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La Salida n.32 Candombe

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Spécial Candombe

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Illustrations de couverture et d’éditorial :Photo de quatrième de couverture : Frédéric Langard

Sommaire / Édito

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Pourquoi donc exhumer les vieilles lunes des originesnoires du tango ? Celui-ci n’est-il pas, selon toute évidence,une musique européenne par ses harmonies, ses instru-ments, ses mélodies, sa poésie, ses interprètes ? Et mêmesi une légère influence africaine peut encore être déceléedans son rythme, qu’importent au fond les racines origi-nelles, puisque le tango s’en est progressivement déta-ché, acquérant à travers son histoire une esthétiquepropre et une puissante identité personnelle ?

Mais ce voyage vers les origines du tango, auquel nousvous invitons, n’est pas une simple corvée d’érudition, tout

au contraire. C’est en effet une plongée vertigineuse dansl’histoire tragique de l’Argentine. En 1800, il s’agit encore

d’un pays métissé, peuplé en grande partie de Noirs et d’In-diens. En 1900, sa population, complètement transformée, est

essentiellement d’origine sud-européenne. Entre ces deuxdates, un siècle de sang et de folie, où le tango naît au milieu des

guerres, des violences et de la misère.

L’amnésie collective face aux horreurs du passé semble un phénomènerécurrent dans l’histoire argentine, un peu comme un être humain quirefoule dans son inconscient les souvenirs trop douloureux. Mais cettemémoire reste présente, même si elle s’exprime sous une formedétournée, à travers un labyrinthe de rêves et de symboles. Et le tangon’est-il pas comme un fil d’Ariane, un codex révélant à qui saura ledéchiffrer les merveilleux et terribles secrets de l’âme argentine ? Dansla sensualité de sa danse, ne retrouve-t-on pas l’image lointaine deslieux de débauche où se côtoyaient le plaisir et la déchéance ? Dans latristesse de sa poésie, le murmure déformé de tous ceux qui ont étébafoués, trahis, massacrés pendant que se construisait l’Argentinemoderne ? Et, dans son rythme à la fois scandé et syncopé, l’écho affai-bli des tambours noirs du quartier de Montserrat ?

Rappeler l’origine noire du tango, c’est un peu psychanalyser l’Ar-gentine pour renouer les fils de son histoire occultée. Et l’on ne peutpas parler de l’histoire du tango sans faire sortir de l’ombre le longcortège des immigrants parqués dans les conventillos insalubres, desfemmes polonaises victimes de la traite des blanches, des Indiens dela Pampa exterminés, des Gauchos envoyés se faire tuer devant lescanons paraguayens, des esclaves noirs parqués et enchaînés.

Et lorsque – avec l’aide de Michel Plisson, Lágrima Ríos et Juan CarlosCaceres – nous serons parvenus au terme de ce voyage dans le tempsjusqu’aux scènes originelles gommées de la mémoire collective, nousnous retrouverons au milieu d’un peuple créole aujourd’hui disparu,avec ses fêtes Candombe et ses rois de Carnaval, ses gauchos et sespayadores, ses pulperias et ses perigundínes, ses grosses mamasnoires et ses tambours. Un monde bien différent du nôtre et dont laconnaissance vous offrira, nous l’espérons, de nouvelles clés d’écoute,de compréhension et d’interprétation de la culture portègne.•Fabrice Hatem

Tango :Du Noir au Blanc

Michel Plisson

Bibliographie

Aux sourcesuruguayennes du tango

Lagrimá Ríos

Autour d’un tango :La Mazorquera de Montserrat

Brèves

Aux origines du tango :Les rythmes africains

Juan Carlos Caceres

Tango des noirset noirs du tango

Instantanés

TangOdébit

Agenda

Discographie

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Michel Plisson, musicien et musicologue français, a publié en 2001 un livre, intitulé« Tango : Du Noir au Blanc ». Il y analyse l’évolution historique qui a conduit au « blanchi-ment » progressif de la musique tango, dont les origines sont selon lui, très influencées parla rythmique noire. La Salida l’a interrogé sur cette question.

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Tango : Du Noir au Blanc

La Salida : Comment expliquerl’influence des Noirs dans lamusique tango ?Au XVIIIème siècle, les Noirsétaient très nombreux dans le Ríode la Plata du fait de la traiteesclavagiste : jusqu’à 25 % de lapopulation totale de la province.Il existait une contrebande deNoirs par le Brésil, la Couronned’Espagne ayant interdit le com-merce d’esclaves par peur desvelléités d’indépendance descréoles. Plus tard, les Noirs furentdécimés dans les guerres contrele Paraguay et contre les Indiens et disparurentquasiment de Buenos Aires alors qu’ils perdurentencore aujourd'hui du côté uruguayen.

Les métissages musicaux ont eu lieu dans le Ríode la Plata à travers les mêmes processussociologiques – différents dans la forme maisidentiques quant au fond – qu'ailleurs en Amé-rique latine. Lorsque les Blancs employaientdes musiciens Noirs, c’était pour jouer leurmusique à eux, la musique des Blancs. Mais lesNoirs ne jouaient pas la musique des Blancscomme les Blancs, la distance culturelle étanttrop forte. En effet, en Afrique, notamment enAfrique de l'Ouest (Nigéria, Bénin…) d'où sontpartis les esclaves, la plupart des musiques uti-lisent les syncopes et le déplacement desaccents par rapport au temps. Cette manièrede jouer la mélodie, les Noirs afro-américainsont eu tendance à la reprendre en utilisantentre autres, la syncope, c’est-à-dire en jouantles notes de la mélodie en dehors de la pulsa-tion. En retour, les Blancs furent attirés par lafaçon de jouer des Noirs, car ils y mettaientquelque chose de créole qu’ils ne compre-naient pas mais qu’ils appréciaient et qui leurpermettait aussi de se différencier des métro-politains. Leurs grands-parents étaient Bretonsou Napolitains, mais eux-mêmes ne l’étaientdéjà plus, et leur culture n’était plus la taren-telle ou l’opéra italien, mais celle du lieu où ilsétaient nés et où ils vivaient.

De leur côté, les Noirs avaienttendance à imiter les Blancs pardésir d’ascension sociale. Lesrelations entre Blancs et Noirss’établirent ainsi sur un modeattirance/répulsion. Le Noir semoquait du Blanc tandis que leBlanc se moquait du Noir, deson côté « sauvage ». Il se gri-mait le visage en noir, commes’il voulait symboliquements’approprier une partie de laculture des Noirs, sans toutefoispousser le jeu jusqu’à sesultimes conséquences.

Parfois les Blancs, souvent des riches commer-çants, allaient voir les Noirs à Montevidéo,pour apprendre à jouer du tambour. Ils étaientattirés par les rythmes des Noirs, mais sanscependant jouer comme les Noirs… Cette atti-rance/répulsion fut favorable à l’émergence degenre musicaux nouveaux, ce qui aboutit entreautre à la naissance du tango. Ainsi les Blancsnommèrent leur musique d’un mot qui estindiscutablement africain : « tango ». Voilàl’origine du tango : la contradiction musicaleentre cultures antagonistes.

La Salida : Certains réfutent l’origine noiredu tango en prétextant qu’il n’y a pas d’ins-truments typiquement africains dans letango, à savoir les percussions, qu’enpenses-tu ?C’est absurde, car dans le jazz personne ne niecette origine alors que les percussions n’y sontpas nécessairement présentes. Ce qui estdéterminant pour qualifier le genre musico-choréographique, tout particulièrement enAmérique latine, c’est la manière de jouer lamusique, la pulsation et le rythme. Celui-cipeut être implicite ou explicite. Ce n’est pasdans la mélodie que se retrouve l’influence desNoirs, mais dans le rythme, dans la syncope,dans la façon de valoriser ce qui se passe endehors du temps. Le 3-3-2 (noire pointée, noirepointée, noire) utilisé dans le tango est abso-

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lument afro-américain et mêmeafricain. Ainsi, la musique afri-caine s’est constituée sur des pul-sations qui ne sont pas isochro-niques (= régulières, NDLR), à l’in-verse de la musique occidentale.

La syncope peut exister dans lamusique occidentale, maiscomme élément de passage, alorsqu'elle constitue un élément fon-damental des musiques afro-américaines : habanera, tresillocubano, rythme de clave surlequel se structure la grandemajorité des musiques afro-cubaines (Dans ces musiques,même si la clave n'est pas tou-jours explicitement exprimée, elle est implici-tement présente).

Le tango porteño est né à partir d’un fond musi-cal traditionnel pré-existant dans lesquels cesrythmes de clave étaient largement présents. Letango à l’instar d’autres musiques d’AmériqueLatine est né du métissage. Dans le Río de laPlata, Celui-ci a donné le tango comme il a donnéailleurs le choro, le maxixe, le merengue etc…

Parmi les musiques derue, les comparsas quel'on voit dans les défi-lés de carnaval, tant àBuenos Aires qu'à Mon-tevideo, que les Blancsont écoutées et qui ontinfluencé le tango desdeux côtés du Río de laPlata, il y a le can-dombe et la murga. Lecandombe est unemusique jusqu’à aujour-d’hui résolument noiremême si depuis 3 ou 4

ans, de jeunes uruguayens blancs ont com-mencé à le pratiquer. Or dans le candombe, ily a ces rythmes mentionnés plus haut.

