerieLocalPlanetadûcessersonactivitéaucoursdel’enquêteaprèsunand’activité.

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Malgré des tonnages de produits vendus conformes, voire supérieurs, aux prévisions donnéespar l’étude demarché en amont, elle connaissait des difficultés financières trop importantes pourpoursuivre.Lecaractèreinnovantdeslégumeriesrendclairementdifficiled’établir,dèsledépart,unmodèled’affairespertinent.

5. Quelle gamme de produits ? Laconstitutiondelagammeproposéeparchaquelégumerieconstitueunenjeucentral.Lesqualitésetlesprixoffertssontcœurdeleurattractivitécommercialeetdeleurpérennitééconomique.

Unepremièrecaractéristiqueobservableest l’importancerelativedesproduitsbioetnon-biodansl’offrecommerciale.Quatre légumeriesproposentainsides légumesbiologiquesetunecinquième,l’ESAT lesBéjonnières,commercialiseessentiellementunegammeconventionnelle locale.Poursongestionnaire,lesprixdesproduitsbiosonttropélevésetcettequalitén’apasétédemandéeparsesclients.Enoutre,deuxdesquatrelégumeriesnousontexpliquéqu’ellesontdûs’approvisionnerenproduits conventionnels lorsqu’elles ont fait face à unmanque de production de certains produitsbiologiques.Enparticulier, les légumesbiologiquesontsouventunesaisonnalitéplusmarquéequelesproduitsconventionnelscomptetenudunonchauffagedesserresetdelanon-utilisationd’anti-germes sur lespommesde terreparexemple.Certaine légumeriesont fait le choixde terminer lasaisonpardesproduitsconventionnelslorsqu’iln’yaplusdedisponibilitéenproduitsbiologiquespourhonorerlescommandespasséesparlesétablissementsderestaurationcollectives.

Leslégumeslesplustransformésparleslégumeriessontlescarottesetlespommesdeterre.D’autreslégumesfréquemmentdemandéparlesclientssontlechou,labetterave,lesnavetsetlespoireaux.

Pour ce qui est des niveaux de transformation de légumes proposées par les légumeries, toutesproposentdeslégumesde4egamme.La1egammen’estpasproposéeparl’atelierdelaFéeauDucpournepasfaireconcurrenceauxautresateliersdetransformationdudépartementlaproposant.Enrevanche,cetatelierestleseulàproposerunecongélationdeslégumestransformés.La5egamme,soit lesproduitscuitsetsous-vide,représenteunsecteurd’activitétrèsplébiscitépar lescuisiniers,notammentceuxembauchéspardesétablissementsd’enverguren’ayantpaslesmoyenshumainsetmatérielsdetransformerleslégumeseux-mêmes.

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Ilestégalementànoterquecertaineslégumeriesfontlechoixdeproposeruncomplémentdegammehorsfruitset légumes.ADAPEI-ARIAtravailleainsiavecdeuxfournisseursdeproduits laitiersbioetproposeégalementdesproduitsd’épicerieetdescéréalesbio.

Touslesporteursdeprojetssedisentsoucieuxdesprixd’achatetdereventedesproduits.Eneffet,leur ambitionest deproposerdesprix à la fois rémunérateurs pour les producteurs locaux et desprixavantageuxpourlesétablissementsderestaurationcollective.Pourlesacteursdelarestaurationscolaire, les prix des produits biologiques constituent une contrainte, mais certains arrivent àcompenser lessurcoûtsdece typed’achatparexempleenréduisant lesportionsouenorganisantdesopérationsdeluttecontrelegaspillagealimentaire.Desformesdenégociationetdeconcertationsontalorsnécessaires.Lescinqateliersproposentdesréunionsaveclesproducteurspourfixerlesprixd’achatdesproduits.Leslégumeriesseplacentcommeunmaillonintermédiaireentredeuxacteursd’unemêmefilièremais ayantdesexigencesetdes logiquesdifférentes, voireopposées, etont lalourdetâchedeconcilierdesattentesquileurssontpropres.

6. Avec quels producteurs travailler ? Et comment ? LaRégiondesPaysde laLoireestunegranderégiondeproductionagricole.Enparticulier,pour l’agriculturebiologique,elleseplaceau4erangnationalentermesdesurfacesetdenombred’exploitationsconverties.Lesproducteursbiodece territoireontdesprofilsdecommercialisationassez variés, incluant plus ou moins de vente directe et plus ou moins de marchés d’expédition(venteàdesgrossistespourunedistributiondeproduitsàl’échellenationale).Demême,enmatièred’agronomie,desproductionsplusoumoinsspécialiséessontdéveloppéessurdesexploitationsdetaillesdifférentes.

