39
GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 2: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Politique et société

Cf. Hannah Arendt : « La politique repose sur un fait : lapluralité humaine. »

L’homme est un être social : il vit en société, enprésence de ses semblables.

Les relations avec autrui sont fondamentales :l’humanité de l’homme en dépend.

Arendt remarque qu’en latin, le verbe « vivere » (vivre)et l’expression « inter homines esse » (être parmi leshommes) sont synonymes.

Toute vie humaine est sociale.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 3: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Vivre en société =

échanger à

plusieurs niveaux

L’échange de

femmes

La prohibition de

l’inceste

L’échange de

biens et de

services

La division du

travail

La paroleLa possession du

langage

Qu’est-ce qu’une société ?

Cf. Claude Lévi-Strauss : « Une société est faite d’individus et degroupes qui communiquent entre eux. (…) Dans toute société, lacommunication s’opère au moins à trois niveaux : communication defemmes ; communication des biens et des services ; communication desmessages. »

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 4: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Problématisation

Constat banal : la politique concerne tout le monde,

mais tout le monde ne fait pas de politique.

◦ La politique est devenue un métier comme les

autres, qui découle de la division du travail, et

suppose des compétences particulières.

◦ Les démocraties modernes reposent sur le principe

de la représentation. Les gouvernants élus exercent le

pouvoir et décident pour les gouvernés.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 5: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

→ Il y a donc une ambiguïté propre à la politique. Si on

considère la finalité de la politique, elle est l’affaire de

tous, car, puisqu’elle vise à organiser la vie collective,

tous les citoyens sont concernés. Mais, dans la pratique,

la politique n’est l’affaire que d’une minorité : celle qui

est investie du pouvoir.

Mais :

• Faire de la politique un métier, et donc l’affaire d’uneminorité, n’est-ce pas une menace pour la liberté descitoyens ?

• Qui est compétent en matière politique ? Faut-il se fier àune élite ? Ou faut-il laisser décider le peuple ?

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 6: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Les enjeux de la question

→ Qui doit donc gouverner ?

On est face à un dilemme.

Soit on laisse décider les professionnels de la politique,car ils sont compétents ; mais c’est une menace pour laliberté des citoyens.

Soit on laisse décider le peuple ; mais, d’une part, onprend le risque de prendre les mauvaises décisions ;d’autre part, les individus sont trop nombreux : enlaissant intervenir tout le monde, on prend le risque decréer du désordre.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 7: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

→ La démocratie est-elle le meilleur des régimes ?

Paradoxe : la démocratie est autant louée que redoutée.

Tantôt on constate avec effroi l’apathie politique des

citoyens et on dénonce l’abstention. Tantôt on dénigre

le vote populaire, sous prétexte que le peuple n’est pas

compétent.

Exemple : le débat autour du référendum sur le traité

constitutionnel européen en 2005. Le 29 mai 2005, le traité

est rejeté par une large majorité d’électeurs (presque 55%),

avec une bonne participation (presque 70%). Mais, sous une

forme modifiée (le traité de Lisbonne), il est finalement ratifié

en 2008 par le Parlement.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 8: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

a) L’homme comme « animal politique »

Cf. Aristote, Politiques, I.

• La cité (polis) « fait partie des choses naturelles ».Elle est l’aboutissement d’un processus spontané.Les hommes s’assemblent pour satisfaire leursdifférents besoins : ils forment des foyers, puis desvillages, enfin une cité.

→ Selon Aristote, il y a une sociabilité naturelle del’homme. Ce postulat sera remis en cause àl’époque moderne (cf. Hobbes).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 9: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• L’homme est un être naturellement politique : celaveut dire que c’est dans sa nature de vivre dansune cité. Il est prédisposé à le faire. En vivant ainsi,il accomplit sa nature, ce pour quoi il est fait, etaccède ainsi à la vie heureuse.

→ Deux arguments en faveur de cette thèse :

1) Un homme qui vit en dehors de la cité n’est pasun homme : il est soit un dieu, c’est-à-dire un êtreparfait, capable de vivre en autarcie, soit un animalqui cherche à satisfaire ses besoins par tous lesmoyens.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 10: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

2) L’homme est prédisposé à la vie politique, car,

contrairement aux autres animaux, il possède le

langage (logos). Cet argument repose sur le

raisonnement suivant :

1. La nature ne fait rien en vain (postulat finaliste).

2. L’homme est le seul animal qui parle (constat).

3. Donc l’homme est un animal politique (zoon

politikon).

→Objection : les animaux aussi parlent.

→Réponse d’Aristote : il faut distinguer la voix

(phone) et le langage (logos).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 11: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• La voix est un simple moyen d’expression et decommunication des affects : « signe du douloureuxet de l’agréable ».