Le tango pourrait se résumer à une rythmiqued'origine afro interprétée par des musiciensitaliens jouant sur des instruments allemands(bandonéon...) des mélodies et des parolesdont bon nombre proviennent, au moins audébut, des zarzuelas espagnoles.

Illustration d’une des premièrespartitions où figure le mot

«tango»... El Relámpago, 1862.

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La Salida : Les Argentins sont-ils conscientsde cet héritage noir ?La plupart des musiciens sont aujourd’hui d’ac-cord pour le reconnaître ; pour les chauffeursde taxi et pour les tangueros qui boivent lematé sous le portrait de Gardel, c’est plus diffi-cile… À coup sûr, il y a là un problème d’iden-tité qui renvoie au problème des origines. C’estpeut-être une des raisons pour laquelle l’Ar-gentine a autant de psychanalystes… Un argen-tin, à la différence d’autres sud-américains, tedira toujours : « je suis argentin, mais mesaïeux étaient italiens… », alors qu’un brésilien,à partir de la deuxième génération se sentiratotalement intégré et aura oublié ses origines.L’histoire officielle argentine a tendance àocculter les racines noires et indiennes pour negarder que les origines européennes.

La Salida : Comment peux-tu définir le tango ?Le tango, comme le jazz, est une façon particu-lière de jouer la mélodie. Un autre élémenttrès important que l’on retrouve aussi dansd’autres musiques d’Amérique Latine, c’est quel’on ne cherche pas à reproduire à l’identiqueune musique ; on s’attache au contraire à yapporter une différence, chacun apportant sapropre pierre à cette création plus ou moinscollective. On ne joue pas la partition tellequ’elle est écrite, on l’interprète en y appor-tant sa touche personnelle.

La Salida : Quelles sont les difficultés quandon fait des recherches musicales pourapporter des preuves irréfutables ?On ne peut se fier aux indications données surles partitions, car souvent les éditeurs mar-quaient « tango » ou « rythme de tango » pourmieux faire vendre. Et ceci concernait desmusiques qui n’avaient rien à voir avec le tangoporteño. Ainsi, au Brésil, de nombreuses parti-tions ont comme sous-titre « tango brasileño » ;il s’agit en fait de musiques qui appartiennentau genre choro. De plus, la partition ne dit pascomment une musique doit être jouée. La par-tition n'est qu'un aide-mémoire pratique maiscomplètement insuffisant. L’écrit ne règle riensurtout lorsqu’il s’agit de musique de traditionorale, surtout lorsque l'on ne connaît pas lescodes culturels de la musique qui ne s'acquiè-rent qu'après beaucoup d'expérience de pra-tique et d’écoute très attentive. À ce propos, ilexiste des enregistrements anciens, des disquesen cire mais aussi des rouleaux dans lesquels le3-3-2 est très clairement perceptible.

La Salida : Dans ton livre consacré au tango« Du Noir au Blanc », tu arrêtes ton analyseau début des années 90, est-ce à dire qu’iln’y a pas eu d’évolution dans la musiquetango depuis ?Tout le monde est victime de la mort du père(Piazzolla) dont le deuil n’a toujours pas étéfait. La nouveauté est difficile. La démarche deNestor Marconi qui intègre du jazz et du bluesdans ses improvisations et ses arrangementsouvre des perspectives. Aujourd’hui, la résur-gence du tango se caractérise par des jeunesqui se tournent vers les années 40 et 50, quece soit El Arranque ou l’orchestre OrquestaEscuela dirigé par Emilio Balcarce qui, parailleurs, sont tous d’excellents musiciens dotésd’une solide formation théorique. Au Brésil, lamusique populaire continue d’évoluer dansune perspective que les Brésiliens se plaisent àdécrire comme "anthropophage" (en référenceà la culture tupi-guarani qui pratiquait l'an-thropophagie rituelle). La musique de tango,quant à elle, semble se chercher.•Michel Plisson (propos recueillis par Pierre Lehagre)

— "TANGO / Du Noir au Blanc"Actes Sud/Cité de la musique, 176 p, 2001.

MAISON DE L'AMÉRIQUE LATINE4ème mercredi de chaque mois de 18h30 à 20h

TRIBUNE DE LA MUSIQUE, DES DISQUESET DES SPECTACLES

par Oscar Barahona, Michel Plissonet Cristobal Soto

Cette « Tribune de la Musique, des Disqueset des Spectacles » a pour objectif de faireconnaître les cultures musicales et choré-graphiques latino-américaines dans touteleur diversité, d'inviter des musicienset/ou des danseurs, soit de passage à Paris,soit résidant en Europe qui composentet/ou pratiquent la musique traditionnelle,populaire ou savante d'Amérique Latine,de présenter quelques productionsrécentes filmographiques, de disques, departitions ou de livres qui traitent desmusiques d'Amérique Latine et lorsquel'occasion s'en présentera, de débattre deconcerts et de spectacles musicaux vivantsen relation avec l'actualité. Pour des infor-mations plus précises voir le site de la Mai-son de l’Amérique Latine www.mal217.org

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Bibliographie

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Carmen Aguiar, Le candombe, une évocationpoétique des traditions culturelles noires du Ríode la Plata. Rens.: 01 48 57 33 15

Élisabeth Dorier-Apprill (éd.), Danseslatines, le désir des continents, JournalAutrement, Septembre 2001, Mutationsno207. Un ensemble très complet d’ar-ticles sur les danses latino-américainesdans leur diversité.

Horacio Ferrer, El Libro del Tango,Antonio Tersol. Insiste sur le caractèresui generis de l’esthétique tango, quis’est totalement détaché de ses sourcesoriginelles, comme les rythmes noirsou la musique coloniale.

Isabelle Leymarie, Du tango au Reg-gae, Musiques noires d’Amérique Latineet des Caraïbes, Flammarion, 1996. Surles origines communes des musiquesafro-américaines.

Oscar Natale, Buenos Aires, Negros yTangos, Peno Lillo Editors, 1984. Sur lacontribution noire au tango dans sesdifférents aspects.

Michel Plisson, Tango : Du Noir auBlanc, Cité de la musique/actes sud,2001. Sur les origines noires du tango etla manière dont elles ont été progressi-vement masquées.

Vicente Rossi, Cosas de Negros,Hachette, 1858. Sur les premiers can-dombés et l’histoire de la présencenoire en Argentine.

José Luis Salinas Rodriguez, Jazz, Fla-menco, Tango : Las Orillas de un anchoRío, Editorial Cabriel, 1984. Sur lesmétamorphoses et syncrétismes à l’ori-gine des musiques du Rio de la Plata.

Carlos Vega, Danzas y Canciones Argentinas, Teo-rias y Investigaciones, Buenos Aires 1936. Uneapproche qui cherche essentiellement les ori-gines du tango dans la musique dite « binairecoloniale » d’inspiration européenne et nie doncl’existence d’une influence africaine.

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Née en Uruguay il y a 80 ans, la chanteuseLágrima Ríos passa son enfance dans le quar-tier populaire de Barrio Súr à Montevideo. Sacarrière s’étale sur plus de 60 années etembrasse un large éventail de musique popu-laire : style folklorique, carnaval, candombe.Elle a tellement marqué ce dernier style, parses interprétations à la fois calmes et puis-santes, qu’elle est connue en Argentine commela Dama del Candombe. Après avoir fondé etanimé un quatuor noir a Capella, Brindis deSala (du nom d’un grand violoniste noir), elleparticipa au groupe de carnaval Morenada àpartir de 1968. Elle effectua de nombreusestournées internationales, obtenant plusieursprix et distinctions. Son opposition à la dicta-ture militaire uruguayenne la conduisit à s’exi-ler plusieurs années en Europe au début de ladécennie 1980. Elle est, depuis 1995, présidentede Mundo Afro, une association dédiée à lareconnaissance de la culture et de l’identiténoire en Amérique Latine. Femme d’une élé-gance et d’une distinction exceptionnelles, elleétait de passage à Paris en octobre dernier àl’occasion du festival Paris-Banlieue tango. LaSalida l’a interviewée à cette occasion.

La Salida : Quelle a été la contribution del’Uruguay à la naissance du tango ?

Le tango n’est pas seulement argentin. À Mon-tevideo, son ancêtre le Candombe fut d’aborddansé par les noirs, sur les bords du Río de laPlata.

Les noirs aussi étaient descendus des navires,beaucoup plus tôt que les immigrants blancs dela fin du XIXème siècle. Mais c’était contre leurvolonté : volés, réduits en esclavage, attachéscomme des animaux, jetés à la mer quand ilsétaient malades, parqués dans des construc-tions insalubres. Venus de différentes partiesde l’Afrique, ils apportaient chacun leur dia-lecte. Ils ne pouvaient parler entre eux etn’avaient comme langage commun que la per-cussion du tambour. D’où la naissance du Can-dombe. Avec le temps, les maîtres violant etexploitant sexuellement leurs esclaves noires,la population s’est progressivement métissée. Dans les villes, les noirs n’étaient autorisés à

jouer la musique de Candombe ouvertementque le jour des Rois Mages. Ce jour-là toutesles familles ayant des esclaves présentaient uncouple pour danser. Le meilleur d’entre euxétaient surnommé Rey Congo et Reina Congo,et couverts de cadeaux.

