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135’000 signatures pour tenir les multinationales en laisse Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch NUMERO 44 | ETE 2012 Droit sans frontières : Le bon pas au bon moment Banque mondiale : Gros défis pour le nouveau chef

GLOBAL+ No. 44 / Eté 2012

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Dans cette édition de GLOBAL+ vous trouvez un interview avec le professeur d'éthique économique de St. Gall sur 'Droits sans frontières' ainsi que des textes sur la collaboration de la DDC avec des multinationales, les efforts de la Bolivie pour mieux utiliser les investissements directs étrangers et les chantiers de la Banque mondiale.

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135’000 signatures pour tenir les multinationales en laisse

Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch

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Droit sans frontières :Le bon pas au bon moment

Banque mondiale :Gros défis pour le nouveau chef

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2 GLOBAL+ ETE 2012

News

Fin de l’Action Place financière suisse

ph L’assemblée générale de l’Action Place

financière Suisse (AFP) a décidé fin juin de

dissoudre l’organisation. Le travail sur les

contenus sera poursuivi par son membre

principal, la Déclaration de Berne (DB). Se-

lon son co-directeur Andreas Missbach, la

DB s’est déjà déclarée prête à créer 20 pour

cent de poste supplémentaire. De plus, une

place de stage à durée déterminée devrait

être financée avec le reste de la fortune de

l’AFP et des dons. L’AFP a été fondée en au-

tomne 1978 par plusieurs organisations

de politique de développement pour sou-

tenir l’initiative du Parti socialiste sur les

banques. Plus tard, elle s’est occupée de

thèmes importants comme les affaires des

banques suisses en Afrique du Sud, l’ar-

gent des potentats et la procédure d’insol-

vabilité des Etats très endettés. L’AFP a aus-

si été un partenaire important d’Alliance

Sud. Elle se trouvait cependant depuis long-

temps dans une situation financière diffi-

cile. Elle ne pouvait finalement financer

qu’un poste à 60 pour cent, insuffisant pour

fournir un travail efficace. Le décès inatten-

du de son responsable André Rothenbühler

en janvier 2012 a mis un terme définitif

aux activités de l’AFP.

Une majorité pour augmenter l’aide

ph 62 pour cent des citoyennes et citoyens

suisses sont favorables à une augmenta-

tion de l’aide au développement – 5 pour

cent de plus qu’il y a un an. C’est ce que

montre l’étude Sécurité 2012 publiée ré-

cemment par l’Ecole politique fédérale

de Zurich (EPFZ). Trois quarts des sondés

souhaitent en outre un rôle plus actif de

la Suisse dans les conférences internatio-

nales. Une confortable majorité soutient

les bons offices dans les conflits (71%). En-

fin, la relation à l’Organisation des Nations

Unies s’est détendue : 68% trouvent que la

Suisse devrait « s’engager activement et

en première ligne pour les préoccupations

de l’ONU » ; cela représente une augmen-

tation de 11 pour cent par rapport à 2011.

Cela dit, l’étude révèle également un fort

besoin d’autonomie : 80 pour cent estiment

que la Suisse devrait rester le plus possible

indépendante – économiquement et politi-

quement – des autres Etats. Le rapport sur

la sécurité de l’EPFZ paraît annuellement

depuis 14 ans et repose sur un échantillon

représentatif.

Portail Internet sur les droits syndicaux

me L’ONG Business & Human Rights Re-

source Centre a lancé début juin un nou-

veau portail sur le thème Business & Free-

dom of Association. L’objectif est double.

D’une part, créer plus de transparence en

montrant quelles entreprises respectent ou

non la liberté syndicale, les droits d’organi-

sation, de grève et de négociation collective.

D’autre part, montrer que les droits syndi-

caux et les droits humains fondamentaux

ne font qu’un. Le site Internet fournira no-

tamment des nouvelles sur les cas de vio-

lations et les bonnes pratiques des entre-

prises, des rapports et analyses ainsi qu’un

guide pratique. Le contenu sera principale-

ment en anglais, mais avec des matériaux

dans d’autres langues comme le français et

l’espagnol.

www.business-humanrights.org/Freedo-

mOfAssociationPortal/Home

Impressum

GLOBAL+paraît quatre fois par an.

Editeur:Alliance SudCommunauté de travailSwissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | EperMonbijoustr. 31, Postfach 6735, 3001 Berne, Tel. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31E-Mail: [email protected]: www.alliancesud.ch

Rédaction:Michel Egger (me), Isolda Agazzi (ia), Tel. 021 612 00 95

Concept graphique: Clerici Partner AG Mise en page: Frédéric RussbachImpression: s+z: gutzumdruck, Brig, 6-2011Tirage: 1500Prix au numéro: Fr. 7.50Abonnement annuel: Fr. 30.–Abonnement de soutien: min. Fr. 50.–Prix publicité / encartage: sur demandeCouverture: Philipp Rohrer. Dernière page: Picasa/Jan MadhyamProchain numéro: septembre 2012.

Présidente Caroline Morel, directrice de Swissaid.

