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L'INDONESIE par C H . MALAUDE « Un peuple, une langue, une armée. » Des voyages successifs en Indonésie confirment cette impression, née d'un premier et lointain contact, d'ambition, motivation principale de tous ceux qui eurent et qui ont des responsabilités nationales en Indonésie : ambition qui demandera du temps, peut-être quelques générations pour devenir une réalité indéracinable, quand on songe que l'Indonésie s'étend d'est en ouest sur plus de 6 000 kilomètres, soit la largeur des Etats-Unis, et que 13 000 îles s'égrènent sur cette étendue îles quelquefois grandes, quelquefois petites, quelquefois peuplées, quelquefois presque vides. Des chiffres, tout d'abord, pour fixer les données essen- tielles : la population atteint 160 millions d'habitants, la crois- sance du P.N.B. en 1984 est de 5,4 %, la balance des paiements courants faisait état d'un déficit de 5 milliards de dollars en 1982, de 6 milliards en 1983 et de 2 milliards en 1984, l'endettement global atteint 30 milliards ; les principaux fournisseurs sont le Japon, les Etats-Unis, l'A.S.E.A.N. (1), le Marché commun n'ayant qu'une part de 5 % ; parmi les principaux clients, le Japon, les Etats-Unis, l'A.S.E.A.N. également, la C.E.E. atteint, cependant, 15 %. Comme toujours, il faut d'abord se tourner vers les facteurs définis par le temps ; puis on verra leur application dans la situa- tion actuelle ; ensuite quelques traits des problèmes d'avenir s'en dégageront. (1) Association of South East Asian Nations (Association des nations de l'Asie du Sud-Est).

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L ' I N D O N E S I E

par CH. M A L A U D E

« Un peuple, une langue, une armée. » Des voyages successifs en Indonésie confirment cette impression, née d'un premier et lointain contact, d'ambition, motivation principale de tous ceux qui eurent et qui ont des responsabilités nationales en Indonésie : ambition qui demandera du temps, peut-être quelques générations pour devenir une réalité indéracinable, quand on songe que l'Indonésie s'étend d'est en ouest sur plus de 6 000 kilomètres, soit la largeur des Etats-Unis, et que 13 000 îles s'égrènent sur cette étendue — îles quelquefois grandes, quelquefois petites, quelquefois peuplées, quelquefois presque vides.

Des chiffres, tout d'abord, pour fixer les données essen­tielles : la population atteint 160 millions d'habitants, la crois­sance du P .N.B. en 1984 est de 5,4 %, la balance des paiements courants faisait état d'un déficit de 5 milliards de dollars en 1982, de 6 milliards en 1983 et de 2 milliards en 1984, l'endettement global atteint 30 milliards ; les principaux fournisseurs sont le Japon, les Etats-Unis, l ' A . S . E . A . N . (1), le Marché commun n'ayant qu'une part de 5 % ; parmi les principaux clients, le Japon, les Etats-Unis, l ' A . S . E . A . N . également, la C . E . E . atteint, cependant, 15 %.

Comme toujours, i l faut d'abord se tourner vers les facteurs définis par le temps ; puis on verra leur application dans la situa­tion actuelle ; ensuite quelques traits des problèmes d'avenir s'en dégageront.

(1) Association of South East Asian Nations (Association des nations de l'Asie du Sud-Est).

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LES DONNEES DE BASE

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces données sont hétérogènes, sur les plans géographique, démographique, ethnique, économique, historique, politique, culturel et religieux.

Un arc long de 6 000 kilomètres, composé de plus de 13 000 îles, s'étend au confluent de trois ensembles, somme toute distincts, de mers et de civilisations, celui de l'océan Indien à l'ouest, celui des mers asiatiques au nord, celui du Pacifique à l'est ; enfin un groupe humain, récent, émigré d'Occi­dent, s'est installé au sud, du côté de l'Australie, constituant ainsi un quatrième ensemble plus ou moins bien intégré au reste. Poste de surveillance sur des mers aux profondeurs exigées par les grandes flottes de surface et par les sous-marins, ainsi que sur des territoires diversement peuplés, l'Indonésie bénéficie d'une valeur stratégique de tout premier ordre : les Etats-Unis s'en sont bien rendu compte.

En outre, l'archipel se trouve situé dans une région où l'eau est abondante et la terre de bonne qualité, lorsqu'elle n'a pas été usée par le travail millénaire des hommes : tout y pousse, les végétaux, de même que les hommes ; tous y trouvent leur compte ; mais les hommes s'y multiplient plus vite que les plantes nourri­cières. L a mer est également généreuse aux rencontres de tempé­ratures différentes : la vie y est facile, à condition que la nature élimine ce qui est en trop.