Puis les immigrants blancs sont arrivés et sesont mélangés aux noirs. Les femmes blanches,victimes de la traite, ont commencé à « tra-vailler » dans ces endroits, dans des lieux dis-solus, mal famés comme le quartier de El Bajoet c’est ainsi que le tango a commencé.

La Salida : Pourquoi le candombe n’a-t-ilvraiment survécu qu’en Uruguay ?

En Argentine, les noirs ont disparu car ils ont étéenvoyés mourir dans les guerres du Paraguay aucours des années 1860. C’est pourquoi le Can-dombe n’a vraiment survécu qu’en Uruguay.

Interview de Lágrima Ríos

Aux sources uruguayennes du tango

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Dans ma jeunesse, j’ai dansé, dans mon quar-tier de Barrio Súr, lors des fêtes de Candombe.Il y avait des joueurs de tambour dans les rues.Chaque quartier avait son groupe de Can-dombe, avec son style propre.

Le candombé uruguayen se joue en utilisanttrois types de tambours différents : grande,joué avec le repique (bâton très long) ; grave,joué avec le chico (petit) ; et piano, joué avecle piano (gros). Ces trois types de tambourscouvrent l’équivalent des registres de la voixhumaine : basse, baryton et ténor.

La Salida : Quelle est aujourd’hui la situationdes noirs en Uruguay ?

L’oppression des noirs parcourt toute l’histoirede l’Uruguay. Cependant l’un de nos hérosnationaux, José Ortigas, joua pour eux un rôleémancipateur. Après avoir lutté contre lesinvasions étrangères au début du XIXème siècle,

il fut chassé vers le Paraguay. Beaucoup denoirs le suivirent alors pour trouver la liberté.Il y créa une ville nommée Cambacua, ce quiveut dire en indien Guarani : lieu de noirs.

Je suis aujourd’hui la seule chanteuse noire detango en Uruguay et en Argentine. Quand onest une femme noire, dans mon pays, il est trèsdifficile d’arriver à quelque chose. Parexemple, à la Chambre des Députés de Monte-video, il n’y a qu’un seul député noir. L’asso-ciation Mundo Afro, que je préside, lutte pourla défense et la reconnaissance des noirs uru-guayens.• Propos recueillis par Fabrice Hatem

et Philippe FassierDiscographie• La Perla Negra del Tango, 33 tours, 1972• Luna y Tamboriles, 33 tours, 1976 RCA• Vamo al Candombe, 33 tours, 1981, Orfeo• Mama Isabel, Cassette, Orfeo, 1990• Cantando Sueños, CD, 1996, Ayuí.

Lágrima Ríos et son orchestre à la Maison de l’Amérique Latine, le 7 octobre 2002

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Cumplió quince años la primavera Elle eut quinze ans ce printemps-làdel año rojo de la cuidad, L’année rouge de la Capitale y la llalaban « la Mazorquera » Ils l’appelaient « la Mazorquera »en todo el barrio de Montserrat. dans le quartier de Montserrat.

Eran sus ojos, negros, traidores, Ils étaient noirs, ses traîtres yeuxy lastimaban como un puñal ; Et ils blessaient comme un poignard ;y los sargentos restauradores Les sergents de la Restaurationle dedicaban este cantar : Lui dédièrent cette chanson :

« Cuida la vida dal que te quiera « Protège la vie de celui qui t’aimeporque cien dagas lo buscarán Car cent dagues cherchent à le tuerpor tus amores de mazorquera, Pour ton amour de mazorqueraen la parroquia de Montserrat ». Dans la paroisse de Montserrat ».

Bajo el rebozo, rojos, sangrientos, Sous le foulard, rouges, sanglanteslos labios de elle reían mas ; Ses lèvres riaient davantage ;Y las guitarras de los sargentos Et les guitares des sergentsasí volvían a suspirar : Soupiraient cette complainte :

« Por tus amores degollaría « Pour ton amour il perdra la têtehasta el porteño mas federal Même le portègne le plus fédéralJuan Manuel mismo te adoraría Même Juan Manuel t’adorera¡ Oh, mazorquera de Montserrat !» Oh, mazorquera de Montserrat !»

Y fue un sargento loco de celos Ce fut un sergent fou d’amourque hirio una tarde con su puñal Qui la blessa de son couteaula daja roja de sus cien duelos D’un couteau rouge de cent combatsla mazorquera de Montserrat La mazorquera de Montserrat

Llena de sangre, mientras moría Pleine de sang, perdant la viecayó una estampa de entre su chal ; Un médaillon tomba de son châle ;Y en el suspiro de su agonía Et dans un souffle d’agonieel mazorquero creyó escuchar Le mazorquero cru entendre

estas palabras roncas, llorosas : Ces paroles âpres et douloureuses :« Solo a ti amaba… » Y al expirar « Je n’aimais que toi…» et en mourantbesó en la estampa la faz de Rosas Elle embrassa l’image de RosasLa Mazorquera de Montserrat. La Mazorquera de Montserrat.

Paroles de Héctor Pedro Blomberg (1930) Traduction de Fabrice HatemMusique de Enrique Maciel

Autour d’un tango : La Mazorquera de Montserrat

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Juan Manuelde Rosas

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Il existe dans le tango argentin une tradition de« poésie de mémoire », évoquant certainesépoques mythiques de l’histoire du pays. La tristeépopée des immigrants européens de la fin duXIXème siècle, les heures sombres des dictaturesmilitaires qui se sont succédé au cours du XXème

siècle, avec leur sinistre cortège de fusillés ou dedisparus, ou encore le tragique destin de CarlosGardel, constituent quelques thèmes de choix dece répertoire. Mais celui-ci est essentiellementfocalisé sur une période immédiatement anté-rieure à la grande vague migratoire qui fut à l’ori-gine de la formation de l’Argentine contempo-raine. Il faut dire que cette Argentine post-colo-niale de la première moitié du XIXème siècle, des-tinée à être bientôt submergée et anéantie,regorge de thèmes propices à l’évocation poé-tique, comme le charme un peu nonchalant duBuenos Aires créole de l’époque, avec ses « pulpe-rias » (café-épiceries), ses candombes et ses tam-bours noirs du quartier de Montserrat, ses poètes« payadores » et ses soldats toujours amoureuxd’une jolie mulâtre… Tout ce monde disparu étantdominé par la figure à la fois terrifiante et fasci-nante du « Restorador » Juan Manuel de Rosas, quifit régner entre 1829 et 1852 une effroyable dicta-ture, appuyée sur une armée parallèle de mili-ciens « mazorqueros » gauchos et noirs.

Héctor Pedro Blomberg (1890-1955) constitue lereprésentant le plus prolifique de cette traditionpoétique tanguera, focalisée sur le milieu duXIXème siècle. Dans La Pulperia de Santa Lucia, ilévoque l’atmosphère des petits bistrots de fau-bourg, où se retrouvent gauchos, payadores etsoldats. Dans La Mazorquera de Montserrat, ilpersonnifie la terrible milice fédéraliste sous lestraits d’une jeune « mazorquera » (Le terme« mazorqua » désignait à l’époque la tige de l’épide maïs), amoureuse jusqu’à la mort du dictateurRosas. Dans El Adiós de Gabino Ezeiza, c’est lapersonnalité du fameux Payador noir qui est évo-quée. Enfin, La Canción de Amalia nous ramèneencore une fois à l’époquetroublée de la guerre civile etde la dictature Rosiste. Lestextes de Blomberg, mis enmusique par Enrique Maciel,furent notamment interprétés,dans les années 1930 et 1940,par le chanteur Ignacio Cor-sini, dont la délicate voix de

ténor, appuyée sur des accompagnements de gui-tare, provoque chez l’auditeur un irrésistible sen-timent de nostalgie. Le chanteur écrivit lui-mêmequelques textes très émouvants consacrés à cetteArgentine disparue, dont le très beau « TristesseCréole ».

Le poète Homero Manzi,« réinventeur », avec le com-positeur Sebastián Piana, dela milonga dans les années1930, apporta également sacontribution à ce style « histo-rique », avec, entre autres, samilonga Bettinoti, qui évoque

la figure du dernier – et du pluscélèbre – Payadore gaucho. Cestyle « revival » fut égalementillustré par d’autres milongasconnues, comme Pena Mulata,Azabache ou Negra María, parailleurs composées par desmusiciens et paroliers parfaite-ment blancs, le plus souventd’origine italienne.

Mais ce fut incontestablementle chanteur Alberto Castilloqui donna à ce style sa plusgrande popularité, en se fai-sant accompagner par un« orchestre candombe » com-posé en partie de danseurs etjoueurs de tambours noirs. Ilfit ainsi danser le petit peupleblanc du Buenos Aires des années 1940 et 1950 surdes textes et des rythmes évoquant la musique etles rites des noirs disparus, comme « Le bal desnoirs » (Baile de los morenos) ou Candonga.

