Ester Vaisman Lukacs Et La Question de l'Idéologie

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    Ester Vaisman

    Introduction

    Le caractre polysmique du mot idologie est assez connu, bien quilait t employ en 1796 par Destutt de Tracy pour signifier science des

    ides , dans le courant du sensualisme franais1. La diversit de sens quil

    a assum tant dans la littrature que dans son usage courant pourrait tre

    synthtise prliminairement de la faon suivante : mythologie et folklore ;

    illusion et auto-duperie, sens commun ; mensonge, dformation et obscu-

    rantisme ; tromperie consciente ; fausse pense en gnral ; philosophie ;

    vision du monde ; systme de comportement2.

    Bien plus, Arne Ness et ses collaborateurs ont russi mettre en

    vidence trente significations diffrentes3!

    Lintrt intense que la thmatique de lidologie a suscit jusqu unepoque rcente parat indiquer galement que lon est confront une

    notion substantiellement contemporaine, bien que des auteurs comme Barth

    et Lenk appliquent aussi lappareil conceptuel de lidologie des poques

    antrieures, sous la forme dune histoire ante de lidologie partir

    de Bacon. Ces auteurs cherchent mettre en vidence que, sous un certain

    angle, la proccupation relative lidologie est dj prsente au moment

    o, partir des exigences des sciences de la nature, la philosophie se tourne

    vers les lments considrs comme extrieurs au champ scientifique, mais

    qui pourraient exercer une influence dangereuse dans le parcours de la

    recherche scientifique4.

    Lenk et Barth considrent, alors, F. Bacon, comme le grand prcurseur

    de la proccupation philosophique lgard de lidologie, quoiqu lpoque

    il nait pas reu ce titre. Daprs Lenk, lidentification de Bacon comme

    premier reprsentant des tudes sur lidologie se justifie dans la mesure

    o le penser propre de la science naturelle une connaissance systma-

    tique fonde sur lempirique a drout, aux XVIeet XVIIesicles, surtout

    1. D. Tracy, lments dIdologie,Paris, Vrin, 1970, vol. I, p. 11. 2. F. Rossi-Landi, Ideologia, Barcelona, Editorial, Labor, 1980, p. 31. 3. A. Ness, Historia del trmino Ideologia desde Destutt de Tracy hasta Karl Marx , in I. L. Horowitz

    (dir.) Historia y Elementos de la Sociologia del Conocimiento, Buenos Aires, Editorial Universitria, 1964,vol. I, p. 23-27.

    4. E. Vaisman, A Ideologia e sua Determinao Ontolgica , in Ensaio 17/18, So Paulo, Editora Ensaio,1989, p. 400.

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    en Angleterre et en France, la spculation scolastique , ce nest donc pas

    un hasard si dans la philosophie moderne lexigence dune connaissance

    objective de la nature, fonde sur lobservation, sur lexprimentation, et

    sur les mthodes inductives, est accompagne de la recherche des lments

    athoriques drangeants de la pense humaine5. Ou bien, pour lauteur

    susnomm la proccupation concernant lidologie apparat au moment ola constitution de la mthode des sciences de la nature prsuppose ncessai-

    rement une investigation systmatique des facteurs qui conduisent lerreur,

    en dautres termes, les facteurs de caractre idologique6.

    Hans Barth, quoique suivant un parcours thorique diffrent de celui de

    Lenk, fait cependant rfrence, de la mme faon, la proccupation relative

    la puret de lactivit cognitive vis--vis de la perturbation idologique,

    car lexamen critique de la facult cognitive est un impratif dautant plus

    urgent, si lon part de lide selon laquelle seule lactivit purifie constituele prsuppos ncessaire pour la domination de la nature par lhomme, ou

    pour lorganisation de la socit et de ltat7. Par consquent, lintrt par

    rapport la problmatique de la connaissance et par rcurrence, daprs

    les auteurs cits ci-dessus, par rapport lidologie se distingue dans la

    mesure o, dans un moment historique dtermin, la connaissance vritable

    est considre comme conditio

    pour un projet scientifique et

    sociopolitique dtermin. Les bases premires de ce projet auraient t dve-

    loppes par Bacon dans la deuxime partie de son

    8.

    Cest alors que Bacon, en dveloppant sa fameuse doctrine desidola,

    prnait le plein dveloppement de la connaissance humaine. Il fallaitviter autant la foi aveugle dans lautorit que lacceptation acritique des

    opinions conventionnelles9. Ou encore, il revient la doctrine des idola

    de rvler ces produits de la pense pseudo-scientifique qui trouvent leur

    origine dans le mauvais usage des fonctions spirituelles10.

    Indpendamment de la validit et de la justesse thoriques quil y a consi-

    drer Bacon comme le grand prcurseur des tudes sur lidologie, les deux

    auteurs sus mentionns, dans un effort reconnu comme srieux pour recenser

    en dtail les tudes sur lidologie, finissent par tablir immdiatement une

    connexion intime entre lidologie et la problmatique de la connaissance, en

    justifiant ainsi lexamen de la premire par le prisme de cette dernire11.

    En poursuivant son intention dexposer lorigine et les diffrents parcours

    des tudes sur lidologie, Lenk affirme que la caractristique fondamen-

    tale de la philosophie illustre dans lesXVIIeet XVIIIesicles (est) celle de

    discerner une source de prjugs contraires la raison, dans les reprsen-

    5. K. Lenk, El Concepto de Ideologia,Buenos Aires, Amorrurtu Editores, 1974, p. 9. 6. E. Vaisman,op. cit., p. 400. 7. H. Barth, Verit e Ideologia, Bolonha, Il Mulino, 1971, p. 31. 8. E. Vaisman, op. cit., p. 400. 9. K. Lenk,op. cit., p. 10. 10. H. Barth, op. cit., p. 33. 11. E. Vaisman, op. cit., p. 400.

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    tations hrites12. De tels prjugs, selon Barth, empchent lhomme deraliser son bonheur et de crer une construction sociale rationnelle13. travers luvre de dHolbach, en particulier, on exprime ce qui constituela plus profonde aspiration dune poque [...] : la lutte par la vrit et contre

    les prjugs nest pas seulement un problme de la thorie de la connaissance

    et de la logique, mais, au plus haut degr, une question politique parce queltat et lglise ont intrt la domination des prjugs14.

    Par consquent, selon les mmes auteurs, chez Bacon, le phnomneidologique quoiquil nait pas ce moment-l reu une telle dnomination

    serait renvoy exclusivement au champ de la proccupation scientifique ;ce qui veut dire : la question du fauxest examine et combattue sur leterrain proprement philosophique, tandis que la question du faux, chez

    les matrialistes franais, dpasse le champ strictement scientifique pourdevenir un but de la lutte politique15.

