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UNA VOCE ISSN 0153 — 9981 UNA VOCE L'esprit d'enfance Quia ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem. (Matth. 21,16) (Ps 8, 3) Vous avez choisi la bouche des enfants et des nourrissons pour exprimer votre louange. Sicut modo geniti infantes, rationabile, sine dolo lac concupiscite, ut in eo crescatis in salutem (I Petr. 2,2). Comme des enfants nouveau-nés qui désirent leur lait, ayez donc l’appétit d’une doctrine sans mélange qui vous fera grandir en grâce. N° 281 NOVEMBRE - DéCEMBRE 2011 / 6 MUSIQUE SACRÉE – ART CHRÉTIEN – CULTURE RELIGIEUSE

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una voce

ISSN 0153 — 9981

una voce

L'esprit d'enfance

Quia ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem. (Matth. 21,16) (Ps 8, 3)

Vous avez choisi la bouche des enfants et des nourrissons pour exprimer votre louange.

Sicut modo geniti infantes, rationabile, sine dolo lac concupiscite, ut in eo crescatis in salutem (I Petr. 2,2).

Comme des enfants nouveau-nés qui désirent leur lait, ayez donc l’appétit d’une doctrine sans mélange qui vous fera grandir en grâce.

N° 281NoveMBRe - déceMBRe 2011 / 6 €

MuSIQue SacRÉe – aRT cHRÉTIen – cuLTuRe ReLIGIeuSe

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UNA VOCE : revue bimestrielle de l’association Una voce.

directeur de la publication : Patrick Banken

dépôt légal 3e trimestre 2011

Maquette : Rejoyce Tél. 01 39 50 81 71. Imprimé à Saint-dié

UNA voce, association pour la sauvegarde et le développement de la liturgie latine, du chant grégorien et de l’art sacré dans le sein de l’église catholique romaine

sommaire

Les opinions émises par les rédacteurs n’engagent qu’eux, les illustrations fournies à la rédaction sont réputées pouvoir être publiées sans droits

attachés, sauf mention contraire.

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Comité d’honneur

Maurice duruflé (†)Jean Hugo (†)

olivier Messiaen (†)Henri Sauguet (†)

M. Jean Barbey, professeur à l’Université du MaineM. Jacques Boisgallais, compositeurMme cerbelaud-Salagnac, née Bernadette LecureuxM. Jacques charpentier, compositeur et organisteM. Georges daix, ancien directeur de L’homme nouveauM. Ivan Gobry, professeur émérite des UniversitésM. Michel Grüneissen, ancien président d’Una voceM. Naji Hakim, organiste et compositeurM. Jean Raspail, écrivainle comte de RibesMlle Madeleine Roussel, agrégée de l’UniversitéM. Jean de viguerie, professeur émérite des Universités

membres du Comité de direCtion

Président : M. Patrick BankenVice-président : M. François PohierSecrétaire général : Me emmanuel duboisSecrétaire général adjoint : M. Benoît Le RouxTrésorier général : Mlle Marie-christine FabreDéléguée à la rédaction de la revue : Mme Anne-Marie epitalonDéléguée à la communication : Mme claudine deshayes Délégué à la liturgie : M. Guy chicouras

membres du Conseil M. Philippe BévillardMme claire BougléM. Bertrand du BoullayMme Michèle dupontM. Philippe Fabre M. Jean-Paul FoucherM. Gérard FoussatM. André FramentM. Arnaud JayrM. Bernard de KerraoulM. Johannes MathieuM. Joël PottierM. Pierre RogezM. Marc SacrispeyreM. Michel TauranM. Jean vauloup

UNA voce42 rue de la Procession

75015 ParisTél : 01 42 93 40 18

Site internet : www.unavoce.frCourriel : [email protected]

- cotisation et abonnement : 39e comprenant : cotisation 8e, abonnement : 31e€

- ecclésiastiques et étudiants : cotisation : 8e, abonnement : 16e

- étranger : cotisation : 9e, abonnement : 40e

- Prix au numéro : 6e

c.c.P. (18.279-29 K)BIc PSSTFRPPAR

IBAN : FR70 2004 100001182792 9K02 025

commission paritaire des publicationset agences de presse n° 0313G83470

ISSN 0153-9981

• Grégorien– Ex ore infántium ou comment la Méthode Ward fit des prodiges !… 4par un Moine de l’abbaye Notre-dame de Fontgombault

• Dossier : L’ESPRIT D’ENFANCE 7

– Le royaume des cieux est réservéà ceux qui ressemblent aux enfants 8par Ludolphe le chartreux (†1378)

– voyage en europe avec l’enfant-Jésus 9par Marie-Alix de varax

– Il suffit d’aimer … La Petite voie de Sainte Thérèse 11par l'Abbé John Brucciani

– La sainteté chez la vénérable Anne de Guigné et autres jeunes enfants 14par Patrick Banken

– esprit d’enfance 15par Marie-Françoise ousset

– À la recherche de l’enfance dans la Bible 17par un oblat bénédictin

– enfance de l’âme 19par Samuel

– Nativité et Noëls 20par Bernard Maurin

• Latin – Saint Yves et le pèlerin infirme 22par Benoît Le Roux

• Actualité – Le Bénin, une terre de mission pleine d’avenir 23par Bernard Roussel

– De Veritate de Saint Thomas d’Aquin 26par l' l'Abbaye Ste Madeleine du Barroux

• À travers la presse 26

• Nous avons lu 28

• Nous avons vu 32

• Nous avons écouté 33

• Courrier des lecteurs 35

couverture : Statue représentant l'enfant Jésus de Prague, dans l'église Notre-dame de Joinville, Haute-Marne dR

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UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 3

éditorial

La Fœderatio Internationalis Una Voce a tenu de nouveau son Assemblée Générale biennale à Rome, ville ô com-bien symbolique, les 5 et 6 novembre 2011. Les délais de publication ne nous permettent pas de vous offrir dans ces pages le compte-rendu de ses travaux. ce sera pour le prochain numéro. Permettez-nous toutefois de vous donner à chaud notre réaction. elle est sincèrement enthousiaste. La Fédération compte désormais 57 associations repré-sentant 37 nations. Les nouvelles formations agrégées à la FIUv étaient représentées par des jeunes aux visages rayonnants. c’est pour nous une belle et légitime raison de nourrir l’espérance, en ces temps troubles et menaçants !

Quelle joie de voir apparaître ces forces vives, fidèles à la foi reçue de nos pères, à cette liturgie latine et grégorienne, à la messe catholique, véritable sacrifice rédempteur renouvelé sur l’autel, et non simple mémorial !

Nous sommes loin de l’image de ces « nostalgiques du passé » que l’on nous a collée avec dédain et condescendance pendant des décennies ; avec peut-être aussi l’intention de nous marginaliser.

L’usus Romanus antiquior est plus vivant que jamais malgré tous les freins dont on l’a entouré.

Les temps semblent avoir changé. Nous sommes de moins en moins les fils mal aimés et dédaigneusement rejetés. « L’ex-périence de la Tradition » est désormais irréversible.

c’est ce que nous avons vu dans le sourire de la jeune représentante japonaise – joliment prénommée Bernadette et fière de l’annoncer ! – ou dans les propos exprimés en un français fort honorable par une étudiante russe préparant un doctorat à Genève !

chers amis, un tel bain de jouvence fait grand bien… et c’est d’excellent augure pour la Fédération et son avenir.

Deo juvante, ad multos annos !…

Jacques Dhaussy & Patrick Banken,respectivement Président d’honneur

et Vice-président de la FIUV

Bonnes raisons d’espérer …

✁à renvoyer à UNA voce, 42 rue de la Procession, 75015 PARISBUllETIN D'ABONNEmENT à lA REVUE à renvoyer à UNA VOCE, 42, rue de la Procession, 75015 PARIS

Patrick Banken (à gauche) et Jacques Dhaussy (à droite) dans le quartier du Trastevere, à Rome

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vocalises (formation vocale)exercices sur les intervalles (solfège)Rythme (mouvements avec le corps)dictées musicales (mélodiques, rythmiques, rythmo-mélodiques)chantchant avec chironomieétude d’une mélodie inconnuecomposition musicale (improvisation)Mémorisation.

La session du premier degré de Paris (1951) tenue par Mlles odette Hertz et christiane decludt recevait la visite de Joseph Lennards. Ses impressions sur le cours furent positives, bien qu’il recommandât de ne pas poursuivre trop vite, sous la poussée de l’enthousiasme :

Grégorien

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 20114

en 1904 à 25 ans, Mme Justine Ward se convertit au catholicisme. en 1910, le père Thomas-edward Shield, illustre pédagogue de l’Université catholique, lui confia la rédaction d’une méthode pratique d’enseignement du chant pour les écoles primaires catholiques, première ébauche de la fameuse Méthode Ward. enthousiasmée par le Motu proprio de saint Pie X sur la musique sacrée, elle se décida en 1918 à fonder l’Institut Pie X de Musique Liturgique à Manhattanville ; et c’est lors d’un congrès international de chant grégorien organisé par ledit Institut en 1920, qu’elle fit la connaissance de dom André Mocquereau. N’avait-elle pas fait ses délices du premier volume du Nombre Musical Grégorien où étaient exposés les principes théoriques et pratiques du rythme grégorien.

cette première rencontre scella une mutuelle estime et collaboration qui devait durer jusqu’à la mort de dom Mocquereau en 1930, et se prolonger avec son succes-seur comme Maître de chœur de Solesmes, dom Joseph Gajard. Méthode Ward et Méthode de Solesmes sont deux approches inséparables de l’enseignement du chant grégorien, rétabli dans sa dignité et beauté premières par les efforts des moines de Solesmes.

« La Revue Grégorienne », par la plume de dom Gajard, mettait en relief comment, avec la méthode Ward, déjà à six ans l’enfant était mis en contact avec la langue latine, moyennant un lent mais progressif processus de familia-risation avec le langage musical qui se terminait avec le livre de quatrième année, consacré au chant grégorien. Toutes les facultés de l’enfant étaient exercées en suivant la méthode Ward. Le plan de travail d’une leçon quotidienne, d’une durée de 20 minutes, comprenait :

Ex ore infántium ou comment la méthode Ward fit des prodiges !…

Bulletin d'abonnement à détacher au dos

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Grégorien

“Allez lentement, ne vous hâtez pas. consolidez les fondations. Après, tout ira bien. Ayez de la patience. Quand les enfants auront terminé le livre de quatrième année, alors seulement vous pourrez vous réjouir, vous aurez atteint votre but … car ce but, c’est la Louange divine…”1

ce qui sert aujourd’hui presqu’à tout instant à l’auteur de ces lignes, pour s’acquitter de la louange divine au chœur, c’est ce qu’il a reçu par la méthode Ward, quand il était en 8e et 7e dans les années 1953-1954 dans un collège où l’on se voulait en pointe en matière de pédagogie. et c’est toujours de la transcription des notes en chiffres : 1= do, 2= ré.., qu’il se sert, pour vaincre quelques difficultés de solfège qui se trouvent pour lui ici ou là dans le répertoire. Qu’on ne dise donc pas que cette origi-nalité de la méthode Ward fait obstacle au déchiffrage des notes sur la portée de quatre lignes.

L’idéal serait pour l’étudiant de parcourir tous les degrés de la progression Ward jusqu’à la quatrième année consacrée expressément au chant grégo-rien ; mais on peut aujourd’hui aborder directement le chant grégorien avec la méthode Ward en s’aidant du Prac-ticum de chant grégorien, publié en 1990 par la Fondation Mocque-reau, Université catholique d’Améri-que, Washington D.C. et Théodore Marier (†), Mme Ward ayant elle-même, avant sa mort, approuvé cette édition, qui reprend en préface ses propres termes :

« La musique dont il est question dans le présent livre est celle-là même à laquelle l’église a comme incorporé son message dès les premiers temps de l’ère chrétienne, et qu’elle a toujours regardée au cours des siècles comme la forme officielle de son expression musicale. Ici, la mélodie s’adapte mer-veilleusement aux paroles et traduit avec une délicatesse infinie les ensei-gnements et les prières, la méditation ou

1 M. Lennards à la session du 8 juin 1951 au Sacré-cœur, où l’on avait entendu chanter 2000 enfants.

la louange, le sourire ou les larmes… comme dans les ouvrages précédents, notre méthode, toujours la même, va du simple au complexe, du connu à l’inconnu ou au mal connu et chaque idée se présente d’abord sous forme d’expérience, avant d’être mise en formule et confiée à

la mémoire. dans les premiers chapitres, les exercices visent surtout à défaire l’enfant de sa tendance à associer force et accent, et à lui faire conce-voir ce dernier moins comme un appui que comme un élan de la voix ou de la mélodie. Les mouvements rythmiques figurés qui sont amorcés ici l’aident d’ailleurs à réaliser cette conception. durant ce premier stage, les notes sont représen-tées par des chiffres. Mais dès que l’enfant est suffisamment initié à toutes ces nouveautés, nous procédons à l’étude de la notation employée par l’église dans ses livres officiels. »

« Pour entraîner les enfants au rythme grégorien, le procédé est le suivant :

d’abord les gestes : I. larges ondulations ou volutes décrites dans l’air avec des voiles, pour bien faire sentir l’alternance du levé et du posé, de l’élan et du repos.

des courbes dessi-II. nées au tableau qui dénoncent

aux enfants et du même coup les aident à bannir ce qu’il pourrait y avoir d’anguleux et de saccadé dans les voix.

Les notions élémentaires une III. fois acquises par le geste, on affine le rythme de la voix en figurant le mou-vement, mais seulement avec la main cette fois, afin de ne pas troubler la douceur et l’égalité vocales… »

dans le chapitre premier du Practi-cum, à partir de notions élémentaires sur les anciens neumes des manuscrits, on en vient rapidement à leur traduction en notes carrées sur portée de quatre lignes, avec leur durée, leurs formes variées et les signes expressifs d’al-longement (épisème horizontal). est présent aussi le système du do mobile

qui fait qu’en grégorien on ne s’inquiète en définitive que de la hauteur relative des sons.

Manuscrit de l'introït

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 5

Le Practicum et le célèbre diapason

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Le Practicum à ce stade n’abandonne pas la notation chiffrée, très utile par la suite, dans la mesure ou elle per-met, mieux que la notation carrée dans laquelle les notes sont superposées, l’indication du rythme par la chironomie dessinée. La notation chiffrée est précieuse aussi pour tous les exercices d’intonation et de vocalises.

dès le premier chapitre est donnée une idée de la moda-lité grégorienne : importance de la note finale, de la tierce caractéristique et de la dominante : c’est en respectant les règles de la modalité que sont proposées des dictées musicales visuelles et auditives.

Toujours dans le premier chapitre, on aborde le rythme : rythme élémentaire binaire, rythme élémentaire ternaire, rythme simple binaire, rythme simple ternaire. Toutes ces notions sont concrétisées par le dessin et par le geste : le rythme intéresse la personne entière, esprit, sens externes, corps. en effet, l’élément peut-être le plus caractéristique et génial de la méthode est la chironomie : traduction écrite ou gestuelle du rythme libre grégorien.

Le chapitre deuxième reprend et approfondit les acquisi-tions du chapitre premier, puis introduit cette composante essentielle au chant grégorien qu’est le texte latin avec son rythme verbal propre : mots spondaïques, mots dac-tyliques et leur jonction dans l’incise.

voici l’exemple très simple d’une hymne populaire syllabique, qui n’appartient pas au fonds grégorien mais fait comprendre la synthèse de la mélodie, du rythme musical et du rythme verbal qui se concertent avec vie et souplesse.

Tous les chapitres suivants donnent des compléments d’enseignement sur les notions déjà abordées : notation, modalité, rythme, texte latin. La progression pédagogique culmine avec la synthèse du grand rythme :

« observer la construction du chant, incise par incise, membre par membre, autour du point le plus élevé de la mélodie. ce plan du compositeur doit être respecté par le chanteur selon l’ordre mis en évidence par la mélodie. Le compositeur a fait en quelque sorte une homélie musicale sur le texte, à travers le langage de la musique. cette

signification particulière rajoutée au texte par la mélodie et le rythme pourrait n’avoir jamais été rendue présente et accessible aux générations qui l’ont suivie, si ce n’est par la musique. » (Practicum, p.172).

on n’oublie aucun des éléments de détail analysés au fil des leçons, mais ils sont fondus dans un unique mou-vement : c’est la définition même du rythme selon dom Mocquereau, qui est l’inspirateur de toute cette méthode que Mme Ward n’a fait que traduire au bénéfice des petits enfants chanteurs de la louange divine. Les chanteurs adultes y trouvent aussi tout ce qui leur est nécessaire pour s’intégrer à une schola grégorienne. La méthode leur sera d’autant plus profitable qu’ils la suivront dans l’esprit et la fraîcheur d’âme des petits enfants. Ex ore infántium perfecísti laudem2

Un moine de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault

2 ce texte, issu du Ps.8 verset 3, avait été apposé par Mme Justine Ward au dessus de la tribune dans la grande salle de l’Institut Pie X à New-York. Son adaptation à l’œuvre de cette grande dame se passe de commentaires. Traduisons-le ainsi : de la bouche des enfants, vous vous êtes préparé une louange.

http://www.unavoce.fr,

un site web à ne pas manquer !

c’est…

•uneémission radio hebdomadaire pour aider les choristes des chorales grégoriennes

•une boutique en ligne pour vous procurer disques, ouvrages…

•etdesinformations sur le chant grégorien, l’art sacré…

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Dossier - L’esprit d’enfance

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 7

Quel sens donner à cet esprit d’enfance, cher aux mystères de Noël et propre au christianisme ? L’évangile le place à la porte du paradis : « Si vous ne devenez semblables à de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ». (Matt. XvIII, 3). L’enfance spirituelle est recommandée par bien des saints, de saint Paul pour qui « nous sommes les enfants de dieu » (Rom vIII, 16) à Sainte Thérèse de l’enfant Jésus.

cet esprit n’est pas réservé à quelques uns, dont les enfants. Il ne doit pas être non plus confondu avec une puérilité plus ou moins vraie.

en quoi consiste t-il alors ? L’enfance spirituelle est-elle comparable à l’enfance naturelle ? comme l’enfant, le chrétien doit être simple, sans duplicité, se présentant tel qu’il est. conscient de sa faiblesse, il attend tout de ses Parents célestes, les aimant plus que tout et sans calcul.

La différence du chrétien avec l’enfant existe aussi. L’enfance spirituelle réclame la maturité, celle d’un jugement surnaturel, c’est-à-dire inspiré de dieu. de plus, si dans l’ordre naturel l’enfant apprend petit à petit à se passer de ses parents, au contraire dans la grâce, c’est l’attachement et la dépendance envers dieu qui doivent grandir. voilà pour une rapide comparaison.

Quelles sont les principales vertus de cet esprit d’enfance ? d’abord la simplicité évoquée précédemment. Être simple, c’est se corriger de toute duplicité pour s’unifier et tendre à faire un avec dieu, lui rapportant les personnes et les évènements du quotidien comme voulus de Lui, ou au moins permis par Lui pour un bien supérieur.

comme l’enfant crédule, le chrétien adhère à la FoI. ce que Jésus-christ a dit ou ce que l’église enseigne affermit son esprit dans la vérité. La grâce des mystères et le sens de dieu grandissent dans cette âme car le Père « cache ces choses aux prudents et les révèle aux petits ».

vient ensuite l’HUMILITé. comme l’enfant qui s’en remet à ses parents, le chrétien attend tout de son Seigneur et Maître, en qui il s’abandonne. Il ne cherche plus à exister artificiellement dans

l’esprit des autres. cette disposition favorise la prière.