Danslecadredeslégumeriesétudiées,lesporteursdeprojetssesontprioritairementtournésverslesproducteurslocauxsituésàproximitédesoutilsdetransformationdanslebutdevaloriserl’économielocale et dediversifier les débouchés de cesmaraichers.Dans la pratique, ce choix ne s’avèrepasforcémentêtretrèspertinent.Cesmaraicherssontainsipourlaplupartmotivésparlaventedirecte,notammentenLoire-Atlantique,oùcephénomènesembleparticulièrementdynamique:lademandede l’agglomérationnantaiseest importantetantauniveaudesmagasinsspécialisés,quedesAMAPoudesmarchés.Généralementsatisfaitsdecedébouché,ilsnesesententpasforcémentattirésparlemarchédelarestaurationcollective.Lesprixpratiqués,lesexigencesdecalibreoulescontrainteslogistiquestendentégalementàlesdissuader.Certainssesontvurefuserdeslivraisonsenraisond’unequalitéaltéréepardemauvaisesconditionsmétéorologiques,parexemple.

Les caractéristiques des petites exploitations diversifiées sont également sources de freins pourtravailleravec les légumeries.Souventpeumécanisésetdisposantdefaiblescapacitésdestockagede longue durée, par exemple pour couvrir les besoins en pomme de terre des légumeries, leurssystèmes sont davantage adaptés à de la vente directe. Ensuite, du fait de leur taille réduite, cesexploitationsnepeuventdévelopperdenouvellesproductionsspécifiquementpour les légumeries.CertainsproducteursengagésenplanificationavecLocalPlanetontréservédessurfacesdeproductionàdestinationdel’outil,avecpourperspectivededévelopperdenouvellessurfaces.Maisdetelscasdemeurentminoritaires.

Lesenjeuxdeplanificationdesproduits sont importants.Eneffet, les responsablesdes légumeriescommandentauxproducteursenfonctiondelavisibilitéqu’ilsontdescommandesdesgestionnairesde restauration collective. Or, la majorité d’entre eux commande au coup par coup, une à deuxsemainesavantladatedelivraison.Lesresponsablesdelégumeriesdoiventalors,àleurtour,passerleurs commandes rapidement auprès des producteurs. Ceci poseproblème car ces derniers disentavoirbesoind’anticiper lescommandesplusieursmoisà l’avance,pourpouvoirsemeretrécolter la

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quantitédelégumesdemandéeparlesétablissements.LalégumerieLocalPlanetestlaseuleàavoirengagéuneplanificationdevolumesetdeproduitsavectous lesproducteursengagés,etcedès ledémarragede l’activité.Lesproducteursavaientundélaid’unanpouraccepterounondeplanifieravecl’outil,auregarddeleurcapacitétechniqueàproduiredeslégumesenquantitésuffisantesurlesproduitsdemandés.

Nous avons pu constater que même si plusieurs établissements scolaires enquêtés, tout commeplusieurscollectivitéspubliqueslocales,disentvouloirengagerdespartenariatsavecleslégumeries,lesactesd’achatnesontpastoujoursà lahauteurdeceque lesporteursdeprojetavaientespéréaudépart.Dans ces conditions, les gestionnaires des légumeries peinent parfois à commander lesvolumesdelégumesdontilsontbesoin.Plusieursd’entreeuxsesontalorstournésversdesgrossistesoul’associationdeproducteursBioLoireOcéanpourqu’ilslesdépannentponctuellement.

D’unefaçongénérale,descollectifsd’agriculteurscommelesMangerBioouBioLoireOcéansemblentplusàmêmequedesproducteursindividuelsdefournirlamarchandisedontontbesoinleslégumeriescomptetenudeleurscapacitésdeproduction,delacapacitéàplanifierdesproduitsetdeladiversitédeslégumesdisponiblesenleursein.BioLoireOcéanad’ailleursengagéuneplanificationdepuisdeuxansavecl’ADAPEI-ARIAsurunedizainedeproduitsetapprovisionneponctuellementlesquatreautresoutils.

Des organisations collectives, avec d’autres acteurs des territoires comme les GAB, peuvent aussiapporterunsoutientechniqueauxproducteurs,afindelesaideràproduiredeslégumesauxcalibresdemandés en quantité et qualité suffisantes. Pour les légumeries, la qualité et les calibres sontextrêmementimportantscarilsimpactentdirectementlarentabilitédel’atelier.Mêmesilesateliersde transformation sont souvent vus comme des outils permettant d’écouler des produits qui nepourraientpasêtrecommercialiséssurdesmarchésd’expédition,unproduitdemauvaisequalitéauraunrendementplusfaiblelorsdelatransformation.Untempsdepréparationsupplémentaireestalorsnécessaire,notammentsurl’épluchagesilelégumeestdéforméparexemple.Lesateliersrecherchentdonc des produits souvent conformes aux exigences sanitaires et qualitatives de la restaurationcollective,enpréférant lesproduitsayantdescalibressupérieurs,comme lapommedeterreou labetterave.Certainsproducteursontindiquéquelaventedegroscalibresreprésenteaussipoureuxunavantagenonnégligeablepuisquecetypedeproduitnesevendnisurlesmarchésd’expéditionnisurlesmarchésindividuelsencircuitcourt.Lalégumerieleuroffredecefaitunepossibilitédevalorisercesproduitsplusvolumineuxàdesprixintéressantsàlafoispourlesproducteursetleslégumeries.

