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& www.librairie-des-colonnes.com LA NEWSLETTER dc La lettre d’information de la l d cà Tanger n° 12 – septembre 2014 Paraît (presque) chaque mois & la sélection de livres du mois : Littérature, essais…, Fouad Laroui, Mathias Énard, etc. N OS DISPARUS de TIM GAUTREAUX PREMIÈRES LIGNES MEURSAULT, CONTRE - ENQUÊTE de KAMEL DAOUD ROMAN QUEL LECTEUR ÊTES-VOUS ? Entretien avec ARNO BERTINA COUP DE CŒUR L' ÎLE DU P OINT N ÉMO de J.-M. BLAS DE ROBLÈS

Newsletter n°12 septembre 2014

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Douzième numéro de la Newsletter de la Librairie des Colonnes à Tanger.

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Page 1: Newsletter n°12 septembre 2014

&www.librairie-des-colonnes.com

L A n e w s l e t t e r dcLa lettre d’information de la l d c à Tanger

n° 12 – septembre 2014

Paraît (presque) chaque mois

& la sélection de livres du mois : Littérature, essais…,

Fouad Laroui, Mathias Énard, etc.

nos disparus de TIM GAUTREAUX

PREMIÈRES LIGNES

Meursault, contre-enquête de KAMEL DAOUD

ROMAN

QUEL LECTEUR ÊTES-VOUS ?Entretien avec

ARNO BERTINA

COUP DE CŒURl'île du point néMo

de J.-M. BLAS DE ROBLÈS

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Points de vueAprès une pause estivale, notre news-letter reparaît accompagnant la ren-trée littéraire. Elle revient parée de nouveaux habits, point trop différents des anciens, mais porteuse, comme à son habitude, d'une sélection exi-geante et diverse, d'autant plus néces-saire sous l'avalanche éditoriale des dernières semaines.Un choix de romans aux perspectives changeantes, déroutant et emportant le lecteur, comme notre coup de cœur, L'Île du Point Némo, ou bien mettant, d'un coup, en cause toute une vie que l'on croyait jusque-là « réussie » avec le dernier livre de Fouad Laroui, ou bien encore donnant à voir un autre versant d'une histoire bien connue, grâce à Kamel Daoud et à sa « contre-enquête ».Une sélection partielle et partiale, bien sûr. Question de point de vue, encore.

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«  Peut-être ne comprendrons-nous quelque chose à l'ordre secret du monde qu'après une sincère et patiente mansuétude pour ses incohérences ? »

Extrait

FI c T I O N l A p lu s TOTA l E, l' ï l e d u po i n t né M o E s T u N RO m A N qu I E N cO N T I E N T B E Au cO u p d'Au T R E s. mA I s, Au-d E l à d E l'é TO N N A N T E p RO u E s s E qu'I l R E p R é s E N T E, c'E s T u N l I v R E d'Av E N T u R E s, B A RO qu E E T I N v E N T I F  ; d E c E u x qu I c A p T I v E N T E T E N c h A N T E N T.

Le goût retrouvé de l'aventureIl y a des livres qui, pour peu que l'on y soit disposé, nous ramènent là où l'envie de lire, plus jeune, au tout début, s'est nouée : dans une intrigue, l'at-tente anxieuse d'un rebondissement, les péripéties échevelées d'une aventure aux personnages fabuleux, des contrées merveilleuses dont le nom seul agite mille rêveries, une antiquité mystérieuse enfin dévoilée et vivante. D'autres, nous maintiennent en ce monde, nous contraignant à regarder, sans détour, ses turpitudes. D'autres encore démontent les mécanismes de leur propre fabrication, se jouent du lecteur en questionnant l'écriture elle-même. Il y a des romans de toutes sortes, mais certains, rares, sont tous ces livres à la fois. L'Île du Point Némo est de ceux-là.

Mêlant aventure et humour, réalisme et merveilleux, références littéraires, passé, présent et anticipation, le nouveau roman de Jean-Marie Blas de Roblès est le lieu exubérant qui rend toutes les rencontres possibles.