L a population, elle aussi, se distingue par la diversité et par la variété : on compte 300 groupes ethniques, 250 langues, toutes les religions connues y sont d'ailleurs pratiquées, même si quel­ques groupes plus puissants, comme les musulmans d'origine malaise, représentent plus de 90 % des 160 millions d'habitants. Les Chinois confucéens ne sont que 5 millions, ce sont des fils de coolies et, plus anciennement, de commerçants émigrés ; le rôle des Chinois avait déjà été remarqué par différents voya­geurs français, allemands, anglais, américains au xvni' et au xix' siècle. N'est-ce pas Cook qui le relevait déjà lui-même ?

Ces Chinois, qui ont eu à subir des séries de pogromes et de discriminations, ont tiré quelques leçons de leurs malheurs. Comme l'a dit l'un d'eux récemment : « Nous ne devons plus oublier que nous sommes désormais indonésiens, et que nous ne

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pouvons plus nous limiter à ne penser qu'en terme familial », ce qui ne l'empêche pas de se penser toujours supérieur et de voir dans un confucianisme plus terrestre que l'islam l'explication de leurs succès tout aussi terrestres.

Mais cette population est bien mal répartie : 1 000 habitants au kilomètre carré à Java, 123 à Sumatra et 5 seulement en Irian.

Bien sûr, le pays, dans la mesure où l'on en connaît les ressources, dispose de nombreuses richesses : le sol lui-même avec l'eau et la terre, la mer, ses pêches côtières ou de haute mer, les hydrocarbures, qui devinrent rapidement et de façon exagérée la source principale des devises et des moyens finan­ciers. Dans le passé, l'Insulinde était la région des épices qui mobilisaient déjà la passion et l'avidité des navigateurs ayant couru les risques des grands océans. D'autres ressources minières existent également.

Les hommes aussi constituent une ressource, et les investis­seurs étrangers ont pu apprécier leurs qualités et leur capacités d'apprentissage.

Historiquement et politiquement, l'Indonésie traverse depuis cinquante ans des épreuves et des expériences qui ont aidé à forger son identité, comme dans bien d'autres pays décolonisés. Les souvenirs de la résistance passée contre les Hollandais subsis­tent confusément, mais se rappelle-t-on qu'un grand empire java­nais, celui de Mataram, incarnait déjà cette résistance des débuts ? Quoi qu'il en soit, depuis 1940, trois grandes crises sont interve­nues. D'abord, la crise des trois libérations : libération des Néer­landais, grâce aux Japonais ; libération des Japonais, grâce aux Alliés ; nouvelle libération des Néerlandais avec l'aide des Amé­ricains, ce qui a amené un ministre indonésien des Affaires étran­gères à dire que les relations entre les deux pays n'avaient jamais été aussi bonnes qu'à cette époque.

La deuxième crise fut celle du putsch déclenché à l'instiga­tion du parti communiste chinois ; la situation économique désas­treuse due à la politique de M . Sukarno n'y avait pas été étran­gère. L'armée indonésienne prévint à temps ce putsch et le noya dans le sang ; elle a donc gardé à l'égard de la Chine une rancune tenace et une méfiance durable que la richesse de la colonie chinoise ne pouvait qu'entretenir. Cette crise sonna, en même temps, le glas de l'homme de Bandung, Sukarno, éliminé en 1965,

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deux ans après le putsch, par l'un de ses lieutenants, le général Suharto. Mais c'est aussi le moment où les ruptures interviennent entre les camarades de 1945, les idéalistes de la démocratie d'une part, les réalistes de la démocratie de l'autre. A l'ancien ordre succède le « nouvel ordre », les nouveaux maîtres restant, en fait, fidèles à la démocratie dirigée, inventée par Sukarno, de même qu'à l'essentiel de la philosophie de la révolution de 1945.

L a troisième crise est bien plus récente : elle éclata en 1983-1985 et trouva son origine chez les intégristes de l'islam et dans leur rejet de la doctrine gouvernementale sur le plan moral comme sur le plan du développement économique ; les indices de cette opposition remontent loin, mais les premières manifesta­tions graves n'éclatent qu'en 1983, puis se développent en sep­tembre, octobre et novembre 1984 et, enfin, en janvier 1985, avec l'incendie du temple de Boroboudour ; des agitateurs venus du Moyen-Orient — on pense de l'Iran — ne furent pas étran­gers aux troubles. Certains soupçonnent d'ailleurs l'armée et la police d'avoir laissé les choses se développer pour réprimer avec plus de brutalité les tentatives de révolte des religieux islamiques et en avoir profité pour juguler également d'autres oppositions, moins visibles et plus politiques, éloignées certes des intégristes, mais tout aussi gênantes.