Direction Peter Niggli (directeur), Kathrin Spichiger, Andrea Blaser, Case postale 6735, 3001 Berne, Tél. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31, E-mail: [email protected] www.facebook.com/alliancesud https://twitter.com/AllianceSud

Politique de développement

– Coopérationaudéveloppement Nina Schneider, Tél. 031 390 93 40, [email protected]

– Commerce/OMC Michel Egger/Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 95, [email protected]

– Financeinternationale/Fiscalité Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35, [email protected]

Alliance Sud en un clin d’oeil

– Relationspubliques Pepo Hofstetter, Tél. 031 390 93 34, [email protected]

– Développementdurable/Climat Nicole Werner, Tél. 031 390 93 32, [email protected]

Education Urs Fankhauser/Marianne Gujer,Tél. 031 390 93 39, [email protected]

Documentation BerneJris Bertschi/Emanuela Tognola/ Renate Zimmermann, Tél. 031 390 93 37, [email protected]

Bureau de Lausanne Michel Egger/Isolda Agazzi/Frédéric Russbach, Tél. 021 612 00 95/Fax 021 612 00 [email protected]

Documentation Lausanne Pierre Flatt / Amélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon, Tél. 021 612 00 86, [email protected]

Bureau de Lugano Silvia Carton/Lavinia SommarugaTél. 091 967 33 66/Fax 091 966 02 46,[email protected]

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GLOBAL+ ETE 2012 3

Eau : quels contrôles ?Lors d’une récente manifestation à l’Ecole polytechnique fédérale de Zu-rich (EPFZ), Peter Brabeck, président du conseil d’administration de Nestlé, a présenté sa vision d’une politique du-rable de l’eau. Selon lui, les mécanismes du marché seraient le meilleur moyen de répartir les ressources en eau rares. Cela impliquerait deux choses. D’une part, des prix couvrant les coûts pour l’industrie et l’agriculture ainsi que pour les utilisations quotidiennes excédant

les besoins fondamentaux personnels. D’autre part, des droits d’usage de l’eau commercialisables. Afin de réaliser le droit à l’eau comme droit humain, Brabeck postule – « pour les personnes qui n’en ont pas les moyens financiers » – la couverture gratuite d’un besoin fondamental correspondant à 25 litres par jour et par tête. Cette vision – à l’exception du besoin minimal – est aussi celle du Water Resources Group qui réunit des grandes multinationales avec une très haute consommation d’eau.

Nestlé, Coca Cola, Rio Tinto et d’autres membres de ce groupe sont en réalité régulièrement en conflit avec des communautés locales, car ils pompent l’eau de leurs territoires. Les habitants et les familles de paysans se plaignent de la baisse de la nappe phréatique ou de phéno-mènes de pollution. Les usines d’eau en bouteille de Nestlé au Pakistan et au Brésil sont aussi confrontées à de telles plaintes.

Une caractéristique de ces conflits est l’absence de mécanismes politiques et d’institutions publiques reconnues qui gèrent les res-sources en eau et les distribuent selon des critères publics compréhen-sibles. A la manifestation de l’EPFZ, j’ai défendu l’idée que l’eau doit être soumise à une administration et à un contrôle publics. Les autorités publiques doivent, bien sûr, fixer un prix afin de pouvoir faire fonction-ner les installations hydrauliques. Elles peuvent aussi subventionner la couverture des besoins fondamentaux à travers leur politique de prix. Finalement, elles devraient poursuivre une politique de prix qui n’offre pas de rabais aux gros consommateurs – ce à quoi conduirait le seul jeu du marché – mais au contraire leur facturer des prix croissants afin de les pousser à accroître leur efficacité. Brabeck a répondu qu’il importait peu de savoir qui assure l’approvisionnement en eau – la main publique ou privée – mais que quelqu’un doit le faire.

Brabek devrait susciter une discussion dans le Water Resources Group qu’il dirige. Car celui-ci n’a fait jusqu’ici que promouvoir explici-tement des partenariats public-privé dans l’approvisionnement en eau. Il est d’ailleurs soutenu en cela par la Société financière internationale de la Banque mondiale. Bien que la Banque mondiale ait reconnu depuis 2005 que les fournisseurs d’eau privé avaient déçu les attentes qu’elle avait placées en eux, elle continue à vouloir faire du secteur privé le principal acteur dans la gestion de l’eau. L’alternative à cette approche est évidente depuis des années: les agences de développement de-vraient investir dans la réhabilitation et l’extension des réseaux publics d’approvisionnement en eau en octroyant des possibilités de partici-pation aux personnes concernées. La Suisse devrait s’engager pour un tel changement de cap au sein du Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale.

Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud

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Bolivie

10 La Paz dénonce ses accords

Points forts

Matières premières

5 Route de la soie convoitée

Droit sans frontières

6 Bon pas au bon moment

Banque mondiale

8 Défis pour le nouveau président

Partenariats public-privé

4 Chasse aux clients subventionnée

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4 GLOBAL+ ETE 2012

La collaboration entre les agences de développe-ment et les entreprises privées est controversée. Ses partisans estiment que les partenariats pu-blic-privé (PPP) – grâce au know-how et aux ré-seaux des acteurs sur le terrain – permettent, avec un engagement public réduit, de susciter d’impor-tants investissements de grandes entreprises dans des activités signifiantes pour le développement. Ses opposants craignent au contraire que la re-cherche de profit du secteur privé – en particulier dans l’offre de biens publics comme la santé, la sé-curité et l’éducation – contredise les besoins de dé-veloppement des pays pauvres et restreigne les ini-tiatives locales autodéterminées.

La Suisse fait partie des partisans de ces PPP. Selon le nouveau message du Conseil fédéral sur la coopération au développement 2013-16, la Di-rection pour le développement et la coopération (DDC) entend travailler à l’avenir davantage avec les grandes entreprises suisses. Même si les moda-

lités sont encore floues, la DDC semble consciente des risques de telles coopérations. Dans un docu-ment de 2009, elle s’est engagée à ne soutenir que les PPP qui contribuent clairement à la réduction de la pauvreté, ne remplacent pas les initiatives lo-cales et ont un effet positif sur les institutions pu-bliques ainsi que sur leurs capacités à résoudre les problèmes.

Miroir aux alouettesC’est ici, par exemple, qu’intervient la critique adressée aux micro-assurances, secteur privilégié et emblématique de ces PPP (voir encadré). Les ex-perts de la société civile estiment que les personnes pauvres concernées ne reçoivent que des offres de seconde classe et une couverture de risques discu-table. Les polices individuelles les rendraient res-ponsables personnellement de leur situation. Elles libéreraient les gouvernements de leur obligation de mettre sur pied des filets de sécurité sociale so-lides ainsi que des bons systèmes d’éducation et de santé publique.

