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1 Le Jumelé | Été 2011 Hiver 2009 É 2011 Kaléidoscope interculturel La Fondation Alex et Ruth Dworkin est fière de soutenir Le Jumelé et sa mission de sensibilisation aux relations interculturelles. p.2 p.3 p.4 p.5 p.6 p.7 p.9 p. 10 p. 12 p. 13 p. 14 p. 16 Édito Journée mondiale du réfugié Fragile liberté d’expression Sonia Anguelova, écrivaine Jeunes : du rêve à la réalité Terre d’accueil Épiceries ethniques Féminisation de l’immigration Mouvances Arabo-Klezmer Profilage, une réalité dégradante S’intégrer par le plein-air Festivals d’été Alain Thibault Le gouvernement se désengage face aux nouveaux arrivants 500 personnes manifestaient le 6 juin dernier devant le ministère de l’Immi- gration et des Communautés culturelles (MICC) pour faire connaitre l’insuf- fisance des ressources pour l’intégration des nouveaux arrivants au Québec. Le plus important réseau d’organismes communautaires au Québec en matière de services aux personnes réfugiées et immigrantes dénonçait une situation devenue inacceptable, suite à la décision du MICC de geler les budgets du Programme d’accompagnement des nouveaux arrivants (PANA) pour une deuxième année, alors que le Québec accueille un nombre record d’immigrants. Les 61 organismes PANA accompagnent annuellement près de 40 000 per- sonnes nouvellement arrivées. « Nous faisons face à une situation critique pour ce qui est de nos services aux nouveaux arrivants ; c’est comme dans les urgences, les listes d’attentes s’allongent et nous ne fournissons plus à la tâche », précise Yann Hairaud, coprésident de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. « Le gouver- nement semble ignorer ce qui se passe sur le terrain et mise sur le bénévolat des organismes, c’est tout simplement inacceptable ». Les organismes communautaires ont amorcé une campagne de sensibilisa- tion visant à assurer des services et un soutien adéquat à tous les nouveaux arrivants. Des discussions sont en cours mais il y a peu d’espoir que le gou- vernement soit prêt à investir alors que les nouveaux arrivants sont en droit d’obtenir des services à la hauteur de leurs besoins et ce, d’autant plus que le Québec reçoit chaque année du fédéral des sommes considérables (258 millions $ en 2011) pour l’intégration des nouveaux immigrants. n

Kaléidoscope interculturel 2 - TCRI

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1Le Jumelé | Été 2011

Hiver 2009ÉtÉ 2011

Kaléidoscope interculturel

La Fondation Alex et Ruth Dworkin est fière de soutenir Le Jumelé et sa mission de sensibilisation

aux relations interculturelles.

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Édito

Journée mondiale du réfugié

Fragile liberté d’expression

Sonia Anguelova, écrivaine

Jeunes : du rêve à la réalité

Terre d’accueil

Épiceries ethniques

Féminisation de l’immigration

Mouvances Arabo-Klezmer

Profilage, une réalité dégradante

S’intégrer par le plein-air

Festivals d’été

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Le gouvernement se désengage face

aux nouveaux arrivants 500 personnes manifestaient le 6 juin dernier devant le ministère de l’Immi-gration et des Communautés culturelles (MICC) pour faire connaitre l’insuf-fisance des ressources pour l’intégration des nouveaux arrivants au Québec.

Le plus important réseau d’organismes communautaires au Québec en matière de services aux personnes réfugiées et immigrantes dénonçait une situation devenue inacceptable, suite à la décision du MICC de geler les budgets du Programme d’accompagnement des nouveaux arrivants (PANA) pour une deuxième année, alors que le Québec accueille un nombre record d’immigrants.

Les 61 organismes PANA accompagnent annuellement près de 40 000 per-sonnes nouvellement arrivées. « Nous faisons face à une situation critique pour ce qui est de nos services aux nouveaux arrivants ; c’est comme dans les urgences, les listes d’attentes s’allongent et nous ne fournissons plus à la tâche », précise Yann Hairaud, coprésident de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. « Le gouver-nement semble ignorer ce qui se passe sur le terrain et mise sur le bénévolat des organismes, c’est tout simplement inacceptable ».

Les organismes communautaires ont amorcé une campagne de sensibilisa-tion visant à assurer des services et un soutien adéquat à tous les nouveaux arrivants. Des discussions sont en cours mais il y a peu d’espoir que le gou-vernement soit prêt à investir alors que les nouveaux arrivants sont en droit d’obtenir des services à la hauteur de leurs besoins et ce, d’autant plus que le Québec reçoit chaque année du fédéral des sommes considérables (258 millions $ en 2011) pour l’intégration des nouveaux immigrants. n

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2 Le Jumelé | Été 2011

Le Jumelé, à la croisée des cultures, souhaite ouvrir un dialogue entre les personnes immi-grantes et celles issues de la société d’accueil. Il vise à encourager la tolérance en matière de pluralité sociale, culturelle, religieuse, historique et coutumière.

Toute personne peut soumettre un texte au Jumelé afin qu’il soit diffusé. Néanmoins, Le Ju-melé ne peut s’engager à diffuser tous les textes qu’ils reçoit. Par ailleurs, Le Jumelé se réserve le droit de réduire la longueur des textes qui lui sont proposés, de supprimer certains passages jugés offensant ou superflus, et de reformuler certaines phrases ou sections de textes pouvant conduire à des erreurs d’interprétation.

Le JUMELÉ, à la croisée des cultures518, rue Beaubien Est Montréal (Québec) H2S 1S5Téléphone : 514 272-6060 poste 209Télécopieur : 514 272-3748Courriel : [email protected] web : www.tcri.qc.ca > publications >

jumelé

Éditeurs TCRI et SEIIM www.tcri.qc.caUne co-édition de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et sans statut et du Service d’éducation et d’intégration interculturelle de Montréal.

Comité de directionRivka AugenfeldGiovanni FiorinoBlandine PhilippeStephan Reichhold

Rédactrice en chefBlandine Philippe

JournalistesYves AlavoYves BernardMarie-Ginette BouchardTyphaine MorinNachammai RamanOlivia ThollietCatherine Tremblay-LebeauFrans Van DunNima Yaël

CollaborationsPatrick BelleroseLyne GosselinSylvie Guyon

Photographe Alain Thibault

CaricaturistePierre Brignaud

Conception graphiqueCaroline Marcant - zigomatik.ca

Dépôt légalISSN 1495-6276Bibliothèque Nationale du QuébecBibliothèque Nationale du CanadaJuin 2011

ImpressionHebdo Litho

Distribution Courrier A & A

Droits d’auteur Toute reproduction des textes, des illustrations et des photographies du Jumelé est interdite sans une autorisation écrite des éditeurs. Bien que toutes les précautions aient été prises pour assurer la véracité des informations contenues dans Le Jumelé, il est entendu que les éditeurs ne peuvent être tenus responsables des erreurs issues de leur utilisation. Les auteurs des articles publiés dans Le Jumelé conservent l’entière res-ponsabilité des théories ou des opinions qu’ils émettent dans leur texte.

Les beaux jours qui reviennent invitent à la renaissance mais n’effacent pas pour autant notre vigilance sur des dossiers qui exigent une veille constante. En ce début d’été et devançant de quelques jours la Journée mondiale du réfugié, Le Jumelé demeure fidèlement à l’affût, ten-tant de faire écho aux trajectoires humaines atypiques, conséquences symptomatiques de mouvements sociaux et politiques qui se jouent collectivement.

En tant que journal alternatif, nous tenions à revenir sur des sujets qui ne font que rarement les manchettes, ou qui ne les font trop souvent que par le petit bout de la lorgnette. Parce que le Jumelé est un journal libre et indépendant dans le paysage médiatique du Québec, nous faisons le choix d’ouvrir nos pages aux idées perçues ailleurs comme dissidentes et marginales, et d’expliquer, pour mieux comprendre. Certaines personnes nous trouveront dérangeants… Mais pouvons-nous nous épargner le dérangement si nous voulons que les choses s’améliorent ?

C’est ainsi que nous reparlons des femmes immigrées, surreprésentées dans les secteurs les plus précaires (page 10) ; des jeunes adolescents, mal évalués par les institutions (page 6) ; du profilage dont sont victimes

notamment les minorités noires (page 13) ; ou encore des travailleurs saisonniers (page 15) ferments d’une société à deux vitesses.

Malgré cela et avec tout cela, nous avons voulu faire de ce numéro un kaléidoscope interculturel. Bien qu’il possède un nombre fini d’éléments dans un espace clos, le kaléidoscope autorise un nombre indéfini de combi-naisons. Il réfléchit à l’infini et en couleurs la lumière extérieure.

C’est dans cet esprit que nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui alchimisent leur marginalité en une force créatrice exemplaire. Comme autant de facettes d’un kaléidoscope, l’écriture de Sonia Anguelova (page 5), la musique de Katia Makdis-si-Warren (page 12), les arts-visuels au MAI (page 11), le plein-air au Mont-Royal (page 14), les produits du terroir (page 7) ou encore les épiceries (page 9), témoignent de nouvelles formes de pratiques du dialogue interculturel. Par leurs initiatives, ces précurseurs reflètent à n’en pas douter un chemin très contemporain du processus de diversification de notre société. Un chemin qui ne va que s’amplifier…

Bonne lecture et bon dialogue interculturel !

Hiver 2009

Édito

Blandine PhiliPPe

Rédactrice en chef

Les réfugiés en Afrique qui veulent venir au Canada attendent souvent des années que leur demande soit traitée par les agents d’immigration. Le trai-tement est particulièrement lent au bureau de Nairobi. Les longs retards font que des réfugiés sont privés de la protection, et que des enfants attendent dans une situation de vulnérabilité avant d’être réunis avec leurs parents au Canada. Plus l’attente est longue, plus la sécurité, la santé et même la vie des réfugiés est en péril.Le CCR a préparé une Déclaration concernant les réfugiés africains ouverte à la signature d’autres organismes.

Le Jumelé récompensé ! Le Jumelé a été honoré le 1er mai dernier, à Lac-Beauport, lors de la remise des Prix de l’AMECQ 2011. Les Prix ont pour but de reconnaître les efforts fournis par les artisans de la presse com-munautaire soucieux d’offrir à leurs lecteurs un journal de qualité. 90 journaux et magazines de tous les coins du Québec étaient invités à participer à ce concours.

Le Jumelé a reçu le 1er prix de photographie de presse, avec une note parfaite, pour une photographie de Joe Trouillot réalisée par Alain Thibault. La photographie accompagnait l’article de Yves Bernard « Joe Trouillot, le patriarche de la chanson haïtienne » (Le Jumelé, Hiver 2010).

L’équipe du Jumelé peut être très honorée de cette reconnaissance. C’était notre première participation au concours depuis la relance du Jumelé sous sa nouvelle formule en 2006.

« Depuis trois à quatre ans, la priorité des autorités gouvernementales semble surtout se limiter à informer et à « éduquer » les nouveaux immigrants sur des valeurs communes spécifiques au Québec (...).Ainsi, le gouvernement a multiplié avec force la production de guides, de dépliants, d’information et de sites sur le web à l’attention des nouveaux immigrants. On a augmenté les sessions d’information de tous ordres. Le Québec a même imposé à chaque nouvel immigrant la signature d’une déclaration d’adhésion aux six valeurs fondamentales. On a fait également beaucoup dans les mesures de francisation.

Il n’est certes pas inutile, ni mauvais d’informer les immigrants sur ce qui les attend au Québec ou de les franciser ... mais où est la bidirec-tionnalité, l’interaction ? Comment s’articule la responsabilité et les actions à mener par la société accueillante pour inclure ces nouveaux arrivants ? Quelles ont été les initiatives ou les mesures mises de l’avant auprès de la société d’accueil afin de préparer le Québec aux change-ments sociétaux et culturels que nous vivons actuellement ? L’effort de ce côté a été marginal, pour ne pas dire absent. »

Stephan Reichhold, directeur TCRI (extrait de conférence, symposium sur l’interculturalisme, mai 2011).