La coNFIANce est aussi un fruit de l’enfance spirituelle fécondé par l’esprit de foi. Ne comptant pas sur ses propres forces mais sur les mérites du Seigneur, le chrétien sait qu’en demandant, il recevra ce dont il a besoin. comme l’enfant envers ses parents, il n’a confiance vraiment qu’en dieu. Sainte Thérèse de l’enfant Jésus disait : « Seigneur, vous voyez tout, vous pouvez tout, et vous m’aimez ».

La réponse du chrétien, cet amour ressenti à la manière de l’enfant qui se sait aimé de ses parents, est la cHARITé pure. Amour de dieu pour Lui-même et des âmes en dieu.

Indirectement et dans un autre ordre, l’enfance spirituelle c’est aussi l’éternelle jeunesse de l’église, qui lui vient de sa filiation et de sa fidélité à son passé. Toute rupture avec le passé est le signe d’une maturité ingrate et manquée, car trop sûre d’elle-même. c’est pourquoi la Tradition est la jeunesse de dieu.

Una Voce

l’ESPRIT D’ENFANCE

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Dossier - L’esprit d’enfance

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 20118

Les enfants possèdent certai-nes qualités particulières qui les distinguent entre tous : l’inno-cence, la pureté de cœur, la soumission, la simplicité, la vérité, l’humilité, l’oubli des injures, etc. ; ce sont là aussi les qualités que doit chercher à acquérir qui-conque veut être admis au royaume des cieux. Le Sauveur reçoit avec bonté les petits enfants, les prend dans ses bras, les embrasse avec ten-dresse, leur impose les mains et les bénit, pour nous montrer par là qu’il chérit les humbles et ceux qui se font petits, qu’il prend plaisir à les enrichir de ses faveurs spirituelles et à répandre sur eux ses plus abondantes bénédic-tions : dieu, en effet, nous dit saint Pierre, résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles et à

ceux qui se soumettent à lui. elle est donc bien puissante la vertu d’humilité, puisqu’elle attire tant de bienfaits sur celui qui la pratique. L’humilité, dit saint Jérôme (epist. ad celant), est la gardienne de toutes les vertus ; elle nous rend agréables à dieu et aux hommes ; rien ne saurait plaire davantage qu’un chrétien qui, élevé en dignités et en vertus, reste pourtant petit à ses propres yeux. L’humilité, dit saint Bernard, est la parure de l’âme, et ce n’est pas d’après moi que je parle, mais d’après le Prophète-roi lui-même, qui a dit le premier : Lavez-moi, Seigneur, avec l’hysope, et je serai purifié. L’hysope est une petite plante purgative qui est l’emblème de l’humilité. david, après sa chute, croyait donc qu’étant ainsi lavé, il recouvrerait l’éclat de son innocence. […]

 la vue de la bonté, de la bienveillance que notre divin Sauveur témoigne aux petits enfants, concluons qu’il chérit spécialement et par-dessus tout la simplicité, l’innocence et l’humilité : efforçons-nous donc d’acquérir ces vertus et de devenir, en les pratiquant, semblables aux petits enfants afin qu’avec eux nous puissions avoir part au royaume des cieux.

ludolphe le Chartreux (†1378)La grande vie de Jésus-Christ, fin du chap. 101

Le royaume des cieux, ajoute le Sauveur, est réservé à ceux qui leur (les enfants) ressemblent. Par ces paroles, dit Saint Jérôme, (in C. XIX Marc.), nous voyons clairement que le royaume des cieux est destiné non pas à ceux qui sont enfants par l’âge, mais bien à ceux qui ressemblent aux enfants par la pureté de cœur, la sim-plicité, l’innocence et l’humilité. Jésus-christ, dit saint Ambroise (in C. XVIII Luc), n’oppose pas ici un âge à un autre, autrement il serait désavantageux à l’homme de croître et de grandir. Pour-quoi donc alors dit-il que les enfants sont aptes au royaume des cieux ? c’est sans nul doute parce qu’il n’y a en eux ni malice, ni ruse, ni tromperie, ni orgueil, ni ambition : parce qu’ils ne courent ni après les richesses, ni après les honneurs. La vraie vertu ne consiste pas à ne point posséder les honneurs et les richesses, mais à les mépriser ; ce n’est pas l’impuissance de faire le mal qui est méritoire, mais la volonté de ne le pas faire. ce n’est donc pas l’enfance que le Sauveur recom-mande ici, mais la simplicité et la bonté qui nous en rapprochent.

voulons-nous, dit saint chrysostome (Hom. 63, sur Matth), être les héritiers du royaume des cieux, effor-çons-nous d’imiter la pureté et l’innocence du jeune âge. L’enfant ne se souvient pas des injures qu’il a reçues ; il approche comme d’un ami de celui qui l’a maltraité il n’y a qu’un instant ; sa mère le frappe et il court après elle, il l’aime plus que toutes les autres femmes, et, fût-elle couverte de haillons, il la préfère à une reine revêtue de drap d’or ; il ne recherche point le superflu, mais se contente du nécessaire ; il ne s’attriste pas, comme nous, de la perte des biens et des honneurs ; il ne prend point plaisir aux folles concupiscences charnelles qui nous entraînent, ni aux vanités du siècle, qui nous séduisent ; c’est pourquoi Jésus-christ a dit : Le royaume des cieux est destiné à ceux qui ressemblent aux enfants, c’est-à-dire à ceux qui sont par choix et par volonté ce que les enfants sont par nature.

le royaume des Cieux est réservé à ceux qui ressemblent aux enfants

Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent.

Statuette en régule couleur bronze marquée au dos DSR

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Dossier - L’esprit d’enfance

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 9

che. cette statue provient de la famille espagnole de la princesse : « Je vous offre ce qui m’est le plus cher, honorez bien cet enfant Jésus et rien ne vous manquera », dit-elle aux carmes.

Peu de temps après, les troupes protestantes du prince de Saxe entrent dans Prague, le carmel est saccagé et la statue mutilée est jetée derrière l’autel.

ce n’est que trois ans plus tard qu’un carme, frère cyrille, la retrouve et entend ces paroles intérieures :

« Ayez pitié de moi et j’aurai pitié de vous. Rendez-moi mes mains et je vous donnerai la paix : plus vous m’ho-norerez, plus je vous bénirai ».

La statue est alors réparée et fait depuis l’objet d’une intense dévotion : les pèlerinages se succèdent et l’enfant-Jésus reçoit de multiples cadeaux, ainsi une magnifique garde-robe, à côté de laquelle celle de Marguerite de Rosbourg dans « les petites filles modèles » fait pâle figure : l’enfant-Jésus possède 60 robes, dont une brodée, nous dit la tradition par l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche.

Sous le règne de Joseph II, frère de Marie-Antoinette, les carmes sont chassés. L’église devient simple église paroissiale, confiée aux chevaliers de Malte, ce qui expli-que la croix de Malte que tient l’enfant-Jésus.

mEAUX

A Meaux, c’est une reli-gieuse, sœur Gertrude, qui voit dans sa cellule un petit Jésus, « pas comme les autres » : c’est celui de Prague. Pour l’honorer, une statue est commandée et le carmel de Meaux l’accueille en 1886.

Pour les familiers du cou-vent, une seconde statue est érigée deux ans après.

ces deux statues sont d’une extrême qualité, avec leur visage gracieux et l’élé-gance de leur robe blanche brodée.

ARENZANO

en Italie, le couvent d’Arenzano est le principal sanctuaire (fondé en 1889) consacré à l’enfant-Jésus de Prague.Aujourd’hui, c’est un centre très actif, avec une magni-fique église, qui accueille des milliers d’enfants, publie un journal, le « Messagero di Gesu Bambino de Praga » (il existe en français), envoie partout livres, chapelets de

Voyage en europe avec l’Enfant-JésusSi la vie de l’enfant-Jésus à Nazareth, de 3 à 12 ans,

est discrète, elle n’en est pas moins très importante pour le chrétien : à partir du XvIIe siècle, les statues qui le représentent se multiplient et le culte se répand partout dans le monde, principalement grâce aux carmes.

Partons pour Prague, Meaux, Arenzano ou Beaune : toutes ces villes possèdent des sanctuaires qui vénèrent l’enfance du christ, avec des statues souvent miraculeu-ses et très différentes.

La grande réformatrice du carmel, sainte Thérèse d’Avila emporte toujours avec elle une statue de l’enfant-Jésus. Sœur Thérèse de l’enfant-Jésus et de la Sainte Face choisit un nom de religion qui souligne l’unité de la vie du christ, de la crèche à la croix.

visage du bébé, visage du crucifié. Le petit Jésus à l’eau de rose n’existe pas.

L’esprit d’enfance recèle des trésors de docilité, et demande une grande force d’âme.

c’est parfois le style désuet du XIXe siècle, avec ses « ah ! », ses « oh ! » et ses « langueurs » qui donne une impression un peu mièvre. Mais il suffit de moderniser la syntaxe !

Sur le chemin de la sainteté, les enfants ne sont pas les derniers. Anne de Guigné, Jacinthe et François de Fatima nous indiquent la voie héroïque de la simplicité et de l’obéissance.

l’Enfant-Jésus de Prague

dans les années 1610, la ville de Prague est en proie à de dures querelles religieuses. Un prince calviniste se fait couronner roi de Bohême à la place de Ferdinand de Habsbourg.

La bataille de la Montagne Blanche en 1620 ramène les Habsbourg catholiques au pouvoir en Bohême. Ils

favorisent alors le carmel qui s’ins-talle à Prague en 1624.

Quatre ans plus tard, la princes-se Polyxène de Lobkowicz offre une statuette de l ’en fan t -Jésus au couvent. elle mesure 45 cm de hauteur, et repré-sente l’enfant-Jé-sus bénissant de la main droite et tenant un globe de la main gau-

Enfant-Jésus de Prague

Enfant-Jésus de Prague à Meaux

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UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 201110

Dossier - L’esprit d’enfance

l’enfant-Jésus (12 Ave maria en méditant sur l’enfance du christ), statues et différents objets.Les enfants y sont consacrés à l’enfant-Jésus.

BEAUNE

A côté de l’enfant de Prague, d’autres statues sont vénérées : l’enfant de Beaune, dans ses langes a beaucoup de charme : au XvIIe siècle, Marguerite du Saint-Sacrement contribue à faire connaître la spiritua-lité de l’enfance du christ : humilité, confiance, patien-ce. elle reçoit la mission de prier pour la naissance d’un dauphin. et après 22 ans de mariage, la reine Anne d’Autriche met au monde le futur Louis XIv.

Marguerite du Saint Sacrement reçoit la statue de Beaune, probablement sculptée par une personnalité de l’époque, le Baron de Renty, gentilhomme normand qui a une grande dévotion pour l’enfant-Jésus.

ATOCHA

Une statue espagnole représente un charmant « Bambino », habillé com-me un pèlerin de saint Jacques. Il tient un panier dans la main, en souvenir d’un miracle : pendant la reconquête espagnole, de nombreux prisonniers des maures ont faim et soif. Arrive alors un enfant qui leur offre du pain et de l’eau. Malgré une géné-reuse distribution, il y a tou-jours autant de nourriture. Les prisonniers reconnais-sent dans leur mystérieux bienfaiteur l’enfant-Jésus.

en ces jours où nos pensées s’envolent vers l’égypte, rappelons-nous que dans ce pays, Jésus passa les premières années de sa vie : les traditions y sont nombreuses, ainsi que les traces de miracles accomplis par la présence de l’enfant-dieu.

on représente souvent les statues des idoles s’effon-drant au passage de la Sainte Famille, on admire le vieux sycomore qui cacha l’enfant aux yeux des soldats d’Hérode ou le palmier qui s’inclina pour que la vierge puisse pren-dre des dattes. Toutes ces traditions sont soigneusement conservées par les coptes.

embarquons à la suite de l’enfant de Nazareth, l’enfant docile qui nous montre le chemin de la bonté et du pardon ; Le bateau de pêche, « Jésus de Prague III », s’il n’a rien du confort d’un paquebot, nous rappelle que dans la vie spiri-tuelle, les vents contraires mènent au port ! Bon vent !

marie-Alix de VaraxBibliographie : - L’Enfant-Jésus de Prague, histoire et spiritualité, par Philippe Beitia (Téqui)- Le petit roi, bande dessinée, disponible à Arenzano.Un petit stock est disponible chez Madame de Lassus à versailles 01 39 54 58 47Statues, neuvaines, médailles : appeler Madame de Lassus.

Bateau « Jésus de Prague III »

Enfant-Jésus de Beaune

Enfant-Jésus d’Atocha

Église d’Arenzano

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11 UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 11

Dossier - L’esprit d’enfance

l’enfant, cet être fascinant

Regardons un peu les caractéristiques de l’enfance. direc-teur d’école primaire, j’aime tout particulièrement visiter les petites classes. et je le fais avec une certaine malice ! Les pauvres maîtresses désespèrent en me voyant arriver. Alors que la classe est concentrée et travailleuse, l’abbé arrive et, malgré lui, perturbe l’ambiance ordonnée et studieuse pour laisser derrière lui des enfants hilares et distraits. on ne peut faire autrement, malgré tous les efforts. Le regard sévère et l’allure droite et rigide n’arrivent pas à perdurer devant le sourire irrésistible des petits, ravis de pouvoir montrer leurs cahiers ou vanter en toute innocence leurs petits exploits scolaire.

S’il arrive à tenir en laisse parents et professeurs, le per-sonnage improvisé du sergent major venu inspecter ses

troupes ne peut résister à ces démonstrations littéralement désarmantes d’amour et de confiance de la part des enfants. on ne peut que rire et sourire avec eux. L’éducation des enfants est décidément très difficile !

c’est que la petite jeunesse des enfants, surtout des maternelles et cP, est quelque chose de fascinant. Leur façon d’appréhender le monde est tellement différent de la nôtre : tout leur est source d’émerveillement et de joie. Les enfants ont cette fabuleuse capacité de vivre l’instant présent, de s’en réjouir,et de chercher à le faire perdurer. Le passé n’a pas de prise sur eux, et l’avenir n’existe pas encore.

vous les grondez, et si on a de la chance, ils pleurent, mais les larmes sèchent vite. Aucune rancœur, aucune animosité, seulement un besoin irrésistible de plaire, car ils cherchent en tout, si on les éduque comme il faut, à donner de la joie. c’est même leur façon préférée de réparer leurs fautes. et quant à demain, pas de soucis, pas d’inquiétude.

Si les enfants nous sont irrésistibles, ce n’est pas simple-ment parce qu’ils sont innocents. cette innocence est en effet rafraîchissante pour nous, adultes, qui sommes souvent écœurés par l’égoïsme et les mensonges de beaucoup de nos compères. Les enfants sont irrésistibles parce qu’ils sont simples et limpides. contrairement à nous, ils ne sont pas compliqués du tout. Leur préoccupation principale, je veux dire leur souci premier, n’est pas de s’amuser, ni de dominer, ni de cultiver une bonne image d’eux-mêmes, elle est avant tout d’aimer. et s’ils cherchent l’amour des autres, outre la sécurité et le bien-être que cet amour leur procure, c’est surtout pour aimer davantage. d’où les petits dessins qui tapissent nos cuisines et nos bureaux; les petites mains sales et collantes qui se glissent dans les nôtres. c’est ainsi que les enfants cherchent à nous retenir prisonnier ou à grimper sur notre dos. Ils cherchent le contact physique par

La petite Thérèse est morte jeune, à l’âge de 24 ans, dans l’obscurité d’un couvent. Quelques âmes éclairées l’avaient remarquée pendant les dernières années de sa courte vie, mais dans l’ensemble la communauté ne l’esti-mait pas plus qu’une religieuse quelconque. elles regrette-raient surtout la joie spontanée et le sourire courageux de cette brave sœur qui n’égaierait plus les recréations parfois pesantes et sérieuses. Leur « petite fleur » s’en allait après sa longue et éprouvante maladie. Mais, chose étrange, la mort même n’a pas pu altérer ses traits. Thérèse est morte le sourire aux lèvres. c’est le résumé de sa courte vie.

vingt-huit années plus tard elle sera portée sur les autels. Ses manuscrits autobiographiques publiés sous le titre de l’« Histoire d’une âme » (premier tirage : seulement 2000 exemplaires !) se sont répandus par toute la terre en quelques années. Ses paroles et ses confidences sont pleines de naïveté et de fraîcheur. Thérèse a touché d’innombrables cœurs. Les miracles dus à son intercession se multiplient, en particulier pendant la Grande Guerre. Mais c’est surtout l’élévation mystique de sa doc-trine spirituelle qui attire l’intérêt de l’église. Son ouvrage autobiographique ainsi que ses poèmes et ses lettres sont soumis à l’étude des théologiens. Le vote est unanime. Il y a là un trésor d’une valeur inestimable. La petite Thérèse, qui se disait n’être qu’un « faible petit oiseau » dans la voie de la perfection, fréquentait sans le savoir la cour des « aigles ». Sa doctrine est un résumé et une reformulation en termes plus simples et plus accessibles des enseignements mystiques de Saint Jean de la croix et de Sainte Thérèse d’Avila.

Si dieu a voulu accorder une telle célébrité à la petite Thérèse, c’est afin que sa doctrine spirituelle soit connue de tous. Par l’intermédiaire de Thérèse de Lisieux, dieu a voulu offrir au monde moderne l’essence du message évan-gélique sous une forme plus adaptée au temps présent. en effet nous ne sommes plus au temps des saints, des mira-cles, des monastères, des croisades et des épopées. Les formes de sainteté d’autrefois, fruits d’une société pétrie de christianisme, ont disparu. Les repères traditionnels de la sanctification personnelle sont devenus plus flous. Les façons de faire d’autrefois, devenues au XIXe siècle souvent routinières et sclérosées, sont aujourd’hui obsolètes. Nous vivons désormais dans un monde qui ne s’occupe que de frivolités et de banalités, ce qui rend nos propres existences souvent frivoles et banales. courbés vers la terre nous ne savons plus comment nous élever vers les cieux. c’est alors que Thérèse nous montre un chemin taillé à notre mesure. Malgré la banalité de nos vies, avec leur lot d’imperfections et de misères, nous pouvons devenir des saints. Il suffit de redevenir comme des petits enfants.

Il suffit d’aimer … la Petite Voie de Sainte Thérèse

Sainte Thérèse enfant

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Dossier - L’esprit d’enfance

où s’effectue l’union vers laquelle tout amour tend. Ils ont besoin de ce contact physique pour donner une expres-sion à leur amour et en recevoir en retour. en somme, tout contact du regard, de l’ouïe ou du toucher est l’expression de cette affection et de cet amour.

Sauf exception, ce n’est que dans le contexte d’un man-que d’affection, de compréhension et d’amour réel qu’un enfant se gâte. Il devient fourbe, violent, coléreux, égoïste ou tout simplement angoissé, triste et peureux. ces traits de caractère sont tellement contraires à sa nature d’enfant ! Le voilà tourné au-dedans de lui-même, ne se préoccupant que de son petit moi, par malice ou par instinct de pré-servation. c’est désolant et triste, d’autant plus que chez les enfants il ne devrait pas y avoir d’égoïsme, d’introspection, d’angoisse ou de peur. engendré par amour, ils sont faits pour l’amour, et l’amour donne des ailes. Un enfant sain est un enfant qui se sait aimé et qui aime de retour. c’est pourquoi il est joyeux et tapageur, espiègle peut-être mais surtout drôle, heureux de transmettre un peu de sa joie de vivre à son entourage. car, combien il est bon de vivre sous la chaleur bienfaisante de l’amour de ses parents, de ses frères et sœurs, de ses maîtresses d’école, des prêtres et des amis.

l’enfant, notre maître

or, les enfants représentent dans leur simplicité de vivre et d’agir ce que nous devons être, ce que dieu souhaite que nous soyons. Les enfants sont, sans le savoir, nos modèles et nos maîtres, que nous devons admirer et imiter. voilà pourquoi Notre Seigneur a tant d’égard pour eux. voilà pourquoi Il menace si sévèrement ceux qui scandali-seront « un de ces petits ».