D’une manière générale, il serait illusoire de croire qu’on peut assurer de manière privée les risques globaux qui frappent avant tout et de ma-nière croissante les populations pauvres. Seuls des mécanismes de redistribution peuvent garantir une répartition équitable des charges au sein de la so-ciété. De plus, l’architecture des PPP ne prévoit pas de consultation des personnes concernées. Finale-ment, l’engagement des assurances privées génére-rait de nouvelles dépendances. Il contribuerait éga-lement à affaiblir non seulement les réseaux locaux comme les communautés de semences et les coo-pératives, mais aussi les liens familiaux.

La DDC devrait donc prendre au sérieux ces cri-tiques dans sa collaboration avec Swiss Re, Allianz Re et la Zurich. Avant la conclusion de nouveaux partenariats, elle devrait – avec la société civile lo-cale – réaliser et publier des évaluations sur leurs impacts négatifs potentiels. Elle devrait aussi cla-rifier s’il ne serait pas plus judicieux de promouvoir des initiatives locales et des modèles traditionnels plutôt que des multinationales. Elle pourrait ainsi éviter de nouvelles dépendances envers des acteurs qui siègent dans les palais de verre du Nord, bien loin des populations concernées.

Nina Schneider

Assurances privées ou réseaux publics

Eviter de nouvelles dépendancesLes partenariats public-privé de développement ont de plus en plus la faveur des

gouvernements occidentaux. Le Conseil fédéral n’est pas en reste. Dans son mes-

sage sur la coopération internationale 2013-16, il envisage de travailler davantage

avec des multinationales. Un trend qui pose beaucoup de questions.

Le filon des micro-assurances

ns Ces dix dernières années, la DDC a développé

– en collaboration avec des multinationales

comme la Zurich, Swiss Re et Allianz Re – une

large palette de micro-assurances contre la

maladie, les accidents mortels, la grêle, les

inondations ou encore la sécheresse. Les assu-

rances-vie arrivent en tête de ces nouveaux

produits. En règle générale, elles sont liées à des

microcrédits et visent à protéger les proches des

créanciers d’une dégringolade dans l’extrême pau-

vreté. A raison de 2 dollars US par an pour un

crédit de 70 à 100 dollars, les coûts sont bas. Les

polices ne valent cependant que pendant la durée

du crédit et couvrent seulement les intérêts en

cours ainsi que les coûts de l’enterrement. En Inde,

de concert avec la Banque mondiale et l’Etat,

Swiss Re propose depuis deux ans une assurance-

maladie avec 63 millions de polices pour des

personnes en dessous du seuil de pauvreté. L’Etat

finance les cotisations à 100% et assure – pour 12

dollars US par an – jusqu’à quatre personnes par

famille. Ces partenariats permettent aux

multinationales avant tout de polir leur image et

d’ouvrir de nouveaux marchés.

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GLOBAL+ ETE 2012 5

La Suisse peut-elle amener les pays riches en ma-tières premières d’Asie centrale à lui octroyer une sorte de « droits spéciaux » sur les matières pre-mières, en particulier les métaux stratégiques ? La Suisse pourrait-elle – via la « nouvelle route de la soie » d’Asie centrale – développer des relations avec la Mongolie, nouvelle Mecque des multina-tionales de matières premières ? Le Kazakhstan se-rait-il prêt à s’engager dans un partenariat sur les matières premières avec la Suisse, selon le modèle de l’accord conclu avec l’Allemagne il y a un an ? Fi-nalement, serait-il possible d’obtenir de la Pologne un « accès privilégié aux ports de la mer Baltique » ? Telles sont les questions que l’Union suisse des arts et métiers (USAM) entend clarifier de manière ex-ploratoire avec le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) et le ministère des Affaires étrangères.

L’USAM a présenté en février sa stratégie sur les matières premières. Elle a attiré l’attention en demandant que la Suisse utilise sa coopération au développement pour exiger des pays bénéficiaires un accès garanti à leurs matières premières. Deux parlementaires de l’Union démocratique du centre (UDC) avaient déjà fait en automne la même re-quête au Conseil fédéral. Celui-ci a toutefois dit non. L’une des raisons est que les récipiendaires de l’aide suisse ne recouvrent qu’en partie les pays riches en matières premières convoitées et en voie de raréfaction. Et une réorientation de l’aide suisse vers ces pays est hors de question. Le Seco craint en outre que des exigences supplémentaires (requé-rants d’asile, matières premières, et quoi encore ?) rendraient très difficiles, pour ne pas dire impos-sibles les négociations sur les accords économiques.

Risque de détournement de l’aideC’est pourquoi l’USAM a, entre-temps, renoncé à lier de manière générale aide et accès privilégié aux matières premières. Elle se concentre maintenant sur la route de la soie. Il est vrai que les pays d’Asie centrale et la Pologne ont des liens particuliers avec la Suisse. Ils sont tous membres du groupe de droit de vote suisse au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. Ils sont pour une part des pays prioritaires de la coopération au déve-loppement (Kirghizistan, Tadjikistan, Azerbaïdjan). La Pologne est le deuxième plus grand membre du groupe de droit de vote et elle reçoit la moitié de la contribution suisse à la cohésion européenne. Il y a peu d’objections à opposer à des discussions sur les desiderata de l’USAM, auxquels souscrivent aussi d’autres associations comme celle de l’industrie des

machines. Les membres du groupe de droit de vote avant tout peuvent négocier sur un pied d’égalité avec la Suisse, car ils lui permettent de conserver un siège au directoire du FMI. Il conviendra cepen-dant de veiller à ce que l’argent du développement ne soit pas détourné pour satisfaire n’importe quel besoin en matières premières.

Peter Niggli

Approvisionnement de la Suisse en matières premières

Mainmise sur la route de la soie ?L’USAM a renoncé à sa demande de lier l’aide au développement à l’accès aux matières pre-

mières. Elle se concentre désormais sur la route de la soie.