Jetés dès les premières ligne sur le champ d'une bataille antique – celle de Gaugamèles où s'affrontent Darius et Alexandre – nous sommes bientôt dans le salon de Martial Canterel, riche opiomane, avec un descendant de Sherlock Holmes – John Shylock –, prêts pour une enquête, puis dans le transsibérien à la recherche du plus gros diamant du monde – l'Ananké, déténu jusqu'alors par Lady MacRae. Au fil de récits enchâssés, nous nous re-trouvons à Biarritz, dans le Périgord au sein d'une fabrique de cigares, en plein milieu de l'océan Pacifique. Dans le monde que l'auteur déploie sous nos yeux, des animaux peuvent tomber du ciel, des liseuses électroniques se faire pirater, des îles flotter. Ici la fiction ne se masque pas, le titre l'annonce, Jules Verne n'est pas loin, et la lecture elle-même peut se faire jeu de piste. Dans une narration toute contemporaine, aux accents de feuilleton du xixe siècle, les héros populaires côtoient ceux de Raymond Roussel, les histoires s'entrecroisent, s'imbriquent au milieu de force détails et rebondissements,

Au sortir de l'été, L'Île du Point Némo nous offre la possibilité d'un nouveau voyage, plus riche et plus aven-tureux que tous ceux que nous avons pu faire. Il durera 464 pages. Et on trouvera que c'est trop peu.

COUP DE CŒUR

Jean-Marie Blas de roBlès,

L'ÎLE DU POINT NÉMO, Zulma, 464 pages,

282 dh.

l'île du point néMode J.-M. BLAS DE ROBLÈS

+ Jean-Marie Roblès lit les premières pages de son roman et en discute dans l'émission Les bonnes feuilles sur France Culture, disponible à l'écoute sur le site de la radio.

+ Un extrait du livre (p.175-177) est à lire ici, sur le site de l'hebdomadaire Le Point, à la suite d'une critique par Marine de Tilly

WWW.

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« J'ai pris tellement de plaisir à lire les livres de certaines personnes – que ce soit des clas-siques ou des contemporains – ça m'a tellement déplacé, ça m'a tellement ouvert la tête que je n'ai qu'une envie, qu'une ambition, c'est d'être à l'origine de la même déflagration pour d'autres.  » Cette affirmation d'Arno Bertina, dans une interview, donnait envie d'en savoir plus : quels livres ? quels auteurs ? Quant à son envie, son ambition, on la savait, du moins l'avait-on ressentie déjà en lisant Le Dehors ou la migration des truites, premier roman qui se fit remarquer par sa qualité d'écriture, l'attention au rythme, à la construction qu'on y devinait. La littérature pour Arno Bertina est sans nul doute une passion, quelque chose qui tient de l'exultation, qui se rattache à la vie dans toute son intensité, malgré – ou à cause de – la dureté de certains sujets qu'il aborde. Une passion qui fait feu de tout bois, de la mythologie comme des héros contemporains que sont les sportifs. Une passion qu'il entretient au fil de ses livres (près d'une quinzaine), en écrivant sur les auteurs qu'il admire, en travaillant de façon collective, notamment avec des photographes – Sébastien Sindeu autour des détroits du monde, ou Anissa Michalon pour le tout récent Numéro d'écrou 362573. Une passion dont il nous fera part en venant discuter avec nous, aux Colonnes, le mois prochain.

ARNO BERTINA

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Un(e) auteur(e) nous parle de la façon dont il, ou elle, lit, des ouvrages qui ont marqué sa vie et peut-être scellé une vocation. Ce mois-ci, c'est Arno Bertina, invité de la Librairie des Colonnes pour une rencontre, le mois prochain, qui a bien voulu répondre notre petit questionnaire.