Cette tradition « revival » n’est pas sans implica-tions politiques. En effet, la mise en avant de laprésence noire et l’idéalisation de la fête popu-laire spontanée participent d’une idéologie « degauche » qui s’oppose à l’Argentine des conserva-teurs et des grands propriétaires. Et ce n’est pasun hasard si les artistes représentatifs de ce cou-rant, comme Homero Manzi (et plus générale-ment les écrivains du groupe littéraire dit « deBoedo ») ou Alberto Castillo furent également desfigures importantes du militantisme radical oupéroniste.• Fabrice Hatem

Ignacio Corsini

Sebastián Piana

HomeroManzi

Alberto Castillo

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Juan Carlos Caceres, musicien, peintre et poète d’origine argentine, est installé en France depuisle 14 mai 1968 (ça ne s’invente pas !!). Il a donné en 2002, à la demande de l’association LeTemps du Tango, une série de conférences sur l’histoire de la musique tango, dont nous vous pro-posons ici un résumé rédigé par Fabrice Hatem. Il y défend une position originale par rapport àl’historiographie aujourd’hui dominante, en insistant sur le rôle fondamental de la contributionafro-américaine à la formation de ce style musical, notamment sur le plan rythmique.

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Aux origines du tango : les rythmes africains

Un peu de géographie musicaleUne grande partie de la musiquepopulaire latino-américaine estissue d’un syncrétisme entre destraditions européennes et afri-caines. Cette dernière influencese manifeste notamment par laprésence d’un rythme particu-lier, la clave, constituée par lasuccession de 5 impulsions ryth-miques, dont 2 en contretempsou en syncope, sur 2 mesures.Cette structure fondamentale aconstitué la base commune àl’émergence de styles différentsselon les régions du continent.On peut à cet égard distinguer trois grandesaires musicales en Amérique latine : cellede la rumba à Cuba et dans la zone tropi-cale ; celle de la samba au Brésil ; enfin,celle du tango dans la région du Río de laPlata. Cette région s’étend, outre la provincede Buenos Aires, jusqu’au sud du Brésil, englo-bant notamment l’Uruguay et la provinceArgentine de l’Entre-Ríos.

En fait, plutôt que de tango, il faudrait plutôtparler de « tango élargi », et ce pour deux rai-sons principales : d’une part, parce qu’il existedans la région du Río de la Plata d’autresformes d’expression musicale, comme les can-dombes et les murgas d’Uruguay et d’Argen-tine, les diverses formes de milongas, lesdanses traditionnelles, etc. D’autre part, parceque le tango n’est pas seulement un style musi-cal, mais un genre culturel beaucoup pluslarge, avec un aspect poétique, littéraire etbien sûr, chorégraphique. Mais ces diversesformes d’expressions artistiques de la régiongravitent toutes autour de la musique tango etont avec elle des liens étroits de parenté etd’influences mutuelles.Mais pourquoi donc joue-t-on dans cetterégion du Tango, plutôt qu’une autre musique,proche par exemple, de la Samba ou de la

Rumba ? Pour le comprendre, il faut analyserles conditions historiques particulières qui ontpermis la naissance de ce style musical, issud’une synthèse particulière d’influences euro-péennes et africaines.

Rythmes :

Clave

Habanera

Milonga

Tangomilonga

Tangoantiguo

Tangodes

années1940

Murgas uruguayenne et argentine

La Murga urugayenne est une formation depodium avec 17 musiciens : 14 chanteurs et 3percussionnistes. Les chœurs viennent de latradition espagnole ; les percussions de la tra-dition africaine du candombé. C’est pourquoil’on peut parler de murga accandombeada.

La Murga argentine tient aussi du candombé,mais se joue en défilés, derrière une sectionrythmique composée d’une grosse caisse, decymbales et d’une caisse claire. Ces défilésconstituent des moments plus forts, plusbruts que la Murga de podium. C’est unedanse un peu folle, mélange de Capoeira et deTarentelle. Elle a connu un renouveau récent,qui témoigne d’une réappropriation popu-laire de la culture de carnaval.

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Un syncrétisme particulier au Río de la PlataLe tango est issu de la convergence de plu-sieurs styles musicaux qui se sont rencontréssur les rivages du Río de la Plata : la musiquehispano-cubaine (Habanera), la milonga desgauchos ; le Candombé « urbain » des noirsArgentins et Uruguayens ; enfin, la musiquepopulaire européenne de la fin du XIXème

siècle. C’est un mélange de traditions musi-cales elles-mêmes déjà métissées, où l’élémenteuropéen l’a progressivement emporté jusqu'àpratiquement masquer une filiation africainepourtant très présente. Pour comprendre lemouvement historique qui conduit à cettemusique métissée, il faut d’abord dire quelquesmots de l’histoire du peuple argentin ou plutôtdes conditions de sa création à partir de popu-lations d’origines très diverses.

Des origines très anciennesFondée et détruite plusieurs fois au cours duXVIème siècle, Buenos Aires se trouvait audépart dans un environnement assez peu favo-rable. Il n’y avait pas d’or comme au Pérou ; laville était isolée de la partie la plus riche del’Amérique latine, et devait vivre en semi-autar-cie, entourée de tribus indiennes hostiles. Ellea donc mené pendant les premiers siècles deson existence une vie de bourgade colonialenonchalante, même si son rôle politique com-mença à s’affirmer au cours du XVIIème siècle,notamment lorsque les Espagnols décidèrentd’en faire la capitale du « Vice-Royaume du Ríode la Plata », créé pour faire pièce aux ambi-tions portugaises dans la région.

Sa principale activité était alors le portnégrier, où débarquaient des esclaves destinésaux mines de Potosi en Bolivie. Certainsd’entre eux étaient achetés pour alimenter lanombreuse domesticité au service des famillesriches de la ville. D’où l’existence d’une popu-lation noire nombreuse : près de 40 % des habi-tants de la ville au début du XIXème siècle.

Dans cette bourgade de province, la musiquejouait un rôle social important, car il n’y avaitpas grand-chose d’autre à faire. Beaucoup destyles différents coexistaient : musique espa-gnole comme le Fandango, menuets, sérénades,musique baroque jouée par les Indiens du Para-guay formés par les jésuites des missions…Quant aux rites et aux rythmes Candombe, ilsétaient eux-mêmes issus du mélange des tradi-tions apportées par les esclaves noirs dediverses régions du golfe de Guinée. Ces cul-tures cohabitaient dans une certaine tolérancemutuelle : on amenait par exemple des noirsdans les préaux d’Église pour leur faire jouer ducandombe à l’occasion de certaines fètes chré-tiennes. La tradition musicale africaine est donctrès présente à Buenos Aires, deux siècles avantla naissance du tango comme style musical.*

* À l’époque, le mot « tango » existait déjà, mais ne dési-gnait par encore un style musical. Ce terme peut signifierdans différentes langues africaines beaucoup de choses :lieu de réunion, dieu de la guerre, tambour. Il peut aussis’agir d’une prononciation phonétique défectueuse de l’Es-pagnol par les Noirs (Vamo a Toca tanbo : « on va jouertambou’ »). Ce n’est que beaucoup plus tard que le terme aété utilisé pour désigner un genre musical.

Candombe y Negro con tamboril, de Pedro Figari

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Tango Negro Tango Nègre

Tango negro, tango negro Tango nègre, tango nègrete fuiste sin avisar Tu es parti sans prévenirlos gringos fueron cambiando Et les gringos ont changétu manera de bailar Ta manière de danser

Tango Negro, tango Negro, Tango nègre, tango nègre,el amo se fue por mar Le maître est parti par la merse accabaron los candombes Il n’y a plus de candombéen el barrio è Monserrat Dans le quartier de Montserrat

Mas tarde fueron saliendo Plus tard ils sont revenusen comparsas de carnaval Dans les fêtes de carnavalpero el rito se fue perdiendo Mais le rite s’était perdual morirse Baltazar Après la mort de BaltazarMandingas, congos y minas Mandingas, congos et minasrepiten en el compas Répètent tous en cadencelos toques de sus abuelos les rythmes de leurs aïeux

Borocoto, borocoto, chas chas Borocoto, borocoto chas chas

Tango negro, tango negro Tango nègre, tango nègrela cosa se puso mal Les choses ont bien mal tournéno hay mas gauchos mazorqueros Ils n’y a plus de mazorquerosy Manuelita que ya no esta Et Manuelita s’en est allée

Tango negro, tango negro, Tango nègre, tango nègre,los tambores no suenan mas Les tambours ne résonnent pluslos reyes estan de luto Et les rois portent le deuilya nadie los va aclamar Plus personne ne les acclame

Paroles et musiques Traduction de Fabrice Hatemde Juan Carlos Caceres

Quelques éléments de compréhension

« Gringos » est le terme, utilisé par les non-blancs pour désignerles populations d’ascendance européenne.

Le « maître » évoque le personnage de Juan Manuel de Rosas, exilé en Europe en 1852.

Baltazar était le nom du « roi des noirs », élu pendant les fêtes de Candombe.Ces fêtes furent réprimées et quasiment interdites après le départ de Rosas.

Mandingas, congos et minas sont des noms d’ethnies dont étaient originairesles populations afro-américaines. Ils désignent également des associations oucorporations constituées des ascendants de ces ethnies.

Manuelita était le prénom de la fille de Rosas, très populaire dans les quartiers pauvres.