Gydnia (Pologne). L’USAM de-

mande un accès privilégié de la

Suisse aux principaux ports de la

mer Baltique.

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Haro sur les restrictions aux exportations

ia Lors de la dernière conférence ministérielle de l’OMC à fin 2011, les pays industria-

lisés ainsi que le Groupe africain ont proposé de limiter les restrictions aux exporta-

tions agricoles. Ils ont pour cela invoqué la crise alimentaire de 2008, due selon eux

en partie aux mesures restrictives adoptées par quelques grands exportateurs pour

assurer leur approvisionnement domestique.

Cette proposition a été combattue par certains pays émergents. Pour plusieurs

raisons. Primo, ils craignent que les produits agricoles ne soient qu’une excuse des

pays industrialisés pour atteindre un autre objectif, à peine dissimulé : interdire les

restrictions aux exportations de toutes les matières premières, à commencer par les

ressources naturelles (terres rares, pétrole, gaz, etc). Secundo, les pays émergents

veulent préserver leur espace politique, nécessaire pour promouvoir leurs industries

de transformation. Les règles de l’OMC n’interdisent pas ces restrictions aux exporta-

tions. Tertio, la crise alimentaire est principalement la conséquence des spéculations

sur les matières premières et des subventions agricoles des pays industrialisés, qui

minent la paysannerie des pays en développement. Quarto, les pays émergents ne

comprennent pas pourquoi ils devraient limiter les exportations de produits

agricoles, alors que les pays industrialisés rechignent à discipliner les subventions

aux exportations de ces mêmes produits.

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6 GLOBAL+ ETE 2012

« Droit sans frontières » sous la loupe de l’éthique économique

« Bon pas au bon moment »Un cadre juridique international est nécessaire pour rendre les multinationales comptables

en matière de droits humains. Dans la mesure où un tel cadre n’est actuellement pas à

l’ordre du jour, il ne reste à court et moyen terme que la voie des réglementations au plan

national, ainsi que le demande « Droit sans frontières ». C’est ce qu’affirme Florian Wettstein,

professeur d’éthique économique à l’Université de St-Gall. Entretien.

L’Université de St-Gall est une pé-pinière de cadres pour l’économie. Quelle place y occupe la thématique des droits humains ?D’une manière générale, les droits hu-mains sont loin de figurer en tête des préoccupations. On en parlait certes en éthique économique, mais relati-vement peu. Ce n’est que récemment qu’ils ont gagné en importance, grâce aux travaux de John Ruggie1.

Il y aurait donc un retard à rattraper dans la formation des fu-turs managers…Absolument. Aux Etats-Unis, où j’ai longtemps enseigné, c’est encore pire. Quand, au début du cours, je demandais qui connaissait la Déclaration des droits de l’homme, cinq étu-diants au plus sur trente-cinq levaient la main.

Les entreprises doivent-elles simplement veiller à ne pas violer les droits humains ?Pas seulement. D’un point de vue éthique, leur responsabilité va clairement plus loin. Le principe du « Do no harm » est le mi-nimum absolu. Des milliards de personnes vivent, aujourd’hui encore, dans la pauvreté ; leurs droits humains ne sont pas réalisés. Les gouvernements touchent de plus en plus aux li-mites de leurs efforts. La question se pose dès lors de savoir qui d’autre a le pouvoir d’améliorer la situation. Etant donné les relations de pouvoir actuelles, les entreprises figurent au premier rang.

En ce sens, les entreprises ne sont pas seulement responsables de leurs comportements directs, mais aussi du contexte où elles agissent ?Tout à fait. On a souvent encore une fausse image de l’entre-prise. Elle n’est pas seulement au service d’un objectif privé, telle une machine à sous pour ses propriétaires. Elle a aussi un mandat public : elle doit contribuer à améliorer la vie des gens. Sinon, nous n’aurions pas besoin d’entreprises. Les firmes qui sont actives au plan global doivent aussi, globalement, créer une valeur ajoutée sociale. Quand on réfléchit globalement à ce que signifie être au service de l’humanité, on arrive relati-vement vite aux droits humains. Ceux-ci, fondamentalement, concernent la dignité et la qualité de la vie humaine.

Les entreprises ont-elles simplement la responsabilité ou, plus encore, le devoir de respecter les droits humains ?C’est clairement une obligation. Mais il en va autrement chez John Ruggie : il parle de responsabilité et la limite par rapport à l’obligation qu’il attribue à l’Etat. Mais Kant, au XVIIIe siècle déjà, voyait un devoir – au plein sens du terme – dans la notion de responsabilité qu’il associait à des droits. La délimitation de Ruggie ne fait pour moi aucun sens.

Les règles volontaires de responsabilité sociale des entreprises suffisent-elles pour rendre les firmes comptables en matière de droits humains ?Non. Bien sûr, il est important qu’elles existent. Mais elles ne résolvent pas le problème de fond. S’agissant d’une réalité fon-damentale comme les droits humains, on a besoin de règles juridiques complémentaires, qui plus est à un niveau global. Tant que la possibilité existe d’échapper aux règles, ceux qui s’y tiennent sont souvent les dindons de la farce dans le jeu de la compétition. L’amélioration durable de la situation requiert un Level Playing Field, lequel n’est réalisable qu’avec des règles globales et contraignantes.

Comment considérez-vous les travaux du représentant spécial de l’ONU John Ruggie ?Ils ont sorti de l’ombre le discours sur économie et droits hu-main et lui ont donné une place centrale. On le voit notam-ment dans les préoccupations de l’opinion publique et dans les débats d’éthique économique, où les droits humains oc-cupent aujourd’hui le devant de la scène dans beaucoup de conférences. J’étais jusqu’il y a peu l’un des rares éthiciens éco-nomiques à thématiser ces questions dans les congrès scienti-fiques. Je recevais pour cela en général une tribune le vendredi soir entre 17h et 19h, quand tout le monde était parti.