Tout le secret de l’immense sainteté de la petite fleur de Lisieux se trouve ici. Par une grâce insigne, Thérèse a compris non seulement qu’elle était aimée au-delà de toute espérance par dieu mais aussi, et surtout, que le bon dieu ne lui demandait rien d’autre qu’un amour de retour.

Je ne peux m’empêcher de vous retracer le raisonne-ment de la sainte en reprenant le passage clé de toute sa doctrine. Il se trouve dans le manuscrit B, celui adressé à sa sœur Marie.

Après sa « découverte » de l’incroyable charité de dieu pour nous, Thérèse est tellement dévorée d’un zèle pour dieu et pour les âmes que sa vocation carmélitaine ne lui suffit plus. ce n’est plus assez d’être épouse de Notre Seigneur et mère des âmes. elle se sent une vocation à quelque chose de plus grand. elle veut donner plus.

elle veut être un guerrier, un prêtre, un apôtre, un martyr, un croisé, un missionnaire, un confesseur. elle veut prêcher le christ au monde entier, jusqu’à la fin des temps. elle veut mourir de toutes les sortes de martyres, vivre pendant les derniers temps. Mais la voilà, enfermée dans un couvent !

Hélas, voilà notre Thérèse si petite et si démunie. Que peut-elle faire ? « o Jésus ! mon amour, ma vie… comment allier ces contrastes ? comment réaliser les désirs de ma pauvre petite âme ?… »

elle trouve enfin la réponse dans un passage de saint Paul aux corinthiens où l’apôtre déclare que « les dons les plus parfaits ne sont rien sans l’amour. (Que) la charité est la voie excellente qui conduit sûrement à dieu. » (voir 1 cor. XII et XIII)

Quelles que soient les grâces que nous recevons, toute grâce est sans valeur sans la charité. c’est ainsi que sainte Thérèse décou-vre la charité comme la clef de sa vocation : « Je compris que si l’église avait un corps, composé de différents membres, le plus néces-saire, le plus noble de tous ne lui manquait pas ; je compris que l’église avait un cœur, et que ce cœur était brûlant d’amour. Je com-pris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’église, que si l’Amour venait à s’éteindre,

les Apôtres n’annonceraient plus l’evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux … en un mot, qu’il est éternel !… »

Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : o Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’amour ! … oui j’ai trouvé ma place dans l’église et cette place, ô mon dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le cœur de l’église, ma Mère, je serai l’amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé.

de même que le cœur fait vivre le corps, l’amour fait vivre l’église. L’amour renferme donc toutes les vocations. Sainte Thérèse n’hésite plus : « Je m’offrirai en victime à ton Amour, ô Jésus ! »

ce petit passage résume la quintessence de la révélation évangélique et de la petite voie thérésienne. Peu importe l’époque que nous vivons ou la vocation que nous pour-suivons, peu importent les faiblesses et l’impuissance dont nous souffrons, toute sainteté se résume en la pratique de l’amour. c’est si simple, tellement simple que même les enfants y arrivent. La sainteté est en somme, un jeu d’enfant !

Le génie de Thérèse réside en ce qu’elle a redécouvert et reformulé en un langage simple et séduisant l’essence du message évangélique à un temps où ce message perdait de son attrait. Le monde du XIXe siècle subissait de plein fouet une désorientation spirituelle suite à l’avènement des Lumières. Le monde changeait, la vie chrétienne et les voies « classiques » de la sainteté devenaient de plus en plus difficiles à pratiquer. Les bonnes âmes souffraient de ne plus savoir comment faire pour pouvoir mener, dans ce quotidien devenu laïque, une vie de service et de dévoue-ment envers le dieu créateur et Sauveur. dieu nous envoya

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Dossier - L’esprit d’enfance

alors une petite religieuse pour nous apprendre comment on pouvait le servir à la hauteur des grands saints d’autre-fois : il suffit d’aimer, comme des enfants.

la petitesse, remède à la faiblesse

Le retour à la simplicité de l’enfance au plan spirituel comporte un autre aspect majeur, que Thérèse développe avec profusion et allégresse : l’utilisation de nos faiblesses comme source de confiance et d’amour, à l’imitation des enfants.

Nos faiblesses nous sont en effet une source constante de soucis et de découragement. Alors que dieu est si généreux à notre égard, nous nous sentons bien tièdes et pusillanimes. dieu a dédié Sa vie entière pour nous, jusqu’à la mort douloureuse de la croix, et voilà que nous avons peine à lui donner quelques instants de notre journée. Nos péchés nous sont un reproche constant. Nos chutes mor-telles, sources de confusion et de honte.

c’est alors que se forme en nous l’image du dieu - vengeur. comment dieu pourra-t-il avoir miséricorde devant tant d’ingratitude et de faiblesse de ma part ? L’appréhension et la peur nous envahissent, et nos rapports avec dieu deviennent non des rapports d’un enfant envers son Père qui est aux cieux, mais d’un serviteur infidèle envers un Maître implacable et agacé. L’image est poussée mais demandez aux prêtres : il passent plus de temps au confessionnal à calmer et rassurer qu’à mettre en garde et menacer.

c’est que les âmes n’ont plus confiance dans l’infinie bonté de dieu. Thérèse, dans la simplicité de son regard d’enfant, comprit une fois pour toutes combien dieu nous est un Père et combien Il nous regarde comme Ses enfants. elle osa projeter sur dieu l’image de son propre père, Louis Martin, qui était si droit, si bon, si indulgent, si compréhen-sif, si tendre, si affectueux, qu’il se laissait appeler « mon petit Roi » et dont Thérèse était la petite reine. Avec pareil dieu, que pouvait-elle craindre ?

Ses faiblesses, sa petitesse, comme elle aimait dire, ne lui faisaient plus peur. elle ne s’en souciait plus tant son attention était détournée du « péché à pardonner » et tournée vers le « Père pardonnant ». Tel un enfant contrit qui sait qu’il a fauté, elle lève vers dieu un simple regard de regret, d’amour et de confiance. Le dieu infiniment bon en restera-t-Il indifférent ?

elle va encore plus loin. elle enseigne que nous devons aimer notre faiblesse et notre petitesse, s’en réjouir et non s’en désoler. car nos faiblesses nous maintiennent dans l’humilité, et ce ne sont que les humbles qui peuvent recevoir les attentions prévenantes de dieu. en effet, l’hu-milité du cœur est la condition sine qua non de la sainteté. cette humilité passe non pas tant par la connaissance de notre misère que par l’acceptation joyeuse de cette

misère. car notre misère est la raison pour laquelle dieu se penche vers nous, nous prend en pitié et S’occupe de nous. « voyez les tout petits enfants, ils ne cessent de casser, de déchirer, de tomber, tout en aimant beau-coup leurs parents. de leur côté les parents cessent-ils pour cela de les aimer et de les combler de caresses ? » Notre misère nous oblige à tendre les bras vers dieu, Lui demander pardon et ne compter que sur Sa bonté pour le salut de notre âme. Ne pouvant nous élever vers Lui, c’est Lui qui S’abaisse jusqu’à nous pour nous prendre dans Ses bras. dieu ne nous aime que plus lorsqu’Il nous voit succomber.

Il est difficile de résumer en quelques pages la doctrine thérésienne de la Petite voie, tellement cette doctrine est riche de découvertes et de détails. elle est surtout un retour à la simplicité des evangiles. elle est une voie de sainteté particulièrement adaptée aux temps modernes, grâce à son optimisme et son audace. Le rejet universel

de Jésus-christ et de son église peut nuire à notre confiance et notre équilibre spirituel. Le découragement et la pusillani-mité guettent plus que jamais les amis de Jésus-christ, tant à cause de persécutions extérieures que des tentations intérieures auxquelles nous sommes aujourd’hui expo-sés. Par Thérèse, dieu nous a demandé de revenir à l’essentiel : l’amour. Mais pour aimer véritablement, il nous faut un cœur d’enfant : joyeux, généreux, spontané, aucunement introspectif, simple, confiant et totalement abandonné.

« Si vous ne devenez pas comme des petits enfants… » (Mt. XvIII, 3) Nous

connaissons la parole de Notre Seigneur. Nous pourrions la paraphraser ainsi : « Si vous ne voulez pas comprendre que Je suis votre Père et que vous êtes Mes enfants, que Je vous aime plus que le plus tendre des pères et des mères, que Je vous connais pour le petit être faible que vous êtes, que Je n’en suis que plus compatissant et prévenant, que Je ne vous demande pas des exploits de sainteté ni une fidélité sans faille, mais seulement une confiance inébranlable en Mon amour pour vous … alors vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des cieux. car ce royaume appartient aux enfants, c’est à dire à ceux qui croient en la force de l’amour, en Mon amour pour eux. » Et nos credidimus caritati.(I Jo. Iv, 16).

en ce temps de Noël où nous adorons l’enfant-dieu, souvenons-nous de cette prédilection divine pour les enfants et pour ceux qui leur ressemblent. Le retour aux vertus et aux intuitions de l’enfance est au cœur même du dispositif divin mis en œuvre pour ramener les hommes au bercail. Satan avait dit à Adam et eve qu’ils seraient comme des dieux : maitres, autonomes et indépendants. dieu vient alors sous les traits de l’enfance pour réparer l’orgueil originel et pour nous rappeler ce que nous som-mes réellement : non Ses égaux mais simplement Ses enfants, qu’Il aime par-dessus tout, plus que Lui-même.

Abbé John Brucciani

Thérèse, 24 ans, posant avec son manuscrit avant publication

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Dossier - L’esprit d’enfance

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 201114

c’est saint Pie X qui aimait à dire : « Il y aura des saints parmi les enfants ». Anne de Guigné avait trois ans quand le saint pape est rappelé à dieu (1914). c’est en effet à Annecy qu’elle est née, le 28 avril 1911. des manifestations ont eu lieu cette année 2011 pour célébrer le centenaire de sa naissance, sous la prési-dence du cardinal Poupard.

Quand la guerre éclate, le père d’Anne est mobilisé, puis blessé à plusieurs reprises. et le 29 juillet 1915, parvient la terrible nouvelle : le capitaine Jacques de Guigné est tombé au champ d’honneur, à la tête de ses chasseurs. Il laisse une jeune veuve avec quatre enfants. Anne était profondément attachée à son père, comme peut l’être une fillette de cinq ans.

Son affection pour sa mère devient un chemin vers dieu : « Je veux que, pour Jésus, mon cœur soit pur comme un lys » écrit-elle. Au cours de la retraite préparatoire à sa première communion, le prêtre lui demande quels sont ses défauts : « Je suis désobéissante et orgueilleuse » rétorque-t-elle sans hésiter. et pour se corriger, elle dépose ce billet sur l’autel : « Mon petit Jésus, je vous aime et pour vous plaire je prends la résolution d’obéir toujours ». La vie pro-prement spirituelle chez Anne de Guigné – la confession, la communion, les petits sacrifices quotidiens, les « entre-tiens » avec Jésus – devient, au fil des dernières années de sa courte existence, de plus en plus admirable.

Le 19 décembre 1921, Anne commence à souffrir de vio-lents maux de tête. Une méningite va l’emporter mais elle n’interrompra pas sa prière : « Toute la journée est déjà arrangée avec le petit Jésus, toutes les heures » répond-elle à sa mère qui lui demande d’intercéder pour une jeune fille. et dans la nuit du 14 janvier 19221, après un mois de souffrance et d’offrande, Anne s’éteint paisiblement : « donnez-moi la grâce de pleurer avec vous [Notre-dame], parce que Jésus n’est pas assez aimé ».

chez la petite fille, la volonté et l’amour ont trouvé deux chemins pour se manifester : l’obéissance quotidienne et l’accomplissement du devoir d’état (le travail scolaire). N’est-ce pas là des chemins ouverts à tous les enfants ?

emprunter ces chemins n’est pas naturel pour les enfants, tous les parents le savent bien. chez Anne de Guigné, l’éducation reçue de ses parents exemplaires, la participation à la croisade eucharistique, et d’autres incitations et accompagnements ont été déterminants. L’importance du milieu éducatif familial, même si elle n’est pas absolue et définitive, demeure capitale.

L’on relève, dans des textes qui nous restent d’elle, une

1 Le 14 janvier est la date de sa fête liturgique.

Anne de Guigné

la sainteté chez la vénérable Anne de Guigné et autres jeunes enfants

bouleversante maturité spirituelle : - « Il y a bien des joies sur la Terre, mais elles

ne durent pas. celle qui dure, c’est d’avoir fait un sacrifice ».

- « Il faut sauver notre âme, elle retournera à dieu son créateur. Notre corps vient de la terre, mais notre âme vient de dieu ».

on ne peut douter qu’il y ait parmi les enfants des saints connus de dieu seul. Mais peuvent-ils être officiellement canonisés ? Pendant des siècles les seuls à être montés sur les autels étaient des martyrs, à commencer par les saints Innocents. on a longtemps débattu pour savoir

si les enfants étaient capables d’un exercice héroïque de la vertu. Les enfants ont-ils la maturité suffisante pour répondre à l’appel de dieu ?

Le plus jeune des saints non martyrs était saint domini-que Savio, mort à 15 ans, canonisé en 1954.

Le procès de canonisation d’Anne de Guigné a com-mencé en 19322. Une recherche théologique approfondie a été menée. ce n’est que le 3 mars 1990 que Jean-Paul II a reconnu qu’Anne avait exercé de manière héroïque, dans sa courte vie, les vertus théologales (Foi, espérance, charité envers dieu et envers le prochain) et les vertus cardinales (Prudence, Justice, Tempérance et Force). en conséquence de quoi, elle était déclarée « vénérable ». Aujourd’hui, seule la reconnaissance d’un miracle dû à son intercession manque encore pour la voir proclamée « Bienheureuse ».

Le 13 mai 2000, Jean-Paul II a béatifié deux des trois petits pâtres de Fatima, Francisco (1908-1919) et Jacinta (1910-1920), morts respectivement à 11 et 10 ans, après avoir reconnu solennellement l’héroïcité de leurs vertus et l’obtention d’un miracle attribué à leur intercession.

Une autre enfant, plus jeune encore, a été déclarée vénérable en 2007 : Antonietta Meo (1930-1937). Après avoir subi l’amputation de sa jambe gauche, elle décède d’un can-

2 Nous avons retrouvé une émouvante « prière des petits pour obtenir la glorification de leur petite sœur du ciel, Anne de Guigné ». elle avait l’imprimatur de l’évêque d’Annecy (où était née la petite Guigné), Mgr Florent du Bois de la villerabel et date du 12 octobre, de cette année 1932 qui vit commencer les recherches pour la béatification. en voici le texte : Divin Jésus qui aimez tant les petits enfants, donnez-nous la grâce d’aller à Vous en suivant la voie de simplicité, d’amour, d’humilité, d’obéissance et de sacrifice que la petite Anne à parcourue sur cette terre. Afin que cette douce et aimable enfant nous apprenne à nous oublier et à Vous aimer et que nous puissions l’invoquer comme notre patronne et notre modèle, daignez la glorifier sur la terre en entourant son front si pur de l’auréole des bienheureux.Ô Jésus, grandissez en nous, grandissez-nous en nous rendant semblables à cette enfant privilégiée de votre Divin Cœur. Ainsi-soit-il

Antonietta Meo

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Dossier - L’esprit d’enfance

Bse Laura Vicuña

cer à six ans et demi, dans des souffrances cruelles qu’elle offre « héroïquement » pour les pécheurs. elle dicte à sa mère, la veille de sa mort : « cher Jésus, demain je communierai en réparation de tous ces péchés et pour ceux qui s’appellent sans Dieu ».

deux miracles ont déjà été répertoriés à la suite de son rappel à dieu.

Mlle Renée de Tryon-Montalembert (… 2007),

qui a écrit des ouvrages fort intéressants sur Anne de Guigné3 a fondé en 2005 l’association « enfance et Sainteté ». Son but est de « sus-citer un peuple d’enfants capables d’entraîner leurs petits compagnons à la suite de Jésus ».

3 Ses ouvrages sur Anne de Guigné ont paru d’abord aux éditions Saint-Paul en 1988 (240 p.), aux éditions du chalet en 1991 et enfin en 2004 chez Téqui (111 p.)

Tous ces saints enfants auxquels on pour-rait rajouter Nellie organ en Irlande, camille Paris en France ou encore la bienheureuse Laura vicuña au chili nous montrent de façon lumineuse « l’esprit d’enfance » qu’a si bien développé sainte Thérèse de l’enfant-Jésus.

Rappelons-nous cette belle phrase de Georges Bernanos relevée dans une lettre en 1943 : « J’ai perdu l’enfance, je ne pourrai la reconquérir que par la sainteté ». Face à la culture de mort que le diable est parvenu à imposer effrontément à notre monde, tour-

nons-nous vers ce magnifique trésor qu’est l’enfance, précisément victime innocente du règne de Satan.

Patrick Banken

Avez-vous remarqué que, seule la religion judéo-chrétienne montre un dieu parlant aux enfants et parlant des enfants avec tendresse et confiance ? dans aucune autre religion dieu n’a dit : « devenez comme des enfants, le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent ». dans aucune autre religion dieu ne demande aux adultes de ressembler à des enfants.

dans l’Hindouisme, aucun des très nombreux dieux ne s’adresse aux enfants (ni aux hommes en général) que ce soit : Brahma, vishnu, Shiva, Krishna, Rama, Hanuman, durga, Kali Ganga, Gayati, Indra, Parvati, Surya, Saraswati (déesse des arts et des artistes). J’en passe et des meilleurs ! Jusqu’au dieu Ganesh à tête d’éléphant, aucun ne parle aux enfants, aucune intimité avec les hommes non plus qui eux , en revanche, doivent leur rendre un culte ; mais les animaux ont de la chance. on trouve en effet cette phrase : « La chair des animaux est comme la chair de nos propres enfants ».

Si l’avortement est bien interdit, nous sommes loin de Jésus qui a dit « si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » (Mt 18 : 3)

dans le coran, jamais il n’est conseillé aux parents d’écou-ter leurs enfants. on y trouve, bien au contraire, des phrases telles que « trop s’attacher à vos enfants peut impliquer le reniement d’Allah ». Il faut certes éduquer les enfants et ce ne sont que recommandations et interdictions : la conduite de l’enfant est règlementée dans les moindres détails. Aucune phrase vraiment tendre.

Nous sommes loin du Livres des Proverbes qui dit « si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi ».

dans le Soufisme, même si certains accents ne seraient pas désavoués par les mystiques chrétiens, on ne peut

atteindre la perfection qu’après maints exercices physiques ou spirituels.

Nous sommes loin du « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits » (Mt 11 : 25).

dans le bouddhisme, Bouddha a passé énormément de temps avant d’atteindre des qualités comme la patience, la générosité ou la bienveillance. Il a dû vivre plusieurs vies avant d’atteindre un stade de perfection. Pourtant, dès qu’il est né, il a dit : « je suis le plus noble dans cet univers. Je suis le plus grand, dans cet univers ; je suis le plus digne d’éloge dans cet univers ». Mais la phrase « Quant à l’humilité, je ne crains personne ! » Non ! Non ! ce n’est pas de lui ! ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

Nous sommes loin de ce qu’ose dire osée (11 : 1) dans l’Ancien Testament : « Yahvé, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard hautain. Je n’ai pas pris un chemin de grandeurs ni de prodiges qui me dépassent. Non, je tiens mon âme en paix et en silence; comme un petit enfant contre sa mère, comme un petit enfant, telle est mon âme en moi ».