Néanmoinspourl’ensembledesproducteursenquêtés,lesvolumesdestinésàcesoutilsrestentfaiblesetreprésententmoinsde5%deleurvolumed’activité.

7. Quels marchés viser ?

Larestaurationcollectivescolaireest lemarchéprincipalementvisépar lescinq légumeriesenquêtées.Cetteclientèleexigeantedoitseplieràplusieurscontraintescommedesmenusplanifiésà l’avancepourrépondreauxrecommandationsnutritionnellesnationales.Leproblèmeestque leslégumesproposésdans lesmenusne correspondentpas toujours au calendrierdeproductiondesproducteurs.Deplus,lesétablissementsscolairesfermentenété.Or,laproductionestrelativementabondanteàcettepériode,notammentdansdeslégumespharescommelacourgetteoulatomate.Lesproducteursquiontchoisidelivrerleslégumeriessontdonccontraintsdetrouverd’autresdébouchésenattendantlemoisdeseptembre.

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Pourcesraisons,ilestintéressantd’envisagerquelesdébouchésdeslégumeriesnesoientpaslimitésà la restauration scolaire. Une prospection est d’ailleurs en cours dans la plupart des légumeriesenquêtéespourvendreàd’autressecteurs(maisonsderetraite,hôpitaux…).Au-delà,d’autrestypesde débouchés existent et/ou peuvent être développés.Des fruits et légumes transformés peuventainsiêtreégalementappréciésdesconsommateursqui fréquentent lescircuitscourtsdeproximité(magasins de producteurs, systèmes de panier…), comme en témoigne le succès déjà ancien desproduits fermiers issusdesproductionsanimales(fromages,pâtés,terrines…).L’atelierde laFéeauDucréaliseponctuellementuneprestationdeservicepourquelesmaraîcherspuissenttransformeretcuiredelabetteraveafindelarevendreenventedirecte.Bienentendu,généraliserunetelleévolutionn’estpasévident ; celagénèredenouvellesquestionsd’organisation (accès, tarificationduservice,etc.).Pourautant,lacréationd’outilsdetransformationàmi-cheminentreleslégumeriesactuellesetlesatelierscollectifsdetransformationmériteréflexion.

Unesecondequestion liéeauxmarchésvisésportesur leszonesdecommercialisation.De fait, lescinqlégumeriesétudiéesontdeszonesdecommercialisationtrèsvariables,allantdelacommunautédecommunespourlalégumeriedupaysd’Ancenisaudépartementetau-delàpourlalégumeriedel’ADAPEI-ARIA.Desaccordsinformelspeuventaussiexisterafindenepasplacerdesoutilsenconcurrencefrontale.DeuxdeslégumeriesdesPaysdelaLoiresesontainsientenduespourséparerleurszonesdechalandise.L’uned’entreelleprospectelenord-ouestdudépartementdeLoire-AtlantiqueainsiquelaVilledeSaint-Nazaire,alorsquel’autreprospectepluslesud-estetlaVilledeNantes.

8. Quelle logistique ?

Lalogistiqueestundernierélémentincontournableàaborderdanscettesynthèse.Lescinqateliers interrogés s’accordentàdirequeceposteest très coûteuxetdoitêtrebienorganisépourabaisserlesdépensesaumaximum.

Lesbesoinset lessolutions logistiquesobservéesentre lescinq légumeriessontdifférents,selon lepérimètregéographiquedesclients,leurnombreetlafréquencedeleurscommandes.Parexemple,en Loire-Atlantique, l’atelier de la Fée auDuc possède un bassin de commercialisation localisé surl’agglomérationnantaise.Sonpartenariatavec lacuisinecentralede laVilledeNantes,etcedès ledémarragedelaréflexion,luipermetdelivrerdegrandesquantitésdelégumestransforméssurunrayongéographiquetrèsrecentré.Enrevanche,l’atelierdel’ADAPEI-ARIA,deparsonpositionnementsurtoutledépartementdeVendéeetlesdépartementslimitrophes,doitréfléchirsonactivitélogistiquedifféremment.Comptetenudesonanciennetéetdelaquantitédesesclients(prèsdecentcinquantecitéslorsdel’entretienenavril2017),ilapudévelopperuncircuitlogistiquepluslarge.