Quels sont les manques de Ruggie ?Il est malheureusement resté confiné dans le « Do no harm », affirmant presque catégoriquement que la responsabilité des entreprises ne va pas au-delà. Il est également frappant que Ruggie fait complètement l’impasse sur les arguments éthiques ou moraux.

Ruggie attribue aux Etats l’obligation de protéger les droits humains, aussi par l’économie. Cela implique des dispositions juridiques. Sans elles, il est impossible à l’Etat d’assumer son devoir.

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Absolument. L’obligation de protéger (« Duty to protect ») dont Ruggie charge l’Etat suppose clairement qu’il doit y avoir, au plan national, des réglementations claires et juridiquement contrai-gnantes. Il convient donc de réfléchir à l’application extraterrito-riale du droit et à d’autres instruments. Que Ruggie oblige l’Etat à se préoccuper du comportement des entreprises qui y ont leur siège est très positif. Mais en même temps, le fait qu’il s’oppose avec détermination à un cadre juridique global est négatif. L’idée d’engager d’abord les Etats, ainsi que le propose « Droit sans fron-tières », est une voie qui peut être tout à fait praticable. Mais, un jour ou l’autre, on arrivera à un point où l’on ne pourra plus se contenter de faire les choses à moitié. Il faudra tôt ou tard œu-vrer à un cadre juridique global. Etant donné les Principes direc-teurs de Ruggie, je ne pense pas cependant que cela sera possible à court ou moyen terme.

« Droit sans frontières » est donc un pas dans la bonne direc-tion ?C’est le bon pas au bon moment. Dans la mesure où il est clair qu’il ne se passera rien au plan global ces prochains temps, il est logique de voir ce que l’on peut mettre en œuvre au plan national. Les réglementations à ce niveau sont le seul moyen avec lequel on peut construire quelque chose et avoir un certain impact.

Pour l’instant, la Suisse n’a pas fait grand-chose pour la mise en œuvre des Principes directeurs de Ruggie.On ne sait pas encore comment les choses évolueront en Suisse. Une première réunion des acteurs intéressés s’est déroulée mi-mai. On verra où cela va mener. Il y a bien sûr des milieux qui vont appuyer sur la pédale des freins. J’espère que l’on s’efforcera de mettre en œuvre le cadre Ruggie de manière conséquente, avec des objectifs concrets, sans demi-mesures et en évitant d’aboutir à une nouvelle directive non contraignante.

Les firmes qui, aujourd’hui déjà, prennent au sérieux les droits humains, n’ont-elles pas elles-mêmes intérêt à un cadre juri-dique clair ?En principe oui, et je pense que certaines l’ont, même si cela ne se reflète pas dans leurs positions publiques officielles. Quand

on discute avec des représentants d’entreprise, on entend sou-vent que les firmes préféreraient un cadre juridique clair aux campagnes imprévisibles de lobbies, car cela leur offrirait une certaine sécurité de droit. On a cependant peur que la Suisse fasse cavalier seul et qu’on se retrouve avec des désavantages compétitifs. On peut toutefois se poser la question du sé-rieux de l’engagement d’une entreprise qui s’oppose à rendre contraignant ce qu’elle fait sur une base volontaire. Cherche-t-elle à garder ouverte une porte de sortie, histoire de pouvoir agir autrement le cas échéant ?

Propos recueillis par Pepo Hofstetter

1. John Ruggie a été de 2005 à 2011 le représentant spécial des Nations

Unies pour les questions droits humains et entreprises. En 2008, il a défini

un cadre reposant sur trois piliers : l’obligation de l’Etat de protéger les

droits humains, la responsabilité des entreprises de respecter tous les

droits humains partout dans le monde, l’accès des victimes à la justice et

à des réparations. En 2011, le Conseil des droits de l’homme a adopté à

l’unanimité ses Principes directeurs d’application qui doivent maintenant

être mis en œuvre au plan national.

Succès de « Droit sans frontières »

me La pétition « Droit sans frontières » a été remise le 13 juin

avec 135’285 signatures. Elle demande au Conseil fédéral et au

Parlement de faire en sorte que les entreprises dont le siège

est en Suisse soient obligées de respecter les droits humains et

l’environnement partout dans le monde. Pour mettre en

œuvre cette revendication au plan parlementaire, un petit

groupe interpartite s’est constitué. Il réunit des membres de

sept partis: PS, les Verts, PDC, Verts libéraux, PBD, Parti

évangélique et PLR. Ces députés ont déposé pendant la session

de juin six interventions parlementaires sur les questions

droits humains et entreprises.

Mine de cuivre et de cobalt

de Kamatanda (RDC). Un

cadre légal est nécessaire

pour obliger les multina-

tionales suisses à respecter

les droits humains partout

dans le monde, en particulier

dans le secteur à risques de

l’extraction minière.

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8 GLOBAL+ ETE 2012

Ce printemps, deux candidats très prometteurs des pays en dé-veloppement étaient pour la première fois en lice pour l’élec-tion à la présidence de la Banque mondiale. La course a cepen-dant une fois de plus été gagnée par le poulain des Etats-Unis. Un signe qui confirme le caractère souvent superficiel des « progrès » de la Banque mondiale. Ces dernières années, la banque s’est davantage ouverte aux préoccupations des pays en développement, mais on ne saurait parler de virage fon-damental. Le nouveau président a devant lui la tâche difficile de mettre en œuvre le plus rapidement possible diverses ré-formes qui piétinent. Une coalition internationale d’organisa-tions non gouvernementales (ONG) – parmi lesquelles Alliance Sud – lui a transmis des propositions en avril déjà.