Les condamnations se succédèrent : un grand prédicateur musulman, un ancien ministre, un ex-général, sans parler des autres.

Le climat convenable ainsi créé a permis de placer sous observation tout ce qui pouvait être considéré comme opposi-tionnel, y compris des groupes à l'esprit seulement indépendant et peut-être trop occidentalisé, tels que le groupe dit des cin­quante, dont fait partie le général Nasuncion, ancien ministre de la Défense, héros de la libération et ancien camarade de Suharto.

A travers ces épreuves, les responsables indonésiens ont néanmoins forgé l'essentiel de ce qui est la doctrine du pays, le « pancaslla », où se mêlent politique, religion, social et morale. L a population est tenue d'adhérer aux cinq principes de cette doctrine, à savoir la croyance en Dieu, l'approche humaniste, l'adhésion au nationalisme, la démocratie du consensus et la justice sociale. Ces principes constituent cette troisième voie que le pays croit pouvoir offrir, distincte des solutions matérialistes de l'Est et de l'Ouest. L a doctrine s'est dès le début appuyée,

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quant au plan pratique du développement et de l'ordre, sur un dirigisme étatique socialiste, ainsi que sur une structure militaire solide, garante de l'unité encore précaire du pays face aux tenta­tions fédéralistes, autonomistes, voire indépendantistes de cer­taines de ses composantes.

Les forces centrifuges demeurent nombreuses : la plus dan­gereuse reste, sans doute, un certain islam, qui participe de la résurgence fondamentaliste du Moyen-Orient. Cet islam devien­drait vite unitariste et intolérant s'il disposait à sa guise des moyens du pouvoir ; cet islam, à présent, a dû s'incliner devant la volonté des militaires, garants de « l'unité dans la diversité ». « Bhonoka turgal ika », devise de la nation qui entoure l'oiseau, emblème du pays, le garuda.

AUJOURD'HUI

Avec ces données de fond, dont il ne faut exclure ni la sensibilité ni la passion prévalant dans les groupes locaux, com­ment les choses se passent-elles aujourd'hui sur les plans intérieur, économique, politique et extérieur ?

a) Du point de vue économique et social, le plan de déve­loppement en cours répond à trois préoccupations :

— Une tentative de contrôle de la croissance démographi­que, qui a atteint jusqu'à 3 %, grâce au double moyen des transmigrations intérieures et de la planification familiale ; trans­migrations, d'abord, car, s'il y a surpopulation à Java, i l y a sous-peuplement à Sumatra, à Bornéo et en Irian. Or les conditions climatiques et d'environnement général y sont partout très sem­blables ; en matière de planification familiale, les autorités ne rencontrent pas, de la part du clergé musulman traditionnel, une opposition aussi virulente que dans d'autres pays islamiques étant entendu que, dans l'utilisation des moyens, le respect des formes et des délais est garanti (par exemple, en matière d'avor-tement). Il est vrai que, du point de vue strictement théologique, le Coran et ses interprétations autorisées ne considèrent pas comme un infanticide ce qui peut arriver dans les semaines qui suivent immédiatement la fécondation. Bien sûr, l'industrialisation constitue le troisième moyen permettant d'absorber l'excès de population.

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— L a deuxième préoccupation majeure est celle de l 'ali­mentation minimale des populations depuis qu'épidémies, fami­nes, inondations et autres catastrophes naturelles, sans parler de la mortalité infantile, ne jouent plus leur rôle régulateur. Dans ce domaine, des résultats spectaculaires ont été atteints : l'Indo­nésie n'est plus importatrice de riz, au grand désespoir de la Thaïlande qui était, dans le passé, son fournisseur principal. Mais ce n'est pas sans contrepartie pour les paysans les plus pauvres et les moins industrieux, car des semences hybrides, des engrais, des petits matériels furent nécessaires et supposèrent l'octroi de crédits... Malheur à ceux qui ne surent pas bien en user pour augmenter leur production ! Ils durent vendre, se louer comme ouvriers, gonfler le prolétariat citadin... La première des indépen­dances n'est-elle pas celle de l'alimentation à tout prix ?

— L a troisième préoccupation concernait le respect d'un certain régionalisme concrètement inévitable, à condition que les modalités de celui-ci ne menacent pas l'unité nationale. Une telle politique suppose du doigté, de la part des responsables gouverne­mentaux et administratifs de même qu'une capacité d'adaptation, notamment de la part des populations transplantées dans des zones peu habitées, mais dont les tribus occupantes, souvent pri­mitives, supportent difficilement des bouleversements associés à une javanisation et à une islamisation obstinément poursuivies : on est encore dans des régions de coupeurs de têtes, Igorots et quelques autres.