La Déclaration est disponible à http://ccrweb.ca/fr/declaration-refugies-africains

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Dixième anniversaire 20 juin 2011 : Journée mondiale du réfugiéNima Yaël

Dix ans déjà qu’on célèbre à travers le monde la journée mondiale des personnes réfugiées. En 2009, on dénombrait 43,3 millions de personnes déplacées de force. Le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés a décidé, depuis 2001, que cette journée serait le 20 juin, en hommage à la journée africaine des réfugiés célébrée ce même jour, l’Afrique étant le continent qui en reçoit le plus, contrairement à certaines idées reçues sur le sujet.

Réfugiés politiques, économiques et maintenant climatiques, où en sommes-nous au Québec devant cette réalité difficile qui perdure ? Depuis 1991, Le Québec reçoit envi-ron 1900 réfugiés par an et a opté pour une régionalisation de cette immigration et un développement rapide de l’autonomie des réfugiés. De 2005 à 2009, c’est un peu plus de 9000 personnes qui ont trouvé au Québec une terre d’asile.

Tout récemment, la Ville de Québec a reçu 50 réfugiés montagnards qui ont fui la persécution religieuse dont ils ont été victimes au Vietnam et qui risquaient de devoir y retourner depuis la fermeture, le 15 février 2011, du Centre d’accueil des réfu-giés montagnards à Phom Penh au Cambodge. Human Right Watch a constaté dans son dernier rapport

que le gouvernement vietnamien a intensifié sa répression contre la minorité autochtone chrétienne qui réside dans la région centrale des Hauts-Plateaux. Rafles policières, dissolution des rassemblements or-ganisés dans « les églises de maison », renonciations forcées à la religion, bouclage de la frontière avec le Cambodge pour les empêcher de fuir, « procès ambulants » devant des centaines de personnes, etc. Rien qu’en 2010, 70 Montagnards ont été placés en détention ou arrêtés et plus de 250 sont en prison après avoir été accusés de menacer la sécurité nationale.

Selon les accords Canada-Québec de 1991, le Québec est tenu d’accueillir une proportion d’immigration hu-manitaire équivalente à son poids démographique au sein du Canada,

soit 22 % de l’immigration humani-taire de l’ensemble du pays et reçoit en contrepartie une contribution du fédéral pour couvrir les services d’installation, d’intégration et de francisation de ces réfugiés. Pour tous les immigrants écono-miques et les réfugiés qui arriveront au Québec en 2011-2012, la contri-bution canadienne sera de 258,4 millions $ à titre de compensation pour l’intégration et la francisation notamment (une somme toutefois bien supérieure à celle véritablement investie par Québec dans l’accueil des nouveaux arrivants).

Or, comme le souligne Sylvie Guyon, coordonnatrice du volet « jeunes » de la Table de concertation des orga-nismes au service des personnes immigrantes et réfugiées (TCRI), « malgré la mobilisation des com-munautés et les adaptations pro-metteuses des pratiques dans les localités d’accueil des réfugiés en région, force est de constater que la préparation des milieux, incon-tournable pour faciliter l’intégration des familles réfugiées, reste très insuffisante »1. Offrir le couvert et le logis, comme on disait autrefois, c’est bien et sans doute charitable, mais il faut permettre aux intervenants du milieu (enseignants, agents de liaison, intervenants communau-taires, psychologues, médecins, etc.) d’agir ensemble et d’être formés adéquatement pour comprendre les situations très complexes dans lesquelles se retrouvent ces réfugiés qu’on « saupoudre dans les régions », pour désengorger Montréal… Il faudra du temps, des ressources humaines, de l’argent et une volonté de sensibilisation du grand public par notre gouvernement pour surmonter ce défi du XXIe siècle. n

Cette édition de la Journée mondiale du réfugié revêt une importance toute particulière pour le HCR qui fête également cette année le 60e anniversaire de la Convention de Genève (1951) relative au statut des réfugiés et le 50e anniversaire de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. En cette année doublement commémorative et à l’occasion de la Journée mondiale du réfugié 2011, le HCR a conçu une campagne de sensibilisation intitulée « 1 seul, c’est déjà trop » pour promouvoir et renforcer la protection internationale.

Encore cette année, la Mission Communautaire de Montréal, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et plusieurs autres partenaires célébreront cette importante journée du 20 juin sur le parvis de l’Église St-James (463, rue Ste-Catherine Ouest) sous des chapiteaux blancs, de 11h30 à 16h30.

1 Sylvie Gagnon, La réinstallation des réfugiés sélectionnés à l’étranger au Québec, un secret bien gardé !, dans INSCAN, vol 24, numéros 3-4, Hiver-printemps 2011.

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Une liberté d’expression fragileOlivia ThiOlleT

Amnistie Internationale Canada francophone fête, cette année, ses 50 ans. L’occasion de faire le point sur la santé de la liberté d’expression au Québec. Des débats comme le forage de gaz de schiste au Québec ou la participation citoyenne aux dernières élections fédérales prouvent que la liberté d’expression est bien présente au Québec.

Un acquis qui reste néanmoins « fragile et en évolution », comme le souligne Denis Barrette, avocat, mi-litant de la ligue des droits et liberté. Anne Sainte-Marie, responsable des communications d’Amnistie Internationale Canada francophone, rappelle qu’il faut rester vigilant. « Les droits ne sont jamais acquis. Si on accepte que la liberté d’expres-sion soit menacée ailleurs, on peut tolérer qu’elle soit menacée ici. Beaucoup de gens s’imaginent qu’il n’y a plus de lutte à mener, on finit par perdre ses réflexes citoyens. »

Une notion complexePour M. Barrette, animateur d’ate-liers de formation sur la question, la liberté d’expression « n’est pas née avec les chartes ou les lois » mais est intrinsèquement liée à la condition humaine. Pilier de la démocratie, elle permet à une société de fonctionner correctement. « La liberté d’expres-sion c’est le médicament contre les certitudes », soutient l’avocat qui rappelle que les libertés d’opi-nion, de presse et de religion y sont liées, de même que la participation politique.

Pensée unique ?Si le Québec est assez bien loti, comparé au reste du monde, la dé-

monstration de liberté d’expression n’est pas forcément la même pour tous. La pression de la société peut par exemple influencer les groupes minoritaires, selon Mme Sainte-Marie qui évoque « la pression de l’opinion publique soutenue par les médias pour ne pas permettre aux voies dissidentes de s’exprimer ».M. Barrette évoque l’application des pouvoirs politiques et la capa-cité financière des individus. « Les pouvoirs en place font en sorte que les idées dissidentes, marginales, dérangeantes ont dû mal à être diffusées », dit-il. Il illustre ses pro-pos par l’accès restreint aux médias de masse tels que la télévision pour les groupes dissidents et souligne que l’affichage est « excessivement contrôlée. Afficher sur des colonnes « Morris » [postées sur les trottoirs de la ville] est dispendieux. »

Manifester : un droit gratuit et légal« Le moyen le moins cher c’est de prendre ses pieds et d’aller mar-

cher », poursuit le militant de la ligue des droits et libertés. « Chez Amnistie Internationale, on observe que des gens imaginent qu’il faut un permis pour manifester, alors que l’on n’en a pas besoin », com-plète la directrice des communi-cations. Si le périmètre de sécurité mis en place lors de la tenue du dernier G20 à Toronto et les arres-tations massives restent dans la mémoire collective, ces dernières

ont néanmoins diminué au cours de ces dernières années à Mont-réal. André Jacob, coordonnateur de l’observatoire international sur le racisme et les discriminations à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) constate que les policiers ont reconnu les cas de « bavures », qui ont pu se produire par le passé, facteur positif de changement.

S’informer pour mieux s’exprimerFacteur clé de la bonne santé de la liberté d’expression : la diversité de l’information. « Il est nécessaire de faire comprendre les choses à la population pour faire changer les choses. Il ne faut pas laisser un parti politique, quel qu’il soit, avoir la

main mise sur l’information diffusée aux citoyens », conclut Mme Sainte-Marie. n

Si on accepte que la liberté

d’expression soit menacée

ailleurs, on peut tolérer

qu’elle soit menacée ici.

« Les pouvoirs en place

font en sorte que les idées

dissidentes, marginales,

dérangeantes ont dû

mal à être diffusées »

L’interculturalismeAu moment où les modes d’intégration des immigrants sont débattus et com-mentés un peu partout sur la scène internationale, un symposium consacré à l’interculturalisme a eu lieu à Montréal du 25 au 27 mai derniers. Cet évé-nement visait à combler un besoin d’orientations, de politiques et de balises à l’intention des décideurs des institutions publiques et privées, tout comme à l’intention des citoyens en général. Organisé par un groupe d’intervenants et de chercheurs, le symposium a bénéficié de la participation de dirigeants et de dirigeantes du Conseil de l’Europe et a réuni des conférenciers et des conférencières du Québec et de plusieurs pays. L’objectif principal était de faire le point sur l’interculturalisme et de mieux le définir comme modèle d’intégration et, plus particulièrement, comme façon de vivre la diversité ethnoculturelle dans les sociétés démocratiques.

L’interculturalisme propose une manière de vivre ensemble dans la diversité. Sa caractéristique principale réside dans une insistance sur les interactions, échanges, rapprochements et initiatives intercommunautaires dans un objec-tif d’harmonisation, d’intégration et d’unité. Dans le respect de la diversité, le modèle vise aussi à faire émerger à long terme des valeurs, des visions et des aspirations communes au sein des composantes ethnoculturelles de la société. n

Gérard Bouchard professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi et Gabriella Battaini-Dragoni, coordonnatrice du dialogue interculturel au Conseil de l’Europe, lors de la conférence d’ouverture du Symposium sur l’interculturalisme animée par Simon Durivage.

Denis Barrette, avocat, au centre de la photo, lors du lancement du Bulletin de la Ligue des droits et libertés portant sur la liberté d’expression. À ses côtés, Lucie Lemonde, professeure, Département des sciences juridiques de l’UQÀM et Maude Prud’homme, agente de projet SLAPPs, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE). L’événement, co-organisé avec le Centre québécois de formation en matière de droits humains (CQF), s’est tenu le 9 juin dernier au café l’Escalier à Montréal.

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FraNs vaN DuN

L’auteur fut tour à tour enseignant en Afrique et au Québec, fonctionnaire au ministère de l’Immigration à Bruxelles, avant de fonder le journal régional L’Écrivain public à l’Assomption (Lanaudière) et de raconter cinq parcours d’immigrants dans son livre Tout quitter pour la liberté.

Il n’y a pas longtemps, j’ai reçu par courriel une petite vidéo représentant une scène de rue dans une ville américaine. Un vieil homme, aux yeux clignotants, est installé par terre sur des bouts de carton, une petite boîte métallique devant lui. À ses côtés, une pancarte branlante avec les mots : Je suis aveugle. Ayez pitié de moi.

La plupart des passants, pressés, jettent un regard distrait sur la scène. Rares sont ceux qui déposent une pièce d’argent dans la boîte.

Arrive une jeune fille. Elle passe, mais retourne aussitôt sur ses pas. Regarde l’homme, saisit un bout de carton et y inscrit avec un crayon feutre les mots suivants : Quelle belle journée aujourd’hui ! Mais moi, je n’en vois rien. La demoiselle continue son chemin. Du coup, d’autres pas-sants, nombreux, portent attention à la scène, s’arrêtent et déposent une pièce d’argent dans la boîte de conserve. L’aveugle, lui, avait juste eu le temps de tâter les souliers de la mystérieuse présence devant lui et de deviner son allure.