    Nous pourrions continuer nous rapporter un ensemble dauteurs quisont prsents dans la recherche de Lenk ainsi que de Barth, mais il suffitpour linstant dindiquer tout simplement la faon par laquelle Bacon et lesmatrialistes franais sont prsents cette histoire ante letteramdes tudes

    sur lidologie. Tout parat indiquer que Barth ainsi que Lenk ont fini partransposer le discours ngatifsur lidologie qui dirige lassociation decelle-civers le faux, en la renvoyant, par consquent, la problmatiquede la connaissance vers ceux qui supposment se seraient penchs surcette question lorsquils ont manifest, dune faon ou dune autre, une

    proccupation thorique ou pratique par rapport au faux. Il a fallu enfin

    constater cette proccupation, pour que Bacon et les matrialistes franaissoient considrs comme les prcurseurs des tudes sur lidologie.

    Pour le moment, la recherche de Lenk et Barth sert illustrer une

    approche qui semble tre assez dominante dans limmense bibliographiesur le sujet. Une telle illustration se justifie dans la mesure o les auteurs,en exprimant grande chelle une procdure dominante, tablissent un lien

    troit entre lidologie et la problmatique de la connaissance, lorsquilsse servaient du critre gnosologiquecomme rfrent analytique basique.Comme nous avons pu lobserver, la prsence de ce critre est explicite partir du moment o Bacon est considr comme le grand initiateur destudes sur lidologie.

    Dans le champ du marxisme, il y a quelques exemples qui mettent envidence la prsentation de cette question galement dans une perspectiveaborde de faon gnrale par le prisme gnosologique, malgr la reconnais-

    sance de lexistence de deux tendances distinctes, qui cependant plusieurs

    reprises sentrecroisent : lune conoit lidologie en tant que superstruc-ture idale, lautre considre le phnomne comme synonyme de fausse

    conscience. Quoiquil en soit, la dernire lexception dAntonio Gramsci,

    par exemple est comprise comme celle qui exprimerait rigoureusement la

    12. K. Lenk, op. cit., p. 12. 13. H. Barth, op. cit., p. 50. 14. Ibid. 15. E. Vaisman,op. cit., p. 401.

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    perspective de Marx. Depuis Althusser, partir de la notion de coupure

    pistmologique , jusqu dautres interprtations distinctes comme celle

    dHenri Lefbvre16, il existe une tendance vidente lopposition entre la

    science et lidologie ou, en dautres termes, entre ce qui serait supposment

    vrai et faux.

    Louis Althusser a t, dans les dernires dcennies, lun des responsa-

    bles peut-tre le plus radical de linclusion dans le champ marxiste dune

    thortique qui semblait rsolutive pour les impasses et les dilemmes qui ont

    domin les dbats des annes 1960 et du dbut des annes 1970, surtout en

    ce qui concerne la polmique pistmologique autour de luvre de Marx.

    DansLire le Capital, le penseur franais soutient que la lecture philo-

    sophique suscite plusieurs questions et, en ce sens, en philosophie, cest

    exactement mettre en question lobjet spcifique de ce discours son objet,

    cest donc poser lunit discours-objet, la question de titres pistmologi-ques17 . Dans Lnine et la philosophie, propos de ce thme, lauteur

    affirme premptoirement : Dire quil ne se passe rien en philosophie,

    cest dire que la philosophie ne mne nulle part puisquelle ne va nulle

    part18. Ainsi, la philosophie naurait pas proprement un objet, mais tout

    simplement une fonction dans le champ de lapratique thorique, savoir,

    celle de tracer une ligne de dmarcation lintrieur du domaine tho-

    rique, entre des ides dclares vraies et des ides dclares fausses, entre

    le scientifique et lidologique19. En ce sens, la tche de la philosophie se

    restreint tablir les fondements et les limites de la connaissance dans le

    champ exclusivement pistmologique, en ayant comme tche essentiellele rejet des concepts idologiques, lesquels de faon assez frquente sont

    considrs comme scientifiques. Il sagit alors de dfendre la science de

    lintromission idologique.

    Lidologique est, du point de vue de la perspective althussrienne,

    tout nonc qui, dans des termes purement pistmologiques, se prsente

    de faon oppose celle qui serait la fonction thorique ou la fonction de

    la connaissance. Cest--dire, lidologie se confond et sidentifie avec tout

    nonc qui dpasse le plan strictement pistmologique. Dans Marxisme et

    humanisme, Althusser affirme que une idologie est un systme (possdant

    sa logique et sa rigueur propres) des reprsentations (images, mythes, ides

    ou concepts selon le cas) dou dune existence et dun rle historiques au

    sein dune socit donne [...] lidologie comme systme de reprsentations

    se distingue de la science en ce que la fonction pratique-sociale lemporte en

    elle sur la fonction thorique (ou fonction de connaissance)20 . De mme,

    dans Pour Marx, Althusser fait de lidologie un ensemble de rapports quicachent ou reprsentent mal les rapports rels, bien que simultanment

    16. H. Lefbvre, Sociologia de Marx, Barcelona, Eds 62, 1969. 17. L. Althusser et alii, Du Capital la philosophie de Marx , inLire le Capital, Paris,PUF, 1996, vol. I,

    p. 5. 18. L. Althusser, Lnine et la philosophie,Paris, Maspero, 1969, p. 43. 19. Ibid., p. 49-50. 20. L. Althusser, Marxisme et Humanisme , inPour Marx, Paris, La Dcouverte, 1996, coll. La Dcouverte/

    Poche , p. 238.

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    dsignent un rapport vcu, alors rel. Lauteur affirme : Dans lidologie,les hommes expriment, en effet, non pas leurs rapports leurs conditionsdexistence, mais la faondont ils vivent leur rapport leurs conditionsdexistence : ce qui suppose la fois rapport rel et rapport vcu, imagi-naire. [...] Dans lidologie, le rapport rel est invitablement inverti dans

    le rapport imaginaire : rapport qui exprimeplus une volont(conservatrice,conformiste, rformiste ou rvolutionnaire) voire une esprance ou une

    nostalgie, quil ne dcrit une ralit21. Ainsi, selon la mme approche, dans lidologie, les hommes expriment

    la manire dont ilsimaginent leurs rapports rels, et en aucune faon lido-logie naurait de moyens pour exprimer rellement ces rapports, puisquilsagit dun rapport imaginaire. Ce qui est en jeu, alors, dans cette dtermi-nation, est bien lintroduction de lidologie lintrieur dune thorie delimaginaire, ce qui apparatra lors de lessai sur les appareils idologiques

    de ltat. Par consquent, pour que lidologie puisse dvelopper cette fonc-tion dajustement , elle doit couvrir et dissimuler le systme de divisionde classes et lexploitation dune classe par lautre. Tout se rsume lidedAlthusser selon laquelle lidologie est dformatrice en raison de lopacitde la dtermination (exerce) par la structurede la socit et, dautre part,par lexistence de la division de classes22. Cest--dire que lauteur affirmela non-transparence, lopacit ncessaire par laquelle la structure socialedivise en classes apparat face aux individus.