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Un XIXème siècle très agitéLe tango naît au milieu des troubles, de laguerre civile, des mouvements de populationsqui amènent avec elles leurs styles musicauxpropres qui vont se mélanger, se submerger lesuns les autres, au gré des flux migratoires.

Quatre types de conflits sont à la base de l’Ar-gentine contemporaine : des guerres d’émanci-pation contre les puissances coloniales euro-péennes ; une longue guerre civile entre Unita-ristes, partisans d’un pouvoir central fort, etFédéralistes, partisans d’une décentralisationpolitique ; des conflits internationaux pour ladétermination des frontières entre les nou-velles républiques issues de la décolonisation ;enfin, des conflits ethniques plus ou moinsouverts entre les populations européennes,indiennes et noires. Ces conflits vont se succé-der et se superposer de manière quasimentininterrompue entre 1810 et 1880 pour aboutir àla configuration actuelle de l’Argentine : unpays politiquement indépendant mais économi-quement dominé, de culture très majoritaire-ment blanche, chrétienne et européenne, assezcentralisé autour d’une grande capitale, mêmesi les provinces détiennent des pouvoirs impor-tants, et dont les frontières ne contiennentqu’une partie du Río de la Plata, c’est-à-dire duberceau géographique de la culture tango.

En 1810 a lieu la révolution de Mayo, quiconduit à l’indépendance en 1816 après uneguerre avec l’Espagne. Puis l’Uruguay est perduen 1828 et l’Argentine doit défendre son inté-grité politique et territoriale contre les entre-prises des puissances européennes (France,Angleterre…)*. Simultanément, une guerrecivile de près de 40 ans se déroule entre Uni-taristes et Fédéralistes, dont la dictature deJuan Manuel de Rosas constitue un momentfort. C’est ensuite la triple alliance Brésil-Argentine-Uruguay contre le Paraguay et laguerre du Paraguay entre 1864 et 1870. Enfin,au sortir de ces guerres incessantes et san-glantes, c’est l’extermination des Indiens de la

Pampa à l’occasion de la Guerre du Désert en1879 et l’appel à l’immigration européennepour faire de l’Argentine un pays de cultureblanche « civilisé », par opposition à la barba-rie supposée des Noirs et des Indiens.Ces événements historiques ont des implica-tions fortes sur l’évolution des styles musicaux,avec trois points particulièrement importants :l’effacement de la présence noire à partir de1850, le recours massif à l’immigration euro-péenne à la fin du XIXème siècle et l’expansionrapide de la ville de Buenos Aires qui s’ensuit.

Les Noirs, Rosas et le CandombeJusqu’au milieu du XIXème siècle, les Noirs ontconstitué une part importante de la populationargentine, notamment à Buenos Aires (cfsupra). Émancipés de l’esclavage depuis 1813,leur situation sociale n’était guère brillante. Lesystème esclavagiste avait en effet, surtoutdans les grandes familles bourgeoises de Bue-nos Aires, un côté familial, bon enfant, tolé-rant et paternaliste qui fournissait une cer-taine protection aux esclaves, que l’abolitionavait largement détruite. Les Noirs avaientalors dû trouver eux-mêmes du travail, dans demauvaises conditions, passant du statut d’es-clave à celui, à peine plus enviable de « sous-

* Elle donne notamment lieu à la bataille d’Obligado,gagnée par la France en 1847 et qui fut longtemps commé-morée par le nom d’une station de métro parisienne.Celle-ci fut rebaptisée « Argentine » en 1947 à l’occasion dela visite d’Eva Perón, en remerciement de l’aide alimen-taire apportée par l’Argentine à la France ruinée del’après-guerre.

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prolétaire » ou lumpen. Beaucoup avaient étéenrôlés dans l’armée. La société de l’époque,issue de plusieurs siècles de cohabitationNoirs-Blancs dans un climat de tolérancesexuelle, était cependant très métissée. Cetterelative intégration raciale se traduisait dansle langage, puisque les Noirs étaient appelésles « morenos » (bruns), c’est-à-dire, si l’onpeut s’exprimer ainsi, une variante particulièrede Blancs, tandis que le terme « negro », à laconnotation plus péjorative, désignait lesIndiens, définitivement classés comme « bar-bares ».

Ces populations noires, regroupées dans cer-tains quartiers de Buenos Aires comme Mont-serrat (cf infra), tenaient des réunions où semêlaient pratiques religieuses et initiatiques,rites de sociabilité et activités de divertisse-ment. Ces cérémonies de « Candombe », quifaisaient largement appel aux rythmes des tam-bours et aux danses collectives, étaient issuesdu croisement des multiples traditions afri-

caines qui s’étaient rencontrées sur les rivagesdu Río de la Plata. Elles connurent un momentde forte visibilité sous la dictature de JuanManuel de Rosas avant d’être réduites ensuiteà une semi-clandestinité.

En 1829, Juan Manuel de Rosas prit le pouvoirà Buenos Aires. Ce personnage controversédéfendait une vision fédéraliste de l’Argentinecontre la bourgeoisie unitariste de BuenosAires. En même temps, il cherchait à défendrel’intégrité du territoire Argentin contre lesambitions des puissances coloniales. Il mit enplace une dictature sanglante, impitoyable etchercha à appuyer son pouvoir sur le « Lum-pen » — le peuple, les Noirs et les Indiens —contre la bourgeoisie blanche. Il s’intéressaitaux cultures « ethniques » et écrivit même undictionnaire des langues indiennes. Amateurde Candombe, il présida en 1836, avec sa filleManuelita, une grande fête de Candombe avecla participation de 6000 noirs sur la Piazza deMiserere.

Baile popular, de Pedro Figari

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Rosas appuya de plusieurs manières son pou-voir sur les Noirs. D’une part, sa belle-sœurorganisa un service de renseignement artisa-nal, mais redoutablement efficace : elle partaitla nuit en fiacre recueillir les bavardages desemployés de maison noirs sur les opinions etles actes de leurs maîtres blancs du quartier deSan Telmo. Certains d’entre ceux-ci furentmême arrêtés pour avoir revêtu chez eux unhabit bleu, symbole des Unitaristes, alors quela couleur officielle était alors le rouge desFédéralistes. Rosas organisa également unearmée parallèle de gauchos dits « mazorque-ros* » qui terrifiaient ses ennemis politiques.

En 1852, Rosas fut évincé du pouvoir et dut par-tir en exil. Victimes de la réaction blanche etbourgeoise, les Noirs furent plongés dans lesilence, leurs fêtes candombe réduites à unesemi-clandestinité, exilées hors des murs de lacapitale, limitées à quelques dates peu nom-breuses. Ils furent décimés par les épidémies,tandis que les hommes étaient enrôlés dans l’ar-mée et tués aux cours des guerres. Les tamboursde Montserrat furent ainsi réduits au silence.

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* Dérivé du terme mazorqua, désignant la tige de l’épis demaïs. Le terme haïtien tonton-macoutes est sans doutecelui qui évoquerait le mieux, pour nos oreilles modernes,la nature de ces milices.

Vingt ans plus tard, vers 1875, apparut le terme« tango » pour désigner une nouvelle formed’expression musicale, qui empruntait certainsrythmes fondamentaux au vieux « Candombe »des afro-argentins. Mais il incorporait égale-ment bien d’autres ingrédients : mélodies etviolons juifs d’Europe centrale, bandonéonallemand, tradition musicale italienne… Uneimmigration massive était en effet en train detransformer le visage de l’Argentine, condui-sant au premier exemple de fusion musicaledans l’histoire du monde moderne.

L’appel à l’immigration blanche et l’arrivéedes européensCertains courants musicologiques argentins,représentés notamment par l’institut CarlosVega — qui a par ailleurs produit des travauxde grande qualité — nient l’importance de lacontribution noire au tango, et affirment qu’ils’agit d’une musique d’inspiration essentielle-ment sud-européenne. Cette position euro-centrique et « négationniste » s’explique enpartie par l’histoire politique du pays et parune certaine forme de mépris de la classe diri-geante par rapport au peuple. C’est cette mêmeattitude qui s’est longtemps traduite par uneostracisation du tango, puis a conduit les dic-

Arrivée des immigrants d’Italie et d’Espagne

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tatures militaires successives à interdire lesfêtes de Carnaval. Ce mépris du peuple seretrouve aujourd’hui, sous une forme atté-nuée, dans l‘attitude dépréciative des élitesvis-à-vis de la Murga, cette forme des défiléspopulaires rassemblant des milliers de gensqui font la fête dans tous les quartiers de Bue-nos Aires. Dans tous ces cas, fête et musiqueapparaissent en effet comme une forme d’ex-pression populaire spontanée, organisée parles gens eux-mêmes, où la solidarité de proxi-mité et la contestation par la dérision jouentun rôle central. Tous phénomènes que lesclasses dirigeantes conservatrices préfèrent aumieux ignorer et mépriser, au pire réprimer.

Le Candombe rituel de l’époque du « Restaura-dor », constituent également, avec sa cousinela Macumba, une forme de fête populairespontanée, extravertie, transgressive, qui fai-sait – et fait toujours – d’autant plus horreuraux « bien-pensants » qu’elle tire sa source dela culture africaine, considérée comme bar-bare, violente, non civilisée.