Cette vidéo portait comme titre : The Power of Words – La force des mots.

J’ai eu la chance récemment de rencontrer Sonia Anguelova. À la fin de l’entretien, me promenant sur la rue Laurier à Montréal, cette petite vidéo m’est revenue à l’esprit. Vous saisirez bientôt le pourquoi de ce rapprochement.

Sofia - Sous une chape de plombLa Bulgarie est un petit pays peu connu de vieille civilisation slave. Sa population ne dépasse guère celle du Québec. La capitale, Sofia, garde encore des vestiges de plusieurs empires qui ont occupé le pays au cours des siècles : grec, romain, otto-man. Aucun n’a réussi à s’y implanter définitivement.

Nous sommes au début des années 50. Sonia se rend à l’école avec

ses petites amies en traversant le centre-ville. Écolière studieuse, sa préférence va déjà vers les langues. D’abord, le russe. Elle affectionne également les beaux livres.

Les fins de semaine, elle accompagne son père, agronome aux racines pay-sannes, dans la banlieue où la famille cultive un jardin. Sonia apprend à aimer la terre.

Mais la Bulgarie est devenue un pays satellite de l’URSS à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le régime communiste y impose un endoctrinement idéologique étouf-fant et bannit tout ce qui sort de la norme collective. Pas question non plus d’éducation religieuse. L’église orthodoxe survit tant bien que mal dans la clandestinité. Pour la petite Sonia, on est à l’opposé d’une enfance à l’eau bénite comme au Québec !

Cuba, une étape charnièreSonia a seize ans quand son père accepte un poste de coopérant à Cuba, pays communiste ami. Il y précède sa famille.

Nous sommes en 1968. Grand déran-gement en Tchécoslovaquie : irrup-tion du printemps de Prague avec l’éclosion d’un régime communiste à visage humain, brutalement répri-mée par l’armée russe et les troupes du pacte de Varsovie.

Quand finalement la famille Angue-lova peut aller rejoindre le père à Cuba et fait escale à Prague, Sonia subit un choc. L’information of-ficielle relative au printemps de Prague telle que diffusée en Bulgarie

s’avère radicalement manipulée. L’adolescente ouvre pour la première fois les yeux sur la vraie nature de la dictature communiste. Ébranlée, honteuse, cette constatation laissera des cicatrices définitives.

Son séjour de trois ans à Cuba, de 16 à 19 ans, est marqué du sceau d’une dualité. D’un côté, Sonia dé-couvre avec ravissement la culture latino-américaine. Après une an-née décevante en médecine, elle plonge dans l’apprentissage de la langue espagnole de Cervantes, de Federico Garcia Lorca et de Gabriel Garcia Marquez et est convaincue désormais que sa voie et sa vocation s’orientent vers le territoire de la littérature. C’est à La Havane aussi que la jeune étudiante vit ses amours printanières.

Mais de l’autre côté, le soleil de Cuba projette aussi des ombres. Quelque chose grince. La petite colonie bul-gare reste téléguidée par son gou-vernement communiste lointain. Les privilèges matériels n’assurent pas une aire de liberté. Or, Sonia ressent une aspiration irréversible de grand air et d’indépendance. Elle veut secouer le joug d’un grégarisme accablant. Et c’est à travers une fuite vers le Canada que la volonté de s’affranchir se planifie en secret.

À 19 ans, seule, rusée, elle déjoue tous les contrôles. Feignant un retour en avion vers Sofia, elle quitte l’ap-pareil à Gander pour mettre le pied sur le sol canadien. Son coup monté réussit. Elle est accueillie à titre de réfugiée politique.

La rude aventure de l’acclimatation au QuébecNeuf ans en Gaspésie, au fond d’un rang. Destin exceptionnel pour une

jeune femme immigrante. Nous sommes dans les années 70, l’époque du flower power où des citadins tentent un retour à la terre et rêvent d’une société nouvelle. Il y a du meilleur et du pire dans ces expériences. Sonia s’associe à un groupe et vit souvent à la dure des expériences fondamentales. Elle crée des liens avec quelques rares voisins. La familiarité avec la terre lui rap-pelle son jardin dans la banlieue de Sofia. Le travail manuel de la restau-ration de vieilles bâtisses lui apporte un équilibre. La maternité lui assure un ancrage sûr tandis qu’un amour disloqué la contraint à s’affirmer comme femme battante et debout.

En Gaspésie, l’immersion en français est totale. La jeune Bulgare écoute, parle, lit. Elle jongle avec les mots et commence à écrire.

Plus tard, au début de la trentaine, elle se donne la chance de fréquen-ter l’Université Laval où elle obtient un bac en littérature et histoire de l’art. Sa voie est plus évidente que jamais. C’est celle de l’écriture dans laquelle une veine poétique effleure constamment que ce soit dans un roman, dans des pièces de théâtre, des nouvelles et un livre pour les jeunes. Oui, on la devine avant tout poète, de la race de Jacques Prévert qu’elle a découvert à l’adolescence. Par ailleurs, l’écrivaine collabore à plusieurs revues, travaille de mul-tiples manières en animation cultu-relle, offre des ateliers en création littéraire et donne des conférences.

Rencontrer Sonia AnguelovaRencontrer Sonia Anguelova en personne est un privilège en même temps que la découverte d’un nou-veau visage de la planète intercul-

turelle, original, rassurant, lumineux. Mais le lecteur n’a pas grand-chose à envier à l’intervieweur. Il suffit d’aller à la rencontre de ses livres. Le mieux, c’est sans doute de commen-cer par son Abécédaire des années d’exil. Ce genre littéraire est comme une courtepointe. Chaque entrée a son charme. Quelques-unes sont incontournables : Art – Démocratie – Espoir – Harcèlement – Icône – Jardin – Maison – Nostalgie – Tipi – Vie – Voix. L’ensemble dégage une cohérence harmonieuse et trace le portrait révélateur d’une femme en accord avec les valeurs communes des Québécois – langue, laïcité, éga-lité hommes-femmes, démocratie non-violente, sens de la solidarité, liberté individuelle – tout en étant fidèle à sa culture bulgare depuis toujours trait d’union entre l’Occi-dent et l’Orient. Mais sous la plume de Sonia, tout ce qu’elle touche porte la griffe de sa personnalité originale.

Comme écrivaine, Sonia Kaleva An-guelova est jeune encore. Brique par brique, elle construit une œuvre en français, langue qui lui est devenue comme une seconde patrie. Elle en maîtrise la richesse, les nuances et la pugnacité.

Cette femme de projets et de défis n’a jamais opté pour l’appât du gain, mais s’engage dans de multiples solidarités. Par-dessus tout, elle croit à la force des mots et à leur beauté communicative. C’est pourquoi, ses écrits me rappellent spontanément la pancarte du vieil aveugle sur le trottoir d’une avenue de New York. n

Pour en savoir plus : Les livres de Sonia Anguelova sont disponibles en bibliothèque ou à [email protected]

Sonia Kaleva Anguelova

Le parcours rare d’une réfugiée politique,

aujourd’hui écrivaine d’expression française

au Québec

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sYlvie GuYON Coordonnatrice du volet Jeunes de la TCRI

La dégradation de la situation des immigrants au Québec n’est plus un secret pour personne : chômage trois fois plus élevé, emplois très en-deçà de leurs compétences, pauvreté croissante, etc. Si les nouveaux arrivants peinent à se faire une place au Québec, qu’en est-il de leurs enfants ? Réussissent-ils à cheminer vers une pleine participation à la société québécoise et ainsi à redonner sens au projet migratoire de la famille ?

Pour répondre à cette question, le comité aviseur Jeunes de la Table de concertation au service des per-sonnes réfugiées et immigrantes a mené une vaste enquête auprès des organismes communautaires d’accueil des nouveaux arrivants à la grandeur du Québec. Cette étude a mis en évidence la discrimination dont sont victimes certains jeunes immigrants ainsi que le malaise d’une partie importante des inter-venants scolaires dans leurs efforts pour accompagner ces jeunes dans un cheminement scolaire à la hau-teur de leurs potentiels.

Les immigrants qui arrivent très jeunes au Québec tirent relative-ment bien leur épingle du jeu, grâce notamment aux efforts consentis pour faciliter leur intégration dans

les écoles primaires (programmes de francisation, ressources humaines spécialisées, collaboration avec les organismes communautaires…). Ils sont en effet 75.2 % à obtenir leur diplôme secondaire après 7 ans (selon les données 2008-2009 du MELS, 71,9 % des élèves québécois ont obtenu un diplôme d’études secondaires ou de formation profes-sionnelle après sept ans). En revanche, les jeunes qui arrivent à l’adolescence (12-17 ans) ren-contrent des obstacles majeurs qui sont déterminants à court terme pour leur avenir social et profes-sionnel. Lorsqu’ils intègrent l’école québécoise pour la première fois au niveau secondaire, ces jeunes sont seulement 48 % à diplômer après 7 ans1. Le cheminement scolaire de ces adolescents est entravé par des

obstacles systémiques (évaluations inadaptées, cheminements sco-laires ne correspondant pas à leurs capacités réelles…) et une prise en compte insuffisante des réali-tés vécues par ces jeunes et leurs familles (relations école/famille dysfonctionnelles, soutien scolaire insuffisant, curriculum inadapté pour les élèves sous-scolarisés…). Or, alors que les besoins d’adaptation et de support sont accrus pour ces jeunes, les écoles secondaires font figure de parents pauvres en la matière (y compris pour les jeunes non-immigrants). Autre problème, le transfert trop systématique de ces jeunes en formation générale aux adultes (FGA) où l’approche

modulaire qui requiert une grande auto-n o m i e e s t peu adaptée

à leurs besoins. Rappelons-nous que la FGA a été conçue en fonction du potentiel et des besoins d’adultes québécois retournant aux études.

Cette enquête a aussi révélé la fré-quence élevée des demandes de support faites aux organismes d’ac-cueil des immigrants par le milieu scolaire, ce qui indique clairement que c’est là que les profession-nels rencontrent le plus de diffi-cultés à composer avec les jeunes immigrants. L’école, principal espace de socia-lisation des enfants, apparaît aussi comme un terrain privilégié pour faciliter l’intégration des familles immigrantes. Pour la famille comme pour l’école, le défi est à la hauteur de l’opportunité que représente cette rencontre, l’intégration de l’une passant par l’adaptation réci-proque de la famille et de l’école.

Les organismes d’accueil au service des nouveaux arrivants gardent confiance dans le fait qu’un che-minement scolaire, social et pro-fessionnel plus équitable pour ces jeunes reste possible et suggèrent de nombreuses pistes de réflexion et d’action notamment pour rendre les services publics mieux adaptés et donc plus accessibles aux jeunes immigrants et à leurs familles dont les besoins spécifiques sont trop souvent sous-estimés. Ces diverses recommandations sont exposées dans le rapport que la TCRI a soumis dans le cadre de la consultation sur le profilage racial menée par la commission des droits de la personne et de la jeunesse ainsi que dans son tout récent rapport sur l’intégration des enfants et des jeunes immigrants de première génération au Québec. Ces deux documents sont accessibles sur le site Internet de la TCRI. n

1. On regarde généralement le taux de diplomation des jeunes après 7 ans passés au niveau secondaire ou après 5 ans passés au secondaire. Pour les jeunes immigrants qui arrivent à l’adolescence, il est plus pertinent de regarder après 7 ans car deux ans plus tard que l’âge normal, ils sont nombreux à avoir compensé leurs lacunes.