    Ainsi, la conception de lidologie en tant que reprsentation imagi-

    naire de la ralit a pour consquence, nouveau, lopposition entre lascience et lidologie, puisque lidologie exprime la faon par laquelle

    les individus endurent une situation, non pas la faon par laquelle ils laconnaissent ce qui dsigne proprement la pratique scientifique. Une telleopposition est confirme par une autre fonction, attribue par Althusser lidologie : dans nimporte quelle socit o elle se manifeste, elle assure lacohsion sociale de ses membres, en rglant le lien qui les unit aux tchesrespectives. Lidologie serait, dans ce contexte, une sorte de ciment de lasocit ( la Durkheim), puisquelle induirait les membres dune socitdtermine accepter sans beaucoup de rsistance les tches qui leur sontattribues par la division sociale du travail, dans la mesure o elle fournitles normes et les rgles de conduite indispensables au fonctionnement desengrenages sociaux.

    Apparemment, il y a dans lessai sur Idologie et appareils idologiquesdtat, un effort de la part dAlthusser de dvelopper une thorie de lasuperstructure libre de la problmatique pistmologique, ce qui constitueun guide de recherche sur la problmatique de ltat et du politique. SiAlthusser sest consacr la discussion du rle des appareils idologiquesdtat, en souhaitant remplir une lacune suppose dans la pense de Marx

    cet gard, ce fait na pas permis de surmonter ce que lauteur lui-mme auraitnomm lopposition rationaliste entre la vrit et la fausset. Si, dun ct,

    21. Ibid., p. 240. 22.Ibid., p. 30-31.

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    le phnomne de lidologie survient dans des lieux dtermins et accomplit

    des fonctions assez spcifiques, comme nous le verrons ensuite, dun autrect, sous la forme de cette mme notion dimaginaire quAlhusser, daprsce que nous avons vu plus haut, dveloppe dans Pour Marx, la notion defaux appartient encore la caractrisation de lidologie. En dautres termes,

    quoique partir de lessaisur Idologie et les appareils idologiques dtatle phnomne idologique soit rfr, sur le plan de ltat, un ensemblede pratiques, en fait sur le plan minemment politique, qui aurait permisla reproduction des conditions de production, il ne perd pas sa dimensionintrinsquement ngative, ce qui par principe interdit aux individus laccs leur vraie condition. En outre, pour lauteur en question, un tel accs,lorsque possible, serait donn aux scientifiques et personne dautre. Or,dans ce cas, lanalyse gnoso-pistmologique ne disparat pas, mais elle est

    plutt trs subtilement rassemble celle qui cherche mettre en vidence

    son rle sur le terrain politico-tatique.Dans ce texte, le phnomne idologique est immdiatement rfr auprocessus de reproduction des conditions de production, car la repro-duction de la force de travail exige non seulement une reproduction de saqualification, mais, en mme temps, une reproduction de sa soumissionaux rgles de lordre tabli, cest--dire une reproduction de sa soumission lidologie dominante23. Daprs lui, le cas spcifique de la repro-duction de la force de travail fait donc apparatre, comme sa

    qua non, non seulement la reproduction de sa qualification, mais aussila reproduction de son assujettissement lidologie dominante, ou de la

    pratique de cette idologie24.Dans cet essai, Althusser dveloppe une thse qui nest quapparemment

    en conflit avec la ligne fondamentale de dveloppement de son uvre :

    Lidologie interpelle les individus en sujets25. Ainsi, cest seulementdans la partie finale de cet essai que la question du sujet apparat commecatgorie o lidologie est structure et aura son fonctionnement assur.La fonction de lidologie, toujours selon Althusser, est celle de constituerles individus en tant que sujets, en tant toujours un rapport imaginairedes individus avec leurs conditions relles dexistence . Linterpellation,mcanisme basique de lidologie, transforme lindividu en sujet non

    seulement par limaginaire, mais elle a aussi la fonction de conduire sonassujettissement au systme dominant et, en cela, assurer la reproductiondans son ensemble26.

    Face ce que lon vient dexposer, malgr la diversit des sens possibles

    observer lintrieur de la bibliographie existante dont lexamen dans toute

    son ampleur dpasse les limites de notre texte , il apparat, via les exemples

    donns ici, que le sens prdominant est bien celui associ directement ouindirectement lide du faux. Cest--dire, une fois cart le sens originaire,

    23. L. Althusser, Idologie et appareils idologiques dtat , inSur la reproduction, Paris, PUF, 1995, coll. Actuel Marx confrontation , p. 273.

    24.Ibid, p. 274. 25. Ibid.,p. 302. 26. E. Laclau,Poltica e Ideologia na Teoria Marxista, Rio de Janeiro, Ed. Paz e Terra, 1979, p. 106.

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    qui nest plus courant, celui de lidologie comme

    , nousnous trouvons devant dautres usages, surtout celui de pense

    fausse, dforme Cependant, comme nous lavons dj mentionn, nousnavons pas pour objectif de prendre comme sujet dtude la totalit desauteurs qui, dune certaine faon, se sont penchs sur cette question, encore

    moins croyons-nous pouvoir puiser les auteurs nomms ici.

    Lidologie et le critre onto-pratique

    Lalternative aux thories sur lidologie fondes sur un chemin dordregnosologique peut tre trouve dans les crits tardifs de Lukcs, publispost mortem, bien quil nait pas eu jusqu aujourdhui linfluence quilaurait mrite dans aucune branche de la recherche scientifique et/ou philo-

    sophique et nait mme pas bnfici dune valuation critique mrite. Lesraisons qui expliquent ce solennel dsintrt sont varies, mais proba-

    blement ont-elles leur origine dans laccent mis par le philosophe hongroissur le retour lontologiepar la rcupration de la pense marxienne. cepropos, daprs Tertulian, lobjectif de Lukcs dans Pour une ontologie deltre socialtait de mettre en cause deux dformations symtriques dela pense de Marx, qui ont contribu entamer ou ruiner sa crdibilit.Le dterminisme univoque qui absolutise la puissance du facteur cono-mique, en levant leur efficacit aux autres complexes de la vie sociale, estcondamn avec une non moindre vigueur que linterprtation tlologiquequi ftichise la ncessit en considrant chaque formation sociale ou chaque

    action historique comme des tapes dans la marche vers la ralisation dun

    but immanent ou transcendant27 .

    Ainsi, tandis quil est impratif de signaler le caractre de luvre lukac-

    sienne, qui voyait dans la renaissance de la pense authentique de Marx, une entreprise indissolublement lie pour rencontrer la voie dun justedveloppement du socialisme28, ce qui implique, son tour, dliminerdans la sphre de sa pense les graves distorsions apportes par le stalinisme

    et par le marxisme courant, il faut mentionner que Lukcs, daprs ce quenous verrons ensuite, lorsquil examine le problme de lidologie, cherche,systmatiquement, le lien ontologique de ce phnomne avec ltre social,et nie de cette faon le critre gnosologique comme critre adquat ladtermination des manifestations idologiques.