Or, l’Argentine moderne qui émerge dans lesannées 1870, après la guerre épouvantable duParaguay, veut se reconstruire en se transformanten pays blanc, riche, civilisé, à travers le recoursmassif à une immigration européenne de qualité.Les dirigeants de l’époque espérèrent tout d’abordattirer des Européens de « première classe », tra-vailleurs et éduqués, en provenance d’Europe dunord et des îles Britanniques. Ils pensent même unmoment adopter l’anglais comme langue officielledu pays. Mais ils durent se contenter d’un affluxmassif d’Européens de « deuxième choix » : juifsd’Europe centrale, puis italiens du nord, espagnolsde Galice, basques... Ceux-ci commencèrent par semélanger avec la société créole primitive, avantde la submerger numériquement. Le phénomènefut encore accéléré par la disparition physiquedes « minorités », liée soit à des causes acciden-telles (quartiers noirs de Buenos Aires ravagés parles épidémies de fièvre jaune), soit aux consé-quences directes de certaines évolutions socio-politiques (Noirs massivement engagés dans l’ar-mée argentine, Gauchos chassés de la Pampa parla clôture des prairies), soit à une volonté expli-cite de nettoyage ethnique (extermination desIndiens de la Pampa à l’occasion de la « Guerre duDésert » de 1879).

À cette période remontent deux caractéristiquesfondamentales du peuple argentin qui ne sontpas sans conséquences sur l’esprit du tango.

La première est l’existence, au sein de la popu-lation, d’un climat de tolérance ethnique lié aucaractère originellement métissé de la popula-tion. Tout le monde en Argentine a un peu desang noir, est descendant de plusieurs popula-tions immigrantes différentes aux parcoursfamiliaux parfois obscurs (un proverbe localdit que « tous les Argentins descendent desbateaux et des putes »). Les premiers immi-grants blancs, le plus souvent des hommesseuls, se sont mêlés aux populations créolesautochtones lors des fêtes de carnaval, se sontmariés avec des femmes noires qui elles-mêmes ne trouvaient pas d’hommes de leurrace, beaucoup étant morts à la guerre. D’oùl’absence, encore aujourd’hui, de ghettos eth-niques à Buenos Aires. Et d’où également, l’ap-parition du tango comme musique syncrétique,âme d’un peuple lui-même métissé.

La seconde caractéristique, liée au relatiféchec (au moins qualitatif) de la politique dedéveloppement par l’immigration mise enœuvre par les dirigeants, est l’existence de cer-tains problèmes chroniques de la sociétéargentine, comme les inégalités sociales, lafracture entre grands propriétaires autoch-tones et descendants d’immigrants pauvres, le

Quelques soldats argentins dansant le tango

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climat de désordre moral, decorruption, de criminalité, degaspillage des ressources, deconflits sociaux et politiques,qui va longtemps caractériser lepays. La mythologie du tango estlargement liée à cette situationpolitique chaotique de l’Argen-tine.

Buenos Aires en mutation :Les lieux du tango

Si le tango ne vient pas seule-ment des bas-fonds, il naît dansle peuple. Un peuple en pleinemutation à la fin du XIXème

siècle, dont l’expansion se tra-duit dans la topographie urbaine. Ville non-chalante de moins de 100000 habitants en1850, Buenos Aires en comptait déjà près de 1million en 1900. Le tango naît de la juxtaposi-tion, puis du mélange de différents styles musi-caux, pratiqués par les populations trèsdiverses qui se côtoient dans un univers urbainen croissance rapide.

En 1850, Buenos Aires mesure dans sa plusgrande longueur, 1 kilomètre. La bourgeoisiecréole vit dans le quartier de San Telmo, entreles deux forts qui défendent l’accès du port.Elle écoute et pratique, au piano ou au clave-cin, une musique d’inspiration européenne :habanera, musique baroque et classique.

Les Noirs occupent les quartiers périphériquesde Concepción et Montserrat (aussi appelé le« Barrio del tambor » en référence aux tam-bours de Candombe qui y résonnent).

Plus loin à l’est, on trouvait dans ce qui estaujourd’hui le quartier de Mataderos (« abat-toirs ») des relais de poste et des corrals où lesgauchos venaient parquer le bétail en routedepuis la Pampa vers les abattoirs de la ville.Ils amenaient avec eux la milonga campesina(ou milonga des gauchos) et son instrument deprédilection, la guitare.

Le bétail était finalement conduit vers les abat-toirs (« corrales viejos »), situés au sud de laville dans le quartier de la Quema (« là où on

brûle les ordures »), aussi appelé Barrio de lasramas (« Quartier des grenouilles ») en réfé-rence aux marais que l’on y trouvait, ou Barriode la latas (« Quartier des boîtes deconserves »). Les habitants, aussi appelés lesCirujas (chirurgiens) utilisaient en effet pourconstruire leurs maisons des boîtes deconserves remplies de terre, qu’ils décou-paient également en guirlandes pour réaliserdes décorations. Les gauchos, descendus deleurs chevaux, se mélangeaient avec eux pouraller chanter et danser sur des musiques euro-péennes (mazurkas, polkas, etc.) et des milon-gas dans de petits bouis-bouis.

À partir des années 1870 et 1880, des mouve-ments de population vont profondément modi-fier la physionomie de plusieurs quartiers de laville. Au nord, le quartier de Palermo, amé-nagé depuis le milieu du siècle par l’assèche-ment des marais et l’installation de parcs, vaaccueillir la bourgeoisie portègne, en fuitedevant l’épidémie de fièvre jaune qui ravage lecentre-ville et les faubourgs anciens.

Situé immédiatement au sud de Palermo, le quar-tier du Retiro, après avoir été le lieu du débar-quement des esclaves à l’époque coloniale, étaitdevenu un no man’s land mal famé. C’est là quevinrent s’installer, après la fin des guerres duXIXème siècle, une partie des régiments argentinsdémobilisés, avec leur armée parallèle defemmes, des fameuses chinas cuarteleras.

Un café de Buenos Aires en 1907

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Plan de Buenos Airesmilieu/fin du XIXo siècle : noir

fin du XXo siècle : gris pâle

Barrio deMontserrat

Barrio deLas Ramas,La Quema

San Telmo

La Boca

Retiro

Palermo(aménagé par Rosas)

Abattoirs(Corrales viejos)

Corrales

Bétail,Gauchos

PA

AP

M

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Trois sources musicales fondamentalesLe tango est le produit de ce mélange ethnique,à travers trois principales sources musicales —la Milonga, la Habanera et le Candombé — aux-quelles se superposèrent des influences euro-péennes plus récentes : - Les racines noires. Le rythme fondamental dutango est, comme on l’a vu plus haut, la claveafro-américaine, même si l’agrégation progres-sive de nouveaux éléments a en partie masquécette structure de base. Cette tradition ryth-mique, elle-même issue de la rencontre et dumétissage sur le sol américain de différentestraditions africaines, est encore aujourd’huiprésente à Montevideo, où la présence noireest restée plus forte, sous la forme du Can-dombe uruguayen. - La milonga des gauchos : cette musiquerésulte elle-même de la rencontre des tradi-tions musicales de la Pampa argentine. Sessuites harmoniques répétitives, accompagnéespar un « bourdon » de guitare, servaient desupport à des improvisations poétiques com-posées sur des vers octosyllabiques, par lesfameux « Payadores » de la fin du siècle. Sonrythme typique de milonga lente présente defortes affinités avec celui de la Habanera, aveclaquelle elle partage les mêmes origines métis-sées afro-européennes. Ceci permit à certainscompositeurs de la Guardia Vieja CommeAgustín Bardi, d’élaborer dans certaines deleurs œuvres, comme Che noche, une premièresynthèse entre habanera et milonga. - La Habanera : il s’agit d’une « Musica de ir yvuelta », c’est-à-dire d’aller et retour entrel’Europe et l’Amérique latine. La contredansefrançaise fut ainsi « exportée », via l’Espagne,vers Cuba, où elle fut réinterprétée par lesmusiciens noirs locaux*. Elle fut ensuite « réex-portée » vers l’Espagne où elle fut adoptée sousle nom de Habanera et incorporée dans lerépertoire des opéras populaires (Zarzuellas)**.C’est sous cette forme qu’elle pénétra enArgentine au cours de la seconde moitié duXIXème siècle. D’abord adoptée par la bour-geoisie, elle se diffusa ensuite vers le peuple.

* A Cuba, les musiciens noirs étaient plus instruits qu’enArgentine. Ils maîtrisaient déjà l’écriture musicale audébut du XIXème siècle.** Ce mouvement de « Ir y vuelta » se poursuit d’ailleursencore aujourd’hui, comme en témoigne l’introductionrelativement récente, par Paco de Lucia, d’un instrumentde percussion tropical, le « carron » (ou « tiroir ») dans leFlamenco espagnol.

Celles-ci animaient de petits cafés (« ranchos delas chinas ») et des bordels. On y jouait unemusique gaie, rapide, avec des textes pica-resques, un langage argotique, plein de dérision.Cette milonga mâtinée de candombé ou accan-dombeada, issue de l’interaction entre les dif-férentes composantes du peuple argentin quise rencontrent dans ces lieux, peut être consi-dérée comme l’ancêtre direct du tango.