Le vrai dieu est celui qui propose son amitié à tout homme non à quelques initiés. dans le christianisme, dieu est entré dans l’histoire des hommes par la porte des humbles, en se faisant petit enfant, en se faisant l’un des nôtres. Il nous a montré ainsi qu’il pouvait nous comprendre.

dieu a donné beaucoup d’exemples de la confiance qu’Il faisait aux enfants. Il leur a confié de grandes missions, pour montrer, certes, aux adultes que c’était Lui qui les envoyait car les enfants n’auraient pas pu dire cela d’eux-mêmes ; mais Il leur a aussi parlé directement. Prenons quelques exemples :

Sainte Geneviève n’a que 7 ans lorsque l’évêque d’Auxerre, le futur saint Germain, lui demande « veux-tu te donner au Seigneur pour toujours ? ». elle a 8 ans à peine lorsque dieu lui fait faire son premier miracle : elle traça 3 signes de croix sur les yeux de sa mère qui retrouva la vue instan-tanément.

Esprit d’enfance

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UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 201116

Dossier - L’esprit d’enfance

Sainte Jeanne d’Arc a 13 ans lorsque lui apparaît pour la première fois saint Michel.

Sainte Jeanne de France n’a pas 9 ans quand la vierge s’est adressée à elle et lui a dit : « Avant ta mort, tu fonderas une religion en l’honneur de moi ; et ce faisant, me feras grand plaisir ». effectivement, sainte Jeanne de France lança les Annonciades.

La Bse Anne-Marie Javouhey a 13 ans lorsqu’elle se consacre à dieu lors d’une messe clandestine pendant la Révolution.

Sainte catherine Labouré à 12 ans voulait devenir reli-gieuse comme sa sœur. dans un rêve, elle voit un homme au visage très bon qui l’appelle à sa suite. Rendant visite à sa sœur chez les Filles de la charité, elle reconnaît les traits de ce visage dans le portrait de M. vincent.

Saint Maximilien Kolbe a 10 ans lorsque la Sainte vierge lui apparait lui proposant deux couronnes : l’une corres-pondant à la constance dans la pureté, l’autre au martyr et il choisit les deux.

Nous pourrions citer bien d’autres cas et en particulier Sainte Bernadette, les enfants de la Salette, ceux de Fatima.

Mais si dieu a dit « soyez comme des enfants », il n’a pas dit « soyez comme des bébés ! ». Il est à remarquer que les enfants, même s’ils ont des peurs qui les font se réfugier dans les bras de leurs parents, ont des audaces surprenantes et aiment spontanément les belles histoires de héros ou de saints. devant des cubes, par exemple, ils choisiront toujours de construire un château plutôt qu’une simple ferme, ils veulent toujours « faire comme les grands ». Les enfants ont très tôt le sens du bien et du mal et peuvent avoir un grand idéal. « L’amour ne tient pas compte des forces, il croit à l’impossible » et les enfants savent aimer, savent s’enthousiasmer. Ils sont audacieux et les audaces des jeunes saints sont merveilleuses, pleines d’humour, parfois à la limite de l’incorrection :

Saint François d’Assise se déshabille entièrement pour ne plus rien devoir à son père. L’évêque le cachera dans son manteau.

Jeanne d’Arc, à un moine qui avait un accent épouvan-table et qui lui demandait « comment parlaient vos voix », répond : « mieux que vous ! ». A un juge qui lui demande si saint Michel, lorsqu’il lui est apparu était vêtu, elle répond : « Pensez-vous que dieu n’ait pas de quoi le vêtir ? ». Avait-il des cheveux ? « Pourquoi les aurait-on rasés ? »

Saint Thomas d’Aquin lui-même n’a-t-il pas l’esprit d’en-fance lorsqu’il va à la fenêtre, un frère de son couvent lui ayant dit : « venez voir par la fenêtre : il y a un bœuf qui vole… » ? Alors qu’on riait de lui, il répondra : « je pensais qu’il était plus possible qu’un bœuf vole plutôt qu’un moine mente ».

Il est bien évident que l’audace de la jeunesse est don-née à tous ceux qui aiment dieu, que l’esprit d’enfance est demandé à tous et à tous les âges. Tous les saints, de tous les âges savaient qu’ils n’étaient rien sans dieu ; que c’était dieu qui agissait en eux. L’esprit d’enfance, c’est faire confiance à dieu plus qu’en ses propres vertus, se mettre à son écoute. cela n’a rien à voir avec du quiétisme.

etre une femme forte n’empêche pas d’avoir un esprit d’enfance et beaucoup de saints d’un certain âge ont eu des attitudes qui peuvent nous paraître enfantines. Au XIXe siècle, Sainte Anne-Marie Javouhey, démunie de toute nour-riture pour les enfants qu’elle a recueillis, va dans un geste de supplication et de foi, frapper au tabernacle et elle fut récompensée.

emilie de Rodat (1787-1852) fondatrice des sœurs de la Sainte Famille, n’arrivait pas à gagner assez d’argent mais sortait tous les soirs de sa tirelire plus de sous qu’elle n’en avait mis.

Il ne manque jamais rien pour faire la volonté de dieu. Tout le monde connaît la phrase dite à Saint-exupéry par l’aviateur Guillaumet, celui qui s’écrasa avec son Potez 25 le 13 juin 1930 dans la cordillère des Andes près de Men-doza en Argentine : « ce que j’ai fait, je te jure, aucune bête ne l’aurait fait » ; mais bien peu savent que, pendant ces 5 jours de marche exténuante, il pria beaucoup Sainte emilie de Rodat et attribua sa survie à elle surtout. du fin fond de la cordillère des Andes, les sœurs de la Sainte Famille de villefranche de Rouergue sont appelées encore de nos jours. voilà ce que peut donner l’esprit d’enfance.

Plus proche de nous, lors de la célèbre « bataille de la Marne », en août 1914, l’ennemi est aux portes de Paris. on prie la patronne de Paris et on organise une prière publique : l’envahisseur est arrêté devant le village de Sainte Geneviève, sur la Marne. Les parisiens n’avaient-ils pas eu l’esprit d’enfance ?

Les sœurs de Bourges descendaient Saint Joseph à la cave lorsqu’il manquait du charbon.

d’autres religieuses mettaient la statue de saint Joseph le nez contre le mur lorsqu’elles ne se sentaient pas exaucées. et dieu exauçait. Jusqu’à une jeune fille qui, furieuse de ne pas être exaucée par saint Joseph alors qu’elle lui deman-dait un mari, jeta sa statue par la fenêtre. Un jeune homme la reçut sur la tête. Furieux, il monte pour voir qui a pu faire ce geste… et ils se marieront peu de temps après ! ce fait me fut raconté pendant une retraite à chabeuil : il ne peut qu’être vrai !

Les lecteurs d’Una voce ont tous certainement en mémoire des cas de familles qui ont été exaucées après une neuvaine récitée dans un esprit de confiance et donc d’enfance. Pour ma part, je connais une famille qui avait une maison trop petite pour accueillir un sixième enfant qui allait naître. Ils ont tous fait une neuvaine à saint Joseph et le 9e jour de la neuvaine, alors que toute la famille était à genoux, le téléphone sonne. Le papa dit : « continuez à prier : je vous parie que c’est l’agence ». c’était effectivement l’agence qui avait trouvé une maison exactement pour le prix dérisoire que

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Je me demande parfois devant la nature si dIeU lui-même n’a pas un esprit d’enfance. Il a dû s’amuser énormément en créant cette multitude d’animaux plus originaux les uns que les autres. Quand on pense qu’il y a plus de 3 500 espèces de coquillages !

Avec les appareils perfectionnés qui sont les nôtres main-tenant, nous pouvons découvrir au fond des océans des poissons plus amusants et extraordinaires les uns que les autres. A croire que le Bon dieu s’est dit : « ces hommes du XXe ou XXIe siècle se croient très malins : je vais les sur-prendre, je vais les amuser ». et Il nous a fait des poissons-enveloppes c’est-à-dire des poissons qui ont une enveloppe transparente autour d’eux et qui don-nent l’impression de gros poissons transparents en ayant avalé un plus petit ! Amusez-vous à regarder dans internet ceux qu’on appelle les voiles de chine, les orandas, les bubble eyes, les ranchu, les poissons-gre-nouilles, les poissons-mandarins, les squilles marbrés. Quelle imagination ! Les peintres ou les sculpteurs sur-réalistes qui se croient très originaux, sont loin d’en avoir fait autant !

Saint François d’Assise a dit : « Béni sois-tu pour notre sœur la mer … tu en connais les salines cachées » et saint Bernard disait déjà : « j’ai plus appris dans la nature que dans les livres ». « on n’apprend bien qu’en se distrayant » disait Rabelais. on peut apprendre dieu en se distrayant. dieu nous a comblés : comme un père, Il nous a donné de magnifiques cadeaux. Il faut apprendre à les voir et à les recevoir, comme des enfants, en attendant de recevoir le plus beau de tous qui sera la vision béatifique.

marie-Françoise Ousset

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La Bible nous montre que dans l’ancien peuple de dieu, comme d’ailleurs dans tous les peuples aux mœurs non dégénérées, la fécondité dans le mariage est considérée comme une bénédiction de dieu. dans le livre des Prover-bes, les enfants sont la « couronne des vieillards » (Prov. 17/6) ; et le psalmiste compare les fils à « des plants d’oli-vier » (Ps. 128/3) – on sait que l’olivier est une richesse nationale très appréciée.

cependant, contrairement à certaines théories et opinions modernes, la Bible n’oublie pas que l’enfant reste un être inachevé, et elle demande que lui soit donnée une éducation ferme : « La folie est attachée au cœur de l’enfant ; la verge de la discipline l’éloignera de lui » (Prov. 22/15) ; et, puisque le caprice est l’une des lois de l’enfant (cf. Mt 11/16-19), il faut, pour ne pas le laisser sous l’influence de tous les cou-

rants (eph. 4/14), le garder fermement en tutelle (Gal. 4/1ss).

Malgré cet ensei-gnement sur l’enfant, il est à remarquer que la Bible affirme la dignité religieuse de l’enfant.

Faible et impar-fait, et en raison de cela, l’enfant, dans l’Ancien Testament, est vu comme un privilégié de dieu. Le Seigneur dieu, en effet, est celui qui protège l’orphelin et

qui venge ses droits (ex. 22/2 ss ; Ps. 68/6) ; Yahweh est un tendre père qui

à la recherche de l’enfance dans la Bible

Dossier - L’esprit d’enfance

la famille pouvait mettre. Longtemps après l’achat, le père s’est rendu compte que la vente avait été signée le jour de la saint Joseph. Bien sûr, leur maison fut appelée « le clos Saint-Joseph ».

Mais celle à laquelle on pense en priorité lorsqu’il s’agit d’esprit d’enfance est, bien sûr, sainte Thérèse de l’enfant Jésus, elle qui a si bien parlé de la « Petite voie » . Laissons lui la parole : « Rester petit, c’est reconnaître son néant, attendre tout du Bon dieu, ne pas trop s’affliger de ses fautes, ne point gagner de fortune, ne s’inquiéter de rien,… vouloir ne pas se suffire à soi-même,… se sentir incapable de gagner sa vie, la vie éternelle… ». « en définitive, c’est ma pauvreté qui m’a permis d’être enfant du Bon dieu. » « Quel est l’ascenseur qui va m’emmener au ciel ? cet ascenseur c’est vos bras, Seigneur ».

Mais il ne faudrait pas prendre cela pour de la paresse. Se rapprocher de dieu qui est amour et le faire agir en nous demande des efforts. Sainte Thérèse dit d’ailleurs « on ne peut faire aucun bien en se recherchant soi-même ». L’amour entraîne la confiance et la confiance donne de l’audace : « Ah, malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les prophètes, les docteurs de l’église ; j’ai la voca-tion d’être apôtre » dit-elle.

cette audace elle l’a eue jeune. elle pria pour sauver un

condamné à mort, Pranzini, qui refusait le secours d’un prêtre et elle fut exaucée. elle apprit dans la presse qu’au dernier moment, il avait embrassé le crucifix. elle eut aussi audace et confiance lorsqu’elle entraîna son père à Rome pour aller voir le Pape et qu’elle osa se précipiter aux pieds du Souverain Pontife pour lui demander la permission d’entrer au couvent à 15 ans !

Morte à 24 ans, elle est connue dans le monde entier et Jean-Paul II a fait d’elle le 33e docteur de l’église. voilà où peut mener l’esprit d’enfance !

Samuel enfant par Joshua Reynolds, musée Fabre, Montpellier

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du Rév. J Brucciani en CD audio :

La Genèse d’une vocation au sein de la famille, les dons du Saint esprit, La petite voie de sainteté de sainte Thérèse de l’enfant Jésus, La croix de Jésus, La croix de Marie, d’après le RP chardon, La Mère selon le plan de dieu, etc.

• Education Elémentaire 1 : À la base de toute éducation.

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UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 201118

Dossier - L’esprit d’enfance

prend soin de l’éducation d’Israël : « Quand Israël était enfant, je l’aimais, et dès l’Egypte, j’ai adressé des appels à mon fils … Et moi j’apprenais à marcher à Ephraïm, je les prenais par le bras, et ils n’ont pas compris que je les soignais. » (os. 11/1, 3).

Au culte de Yahweh les enfants sont admis : on les voit participer aux supplications de pénitence : « Assemblez le peuple, publiez une sainte réunion, rassemblez les vieillards, réunissez les enfants et les nourrissons à la mamelle » (Joël 2/16). La parole de dieu ne dit-elle pas (Ps. 8/2 s, repris par Jésus en Mt. 21/11) que dieu s’est préparé une louange par la bouche des enfants et des tout-petits ? et quand le psal-miste veut exprimer son confiant abandon à dieu, quelle image prend-il ? celle d’un petit enfant qui s’endort sur le cœur de sa mère (Ps. 131/2).

Il y a plus encore : dieu se choisit même des enfants pour réaliser ses desseins. Ainsi c’est à Samuel, encore enfant, qu’est confiée une parole divine pour qu’il la transmette (lire 1 Sam. 1/-3/) ; c’’est david, le dernier des fils de la famille, qui est choisi pour être le futur roi (1 Sam. 16/ 1-13) ; c’est encore un jeune, daniel, qui, inspiré de dieu et par là plus sage que les anciens du peuple, sauve Suzanne (dan. 13/44-50)

enfin, Isaïe annonce que le Messie sera lui-même un enfant : Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous (Is 7/14 ss).

dans les évangiles, Jésus, le Fils de dieu fait homme, est d’abord un tout petit enfant. Saint Luc nous donne des détails sur cette enfance, en écrivant le récit de la naissance dans la crèche de Bethléem (Luc 2/12), la présentation du tout petit enfant au Temple (2/27), puis Jésus au milieu des docteurs et soumis à ses parents (2/ 42-51).

Pendant les années de sa vie publique, l’évangile nous montre Jésus bénissant et embrassant les enfants (Mc. 10/16). Pour Notre Seigneur, les enfants sont de plain-pied pour entrer dans le Royaume des cieux ; ils symbolisent les véritables disciples, « c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux » (Mt. 19/14). Il faut, en effet, « accueillir le Royaume en petit enfant » (Mc. 10/15) ; « revenir à l’état des enfants » (Mt. 18/3) ; il faut même « renaître » pour entrer dans ce royaume (Jn. 3/5).

celui qui veut être vraiment grand doit « se faire petit » comme un enfant (Mt. 18/4) : c’est là cette humilité qui nous est nécessaire si nous voulons devenir fils de dieu.

Les authentiques chrétiens sont ces « tout-petits » auxquels le Père a voulu dire ses secrets, comme à daniel, alors qu’il les cache aux « sages » (Mt. 11/25 ss). d’ailleurs, dans les évangiles, disciple et petit sont parfois synonymes (cf. Mt. 10/42 : Mc. 9/41).

Malheur à celui qui méprise ou scandalise un seul de ces petits qui croient au Fils de dieu ! (Mt. 18/6, 10) ; mais « celui qui reçoit en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il reçoit » (Mt. 18/5).

Un oblat bénédictin

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Enfance de l’âme

Le tympan d’Autun est un de ces tympans qui osent l’ineffable, et l’atteignent : le Jugement dernier. Le christ en gloire trône au-dessus des ressuscités qui sont divisés à sa droite et à sa gauche. Les anges mènent l’opération. La résurrection a lieu au registre inférieur gauche. L’éton-nement et la joie se lisent sur les visages. Un des groupes est communément désigné sous l’appellation de « Résur-rection des enfants ». Sont-ce des enfants ? on est libre de le penser, ces élus sont de petite taille, surtout à côté des anges étirés en hauteur, et la joie qu’ils manifestent, sautant, gesticulant, est d’esprit juvénile (ill. 1). L’idée que dans le programme une place a été réservée au cas doulou-

reux des baptisés morts en enfance, est rassérénant.

comme il s’agit de résur-rection, ces personnages sont bien des corps, mais on songe à toutes les occur-rences iconographiques où l’âme est représentée sous forme enfantine. « Il y avait des fruits tout ronds comme des âmes… », l’alexandrin du poète est évocateur mais n’aurait pas donné des ima-ges passionnantes. Le christ s’étant incarné, les artis-tes chrétiens, logiquement, font s’incarner l’âme pour la matérialiser : un enfant nu,

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Dossier - L’esprit d’enfance

Ill. 2- Un ange et un démon se disputent une âme (Saint-

Benoît-sur-Loire, tour de Gauzlin, 1er quart du XIe siècle)

Ill. 1- La Résurrection des enfants, détail du tympan d’Autun (1re moitié du XIIe siècle), moulage du Musée des Monuments français

© Schwa Ltd

dépouillé de ses oripeaux sociaux et accidentels, l’individu réduit à cet être essentiel, à cette idée d’homme.

dans quelques chapiteaux romans, un ange et un démon (ou deux) se disputent l’âme sous cette forme, au moment de la tentation. Ainsi au cloître de la cathédrale du Puy-en-velay, ainsi au porche de Saint-Benoît-sur-Loire (ill. 2).

Plus souvent, l’âme enfant est représentée au moment de la mort. L’enfant nu symbolise l’innocence au moment de sa naissance au ciel. L’âme est en état d’enfance. Les représentations médiévales, romanes comme gothiques, sont innombrables, sculptées, enluminées, en vitrail… Au moment du décès, l’âme du chrétien, du saint, du martyr, quitte le corps et s’élève. Sur une enluminure de 1420 (Bibl. Mazarine, ms 0969), l’âme monte, les mains jointes, vers l’angle supérieur où l’attend le christ. elle est seule, ce qui est exceptionnel : habituellement les anges guident l’âme. c’est ainsi que les artistes ont donné forme aux prières des défunts, le Subvenite et le In Paradisum par exemple : « Anges du Seigneur, accourez au-devant de lui. Soyez là pour recevoir son âme, et la porter devant le Très-Haut ». (cf. le Catéchisme des anges du Barroux, p. 132-134.)

dans l’iconographie, un service angélique se déploie pour les saints. À la cathédrale de Bourges, tandis que deux anges encensent la dépouille du saint évêque Ursin, son âme est hissée au ciel par deux autres anges dans une étoffe, comme si elle était trop précieuse pour être touchée, fût-ce par eux (portail Saint-Ursin, sculptures du XIIe). Par-fois le christ lui-même se déplace : à la cathédrale d’An-gers, l’âme de saint vincent, après qu’il a été horriblement martyrisé, est soutenue par deux anges et accueillie par le christ qui lui tend les bras, qui vient à sa rencontre (ill. 3). ce ballet de bras souli-gne l’attention et l’empresse-ment portés à une âme glo-rieuse.