Développement et amélioration de l'agriculture, industriali­sation dans les secteurs lourds, comme le pétrole et la pétrochimie, ou dans des domaines plus sophistiqués, tels que les usines d'avions et d'hélicoptères, cimenterie, aciérie, industrie légère des textiles, matériels électriques, plastiques..., le tout a été réparti entre Java, Sumatra et Bornéo, avec l'espoir que les centres bien distribués entre les différentes îles deviendraient les moteurs d'un plus grand développement industriel. Ce n'est malheureu­sement pas ce qui s'est passé, ou, tout au moins, les effets n'ont pas été aussi étendus et multiplicateurs que le souhaitaient les planificateurs, car les populations étaient peu préparées.

Trop fixées sur trop peu de produits, trop pensées à partir de modèles abstraits importés d'Occident, trop hâtives en raison de I'affux immédiat des bénéfices pétroliers, ces industries conser­vent un caractère exogène, et restent plus tournées vers les mar-

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chés extérieurs que vers le milieu environnant. Néanmoins, en ce qui concerne la modernisation, cet effort n'a pas été sans résultat. D'autres problèmes, inhérents d'ailleurs à tous les pays en développement qui démarrent d'une façon relativement satis­faisante, s'ajoutent au caractère exogène et artificiel de cet effort de développement : il s'agit de l'urbanisation sauvage, de la corruption de survie ou de luxe, de la formation mal conçue et insuffisante, finalement de la précipitation ignorante du rythme de l'être humain et de son environnement. Mais ces problèmes étaient-ils évitables à partir du moment où la conception du déve­loppement se limite aux aspects purement économiques, finan­ciers et « dollaresque » de la modernisation, ou faut-il rejeter, pour des raisons d'équilibre psychologique et social, cette frénésie de progrès née de l'Occident historique de l'Europe et poussée à son paroxysme dans les occidents du grand large ? Ne soyons donc pas surpris si, en Indonésie aussi, l'Occidental et ses imitateurs sont regardés comme diaboliques, dangereux et détestables. Quoi qu'il en soit, l'urbanisation sauvage a provoqué des aggloméra­tions où l'étranger ne sait pas regarder derrière les grandes ave­nues et les beaux quartiers résidentiels, où les villages s'entassent en faubourgs plus ou moins malsains et nauséabonds et en agglu-tinements plus ou moins désespérés. Djakarta est une illustration du phénomène avec ses millions d'habitants.

L a corruption n'est pas l'un des moindres maux d'une telle situation : le policier loue sa tâche de surveillance de la circulation et exerce un second métier ; les employés des douanes ralen­tissent les circuits d'autorisation à un tel point, et à de si nom­breux échelons, que le gouvernement est obligé de confier à une maison suisse le contrôle de la douane. Huit mille employés sont licenciés, les délais sont raccourcis, les taxes rentrent. Mais de nouvelles formes de contrebande sont mises au point. Ce qui est vrai aux petits niveaux l'est aussi aux autres, dans des propor­tions plus considérables : le système étatiste étant dans les mains des gouvernants et des fonctionnaires, l'octroi des autorisa­tions d'importation, d'investissements, de construction et de vente constitue une source inespérée et tentatrice de revenus pour sortir de la médiocrité et pour être en mesure de bénéficier du mode de vie et de confort des Occidentaux.

Plus votre place est élevée dans la hiérarchie, plus les tenta­tions sont grandes ; i l y a assez d'intermédiaires, indonésiens ou

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chinois, pour proposer des offres d'abord discrètes, puis de plus en plus aveuglantes. Les familles n'ont pas nécessairement la même vertu et le même patriotisme que ceux qui exercent le pouvoir et qui veulent contribuer, de ce fait, au développement de leur pays. L'Indonésie n'est pas une exception, et les accusa­tions que la presse internationale rapporte sur les habitudes des grands de l'archipel pourraient s'appliquer à bien d'autres pays et même à ceux d'où les critiques émanent, les fournisseurs de crédits ou d'équipement n'étant pas les derniers à encourager ces habitudes et à en profiter eux-mêmes. Un proverbe du Moyen-Orient revient toujours à l'esprit, avec toute sa verdeur et tout son mépris : « Plus tu montes haut, plus on voit ton postérieur. »

Autre problème difficile à résoudre pour un pays en pleine industrialisation, la formation du personnel et la gestion des entreprises. Comme le disait un ministre indonésien, responsable de l'industrie et de la technologie : « Nous avons besoin de for­mer 10 % de la population aux disciplines industrielles, mais nous n'avons pas besoin de rationaliser le fonctionnement des usines, ce qui provoquerait un chômage dangereux. Chaque année, deux millions d'employés arrivent sur le marché du travail. » Cela dit, divers investisseurs étrangers se sont félicités de la qualité de la main-d'œuvre, de sa discipline et de sa capacité d'adaptation aux tâches subalternes ou moyennes. Mais les cadres supérieurs se forment aussi.