Réforme de la gouvernanceLa nouvelle répartition des droits de vote est un véritable ser-pent de mer. La Banque mondiale vise à long terme l’égalité

des voix entre pays en développement et pays industrialisés. La révision la plus récente n’a guère profité aux pays pauvres, mais a favorisé avant tout des Etats au PIB par habitant élevé comme l’Arabie Saoudite et la Corée du Sud. Alors qu’ils repré-sentent plus de 80 pour cent de la population mondiale, les pays à revenu faible ou moyen n’ont toujours que 40 pour cent des droits de vote dans les diverses sous-organisations de la Banque mondiale.

C’est pourquoi les pays en développement et les ONG exi-gent que, lors de la prochaine révision en 2015, les rapports de voix soient enfin définis au pro rata de la population. De plus, les ONG demandent que Kim crée davantage de transparence et de devoir de rendre des comptes dans le Conseil des Admi-nistrateurs.

Directives claires pour la promotion du secteur privéOn a longtemps reproché à la Banque mondiale – par les condi-

Nouveau président, anciennes tâches

Les chantiers de la Banque mondialeMark Herkenrath Jim Yong Kim prendra début juillet ses fonctions de nouveau président

de la Banque mondiale. Des organisations non gouvernementales du monde entier lui

demandent de mettre en œuvre sans tarder un certain nombre de réformes urgentes.

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GLOBAL+ ETE 2012 9

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tionnalités de ses crédits – de contraindre les pays en déve-loppement à des politiques de libéralisation et de privatisa-tion. Cette critique ne vaut plus sous cette forme générale. Les conditionnalités sont, depuis leur révision en 2005, devenues plus souples. Elles conduisent moins que par le passé à des interventions macro-économiques sensibles. En revanche, la banque promeut toujours plus le secteur privé dans les pays en développement.

Plusieurs études, notamment de l’ONG Eurodad, montrent que les principaux bénéficiaires de cette politique sont des fi-liales de multinationales. Ainsi, la Banque mondiale ne prété-rite pas seulement le développement du secteur public, mais aussi les entreprises domestiques. Elle devrait au contraire les appuyer davantage. Les mesures de soutien aux grandes firmes étrangères devraient obéir à des directives claires comme le respect des droits humains et des standards environnemen-taux ainsi que la création d’emplois décents.

Filets de sécurité sociale solidesLa société civile salue l’engagement croissant de la Banque mondiale dans la construction de filets de sécurité sociale. Quelques voix critiquent cependant le fait que la banque at-ténue par là avant tout les effets des dures conditionnalités de crédit du Fonds monétaire international, lequel pousse souvent les pays en développement à des mesures d’économie draco-niennes. De plus, une évaluation interne récente de la banque a révélé que les filets de sécurité qu’elle encourage n’ont gé-néré qu’une protection limitée face aux conséquences de la crise économique mondiale. Ils ont certes aidé les personnes qui étaient déjà pauvres, mais négligé les ménages que la crise a précipités dans la pauvreté. Si la situation économique mon-diale devait continuer à se dégrader, la Banque mondiale de-vrait rapidement développer de nouveaux instruments.

Stratégie énergétique durableUn thème qui va bientôt occuper le nouveau président est la controverse en cours sur la politique énergétique de la Banque mondiale. Un projet de stratégie publié en 2011 propose qu’elle cesse de soutenir la construction de centrales à char-bon – très dommageables pour l’environnement – dans les

pays en développement avancés. Les lobbies concernés sont cependant parvenus à mobiliser des pays émergents contre cette proposition soi-disant discriminatoire. Nombre d’ONG et quelques pays industrialisés réclament au contraire l’abandon de projets de centrales à charbon aussi dans les pays pauvres.

Les ONG appuient cette exigence dans leur lettre au nou-veau président. Ils demandent à la Banque mondiale de se concentrer sur des petits projets énergétiques dans des ré-gions périphériques ainsi que sur l’amélioration des réseaux de distribution. Cela permettrait aux ménages pauvres d’accé-der plus facilement à de l’énergie propre.

Révision rapide des « garde-fous »Une dernière exigence importante de la société civile concerne le renforcement des « garde-fous » environnementaux et so-ciaux. Il s’agit, par exemple, des directives pour la protection des peuples indigènes ou pour les déplacements forcés dans les grands projets financés par la Banque mondiale. Les ONG demandent ici en particulier que les populations concernées soient mieux consultées, déjà au stade de la planification du projet. La révision de ces directives est cependant en panne. Selon une information récente de la Banque mondiale, il ne faut pas attendre de résultats concrets avant la fin de 2012.

En revanche, une nouvelle fenêtre de crédit a été ouverte avec le projet douteux de « prêt-programme pour les résul-tats » (P4R). Avec ce nouvel instrument, qui vise à soutenir des programmes publics de développement composés de plusieurs projets individuels, la Banque mondiale mine les directives en vigueur jusqu’ici. Grâce à la résistance de la société civile, ce programme a été limité à une phase-pilote de trois ans. La banque devrait alors procéder à une évaluation. Les ONG de-mandent qu’elle consulte également des voix indépendantes et les groupes de personnes directement concernés.

La banque s’est davantage ouverte ces

dernières années, mais on ne saurait

parler de virage fondamental.

Le nouveau président de la

Banque mondiale Jim Yong Kim,

ici en visite au Pérou, aura de

gros défis à relever.

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10 GLOBAL+ ETE 2012

A l’initiative de la Paz, le 10 juin a pris fin l’accord de promotion et protection des investissements (APPI) entre la Bolivie et les Etats-Unis, en vigueur depuis 2001. Les dispositions du traité vont s’appliquer encore pendant dix ans à tous les investisse-ments américains en Bolivie déjà existants à cette date d’ex-piration – on ne connaît pas d’investissements boliviens aux Etats-Unis. Les relations entre le gouvernement d’Evo Morales et le grand voisin nord-américain ne sont certes pas au beau fixe, mais Washington n’est pas la seule à faire les frais de la nouvelle politique d’investissement de la Bolivie.