Bien enten-du , lo rsque le défunt est un damné, les démons et non les anges pren-nent l’âme en charge. Ici l’âme enfant perd sa s i g n i f i c a t i o n d’innocence et se limite à celle d’être intime. La mort du mauvais riche et celle de Lazare forment ainsi antithèses, sculptées sur la cheminée du prieuré de carennac. ces sculptures datent de la toute fin du Xve siècle, période ultime de ces représentations. Le naturalisme de la peinture Renaissance abandonnera l’image de l’âme enfant. Tout un pan iconographique, parlant et imagé, disparaît alors.

Samuel

Ill. 3- Mort de saint Vincent d’Espagne, cathédrale d’Angers, vitrail de la nef

(3e quart du XIIe siècle). © Schwa Ltd

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Musique

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Nativité et NoëlsNotre revue a demandé de succinctement présenterNoël et la Nativitéen parallèle avec l’enfancedans les Noëls de notre France.

Alors pourquoi le dire en rimes,Alors pourquoi le dire en rythme ?Parce que le flot des rimes sonne,Parce que le choc des rythmes cogne, et qu’il veut frapper nos mémoires, Les conserver mieux qu’un grimoire.

déjà pour parler de Mozart,Il faudrait tenter de pouvoirTremper sa plume en l’arc-en-ciel ! *combien plus alors pour Noël ! !(* le mot est de diderot)

Quel encrier utiliser, et quel parchemin dérouler, Qui soit beaucoup plus admirableMême qu’une aurore boréale ?

Là, nos aïeux nous ont légué, Siècle après siècle ont façonnéLe grand continent des cantiques, L’immense océan de musiqueQue ce mystère a suscités.

Là pour se mettre au diapasonde ce mystère aussi profond, Il fallait donc bien accorderLes sons, les mots et les idéesA la hauteur de l’oraison.

déjà au plan tout naturel,Rien de plus beau sous notre ciel Rien de plus doux qu’un petit faon,de plus touchant, plus émouvantQu’un petit chevreau allaitant.

combien plus alors un bébé, ce résumé d’humanité,Malgré tout son poids d’inconnu,vase fragile et si ténu !

et combien plus infiniment,Lorsqu’il s’agit d’un dieu-enfant,Qui pour sauver l’humanité,sur Noël 2011.

daigna dans le temps s’incarner ! !

Anges chantant et Sainte Cécile à l’orgueExtrait de « L’Agneau mystique », un polyptyque de l’adoration réalisé par les frères van Eyck et achevé en 1432 conservé dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand (Belgique).

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Musique

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Noël leçon d’obéissance,Qui est une suprême science : « Quel est l’homme qui marche au vent,En route pour le recensement,Il mène un petit âne gris, Qui porte la vierge bénie ».(Noël sur « Greensleeves », St Joseph des carmes)

Noël mystère de confianceen la divine providence : « La maison est bien grande, Et semble ouverte à tous,Néanmoins j’appréhendeQue ce n’est pas pour nous ! »(Nous voici dans la ville, noël du XvIIIe)

Noël lumière dans la nuit,Noël espoir des démunis : « O nuit de lumière, O nuit très profonde,Un rais de lumière Pénètre le monde ! »(Noël polonais, version St Joseph des carmes).

c’est bientôt la fin de l’hiver,La terre n’est plus un enfer : « Dans les cœurs l’hiver, La mort dans les âmes,Le Sauveur sur terreEst né d’une femme »(idem)

Noël leçon d’amour divin,Mais qu’un tel don ne soit pas vain !« Offrons nos corps nos âmesA notre CréateurEt allumons des flammes D’amour en notre cœur ! »(Nous voici dans la ville)

concert de hautbois, de musettes,concert des anges, et jour de fête !« Il est né le divin enfant,Chantons tous son avènement ! »« Les anges dans nos campagnesOnt entonné l’hymne des cieux,Et l’écho de nos montagnes Redit ce chant mélodieux ! »

Noël leçon de pauvreté,et leçon de simplicité : « Quels sont ceux qui l’ont accueilliEn cette sombre et froide nuit ?Parmi tous les gens de Judée,Il n’y eut que d’humbles bergers ! »(Noël sur Greensleeves)

Noël aussi prémonitionde Son effroyable Passion : « Hélas demain cet innocent, Ce tendre corps toujours souffrantVa sur la croix verser son sang,Je l’aime, je l’aime,O bel agneau souffrant, C’est l’amour même ! »(Que j’aime ce divin enfant !)« Et déjà Rédempteur en descendant du cielIl a de son berceau fait son premier autel ! »(Le christ est né ce soir, noël de basse Bretagne)

Noël soumission à Marie,Pour hâter le règne du christ : « Que soumise au Roi des rois la terre entièreChante sa prière,Et qu’au Dieu Sauveur avec ferveurSe donnent tous les cœurs ! »(Accourez cœurs angéliques)

L’enfant lui-même à sa manièreNe nous l’a-t-il pas enseigné ?Bien sûr il est faible, il est fier.N’est-il pas soumis à sa mère ?N’est-il pas maître en pureté ?et docteur en simplicité ?

c’est pourquoi le verbe IncarnéUn jour aux siens voulant donnerUne leçon d’humilité,Leur dit alors : « en véritéSi vous ne redevenez pascomme ceux-ci qui croient en Moi,Au Paradis point n’entrerez ! »

Ainsi par cette voie d’enfance,Les débutants prennent confiance,Les confirmés rapidementParviennent au terme en peu de temps.

Ainsi par cette dévotion,L’on parcourt la carrière immensede notre sanctification,et alors nous imiterons

Le galop effréné du divin Rédempteur,La course échevelée de notre doux Sauveur,Parce qu’ayant vécu sur terre peu de temps,S’étant de plus caché pendant près de trente ansA très vite accompli son œuvre de Géant.

(d’après le psaume 18 et Le Traité de la vraie dévotion de saint Louis-Marie Grignon de Monfort.

Bernard maurin

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Latin

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 201122

Dédié à Yves de Saint Chamas, et à tous les Yves, Erwan, Yvonne et Yvette qui travaillent pour Una Voce, dans le souvenir d’Yves Gire.

Pour une fois, je vais commencer par la traduction. Il s’agit d’un texte facile. on peut s’y reporter à la fin de l’article pour vérifier cette traduction, …ou en proposer une autre.

Il s’agit de la déposition d’un témoin lors de l’enquête pré-liminaire à la canonisation d’Yves Hélory, décédé le 19 mai 1303 (à 55 ans) alors qu’il avait résigné sa charge d’official (magistrat ecclésiastique) depuis cinq ans, mais qu’il était toujours curé de Louannec. Nous sommes en juillet 1330, l’enquête est présidée, à Tréguier même, par trois prélats désignés par le bon pape Jean XXII (Jacques duèse, né à cahors), qui à 85 ans dirige toujours allègrement l’église, d’Avignon où il siège à cause des malheurs du temps à Rome, propter calamitates saeculi…

Première difficulté : la plupart des témoins de miracles, et même de la vie d’Yves, ne s’expriment qu’en breton, « in britonico » (sic), et « Guillelmus Ballech, du diocèse de Quimper (paroisse de Querrien), environ 60 ans selon ses dires et son apparence », est sûrement de ceux-là. Ballech, ou Le Balc’h, en breton, signifie Le Farouche (mais ce n’est pas son surnom, c’est celui de son père ou de son grand-père ; les patronymes commencent à être en usage ; saint Yves est le premier de sa famille à ajouter Hélory, nom de son père, au sien).

Les prélats enquêteurs ont résolu sans mal la difficulté linguistique : ils ont nommé, écrivent-ils, quatre interprètes ecclésiastiques, ad examinationem testium mere britanni-cum (sic) nobis ignotum loquentium, « pour l’interrogatoire des témoins qui parlent purement (= seulement) le breton, inconnu de nous ». ces quatre interprètes, venu du Léon, du pays vannetais, de l’abbaye de Bon-Repos (Laniscat) et de Guérande, traduisent en français, in galllicum, les décla-rations du témoin bretonnant ; les notaires (ecclésiastiques eux aussi) transcrivent alors en latin ces déclarations. on perd certainement en pittoresque à cette double traduction, mais la déposition du pèlerin Guillaume Ballech reste fort vivante et précise. Jugez-en plutôt :

Le témoin a dit sous serment qu’étant lui-même alors contracté d’une jambe, en sorte qu’il l’avait et la tenait relevée vers sa cuisse et ne pouvait l’étendre et marchait avec échasses et béquilles, faisant un tour par Tréguier et ne trouvant (personne) qui voulût l’héberger pour l’amour de dieu, il se rendit à la maison de Ker-Martin de dom Yves lui-même ; le dit dom Yves, le recevant à grande joie, dit, les mains jointes élevées vers le ciel : « Béni soit dieu qui m’a envoyé son messager ». et aussitôt, la table mise, il lui donna à manger du pain, de la soupe et de l’eau, et le dit dom Yves mangea avec lui du pain grossier seulement et but de l’eau froide, et le soir il fit coucher le dit témoin dans un

lit, et le lendemain le témoin partit sans prévenir. et alors qu’il était près d’une ville nommée La Roche [La Roche-derrien, à une lieue], à côté d’une chapelle, il vit le dit dom Yves. celui-ci dit au témoin : « Pourquoi es-tu parti si vite ? » et il donna deux deniers au dit témoin. Puis entrant dans ladite chapelle, il y célébra la messe, le témoin étant présent, ainsi que beaucoup d’autres que ledit témoin n’a pas connus. et comme il était à l’elévation du corps du christ, ledit témoin vit un éclair encercler très rapidement le calice, éclair que le témoin ne pouvait identifier à cause de sa rapidité ; et après l’elévation l’éclair s’évanouit. Interrogé sur la date, il dit que trente ans environ se sont écoulés en septembre, un jour de la semaine qu’il ne se rappelle pas. Il n’a pas souvenir de ceux qui étaient présents.

J’ai fait de Ballech un « pèlerin » bien qu’il ait plutôt l’air ici d’un touriste (faciens transitum), parce que, dans la suite de sa déposition, il expliquera qu’il a été guéri, peu après la mort, en mai 1303, d’Yves de Kermartin, alors qu’il était en route pour compostelle, près de La Rochelle, et s’était voué à saint Yves en prononçant la formule suivante : « Ego voveo me Domino Sancto Ivoni et promitto me esse homi-nem suum et sibi (= ei) dare sex denarios annuatim pro curatione mea ».

Mais la première partie de son témoignage insiste sur la manière dont Yves accueillait les pauvres, sur l’austérité de ses mœurs, et sur sa messe. ces trois points reviennent

Saint Yves et le pèlerin infirmeSaint Yves et le pauvre (bois XVIIe siècle,

église du Huelgoat, Finistère)

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beaucoup plus souvent dans les témoignages que les qualités du juge professionnel, ou de l’avocat occasionnel qu’Yves était aussi. originalité de Ballech : outre le miracle de l’elévation, il ajoute plusieurs notations personnelles, à l’encontre des citoyens (comme disent les notaires de l’enquête) de Tréguier, et en faveur de la générosité d’Yves, qui pense à le pourvoir de deux deniers pour la route. deux deniers, c’est la somme que, jeune official à Rennes, de 1280 à 1283, Yves donnait comme bourse d’étude, tous les trois jours, à chaque étudiant pauvre qu’il entretenait.

voici donc le procès-verbal de 1330 :

Dixit per juramentum suum quod ipse tunc existens contractus de una tibia sic quod eam ad crus levatam habe-bat et tenebat et eam extendere non poterat et cum excha-cis et potentiis ambulabat, faciens transitum per civitatem Trecorensem et non inveniens quis eum amore Dei vellet hospitari, accessit ad domum Villae Martini ipsius domini Ivonis ; quem idem dominus Ivo magno gaudio recipiens, dixit junctis manibus ad caelum elevatis : « Benedictus Deus qui suum nuncium ad me misit ». Et statim, posita mensa, dedit ei ad comedendum de pane, potagio et aqua ; et idem dominus Ivo comedit cum eo panem grossum dum-taxat et aquam frigidam potavit et in sero in unum lectum ipsum testem cubare fecit, et in crastinum testis licenter recessit. Et cum esset prope villam dictam La Roche, juxta unam capellam, vidit dictum dominum Ivonem qui dixit testi : « Quare sic recessisti ? » Et dedit duos denarios ipsi testi. Et intrans dictam capellam, ibidem missam celebravit, prae-sente teste et multis quod idem testis non cognovit. Et cum esset elevatione Corporis Christi, vidit idem testis quemdam fulgorem multum velociter circumdantem calicem, quem idem testis discernere non poterat propter velocitatem ; et post elevationem evanuit idem fulgor. Interrogatus de tempore, dixit quod trigenta (sic) anni vel circa elapsi sunt de mense septembris, quadam die de qua non recolit. De circumstantibus non recordatur.

on peut signaler dans ce latin médiéval l’affaiblissement d’unus, déjà devenu un indéfini, et des pronoms-adjectifs en général : ipse comme idem ne servent plus que de pronoms de rappel ou d’articles définis (je les ai souvent traduits par : le dit). J’ai rétabli l’orthographe ancienne pour nuncius, ele-vacio, et plus haut loquencium), ainsi que la diphtongue dans Ville, celum, presente. A noter que ce latin médiéval (mais déjà celui de la messe) peut sous-entendre un subjonctif, ce que le latin classique ne fait jamais : « Benedictus (sit) Deus ».

Pour finir, voici de brèves prières qu’on trouve dans les

premières messes ou offices du « bienheureux Yves » : « Alumnos nos cogita,/ Infirmos tu nos visita, /Alleluia (Prends-nous parmi tes élèves, visite-nous, toi, quand nous sommes malades, alleluia ! ». ou encore : Sancte Yvo sola-tium/ Divinum stillicidium/ Nobis procura gratiae (« Saint Yves, notre réconfort, verse en nous peu à peu la grâce de dieu », mot-à-mot : « procure-nous le goutte-à-goutte divin de la grâce »).

Benoît le Roux

le Bénin, une terre de mission pleine d’avenir

c’est par l’ « Ave Regina cælorum » que s’acheva le 22 février dernier, jour de la fête de la chaire de saint Pierre, la messe célébrée dans la chapelle du sémi-naire Saint-Pierre de Natitingou au Bénin. cet office fut célébré selon le rite de Paul vI entièrement en latin par Mgr Blume, nonce apostolique pour le Togo et le Bénin, concélébrée avec les deux vicaires généraux. ce fut encore pour moi une surprise de pouvoir participer à une messe chantée en grégorien et avec la participation des 145 élèves du petit et du grand séminaires. vous vous demandez le pourquoi de mon voyage dans ce pays dont j’ignorais beaucoup de choses. Quelques vagues souvenirs scolaires. Le Bénin est l’ancien royaume du dahomey (capitale cotonou), colonie allemande et cédée comme le Togo à la France comme protectorat après le traité de versailles en 1919. ce soudain intérêt venait que nous avions accueilli à Lyon, l’abbé eric Nata, curé de Boukombé, qui venait assurer son apostolat, pendant que nos pasteurs s’occupaient des différents camps de jeunes et aussi profitaient de quelques jours de repos et de détente avec leurs familles. Mais j’ai donc côtoyé le R.P eric et veillé à ce qu’il ne manque de rien. Il faut dire que notre paroisse a été impression-née par sa manière impeccable de célébrer la messe selon le rite de Saint Pie v. Toutes mes appréhensions s’envolaient et son sérieux et la qualité de ses sermons nous ont ravis comme les fidèles de Notre-dame des Armées à versailles.

Intrigué, j’ai voulu connaître ce pays qui arrivait à for-mer des prêtres sachant célébrer la sainte liturgie sous les deux formes. Je suis donc parti quatre semaines en février de cette année et j’ai pu partager la vie quoti-dienne des prêtres.

découverte de la savane africaine et de la pauvreté de ses habitants, mais aussi découverte d’un pays qui célèbre cette année les 150 ans d’évangélisation, faite par les missionnaires de différentes communautés et plus particulièrement la Société des Missions africaines installée à Lyon. Pour ce qui concerne le pays où j’étais, le premier prêtre catholique est arrivé en 1945 et le diocèse a été fondé en 1964.

J’ai donc pu assister à de nombreuses cérémonies ras-semblant des foules imposantes de fidèles qui assistent avec recueillement à toutes les cérémonies, chantant avec foi et enthousiasme, à la manière africaine, sans excès malgré l’omniprésence du tam-tam.

J’ai trouvé l’unique journal catholique, il s’agit de « La croix du Bénin », publication hebdomadaire qui rend compte des événements régionaux et de la vie des paroisses.

J’ai constaté que la jeune église catholique du Bénin

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était très attachée aux origines chrétiennes enseignées par les « Pères blancs ».

Par exemple, l’Union des chorales grégoriennes du diocèse de Porto-Novo qui rend grâce pour ces 25 ans. Article avec photos, et plus de deux cents participants sous la présidence de Mgr René Marie ehouzou, évêque des lieux. dans son homélie, il souligne la présence du christ dans son église en expli-quant : « chaque fois que vous vous rassemblez pour chanter et prier, vous actualisez la pré-sence de dieu au milieu de vous. vivez ce que vous chantez, car les chants que vous exécutez pour animer la messe et pour accompagner la communauté vous interpellent. vous ne pouvez pas, après avoir loué le Seigneur et chanté, proférer des paroles indignes du chrétien ».

Autre exemple : la paroisse d’Agblangandan crée pour sa 10e année d’existence sa cho-rale grégorienne. La messe accompagnée de plusieurs chorales grégoriennes venues de cotonou et de Porto-Novo, fut célébrée par le curé de la paroisse qui invita les choristes grégoriens à prendre leur place dans la liturgie. « comme elle est pleine de douceur, d’onction, d’humilité, de pureté, de piété et d’unité, la mélodie grégorienne » s’émerveille t-il ! « c’est un chant sublime et divin. »

« de nos jours où le bruit prend de plus en plus de place dans nos liturgies » vous comprendrez, chers amis d’Una Voce, que ce pays m’a agréablement surpris.

Pour conclure cet article, je voudrais porter à votre connais-sance les réflexions de l’évê-que de Nattitingou, Mgr Pascal N’Koué, contenues dans un petit livret de 27 pages (Le Ciel sur la terre). L’auteur écrit :

« ce livret aborde quelques-unes des questions concernant la musique sacrée qui joue une part importante dans la liturgie.

Les conseils qui y sont conte-nus s’adressent d’abord aux chorales, ensuite à tout chrétien catholique. À vrai dire, c’est un plaidoyer pour nous aider à mieux vivre nos célé-brations liturgiques…

en liturgie, la bonne volonté n’est pas suffisante. Par des improvisations manquant complètement de bon sens ou par l’introduction de genres musicaux peu respectueux du sens de la liturgie, elle peut engendrer, officialiser, entrete-

nir et perpétuer une misère sans nom. or la liturgie, dont le but est la glorification de dieu et la sanctification des fidèles, a des règles et des lois précises. Il y a en effet, un « ars celebrandi », un art de bien célébrer. Il doit favoriser le sens du sacré et exprimer la vie et la foi du Peuple de dieu. cet art « découle de l’obéissance fidèle aux normes liturgiques dans leur totalité ». Beaucoup de prêtres et

de fidèles, qui les ignorent, empoisonnent littéralement les assemblées et finissent par intoxiquer les âmes en les détournant de dieu.

certains pourront être sur-pris de mon insistance à prendre le chant grégorien pour modèle. c’est le concile vatican II qui nous le deman-de. et le Pape Benoit XvI de renchérir : « je désire que, comme les Pères synodaux l’ont demandé, le chant gré-gorien, en tant que chant propre de la liturgie romai-ne, soit valorisé de manière appropriée » (Sacramentum caritatis n°42).