• Le langage ne se réduit pas à l’émission de sons.Il est l’expression d’une pensée, et fait doncintervenir des concepts : « l’avantageux et lenuisible », « le juste et l’injuste », « le bien et lemal ».

→ La cité est une communauté politique : elle n’est pas

fondée seulement sur les intérêts économiques des

individus ; elle repose aussi sur des valeurs communes.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 12: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

b) L’idée de politique chez les démocratesathéniens.

La politique n’est pas une activité comme lesautres.

On se méfie de la professionnalisation de la politique.

Selon Thucydide, « les cités sont mieux gouvernées par

les gens ordinaires ».

Chaque citoyen, quelle que soit son origine sociale, quel

que soit son métier, peut exprimer son opinion.

Cf. Platon, Protagoras.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 13: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

→ Les démocrates athéniens (dont Protagoras)refusent d’assimiler la politique à une technique.

o La technique (technè) désigne l’ensemble des moyensinventés par l’homme pour transformer la nature etsatisfaire ainsi ses besoins. Elle permet de produire desbiens matériels. Elle suppose une compétence, unsavoir-faire spécifique.

o La politique ne concerne pas la production, mais« l’administration de la cité ». Il faut décider en vue dubien commun. Pour cela, aucune compétence n’estrequise : chaque citoyen peut juger, et donc intervenirdans le débat public.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 14: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Les citoyens sont considérés comme des égauxinterchangeables.

Cf. Jean-Pierre Vernant, Les origines de la penséegrecque (1962).

L’égalité se décline à plusieurs niveaux :

Egalité devant la loi.

Egalité dans la prise de parole à l’assemblée(isegoria).

Egalité dans l’exercice du pouvoir (isonomia).

Egalité des chances pour accéder à une charge(tirage au sort).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 15: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Violence Parole«outil politique par excellence »

(Vernant)

Domination(relations verticales)

Liberté(relations horizontales)

InégalitéÉgalitésur le planjuridique et politique

Communauté archaïque= pré-politique.

Communauté politique = la cité (polis)

L’invention de la politique chez les Grecs

Page 16: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

La politique est l’affaire de tous les citoyens, mais

elle n’est pas l’affaire de tous les hommes.

Pour faire de la politique, il faut du temps libre, et doncdu loisir (scholè). Il faut être libéré du fardeau dutravail.

L’institution de l’esclavage est donc nécessaire pour lebon fonctionnement de la démocratie : elle permet auxcitoyens de se consacrer pleinement aux affaires de lacité.

La liberté des uns n’est donc possible que grâce àl’esclavage des autres.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 17: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Le Conseil des Cinq

cents (Boulè)

500 bouleutes préparentles lois, conseillentl’assemblée.

L

L’Assemblée (Ecclésia)

6000 citoyens présentsvotent les lois, votent laguerre, l’ostracisme.

Le tribunal del’Héliée

600 héliastes rendent lajustice.

Les magistratures

700 magistrats, dont600 tirés au sort, fontappliquer les lois.

Tirage au sort Tirage au sort

Tirage au sort et élection

La cité comporte entre 250 000 et 300 000 habitants, dont 30 000 seulementenviron sont citoyens. Les femmes, les enfants, les métèques, et les esclaves nebénéficient pas du statut de citoyen.

Il y a une rotation despostes. Le mandat desmagistrats tirés au sortne dure qu’un an.On a recours à l’électionseulement lorsque ilfaut des compétencesspéciales.

Chaque citoyen estfamilier avec lesaffaires publiques, et aune expérience del’exercice du pouvoir.70% des citoyens deplus de trente ans ontété bouleutes une foisdans leur vie.

Page 18: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Démocratie antique Démocratie moderne

Démocratie directe Démocratie indirecte

Participation Représentation

Egalité des citoyens Inégalité des citoyens

Tirage au sort / élection Election

Inégalité naturelle des hommes(institution de l’esclavage)

Egalité juridique des hommes(respect des droits de l’homme)

Valorisation de la politique Valorisation du travail

Page 19: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

a) La thèse des philosophes-rois

Cf. Platon : « Tant que les philosophes ne serontpas rois dans les cités, ou que ceux qu’on appelleaujourd’hui rois et souverains ne seront pasvraiment et sérieusement philosophes ; tant que lapuissance politique et la philosophie ne serencontreront pas dans le même sujet (…) ; il n’yaura de cesse, mon cher Glaucon, aux maux descités, ni, ce me semble, à ceux du genre humain »(République, V, 473a).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 20: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

→ Paradoxe : la philosophie et la démocratieentretiennent, dès l’origine, des rapportsconflictuels.

Platon est contre la démocratie.