Un avenir meilleur pour nos enfants au Québec

Du rêve à la réalité

L’évaluation des jeunes nouveaux arrivants Erreurs de diagnosticsDe nombreux répondants du milieu communautaire soulignent « l’inadéquation des approches et des outils d’évaluation » qui entraînent « des erreurs de diagnostic » avec des conclusions de « sous scolarisation, de déficience intellectuelle, de retard scolaire », voire même une médicalisation exagérée pour des problèmes diagnostiqués comme étant de la dyslexie (troubles de la lecture), de la dysphasie (troubles du langage) alors qu’il s’agit en réalité de difficultés de prononciation, d’accents, de vocabulaire chez des jeunes en apprentissage d’une nouvelle langue. Ces jeunes seraient trop « souvent dirigés dans des classes de cheminement particulier » qui ne correspondent pas à leurs besoins et « leur créent des problèmes supplémentaires ». Dans le même sens, Françoise Armand (2009) souligne l’importance de faire la différence entre certaines difficultés mineures (phonologie, vocabulaire, grammaire…) ou certains comportements (silence d’un élève) qui font partie intégrante du processus d’apprentissage d’une langue seconde et qui peuvent être à tort interprétées comme des besoins de recours à un soutien linguistique ou des manifestations de difficultés d’apprentissage. Elle souligne qu’à cet égard, lorsqu’ils sont familiarisés avec le processus d’apprentissage d’une langue seconde, les enseignants des classes régulières « ont la possibilité d’adapter leur enseignement et d’apporter au besoin le soutien nécessaire à ces apprenants pour lesquels le français passe du statut de langue seconde à celui de langue d’enseigne-ment » (Armand, 2009 : 110).

Pour en savoir plus, visiter www.tcri.qc.ca/pdf/nouveautes/2011-03-31_nouveaute%20CRAJ.pdf

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PaTrick BellerOse Collaboration spéciale du magazine Le Must

Ils se nomment Mathar, de Coussergues, ou Ferembach. Ces Néo-Québé-cois réinventent notre terroir en s’inspirant de leur pays d’origine. Visite au cœur des régions sous influences.

Quand Cédric Fontaine s’est installé au Québec en 2001, ses nouveaux amis québécois l’ont prévenu : « Tu ne trouveras pas ici les produits spécialisés auxquels tu étais habitué en France ! ». Qu’à cela ne tienne, l’entrepreneur épicurien a décidé d’aller à leur recherche. L’année sui-vante, il lançait TerroirsQuébec.com, un site faisant la promotion et la distribution des produits québécois. Au départ, celui-ci répertoriait une vingtaine de produits, à tout casser, huit ans plus tard, il propose plus de 200 produits de partout au Québec.

Cédric Fontaine fait partie de ces immigrants, principalement euro-péens, qui, on le constate plus que jamais, ont contribué à bâtir et pro-mouvoir notre terroir. Lui-même en est d’ailleurs témoin. « Près du tiers de mes fournisseurs sont nés hors Québec, relate-t-il. Et ce qui est fascinant dans leur travail, c’est qu’ils apportent des recettes et des tech-niques nouvelles qu’ils appliquent aux réalités d’ici. »

C’est le cas notamment de Fabienne et Frédéric Guitel. Elle de Suisse, lui de Normandie (France), ils ont fondé la fromagerie La Suisse Normande à Saint-Roch-de-l’Achigan, dans Lanaudière. Producteurs fromagers depuis près de 15 ans, ils font partie des pionniers de l’industrie au Qué-bec. Attiré par la possibilité d’acquérir ici une terre arable, « en Europe, c’est quasiment impossible à moins qu’elle ne vienne de vos parents ! », le couple produit des fromages à partir de troupeaux de chèvres, vaches et brebis de la région. Parmi les plus connus, on retrouve Le Pizy, un fro-mage de lait de vache à pâte molle et à croûte fleurie originaire du canton

de Vaud, en Suisse. Il doit son nom au village natal de Fabienne Guitel, soit Pizy, qui est aussi l’endroit où elle et son mari se sont rencontrés. « Ce fromage est inspiré de la tomme vau-doise, qui était mon préféré quand j’habitais en Suisse ! Quand il a été question de produire du fromage ici, c’est certain que j’ai pensé à celui-là ! », explique Fabienne Guitel.

Mettre une richesse en valeur Certains de ces immigrants sont particulièrement doués pour la

commercialisation, comme Gérard Mathar, un Belge installé à Douglas-town en Gaspésie, entre Gaspé et Percé. Il propose vingt-cinq variétés de champignons sauvages et autres produits des bois. Pour l’aider dans la cueillette, il a formé près d’une cen-taine de cueilleurs qui parcourent les bois à la recherche de champignons, mais aussi de têtes de violons, de baies et autres produits sauvages. Ses produits se retrouvent ensuite dans les épiceries fines des grands centres, de même que sur la carte de grands restaurants, dont Toqué !. Design sophistiqué, site Web éla-boré, distribution extensive, ceux-ci bénéficient d’une excellente mise en marché, dans une industrie dominée par la production artisanale.

D’autres nouveaux arrivants, comme Raymond Ferembach, Français d’origine, ont découvert et exploité des richesses carrément ignorées jusqu’ici. M. Ferembach, qui a par-couru durant plusieurs années les grands océans du globe afin de réaliser des documentaires, a été impressionné par les algues… de la Gaspésie. En arrivant dans la Baie-des-Chaleurs, il a tout de suite vu le potentiel de cette « biomasse lami-naire », déjà exploitée en France et au Japon.

Il a ouvert son usine en 2005 à Pas-pébiac. « Les habitants de la région me disaient : on haït ça nager là-dedans, tu ne va pas nous les faire manger ! », dit-il en rigolant. En plus de les manger nature ou saumurées, elles sont transformées en flocons, que l’on ajoute aux salades ou po-tages. Et Raymond Ferembach ex-plore la possibilité de les vendre sous forme de farine, eh oui !, puisqu’il a découvert qu’on peut en faire du pain, des pâtes alimentaires, etc.

L’ingéniosité au service du terroirSans surprise, ce sont aussi des Fran-çais, Dietrich Jos, aujourd’hui décédé, et Charles-Henri de Coussergues, qui ont rendu possible la culture du vin au Québec. « Avant leur arrivée, plusieurs vignerons avaient tenté de créer des vignobles québécois, mais avec peu de succès », explique Jean-Pierre Lemasson, professeur spécia-lisé en tourisme gastronomique à l’UQAM.

Fils et petit-fils de vignerons français, Charles-Henri de Coussergues est venu au Québec à l’âge de 22 ans dans le cadre d’un stage. « J’ai eu un coup de foudre pour le Québec, ses grands espaces, et l’accueil chaleu-reux des Québécois », avoue-t-il.

Jusque-là, la production vinicole au Québec faisait face à un obstacle de taille : les pieds de vignes gelaient l’hiver lorsqu’il n’y avait pas suffi-samment de neige pour les recouvrir. « Mais je savais qu’en Europe de l’Est

Une cabane à sucre tenue par des Chinois« Des Chinois achètent la Ca-bane Chez Roger », titrait le quotidien Le Nouvelliste en février 2009. L’événement avait de quoi faire sourciller. La famille Liu, de Taiwan, suit les préceptes de l’église du Nouveau Testament. Quand le prophète Elie Hong a appelé ses fidèles à opérer un retour à la terre, la famille installée au Québec s’est naturelle-ment tournée vers la culture la plus typique de la province, l’acériculture. « C’était le pro-duit qui contenait le moins de produits chimiques, le plus pur », explique Candy Liu, une de deux filles de la famille Liu.

Après une première année difficile, l’aide des voisins a permis aux Liu de faire fonc-tionner la cabane à sucre sans anicroche l’an dernier. Mais pas question d’egg rolls dans le sirop, le menu demeurera typiquement québécois, dit Candy Liu. « Mais peut-être un peu plus santé », ajoute-t-elle.

Et que pense-t-elle du repas traditionnel du temps des sucres ? « C’est spécial, lance-t-elle. Disons qu’il faut mettre beaucoup de sirop ! »

Terre d’accueil

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La technique de renchaussage des pieds de vigne, importée d’Europe de l’Est dans les années 1980, permet au Québec de créer des vignobles résistants aux hivers rigoureux.

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il existe une technique qu’on ap-pelle le « renchaussage », qui consiste à recouvrir de terre les pieds de vignes pour éviter qu’ils ne gèlent », dit Charles-Henri de Coussergues. Dans les années 80, le jeune homme achète alors avec ses associés une terre lors d’un encan et mécanise le processus de « renchaussage ». Le coup de dés fonctionne dès le début et le vignoble de Dunham en Estrie, l’Orpailleur, est aujourd’hui l’une des étiquettes québécoises les plus reconnues.

Et, qui plus est, la méthode de « ren-chaussage », initiée par Charles-Henri de Coussergues, a permis à de nombreux producteurs de créer des vignobles dans notre climat rigou-reux, si bien qu’on en compte près d’une centaine 20 ans plus tard.

Nouvelle terre, nouveaux produitsÀ quelques kilomètres de là, à Fre-lighsburg, Christian Barthomeuf a carrément inventé le cidre de glace, un produit 100 % québécois. Natif de France, il travaillait sur un vignoble du Québec il y a 20 ans quand il eut l’idée de cesser de se battre contre le froid et de tenter de s’en faire un allié. Ses nombreuses recherches l’ont mené à explorer le patrimoine agricole du Québec et les pommiers sauvages. « Nous avons mis des an-nées à trouver un type de pommes, qui contrairement, à la vaste majo-rité, resteraient accrochées à l’arbre

jusqu’au mois de janvier », a-t-il déjà expliqué en entrevue.

Plus récemment, un Belge a eu une idée encore plus farfelue : créer une liqueur de tomates. Établi à Baie-Saint-Paul, Pascal Miche affirme que la recette a été inventée par son arrière-grand-père qui s’amusait, dans le plat pays qui était le sien, à faire fermenter différents fruits et légumes, dont la pomme de terre, la pêche et les noix. Malheureuse-ment, le statut ambigu de la tomate (est-ce un fruit ou un légume ?) a empêché jusqu’ici Pascal Miche de commercialiser sa recette familiale. Au Québec, un fruit peut être trans-formé en alcool, mais pas un légume. Loin de goûter le Bloody Caesar, Pascal Miche affirme que son pro-duit est liquoreux comme un porto et doit être servi en apéritif ou en digestif. (NDLR : après dix années de longues démarches, Pascal Miche a finalement obtenu, en mars dernier, un permis de production, transfor-mation et vente pour ses apéritifs à base de tomates qui sont mis en vente depuis début de juin).

Voir plus grandAu-delà de leur intérêt à créer une entreprise qui leur procurera un gagne-pain, plusieurs nouveaux arrivants ont pris fait et cause pour leur terre d’accueil. Christian Bar-thomeuf a aidé de nombreux autres producteurs à se lancer dans la pro-duction du cidre de glace. Pour sa

contribution, il a été, en juin dernier l’un des cinq premiers récipiendaires des prix, nouvellement créés, de la gouverneure générale du Canada pour les arts de la table.

Président de l’Association des vi-gnerons du Québec depuis 2008, Charles-Henri de Coussergues, pro-priétaire de l’Orpailleur, est l’un des plus ardents défenseurs du terroir québécois. Il a milité pour faire en-trer les vins d’ici dans les restaurants de la province, de même qu’à la SAQ. Il a aussi été un pionnier de l’agro-tourisme au Québec, en ouvrant un restaurant sur son vignoble et invitant les passants à venir visiter l’installation. Il est aussi à l’origine

du premier étiquetage certifiant les vins québécois, initiative datant de l’été dernier.