Il n’est pas encore trop tard pour réformer ce qui a été déformé et qui n’a jamais été conseillé ni imaginé par les directives du concile vatican II. Le rejet du latin et du gré-gorien, au profit de nos seules langues vernaculaires, est une erreur monumentale. Refuser de s’ouvrir à l’universel, c’est s’appauvrir dramatiquement.

cet opuscule pourrait nous aider à revenir à une liturgie intérieure, joyeuse et partici-pative, centrée sur le mystère divin. La beauté vient de dieu, qui s’est définitivement révélé à nous dans le mystère pas-cal, pour notre salut. La vraie beauté de la liturgie constitue, en un sens, le ciel sur la terre ».

J’ai eu l’occasion de déjeu-ner trois fois avec Mgr N’Koué, qui est une personne d’une grande érudition, ayant fait ses études théologiques à Rome. ordonné prêtre à 27

ans, il entre à l’Académie Pontificale en 1990 et est nommé à la nonciature de Panama. A l’âge de 38 ans (exception-nel) il est nommé évêque de Natitingou et consacré par le cardinal Gantin, alors préfet de la congrégation des évêques et doyen du collège des cardinaux.

dans son diocèse, les premiers missionnaires sont arrivés en 1941. et cette année, au mois de novembre,

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De gauche à droite : le R.P. Antoine SABI BIO, vicaire général, Mgr Jean-Yves RIOCREUX, évêque de PONTOISE, Mgr Pascal

N’KOUÉ, évêque de NATITINGOU, Mgr Michael BLUME, nonce apostolique pour le Bénin et le Togo.

De gauche à droite : le R.P. Antoine SABI BIO, vicaire géné-ral du diocèse de NATITINGOU, Mgr Michael BLUME, nonce

apostolique pour le Bénin et le Togo, R.P. Fortuno GONSALLO, recteur du petit séminaire.

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la nouvelle cathédrale de 2000 places sera consacrée, quelques jours avant la venue de Benoit XvI les 18, 19 et 20 novembre 2011.

Le 14 juin, le Pape Benoit XvI l’a nommé archevêque de Parakou (nord est du Bénin). Son intronisation a eu lieu samedi 13 août.

Pour finir je voudrais vous donner quelques extraits du dernier bulletin diocésain qu’il adresse régulièrement à ses pasteurs.

Il adresse ses dernières recommandations à ses prêtres en leur demandant de rester fidèles au christ, de bien célébrer l’eucharistie avec foi et piété… de ne pas négliger la pastorale des couples et des familles, d’employer un langage simple dans les prédications, d’être accueillant et disponible pour assurer les confessions.enfin que les gens nous voient dans notre habit clérical (la pastorale muette).Mais surtout, il adresse un vibrant hommage aux moniales venues de Jouques et installées à Perponyakou.

Il déclare : Le monastère Notre-Dame de l’Écoute est devenu une oasis pour qui veut se retirer dans un lieu désert et rencontrer Dieu dans la prière silencieuse, le travail manuel et le chant grégorien, dont les mélodies ont été composées à genoux. Il y a de la beauté, de la hauteur, de la verticalité dans ces chants sacrés, totalement centrés sur Dieu. Et cela aide le cœur à croire en la présence de Celui qui est là invisible, invisible mais réellement présent. Le chant grégorien renvoie qui que ce soit à la transcen-dance divine. Il est fait pour le culte, uniquement pour le

culte. Même exécuté en dehors de l’assemblée, il garde sa majesté mystérieuse et nous « force « au recueillement, au calme intérieur et à la contemplation. Ah, si nos com-positeurs pouvaient s’inspirer de ce chant ! En outre dans ce monastère se célèbrent les deux formes du rit romain, sans heurt, sans bousculade, sans coups de poing. Ici Paul VI fait bon ménage avec saint Pie V. Le français et le latin sont acceptés. Gardez cette vocation liturgique. Faites-en une tradition, l’Église en a besoin.

chers Pères, introduisons de plus en plus dans nos liturgies paroissiales le grégorien aux mélodies mystérieu-ses. « Rien n’est capable de mieux exprimer la sainteté, la beauté, la grandeur de dieu » dit l’Abbé Julien Bacon. c’est le seul chant qu’on ne peut pas improviser. Je le répète, il a été fait uniquement pour dieu et pour nous unir à Lui.

comme vous le voyez, je vous ai donné une photographie d’un petit pays d’Afrique confronté à une montée de l’islam. Il existe dix diocèses au Bénin certainement très différents les uns des autres, mais au cours de mes déplacements, j’ai constaté une profonde unité et solidarité entre catholiques. Il est réconfortant de constater l’attachement des croyants béninois à la tradition séculaire de l’église.

Prions pour eux et remercions dieu de leur avoir confié des prêtres et des évêques de cette qualité.

Bernard Roussel, correspondant régional Una Voce à lyon

Conseiller paroissial de l’église

NoËL 2011 À soLesMes

Marie-Françoise OUSSETaccompagnera le voyage à Solesmes

organisé par « Clio-Les Amis de l’Histoire »

départ le 24 décembre à 8 h Place du chateletRetour le 25 vers 21 h Place du chatelet.

Au progrAmme :

A l’aller, dans le car : conférence sur l’histoire du grégorien accompagnée de chants. Puis visite de l’abbaye cistercienne de l’Epau. déjeuner au Mans. Visite de la cathédrale.

logement au Grand Hôtel de Solesmes messe de minuit pour ceux qui veulent.

Le jour de Noël : grand’messe à l’abbaye. déjeuner au Grand Hôtel. entretien avec un moine qui présentera les célèbres mises au tombeau. Petite promenade près de la Sarthe. vêpres.

Au retour, dans le car : conférence sur l’histoire des bénédictins.

S’inscrire auprès de clio : 01 53 68 82 54(M. Martin BeNoIT)

Prix de ces deux jours : 565€

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A travers la pressecette revue de presse privilégiera les feuilles volantes, libelles

et autres périodiques modestes, mais souvent mieux informés que les grands quotidiens. dernier exemple en date : la façon dont Le Figaro a rendu compte (4 octobre, en page 14) des « éléments de discernement » présentés par Mgr vingt-Trois en vue des élections de 2012, sans dire un seul mot des trois points non négociables placés en tête : vie naissante (refus de l’avortement), famille (refus du mariage homosexuel), éducation (liberté et respect des parents en la matière). on trouvera heureusement un compte rendu plus honnête dans Présent du 5 octobre.

de même, Le Figaro des 24-25 septembre a pratiqué « l’intox » sur une grande échelle (titre à la une, etc.) en ce qui concerne la visite de Benoît XvI en Allemagne, et particulièrement chez les luthériens d’erfurt le 23 septembre, avant les vêpres mariales à la chapelle d’etzelsbach où l’on vénère une image miraculeuse de la vierge Marie soutenant son Fils. on lira plutôt Le Bulletin de l’Entente catholique de Bretagne (30 rue des Frères Le Goff, Saint-Brieuc, n° de septembre-octobre), qui note :

De Veritate de Saint Thomas d’AquinLes plus profonds connaisseurs de l’œuvre de l’Aquinate se rejoi-

gnent dans leur jugement sur les Questions disputées : « elles sont le produit accompli de la pensée scolastique (philosophique ou théolo-gique), en même temps que l’œuvre la plus riche du génie personnel de saint Thomas » (chenu) ; « c’est, du point de vue scientifique, l’œuvre la plus profonde et la plus fondamentale que saint Thomas ait écrite » (Grabmann) ; « elles représentent l’exercice préféré de son activité magistrale, celui qui se prolonge le plus dans le temps et qui amène les thèmes à leur plus grand développement. […] d’autres maîtres ont laissé des œuvres plus étendues, mais pas d’aussi haute qualité » (Lobato).

Nous présentons ici la première traduction intégrale en français des questions De veritate, fruit du premier enseignement parisien de saint Thomas (1256-1259).

Le lecteur moderne est saisi d’admiration devant l’honnêteté intel-lectuelle, l’acuité profonde et la largeur d’horizon avec lesquelles les universitaires de l’époque discutaient un problème. Pas un aspect des sujets traités n’échappait à ces affamés de vérité. Mieux qu’aucun d’entre eux, saint Thomas maîtrisait cet art subtil de la division d’une question en articles qui en épousent les complexités. Mieux qu’aucun autre, surtout, il savait délivrer dans ses corpus une synthèse magis-trale où tous les aspects du problème trouvent leur équilibre, puis répondre à chaque objection par une distinction salvatrice.

29 questions composent cet ouvrage, les 20 premières traitant de la connaissance divine, angélique et humaine, les autres du rapport de l’homme au bien et à la grâce :

1. La vérité2. La science de dieu3. Les idées4. Le verbe5. La Providence6. La prédestination7. Le livre de vie8. La connaissance des anges9. La communication de la science des anges10. L’esprit11. le maître12. La prophétie13. Le ravissement14. La foi15. Raison supérieure et raison inférieure16. La syndérèse17. La conscience18. La connaissance du premier homme dans l’état d’innocence19. La connaissance de l’âme après la mort20. La science de l’âme du christ21. Le bien22. L’appétit du bien, la volonté23. La volonté de dieu24. Le libre arbitre25. La sensualité26. Les passions de l’âme27. La grâce28. La justification de l’impie29. La grâce du christ

Traduction de Fr. André Aniorté, o.s.b., sur le texte de la commission Léonine, avec une préface du R. P. elders, s.v.d., et une introduction du R. P. Lobato, o.p.Texte latin-français. Analyse, plans, lieux parallèles, bibliogr., glossaire, présentation des auteurs cités, index. 2346 pages en 2 tomes reliés. 150€ (franco de port). ISBN 978-2-906972-78-0. éditions Sainte-Madeleine

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À travers la presse

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« Benoît XvI a pris soin d’aller à erfurt où Luther étudia, et non à Wittemberg où s’exprima le révolté. Il a pris soin de ne pas louer l’église luthérienne, et même de montrer comment les bonnes questions de Luther (il n’a pas parlé des réponses) sur la miséricorde, le salut et le péché sont à l’opposé de l’évolution actuelle de l’église luthérienne. Son allusion à l’église orthodoxe avec qui la communion serait bientôt possible a été ressentie comme un camouflet par les luthériens : - Ce traitement diffé-rencié des Églises orthodoxes et protestantes, se plaint Mme Michau (déléguée des Églises luthéro-réformées de France au C.O.E.), a ravivé le souvenir amer (dit-elle) de dominus Iesus, déclaration sur l’œcuménisme publiée en 2000 par le cardinal Ratzinger qui ne reconnaissait pas les Églises protestantes comme des Églises à part entière. »

Le Bulletin de l’Entente catholique de Bretagne rappelle d’autre part, avec un bon dossier sur le Kulturkampf de 1871-1880, com-bien le sentiment anti-romain reste puissant en Allemagne, chez les luthériens, mais aussi dans « une majorité », selon Bernard de Kerraoul, du clergé et des laïcs catholiques d’aujourd’hui, à qui Benoît XvI a dû rappeler : « La foi n’est pas quelque chose que nous concoctons ou déterminons ».

Eucharistie et motu proprio

A propos d'« hospitalité eucharistique » (réclamée par les luthériens), relevons cette note de diaphane Incognito dans le Bulletin de la Délégation Régionale d’Una Voce (Langue-doc-Roussillon) d’octobre 2011 :

« Le 19 juillet, avant la cérémonie militaire dans la cour d’hon-

neur des Invalides, un office religieux à la mémoire des sept soldats tués en Afghanistan a été célébrée dans la cathédrale Saint-Louis [la chapelle des Invalides est cathédrale depuis que le vicariat aux Armées est devenu evêché] ; je dis bien office car si le Requiem a été chanté au début, la messe, ensuite, n’a pas été dite. de fait, il s’agissait d’un hommage aux morts, non de leurs obsèques, qui devaient être célébrées individuellement les jours suivants, et le parti ainsi retenu était sans doute aussi judicieux que prudent : à voir les personnalités politiques qui emplissaient la nef (les militaires occupant surtout les bas-côtés), on pouvait craindre de revoir le spectacle scandaleux et désolant qu’avaient offert, dans cette même cathédrale militaire, les obsèques de Philippe Séguin : en un long défilé, étaient venus recevoir le corps du christ des notables dont nul n’ignore le statut conjugal incertain, et/ou le soutien, au moins passif, à la culture de mort. Heureusement, rien de tel devant les sept cercueils drapés de tricolore : au contraire, un profond recueillement, la très belle homélie de l’evêque aux Armées - et le Saint Sacrement, présent, certes, à l’assemblée, mais dans le tabernacle, à l’abri de toute profanation. »

Au rayon des bonnes nouvelles, ou du moins des bons com-bats, glanons aussi cette information dans les Nouvelles de la Fraternité Saint Vincent Ferrier (53340 chémeré le Roi) de l’été 2011 :

« Fin octobre 2010, l’abbé volkis, prêtre lituanien, et son orga-niste, viennent nous rendre visite au couvent, après être passés à La Roë où est célébrée chaque dimanche une messe paroissiale tridentine. Ils veulent découvrir l’application en France du Motu

proprio Summorum pontificum, qu’ils souhaitent voir enfin appli-qué chez eux. des liens devraient perdurer, car le père Pellaumail leur rendra visite en août 2011 en participant à l’université d’été liturgique et artistique Ad Gentes à vilnius. »

Il n’y a pas que vilnius où le Motu proprio du 7 juillet 2007 reste lettre morte. Daoudal-Hebdo (n° 139 ; adresse sur internet) a consacré une page entière au refus d’application par Mgr François Blondel, l’évêque de viviers, depuis quatre ans. communiqué insolent en 2007, comme celui de l’évêque de Saint-Brieuc, parlant d’« événement sans importance », ou bien évoquant les immigrés et les divorcés-remariés (comme si ceux-ci étaient forcément opposés à la messe tridentine !) Refoulement des demandeurs de l’Ardèche du dimanche au samedi, et avec les lectures changeantes du nouvel ordo, etc. « Les demandeurs, conclut Yves daoudal, ont respectueusement élevé des objections. depuis lors, il n’y a pas eu de réponse. donc pas de messe… »

l’instruction Universae Ecclesiae

Aussitôt parue l’instruction Universae ecclesiae donnant des précisions sur l’application du Motu Proprio (voir Una Voce de juillet-août), l’offensive a débuté dans les milieux modernistes. La Croix des 10-11 septembre leur a donné la parole dans un vaste article des Pères Joris Gelfhof et Arnaud Join-Lambert, « professeurs de liturgie » à Louvain (un néerlandophone, un francophone, selon la parité belge obligatoire).

Les Pères Gelfhof et Join-Lambert procèdent en trois points. Sur les deux premiers (rôle de Paul vI, erreurs et abus post-conciliaires), laissons les historiens et statisticiens débattre : ils seront plus compétents et plus objectifs que des professeurs de liturgie, si éminents soient-ils. Leur troisième point est le plus développé : le Motu Proprio ne tient pas compte, disent-ils, de « l’enrichissement théologique du Missel actuel » et de l’appro-fondissement des sacrements de Mariage et d’onction des Malades par vatican II !

A ce jour 21 octobre, La Croix a publié une seule des nom-breuses réactions à l’article des « professeurs de liturgie » de Louvain : celle d’un curé de paroisse français, adepte du nou-veau Rituel, mais qui leur fait respectueusement observer, texte à l’appui, que vatican II n’a en rien « approfondi » le Sacrement des Malades. La Croix n’a pas publié une ligne d’une lettre qu’un de nos lecteurs lui a envoyée dès le 13 septembre et qui s’achève ainsi :

« Pour le sacrement de mariage, les deux rites (l’ancien et le nouveau) sont fondés sur le consentement des deux époux, sur le don mutuel (une théologie identique donc, que l’épître lue dans l’ancien rite, Ephésiens 5, 22-33, exprime plus fortement que la plupart des lectures bibliques utilisées dans le nouveau). Reste la messe : participation plus « active et consciente », disent les Pères Gelfhof et Join-Lambert (c’est éminemment subjectif), « proclamation biblique enrichie » (mais on peut estimer que les textes de l’ancien rituel, presque toujours brefs et frappants, facilitaient davantage la concentration), enfin (…) il suffit de comparer l’Orate fratres et son répons dans l’ancien rite avec sa traduction en français et en néerlandais dans le nouveau rite pour comprendre tout ce que l’on perd dans ce nouveau rite ».

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Nous avons lu

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que Sixte II leur présente l’humanité croyante, c’est-à-dire nous-mêmes qui regardons le tableau ».

en revanche, il n’aime guère Michel Ange, et je partage son mouvement de recul devant le grand barbouillage de la Sixtine, si mythologique, et dont l’ignoble vieux dieu barbu est, hélas, si fréquemment imité aujourd’hui encore (oppo-sons-lui la jeunesse de dieu dans la fresque de Ferentillo près Terni, qui n’est pas reproduite ici, mais que vous trou-verez dans Reconquête, n° 280 d’août-septembre 2011). veyne juge ainsi l’Adam et eve devant le fruit défendu de la fresque de la Sixtine : « Aucune citation, aucun poncif… Tout est pertinent et naturel, aucun détail n’est exagéré ni oiseux, aucun n’est attachant non plus. on salue cette puissante perfection fonctionnelle, mais peut-on aimer ? Aucune poésie, aucune aura ne s’en dégage ».

Pour les attributions d’auteur ou de titre, les choix de l’auteur convainquent en général : le fameux Saint Jérôme de carpac-cio est en fait un Saint Augustin entendant la voix de saint Jérô-me ; l’Annonciation de Nancy est bien un caravage méconnu (mais le chat, dans celle de Lotto, est-il vraiment la marque d’un milieu modeste plutôt qu’un symbole du diable ?). J’ai choisi pour ma part de vous montrer celle d’Antonello de Messine (Musée de Palerme, 1475 ?), d’abord parce que ses couleurs (bleu et ocre) perdront moins que d’autres, j’espère, dans le passage au noir et blanc. voici le commentaire succinct de Paul veyne : « La physionomie de Marie s’est refermée sur son secret bienheureux ; sans doute salue-t-elle l’ange de sa main. on retrouve dans d’autres

œuvres d’Antonello la tendance à styliser tout objet en le ramenant à la sphère, au cylindre ou au cône ».

Le livre est fait pour être lu dans l’ordre des pages, l’auteur donnant progressivement des explications sur la peinture ou sur la doctrine chrétienne (distinguant bien légendes et texte évangélique ou articles de foi). Le com-mentaire de la Madeleine de Piero della Francesca page 98 suppose qu’on a vu déjà (ou entendu !) « le cri rouge » qu’elle pousse, au pied de la croix, chez Masaccio page 86. Mais bien entendu on sera tenté de feuilleter, de sauter des pages, de revenir en arrière, et là, déception ! ce livre, réalisé « à l’économie », ne comporte ni index, ni table des matières, ni même liste des peintres et œuvres retenus. Le lecteur devra s’en constituer une lui-même s’il veut pouvoir y revenir facilement.

Parmi d’autres négligences, signalons une croix de Malte dénommée croix de saint André page 424, l’oubli de Fran-çois Fosca (cité p. 428) dans la bibliographie et l’ignoble expression « tomber enceinte ».