    En fait, lanalyse du phnomne idologique partir dune perspec-

    tive qui a un fondement gnosologique est, vrai dire, le rsultat dunetendance qui sest dveloppe il y a peu prs deux sicles dans le champde la philosophie. Je me tiens au fait que, dans cette priode, la pensephilosophique a t entirement domine par la thorie de la connaissance,

    la logique et la mthodologie ; aujourdhui encore cette domination est loin

    27. N. Tertulian, La pense du dernier Lukcs , in Critique, tome XLVI, n 517-518, juin-juillet 1990,p. 598.

    28. N. Tertulian, Teleologia e Causalit nellOntologia di Lukcs , inCritica Marxista, Roma, Editori Riuniti,

    n 5, 1980, p. 90.

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    dtre dpasse29. Cela signifie que, si le critre gnosologique est devenule critre fondamental et pratiquement exclusif dans la dtermination de cequi est et de ce qui nest pas idologie, cela provient de la prdominance dans

    le champ philosophique de la question de la connaissance, qui a fini pardiminuer lintrt pour la question ontologique.

    En raison de cela, avant de commencer lexposition de la conceptionlukacsienne de lidologie contenue dans

    ,

    il convient de se rapporter un ensemble de questions dont lindication estincontournable afin de situer correctement, dans la pense de Lukcs, leproblme qui fait lobjet de cet article.

    tre social et tlologieIl sagit ici danalyser quelques actes tlologiques spcifiques, lis la

    pratique sociale, qui se rapportent de faon particulire la rsolution de

    problmes prsents dans certains niveaux de la vie sociale, ainsi que dclaircirleur rapport avec les actes tlologiques primaires, ceux qui existent dans letravail ; daprs le philosophe hongrois, die teologische Setzung [la posetlologique]est le vritable noyau de la vie sociale30. Au fond, il sagit alors

    de faire rfrence la conception lukacsienne dtre social. videmment, untel effort, dans son ampleur, chappe la sphre de ce texte.

    Par consquent, afin dclaircir cette question, et pour la faire merger,nous abordons quelques points dvelopps dans diffrentes parties de l

    -

    tologieet aussi dans dautres textes de Lukcs qui se rapportent ce thme.

    Lukcs, plusieurs reprises, sest exprim de faon directe et catgorique

    propos dune dtermination ontologique fondamentale, laquelle, assurment,est prsente tout au long de sa rflexion sur ltre social : Lhomme estun tre qui rpond31.

    Donc un tre pratique qui ragit aux demandes faites par la ralit

    objective, un tre pratique qui travaille la nature comme rponse des

    besoins dtermins. Cela signifie, ontologiquement, que lhomme devient

    un tre qui donne des rponses, prcisment dans la mesure o paral-llement au dveloppement social et en proportion croissante il fait desgnralisations, en transformant en questions ses propres besoins et sespossibilits de les satisfaire ; et, lorsque dans sa rponse au besoin qui laprovoque, il fonde et enrichit sa propre activit avec de telles mdiations,frquemment bien articules32.

    Ainsi, un tre qui donne des rponses est un tre qui ragit envers

    des alternatives que la ralit objective lui prsente, en retenant certainslments qui y existent, en les transformant en questions pour lesquelles ilcherche la meilleure rponse possible. En dautres termes, lhomme est untre qui rpond son environnement et, ce faisant, il labore lui-mme lesproblmes, en leur donnant les rponses possibles ce moment. Ce sont

    29. G. Lukcs, Prolgomnes de lontologie de ltre social , morceaux choisis traduits de lallemand parJosiane Corniller, inLa Pense, aot 1979, n 206, p. 38.

    30. Ibid.,p. 93. 31. G. Lukcs, Zur Ontologie des gesellschaftlichen Seins,Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 415. 32. G. Lukcs, As Bases Ontolgicas da Atividade e do pensamento do Homem , in Temas de Cincias

    Humanas, n 4, So Paulo, Editorial Grijalbo, 1978, p. 5.

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    des rponses qui peuvent, dans linstant qui suit, se transformer dans denouvelles questions, et ainsi successivement, de telle faon que lensemblede questions ainsi que lensemble de rponses forment graduellement lesdiffrents niveaux de mdiations qui se perfectionnent et rendent plus

    complexe lactivit de lhomme, de mme quelles enrichissent et transfor-

    ment son existence. Lukcs, dans un autre texte, prend la position suivante cet gard : Tout ce que la culture humaine a cr jusqu prsent est nnon pas de mystrieuses motivations intrieures spirituelles (ou de quelquechose de semblable), mais du fait que, depuis le commencement, les hommes

    ont fait des efforts pour rsoudre des questions mergentes de lexistencesociale. Ce sont les sries de rponses formules pour de telles questionsque nous appelons culture humaine33.

    Au-del de ce caractre pratique, ltre social est structurellement

    unitaire, ce qui signifie que dans ses aspects dcisifs dans les actes ou

    poses tlologiques ne se manifeste pas un clivage radical, dans le planontologique fondamental, entre les actes qui se dveloppent lintrieur dela sphre conomique et ceux qui vont au-del de cette sphre. Au contraire,

    autant dans le travail, dans lchange organique avec la nature, que dansdautres sphres de la pratique sociale, le point commun de ces actions, cest

    que chez elles on trouve une

    , ce quiimplique lexistence dun

    , dune idation pralable commednominateur commun elles toutes. Cela veut dire que le travail, lequelest le fait le plus fondamental, le plus matriel de lconomie (et qui) ale caractre dune pose tlologique34, nest pas seulement un fondement

    rel/matriel, mais aussi le modle le plus gnral de la structure et de ladynamique de lactivit de ltre social, tant donn que dans toute pratique

    sociale il y a un ordre des fins recherch.Ainsi, lintrieur de la thmatisation lukacsienne, sans tomber dans

    des simplifications schmatiques, on dit que le travail apparat comme

    protoforme de toute activit sociale, dans la mesure o, tous les momentsde la vie socio-humaine, lorsquils nont pas de caractre biologique tota-lement ncessaire (respirer), sont des rsultats causaux des actes ou posestlologiques et non pas de simples liens de chanes causales35.

    la base de toutes les activits humaines, des plus simples jusquauxplus complexes et plus leves, produites par la division du travail, des

    dcisions soprent entre des alternatives, tant donn quelles constituent une faon lmentaire et fondamentale de ltre social36 . Dans la

    pratique quotidienne, cette ralit merge de toute vidence : chaque foisque quelquun se met faire quelque chose, il dcide dabord sil le feraet comment il le fera. Ou encore, vers la globalit du social : Tant dansles prparatifs mentaux pour un travail, soit scientifique soit seulement

    33. W. Abendroth, H. H. Holz, L. Kofler, Conversando com Lukcs, Rio de Janeiro, Editora Paz e Terra, 1969,p. 170-1.

    34. G. Lukcs, Zur Ontologie des gesellschaschaftlichen Seins,Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 297. 35.Ibid., p. 312. 36.Ibid.