Raymond Ferembach aussi fait bouger son industrie. Il est l’initia-teur d’un premier séminaire sur les algues organisé en 1992 par Pêche et Océans Canada. La « filière » des algues s’est tant développée depuis, qu’un colloque encore plus impor-tant eut lieu en mars dernier sur la valorisation de ces plantes marines. Outre les produits de consommation, les algues peuvent servir dans les domaines des carburants de troi-sième génération, de la santé, de la cosmétique et des biomatériaux. Au total, on estime le marché des

algues marines à sept milliards de dollars américains annuellement. « Des Français m’ont dit que nous avions ici une fortune en algues, dit Raymond Ferembach avec enthou-siasme. Ce sont les plus belles algues du monde ! »

De plus en plus de couleurSelon plusieurs, avec l’immigration grandissante, il y a fort à parier que ces contributions se multiplient et se diversifient. Viendra sans doute un jour où ce sont les gens du Maghreb, du Vietnam ou de l’Inde qui vien-dront colorer le terroir québécois. À quand du chutney au sirop d’érable ? n

➤ Suite de TERRE D’ACCUEIL page 6

L’Orpailleur, fruit d’un échange France-QuébecEn 1985, le domaine situé au bord de la route 202 à Dun-ham n’avait pas encore de nom. L’un des propriétaires, Frank Furtado, agent d’ar-tistes, représentait à l’époque Gilles Vigneault. Il parle avec lui du domaine, de la terre, de la vigne, du premier vin produit. Quelques jours après, le chanteur-poète propose le nom qui restera celui du domaine, soit l’Orpailleur, un nom qui rappelle les pre-miers colons chercheurs d’or de la région tout en ayant une notion de terroir chère aux quatre associés. Dans un texte qu’il fait pour l’occa-sion, l’artiste parle du vin : « Sa robe, son parfum, son arôme et son bouquet sont comme autant de paillettes d’or qui se souviennent des neiges sous lesquelles elles ont passé l’hiver » Inspirant !

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Nachammai ramaN

Basée à Montréal, l’auteur est pigiste pour la radio et la presse écrite.

Les immigrants qui arrivent au Québec apportent bien peu de biens matériels avec eux, mais en revanche, côté culinaire, leur apport est sans aucune commune mesure. Si manger est un instinct humain primordial, on n’oublie pas le goût cultivé dès la première enfance. Les cuisines natales font parties de riches bagages : visites d’épiceries sous influences.

À Montréal, la croissance de l’immi-gration en provenance de l’Asie et du Moyen Orient pendant les années 80 a engendré une demande pour de grandes épiceries ethniques comme le Supermarché Akhavan, Les Ali-ments Kim Phat ou encore le Marché Adonis. Ces épiceries d’un genre nou-veau pour le Québec ont permis aux immigrants de continuer à accéder à leur patrimoine culinaire, en même temps qu’elles sont venues contribuer à l’élargissement de celui du Québec. Il y a trente ans, les Québécois con-naissaient à peine le yogourt ou la sauce soja. Les premiers immi-grants orientaux reconnaissent que cela leur a beaucoup manqué. Aujourd’hui, ces produits font partie du quotidien, autant sur les tables de Québécois que d’immigrants.

Alors, une épicerie ethnique bien apprivoisée peut nous lancer à la découverte de toute une culture ou une civilisation.

Aller à épicerie comme on va au muséeAller au marché Kim Phat, par exemple, c’est parcourir tout le pa-trimoine culinaire d’Extrême-Orient sous un même toit. Commençons à la section des fruits servis en abon-dance dans les repas et les desserts asiatiques. Des bouquets de litchis rougeâtres ou de longanes châtains ; la vedette de l’exotisme le fruit de dragon et des kakis rebondis côtoient des raisins, pommes et oranges qu’on connaît bien au Québec. Gare aux mangues. Un fruit, plusieurs varié-tés : des mangues thaïlandaises bien tournées, les mangues mexicaines plus grosses et parfois de petites mangues indiennes.

Une vaste sélection de légumes peu connus hors de l’Asie comme les haricots de Goa, les racines de cur-cuma et les minuscules aubergines thaïlandaises qui sont en vérité une espèce de baie verte remplissent quelques rayons du Kim Phat. Les poudres de curry pour les cuisiner ne sont pas loin.

Le comptoir de viande et fruits de mer chez Kim Phat est très garni. On trouve des poissons et les crustacés asiatiques vivants dans des aqua-riums ; le client peut ainsi avoir le plaisir de faire son choix en pointant du doigt. Il y a aussi une section de viandes y compris les abats, ainsi qu’une rangée de produits dérivés comme les boules de poisson ou de boeuf particulièrement appréciés. On pourrait se croire dans un marché traditionnel qui est maintenant en voie de disparition même en Asie.

On cuit sur place les canards laqués ainsi que des petits pains bourrés de fèves mung (verts) sucrées, tandis que le restaurant voisin concocte des plats authentiques indochinois. Voilà un petit coin de l’Asie bien inséré à Montréal.

Le supermarché Akhavan, pour sa part, se spécialise dans les produits iraniens et moyen-orientaux comme les pâtes de pommes ou de cerises

iraniennes, plusieurs sortes d’olives, des thés et des jus de grenades. L’épicerie offre aussi une gamme de viandes halal qu’on trouve difficile-ment ailleurs. Elle est connue pour ses pains maisons comme nan-e san-gak, barbari et afghan. Ce sont des pains qui sont difficiles à fabriquer, mais qui font partie intégrante de la cuisine perse. La cuisine afghane res-semble un peu à la cuisine iranienne, mais la cuisine iranienne, qui est très douce, est assez différente de l’arabe.

On a recours au Marché Adonis pour retrouver les produits principalement arabes, notamment libanais. Les Libanais constituent la plus grande et la plus ancienne communauté du Moyen-Orient à Montréal (45 000 Libanais à Montréal). Ce marché est célèbre pour son labneh et ses fromages. Sa boucherie promet une viande plus tendre, plus juteuse et

plus succulente, mais pas nécessai-rement halal : kafta, chich-taouk, shawarma, saucisses libanaises, brochettes de poulet ou de porc, faux-filet, gigot d’agneau. À ne pas manquer : le marché est agrémenté d’un très grand choix de fruits et légumes frais et d’une pâtisserie où on peut déguster les sucreries à base de fruits et de noix.

Évidemment, les épiceries ethniques sont des lieux importants pour la conservation du patrimoine culi-naire. Elles fournissent des produits alimentaires pour cuisiner des mets traditionnels. Elles font également office de musées de la bouffe immi-grante et offrent l’occasion d’inno-ver et de s’ouvrir à de nouvelles saveurs québécoises : sandwich à l’hummus, baba ganouj sur toast, sundae de litchi… n

Les épiceries ethniques, gardiennes du patrimoine culinaire

On pourrait se croire

dans un marché

traditionnel

qui est maintenant

en voie de disparition

même en Asie.

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Chez Kim Phat, découpe en quartiers d’un durian. Ce gros fruit pesant jusqu’à 5 kg est cultivé principalement en Thailande, Indonésie et Malaisie. Arrivé à maturité, il se consomme frais. On s’en sert aussi pour préparer des glaces, des confiseries ou des pâtisseries.

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Dans un mémoire1 publié le 1er février dernier, la TCRI a reconnu que des avancées avaient été faites par le gouvernement à travers le plan d’ac-tion pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais des groupes restent exclus, et notamment les femmes immigrées et racisées.

En matière d’emploi, les inégalités entre les femmes perdurent. Les femmes immigrées et racisées sont surreprésentées dans les secteurs les plus précaires, et leur taux de chô-mage est plus élevé que la moyenne nationale, malgré leur niveau de sco-larité souvent plus élevé que celui des femmes natives. Dans son mémoire, la TCRI relève une « discrimination systémique et un racisme structurel ».

En matière de représentation dans la société, la TCRI reconnaît des améliorations, notamment dans la vie politique, mais ces femmes sont encore sous-représentées.

Ainsi, la TCRI recommande une ap-proche transversale et spécifique. Mobiliser tous les ministères concer-nés (Condition féminine, Immigra-tion et Communauté culturelles, Emploi et Solidarité, Santé, Édu-cation et Famille) avec le milieu communautaire de l’immigration, pour « mettre un terme définitif à l’invisibilité des besoins de ces femmes dans les politiques publiques

québécoises », explique la TCRI dans son mémoire.

En plus de ses observations sur les politiques engagées pour ce public spécifique, la TCRI et le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées et racisées, mis en place en 2008, ont lancé il y a un peu plus d’un an une tournée dans les régions du Québec pour recenser les besoins de ces femmes. La tournée s’est achevée et les conclusions sont édifiantes.

Les femmes immigrantes représen-tent 11 % de la population fémi-nine au Québec (contre 45,8 % sur l’île de Montréal), mais ces femmes constituent un public très particulier puisque les nouvelles arrivantes sont bien souvent des réfugiées. En effet, chaque année, le Québec accueille 1900 réfugiés qui sont ensuite « ré-partis » dans les régions du Québec, dans le cadre de la régionalisation

de l’immigration. « Si la situation de ces femmes est difficile à Montréal, en région, c’est bien pire », explique Yasmina Chouakri, coordonatrice du volet Femmes à la TCRI.

« Les organismes [communautaires] qui accueillent les immigrants ne sont pas suffi-samment finan-cés et ceux qui s ’occupent des femmes ne sont pas préparés à accueillir ce public, aux besoins très spécifiques », pré-cise Mme Chouakri, qui évoque un exemple à Victoriaville. « Il y a beaucoup d’Irakiennes parmi ces réfugiées », mais c’est comme si le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles ne prenait pas en compte la diversité de ce pays. « On a mis ensemble des Sunnites, des Chiites et des Kurdes », explique Mme Chouakri. Des femmes qui n’ont pas grand-chose en commun.

Le constat, à l’issue de cette tournée en région, est que personne n’est préparé à accueillir ces popula-tions. Les CLSC ne sont pas prêts, le manque d’interprètes est criant, les places en garderie subvention-nées sont trop rares et ces femmes souffrent énormément de l’isole-ment, elles n’ont pas de lieux pour se retrouver. Selon Mme Chouakri,

il y a en région un « triptyque récur-rent qui accentue cet isolement. La francisation, les places en garderie et l’emploi, précise Mme Chouakri. À chaque fois, un élément va dépendre de l’autre. »

Face à ce constat, la TCRI et le Co-mité de réflexion demandent au gouvernement un plan de redresse-ment de la situa-tion en dix ans,

avec notamment la mise en place de programmes spécifiques pour ces femmes.

Après cette tournée, la prochaine étape, pour le Comité de réflexion sur les femmes immigrées et racisées, c’est la mise en place d’un réseau : le Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec, pour que les femmes puissent se concerter, agir, « se for-mer comme sujet de leur propre condition », explique Mme Chouakri.

Enfin, et ce sera le commencement d’un vaste chantier, des états géné-raux sur la situation de ces femmes seront organisés du 20 au 22 janvier 2012. L’objectif sera de dégager six pistes d’actions. n

1- Pour consulter le mémoire, www.tcri.qc.ca/pdf/nouveautes/Memoire-01-02-2011.pdf.

Les femmes immigrées

et racisées sont

surreprésentées dans

les secteurs les plus

précaires, et leur taux

de chômage est plus

élevé que la moyenne

nationale, malgré leur

niveau de scolarité

souvent plus élevé que

celui des femmes natives.

Le constat, à l’issue de

cette tournée en région,

est que personne n’est

préparé à accueillir

ces populations.

Féminisation de l’immigrationLa bonne volonté ne suffit pas

TYPhaiNe mOriN journaliste indépendante.

Il y a quelques semaines, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfu-giées et immigrantes (TCRI) et le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées et racisées ont présenté leurs conclusions sur le bilan de l’action gouvernementale en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Si des points positifs ont été relevés, il y a encore de nombreux efforts à faire pour la situation des femmes immigrées et racisées.