Néanmoinspourlivrerdesclientsplusexcentréset/oulorsquelesvolumessontsupérieursauvolumepouvantêtretransportéparsesvéhicules,l’ADAPEI-ARIAfaitappelàdestransporteursextérieurs.

Pourcequiestdelalogistiqueamont,c’est-à-direletransportdeslégumesbrutsverslalégumerie,certains ateliers effectuent la ramasseauprèsdesproducteurs. C’est le caspourARIAet l’ESAT lesBéjonnières. Parfois, les camions assurent cette ramasse au retour de leur livraison sur le site derestauration, rentabilisant ainsi au mieux leur déplacement. Dans les trois autres cas étudiés, lesproducteursvontlivrerl’outilavecleurspropresmoyensoufontappelàunesociétédetransportpourlivrerleslégumeriestropéloignées.C’estlecasparexempled’unproducteurdeBioLoireOcéansituéenLoire-AtlantiqueetquilivreADAPEI-ARIA,enVendéeparuntransporteur.Surcepointégalement,lasituationgéographiqueimporte.Pluslesproducteurssontéloignésdelalégumerie,pluslescoûtssontélevés.

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Conclusion

Si notre enquête ne remet pas en cause la pertinence des légumeries, notamment pourdévelopper l’approvisionnement localde la restaurationcollective,elleamèneà soulignercombienl’établissementdecenouveloutildemédiationentreoffresetdemandeslocalesn’ariend’évident.Les questions d’organisation, de gouvernance, et les difficultés rencontrées sont nombreuses ; lesapprentissagesetlessolutionssefontcheminfaisant.Enraisonducaractèreinnovantdecesoutils,lesétudesdepréfigurationapportentdesrepèresutilesetsoutiennentlaréflexion,maisellessontloindeprédirel’aveniretdegarantirlesuccèsdelalégumerie.D’autantplusquecesétudesn’ontpasprisencomptelesévolutionsdumarchéentreleurréalisationetlapremièrecommercialisationdeslégumestransformés,plusieursannéesplustard.

En outre, il ne se dégage pas, ni de la pratique, ni de notre enquête, demodèle idéal à suivre etreproductiblesurd’autresterritoires.Lescinqprojetsdelégumeriesprincipauxétudiésdonnentàvoirdesacteurs,desterritoiresetdesstratégiesdifférents,ayantchacunleurpertinence.Nouspouvonscependantsoulignercombienlesexpériencesdelégumeriess’inscriventaucroisementdesattenteset desmodes d’organisation d’aumoins deuxmondes très différents, lemonde de la restaurationcollectiveet lemondeagricole,auquelpeuts’adjoindretypiquementuntroisièmemonde,celuidel’insertionparl’activitééconomique.Pourétablirdesoutilspertinentspourlesacteursdecesdifférentsmondes, lesconditionsdudialoguedoiventêtreréunies.LesProjetsAlimentairesTerritoriaux (PAT)peuventconstituerunespacepourcela,toutcommepeuventl’êtredescomitésdepilotageadhoc.Des projets de Sociétés de Coopération d’Intérêt Collectif (SCIC) ont également été envisagés pardeuxdeslégumeriesinterrogéesdanslebutderassemblertouslesacteursenprésenceetdecréerunespacederéflexioncommune.LesPAT,comitésdepilotagesouSCICnesontpasunegarantiedesuccès, tant leur bonne animation est délicate,mais chacun de ces outils peut être vecteur d’unegouvernancealimentaireterritorialaccrue.Surcedossier,nouspensonsque lesacteursnedoiventpascontinuellementserenvoyerlaballe,attendrequelesunsstructurentleuroffreouquelesautreschangent leurspratiquesd’achat : la réflexionet lesapprentissagesgagnentàportersur toutes lespiècesdupuzzleenmêmetemps.Celanerendpasleschosesplussimples,maiscelalesrendsansdouteplusintéressantes…

Pour aller plus loin

RonanLeVelly,2017.Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence, Presses des Mines, Paris

LeprojetCLAAQ:Leprojetderecherche-actionCLAAQ(Complémentaritéslocalespourl’accèsàunealimentationdequalité)estunprojetde3ans(2015-2017)quiassociedeschercheursetdesacteurssocio-économiques. Il est coordonnépar IvanDufeu (Université d’Angers) et CécileMorvan (BioLoireOcéan)etfinancépar laFondationDanieletNinaCarassodans lecadred’unappelàprojetsgéréparlaFondationdeFrance.