Qui a pu mener, au travers des handicaps naturels, des erreurs de gestion, des défauts de comportement et des fragilités de tous ordres, la politique de planification et de développement dont on perçoit, malgré tout, les effets actuellement ? C'est l'ar­mée. L'Indonésie d'aujourd'hui est, elle aussi, le fruit d'une société militaire qui est souvent l'artisan de la construction d'un Etat en raison de son sens de la hiérarchie, de la rigueur et de l'organi­sation, indispensable dans des sociétés décolonisées, sans struc­ture, et exposées aux habitudes de la politique politicienne et d'un temps nonchalant et bavard.

L'armée a été et reste la pépinière et l'animatrice des hom­mes du gouvernement, de l'administration, de l'ordre policier, de l'industrialisation et de la gestion économique, enfin de l'organi­sation politique interne, mais elle fournit aussi aux fils du peuple les plus doués ou les plus dégourdis la grande chance de s'élever et d'acquérir les responsabilités et le pouvoir qu'ils recherchent.

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Avec les années, cette armée peut s'atrophier si elle ne sait pas se libérer des éléments de cette désagrégation qui menacent toute société humaine. L'armée indonésienne affirme connaître ce dan­ger et se dit consciente des fragilités qui la menacent.

b) Sur le plan politique, militaire et social, le gouvernement peut faire état du travail d'organisation poursuivi conformément aux principes qui l'inspirent.

Cette armée, dont on vient de parler, a su, dans une certaine mesure, se réformer et, mieux, se consacrer aux problèmes de la défense du territoire : discipline, formation, équipement. La géné­ration qui en a la charge est désormais celle de 1960, elle est plus unie que celle de 1945, où toutes les bonnes volontés étaient accueillies ; de plus, les troubles de 1960 et ceux de 1983 ont eu un véritable effet de décantation. Si cette armée s'abstient main­tenant de toute immixtion directe dans la politique, elle ne s'en désintéresse pas pour autant ; en 1982, elle participait encore à la campagne électorale.

Néanmoins, c'est au parti de l'Unité, le Gulkar, que revient la tâche civile, même s'il entretient des liaisons étroites avec l'armée et avec l'administration ; il est le troisième pilier du système. C'est avec lui que l'administration cherche à reprendre en main la force nouvelle que devient le syndicat et qu'elle veille à freiner ou à contrecarrer — au prix de l'élimination de quel­ques dirigeants même fidèles du régime •— des tendances trop régionalistes.

Le vieux héros de la libération et de la lutte anticommu­niste, le général Nasuncion, ne ménage pas ses critiques devant ce type de démocratie dirigée qui, selon lui, n'a rien de démocra­tique ; mais ses homélies ne vont pas très loin.

Sur les plans social, religieux et politique, le gouvernement veille, avec l'appui du parti et de l'armée, au respect des cinq principes. L a souplesse d'adaptation chinoise ne le gêne pas pour autant qu'elle se traduise par la docilité et par la prudence ; mais, pour des raisons psychologiques et pour pouvoir sévir contre les extrémismes musulmans, il s'assure que ces « demi-Indonésiens » que sont les Chinois continuent de subir certaines discriminations apparentes. E n revanche, la vigilance est actuellement nécessaire à l'égard de certaines tendances islamiques qui ne désarment pas.

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Le monde musulman d'Indonésie se divise grosso modo en trois tendances :

— les traditionalistes, dont les ulemas ont intégré dans leur doctrine un certain héritage local contraire à la pureté du Coran ;

— le groupe qui s'est appelé, à une époque, le groupe des modernistes et dont le rassemblement remonte à quelque soixante-dix ans ; il visait à épurer cet islam local. EJI fait, ces modernistes ont été contraints, comme les traditionalistes, de reconnaître les cinq principes sous peine de perdre leurs ouailles, leurs écoles et leurs privilèges ;

— une place a donc été libérée pour les intransigeants ; ceux-ci, encouragés par des fondamentalistes venus du Proche-Orient, semblent être à l'origine des insurrections de 1983-1985 ; ils ont été maîtrisés de la manière que l'on sait.