Enfant ou adolescent, quel est le premier livre qui vous a marqué ? Arno Bertina : Je pourrais m’arrêter sur Le Temps des secrets, sur les premières pages du Capitaine Fracasse, mais la vraie première fascination c’est La Nausée. J’ai 13 ans, suis incapable de comprendre quoi que ce soit aux enjeux philosophiques, mais le climat glauque du roman va me fasciner  : tout à coup un livre me permettait de nommer une chose, la mélancolie, en découvrant que j’avais ça en moi, quelque part. En classe de seconde, ensuite, il y a le climat sidérant des Frères Karamazov et mon premier livre de littérature contemporaine : La Réclusion solitaire de Tahar Ben Jelloun, que je vais garder dans l’oreille plusieurs années, du fait de cette prose poétique inouïe jusqu’alors, mais aussi du fait de ce thème (le quotidien d’un travailleur marocain vivant dans un foyer Sonacotra) comme aussi bien parce que Ben Jelloun était parvenu à traiter un thème si prosaïque d’une façon si peu naturaliste.

Quelles sont les œuvres qui vous ont poussé à devenir écrivain ?  Celles que je viens de citer, et quelques autres évidemment : L’Adieu aux armes, d’Hemingway, m’a plongé dans un monde inconnu, j’ai été happé par cette histoire d’amour, et la mélancolie dénuée de pathos qu’il parvient à déplier. Les Nouvelles de Salinger ont beaucoup compté pour moi, dans les mêmes années. Je n’y ai rien compris d’abord, absolument rien, mais quelque chose passait pourtant, qui échappait à l’intelligence laborieuse, au point que je découvre, trois ou quatre années plus tard, que je connaissais ces textes par cœur, en quelque sorte ; qu’ils s’étaient déposés en moi « à l’insu de mon plein gré ». Quand vous découvrez que les livres ont cette faculté là, celle de vous occuper complètement, physiquement, émotionnellement, vous consentez sans rechigner à ne plus vous appartenir. Et l’écriture devient cette expérience heureuse, toujours rejouée, de la dépossession.

Quel est votre livre préféré ?  S’il n’en faut qu’un, La Chartreuse de Parme. Je trouve dans ce trésor tout ce qu’il me faut pour être heureux. Un élan immature peut-être mais au moins plein de panache, des sentiments qui rendent intelligents au plus haut point, une ironie qui ne détruit jamais ceux qu’elle vise, un sens politique extraordinaire, un sens de la formule acéré, un humour, une tendresse uniques, etc.

QUEL LECTEUR ÊTES-VOUS ?

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Y a t-il des auteur-e-s qui vous accompagnent lorsque vous écrivez ?  Oui, mais de deux manières différentes. Il y a ceux que je lis parce qu’ils sont dans l’orbite du livre que j’écris (à moins que ce soit ce livre-là qui se situe dans leur orbite ;-) et parce que j’y cherche quelque chose de précis. S’ils ont abordé le même thème par exemple, les lire me permet de mieux comprendre ce que je cherche à faire, qu’ils n’auront peut-être pas cherché, eux, étant absorbés par une autre idée. Et puis il y a ces livres que j’ouvre, à n’importe quel moment du travail, de la journée. Je fais une toute petite pause (parce que je sature, parce que j’ai besoin de souffler ou parce que je bloque sur une difficulté) et ouvre un livre que j’aime par-dessus tout (au hasard : L’Usage du monde, de Nicolas Bouvier ; Le Pèse-nerfs, d’Antonin Artaud ; Les Géorgiques de Claude Simon ; n’importe quel livre de Valère Novarina ; La Chartreuse de Parme, etc.), j’en lis une demie page ou deux-trois pages, et aussitôt je suis relancé. Ce que j’y ai trouvé (l’expérience est toujours la même) est si beau,

si génial, que cela me fait l’effet d’une nuit de sommeil, ou d’une tête piquée dans l’océan, ou d’un verre d’alcool, ou je ne sais quoi mais un effet sur-

puissant. Immédiatement je suis à nouveau motivé comme jamais : je veux me porter au point de beauté que je viens de connaitre en

lisant ces 20 ou 30 lignes.