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    empirico-pratique, que dans son excution effective, cela est toujours faitdans une chane de dcisions alternatives37.

    Ainsi, et dune faon encore plus gnrale qui touche aux rapports

    entre lindividu et la socit, il est tabli que : Tout acte social surgit,alors, dune dcision parmi des alternatives propos des actes ou poses

    tlologiques futurs38.

    Sans passer par la problmatique de lalibertet de la ncessit, il fautconsidrer que loccurrence de dcision parmi des alternatives nimplique pasla connaissance ni le contrle complets de lindividu sur les circonstances de

    sa vie et de lenvironnement. Lorsquon examine, alors, le processus global

    du travail, il est vident que lhomme, qui pose quelques actes et poses

    tlologiques dtermins, le fait toujours de faon certainement consciente,mais jamais dans des conditions de pleine connaissance de tous les aspects

    et caractristiques en jeu. Pour la ralisation du travail, il doit connatre lalgalit fondamentale du processus, autrement son action natteindra pas

    la fin poursuivie. Un travail ne peut produire des fruits que sil est mis en

    marche par une pose tlologique compatible avec lordre causal effectif.

    Le sujet du travail connat, mais il na pas le contrle de tout le complexe

    des dterminations et des circonstances qui jalonnent le champ sur lequel

    il agit. Il reste toujours un espace inconnu.

    Daprs Lukcs : Le travail prsuppose une connaissance concrte,

    quoique jamais parfaite des finalits et moyens dtermins39. Ainsi, le

    travail implique la connaissance la plus proche possible du rseau causal

    o il se ralise, sans que, cependant, sachve nimporte quel moment,une connaissance pleine et parfaite.

    De toute faon, cest dans ce processus que se rvle linsparable unitentre la causalit et la tlologie, cest--dire, lunit des catgories lesquelles,considres abstraitement, semblent sopposer. La ncessaire connaissance

    des moyens pour la ralisation des finalits contenues dans les actes ou posestlologiques, doit tre objective en ce qui concerne les processus matrielssur lesquels va se rpercuter laction transformatrice, pour quils puissent

    accomplir les finalits contenues dans les actes ou poses tlologiques.Ainsi, si la pose tlologique, formule dans la conscience (moment idal),

    prcde la ralisation matrielle, cela nimplique pas, alors, du point de vueontologique, lexistence de deux actes autonomes : lun matriel, lautre idal.Cette division nest possible que dans la pense ; en ralit, lexistenceontologique de lun dpend de lexistence ontologique de lautre40. Dans destermes analytiques, ils peuvent tre considrs sparment, mais en termesontologiques, ils nacquirent leur tre vrai quen tant que composantes du

    complexe concret reprsent par le travail. Lukcs affirme ce sujet : Dans

    lontologie de ltre social il ny a pas de tlologie, en tant que catgorie

    37.Ibid., p. 310. 38. G. Lukcs, As Bases Ontolgicas da Atividade e do pensamento do Homem , inTemas de Cincias

    Humanas, n 4, So Paulo, Editorial Grijalbo, 1978, p. 6. 39.Ibid., p. 8. 40. G. Lukcs,Zur Ontologie des gesellschaschaftlichen Seins, Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 297.

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    de ltre, sans une causalit qui la ralise. Dautre ct, tous les faits et les

    vnements qui caractrisent ltre social en tant que tel sont des rsultats

    de chanes causales mises en mouvement tlologiquement41.

    En consquence, il ny a pas, du point de vue ontologique, dopposition

    entre la tlologie et la causalit, dans la mesure o elles sont des compo-

    santes du mme processus. Dans des termes plus prcis, elles se prsententen

    .

    Mais, pour que les actes ou poses tlologiques typiques de la sphre

    conomique puissent se raliser rellement et atteindre lobjectif souhait,

    dautres types dactes ou poses tlologiques apparaissent. Nous nous

    trouvons, enfin, dans le domaine des actes ou poses tlologiques qui

    nappartiennent pas la sphre conomique proprement dite, mais dont

    lexistence en dpend pour se maintenir et se reproduire. Ou, selon Lukcs,

    le processus de reproduction conomique, partir dune tape dtermine,

    ne pourrait mme pas fonctionner sur le plan conomique, si ntaient pasforms des champs dactivits non conomiques, lesquels rendent possible

    sur le plan de ltre le dveloppement de ce processus42.

    Cest bien le cas des activits non conomiques, organisatrices de la

    socit , qui constituent la superstructure sociale, particulirement, et

    la sphre juridico-politique, dont le contenu peut se tourner autant vers

    le maintien que vers le dveloppement ou la destruction dun

    ,

    mais dont lexistence est dtermine, partir de diverses mdiations, par

    les besoins imposs par le dveloppement matriel de la socit. Daprs le

    philosophe, des lments de ces positions existaient dj dans les socits

    dites primitives, mais elles vont gagner en vigueur dans la mesure o ladivision sociale du travail avance, de telle faon que avec la diffrence

    tablie par le niveau suprieur, avec la naissance des classes sociales avec

    des intrts antagoniques, ce type de pose tlologique devient la base qui

    structure ce que le marxisme appelle idologie43 .

    Mais, ct de lidentit abstraite, entre les actes ou poses tlologiques

    primaires et ceux qui composent la base sur laquelle se structurent les phno-

    mnes idologiques, o se vrifie ce en quoi les deux sont rigoureusement

    des tlologies, des prises de dcision entre alternatives, il faut faire ressortir

    sa diffrence fondamentale, car

    genre. Lukcs argumente ce sujet, que le monde des objets des actes ou

    poses tlologiques primaires, dans lchange organique entre la socit et

    la nature, est plus dtermin et a une dure objective plus large que celui

    des positions dont lobjectif est lagir futur, souhait des autres hommes44.

    En plus, ces poses qui objectivent directement lchange organique entre

    la socit et la nature prsentent des diffrences essentielles, tant subjectives

    41. Ibid., p. 306. 42.Ibid., p. 335. 43. G. Lukcs, As Bases Ontolgicas da Atividade e do pensamento do Homem , inTemas de Cincias

    Humanas, n 4, So Paulo, Editorial Grijalbo, 1978, p. 9. 44. G. Lukcs, Zur Ontologie des gesellschaschaftlichen Seins,Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 441-

    442.

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    quobjectives, par rapport ceux dont lintention directe est celle de trans-

    former la conscience des autres personnes45.

    En quoi consiste, prcisment, le nud principal de cette diffrence ?