Aujourd'hui la Nomenklatura islamique est devenue plus sage, du fait de l'autorité exercée par le gouvernement, notam­ment si on la compare à celle de la Malaisie ; mais le pouvoir doit en tenir compte dans certains aspects de sa politique exté­rieure et de la solidarité musulmane qu'il doit afficher, qu'il la ressente réellement ou pas. Ce fut le cas lors du bombardement de la Libye par les avions américains, que Djakarta condamna bruyamment.

c) Entre-temps, la crise économique bat son plein : les prix s'effondrent aussi bien pour les produits agricoles que pour les hydrocarbures, un peu comme en Malaisie d'ailleurs.

Les prix des matières d'origine végétale telles que bois, hévéas, oléagineux sont tombés, seul le café tient bon ; les prix du pétrole s'effondrent également, alors qu'un vaste programme d'équipement pour la transformation de cette matière première est en cours. Cette baisse des prix ne produira toutefois de graves effets négatifs que lorsque les contrats en cours avec le Japon, à des prix fixes, seront arrivés à terme. Il n'en reste pas moins que 70 % des exportations portent sur les produits pétroliers et que 60 % des ressources de l'Etat ont la même origine. Par exemple, la diminution de 1 dollar par baril entraîne une perte de revenu annuel de 300 millions de dollars. Déjà le budget de 1983-1984 avait été réduit de 7 % ; désormais, ce sont des coupes claires plus draconiennes qui s'imposent, mais quelle est la limite de tolérance ?

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Cette situation n'entraîne pas seulement des endettements considérables, internes et surtout externes, mais des conséquences sur les joint-ventures conclues avec des investisseurs étran­gers : la moitié des opérations japonaises perdent de l'argent, les hommes de Tokyo ont tendance à se dégager ; la hausse du yen les conduira-t-elle à renoncer à la politique de délocalisation commencée i l y a quelques années ? La hausse de la monnaie nippone pourrait, en effet, relancer cette politique d'implantation à l'étranger, mais soucieuse de se trouver de plus en plus près des marchés de consommation intense ; le marché de consomma­tion indonésien est-il, à cet égard, le plus intéressant malgré son importance numérique ?

L a crise a fait apparaître crûment les vulnérabilités de l ' in­dustrie et de l'économie indonésiennes en raison de la gestion désastreuse des sociétés d'Etat, du secret des bilans, de la plani­fication de type socialiste ou marxiste, de l'imprévoyance de l'emploi, du traitement des investissements et partenaires étran­gers, etc.

Or les sociétés d'Etat représentent 22 % du P.N.B., les cinq grandes banques d'Etat détiennent 77 % des avoirs déposés en banque... Même si des raisons objectives expliquent l'origine du système, la situation actuelle ne justifie plus les errements anciens ; c'est ce que ressentent certains des hauts responsables, parfois désarmés devant les lourdeurs sociologiques et psycholo­giques. Les surmonter affecterait les intérêts de la Nomenklatura, petite, moyenne ou grande, qui s'est constituée et conduirait ainsi à des licenciements massifs, ou des pertes de position, la gestion privée devant entraîner une meilleure productivité. Mais les pro­blèmes sont là aujourd'hui. Demain, il faudra y faire face avec encore plus de difficulté.

LA SITUATION EXTERIEURE

L a géographie, l'histoire, la démographie constituent des données sur lesquelles s'inscrivent les trois cercles au sein des­quels se situe la politique étrangère de Djakarta, sans que les préoccupations relevant de chacun de ceux-ci (A .S .E .A .N . , Asie, le monde) puissent se séparer nettement les uns des autres.

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Une chose frappe : le regain d'activité de la diplomatie indo­nésienne ; on peut l'attribuer à un sentiment de plus grande confiance en soi et aux circonstances extérieures : ce n'est pas par hasard qu'avant le sommet de Tokyo le président américain a jugé bon de s'arrêter en Indonésie — mais à quelque distance de Djakarta — pour y rencontrer le président Suharto ainsi que les ministres des Affaires étrangères des pays de l ' A . S . E . A . N . ; tâter le pouls de la région après le départ de Marcos, rassurer et ragaillardir ses interlocuteurs sur la présence américaine, enfin pouvoir, à cet égard, se présenter comme leur porte-parole au sommet de Tokyo : tout cela était utile. Le beau rôle que M . Nakasone s'était donné, i l y a deux ans, à l'issue de son voyage dans la région, comme le meilleur courtier de ces mêmes pays auprès des Etats industrialisés non asiatiques, est repris par M . Reagan.

Vis-à-vis de l ' A . S . E . A . N . , l'attitude indonésienne est ambi­guë, ou plutôt elle est à la fois contradictoire et complémentaire. En matière économique, Djakarta apprécie l'intérêt de cette association, mais souhaite un réaménagement des structures et un renforcement des solidarités : les réunions de Bangkok, et de Manille montreront si des opérations communes de déve­loppement peuvent réellement se concrétiser.