Un livre incontournable pour vous.  Deux très beaux livres parus dans les vingt dernières an-nées : Prison, de François Bon, et Pour Louis de Funès, de Novarina. Ou Les Enfants de minuit de Salman Rushdie. Ou Moravagine de Blaise Cendrars, ou évidemment Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry. Et Pura Vida de Patrick Deville. Les Démons de Dostoievski !! (J’ai eu la chance d’adapter ces trois derniers pour la radio, France-Culture.)

Quel grand classique n'avez-vous jamais fini ?  J’ai beaucoup de carences mais cela ne me dérange pas.  :

imaginer tous ces chefs d’œuvres qui me restent à lire me ras-sure au lieu de m’inquiéter. Je n’en viendrai jamais à bout. Je dois

reprendre L’lliade comme L’Odyssée. Je n’ai jamais fini L’Innommable de Beckett, dont les quinze premières pages m’ont estomaqué quand j’ai

entendu le comédien Pierre Chabert les lire, il y a vingt ans. Une demie heure décisive pour moi tant cette lecture était physique, musicale. Je n’ai toujours pas fini Les Mémoires d’outre tombe que j’admire infiniment pourtant, et dont je cite tous les passages qui m’ont marqué. Je n’ai toujours pas commencé les Mémoires de Saint-Simon.

Que lisez-vous en ce moment ?Le manuel d’installation de Windows 8 ! Plus sérieusement je relis toute l’œuvre de Julien Gracq car j’ai programmé et j’animerai les deux journées de colloque que la ville de Saint-Florent-le-Vieil (près d’Angers) consacre à l’auteur d'En lisant en écri-vant (encore un chef-d’œuvre !). Et les livres des auteurs que j’ai proposés : Domi-nique Meens, Marie Cosnay, Oliver Rohe, Jérôme Ferrari, Cloé Korman, Vincent Message, Emmanuelle Pagano… Ensuite, une fois rentré de Tanger, je me replon-gerai dans les livres de Nicole Caligaris que je veux présenter lors d’une soirée à la bibliothèque d’Annecy, dans les Alpes.

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PREMIÈRES LIGNES

nos disparusde TIM GAUTREAUXUn livre nouveau se découvre, chaque mois, à travers ses premières lignes. C'est, ce mois-ci, Nos disparus, de Tim Gautreaux, un roman qui nous renvoie aux derniers soubresauts de la Première Guerre mondiale.

Adossé au bastingage du navire, Sam Simoneaux résistait au vent qui faisait rage tandis que son lieu-tenant progressait péniblement dans sa direction, luttant contre les embruns, s'agrippant tant bien que mal aux taquets, aux cordages et aux poignées des vannes.

« Pas vraiment beau à voir, sous le pont ! lui cria le lieutenant dans la bourrasque.— Sûr ! Ça pue tellement que ça vous coupe l'appétit. - J'ai remarqué que vous aviez un léger accent. D'où

venez-vous ? »Sam le plaignait sincèrement. Le lieutenant faisait tout ce qu'il pouvait pour s'attirer la sympathie de ses

hommes, mais aucun d'eux ne parvenait à imaginer qu'un blondinet pareil, maigre comme un coucou et droit sorti de sa ferme de l'Indiana, pût un jour les mener au combat.

« Non, je ne crois pas avoir d'accent. Mais vous, oui. »Le lieutenant lui jeta un regard étonné.« Moi ?— Ben oui. Là d'où je viens, au sud de la Louisiane, je ne connais personne qui parle comme vous.»Le lieutenant sourit.« Dans ce cas, tout le monde a un accent. »Sam observa les embruns qui dégoulinaient sur les pâles taches de rousseur de l'officier, songeant que, par

un jour blanc de givre, il serait presque invisible.« Vous avez grandi dans une ferme ?— Exact. Ma famille est arrivée du Canada il y a environ vingt ans.— Moi aussi j'ai été élevé dans une ferme, mais je me suis dit que je pouvais essayer de faire mieux. Une de

nos voisines avait un piano et elle m'a appris à en jouer. À seize ans, je suis parti à La Nouvelle-Orléans pour me rapprocher de là où ça swinguait. »