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11Le Jumelé | Été 2011

marie GiNeTTe BOucharD L’auteur a travaillé dans le milieu de la coopération internationale comme sociologue en Haïti, au Sénégal, en Guinée, en Tunisie au Burkina Faso pendant plus de quinze ans. Depuis 2001, elle travaille comme journaliste pour différents journaux et magazines.

Avec l’exposition Temps - Dialogue sur l’art contemporain du Sénégal, accueillie par le MAI (Mont réal Arts interculturels) du 2 avril au 7 mai 2011, c’est un projet autant artistique que social auquel le public était convié.

Lors de la Biennale d’art africain contemporaine de Dakar en 2008, le commissaire Pierre Beaudoin a découvert six artistes auxquels il a commandé des œuvres sur le thème du temps et du dialogue entre l’Occident et l’Afrique. « Je voulais démontrer qu’il y a en Afrique de l’art au-delà de l’artisanat et des statuettes. Je souhaitais sortir de ce créneau et amener au Québec des œuvres d’artistes en art contempo-rain », explique-t-il.

Les six artistes sélectionnés, deux femmes et quatre hommes, âgés

entre 33 ans et 65 ans, ont présenté leur vision personnelle de l’Afrique, du temps et d’un dialogue nord-sud. Pendant trois ans pour des périodes de trois semaines à la fois, Pierre Beaudoin s’est rendu à Dakar pour construire ce dialogue avec eux.

Cette exposition sortait des sentiers battus en ce sens qu’elle présentait des regards diversifiés sur des pro-blématiques propres à l’Afrique en contrepoint de certaines images biaisées véhiculées par les médias sur ce continent. Donner la parole à des artistes contemporains qui utilisent

autant la peinture, la vidéo que l’ins-tallation, apportait un autre éclai-rage aux images qu’ils/elles ont du continent africain et de l’Occident. Comme le rappelle M. Beaudoin : « Le succès de cette exposition (environ 400 personnes l’ont visitée) repose sur l’appui de nombreuses personnes ici et au Sénégal. » Il souligne notam-ment le soutien de l’ambassadeur du Sénégal au Canada, M. Amadou Ti-diane Wone qui a permis aux artistes sénégalais d’assister au vernissage de l’exposition. Mentionnons l’originalité et la qua-lité des tableaux-sculptures portant sur la double temporalité africaine et occidentale d’Aïcha Aïdara, de l’ins-tallation de montres et de réveille-matin de Serigne Mbaye Camara, des toiles grand format (peinture et collage) de Piniang sur la vie dans une banlieue marginalisée de Dakar, de l’installation-récit de vie (vidéo, étoffes) de Fatou Kandé Senghor,

des photographies de marchands ambulants de Pape Seydi et du film d’animation sur le capitalisme de Samba Fall.

Grâce à l’appui du MAI, de la galerie d’art contemporain SBC et de nom-breux Sénégalais et Sénégalaises ici et là-bas, Pierre Beaudoin a réussi

avec cette exposition à construire une passerelle entre le Québec et le Sénégal. C’est un exploit en soi où étaient conjugués vision, talents artistiques, engagement social et métissage culturel. n

Passerelle entre les cultures Exposition d’artistes sénégalais

Voué à la promotion des pratiques artistiques interculturelles pluridisciplinaires (théâtre, musique, perfor-mance, arts visuels), le MAI présente un métissage culturel reflétant les réalités artistiques montréalaise, québécoise et canadienne. Sa mission est d’appuyer la création, la diffusion et le rayonnement des arts interculturels auprès d’un public diversifié. Michaël Toppings, directeur des productions et des projets au MAI précise que : « Depuis 12 ans, le MAI a accueilli plus de 110 000 spectateurs provenant de Montréal et de la région métropolitaine. Ces publics étaient composés de différente communautés culturelles, de com-munautés universitaires et étudiantes et de groupes qui s’identifient aux cultures de jeunes. » Pour en savoir plus, visiter le www.m-a-i.qc.ca

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Installation de montres et de réveille-matin de Serigne Mbaye Camara.

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12 Le Jumelé | Été 2011

Yves BerNarD L’auteur couvre les musiques du monde pour le journal Le Devoir, en plus d’animer les émissions L’Entremuse à CIBL Radio-Montréal et Musique du monde à CKDG-FM.

C’était le 13 avril dernier à la Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville dans le cadre du Forum sur les

musiques du monde. Sans doute pour la première fois, une conférence vivante rassemblait à Montréal des chantres issus du christianisme, de l’islam et du judaïsme, les trois grandes religions monothéistes du Moyen-Orient. Pour l’occasion, Katia Makdissi-Warren, la directrice artistique d’OktoEcho, avait préparé des commentaires orchestrés par douze musiciens dans le but avoué de partager les similarités existantes dans cette région du monde.

« Là-bas, tout le monde est cousin en quelque part, mais sans néces-sairement le savoir », explique-t-elle en entrevue. « Pour les gens d’ici, le monde chrétien se limite souvent au christianisme latin, alors qu’il existe une plus grande variété. Il en va de même pour les deux autres religions. Nous voulions aussi expliquer la richesse culturelle qui jaillit de ces différences ».

Pourquoi le titre Mouvances arabo-klezmer ? « Parce qu’il inclut toute une région. Il y a des Chrétiens qui sont Arabes, alors que le terme klez-mer ne peut être que juif », répond Katia. Et la collaboration entre ces deux mondes fut bien réelle pour l’organisation de la soirée puisque le Festival du monde arabe a joint ses efforts à ceux de KlezKanada, son pendant juif au Québec. « C’était

important pour nous que ces deux grands partenaires fassent partie du projet. Ils ont vraiment soutenu la diffusion de l’information ».

Si le FMA avait déjà créé Le Cercle de l’extase en collaboration avec des artistes d’origine musulmane et chrétienne et si des musiciens locaux des deux confessions tra-vaillent maintenant ensemble, ce type de regroupement autour des trois grandes religions moyenne orientales n’est pas monnaie cou-rante. « Sergiu Popa, le virtuose de l’accordéon, m’avait dit qu’il n’y a qu’ici que cela peut se faire, mais dans les faits, cela s’est avéré compliqué à organiser. Les hommes religieux ne sont pas ceux qui ont dit oui en premier. Pour en trouver trois, nous en avons approché quinze », soutient Katia.

La genèse du projet remonte à 2009, alors qu’OktoEcho en avait présenté une première version sans les solistes sous le nom de Hijaz, certains colla-borateurs refusant que le caractère juif ou arabe ressorte dans le titre. Mais la maîtresse d’œuvre envisa-geait déjà d’intégrer des hommes religieux. Tout comme Liette Gau-thier, la fondatrice du Forum sur les musiques du monde qui lui a proposé de développer l’idée sous forme de conférence vivante.

La majorité des musiciens de la pre-mière mouture furent à nouveaux réunis. Plusieurs tournent autour d’OktoEcho qui explore les nom-breuses possibilités de métissages musicaux entre le Moyen-Orient et les autres cultures. D’autres font partie du réseau de KlezKanada. Certains, comme la violoniste Zoé Dumais ou le trompettiste Alexis Basque jouent dans les deux univers. À ces artistes, se sont ajoutés le réci-tant soufi Anouar Berrada, le cantor juif Michael Abikhzer et le R. P. Ber-nard Basset de l’Église grecque catho-lique melkite. Les trois solistes furent intégrés au sein de Chanson Gibran, une pièce musicale composée pour la finale par Katia Makdissi-Warren.

En première partie, les commentaires de Katia furent ponctués de nom-breux exemples musicaux alors qu’en seconde, la musique a occupé plus de place. Si le répertoire fut davantage traditionnel que lors de Hijaz, les musiciens ont néanmoins interprété des compositions de Denis Dion, Samy ElMaghribi, Jason Rosenblatt, Alexis Basque et Ismail Hakki Fencio-glu, tous des compositeurs vivant au Québec, en plus d’un dabke libanais rendu célèbre par les frères Rahbani.

Tout au long de la conférence vi-vante, les spectateurs ont mani-festé avec enthousiasme. À la fin, Katia les a invités à émettre leurs commentaires. Plusieurs lui ont par la suite demandé la raison pour laquelle ce genre de regroupement constituait une première ici. « Ils étaient surpris d’apprendre que ce genre de projet est considéré comme très délicat pour les gens du Moyen-Orient. On ne compre-nait pas pourquoi cela semblait si compliqué de réunir des hommes religieux. Je leur parlais de ce dra-maturge de mère juive et de père palestinien qui avait ouvert une maison de théâtre pour favoriser l’harmonie entre les deux cultures

et qui s’est fait assassiner là-bas deux jours avant notre spectacle ».

Et de quelle façon les trois solistes ont-ils réagi ? « Ils étaient tous contents et prêts à recommencer n’importe quand ». Des suites sont-elles possibles ? « Je pense que la prochaine étape serait de compo-ser un théâtre musical sur Joseph de l’Ancien Testament qui est un emblème pour les trois religions. Avec des hommes religieux de cha-cune, nous pourrions aller chercher la vision de chacun ».

À plus long terme, d’autres avenues pourraient être explorées. « R. P. Bernard Basset, le prêtre melkite a proposé de faire de Mouvances arabo-klezmer un concert de Noël et d’autres initiatives pourraient être tentées, comme de réunir les Chrétiens du Moyen-Orient dans un spectacle », soutient Katia. Un bel espace pour l’avenir.

Le spectacle arabo-klezmer sera présenté dans le cadre du Festival Séfarad en novembre 2011. n

Pour en savoir plus, visiter le www.oktoecho.com

Mouvances arabo-klezmer

Tous cousins !

« On ne comprenait pas pourquoi cela semblait si compliqué de

réunir des hommes religieux »

L’ensemble OktoÉcho a réuni sur scène le récitant soufi Anouar Berrada, le cantor juif Michael Abikhzer et le Révérant Père Bernard Basset de l’Église grecque catholique.

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13Le Jumelé | Été 2011

Yves alavO Yves Alavo est auteur, poète, journaliste indépendant.

Les jeunes issus des minorités font l’objet d’une « discrimi-nation systémique » à l’école, auprès de la DPJ et dans leurs interactions avec la police. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJQ) a publié officiellement un rapport documenté suite aux consultations publiques (été 2009) et des audiences publiques qu’elle a tenues au cours du printemps 2010. Intitulé « Profilage racial et discrimination systémique des jeunes racisés », le rapport a été élaboré grâce à la participation de plus de 300 personnes et organismes. Le document fait état de la situation des jeunes âgés de 14 à 25 ans issus de minorités « racisées » dans trois secteurs institutionnels québécois : la sécurité publique, le milieu scolaire, le système de protection de la jeunesse

Le rapport de 126 pages et de plus de 90 recommandations est un appel à la mobilisation du Québec tout entier pour faire échec au profilage racial et à la discrimination systé-mique. La Commission s’adresse à tous les paliers de gouvernements, aux institutions et aux organismes qui ont le pouvoir d’assurer une meilleure cohésion sociale : les écoles, les services sociaux et le sys-tème de protection de la jeunesse. Pour passer de la parole à l’exemple, la CDPDJQ prend également des engagements afin d’améliorer ses propres pratiques.

Dans tous les lieux publics, sous toutes les formes d’expression de la vie sociale, dans les transports en commun, dans les parcs, lors de toutes les circonstances de la vie collective et des interactions humaines, les jeunes, car le rapport porte sur eux, les jeunes Québécois qui représentent la diversité évidente (minorité racisée), sont des dizaines de fois plus visés et souvent stig-matisés par les agents des services de police et par tous ceux qui ont pour mission ou fonction d’assurer la sécurité du public.

Les chiffres du Service de police de la Ville de Montréal, eux-mêmes sont sans appel. (Voir encadré).