E n politique, la préoccupation fondamentale est de mettre fin à la confrontation actuelle des pays de la zone face au Viêt-nam, et de réfléchir à une véritable politique régionale, qui ne soit pas seulement de réaction à des situations s'imposant brutalement de l'extérieur, comme ce fut le cas dans l'affaire du Cambodge ; en matière militaire, Djakarta demeure hostile à toute coopération multilatérale, comme i l convient à un pays de 160 millions d'habitants, en face de 14 millions de Malaisiens, de 50 millions de Thaïlandais et de 4 millions de Singapouriens.

Cela dit, i l s'agit de renforcer l ' A . S . E . A . N . et de ne pas s'aligner sur le fameux concept du Pacifique, avec lequel certains ont joué, aux Etats-Unis, en Australie, ou dans une nouvelle mouture de la zone de coprospérité à la japonaise.

Quant aux Philippines, c'est un problème sui generis avec ses données latines et américaines et ne pouvant servir de modèle ou de détonateur ; néanmoins, c'est une alerte sur la situation

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interne, mais ausi une mise en garde contre toute association trop étroite avec un supergrand, contre toute dépendance envers un supergrand et contre toute association à des héritages non asiatiques d'un supergrand.

L'ASIE

A l'intérieur des sphères gouvernementales, des nuances distinguent civils et militaires, fonctionnaires et hommes d'affai­res, laïcs et religieux, mais il ne s'agit que de nuances ; quant à l'essentiel, l'unanimité règne sous la surveillance attentive du parti et de la police, mais aussi avec une appréciation très indonésienne des intérêts de l'archipel.

A l'égard de la Chine, l'attitude demeure méfiante, même si cette méfiance a tendance à s'atténuer : le danger communiste que l'on dénonce a été et reste chinois, il rejoint le danger kho-meyniste. Ce fut longtemps la seule véritable menace. Mainte­nant, une évolution est sensible eu raison de la politique de Deng Xiaoping que l'on admire pour son courage et pour sa rupture avec la politique maoïste. Des contacts s'établissent, on retient que Pékin ne revendique plus l'obédience des membres de ses diasporas. Mais une fois la modernisation réussie, Hong Kong récupérée, la politique chinoise ne serait-elle pas de nouveau expansionniste ?

Les diplomates seraient assez disposés à établir des relations plus directes ; les militaires s'y opposent pour des raisons de sécu­rité intérieure, car « le gouvernement qui serait assez téméraire pour établir de tels rapports serait condamné », le pays se soulè­verait sous l'impulsion de fanatiques musulmans. Il faudra encore du temps pour que les principes du Pencasila acceptés sur le plan intérieur produisent ses effets à l'extérieur.

En ce qui concerne l'Indochine, l'attitude de Djakarta, par ses nuances, est significative, le Viêt-nam est le seul Etat de la région qui soit respectable et qui puisse être traité en égal. Ce Viêt-nam n'est pas considéré comme créant une véritable menace pour l ' A . S . E . A . N . ; i l a sa sphère d'influence, qui est le Cam­bodge et le Laos ; on oublie prudemment de se rappeler les régions Lao de la Thaïlande ; ce n'est que par solidarité envers

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les partenaires de l ' A . S . E . A . N . que l'on adopte un comportement sévère ; mais, en fait, on souhaite un règlement régional qui repousserait le danger, qui exclurait les trois supergrands et qui pourrait conduire à une coopération entre A . S . E . A . N . et Indo­chine ; celle-ci entraînerait le Viêt-nam vers un système écono­mique plus libéral, tout en le laissant dans des contradictions économico-sociales affaiblissantes. Sihanouk n'est pas pris au sérieux.

Y a-t-il du wishful thinking dans cette attitude, et Djakarta évoluera-t-elle ? Ce sont sans doute les événements à venir des Philippines qui seront déterminants.

Le Japon suscite des réactions ambiguës : c'est le héros de la libération, le général Nasuncion, qui a dit la joie de la pre­mière libération de l'occupant hollandais, mais aussi la déception et le rejet d'un nouvel occupant encore plus brutal et plus domi­nateur. Donc ambiguïté et souvenir envers le principal parte­naire du développement économique du pays. Cinq constats s'im­posent :

— l'Indonésie reconnaît le rôle croissant du Japon dans son propre développement, mais rejette les prétentions nippones à être le supermarché ou le marchand d'armes du pays ;

— les autorités de Djakarta estiment que le Japon ne pourra pas continuer de se tenir à l'abri des conflits ; sa dépen­dance envers Washington ne pourra durer éternellement ;

— ces mêmes autorités considèrent avec suspicion le rôle de porte-parole que voudrait assumer Tokyo, de l'Occident à l'égard de l 'A .S . I .A .N . et de l ' A . S . E . A . N . à l'égard de l 'Occi­dent ;

— le Japon devrait s'ouvrir davantage à l ' A . S . E . A . N . : les voyages de M . Nakasone ont été bien acceptés, toutefois son peuple s'adapte-t-il aussi bien que le premier ministre ?