Cette position s’explique par des élémentsbiographiques (la mort de Socrate). Mais ellerepose aussi sur des arguments théoriques :

1. La parole peut devenir un instrument de pouvoir.

2. La politique est affaire de compétence.

3. La cité juste est celle où chacun est à sa place, etréalise la fonction qui lui est propre.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 21: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

La cité idéale selon Platon

Raison (nous)

Cœur (thumos)

Désir(epithumia)

Les trois classes de la cité Les trois parties de l’âme

Page 22: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

b) Les avantages de la représentationpolitique

Cf. Bernard Manin, Principes du gouvernementreprésentatif (1995).

Nous identifions aujourd’hui « démocratie » et« gouvernement représentatif », mais nous avonsoublié l’origine historique de ce dernier : sesinventeurs étaient des antidémocrates !

Exemples : James Madison (1751-1836), Sieyès(1748-1836).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 23: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• Plusieurs arguments sont avancés en faveur du« gouvernement représentatif » (et contre ladémocratie) :

1. L’argument démographique : la représentationest une nécessité pratique qui découle de« l’impossibilité matérielle de rassembler lescitoyens dans de grand États ».

2. L’argument de la sagesse des représentants : lareprésentation est non seulement nécessaire,mais légitime, car elle sert « le véritable intérêtdu pays » et bénéficie donc au peuple.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 24: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

3. L’argument de la division du travail : lareprésentation est enfin bénéfique, d’un point devue économique. Puisque le peuple a desreprésentants qui s’occupent de la politique à saplace, il peut davantage travailler, et ainsiaccroître la production des richesses.

→ Conclusion : le « gouvernement représentatif »rendu nécessaire par la taille des États modernesest donc à la fois plus juste et plus efficace. Grâceà la représentation politique, la société devrait êtremieux gouvernée, et plus prospère.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 25: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• De la Cité antique à l’État moderne, le rapport à lapolitique change : la politique n’est plus l’activiténoble par excellence ; elle devient un fardeau dontil faut se débarrasser.

Une nouvelle conception de l’homme voit le jour :celui-ci n’est plus un « animal politique », mais unêtre économique, qui travaille et échange.

Cf. Adam Smith : ce qui définit l’homme, et ledistingue des animaux, c’est moins la raison ou lelangage qu’un « penchant naturel à trafiquer » (Larichesse des nations, 1776).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 26: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

a) Quelques arguments en faveur de lasouveraineté populaire.

Cf. Aristote, Politiques, III, 11.

Aristote est favorable à ce que le peuple exerce lepouvoir. Et pourtant, comme Platon, il critique la« démocratie »: à ses yeux, c’est le règne de lamajorité sur la minorité, la domination des pluspauvres sur les plus riches. En fait, il fautdistinguer deux formes de démocratie : uneforme droite et une forme pervertie.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 27: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Pouvoir exercé par

Un seul Quelques-uns La masse

Pour tous Royauté AristocratieGouvernement constitutionnel

(politeia)

Pour soi-même Tyrannie Oligarchie Démocratie

La classification des régimesselon Aristote

Page 28: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Donner le pouvoir à la masse n’est pas sans risque,mais cela a aussi des avantages selon Aristote.

La masse est, en fait, compétente pour prendre desdécisions politiques.

1. Son jugement est supérieur à celui de l’élite. Siles individus pris un à un peuvent se tromper, lepeuple pris dans son ensemble est le plus apteà prendre les bonnes décisions, car son aviscontient une pluralité de points de vue. Tousréunis, les citoyens « possèdent une justeperception des choses ».

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 29: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Cet argument se retrouve chez des auteurs ultérieurs,favorables à la démocratie. Deux exemples :

→ Machiavel : « Quant à la prudence et à la stabilité, je dis qu’unpeuple est plus prudent, plus stable et plus avisé qu’un prince. (…)Quant à juger les choses, il est très rare que le peuple, quand ilentend deux orateurs d’égale vertu qui prennent des voiesdivergentes, n’embrasse pas l’opinion la meilleure » (Discours sur lapremière décade de Tite-Live, I, 58).

→ Spinoza : « Dans un régime démocratique, tout particulièrement,les décisions absurdes ne sont pas fort à redouter : il est presqueimpossible que la majorité des hommes, au sein d’un groupe unconsidérable, se mettent d’accord sur une absurdité » (Traitéthéologico-politique, XVI).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 30: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

2. Les citoyens, à défaut d’être des spécialistes, ontaussi un savoir d’usage. Ils peuvent évaluer dansleur vie quotidienne l’impact de la politique quiest menée. Selon Aristote, la politique fait partiedes arts qui doivent être jugés, non par leproducteur, mais par l’usager : « dans le cas dufestin c’est le convive et non le cuisinier quijugera le mieux ».