Benoît le Roux

Paul Veyne mon musée extraordinaire, ou les chefs d’œuvre de la peinture italienneAlbin Michel, 496 p., 38€.

certains se demanderont si Paul veyne a bien sa place ici. Le personnage, agrégé de lettres classiques, ancien professeur au collège de France, spécialiste

des premiers siècles après Jésus-christ (de Sénèque à constantin), est un peu insaisissable, capable de traiter saint Paul d’abruti dans une émission télévisée de Mordillat et Prieur, puis, le lendemain, de génie de la spiritualité dans un entretien pour La Croix…

Mais son ouvrage sur la pein-ture italienne surprend agréablement. d’abord il est rare de trouver regrou-pés 270 tableaux (dont plus de deux cents à thème catholique). certes le format (18 x 24 cm) laisse beaucoup à désirer, ainsi que la qualité des cou-leurs et de la mise en page (la reliure masquant une partie des tableaux). Mais le commentaire est bref, très utile, parfois passionnant. L’ouvrage peut être un outil pédagogique très efficace pour les catéchistes et les parents, si on laisse de côté les cin-quante tableaux profanes (où Titien domine), en général très sensuels. Il n’y a pas moins d’une douzaine d’An-nonciation ou de François d’Assise, de multiples scènes évangéliques (cinq Noli me tangere, mais aussi le Paiement du tribut dans saint Mat-thieu 17, 24-27, beaucoup de Jean-Baptiste, etc.). veyne a pris soin d’expliquer l’essentiel en respectant la vision catholique, avec presque toujours un détail peu connu (la présence du jardin fermé, hortus conclusus, dans les deux Annonciations de Fra Angelico, la façon de servir le vin dans Les Noces de Cana, etc.), mais comme il est bref il vous faudra souvent compléter : quel est le rôle de Marie dans les Noces, qui est l’apôtre sans auréole dans le Paiement, pour quelle raison Jésus se fait baptiser alors qu’il n’en a nul besoin, etc.

Passionnant, Paul veyne l’est aussi par ses partis pris et ses goûts personnels. Il aime caravage, mais aussi « la joie de vivre » de véronèse. Plus étonnant : il défend Raphaël. « Taine, qui avait du goût, disait que c’était du Mozart », rappelle-t-il, mais aujourd’hui Raphaël est devenu synonyme de fadeur académique. Alors il faut aller voir sa Madone Sixtine, grandeur nature, au Musée de dresde, nous dit-il : « elle s’avance vers nous de son pas léger, elle ne vient que pour nous présenter l’enfant, bébé de génie, aux yeux perçants et à la physionomie concentrée, tandis

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mAGNÍFICAT DÓmINUmAssociation Sacra Musica éd.

816 p. – 28€

L’ouvrage est sous-titré : « Les chants de toute l’année liturgique pour les fidèles et les chorales ». Son contenu est ainsi clairement annoncé.

c’est le troisième Magníficat qui voit le jour. Le premier, beaucoup plus modeste (493 p.) avait paru en 1998. Le deuxième avait été édité par clovis en 2004 et s’était enrichi de nouvelles pièces pour atteindre 629 p.

c’est toujours l’infatigable abbé Bernard Lorber qui est à l’origine de ce nouvel opus dont nous nous réjouissons de la parution. Il est excellent. Tout juste pouvons-nous formuler deux réserves mineures :

- dès le début des vêpres du dimanche, l’invocation bien connue Deus in adjutórium meum inténde ne com-porte pas d’épisème horizontal sur le meum, ce signe qui fournissait à ce mot une légère nuance d’expression que l’on retrouve dans toutes les interprétations traditionnelles (disques ou vêpres chantées en paroisse, ce qui est hélas bien rare). ce n’est pas un oubli car la suite, interprétée par les fidèles, se voit également amputée de l’épisème sur le me avant festína.

Tous les paroissiens grégoriens romains traditionnels, « 904 », « 800 », jusqu’au dernier « 804 » réédité récem-ment par Le Barroux ornent ces deux syllabes du signe de Solesmes, un signe dont on peut contester la présence à cet endroit car la phrase n’est pas achevée. Mais les béné-dictins ne voulaient-ils pas mettre précisément en valeur les deux mots qui suivent inténde et festína et rendre ainsi l’appel plus angoissé et pressant ?

ce qui est sûr, c’est que ce changement peut contribuer à créer le désordre dans une assemblée qui chante ce célèbre ton ordinaire par cœur ou qui suit dans un des ouvrages précités.

- La même réflexion s’applique aux complies (p. 702). Notons en outre que le premier épisème de Deus est à peine visible et que celui de Dómine a disparu. La partition bénéficie en revanche d’une correction non négligeable par rapport au Magníficat de 2004 : les podatus des syllabes accentuées de inténde, sancto ou amen qui sont réservés aux vêpres ont disparu pour être remplacés par les punc-tums normaux sur la note si de l’invocation aux complies.

Rassurez-vous, il n’y a pas de quoi fouetter un chat et ce ne sont pas quelques épisèmes qui ôteront l’enthousiasme que j’ai ressenti en consultant ce manuel de chants.

Il revêt même un nombre important d’améliorations. Pour rester dans le domaine des épisèmes horizontaux, nombre de choristes avaient contesté leur manque de netteté dans la version 2004, manifestement volontaire. Ils apparaissent cette fois nettement c’est de nouveau au chef de chœur de veiller à ce que ses chanteurs n’alourdissent point ces signes d’expression et ne les fassent pas doubler la note, ce que l’on constate trop souvent, c’est vrai. Les améliora-

tions sont présentées dans la préface et je les résume ci-dessous : •€€€Lanotationgrégorienneaétéagrandieafin d’améliorer la lisibilité. (cf. supra pour les épisèmes)•€€Lestournesdepagesontétéréduites,spécialement dans le chapitre des canti-ques, et agencées d’une façon pratique pour les chanteurs.•€€€Lanumérotationdeschantscorrespondàcelle de l’édition 2004. cette continuité de la numérotation à travers les éditions explique d’éventuels sauts de numéros qui pourraient sembler à priori peu logiques.•€€€Afindedistinguerrapidementlesajoutsde

cette édition, les nouvelles pièces comportent une lettre en plus du numéro.

Ajoutons que le format a été agrandi (146 × 205 mm), ce qui aère avantageusement l’ouvrage.

La comparaison avec la table thématique de l’édition précédente révèle une augmentation sensible du nombre de cantiques en français. Le Temps de l’Avent offre par exemple trois nouveaux chants : Du poids de sa misère. - Seigneur, venez, la terre - Jour du Seigneur (que l’on retrouve bien sûr à Noël). Pour la fête de l’Immaculée conception du 8 décembre, ce sont quatre nouveaux cantiques qui entrent. Ils sont dits harmonisés, c’est-à-dire polyphoniques. c’est au total 80 nouveaux cantiques qui ont été ajoutés et 60 cantiques possèdent une harmoni-sation à quatre voix.

Les nouveautés sont multiples : prières du chrétien, réception des sacrements…

L’ajout de la couleur rouge dans les textes en facilite la lecture et la rend plus agréable. Nul doute qu’il s’agit là d’un travail éditorial soigné avec une robuste reliure en simili cuir d’une belle couleur bordeaux, ses quatre signets en tissu…

L’ouvrage a été préfacé par le cardinal Antonio cañizares Llovera, préfet de la congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements. extrayons-en la conclusion. Le prélat vient de vanter les mérites de la connaissance supérieure, celle qui dépasse la raison et nous conduit à la contemplation.

La musique et le chant liturgique, en particulier le chant grégorien, forment une grande part de cette communica-tion supérieure, et cela même si le texte du chant n’est pas entièrement compris (soit par défaut de connaissance du latin, soit à cause des mélismes, soit de par la structure polyphonique du chant).

Écouter et se joindre au chant liturgique est aussi une forme élevée de participation liturgique. Offrir aux fidèles et aux chantres liturgiques l’accès au répertoire grégorien ainsi qu’aux cantiques de tradition populaire, comme fait l’ouvrage Magníficat dóminum, en sa deuxième édition, est une précieuse aide à cette participation, soit pour les fidèles qui souhaitent user de la forme dite « extraordi-naire » du rite* romain, soit pour ceux qui vivent la liturgie romaine sous la forme « ordinaire », souhaitant ne pas

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Nous avons lu

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perdre les trésors du patrimoine musical du rite* romain, et redécouvrir un langage et une forme de communication qui leur permette encore aujourd’hui d’affermir leur foi, de confirmer leur espérance et de grandir dans la charité.

Avec mes félicitations à l’Association Sacra Musica.La préface de ce précieux recueil de chants, intitulée

« Présentation et notes techniques » est condensée et courte (deux pages). elle s’achève par ces mots :

Nous avons, dans notre liturgie catholique, un patrimoi-ne riche et conséquent. La valorisation de ce patrimoine suppose néanmoins un effort, au risque sinon de tourner en rond sur quelques chants. Ce livre s’inscrit dans ce travail de renouvellement liturgique par le biais du chant sacré.

ces mots constituent un appel aux âmes de bonne volonté qu’Una Voce ne pouvait que transmettre tant la tâche est urgente. de nombreux signes encourageants se font jour dans l’église pour abandonner ces cantiques médiocres qui défigurent notre sainte liturgie.

Saluons l’arrivée de cet ouvrage qui vient à point nommé !

Patrick Banken

* Nous avons gardé la graphie adoptée par Son éminence. Mais comme nous avons déjà eu l’occasion de le préciser dans ces colonnes, nous préférons garder la distinction entre rite avec un e dans le sens de rite de l’offrande, de la fraction du pain ou de l’encensement, et rit sans e pour exprimer l’ensemble des cérémonies d’une communauté, d’une région… on parlera des rits lyonnais, dominicain, cartusien, syro-malabar, copte…et bien sûr romain !

Jean-Yves DUCOURNEAULes cloches sonnent aussi à KaboulItinéraire d’un soldat de DieuEditions des Béatitudes, 320 p., 17€

dans la préface qu’il donne à cet ouvrage passionnant, Mgr Le Gal, ancien évêque aux Armées, le définit parfaitement en quelques lignes : « C’est un témoignage que nous livre ici le Père Jean-Yves Ducourneau et même un triple témoignage dont l ’ impact et l ’ intensité s’accroissent d’étape en étape : témoignage sur sa vocation au sacerdoce et son aboutissement après quelques détours ; témoignage sur son ministère aux Armées ;

témoignage enfin plus élargi et plus précis sur sa double expérience auprès des forces françaises en Afghanistan à l’occasion de deux missions de six mois qu’il y a accomplies. »

Jean-Yves ducourneau a fait heureusement la rencontre d’un prêtre qui l’a mis sur la bonne voie alors qu’il était menacé, dans une jeunesse un peu déboussolée, d’égarements regrettables. Il deviendra Père de la Mission, ordre fondé par saint vincent de Paul. Son état d’aumônier militaire l’amène à nous montrer comment depuis des temps reculés, l’assistance spirituelle aux soldats a été l’un des soucis des rois en France. Le pape Pélage 1er avait montré l’exemple au vIe siècle en demandant à l’évêque de civitavecchia des célébrations spécifiques pour les légions romaines stationnées dans cette ville. déjà saint Sulpice avait accompagné clotaire, le fils de clovis, et son armée. en 742, par un édit, carloman interdit aux clercs d’être de vrais soldats, mais exception est faite pour ceux qui ont été choisis « pour les besoins du service divin, comme la messe ou le port des reliques ».

en 1533, François 1er crée la Grande Aumônerie. Louis XIII, en 1636, demande, par l’intermédiaire de Richelieu à saint vincent de Paul, fondateur de la Mission et futur aumônier général des galères, des prêtres « pour les armées chancelantes ». Les Filles de la charité soigneront les blessés sur les champs de bataille. Louis XIv fonde ensuite les Invalides, institution confiée aux mêmes… Histoire fort intéressante et, somme toute, peu connue… on se rappelle aussi l’édifiante figure du bienheureux Père Brottier pendant la Grande Guerre. L’auteur qui n’oublie rien cite aussi Jean-Paul II, fils de militaire : « Naturellement il faut souligner la nécessité d’une formation spirituelle pour créer, pour trouver, pour développer la cohérence entre la vocation militaire et la vocation chrétienne. » (discours aux militaires italiens, le 2 avril 1989).

Puis le Père ducourneau nous offre un véritable petit traité de spiritualité militaire, résumé en cinq vertus d’abnégation : être bon, fidèle et désintéressé ; être courageux dans la mission ; être respectueux d’une certaine discipline ; être solidaire, être capable de réconciliation ; être capable de se donner soi-même pour la mission commune… Ayant connu bien des drames familiaux, il insiste auprès des responsables de l’armée, pour qu’ils exhortent leurs hommes « à avoir une situation sociale claire ». Trop de femmes, non mariées se sont retrouvées complètement démunies après la mort en opérations du père de leurs enfants.

Il faut aussi que les aumôniers militaires sachent nouer de bonnes relations avec le clergé catholique « prochain ».

Notre aumônier nous fait également beaucoup voyager au gré de ses missions où il avait fait sonner les cloches, parfois rudimentaires, pour appeler les soldats à la prière et à la messe : à N’jamena (Tchad, mission epervier), Skojeville où est née Mère Teresa, Naqoura au Sud-Liban, au Kosovo, Abidjan et Bouaké, Bangui-Birao en République centrafricaine et bien sûr en Afghanistan où il a « travaillé » à deux reprises six mois. Il retrace l’histoire de ce pays qui est un véritable kaléidoscope ethnique : Patchouns (38%), Tadjiks (25 %), Hazaras (12 %),

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ouzbeks, excellents peintres sur papier de soie (6 %), Turkmènes (2%) et Baloutches (1 %). Il note ce trait de caractère des Afghans : « Ils ne s’avouent jamais vaincus » et « Les rebelles y sont rustiques et habiles ». Il prie pour leur conversion, il prie pour qu’il leur soit donné de s’ouvrir au christ.

Jean-Yves ducourneau traduit ainsi son idéal « d’aumônier eucharistique » par ces huit c : christique, confident, conseiller, consolateur, célébrant, confesseur, charitable, ciel … Sous la plume de ce prêtre, nous avons trouvé, page 219, ces lignes à citer parce qu’elles traduisent sa bonté foncière : « Cependant mon cœur de prêtre se désolait de ne pas « satisfaire » tous les fidèles du Christ. Je les voyais souffrir intérieurement, tous ceux qui n’assistaient jamais à la messe selon la forme ordinaire de notre rite romain. Partageant leur souffrance malgré le fait, et je le regrette, que je ne sache pas célébrer selon la forme extraordinaire, j’essayais de leur faire comprendre, mais souvent sans succès, que l’important était bien la communion avec le Christ dont le Saint Père était le Vicaire. Il s’agissait bien de la même foi dans le même Corps du Christ donné en rançon pour tous, le contenant du rite n’étant rien par rapport au contenu qui restait toujours sacré. Néanmoins je comprenais leur douleur, ayant moi-même du mal à « supporter » certaines façons que je pense trop « laxistes » ou « modernistes » de célébrer la Sainte Eucharistie. » on aimerait poursuivre la citation…

on trouve aussi dans ce volume un très beau passage sur les anges gardiens, une véritable déclaration d’amour à saint Jérôme qui nous a donné la vulgate, un répertoire des saints protecteurs des unités militaires ou des différentes armes, une reconnaissance profonde de l’abnégation des femmes de militaires et certaines prières comme celle des parachutistes.

dans sa postface, le colonel Jérôme Goisque souligne la grande culture du Père ducourneau et rappelle le mot de Tom Morel : « Lorsque deux voies s’offrent à toi, choisis la plus difficile. C’est là que se trouve ton devoir… » J.Dh.

Philippe MAXENCEMaximilien KOLBEPrêtre, journaliste et martyr (1894-1941)Ed. Perrin, 320 p., 14 x 21 cm., 22€

c’est un grand livre que Philippe Maxence offre à notre temps avec cette bio-graphie de saint Maximilien – Marie Kolbe dont toute l’existence a été vouée au culte de Marie Immaculée et, une fois dans les ordres,

à l’obéissance franciscaine à ses supérieurs. Abandon à Marie et obéissance sont les maîtres-mots de cette vie édifiante qui n’a rien d’un ouvrage lénifiant ou « pieusard ». Rien de sulpicien, au mauvais sens du terme, mais un livre d’histoire, l’histoire d’une ferveur qui se mue en action, en rayonnement et fait d’un homme atteint par la tuberculose avec des rémissions et des rechutes une sorte d’aventurier intrépide qui puise sa force et son énergie dans la prière. Une audace extraordinaire animée par un courage étonnant et qu’on peut penser inattaquable.

Tout le monde connaît la fin du Père Maximilien Kolbe qui, au camp de concentration d’Auschwitz-I, s’est offert à rem-placer un père de famille, un sergent de l’armée polonaise, condamné à mort qui s’appelait François Gajowniczeck. A l’énoncé de son matricule, 16670, Maximilien ajouta « prêtre catholique ». Le 14 août 1941, date qui semble symbolique, il reçut le poison mortel, une intraveineuse d’acide carbonique. Il s’était auparavant adressé à ses frères déportés avec lui et leur avait en quelque sorte livré son testament spirituel : obéissance et observance de la règle.. Ne répétait-il pas sans cesse, malgré les forces qui lui manquaient que « la haine n’est pas une force créatrice. Seul l’amour est créateur » ?

ce fut le terme d’une existence particulièrement riche, dense, pleine d’initiatives menées à bien en franchissant une foule d’obstacles et de complications administratives notamment. Raymond Kolbe, Maximilien-Marie sera som nom de religieux –, un fort en maths » avait manifesté dès l’enfance « un caractère bien trempé, facilement frondeur et colérique, obstiné parfois, essayant de tenir tête à ses parents ».

L’amour qu’il avait pour la vierge Marie lui attira quelques réponses du ciel et comme saint François on pourrait parler de Fioretti : signes, guérisons, délicates attentions du ciel manifestées à des moments inattendus. Après ses études au Seraphicum de Rome – ces années sont fort intéressantes sur la vie de l’église – Maximilien, que son frère a suivi dans la congrégation, avant de devenir pour lui un compagnon de travail, ouvert aux techniques modernes, va lancer un organe de presse intitulé « Les chevaliers de l’Immaculée », destiné aux membres de la Milice de l’immaculée ou MI, comme aux autres catholiques. Il fallait lutter pour le salut des âmes contre les forces adverses et en particulier contre la franc-maçonnerie, avec l’aide de Marie. Nous allons suivre sous la plume alerte de Philippe Maxence, l’évolution de l’entreprise, sa fondation et ses ins-tallations successives (Grodno, Niepokalonov), son déve-loppement, ses constructions dans l’esprit de pauvreté et son esprit rayonnant. en dépit des ennuis pulmonaires qui le contraignirent à des cures, à des mois de repos forcé, Maximilien suivait tout de très près, fidèle à sa ligne hum-blement mariale. Mais si la Pologne était un champ d’ac-tion exigeant et vaste, dans les circonstances historiques qu’elle traversait alors, une vocation missionnaire l’habitait aussi : l’Immaculée devait être connue, honorée en orient et en extrême-orient. Il entreprit donc des voyages en Inde, en chine et au Japon. Nous le suivons dans ses trajets par bateau, et par trains. Nous participons à ses contacts avec la hiérarchie catholique locale. Une implantation de

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Hommage à Robert Bresson

douze ans après sa mort, il est permis d’esquisser un premier bilan de l’œuvre de ce grand cinéaste qui fut notre ami. on peut (re)découvrir désormais la plupart de ses films par le dvd.

Robert Bresson (1907-1999) était Auvergnat, comme Pascal dont on l’a souvent rapproché (deux « jansénistes » !), et plus même que son cousin par alliance Henri Pourrat (Mme Pourrat était une Bresson-clausels, comme Robert)… dont la mère était Flamande. Au centre de tous les grands films de Bresson, il y a la question de la grâce. victorieuse dans Les Anges du péché (1943), présente dans Journal d’un Curé de campagne (1950), dans Le Procès de Jeanne d’Arc (1951-1952). Absente, disent certains, dans Mouchette, dans Au hasard, Balthazar, où l’espé-rance elle-même paraît faire défaut, cependant que les films de Bresson devenaient de plus en plus elliptiques, on a même l’im-pression qu’il voulait faire du « cinématographe » (qu’il opposait au « cinéma », synonyme pour lui de divertissement et d’acteurs professionnels) l’équivalent de l’art abstrait en peinture.

c’est pourquoi je conseillerais à nos lecteurs, plus encore que Le Procès de Jeanne d’Arc dont nous fêtons cette année les 60 ans, deux de ses films précédents, le très beau Journal dun Curé de campagne (d’après Bernanos) et surtout Les Anges du péché, celui-ci accessible, contrairement aux autres, dès 12-14 ans (la pécheresse n’est ici qu’une voleuse), grâce notamment, n’en déplaise à l’auteur, au jeu de très grandes comédiennes : Renée Faure en novice de la riche bourgeoisie, Jany Holt en gibier de prison, Louise Sylvie en Mère Prieure, Marie-Hélène dasté en Sous-Prieure, Louis Seigner en directeur de prison…

Nous avons lu

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la MI n’y fut pas aussi facile qu’on aurait pu le penser. Mais en 1930, l’ordre érigeait cano-niquement la maison religieuse de Nagasaki.