À la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), ces jeunes courent deux fois plus de risques de faire l’objet d’un signalement que les autres jeunes Québécois. Quand ils se retrouvent dans la rue, ils sont la cible d’une surveillance accrue et démesurée de la police, comme en attestent les chiffres des études internes du Service de police de Montréal (SPVM). « Le profilage ra-cial existe, et il a des conséquences graves pour l’ensemble de la so-ciété », a déploré le président de la CDPDJQ, Gaétan Cousineau. « Les communautés [racisées] perdent confiance en la justice, mais aussi en la Commission », a-t-il précisé.

Pour corriger les torts, la Commis-sion propose essentiellement : de former le personnel des institutions, d’interdire le profilage racial dans toutes les sphères de la société, de colliger des données à ce sujet et de forcer les pouvoirs publics à rendre des comptes, à commencer par la police. « Il faut une refonte des lois,

des règlements et des pratiques des policiers pour faire échec au profilage », déclare en fin de présen-tation, le président de la CDPDJQ, M. Gaétan Cousineau.

Les deux partis de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal ont ac-cueilli favorablement le rapport de la CDPDJQ, mais chacun en a profité pour interpeller l’administration ac-tuelle qui est aux affaires depuis dix ans. Réal Ménard (maire de l’arron-dissement Mercier-Hochelaga-Mai-sonneuve), porte-parole en matière de sécurité publique pour le parti qui forme la première opposition, Vision Montréal, a demandé la mutation de Pierre-Yves Boisvert, avocat de la Ville qui est payé par les fonds publics pour faire de l’obstruction dans plusieurs dossiers de profilage racial. Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, s’en est pris aux critères d’embauche de la Ville de Montréal. En 2007, à peine 5 % des fonctionnaires municipaux perma-nents étaient issus de « minorités ethniques », « Et ça n’a pas changé aujourd’hui ». n

Le profilage, une réalité dégradante pour notre société

Interpellations par secteursLes secteurs où les Noirs sont le plus souvent interpellés :• Rivière-des-Prairies (PDQ 45) :

18 % de Noirs dans la population, 59 % de Noirs interpellés • Montréal-Nord (PDQ 39) :

17 % de Noirs dans la population, 52 % de Noirs interpellés • Saint-Michel (PDQ 30) :

19 % de Noirs dans la population, 48 % de Noirs interpellés • Côte-des-Neiges (PDQ 26) :

9 % de Noirs dans la population, 42 % de Noirs interpellés • Notre-Dame-de-Grâce (PDQ 11) :

11 % de Noirs dans la population, 41 % de Noirs interpellés

Les secteurs où les Noirs sont le moins souvent interpellés :• Sainte-Anne-de-Bellevue (PDQ 1) :

1 % de Noirs dans la population, 13 % de Noirs interpellés • Centre-Sud (PDQ 22) :

5 % de Noirs dans la population, 15 % de Noirs interpellés• Hochelaga-Maisonneuve (PDQ 23) :

5 % de Noirs dans la population, 15 % de Noirs interpellés • Île-des-Sœurs (PDQ 16) :

3 % de Noirs dans la population, 16 % de Noirs interpellés • Plateau Mont-Royal Nord (PDQ 37) :

3 % de Noirs dans la population, 16 % de Noirs interpellés Sources : SPVM, profilage.

Pour une meilleure compréhension de cette réalité : www2.cdpdj.qc.ca/profilage/consultation/Pages/default.aspxYv

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Deux jeunes Montréalais, Brandon et Kevin, l’espoir qu’ils ne vivront jamais les conséquences du profilage racial.

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14 Le Jumelé | Été 2011

S’intégrer par le plein-aircaTheriNe TremBlaY-leBeau

Journaliste indépendante

Donner la piqûre des sports de plein-air, les rendre acces-sibles - sans contrainte d’équipement, de voiture ou d’amis indisponibles - surmonter les différences culturelles et apprendre de l’autre, voilà le défi que s’est donné Adrienne Battel en mettant sur pied un programme d’activités nouveau genre, en plein cœur de Montréal.

L’Association récréative Milton-Parc, dont l’un des mandats est de rapprocher les gens d’origines diverses par les loisirs, offre doréna-vant des activités de plein-air visant le rapprochement interculturel. Une initiative d’Adrienne Blattel, qui agit à titre de coordonnatrice et guide pour l’organisme.

Jeune femme mordue de plein-air depuis toujours, Adrienne a tout d’abord organisé et animé, à l’été 2010, une sortie de canot-cam-ping d’une fin de semaine dans les Laurentides. Une quinzaine de personnes originaires d’une dizaine de pays participaient à l’aventure. Encouragée par la réussite de cette première expérience, Adrienne réi-térait l’hiver dernier, cette fois avec un programme d’« Initiation aux sports d’hiver », un « trio décou-verte » composé de sports acces-sibles. Au menu : raquette, patin et ski de fond, sur notre beau mont urbain, le Mont-Royal.

« Avec le plein-air, il y a vraiment du potentiel pour rapprocher les gens » nous dit Mme Blattel. Elle ajoute que des gens de métiers et d’opinions politiques diverses et probablement divergentes parti-cipent à ces activités et qu’elles favorisent ce genre de rappro-chement, tout en simplicité et en solidarité.

C’est en voyageant et en habitant tantôt en France, tantôt au Monté-négro (ex-Yougoslavie), qu’Adrienne Blattel a eu l’idée du plein-air comme outil d’intégration des immi-grants. Ayant toujours aimé bouger à l’extérieur, elle-même a expérimenté la rencontre humaine formidable gé-nérée par l’activité physique au sein d’un club de randonnée dont elle était membre à l’étranger. Elle a donc tout de suite imaginé la possibilité de ces rencontres interculturelles au Québec, où le plein-air fait pour elle « partie des traditions ».

Mais la vie étant souvent bien char-gée, chacun doit faire des choix et n’a pas le temps de tout faire. « Des gens, Montréalais depuis longtemps, ne sont jamais allés en haut du Mont-Royal ! » s’exclame Adrienne Blattel pour qui l’amour de ce lieu naturel accessible ne laisse aucun doute. En ce moment, elle y anime d’ail-leurs une activité de dix semaines de « Pratique de langue seconde et ran-données urbaines ». Une semaine sur deux, l’activité se déroule en français et l’autre semaine, en anglais. Chacun peut donc y trouver son compte et venir, à tour de rôle, pratiquer une langue ou aider à l’apprentissage de ses co-marcheurs. Et cela fonc-tionne bien, « les gens n’ont besoin de rien pour commencer à discuter » partage la guide, de toute évidence passionnée par son projet. Les parti-

Adrienne Blattel, en bas à droite, guide des randonnées interculturelles au parc du Mont-Royal.

Là où vont nos pèresRoman graphique de Shaun Tan

Pourquoi tant d’hommes et de femmes sont-ils conduits à tout laisser der-rière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, un endroit sans famille ni amis, où tout est inconnu et l’avenir incertain ? Dessiné dans des teintes sépias, comme si l’histoire oscillait entre rêve et réalité mais aussi entre passé et présent, cette bande dessinée silencieuse est l’histoire de tous les immigrés, tous les réfugiés, tous les exilés, et un hommage à ceux qui ont fait le voyage

L’auteur a pris le parti d’un récit onirique qui acquiert la force d’une histoire universelle et intemporelle. Cette BD muette, et donc lisible par tous, partout dans le monde, tient à la fois du récit fantastique, du conte initiatique et du livre d’Histoire. Album d’une profonde origina-lité, consacré à un thème plus que jamais d’actualité. n

Édition Dargaud

cipants sont fidèles au poste puisque, beau temps mauvais temps, semaine après semaine, on les retrouve au lieu et à l’heure du rendez-vous, tout sourire et disposés à engager la conversation !

Autre activité également offerte cette saison, pour huit semaines cette fois, les « vendredis en plein-air », chaque vendredi après-midi.

Dans le cadre de ces demi-journées visant à jouer dehors, on visite diffé-rents parcs ou paysages naturels de Montréal ou de sa proche banlieue, accessibles en transport alternatif à l’automobile (métro-marche-bixi-autobus). Une belle façon de décou-vrir les lieux qui nous entourent !

Pour cet été, plusieurs projets sont au calendrier dont des activités de canot-camping et des randonnées urbaines. Plusieurs bonnes raisons de bouger donc, de prendre l’air et de se faire des amis de cultures différentes ! n

Pour en savoir plus, visiter le www.plainairinterculturel.com ou contacter l’Association récréative Milton-Parc au 514 872-0566.

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15Le Jumelé | Été 2011

Virage vers la migration temporaire ?Olivia ThiOlleT

Les immigrants arrivent traditionnellement au Canada avec un statut permanent puis deviennent, pour la plupart, citoyens. Cependant, pour la première fois en 2008, le nombre de travailleurs migrants temporaires au Canada excédait le nombre total de résidents permanents admis dans la même année. Le Canada a visiblement fait un virage vers la migration temporaire.

Ce phénomène s’expliquerait par le boom économique, notamment en Alberta et en Colombie Britannique. Les employeurs ayant eu besoin de beaucoup de main d’œuvre en peu de temps, pour combler des emplois que les Canadiens ne veulent pas effectuer. « Le Canada a ouvert grand les vannes pour les travailleurs temporaires », souligne Stephan Reichhold directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). Seul hic : les travailleurs temporaires réguliers ne peuvent pas reconduire leur permis de travail temporaire au-delà de quatre ans et n’accèdent pas directement à la résidence perma-nente. Conséquence : ces travailleurs, originaires d’Asie, d’Amérique latine ou encore d’Afrique, se retrouvent du jour au lendemain sans permis. Le directeur de la TCRI compare cette tendance à l’ « erreur » commise dans

les années 1960-1970, par l’Europe qui a recruté des travailleurs tem-poraires en pensant qu’ils ne s’y établiraient pas. En Ontario et en Colombie Britan-nique de nombreux immigrants, peu qualifiés, deviennent alors clandes-tins. M. Reichhold, souligne qu’il est par ailleurs difficile de comptabiliser le nombre de travailleurs temporaires puisque le Canada ne contrôle pas la sortie du territoire.

Tendance inverse au QuébecAu Québec, c’est une tendance inverse qui se dégage puisqu’en 2010, le nombre de résidents per-manents a atteint le nombre re-cord de 54 000, bien supérieur à celui des travailleurs temporaires. Un phénomène justifié par le di-recteur de la TCRI, par la situation économique de la belle province qui se porte moins bien que celle

du reste du Canada, notamment l’Alberta. « Le Québec n’est pas très soucieux d’ouvrir les portes aux tra-vailleurs temporaires non qualifiés. Il n’encourage pas les employeurs à embaucher des travailleurs tempo-raires, car il ne contrôle pas le flux migratoire, cela relève du fédéral », explique M. Reichhold. Par ailleurs, s’établir ici en tant que travailleur temporaire qualifié n’est pas aisé. Il faut, en effet, que l’employeur démontre que l’embauche d’un im-

migrant ne nuit pas au marché du travail canadien. Sur place, les tra-vailleurs temporaires spécialisés, sont en revanche, encouragés à obtenir leur statut de résident permanent. Le récent Programme de l’expérience québécoise facilite, par exemple, les démarches pour les travailleurs qualifiés travaillant pour le même employeur depuis un an.

Exceptions : les aides familiales et les travailleurs agricoles.Certaines catégories de travailleurs temporaires non qualifiés voient tout de même leurs accès à la rési-dence permanente facilitée. Ainsi, le programme de l’aide familiale destiné aux domestiques. Après avoir travaillé pendant deux années pour le même employeur, ces derniers, à 95 % des femmes originaires des Philippines, obtiennent plus facile-ment leur résidence permanente. « Il s’agit d’une véritable porte d’entrée au Canada pour de nombreuses immigrantes. Elles sont prêtes à tous les sacrifices pour venir s’établir ici, constate M. Reichhold, qui qualifie le programme d’ « esclavage moderne. »Autre programme spécifique : celui des travailleurs agricoles. Dans le cadre d’une entente entre le Canada,

le Mexique et certains pays des Antilles, des travailleurs agricoles immigrent pour travailler, générale-ment entre cinq et six mois, dans des fermes. Logés sur place, ils sont éga-lement liés à leur employeur, et ne peuvent pas acquérir leur résidence permanente par la suite.