Les citoyens ont donc une connaissance de« terrain » que n’a pas nécessairement l’élite quifait la politique sans en percevoir les effets.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 31: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

3. Enfin, la participation de tous à l’exercice dupouvoir est d’autant plus souhaitable qu’ellefavorise l’intégration des individus au sein de lacité, et contribue donc au maintien du lien social.Les citoyens, auxquels on refuse le droit departiciper à la vie publique, pourraient devenirdes « ennemis », à l’intérieur de la cité, car ils sesentent exclus. Une guerre civile pourrait doncéclater.

→ Donner le pouvoir à la masse est donc doublementbénéfique : on gagne en rationalité (dans le jugement)et en sécurité (du point de vue de l’ordre).

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 32: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

b) Le despotisme doux des démocratiesmodernes

Cf. Tocqueville, De la démocratie en Amérique(1835-1840).

• Dans les démocraties modernes, les individus onttort de valoriser la vie économique au détriment dela vie politique. En se préoccupant seulement deleurs intérêts matériels, ils délaissent leurs devoirspolitiques, et perdent alors leur liberté.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 33: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• Tocqueville dénonce le déclin de la vertu civiquedans les sociétés modernes, et le péril de lareprésentation.

Il n’y a pas de liberté sans exercice de lacitoyenneté et participation politique. L’hommemoderne, qui se désintéresse de la chose publique,est un esclave qui s’ignore, puisqu’il obéit à deslois établies par d’autres.

→ Cf. Rousseau, Du contrat social, III, 15 : « Pour vous,peuples modernes, vous n’avez point d’esclaves, maisvous l’êtes (…). À l’instant qu’un Peuple se donne desreprésentants, il n’est plus libre ; il n’est plus ».

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 34: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• Le déclin de la vertu civique est la conséquence de

l’individualisme. Pour Tocqueville, il s’agit d’unphénomène nouveau dans l’histoire, qui est propreaux sociétés démocratiques modernes.

Les individus vivent repliés sur eux-mêmes, n’ontplus le sentiment d’appartenir à une communauté.Ils vivent isolés, séparés les uns des autres, chacunrecherchant de son côté son bonheur personnel.Par calcul d’intérêt, ils refusent de participer à uneaction collective : ils se désengagent ainsi de la viepublique.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 35: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

L’EGOÏSME est L’INDIVIDUALISME est

Une tendance naturelle Un phénomène culturel

Présente chez tous les hommes Propre aux sociétés modernes

Qui « naît d’un instinct aveugle » Qui « procède d’un jugement erroné »

Les conséquences sont seulement morales

Les conséquences sont d’abord politiques

On ne pense plus aux autres On ne participe plus à la vie publique

Page 36: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

• Si la démocratie est bien le « gouvernement du peuple, parle peuple, pour le peuple », pour reprendre la célèbre formulede Lincoln, notre régime actuel est, pour dire le moins, malnommé. Comme le remarque Bernard Manin, c’est un régimemixte, à la fois démocratique et aristocratique.

Démocratique, du fait du suffrage universel et de l’affirmationde la souveraineté du peuple.

Aristocratique, du fait de l’élection qui donne le pouvoir à uneminorité supposée compétente pour diriger l’État.

• Or, la dimension aristocratique de notre régime n’est querarement soulignée.

1) Elle témoigne d’une hésitation. Certes, en dernièreinstance, c’est le peuple qui doit décider. Mais, d’un autrecôté, est-il capable de prendre les bonnes décisions?

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 37: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

2) Elle comporte surtout un danger. La délégation dupouvoir est aussi une dépossession. La division entregouvernants et gouvernés est une menace pour la liberté.

→ Cf. Paul Ricoeur : « Toujours le souverain tend à escroquer lasouveraineté ; c’est le mal politique essentiel. Aucun Étatn’existe sans un gouvernement, une administration, une police :aussi ce phénomène de l’aliénation politique traverse-t-il tousles régimes, à travers toutes les formes constitutionnelles ».

• Une nouvelle question se pose désormais : si le mal résidedans la division de la société entre gouvernants et gouvernés,peut-on concevoir une société au sein de laquelle une telledivision n’existe pas ? Une société qui s’autogouverne est-elle possible ? En d’autres termes, peut-on concevoir unesociété sans État ?

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015

Page 38: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Faut-il donner le pouvoir aux citoyens ordinaires ?

Frank Capra, Monsieur Smith au Sénat, 1939.

Page 39: La politique est-elle l'affaire de tous ? (G.Gay-Para)

Moses I. Finley, Démocratie antique et démocratie moderne(1972), Petite Bibliothèque Payot, 2003.

Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif,Flammarion « Champs », 1995.

Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentationdémocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nosjours, éditions La découverte, 2011.

Mathias Roux, J’ai demandé un rapport. La politique est-elleune affaire d’experts ?, Flammarion, « Antidote », 2011.

David Van Reybrouck, Contre les élections, Actes Sud, « Babelessai », 2014.

GGP, Lycée Ella Fitzgerald, 2014-2015