— dans l'optique japonaise, la Chine sera toujours plus importante que l'U.R.S.S., estime-t-on également à Djakarta.

LE MONDE

Il s'agit avant tout des deux supergrands classiques, mais on n'oublie ni le Proche-Orient, ni le monde indien, ni, finalement, l'Europe, à des titres différents bien sûr.

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En ce qui concerne les relations Est-Ouest, l'attitude fonda­mentale de Djakarta est nette : on refuse d'intégrer toutes les problématiques dans le cadre de ces relations et sur les bases quasi théologiques que certains veulent voir dans les oppositions existantes. A u demeurant, les conflits de l'Extrême-Orient sont là pour renforcer les dirigeants indonésiens dans la justesse de leurs convictions.

Pour Djakarta, la menace soviétique est ce qu'elle est, mais il ne convient pas de l'exagérer, même si, depuis deux ans, Moscou a sensiblement renforcé sa présence dans la région. Pékin reste une menace aussi grave, sinon plus grave, malgré la modération de son actuelle politique étrangère. Le ministre des Affaires étrangères indonésien l'a répété à la veille du voyage de M . Reagan à Bali.

E n fait, on a du mal à croire à un véritable rapprochement, même à terme, entre Moscou et Pékin. Malgré quelques gestes et une volonté réciproque d'atténuer les rivalités et divergences, les événements restent les plus forts, et ils ont jusqu'ici justifié le scepticisme.

Les Etats-Unis posent d'autres problèmes : ils sont à la fois un partenaire essentiel et une superpuissance dont certaines initia­tives comportent des dangers. C'est avec prudence que l'on observe le rapprochement entre Pékin et Washington, c'est avec appréhension que l'on relève les pressions américaines sur le Japon en vue d'un réarmement plus substantiel. Où les Etats-Unis veulent-ils en venir ?

Le voyage du président Reagan à Bali avant le sommet de Tokyo a été significatif à bien des égards. Il s'est transformé en une épreuve délicate, car le passage dans cette île n'était pas seulement un voyage en Indonésie, mais l'occasion de rencontrer les représentants de différents pays de l ' A . S . E . A . N . , et notamment ceux des Philippines. Après l'éviction de Marcos, des problèmes étaient sur la table : en filigrane des incertitudes sur les Philip­pines, très ouvertement les difficultés économiques, qu'il s'agisse des prix du pétrole ou de la menace protectionniste des Occiden­taux et des Américains en particulier (riz, textile, caoutchouc...), mais aussi le raid aérien sur la Libye, même si l'ambassa­deur américain s'était efforcé de le justifier sur la base de mena­ces terroristes, « aussi dangereuses pour les Arabes que pour le monde libre ».

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Le sentiment confus prévaut que Washington néglige quel­que peu l'Indonésie et considère comme allant de soi l'attachement de celle-ci au plus puissant du Pacifique ; mais, en même temps, on pense que Washington a plus besoin que par le passé des pays du Sud-Est asiatique, que sa prééminence est plus contestée par l 'U.R.S.S. que dans le passé et que son idéologie, malgré le succès économique récent et la publicité qui l'entoure, quant au mode de développement, est moins convaincante qu'il n'y paraît pour les pays en développement. Washington ne devrait pas oublier que l'Indonésie est un membre influent de l 'O.P.E.P. , de la conférence islamique, ainsi que du groupe des non-alignés, et quelle doit donc constituer un interlocuteur privilégié.

Bien d'autres sujets peuvent être irritants : Timor oriental, droits de l'homme, etc.

Donc, s'il y a des motifs de méfiance, i l y a aussi des raisons de compréhension : tout d'abord un anticommunisme fondamen­tal et, ensuite, depuis les événements de Manille, une préoccupa­tion commune sur ce que l'on juge être la naïveté et l'inexpé­rience de Mme Aquino. En fait, le Pacifique est-il si protégé et vraiment destiné à devenir une enceinte de paix, de développement et de prospérité auprès de laquelle l'Europe ne peut que pâlir et que constater son recul ?

C H . M A L A U D E