Le lieutenant se pencha en avant pour résister à la bourrasque suivante.« Je vous rejoins sur ce point. Je ne suis pas capable de lancer les balles de foin assez loin pour faire un

bon fermier.— Encore combien de temps pour arriver en France ? — Le colonel dit trois jours, le capitaine deux, et le pilote quatre. »Sam hocha la tête.« Comme d'habitude, personne ne sait vraiment où on en est.— Que voulez-vous? C'est une grande guerre », répondit le lieutenant.Ils regardèrent une énorme vague monter à l'assaut de la coque rouillée du bateau et submerger une équipe

de mitrailleurs blottis sur une coursive inférieure, dans un abri de fortune composé de sacs de sable entassés ; le déluge précipita les hommes à terre et ils glissèrent à plat ventre dans l'écume sur toute la longueur du pont.

S'ensuivit un cortège affligeant de plusieurs jours de grosse mer, les déferlantes aux crêtes de silex se bri-sant contre la proue et des rafales d'embruns criblant les hublots comme des éclats de verre. Sam dormait à l'intérieur du navire, parmi les milliers d'hommes qui gémissaient, râlaient et ahanaient, mais il passait ses heures de veille au bastingage, souvent en compagnie de son ami, Melvin Robicheaux, un petit dur à cuire originaire des environs de Baton Rouge.

Le 11 novembre 1918, leur bateau échappait au maelström de l'Atlantique et touchait terre à Saint-Na-zaire, où les quais étaient envahis d'une foule en délire, certains se trémoussant deux par deux et d'autres exécutant de folles farandoles.

TiM GauTreaux, NOS DISPARUS, Seuil, 544 pages, 288 dh.

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nos disparusde TIM GAUTREAUX

les tribulations du dernier sijilMasside FOUAD LAROUI

Roman

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Fouad laroui, LES TRIBULATIONS

DU DERNIER SIJ ILMASSI, Jul l iard, 342 pages,

150 dh.

vO u l A N T R E N O u E R Av E c s E s R Ac I N E s, Ad A m sI j I l m A s s I , h é RO s d u N O u v E Au RO m A N d E FO uA d lA RO u I, N O u s E N T R A î N E d A N s u N E qu ê T E I N T é R I E u R E, E N T R E T R A d I T I O N E T m O d E R N I T é. uN vOyAg E s u R d E s vO I E s I m p RO B A B l E s O ù l A d Rô l E-R I E s E m ê l E à l A R é F l E x I O N p h I lO s O p h I qu E.

Changements de capAdam Sijilmassi est un homme dont on dirait, sans trop réfléchir, qu'il a réussi. Ingénieur marocain, il a fait carrière à Casablanca, dans l'industrie minière et, depuis plusieurs années, il parcourt le monde, vétu d'un cos-tume et d'une cravate, pour vendre du phosphate. Un jour, cependant, dans un avion qui le ramène chez lui, auprès de sa femme, après une nou-velle mission parfaitement réussie, son existence lui apparaît dans toute sa vanité. Pensant à la vie méditative menée par son père et ses aïeux avant lui, à Azzemour, le doute l'assaille. Une certitude en naîtra : il va démis-sioner, retourner dans le riad familial, faire le point, quitter ce costume qui ne peut être le sien. Ainsi débutent les tribulations d'Adam Sijilmassi.

Cette décision, loin d'apaiser son tracas, va le mettre sur le chemin de bien des aventures, spirituelles autant que séculières. Retiré dans la demeure de ses ancêtres, il redécouvre d'abord les philosophes arabes du moyen âge, Ibn Tufayl ou Ibn Roshd, mais il ne jouit guère de ces lectures. Il n'est pas là depuis deux semaines que, déjà, on s'est aperçu, du retour du dernier Sijilmassi. Il va dès lors se retrouver pris entre deux feux  : le Makhzen d'un côté et un groupe d'islamsites de l'autre, chacun vou-lant l'enrôler et profiter de l'aura de son nom prestigieux. Ballotté entre modernisme et tradition, entre ces deux forces qui parcourent le village comme bien d'autres contrées, il est alors plongé dans de nouvelles ré-flexions et de nouvelles péripéties qui forment toute la trame de ce roman.