En 1880, commença l’immigration de masse.Huit millions d’immigrants, pour la plupart dejeunes homme seuls* vont arriver en Argentine,italiens du nord, espagnols de Galice, noyantles populations précédentes. Arrivent égale-ment des marginaux, des réfugiés politiques,communards, garibaldiens, anarchistes. La soli-tude masculine entraîna le développementd’une prostitution massive, alimentée par latraite des blanches, évoquée par Albert Londresdans « Les chemins de Buenos Aires » (1927).

* La seule immigration familiale fut constituée par les juifsde Pologne, qui commencèrent à arriver quelques annéesauparavant, vers 1860.

Partition de Habanera

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Milonga

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Toutes sortes d’instruments sont alors utilisés,y compris les tambours noirs, qui voisinentavec les instruments à vent européens, l’accor-déon, etc. On danse aussi, pendant le carnaval,sur d’autres musiques venues d’Europe, maisdéjà amilongueadas : valse, mazurka, pasodoble, tarentelle, tango andalou…

Cette « milonga-candombe » va ensuite devenirle tango-milonga (ex : El Entrerianno (1897),Senior Commisario). Les tambours noirs dispa-raissent alors au profit d’instruments euro-péens comme le piano, la contrebasse, le ban-donéon.

Au cours des premières années du XXème

siècle, s’opère une bifurcation entre deuxstyles. L’ancien tango-milonga, au rythmerapide et enjoué, va se tranformer en« milonga », tout en connaissant une périoded’effacement qui ne prendra fin qu’au coursdes années 1930 (cf infra). De son côté, appa-raît un nouveau style de musique, une sorte de« tango-milonga » ralenti , que l’on va appeler« tango »**.

La convergence des trois sources

Malgré leur effacement après 1850, les rythmesde Candombe ressurgissent sous des formesnouvelles, surtout après 1870, à l’occasion descarnavals et des milongas (bals) populaires. Àla même époque, arrivent à Buenos Aires (auport, dans les théâtres…) des musiques venuesd’Espagne, tout particulièrement la Habanera.La milonga des gauchos pénètre par l’est ets’acclimate dans le sud de la ville. Ces troisstyles musicaux, dont les rythmes se superpo-sent assez bien, vont progressivement sefondre, entre 1870 et 1910, dans le tango.

Cette transformation, où les fètes de carnavalet les fanfares militaires* ont joué un rôleimportant, s’est fait par étapes successives.Apparaît tout d’abord une forme de Candombe« amélioré », sous diverses appellations(milonga-candombe, tango-candombe, haba-nera-candombe, Tango americano. etc.). CandombeHabanera

Milonga

Tango

Tango-milonga

Milonga-candombe

1900

1920

1850

1870

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La synthèse des années 1920et la cristallisation du tangoAprès avoir été gai et populaire, le tango est eneffet devenu aristocratique et distingué sousl’influence du snobisme parisien. Au début duXXème siècle, beaucoup de riches argentinsvenaient vivre plusieurs mois par an à Paris. Ils« frimaient » dans les salons de la Ville-Lumièreavec ce tango qu’ils avaient pratiqué clandesti-nement dans les mauvais lieux de BuenosAires. La bonne société française s’entichaalors de cette danse, devenue décente et élé-gante. Par effet d’imitation, la bourgeoisie por-tègne fit de même. On assista alors en Argen-tine à la « fabrication » d’un nouveau style detango — le Tango dit « de salon », qui devintrapidement une grosse affaire commerciale,avec ses académies de tango et ses maisons dedisques, ses cabarets de luxe de centre-ville oùse côtoient pègre et bourgeoisie. Le ralentisse-ment du rythme de la danse, la recherche del’élégance, ont bien sûr des conséquencesdirectes sur la musique, qui, à partir de la findes années 1920, va commencer à être écrite àquatre temps (4/4). Ceci l’éloigne définitive-ment de la milonga, qui reste écrite dans unrythme binaire plus vif et enjoué (2/4).

Juan Carlos, « Malena » et Fabrice

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* Dont de vieux enregistrements viennent d’être rééditéspar la collection «El bandoneon ».

** On notera que dans la phase immédiatement antérieure,le terme « tango » était utilisé, en association avecd’autres, pour désigner de nombreux styles musicaux :tango andalou, tango américain, tango-milonga, etc. C’estdonc simplement un mot, un label qu’on choisit pour défi-nir une nouvelle variété de style musical. C’est aussi, plusprosaïquement, un terme commercial fabriqué par les mai-sons de disque (Victor, Odeon...).

*** Instrument dont le premier interprète connu est SantaCruz, alors soldat dans l’armée argentine, dans les années1870.

Plusieurs facteurs expliquent cette évolutionmusicale. Tout d’abord, la disparition desinterprètes noirs et des percussions après lesannées 1870 ; ensuite, l’importance croissantedu bandonéon***, qui contribue au ralentisse-ment du rythme en se substituant à des instru-ments à vent mieux adaptés à des tempos vifs ;le rôle croissant des musiciens d’origine ita-lienne, qui apportent, outre une meilleure for-mation technique, leur sensibilité mélodiqueet leur lyrisme teinté de nostalgie ; enfin, l’em-bourgeoisement du public, qui réclame unemusique plus posée, plus sérieuse, plusdécente.

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Le mouvement « revival » des années 1930À partir des années 1930, débute cependant unmouvement de « revival ». Certains artistes del’époque cherchent à faire revivre des formesmusicales anciennes, particulièrement en met-tant en avant l’influence oubliée de la ryth-mique noire. C’est le cas notamment de Sebas-tián Piana, qui compose plusieurs milongas surdes paroles d’Homero Manzi, ou encore, unpeu plus tard, de l’orchestre « Candombe » duchanteur Alberto Castillo qui connaît un grandsuccès dans les années 1940. Ce mouvement ades liens avec la pensée de gauche, incarnéenotamment par le parti radical. La référenceaux origines noires de la musique est en effetune manière de mettre le peuple en valeur paropposition à l’Argentine conservatrice et bien-pensante de l’époque, incarnée par des dicta-tures militaires qui répriment les formes d’ex-pression populaire, comme le Lunfardo chanté.

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Alberto Castillo sur scène

Mort et renaissance du tangoJusqu’aux années 1940, on pouvait encore trou-ver dans le tango quelques résidus du passéancien : utilisation d’une gamme d’instrumentsplus diverse, dont certains ont ensuite étédélaissés, comme la guitare portugaise, latrompette, l’accordéon, les instruments à vent,et même les tambours, comme dans l’orchestreCandombe d’Alberto Castillo ; présence dansles fêtes de carnaval de quelques noirs, quidansaient une forme de Candombe dégradé,ainsi que de fanfares.

Mais la codification du tango qui intervient aucours des années 1940, et qui a abouti au stylede danse qui se pratique encore aujourd’hui, adéfinitivement laminé ses expressions anté-rieures*, en lui faisant perdre son caractèresulfureux. Il devient alors familial, passéiste,sans renouvellement musical. Aussi, les jeunes

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Juan Carlos Caceres

vont-ils délaisser, dansles années 1950, cettedanse de « vieux » pourle rock’n Roll.

Quant à la tradition de Candombe, elle a conti-nué à perdurer pendant tout ce temps dans lesréunions des rares familles noires autochtonesde Buenos Aires. Mais cela était considérécomme un peu honteux, méprisé, et ce patri-moine culturel atrophié était tenu secret.Même les noirs d’Uruguay méprisaient ce Can-dombé Argentin, pensant qu’ils étaient déten-teurs du « vrai » candombé.

Il faudra attendre les années 1970 pour que letango se renouvelle, avec Piazzolla, les exiléscomme le Cuarteto Cedrón, les grandes revues(Segovia, Tango argentino). Aujourd’hui, letango s’ouvre vers d’autres formes d’expres-sion musicale (jazz, musique électronique,musique brésilienne). Des associations commeAfrica Vive cherchent à réactualiser les tracesde la culture noire en Argentine. Juan CarlosCaceres participe à ce mouvement en explo-rant le potentiel expressif qui existait aux ori-gines de cette musique métissée, et qui n’a étéque très partiellement exploré.•Propos recueillis par Fabrice Hatem,

Philippe Leygue et Pierre Lehagre

* On peut toutefois noter la persistance d’un « Swing » tan-guero, une manière particulière de placer l’accentuation etde jouer sur la syncope, appelé par les musiciens le« cache » de milonga. Cette forme d’interprétation trèscaractéristique, pratiquée par les musiciens même lorsquele tango était écrit de manière très « carrée », peut êtreconsidérée comme une réminiscence des origines noires.

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Quelques figures historiques marquantes :

La parda (négresse) Carmen (vers 1854). Elleouvrit au centre de Buenos Aires une Academia(académie de danse) où se côtoyaient des per-sonnes d’origines sociales très diverses. Une deses concurrentes, Agustina, également d’originenoire, déposa une plainte à la police en lui repro-chant d’avoir jeté un sort à son propre Per-igundín (café dansant), avec l’aide d’un sorciernoir, pour en détourner les clients.

Gabino Ezeiza (vers 1860-1870). Un des payadores(poètes improvisateurs) les plus célèbres. Inven-teur du contrepoint dans la Payada. Un très beaupoème, Los Adíos de Gabino Ezeiza a été composéen sa mémoire par Hector Blomberg.