Humaniser l’immigrationStephan Reichhold juge que le Cana-da privilégie le « besoin à court terme avant les aspects humains, d’égalité et de justice. » Les travailleurs tem-poraires ne jouissent en effet pas des mêmes droits et services que les résidents permanents. Pour la TCRI, la solution serait d’appliquer aux travailleurs temporaires peu qualifiés et à l’échelle du Canada, des mesures semblables à celle des réfugiés. n

Réfugiés du Bhoutan, de la Colombie, du Rwanda : la découverte des régionsNima Yaël

Ils arrivent par « batch » de 20 à 50 personnes, parfois plus, souvent regroupés en familles, et sont dirigés dès le premier jour de leur arrivée à Montréal dans les treize régions du Québec choisies par le gouvernement, sans tambour ni trompette. Ils viennent de la Colombie, de la République démocratique du Congo, de l’Iraq, de l’Afghanistan, du Burundi, du Rwanda, du Bhoutan. Et ils ont à peine un an pour apprendre le français, s’adapter aux us et coutumes des Québécois et vaincre les préjugés à leur égard. Pourtant certains immigrants, qui ne sont pas réfugiés, auront besoin de plusieurs années, voire décennies, pour s’adapter à leur société d’accueil.

À leur arrivée, le gouvernement du Québec leur octroie, jusqu’à concur-rence de douze mois, une aide au réétablissement s’ils ne sont pas parrainés par un organisme ou de la famille. L’aide concerne le logement, des cours de francisation, la sécurité du revenu et les aides appréciables d’intervenants communautaires. Leur situation est complexe et sur-tout difficile à percevoir par certains Québécois qui n’ont pas vécu leur traumatisme, leur détresse aussi. Presque la moitié des réfugiés (44,5 %) ont moins de 17 ans et n’ont connu que les camps de réfugiés avec pour tout bagage des stratégies de survie ou de fuite. Même si cer-tains sont scolarisés, les familles ne sont pas outillées pour soutenir ces jeunes sur le plan académique (ils ne

parlent pas français et ils ont à peine fini leur secondaire). Une recherche récente de la TCRI sur l’intégration des jeunes réfugiés montre pourtant que toutes les démarches doivent être faites de concert avec la famille et avec une équipe d’intervention (agents communautaires, psycholo-gues, etc.) qui a obtenu la confiance des familles.

Enseigner à ces jeunes réfugiés de-mande de la créativité, de l’engage-ment et surtout une compréhension aigüe de ces parcours de vie qui ne sont ni simples, ni misérables. Mais quand on se retrouve à faire passer des examens qui offrent une piètre image de Montréal, où ne sont évo-qués à travers des fais divers que des problèmes de délinquance ou

d’infractions, qu’on demande à ces jeunes de connaître les noms des sta-tions de métro (ils ne savent même pas à quoi ressemble un métro) ou de rédiger un chèque au bout de trois à quatre mois de séjour en région, on a l’impression de vivre sur une autre planète.

Ces réfugiés savent à peine faire des phrases, mais ils doivent respecter des règles sociales et des consignes qui n’ont pas beaucoup de sens au vu

de leur condition de vie. Ces examens du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles ne sont malheureusement pas adaptés à la réalité des régions. On exige de ces jeunes qu’ils fassent des demandes de renseignements au téléphone, alors qu’ils n’ont aucun contact vi-suel pour tenter de saisir les réponses obtenues. On leur fait lire des textes à l’imparfait ou au conditionnel alors qu’ils essayent encore de faire une

phrase simple au « Je ». Rien que le terme d’examen exerce sur eux une pression telle qu’ils en perdent tous leurs moyens et se sentent dévalo-risés s’ils n’ont pas obtenu le bon niveau de compétence…

On leur reproche de vivre en ghetto, alors qu’on les met tous dans le même quartier, de ne pas faire l’effort de parler français dans les couloirs de l’école et entre eux, alors qu’ils en sont encore aux prémisses

de l’acclimatation à nos hivers, à la découverte de nouveaux fruits, comme la pomme, à la nécessité d’apprendre à lâcher le bouton « sur-vie ». On ne comprend pas pourquoi ils ne se projettent pas dans l’avenir, alors que leur équilibre émotionnel et physique est à reconstruire, avec de nouvelles normes, et de nouvelles façons de se comporter.

Les enseignants font de leur mieux et souvent plus, les intervenants communautaires sont disponibles pour les aider, mais il ne faut jamais oublier qu’apprendre une nouvelle langue exige du temps, de l’éner-gie, du désir. Et c’est peut-être ce désir qui manque ou une façon plus ludique de partager la langue. Car la langue, c’est aussi une culture, une manière de voir la vie et une source d’épanouissement. Quand ces jeunes réfugiés sont capables de traduire des devinettes de leur pays dans la langue de Molière et qu’ils rient des contresens, une partie est gagnée. Pas la plus grande, ni la plus spectaculaire ou médiatique, mais la partie infime qui définit les débuts de leur appartenance à cette société d’accueil. Ils vont peut-être alors commencer à rêver en couleur ! n

La langue, c’est aussi une culture, une manière de

voir la vie et une source d’épanouissement. Quand

ces jeunes réfugiés sont capables de traduire des

devinettes de leur pays dans la langue de Molière et

qu’ils rient des contresens, une partie est gagnée.

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Cette tendance

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l’« erreur » commise dans

les années 1960-1970 par

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s’y établiraient pas.

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16 Le Jumelé | Été 2011

Festivals d’été 2011 : des artistes à surveillerYves BerNarD

La saison des festivals est déjà de retour avec son lot de découvertes. De ce bouillonnement, nous avons repéré des artistes montréalais ou québécois qui s’inspirent des grandes traditions ou les recomposent avec beaucoup de créativité. Puisque nous avons écrit ce texte avant le dévoilement de certaines programmations, quelques horaires demeurent incomplets. Bon été !

Thandie et Lorraine Klaasen 19 juin

Pionnière de la chanson sud-afri-caine contemporaine, l’octogénaire Thandie est l’une des interprètes préférées de Nelson Mandela. Elle vient régulièrement à Montréal pour chanter avec sa fille Lorraine qui est la mère de la musique africaine à Montréal. Ensemble, elles par-courent soixante ans d’histoire d’une musique immortelle. (À la salle Oscar Peterson, le 19 juin à 19h30).

Marinda et Solari 28 juinElle, Marinda, vient de Toronto et lui, Solari, de Londres. Ils composent pourtant une musique toute douce

qui s’inspire principalement de la bossa, mais en intégrant des cou-leurs européennes et capverdiennes. L’an dernier, ils se sont installés à Montréal et ont fait paraître Motif, un disque inspirant. (Festival Interna-tional de Jazz de Montréal (FIJM) : sur le Bateau-mouche du 28 juin au 1er juillet, embarquement à18h15).

Caroline Planté 1er et 2 juilletCompositrice, guitariste et montréa-laise, elle a sillonné les recoins du fla-menco local, avant de déménager en Espagne où elle s’est fait reconnaître avec 8 reflexiones, le premier disque flamenco de l’histoire à avoir été entièrement composé et interprété par une femme. Elle en propose le répertoire pour la première fois à Montréal. (FIJM : Savoy du Métropolis, les1er et 2 juillet à 19h).

MG3 2 juilletD’abord connus sous le nom de Trio de guitares de Montréal, Sébastien Dufour, Glenn Lévesque et Marc

Morin se sont appliqués à brouiller les pistes de leur formation classique en proposant plusieurs interpréta-tions puisées dans plusieurs cultures. Récemment, leur disque Cambria a confirmé la valeur de leurs compo-sitions. Et ils chantent davantage. (FIJM : 5e salle de la PDA, le 2 juillet à 18h).

Mélissa Lavergne 13 juilletPercussionniste de Belle et Bum, elle maîtrise une grande quantité d’ins-truments et favorise une approche globale des percussions. Au Festival international des percussions de Longueuil, elle orchestre le concert d’ouverture avec tous les porte-pa-roles des éditions précédentes, dont Normand Brathwaite, Francesca Gagnon, Bïa et Martin Deschamps. (L’Hôte scène, le 13 juillet à 21h30).

Zal Sissokho, Mansa Sissoko et Mamadou Koita 14 juilletGriots de conditions, les deux premiers sont issus de la famille qui a inventé, il y a plus de sept cents ans, la kora, cette harpe man-dingue majestueuse à vingt-et-une cordes. Porteurs d’un fort bagage, Zal et Mansa savent aussi réécrire leur riche histoire. Ils seront accompagnés par le balafoniste Ma-madou Koita. (Festival

international Nuits d’Afrique (FINA) : Balattou, le 14 juillet à 21h)

Élété, Sarava et le Cuban Martinez Show 17 juilletLauréats du concours des Syli d’Or de la musique du monde en 2011, les trois sont ici regroupés. Élété s’inspire de la douceur poétique de Lokua Kanza. Sarava explore les musiques brésiliennes et cubaines, alors que le Cuban Martinez Show propose un mélange mordant de salsa, de funk de timba et de latin jazz. (FINA : au Cabaret du Mile End, le 17 juillet à 20h30)

Gotta Lago 21 juilletCoiffé d’un foulard ivoirien, il porte également plusieurs chapeaux : gui-tariste, pianiste, chanteur, comédien et conteur. Il a accepté de relever le défi du FINA de produire six concerts en invitant à chaque fois des artistes différents. Le projet le conduira vers les pistes du Mandingue, de l’Inde, du blues et de la planète urbaine. (FINA : Balattou, du 17 au 21 juillet et le 24 juillet).

Aboulaye Koné Moriké 21 juilletAussi à l’aise aux guitares qu’aux percussions, il peut tout aussi bien jouer acoustique avec de petits ins-truments, faire la fête au village avec des gros tambours ou ajouter la batterie et la lutherie électrique moderne. Le temps d’un concert, il invite ses amis pour un grand clin d’œil à l’Afrique mandingue (FINA : Parterre du quartier des spectacles, le 21 juillet à 17h15)

Manu Atna Njock 24 juilletAvec Zekuhl, il était déjà dans les années 1990 la figure de proue des croisements entre musique africaine et latino. Reconnu comme guita-riste, il a par la suite plongé dans les racines du basaa, sa première langue. 2011 marque pour lui un important retour et avec ses invités, il prépare un hommage à l’Afrique bantoue. (FINA : Parterre du quartier des spec-tacles, le 24 juillet à 17h15).

Paul Marchand, Stéphanie Gagnon et Martin Racine 29 juilletDepuis un an, on chuchote que Stéphanie Gagnon est l’une des révélations de la musique trad. Vio-loneuse et flûtiste, elle chante avec une voix imprégnée d’une fraîcheur toute singulière et porte ses chants à dominante folk avec deux musi-ciens accomplis. (Festival mémoire et racines : St-Charles Borromée, entre le 29 et le 31 juillet, horaire à venir)

Juan Sebastian Larobina 14 aoûtOn l’appelle le latino gaspésien, mais il est maintenant établi à Montréal. Il marie les genres latino américains à ceux du Québec, du tango à la tur-lutte et de la chacarera à la chanson à répondre. En résulte une vraie musique des Amériques. (En clôture du Festival Musique au bout du monde de Gaspé et au festival des Rythmes du monde de Chicoutimi).

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