Rééquilibrer les droitsEn 2007, le petit pays andin a décidé de dénoncer tous ses APPI et de les remplacer par un nouveau modèle qui rééqui-libre les droits des investisseurs et du pays-hôte. Il vise plu-sieurs choses : redéfinir l’investissement pour le limiter aux activités qui créent véritablement de la valeur dans le pays ; autoriser les « exigences de performance », c’est-à-dire l’obli-gation pour l’investisseur d’utiliser des intrants domestiques et d’opérer des transferts de technologie ; revoir le système de règlement des différends pour obliger les investisseurs à utili-ser les tribunaux domestiques au lieu des instances internatio-nales. Sur la même lancée, à l’instar également de l’Equateur et du Venezuela, la Bolivie a dénoncé le Centre international de

règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Cet organe de la Banque mondiale tranche – par voie d’arbi-trage – la plupart des litiges liés aux investissements. Une pro-cédure hautement controversée, par laquelle les investisseurs peuvent porter plainte contre l’Etat hôte, mais pas l’inverse. Il a certes fallu du courage pour dénoncer le CIRDI, mais un ob-servateur proche du dossier nous confie qu’au bout du compte, cela a été positif. La Bolivie fait actuellement l’objet de « seu-lement » neuf plaintes connues, contre cinquante et une pour l’Argentine qui détient le record.

Investissements non porteurs de développementCe changement radical s’explique par les très mauvaises ex-périences de la Bolivie en matière d’investissements directs à l’étranger (IDE). Après avoir fait des pieds et des mains pour les attirer, le gouvernement s’est aperçu que ceux-ci allaient presque exclusivement dans l’exploitation des ressources na-turelles, comme les hydrocarbures et les mines. Très peu de produits étaient transformés localement. Quelques investis-seurs s’étaient bien lancés dans les télécommunications, mais ce secteur était déjà rentable lorsqu’il était propriété de l’Etat. Au bout du compte, les flux financiers allaient davantage vers l’extérieur et très peu de moyens étaient réinvestis dans le pays même.

Protection des investissements

La Bolivie dénonce ses accords La Paz est en train de revoir sa politique d’investissement. Elle a dénoncé le CIRDI

et renégocie tous ses accords. Une expérience positive qui lui permet de réorienter

les investissements au profit du développement.

La Suisse revoit ses APPI à petits pas

ia Selon Lukas Siegenthaler, chef de la section investisse-

ments étrangers au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), la

Bolivie n’a pas (encore) dénoncé son APPI avec la Suisse. En

2010, les investissements directs de la Suisse dans ce pays

andin s’élevaient à 59 millions de francs. Le 11 juin, le chef de

l’Etat bolivien Evo Morales a annoncé la nationalisation d’une

mine de Glencore. Des nationalisations avaient déjà eu lieu en

2007 et 2010. Le Seco ne savait pas si Glencore a porté plainte

devant un tribunal arbitral.

La Confédération, ainsi que le précise Luka Siegenthaler,

revoit ses traités depuis des années et les adapte, si nécessaire,

en fonction de la jurisprudence. Par exemple, la définition de

l’investissement a été précisée suite à l’affaire Romak SA

versus Ouzbékistan : faute d’élément de contribution, de durée

et de risque, les arbitres ont estimé que la fourniture de blé à

l’Ouzbékistan par l’entreprise suisse Romak SA ne constituait

pas un investissement, mais une transaction commerciale1.

Suite à ce jugement, la Suisse s’est rendue compte que la

définition de l’investissement contenue dans son modèle

d’APPI pouvait générer des malentendus. Dès lors, elle stipule

dans ses récents APPI – comme ceux avec l’Egypte et le Kosovo

– que les transactions commerciales pures ne constituent pas

des investissements au sens de l’accord.

« En réponse aux demandes du Parlement, nous avons

introduit dans les préambules des références aux principes du

développement durable, affirme Lukas Siegenthaler. Jusqu’il y

a quatre ou cinq ans, le Parlement ratifiait les APPI sans de

longues discussions, mais maintenant il pose des exigences

dont nous devons tenir compte. Le Seco a d’ailleurs mis sur

pied, avec d’autres offices intéressés de l’administration

fédérale, un groupe de travail qui planche sur la meilleure

façon d’inclure les clauses sur le développement durable dans

les accords. »

Selon lui, les pays en développement n’ont jamais demandé à

la Suisse d’inclure des clauses spécifiques dans les traités, à

l’exception notable de l’Egypte qui a exigé une référence au

développement durable dans le préambule, laquelle lui a été

accordée. « Nous savons que certains pays sont en train de

revoir leurs APPI, mais nous n’avons pas reçu de demande

formelle de renégocier les traités existants. Probablement, la

Suisse n’est pas leur priorité », conclut Lukas Siegenthaler.

1. http://www.iisd.org/itn/2010/01/12/uncitral-tribunal-deter-

mines-that-wheat-supply-contracts-are-not-investments-under-

swiss-uzbekistan-bit/

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GLOBAL+ ETE 2012 11

Ingérence humanitaireLibéria, Irak, Somalie, Haïti, Kosovo, Libye… Tous ces pays ont pour point commun d’avoir subi une interven-tion « humanitaire » de la part des pays occidentaux. Aujourd’hui, la question qui est sur toutes les lèvres est de savoir quand l’Occident inter-viendra en Syrie.

Quelques voix dérangeantes vien-nent troubler l’harmonie du chœur occidental. Parmi elles, celle de l’his-torien Tzvetan Todorov et celle de l’ancien président de Médecins sans Frontières Rony Brauman. Que disent-elles ? Essentiellement une chose : la démocratie ne peut pas être imposée et encore moins par des bombes. « On ne peut pas rester les bras croisés pen-dant que la population civile se fait massacrer », leur rétorque-t-on. A quoi ils répondent par une question: « Les Occidentaux sont-ils les gendarmes du monde ? »

Lorsque l’on examine de plus près les interventions « humanitaires » des deux dernières décennies, force est de constater que leurs résultats ont sou-vent été douteux, voire désastreux. Quand cela tourne au vinaigre, la dé-mocratie et les droits de l’homme sont disqualifiés et piétinés par ceux-là mêmes qui appellent à les respecter.