Rien qu’un instrument

ces quelques lignes ne donnent qu’une petite idée de l’enthousiasme qui animait le Père Maximilien Kolbe, du devoir qu’il res-sentait de développer le culte à l’Immaculée partout dans le monde grâce à un journal tra-duit dans la langue locale. Que de difficultés vaincues, de questions de personnes parfois à résoudre, de spiritualité à maintenir, de dis-cipline aussi. A la fois prêtre, journaliste, supé-rieur et père de la communauté qu’il dirigeait, moine franciscain soumis à ses supérieurs ! Rien ne le freine dans ses initiatives pour le salut des âmes. Il prend des contacts aussi bien au sommet de la hiérarchie religieuse qu’au sommet de sa patrie. Il écrit aussi bien aux responsables de dicastères romains qu’à Joseph Pilsudski, devenu chef de l’etat polo-nais, homme « capable d’une hauteur de vue peu commune ».

Bref, un être qui peut nous paraître extraordi-naire et pourtant bien proche de nous comme un franciscain peut l’être. Il se disait toujours : « « Ta règle est l’obéissance = la volonté de Dieu par l’Immaculée. Tu es un instrument. » Il écrivit dans ses carnets : « Rappelle-toi que tu es la chose et la propriété absolue, inconditionnelle, illimitée, irrévocable de l’Immaculée ». Un programme d’abandon total à la vierge Marie avec la seule arme qu’elle avait donnée à sœur catherine Labouré, rue du Bac, la médaille miraculeuse. Il avait aussi deux dévotions particulières : l’une à sainte Thérèse de l’enfant-Jésus, patronne des Missions ; l’autre à Gemma Galgani, jeune Italienne qui, bénéficiaire de locutions surna-turelles du christi avait, comme lui, souffert de tuberculose ; guérie miraculeusement, elle reçut les stigmates de la Passion pour poursuivre sa Via dolorosa…

Rappelons enfin que dans les années 1970 est née en Italie une nouvelle congrégation religieuse, sous l’impulsion des Pères Ste-fano Maria Manielli et Gabrieli Pelettieri. elle porte aujourd’hui le nom de Franciscains de l’Immaculée et continue l’œuvre mariale du Père Kolbe par le livre, la presse et l’informa-tique. Quelques uns de ces franciscains sont venus participer aux assises de la Fédération Internationale Una voce à Rome en 2009. cette congrégation célèbre la messe dans le rite extraordinaire.

J.Dh.

De g. à dr. : Bresson, Giraudoux, R. Tual, le R.P. Bruckberger.

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Le jeune R.P. Bruckberger avait collaboré au scénario, parce qu’il s’agissait de montrer un couvent de domi-nicaines de Béthanie, congrégation fondée par le Père Lataste pour aider, et éventuellement accueillir dans ses rangs, des délinquantes condamnées. Jean Giraudoux fit les dialogues. Bresson sut donner un rythme, un dyna-misme, une beauté extraordinaires à cette communauté, sans en cacher les petits côtés. La liturgie est présente. on voit trois fois la communauté chanter le Salve Regina, et on assiste même au chant du dernier verset d’un Psaume, suivi du Gloria Patri. Il s’agit du Psaume d’ac-tion de grâces Laudate pueri (Psaume 112 des vêpres du dimanche) : « …Qui habitare facit sterilem in domo, matrem filiorum laetantem, Lui qui fait habiter la stérile dans sa maison, afin qu’elle se réjouisse d’avoir des fils comme une mère ». Le choix du verset n’est évidemment pas dû au hasard, dans ce couvent de « femmes stériles » qui accueillent comme leurs enfants les pécheresses repenties. Mais peu de spectateurs, même en 1943, ont compris ce verset rapide et donc à peine audible : comme les imagiers des cathédrales qui plaçaient une allusion évangélique à 20 m de hauteur, Bresson travaille souvent… pour dieu et quelques initiés.

Il était grand admirateur de la liturgie catholique, rares sont ses films qui n’en comportent pas un extrait, ou un peu de musique sacrée, comme dans le finale de Mou-chette. Jusqu’à Pickpocket (au dénouement curieusement optimiste) qui comporte un beau Dies Irae ! et L’Argent, en 1983 (action située en 1982), film terriblement noir, où un improbable canon de la Messe en latin est récité… dans la chapelle de la prison de Fresnes !

Il manifesta son agacement lors des réformes post-conciliaires, et je lui avais demandé, ainsi qu’à quelques autres artistes, d’adresser un message au congrès natio-nal d’Una voce qui se déroula à Saint-Brieuc et Tréguier, en 1975. Il écrivit aussitôt sur une carte : « Je suis de tout cœur avec vous dans votre effort pour sauvegarder la liturgie latine et le plain chant ».

Benoît le Roux

dvd Gallimard-Synops (2006), copie restaurée des Anges du péché, avec sous-titres en anglais, espagnol, allemand, italien ; en bonus : entretien radiophonique sur Giraudoux ; et un fi lm documentaire d’Anne Wiazemsky (pour adultes) qui vaut surtout pour d’extraordinaires extraits d’Actual i tés de 1943 : bombardement de Boulogne-Billancourt, studios et films de l’époque, cortège nuptial en vélo-taxi sur les champs-elysées déserts, etc.

Nous avons écouté

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Deux nouveaux coffrets de chant grégorien réalisés par la Schola Bellarminaou la complémentarité dans la défense et l’illustration de notre patrimoine liturgique si menacé !

citons tout d’abord le volume 12 de l’Année Liturgique en chant Gré-gorien. Il comprend deux disques : le premier est consacré aux principales hymnes des vêpres, tant du temporal que du sanc-toral. Il s’agit toujours du ton romain et non monasti-

que que nous trouvons dans les publications discographi-ques courantes. c’est ainsi le cas de l’hymne des matines de la Fête-dieu Sacris solémnis ou encore de celle de la fête de la Sainte Trinité Jam sol recédit.

L’on compte au total 23 hymnes, interprétées à la suite sans intermède musical. Mais elles sont suffisam-ment variées pour ne point susciter de lassitude. Mais n’oublions pas que semblable production discographique a un but pédagogique évident, principalement à l’inten-tion des chorales qui interviennent à vêpres.

c’est précisément cet office divin qui occupe le second disque avec, pour terminer, les complies.1

Le second coffret fait partie de la même série L’Année Liturgique en Chant Grégorien, mais c’est le premier volume. cela mérite quelques explications. La Schola Bellarmina a vu le jour à Bruxelles où l’abbé Ber-nard Lorber exerçait son sacerdoce. c’est en 1998

qu’il se lança dans cette entreprise ambitieuse d’enre-gistrer la totalité de l’année grégorienne. ou en tout cas c’est cette année-là que parut le 1er volume. Je connais nombre de choristes qui ont copieusement utilisé ces disques qui se sont égrenés au long des années jusqu’à

1 Si vous êtes équipé informatiquement, n’hésitez pas à aller sur notre site unavoce.fr. Nous avons consacré une émission entière aux vêpres du dimanche, tant dans le rit romain que dans le rit monastique, et la Schola Bellarmina se charge bien sûr d’interpréter celui-là. Plus d’une heure d’écoute que l’on peut suspendre quand on le veut et reprendre ensuite après avoir noté le temps où l’arrêt a eu lieu. Sur la page d’accueil de notre site, cliquez tout simplement sur « vêpres » que vous verrez apparaître dans le menu déroulant du bouton « chants de la Messe » situé sur le bandeau supérieur orange.vous aurez ainsi, avec une excellente qualité technique, une émission plus complète que celle que les auditeurs de Radio-courtoisie, de Radio-Silence ou encore de Radio Sainte-Anne (diocèse de Quimper-Léon) ont écoutée.

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euphonium et orchestre à vent, Pavane pour violon et orgue). Il a une classe de piano au conservatoire de Zürich et est titulaire de l’orgue d’oberägeri (Zug).

c’est le Bach choir qui lui a commandé ce Requiem qui dure près d’une heure. Il est à la fois d’une grande beauté et tout à fait original. c’est une œuvre contemporaine qui n’écorche pas du tout les oreilles, mais unit la gravité du sujet à des élans d’un lyrisme spirituel qui vous emporte. Rencontre de l’âme avec dieu, l’offertoire est particuliè-rement touchant. La mélodie envoûtante de cette pièce se retrouve à la fin de l’œuvre, dans l’In Paradisum : dans un magnifique crescendo retenu, toutes les voix s’unissent dans une de ces polyphonies particulièrement arbores-centes, sereinement détendue, foisonnante comme si toutes les âmes des saints chantaient ensemble la joie du salut éternel. Puis le chœur et les solistes planent au-dessus d’une étrange scansion en arrière-plan avant de céder la place à la seule soprano dont le chant s’éteint ou s’épanouit progressivement dans un lumineux silence.

J.Dh.

Couleurs de l’orgue néo-baroqueJacques Kauffmann à l’orgue Schwenkedel de l’abbaye de Solesmes

L’orgue Schwenkedel de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes a été inauguré le 22 octobre 1967 par Gaston

Litaize. Il appartient à la génération des instruments néo-baroques. Le livret qui accompagne ce cd explique : « A côté d’autres facteurs, le Strasbourgeois curt Schwenke-del a illustré dans les années 1960-1975 cette révolution qui, succédant à l’âge néo-classique, produisit des orgues très typés, imitations libres des orgues anciennes du nord de l’europe. conçu pour faire valoir des musiques à forts contrastes, comme les préludes de Buxtehude, l’orgue a des plans sonores tranchés : un positif aux couleurs délicates, un grand orgue reposant sur des principaux très poussés et un récit aérien. Les tourelles de pédales isolées viennent du modèle nord européen. certains jeux pourtant invitent à une autre musique, le cornet très ancienne France du récit, par exemple, ou la trompette… » cet orgue est doté de 39 jeux. Il y a eu un certain nombre de modifications de la tuyauterie, mais quand on n’est pas technicien de l’instrument on peut aimer tout simplement sa voix franche, les lignes mélodiques qui évoluent clai-rement sur les fonds sonores, et une belle ordonnance qui donne aux pièces interprétées une grande beauté des sonorités.

ce cd nous offre des pièces très différentes mais qui mettent toutes en valeur cet instrument lumineux aux si belles couleurs. Il nous offre des morceaux composés par Georg Bœhm (1661-1733), la Suite du deuxième tin (1706) de Guilain, compositeur dont on connaît très peu de choses, et qui fut probablement un Allemand installé en France, des œuvres de Jean-Sébastien Bach (1685-

atteindre les sept coffrets de 14 cd et donc le but fixé : l’année complète, dans la forme dite extraordinaire du rit romain, du Ier dimanche de l’Avent au XXIIIe après la Pentecôte.

des critiques ont été formulées sur l’interprétation. Nous en avons lues, entendues et même rédigées dans les colonnes de notre revue.

Sans doute étaient-elles justifiées puisque l’artisan de cette production a décidé d’enregistrer de nouveau l’ensemble. Les chantres belges ont été remplacés par des chanteurs professionnels dont on peut citer le ténor Hervé Lamy du chœur Grégorien de Paris ou la basse vincent Lecornier.

Le résultat est tout différent. Il faut écouter pour juger. Réjouissons-nous de disposer de 153 minutes de chant grégorien de l’introït Ad te levávi à la communion Vídimus stellam de la fête de l’épiphanie.

Nous avons évoqué les deux rits, romain et monastique. et s’il y avait aussi deux types d’interprétations : celle des chorales de laïques qui luttent pour que soient maintenues ces messes dominicales en paroisse et qui ont beaucoup de mérite car leur tâche n’est pas toujours facilitée ? et celle des moines qui ont voué leur vie à exprimer cette louange divine ?

Mais ne cherchons pas à les opposer. Nous rentre-rions dans une dialectique dont savent si bien user nos adversaires.

ce sont les deux faces complémentaires qui contri-bueront à ce que nous fassions revivre ces richesses liturgiques léguées par la tradition, à sauvegarder cet inestimable patrimoine qu’est cette prière de l’église.

Patrick Banken

Carl RüttiRequiemOlivia Robinson (sop.) Edward Price (Bar.)The Bach Choir, Southern Sinfonia, Jane Watts orgue,Dir. David HillNaxos, Rütti : Requiem – 8. 572317

Le Requiem de carl Rütti, dans la collection Naxos qui a le gros avantage d’être bon marché, a attiré ma curiosité. compositeur inconnu mais dont le contenu liturgique de l’œuvre ne m’était pas étranger. Introït, Kyrie, offertoire, Sanctus, Agnus dei, communion, In Paradisum, rien que de très classique. Un Requiem de plus ! Tant mieux. Heureux de ne pas avoir résisté à la tentation.

Qui est le compositeur carl Rütty ? Un Suisse né à Zug en 1949. Sorti du conservatoire de Zurich avec des prix piano et orgue, il poursuit ses études à Londres et subit la fascination du chant choral anglais. Il écrit plusieurs pièces a cappella. certaines ont été enregistrées par le chœur de l’oratoire de Brompton (Londres). depuis, il a composé un nombre considérable d’œuvres religieuses (Veni Creator, O magnum mysterium, Magnificat, Stabat Mater) et instrumentales (Métamorphose, concerto pour

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1750) dont le choral Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (BWv 639), le prélude en fa mineur, la fugue en fa majeur de son contemporain et presque « pays » Georg Friedrich Haendel, puis une esquisse en ut mineur (op. 58, n°1) de Schumann et enfin les prélude et fugue en ut mineur,op. 37, n°1, de Félix Mendelssohn-Bartholdy. Nous sommes à Solesmes, mais en fermant les yeux, nous pourrions nous croire à Leipzig… des bords de la Sarthe à la ville où Bach fut cantor et où Mendelssohn fit revivre l’œuvre quelque peu oubliée de ce dernier…

Quel voyage « européen » nous devons à Jacques Kauff-mann, excellent interprète originaire de Mulhouse, disciple de Xavier darasse et surtout de Jean Boyer. Il a enregistré notamment les œuvres de Jean Langlais et d’André Fleury. c’est aussi dans le cadre magnifiquement serein, calme et recueilli de l’abbatiale de Solesmes que nous retrouvons la paix bénédictine en écoutant ce disque.

J.Dh.Un cd Abbaye de Solesmes – SAo02 – durée totale 65’40

Ensemble vocal AnguelosDir. Marie-Louise BoullandOrgue : Valéry AubertinNadège Bensimon, sop.; Ioannis Idsomeneos, bar.Lucy Bessière et Dominique d’Arco, violons

valéry Aubertin qui intervient dans cet enregistrement est un organiste contemporain reconnu et apprécié. Il a déjà composé une œuvre considérable pour l’instru-ment-roi et nous aurons, je le souhaite, l’occasion de le connaître mieux dans un proche avenir. Mais je ne savais pas qu’il était aussi chef de chœur et je lui ai découvert cette qualité supplémentaire, le dimanche 23 octobre, à Notre-dame de Lorette, à Paris où, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (le 22 octobre 1811), on pouvait entendre Myriam Barbaux, piano, jouer « Saint François de Paule marchant sur les flots » et « La vallée d’obermann (première année de pèlerinage), mais aussi, après le Credo de la Missa Veni sponsa Christ de Palestrina (1525/26 – 1594) l’Ave Verum et la Missa cho-ralis (Kyrie, Gloria) de Franz Liszt. ces œuvres chorales étaient exécutées par l’ensemble vocal Anguelos, sous la direction de valéry Aubertin, avec, à l’orgue Marie-Ange Leurent, titulaire de cette église.

cette chorale d’amateurs, qui valent bien certains pro-fessionnels, m’a beaucoup plu. La qualité des voix, leur fondu, leur interprétation qu’on sentait scrupuleusement fidèle, leur précision m’ont invité à acheter un cd enre-gistré par cette formation de Seine-et-Marne. Il y a des anges dans « Anguelos » et le cd dont j’ai fait emplette nous offre treize œuvres particulièrement attachantes signées Rheinberger, Mendelssohn, vivaldi, Bach, Mon-teverdi, Max Reger, Liszt, Ralph vaughan-Williams (com-positeur anglais (1872-1958 – par un caprice de langue insulaire vaughan se prononce vône ; ne demandez pas pourquoi !) et valery Aubertin. cet enregistrement a été réalisé dans l’église Saint-denis de Quincy-voisins en Seine-et-Marne, qui possède un orgue.

cet orgue a été offert à ce sanctuaire par le chanoine

UNA voce — N°281 — Novembre - décembre 2011 35

André Messager (belle homonymie !), chanoine d’honneur de cracovie (1914-1997). Pendant la dernière guerre il fut prisonnier dans un camp du couloir de dantzig. A l’ar-rivée des Russes, il fuit avec quelques amis qu’il fait vivre en réparant montres et pendules. Il était alors horloger. devant l’horreur des spectacles qu’il voyait, il promit, s’il en réchappait, de faire quelque chose pour l’église de Quincy. devenu prêtre après la guerre, il continua à répa-rer les montres et amassa de quoi réaliser sa promesse. L’orgue de la promesse fut béni en mars 1989. Bientôt apparut l’Association Anguelos. Une de ses principales activités allait être le chant choral sous l’impulsion de valéry Aubertin. Une belle histoire qui continue.

L’Association a publié plusieurs enregistrements. Tous renseignements auprès de Mlle Marie-Louise Boulland,35 G rue René Benoist, 77860 Quincy-voisins. Tél/fax : 01 60 04 11 89. courriel : anguelos@free. fr

J.Dh.

Courrier des lecteursDe madame J.m. de Paris

chers amis d’Una voceJe vois toujours avec joie arriver [la revue] Una voce. Le dossier sur Foi et raison m’a fort intéressée et j’ai beaucoup apprécié illustrations et commentaires sur la jonglerie de Salomé. Le cimetière de Picpus est dans mon quartier. vous me donnez envie d’y retourner pour raviver mes sou-venirs ; aussi j’avais oublié André chénier ! Je perds un peu mon latin (que j’ai enseigné !) avec l’épitaphe d’eustache – mon latin uniquement cicéronien comme on l’enseigne en France. et j’avais acheté par erreur le dictionnaire de denis Tillinac ; déçue au début, j’ai ensuite réagi comme vous. Longue vie à Una voce.

L'ensemble Anguelos, avec en arrière-plan, l'orgue de l'église de Quincy-Voisins

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una voceuna voce

L'esprit d'enfance

Ce soir la création renait comme un enfant,Un berceau de fortune en guise de palais,Quatre murs de vieux bois ouverts a tous les vents,Ave Salus omnis terrae !

Le sourire enfantin du Seigneur qui prend chairSuppose l'innocence d'un âge béni…Des cieux, ses serviteurs admirent Sa lumière : Salve Puer et Rex mundi !

Ses deux bras lentement s'étendent vers sa mèreNon tant pour recevoir que pour donner Sa vie,Voici l'humble douceur de sa courte prière : Salve Virgo, mater Dei !

Ce soir entre ces brins de paille et de lumièreNaquit un enfant Dieu, langé de pauvreté,Un enfant souriant malgré trop de misère…Sanctus Puer, Pater noster, Jesus Christus, Ave !