    Nous avons dj vu que dans le cas du travail, malgr une certaine marge

    inconnue, un certain

    , leffectuation du

    dpend,

    cependant, dune connaissance relle de la part fondamentale des moyensmatriels destins tre mis en mouvement. Dans lautre type dactes ou

    poses tlologiques, la sphre de linconnu est incomparablement plus

    ample46. Comme nous lavons observ, cela signifie que, si dans lchange

    organique avec la nature les lgalits fondamentales de lobjet peuvent tre

    connues47, le processus ne sopre pas de la mme faon lorsque cet autre

    type de pose tlologique est en jeu, car, au moment o les forces et les liens

    rels sont dclenchs, il rend propice le surgissement de nouvelles formes

    et nouvelles lgalits, ce qui rend difficile, mais videmment pas impossible,

    de saisir les vritables tendances de dveloppement48

    des faits. Il y a doncune diffrence qualitative importante qui nimplique ni une incertitude

    absolue ni une irrationalit. Les diverses faons par lesquelles, par un besoin

    conomique et social, on essaye dinfluencer les hommes, ont toujours, plus

    ou moins, fonctionn. Le coefficient dincertitude plus lev implique une

    prsence, incisive et efficiente dans ce cas, de lingalit du dveloppement,

    beaucoup plus marque que dans le travail au sens strict49.

    Ainsi, le degr dincertitude est beaucoup plus grand que celui qui existe

    dans les actes et poses tlologiques primaires.

    En somme, dans la mesure o lobjet sur lequel retombe cette position

    sont les hommes, par principe, mme le point que la position doit viser nepeut pas tre, ainsi, clairement prcis50. En dautres termes, dans ce cas,

    la diffrence stablit lorsque une pose tlologique met en mouvement,

    dfinitivement, non pas une chane causale, mais une nouvelle pose tlolo-

    gique. Il en rsulte surtout, dune part, que la situation commune de toutes les

    dcisions humaines, limpossibilit de connatre toutes les circonstances de

    lagir, prend ici un poids plus lourd que dans lautre type de position ; dautre

    part, que le sens de lintention est ici beaucoup plus imprcis. La ncessaire

    ignorance de lensemble des conditions intervient aussi dans le travail, mais

    dans ce cas-ci elle a, en gnral, un effet beaucoup plus externe51.

    La diffrence de base entre ces deux types dactes ou poses tlologi-

    ques se voit lorsque le premier dclenche des chanes causales, tandis que

    le deuxime a pour but le comportement des autres hommes, cest--dire

    de provoquer le changement vers une nouvelle pose tlologique. Cette

    diffrence qualitative a pour consquence : premirement lamplification de

    la sphre de linconnu ; deuximement, la problmatique de lintentionnalit

    de laction qui est beaucoup plus complexe.

    45. Ibid.,p. 297. 46.Ibid., p. 440. 47. Ibid. 48. Ibid. 49. Ibid., p. 416. 50. Ibid. 51.Ibid.

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    En rsum, ce qui identifie tous les actes ou poses tlologiques est bienle fait que, par tous, se passe une prise de dcisions entre des alternatives. ct de cette identit, cependant, une srie de diffrences stablit. Lapremire, et fondamentale : lobjet des actes ou poses tlologiques secondaires

    sont les hommes eux-mmes, leurs actions et leurs affections dans la

    sociale en dehors du travail ; en consquence, la deuxime diffrence setrouve dans le degr dincertitude qui traverse ces positions, qui est beaucoup

    plus grande que celle qui existe dans le cas du travail, ce qui nempche paslexistence dune connaissance rationnelle des tendances prsentes, quoique

    cette connaissance, de faon acheve, nexiste que

    .Pour avancer une dtermination prliminaire, nous cherchons carac-

    triser gnriquement lidentit et les diffrences entre les actes ou posestlologiques primaires et ceux qui ont pour fonction dinduire les hommes

    assumer les positions demandes par le processus dautoreproduction

    humaine et ainsi tablir les limites les plus gnrales de lespace o,daprs Lukcs, lidologie apparat et opre, tape fondamentale pour lesuivi de lexpos.

    Cet espace est dlimit par les rponses pratiques des hommes, qui setournent vers la rsolution des problmes qui parcourent divers niveauxde leur existence. Ce sont des rponses qui peuvent viser la solution desproblmes au niveau le plus immdiat, dans la vie quotidienne, ou celles qui

    peuvent tre tournes vers la solution des problmes de caractre gnrique.

    Sur les deux plans, elles sont traverses par un type de production spiri-tuelle, et forment lensemble des actes ou poses tlologiques (on exclut ici

    le travail) o lidologie dveloppe un rle didation pralable. Cest--direque lidologie, dans nimporte quelle de ses formes, fonctionne comme le

    qui prcde le dclenchement de laction, dans les actes ouposes tlologiques secondaires.

    La conception lukacsienne de lidologie a comme point dappui fonda-mental la notion de lhomme comme un

    , caractristique

    primordiale de ltre social dj prsente dans l

    , dans la pose

    tlologique et dans le dclenchement des causalits qui lentourent.Ontologiquement, cette notion implique que cet

    agit

    partir de

    ; tre qui, ntant pas abstraite-ment indpendant des besoins que lhistoire lui prsente, ragit envers cesbesoins en se servant des produits spirituels qui sont constitus, de faonnon linaire, en fonction de ces besoins.

    Si, alors, de faon gnrale, la production des ides dans son ensemblena pas de vie autonome, na pas dhistoire immanente, mais appartient lhistoire humaine globale et est dtermine ou suscite, partir de diverses

    mdiations, par la manire dont les hommes produisent et reproduisentleur vie, le

    des actes ou poses tlologiques tourns vers lapratique sociale est constitu du contenu de ces productions spirituelles

    dans sa fonction idologique. Ou, selon Lukcs : Les activits spirituellesde lhomme ne sont pas pour ainsi dire des entits dme, comme limaginela philosophie acadmique, mais des formes diverses sur la base desquellesles hommes organisent chacune de leurs actions et ractions au monde

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    extrieur. Les hommes dpendent toujours, dune certaine faon, de cesformes, pour la dfense et pour la construction de leur existence52.

    Ainsi, si dun ct Lukcs nie totalement la possibilit dune conscience

    non historique, qui habite un monde part, il postule la

    spirituel, des produits de la conscience, en tablissant quentre ceux-ci

    et la base matrielle se dveloppe une srie de mdiations qui tendent leur tour saugmenter et se diversifier, dans la mesure o le mode deproduction social se complexifie. Ainsi : Plus dveloppe et plus socialeest la formation conomique, plus complexes sont les systmes de mdia-tions quil doit construire en lui-mme et en fonction de lui-mme, mais[les systmes] interagissent tous de toutes faons avec lautoreproductionde lhomme, avec lchange organique avec la nature, ils restent en rapportavec lui et ils sont en mme temps capables de rtroagir sur lui, que ce soiten sa faveur ou en lui faisant obstacle53.

    Caractrisation large et stricte de lidologie

    partir de la fameuse dtermination de Marx, faite dans la

    laCritique de lconomie politique(1859)54, Lukcs tablit, aprs une longueconsidration sur la

    et la normalit, que : les formes idologiques sont

    des instruments par lesquels sont conscientiss et affronts les problmes qui

    remplissent [la] quotidiennet55, cest--dire que la quotidiennet socialeprsente des problmes lesquels continuellement doivent tre conscientisset rsolus, de telle faon que la prsence des formes idologiques ne semanifeste pas seulement dans les moments de crise, mais en permanence

    dans le quotidien. Toujours lie lexistence de ltre social, lidologieest avant tout cette forme dlaboration idale de la ralit qui sert rendreconsciente et oprative la

    sociale des hommes56. Par consquent,elle est le

    de laction pratique des hommes, et exprime sonpoint de dpart et darrive, ainsi que sa dynamique.