N’esquivons pas la question: les interventions « humanitaires » sont-elles vraiment motivées par la défense des droits humains ou sont-elles avant tout dictées par les intérêts des pays qui interviennent ?

Les tuyaux« Une bombe n’est jamais humani-taire », Tzvetan Todorov, Marianne : http://goo.gl/aKoDC

Rony Brauman, « Je suis contre l’in-gérence humanitaire », Dailymotion : http://goo.gl/iUrgG

« Interventions humanitaires : prin-cipes, concepts et réalités », Centre tri-continental : http://goo.gl/P1KxP

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « Qui d’autre que les Occidentaux aurait pu empêcher les massacres en Libye ? », Le Courrier : http://goo.gl/x3gUE

« En Syrie, l’humanitaire confronté à ses limites. Issues de secours », Libéra-tion : http://goo.gl/t1KOD

« Les fragiles limites de l’aide humani-taire », zoom du Centre de documen-tation d’Alliance Sud: http://goo.gl/N7H6v

Centre de documentation d’Alliance SudAvenue de Cour 1, 1007 Lausanne,[email protected] ou 021 612 00 86www.alliancesud.ch/documentation.

Les bons tuyaux de la doc

Lorsque Evo Morales a été élu président, il a promu une approche différente. La nouvelle constitution de 2009 – for-tement influencée par les ONG – favorise les investissements domestiques. Les IDE doivent être soumis au cadre légal na-tional, sans exception et sans pouvoir bénéficier d’un statut plus avantageux que les investissements boliviens. Dès lors, la Bolivie est en train de renégocier tous ses APPI pour les rendre compatibles avec la Constitution et le nouveau Plan national de développement.

La Paz est en voie d’élaboration d’un nouveau modèle d’accord. Sans surprise, l’Union européenne fait pression sur le gouvernement pour qu’il adopte rapidement un cadre légal susceptible de rassurer les investisseurs. Mais la Bolivie n’est pas pressée. Elle a constaté que les IDE ne vont pas là où les

investisseurs ont le plus de droits, mais là où ils peuvent géné-rer le plus de profit. La preuve par le Brésil, qui n’a signé aucun APPI et draine le plus d’IDE en Amérique latine. Après une pre-mière diminution, les investissements dans les hydrocarbures et les banques sont en train de se redresser. La Bolivie cherche à trouver un équilibre entre ses intérêts et ceux des investis-seurs. Les investissements sont jugés à l’aune de leur perfor-mance et de leur contribution à l’exploitation durable des res-sources naturelles ainsi qu’à la fourniture de services garants d’un accès universel, à des prix abordables. La nouvelle Consti-tution considère l’énergie, la santé et l’éducation comme des droits humains et non comme des intérêts commerciaux.

Isolda Agazzi

Evo Morales dans l’ancienne mine d’étain

de Glencore à Vinto (Bolivie). Après avoir

été privatisée dans des circonstances

douteuses, elle a été renationalisée en

2007.

Ph

oto

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eyst

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e.

Page 12: GLOBAL+ No. 44 / Eté 2012

Gaya, Cotonou, Douala, Bamako, Kinshasa, Bethléhem, Kaboul, Paris,

Londres, mais aussi Zurich, Berne, Genève, Vevey et Lausanne. Toutes ces

villes et bien d’autres lieux de la planète proposeront, le 15 septembre, un

repas communautaire organisé pour la troisième année consécutive par le

réseau The Meal.

L’objectif de ce moment de partage est de soutenir les paysans d’ici et

d’ailleurs, plaider en faveur de la souveraineté alimentaire et du droit d’ac-

cès des populations autochtones aux ressources naturelles. Une collecte sera

organisée, entre autres, en faveur de la grande marche non violente pour la

justice en Inde : durant le mois d’octobre, 100’000 démunis et paysans sans

terre convergeront sur New Delhi pour faire valoir leurs droits. « D’une ma-

nière douce, nous pouvons secouer le monde », disait Gandhi.

Chaque ville, village, quartier est invité à s’associer à ce projet en créant une

grande tablée faisant honneur aux produits naturels du terroir. Pour mani-

fester le caractère solidaire et planétaire de ce rendez-vous créatif, des vi-

déo-conférences sur Internet ainsi qu’une chaîne de télévision partenaire re-

layeront et relieront de manière simultanée les divers évènements.

Alliance Sud participera au repas de Lausanne, qui se tiendra au Parc de Milan (proche

de la gare CFF), à partir de 12h00. Des activités seront prévues pour les enfants. Bon

de participation: 25 CHF (adultes) / 18 CHF (AVS, étudiants, chômeurs) / 10 CHF

(enfants).

Pour plus d’informations: www.the-meal.net

Un repas pour notre avenir

Vive la Terre nourricière !Samedi 15 septembre 2012, Lausanne,

Genève, Vevey, Sion, Chambrelien,…

GLOBAL+ Avenue de Cour 1 | 1007 Lausanne | Téléphone 021 612 00 95

E-Mail: [email protected]

www.alliancesud.ch

2,4

mill

iard

s En 2010, l’aide au développement de la Confédération, des cantons et des communes s’est éle-vée à 2,4 milliards de francs.

20 m

illia

rds En 2010, la balance

commerciale de la Suisse avec les pays en développement a affiché un excédent de 20 milliards de francs.

5 m

illia

rds L’évasion fiscale vers

la Suisse fait perdre chaque année 5 mil-liards de francs aux pays en développe-ment.

Faits et chiffresFlux Suisse-Sud