Un roman, à l'image des précédents livres de Fouad Laroui, à l'écri-ture désinvolte, pleine d'incises et de parenthèses, où toujours perce un sourire, mais qui nous entraîne toutefois vers des questionnements on ne peut plus sérieux et actuels.

« Bercé par les ronronnements de l'avion, Adam sut que c'était la dernière fois que son corps filait à des vitesses défiant l'imagination. Il se vit assis sur son siège, ciron présomptueux, costume-cravate, allant vrououououm dans l'univers infini. Ça manquait de dignité, pour un petit-fils du hadj Maati. Franchement, ça ne ressemblait à rien.

Il décida, hic et nunc, que jamais plus il ne prendrait l'avion.Cela se passait quelque part au-dessus de la mer d'Andaman, un lundi, à l'aube du millé-

naire. Et ce fut le début de la fin, pour l'ingénieur Sijilmassi. » [p. 12-13]

Extrait

+ Fouad Laroui présente lui-même son livre dans différentes vidéos, plus ou moins longues, dispo-nibles sur Internet : ici (2 min 22), là (5 min 45), et encore là (7 min 38).

+ Un extrait du livre — les deux premiers chapitres —, est à lire ici.WWW.

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KaMel daoud, MEURSAULT,

CONTRE-ENQUÊTE,Actes Sud,

160 pages, 160 dh.

Me u r s a u lt, co n t r e-e n q u ê t e d E KAMEL DAOUD

Roman

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EN juIllET 1942, uN hOmmE EsT mORT, Tué pAR BAllEs suR lA plAgE d'AlgER. sON mEuRTRE FuT RElATé dANs uN dEs plus célèBREs ROmANs FRANçAIs, mAIs quE sAIT-ON dE luI ? KAmEl dAOud dANs uNE vARIATION AuTOuR dE l'étranger dE cAmus, OFFRE uN NOm à cET INcONNu ET, à NOus, uN dEs BEAux ROmANs dE cETTE ANNéE.

Meursault, on le connaît. On connaît du moins ce qu'écrivit de lui Albert Camus, ou ce qu'il lui fit dire, il y a soixante-dix ans environ, en 1942, Mais l'autre, celui qui est mort des coups tirés par lui, l'« Arabe », qui était-il ? C'est la question que s'est posée Kamel Daoud et celle à laquelle répond le narrateur du roman, frère de cet Arabe « mort soixante-dix ans, sans interruption, même après son enterrement », personnage central dont jamais rien n'est dit, dont on ne connaît pas même le nom.

« Tu peux retourner cette histoire dans tous les sens, affirme-t-il, elle ne tient pas la route. C’est l’histoire d’un crime, mais l’Arabe n’y est même pas tué — enfin, il l’est à peine, il l’est du bout des doigts. C’est lui, le deuxième personnage le plus important, mais il n’a ni nom, ni visage, ni paroles. »

S'attaquant à un classique de la littérature contemporaine, Kamel Daoud n'a pas écrit une « suite », ni même un hommage, ou pratiqué une vengeance. L'histoire de L'Étranger, il la reprend par un autre bout : cela se passe maintenant, à Alger, et c'est un Arabe, Haroun, qui a la parole.

Haroun, c'est un homme qui a connu l'indépendance du pays mais aussi tous les troubles politiques et sociaux des dernières décennies. Il les racontent en même temps que l'histoire de ce frère mort pour rien, parce qu'il était là, parce que le soleil brillait trop fort sur la plage d'Alger cet été-là, parce qu'un Français qui s'appellait Meursault avait un révolver dans la poche. Il raconte tout cela, dans un bar, en français, à un univer-sitaire qui partage avec lui quelques verres d'alcool. Il parle et il ressasse, il vitupère et peut-être invente-t-il un peu, mais, on s'en rendra compte au fil des pages, celui dont il est le plus proche, en fin de compte, ce n'est peut-être pas du frère disparu, mais de l'Autre, du Français inventé par cet écrivain dont jamais le nom n'est cité.