    Du point de vue ontologique, toute idologie a son tre-

    prcisment-ainsi social : elle nat directement et ncessairement du

    nuncsocial des hommes qui agissent socialement dans la socit57 , ce qui

    quivaut dire que lidologie na quune existence sociale et se rfre un

    rel spcifique, lequel est pens par elle et sur lequel elle agit. Lexistence

    sociale des hommes est implique par leffectivit de la conscience, cest--

    52. W. Abendroth, H. H. Holz, L. Kofler, Conversando com Lukcs, Rio de Janeiro, Editora Paz e Terra, 1969,p. 40.

    53. G. Lukcs, Id. ZurOntologie des gesellschaflitchen Seins,Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 323. 54. une certaine tape du dveloppement, les forces productives matrielles de la socit sont en

    contradiction avec les relations de production existantes ou, ce qui en est lexpression juridique, avec lesrelations de proprits au sein desquelles elles agissaient jusqualors. Ces relations, qui taient des formesde dveloppement des forces productives, deviennent leur obstacle. Survient alors une poque de rvolu-tion sociale. La transformation de la base conomique altre, plus ou moins, rapidement, toute limmensesuperstructure. Lorsquon considre ces altrations il convient de distinguer laltration matrielle laquellepeut tre prouve de faon scientifique et rigoureuse des conditions conomiques de production, et lesformes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques : en somme, les formes idologiques

    par lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit, et le conduisent ses dernires consquences. (K. Marx, Zur Kritik der Politischen konomie, Stuttgart, 1919, p. LV-LVI.)

    55. G. Lukcs, Zur Ontologie des gesellschaftlichen Seins,Luchterhand Verlag, 2.Halband, p. 398. 56.Ibid. 57. Ibid.

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    dire quelle est porte par des tres sociaux, dont les actions sont guidespar la conscience. Alors lidologie a sa gense dtermine par lactivit

    sociale des hommes, do exactement elle nat. Elle apparat partir d

    et

    de ou de l qui pose des problmes. Dans ce processus,

    entre le

    spcifique de lactivit humaine et lhomme toujours

    socialement compris, la forme est la mdiation de la pratiquesociale elle-mme. Dans la dtermination ontologique nous sommes alors

    devant le cas : ce qui est produit est dtermin par sa production, ce qui

    veut dire que l

    de lidologie est dtermin par sa production, quil est

    et quil ne peut qutre social. En termes gnraux alors, elle est prsente

    dans toutes les actions humaines, en tant quorientation idale.

    Dans la mesure o ltre social exerce la dtermination sur toutes les

    manifestations et expressions humaines, nimporte quelle raction, cest--

    dire, nimporte quelle rponse formule par les hommes par rapport aux

    problmes provoqus par lenvironnement conomique et social peut,lorsquelle oriente la pratique sociale, lorsquelle conscientise et offre des

    rponses, devenir idologie. Cela signifie qutre idologie nest pas un

    attribut spcifique de telle ou telle expression humaine, mais que toute

    expression humaine, selon les circonstances, peut devenir idologie. Lukcs

    ne se limite donc pas considrer lidologie seulement comme instrument

    de lutte de classes, ce dont nous nous occuperons plus tard.

    La question de la caractrisation large du phnomne idologique est

    amplement travaille par Lukcs, qui considre dailleurs le cas des socits

    primitives, o il montre que quelques types de production idologique

    remontent aux dbuts du dveloppement social58 . Ce qui exige que lafonction sociale (de lidologie), et pour cela sa gense et action, soient

    dtermines en termes plus larges59.

    Cela veut dire que, en termes ontologiques, lidologie et lexistence sociale

    ( nimporte quel niveau de dveloppement) sont des ralits insparables.

    Cest--dire, l o l

    se manifeste, il y a des problmes rsoudre

    et des rponses qui visent leur solution ; cest prcisment dans ce processus

    que le phnomne idologique est gnr et quil a son champ dopration.

    Dans la mesure o le conflit social appartient la ralit des hommes, et se

    prsente comme problmatique vitale, lidologie se tourne vers la rsolution

    des problmes alors traverss par ce conflit fondamental, ou bien lidologie

    tend se manifester comme instrument idal parmi lequel les hommes et les

    classes sengagent dans les luttes sociales sur divers plans et niveaux.

    Dans son acception stricte, lidologie est alors un instrument de

    conscientisation et de lutte sociale qui caractrise au moins les (socits)

    de la prhistoire de lhumanit60 , cest--dire ces socits divises en

    classes antagonistes qui, par le moyen de lidologie, prennent conscience

    et affrontent des conflits drivs de leurs intrts antagoniques.

    Cependant, quelles que soient les distinctions entre les acceptions larges

    et strictes de lidologie, la comprhension de son caractre large et aussi

    58. Ibid., p. 410. 59.Ibid., p. 411. 60.Ibid., p. 399.

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    de son caractre strict compris ou bien comme gnralit et particula-

    risation, ou bien comme des dimensions, des tats ou des moments dun

    seul phnomne ne deviennent effectives que dans le cadre de son

    fonctionnement dans la totalit de son complexe, [...] cette totalit est la

    socit dune poque dtermine, en tant que complexe contradictoire qui,

    dans la des hommes, constitue lobjet ainsi que la seule base rellede leur agir61. Toujours selon Lukcs, cest bien cette totalit, son degr

    de dveloppement, les problmes volutifs qui en manent pour lhomme

    que nous avons dj dfini antrieurement comme un tre qui rpond

    qui mettent en mouvement ces ractions qui ventuellement se prsentent

    comme idologie, au sens large ainsi que strict62 .

    Lidologie comme fonction

    Pour Lukcs, la condition ventuelle de la fausset dun produit de la

    conscience nidentifie pas une pense lidologie, ou daprs laffirmationde lauteur lui-mme : La correction ou le faux ne suffisent pas pour faire

    dune opinion une idologie. Ni mme une opinion correcte ou fausse

    est en soi-mme ou par soi-mme une idologie : elle peut, seulement, le

    devenir63. Quelque chose, alors, se transforme en idologie, elle ne nat pas

    ncessairement comme idologie, et cette transformation peut dvelopper

    une fonction prcise auprs des luttes sociales nimporte quel niveau o

    elles se placent. Lukcs cherche illustrer cette dtermination par quelques

    pisodes connus dans lhistoire. Lastronomie hliocentrique ou la doctrine

    volutionniste dans le champ de la vie organique sont des thories scien-

    tifiques, en laissant de ct leur correction ou leur fausset ; et cela mmeni leur rejet ni leur acceptation ne constituent en elles-mmes lidologie.