El Negro Casimir (né en 1840). Violoniste, compo-siteur, un peu souteneur. Une figure importantede l’évolution esthétique conduisant à l’inventiondu tango-milonga. Œuvres majeures : EntradaProhibida, La Yapa.

El Mulato Sinforoso (fin du XIXème siècle). Com-positeur, clarinettiste, qui a sans doute joué etécrit avec El Negro Casimir.

Rozendo Mendizábal (1868-1913). Pianiste, com-positeur. Issu d’une famille noire aisée, reçoitune solide formation de pianiste. Après avoir gas-pillé sa fortune dans une existence de désœuvre-ment, gagne sa vie en enseignant la musique.Joue dans des lieux de plaisir comme El Tarana(qui deviendra plus tard chez Hansen). L’un desinventeurs du tango-milonga. Auteur notammentde El Entrerriano, (1897), A la luz de los faroles.Meurt dans la misère en 1913.

Celediono Flores (1896-1947). Poète de la ville,des quartiers populaires avec leurs figurestypiques et des drames individuels engendrés parla misère et l’injustice. Surnommé El negro Cele.Auteur notamment de Por la Pinta (devenuensuite Margot), Mano a mano. Son œuvre ne faitcependant pas spécifiquement référence à laproblématique de la négritude.

Carlos Posadas. Né en 1874, dans l’une des raresfamilles noires aisées de l’époque. Reçoit unesolide formation musicale classique en Europe.Compositeur, violoniste, pianiste. Auteur notam-ment de El Tamango, Cordon de oro…

Jorge Machado. Accordéoniste, compositeur.Donnait pour titre à ses œuvres des numéros. Sapremière pièce, tango no1, date de 1883.

Sebastián Ramos Mejià (surnommé El PardoSebastián) (fin du XIXème siècle). L’un des intro-ducteurs du bandonéon dans le tango.

Leopoldo Thompson. Musicien autodidacte, ilcommence sa carrière de contrebassiste en 1916.Il est connu notamment pour sa participation auSexteto de Julio de Caro. Créateur de l’effetcayengue, consistant en une combinaison decoups produits sur les cordes avec la main gauchelibre à la tige de l’archet maniée avec la maindroite. Un des seuls musiciens noirs de tangoencore en activité après 1920.

Alberto Castillo (1914-2002). De son vrai nomAlberto de Luca, il est issu d’un famille d’origineitalienne. Médecin de formation, il abandonneson métier pour le chant. Surnommé le « Chan-teur des cent quartiers portègnes », il est connupour son style provocateur, sa gestuelle trèsappuyée. Il se présente volontiers comme unchanteur populaire, exprimant l’âme du peupleportègne contre les « bourgeois » et les « bien-pensants ». Compagnon de route du mouvementpéroniste, il crée en 1947 un orchestre Candombeou participent des danseurs et joueurs de tam-bour noirs. Compose et/ou interprète de nom-breux candombes comme Charol, Moneda decobre, Baile de los morenos. La chute du péro-nisme en 1955 porte un coup très dur à sa car-rière. A également participé à de nombreux filmscomme Adíos pampa mía ; Alma de bohemio ; Labarra de la esquina ; Musica, alegria y amor.

Sebastián Piana (1903-1994). Musicien, issu d’unefamille d’origine italienne. Au début des années1930, Il prend l’initiative, avec le poète HomeroManzi, de redonner vie au style de la milonga, quiavait connu une éclipse de plusieurs dizaines d’an-nées au début du siècle. Compose notammentMilonga del 900, Milonga triste, Betinotti, Milongade Puente Alsina, Milonga federal, Milonga de losFortines. Il forme ensuite un Orquesta Típica Can-dombe, puis développe l’éphémére style ditmilonga-candombe, avec des compositions commePapá Baltasar, Aleluya, Pastelera, Pena Mulata,Carnavalera. Ses recherches inspirèrent d’autresmusiciens, comme Franscisco Canaro (Pinta brava,El Caramello, Candombe...), Lucio Demare (NegraMaría...), Héctor Stamponi (Azabache...).

Tango des noirs et noirs du tango

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Le tango a-t-il rompu avec ses originesnoires et espagnoles ?

« Les jeunes musiciens tangueros de lagénération de 1895 se libèrent presque com-plètement des éléments rythmiques, mélo-diques et esthétiques définissant les autrescultures présentes dans le Río de la Plata, etnotamment des influences africaines etespagnoles. La véritable esthétique dutango est avant tout innovatrice. Il ne resterien dans celui-ci des tamboriles africainsou du folklore colonial. Et tout ce qui y pro-vient d’autres cultures et perdure ensuite —comme les instruments musicaux ou l’har-monie qui sont d’ascendance européenne –le tango le soumettra à la puissante aven-ture personnelle qui lui donne de par sasimple naissance, de par le seul fait d’exis-ter et de vivre, une personnalité autonome,entièrement créole (native), acquise grâceau talent de ses musiciens qui sont aussi desnatifs ».

Horacio Ferrer, El siglo de oro del tango

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Tangôdébit : Tango argentin sur le net

Lorsque Joséphine Baker arriva en Argentinedans les années 1950, elle demanda auministre de la santé publique Ramón Carrillon

« Où sont les noirs ?». il lui répondit « Il y en aseulement deux, vous et moi !». Cette anecdotepuisée sur internet illustre un thème largementdéveloppé sur le net «Les noirs en Argentine,oubliés mais présents». Notre voyage nous aconduit en Afrique, Argentine et bien évidem-ment en Uruguay qui revendique historiquementcandombe et murga. Voici donc une sélection deportails offrant rédactionnels et musiques à télé-charger.

La disparition des noirs en Argentine :www.africultures.com/revue_africultures/articles/affiche_article.asp?no=2284Jean-Arsène Yao* considère que la populationnoire constitue en Argentine un groupe numéri-quement important, mais ne se reconnaissant pasen tant que tel. Cet article en français donne unéclairage complémentaire aux développementsde ce numéro de la Salida. On y découvre égale-ment que deux associations d'Afro-argentins

défendent actuellement au niveau national laracine africaine. La première s'appelle AfricaVive, siège à Buenos Aires et fut fondée par MaríaMagdalena Lamadrid. À travers son association,elle lutte contre la situation précaire de sesfrères de race en Argentine. La deuxième sedénomme Centro Indo-Afro-Americano, siège àSanta Fe et fut fondée par Lucía Molina qui aorganisé et participé à de nombreux congrès etrencontres internationaux sur les Afro-améri-cains. Le centre a plusieurs publications mais lesiège se trouve au sous-sol d'un laboratoire debiologie et partage son espace avec des animauxempaillés...

Candombe et MurgaL’origine africaine du candombe et celle dutango argentin qui en découle est à l’honneurdans www.candombe.com, un site accessible enfrançais.

Qu’est-ce que le candombe ? Voici la définitionde www.candombe.com : « can-dôme-bey, rythmeAfro-Uruguayen et style musical, basé sur trois"tambores": piano, chico, et repique. Selon lemême site, les racines du candombe plongentdans l’héritage ancestral de la culture bantoueapportée par les noirs jusqu’au Río de la Plata.Son esprit musical exprime la douleur desesclaves transplantés en Amérique du Sud pour yêtre vendus et exploités. Durant la période colo-niale, les afro-américains appelaient leurs tam-bours « tangó » et utilisaient également ce termepour désigner l’endroit où ils exécutaient leursdanses candombe. Par extension, les danseselles-mêmes se sont également appelées des tan-gos. Ce terme a ainsi défini à la fois un lieu, uninstrument et une danse. Au début du XIXème

siècle, les autorités de Montevideo, considérantles candombes – également appelés tambos outangós des noirs – comme une menace pour lamorale et l’ordre public, les ont interdits et ontdurement puni leurs participants.

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Selon www.contrafarsa-film.com, la Murga estle genre carnavalesque le plus représentatif ducarnaval uruguayen, aujourd’hui en pleine recon-quête de la rue et de ses festivités. Lors du festival

Rio Garonne à Toulouse le 26 juin, le public fran-çais a découvert la particularité du carnaval uru-guayen avec les représentations de théâtre popu-laire des murgas sur les scènes de quartier. Nousvous renvoyons à la rubrique « News » du site pourl’intégralité de l’article AFP « Un ciel de carnaval àToulouse grâce à la murga uruguayenne ».

Illustration musicalePour terminer ce pano-rama, nous ne saurionsque vous conseiller uncomplément musical surwww.deluruguay.netCe site propose unedécouverte des rythmescandombe ou de lamurga à travers l’écoute en ligne ou par télé-chargement. Candombe et murga ont chacun leurrubrique où quelques morceaux sont mis à dispo-sition en mp3. Pour découvrir le rythme caracté-ristique du candombe, écoutez les percussions dugroupe Las lonjas del Cuareim dans « Cuerdacompleta de tambores ».Polyphonie et mélodies caractéristiques des mur-gas apparaissent dans « A Redoblar » par ElZucará ou « A una mano paloma » par J. Julián.

Tangamente, [email protected]

(*) Jean Arsène Yao est docteur en Histoire d'Amérique(Universidad de Alcalá / Université Abidjan-Cocody, Rép.Côte d'Ivoire).

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