Le point de vue de l'Autre

« Et bien sûr, le soir même j'ai entamé ce livre maudit. Je me suis senti tout à la fois insulté et révélé à moi-même. Une nuit entière à lire comme si je lisais le livre de Dieu lui-même, le cœur battant, prêt à suffoquer. Ce fut une véritable commotion. Il y avait tout sauf l'essentiel : le nom de Moussa ! Nulle part. J'ai compté et recompté, le mot “Arabe” revenait vingt-cinq fois et aucun prénom, d'aucun d'entre nous. »

Extrait

+ Kamel Daourd à présenté longuement son livre lors d'une rencontre filmée à la bibliothèque Paroles et écritures de Sidi Bel Abbes.

+ Également journaliste, Kamel Daoud tient une chronique dans le Quotidien d'Oran, « Raïna raïkoumm », que l'on peut suivre sur le site du journal.

WWW.

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Le théâtre et la vie« L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne. » S. C.

« Rarement fiction fit autant ressentir l’intensité d’une guerre civile en y accolant la thématique du théâtre comme arme rhétorique et politique. Ici battent des cœurs et tonne le monde. » Hubert Artus, Lire.« Brûlant, fiévreux et désespéré, d’une violence inouïe. » Thierry Gandil-lot, Les Échos.« Bouleversant, magistral. » Transfuge[Présentation de l’éditeur]

le q u at r i è M e M u rd E sO R j ch A l A N d O N

Roman

Parcours d'un combattant sans cause« C’est un jeune Marocain de Tanger, un garçon sans histoire, un musul-man passable, juste trop avide de liberté et d’épanouissement, dans une société peu libertaire. Au lycée, il a appris quelques bribes d’espagnol, assez de français pour se gaver de Série Noire. Il attend l’âge adulte en lorgnant les seins de sa cousine Meryem. C’est avec elle qu’il va “fauter”, une fois et une seule. On les surprend : les coups pleuvent, le voici à la rue, sans foi ni loi.Commence alors une dérive qui l’amènera à servir les textes – et les morts – de manières inattendues, à confronter ses cauchemars au réel, à tutoyer l’amour et les projets d’exil.Dans Rue des Voleurs, roman à vif et sur le vif, l’auteur de Zone retrouve son territoire hypersensible à l’heure du Printemps arabe et des révoltes indignées. Tandis que la Méditerranée s’embrase, l’Europe vacille. Il faut toute la jeunesse, toute la naïveté, toute l’énergie du jeune Tangérois pour traverser sans rebrousser chemin le champ de bataille. » [Extrait de la présentation de l’éditeur]

rue des Voleursd E MATHIAS ÉNARD

Roman

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sorJ Chalandon, LE QUATIÈME MUR,

Livre de Poche, 336 pages, 96 dh.

MaThias Énard, RUE DES VOLEURS, Actes Sud, Babel,

362 pages, 71 dh.

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LÉVÉNEMENTS

RENCONTRES

S I G N AT U R E S

DISCUSS IONS

L E C T U R E S

SEPTEMBRE 2014

DU 24 AU 28 SEPTEMBRE à la Gaîté lyrique

à PARIS

Dans le cadre de L'automne marocain à Paris

— Sélection de livres— Lectures et discussions autour de numéros de la revue Nejma :

• Jean Genet, un saint marocain (samedi 27 à 14h)

• Ahmed Bouanani, comme la terre sous la pluie (dimanche 28 à 15h)

VENDREDI 19 SEPT. à 19h00 à la l ibrairie

RENCONTRE

STÉPHANE LAMBERTNICOLAS DE STAËLLE VERTIGE ET LA FOI

(éd. Arléa)

En présence de Gustave de Staël

Page 12: Newsletter n°12 septembre 2014

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