    Cest seulement quand, avec Galile et Darwin dans leurs confrontations,

    les prises de position sont devenues des instruments de lutte des conflits

    sociaux, quelles ont opr comme idologie dans ce contexte64.

    Ainsi, une pense, quelle quelle soit, juste ou errone ceci nimporte

    pas ne devient idologie que lorsquelle dveloppe une fonction sociale

    prcise. Cela veut dire, exactement, tre idologie nest pas une qualit

    sociale fixe de tel ou tel produit spirituel, mais, au contraire, par sa nature

    ontologique, elle est une fonction sociale, non pas une espce dtre65.

    De cette faon, dans la thmatisation lukacsienne, le phnomne de

    lidologie est analys sous le fondement

    un critre scientifique-gnosologique, car lutilisation de ce dernier conduit

    invitablement une erreur dans lvaluation du phnomne. Parler de

    lidologie en termes onto-pratiques signifie alors analyser ce phnomne

    essentiellement par la fonction sociale quil dveloppe, ou bien, en tant que

    vhicule de conscientisation et didation pralable de la pratique sociale

    des hommes. Cependant, il est certainement vrai que la majorit des

    61. Ibid. 62. Ibid. 63.Ibid., p. 400. 64. Ibid., p. 401. 65.Ibid., p. 490.

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    LUKCS

    ETLAQUESTION

    DELIDOLOGIE

    idologies se fondent sur des prmisses qui ne rsistent pas une critiquegnosologique rigoureuse [...]. Mais cela signifie que nous sommes en trainde parler de la critique de la fausse conscience66. Cependant , poursuitlauteur, dabord, elles sont en grand nombre les formulations de la fausseconscience qui ne sont jamais devenues idologie67, parce quelles nontjamais pu justement exercer la fonction sociale spcifique en question ; deuximement, ce qui devient idologie nest pas du tout ncessairementidentique la fausse conscience68. Par consquent, la vrit objective laplus pure peut tre utilise comme moyen pour rsoudre les conflits sociaux

    et, alors, comme idologie69. Ainsi, en termes gnosologiques, on peutdterminer si un produit spirituel est faux ou vrai, mais on ne peut pas parce moyen dterminer sil peut ou non assumer une fonction idologique.Telle identification nest possible qu partir du critre onto-pratique, cest-

    -dire, partir de lexamen de la fonction quune telle pense dveloppe

    dans la vie quotidienne effective.Enfin, Lukcs dans

    a cherch

    affronter le problme de lidologie en se servant du critre

    .

    De ce point de vue, laspect le plus important de lanalyse lukacsienne se

    base sur son engagement dmontrer le rle et la fonction des formations

    idales dans la rsolution des problmes dordre pratique qui traversent lexis-

    tence sociale, en mettant au second plan, en ce qui concerne lidentification

    du phnomne en tant que tel, lvaluation du faux ou la correction des

    produits spirituels dans sa fonction idologique. Bien quil soit certainement

    important de mentionner les mrites de cette approche, une thmatisation

    faite par lui, dans laquelle on peut reconnatre des points de contact avec lapense de Marx cet gard, il faut souligner, de toute faon, qua chapp

    au regard lukacsien le sens

    du terme idologie en tant que

    dsignation propre linversion ontologique entre tre et conscience dans

    lexacte mesure o le philosophe hongrois na pas considr le rle central

    de la catgorie en question lintrieur de la critique ontologique de la

    spculation opre par Marx, surtout dans

    .

    Par consquent, tout en considrant leffort de Lukcs pour surmonter,

    dans ses crits tardifs, le traitement unilatral du facteur subjectif tel

    quabord, par exemple, dans

    , ainsi que le

    rejet du critre

    dans la dtermination du phnomne

    en question, demeure la question de savoir si lutilisation du critre

    pratiquedans

    a t dcisive pour la

    bonne rcupration du traitement marxien du problme de lidologie.

    Il est vrai que Lukcs a certainement montr non seulement le lien

    important entre

    et

    , en tant que dimensions

    insparables de la pratique sociale, mais aussi les aspects fonctionnels et

    opratifs des ides lintrieur de lexistence minemment pratique dans

    la mondanit humaine. Cependant, il a manqu la thmatisation lukac-

    66.Ibid., p. 412-413. 67.Ibid., p. 413. 68.Ibid. 69. Ibid., p. 490.

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    CAHIERS

    PHILOSOPHIQUES

    n

    119

    /

    octobre

    2009

    TUDES

    sienne la ncessaire reconnaissance du sens

    prcis de la notionmarxienne de lidologie, ainsi que lclaircissement de la signification

    nominativeque le terme a assume lintrieur de lanalyse marxienne propos de la dtermination sociale des formations idales.

    En ce sens, il ne nous semble pas suffisant daffirmer les dimensions

    oprative et fonctionnelle des formations idales dans le cadre des problmeset des conflits qui traversent lexistence sociale, mais il faut rcuprer litin-raire intellectuel marxien qui se caractrise depuis 1843 par une croissanteintensification de la

    dans sesprincipales configurations : dune part, contre la spculation et, dautre part,contre le modle de scientificit de son temps. Cest seulement par la rcup-ration de cette trajectoire quil a t possible de dimensionner correctementles sens

    et

    de la notion didologie chez Marx.Ainsi, Lukcs a cherch dans l

    , en tant que correctif

    de son parcours antrieur, affronter autrement le problme de lidologie,en se servant du critre

    . Dans une telle approche, laspect

    le plus important de lanalyse lukacsienne est bien son engagement pour

    dmontrer le rle et la fonction des formations idales pour la rsolution des

    problmes dordre pratiques qui passent par lexistence sociale, en mettant

    sur un deuxime plan, en ce qui concerne lidentification du phnomne en

    tant que tel, lvaluation de la fausset ou la justesse des produits spirituels

    dans sa fonction idologique. Bien que lon doive souligner les mrites de

    cette approche il faut souligner, de nouveau, que le sens du

    terme idologie en tant que propre linversion ontologique entre tre et

    conscience sest chapp de lapproche lukacsienne, dans la mesure exacteo le philosophe hongrois na pas considr le rle central de la catgorie

    en question lintrieur de la critique ontologique de la spculativit opre

    par Marx, surtout dans

    .

    Par consquent, en considrant cependant leffort de Lukcs, prsent

    dans ses crits tardifs visant surmonter le traitement qui rend unilatral

    le facteur subjectif tel quil est abord dans

    ,

    par exemple, ainsi que le rejet du critre dans la dter-

    mination du phnomne en question, nous ne pouvons pas nous abstenir

    de considrer lutilisation du critre

    dans

    Ontologie de

    ltre socialcomme rsolutive afin de rcuprer correctement le traitement

    marxien du problme de lidologie.

    Ester Vaisman,

    Professeur de philosophie lUniversit Fdrale de Minas Gerais, Brsil

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