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Climat4

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Le piètre bulletin climatique de la Belgique. Que font les ménages ?

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Page 1: Climat4

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Le Soir Mardi 12 novembre 2013

5LE BULLETIN CLIMATIQUE

Privilégier le frais et les produits locaux« On ne mange presque jamais de produits préparés. Cela arrive, mais c’est vraiment trèsrare », explique Martine. Les Spira vont parfois au marché mais ce n’est pas systéma-tique. En général, ils achètent leurs produits de base à la boulangerie ou à la boucheriedu coin. Et le reste, en grande surface. Le jour de notre visite, Emilie venait de préparerdes madeleines. « On fait souvent des soupes, des gâteaux ou des cakes nous-mêmes »,explique la jeune fille. Cette préoccupation rejoint celle de nombreux Belges. Trois per-

sonnes sur quatre disent en effet acheter des légumes et des fruits de saison et 4 sur 10 achètentsurtout des produits locaux. Dans ce domaine, les ménages s’estiment toujours trop peu informés.Selon une enquête de Test Achats, 48 % des consommateurs veulent savoir si le produit d’origineest belge, 45 % voudraient pouvoir mieux évaluer l’empreinte écologique de leurs achats.Chez les Spira, on essaie aussi de limiter la viande : des portions quotidiennes de moins de 100

grammes par personne et deux repas végéta-riens par semaine. Pile-poil la quantité recom-mandée par les autorités sanitaires. Mais laconsommation moyenne en Belgique reste biensupérieure : 247 grammes par jour, note leBureau du Plan qui a mis la consommation deviande parmi ses « indicateurs phares » dudéveloppement durable. Une consommationexcessive de viande est un problème sanitaire.Et un problème environnemental (productionde gaz à effet de serre).Un potager ? La famille Spira n’en a pas letemps. Mais elle profite des légumes du pota-ger des grands-parents : courgettes, salades,tomates, pommes… « Le week-end, on essaied’accommoder les restes pour éviter le gaspillage,précise Michaël. Mais ce n’est pas toujours évi-table. »

S’ALIMENTER

Seconde main et achat groupéLivres, vêtements, vélos pour les enfants… les achats deseconde main ont la cote chez Spira. Les membres de lafamille se rendent parfois dans une brocante permanenteet donnent leurs propres objets à revendre en secondemain. Pendant longtemps, Martine a roulé avec une voi-ture d’occasion mais, depuis 2008, elle en a une neuve.

« Question de confort, mais j’ai eu une prime énergétique car le nouveau véhi-cule consomme moins que le précédent. » Si les Spira achètent du neuf, ilsessaient d’acheter belge : c’est le cas des vélos des parents et de leurmatelas. Les achats groupés font aussi partie du paysage : « Il y a un grou-pement d’achat collectif solidaire à Nivelles. On passe par là ponctuellement,lorsque des produits nous intéressent, comme le vin par exemple. »Les nouveaux modes de consommation attirent de plus en plus, confirmeAnn Wulf (Ecosonso). En témoigne le succès des associations qui orga-nisent la récupération (souvent des entreprises d’économie sociale), maisaussi des brocantes, des initiatives de troc comme les « gratiferia », de laconsommation collaborative, du prêt de matériel, des services d’échangeslocaux ou du partage d’automobiles. Ici aussi on navigue à contre-courantdu modèle classique ; mais il apparaît à un nombre croissant de gens qu’iln’est souvent pas nécessaire d’acheter du neuf, qu’il n’est pas indispen-sable de posséder, surtout lorsqu’il s’agit d’outils dont on se sert finale-ment très peu (6 minutes par an en moyenne pour une foreuse…). Danscette « économie de la fonctionnalité », on n’achèterait désormais plus unbien, mais on achète l’usage de ce bien pour un temps déterminé. Autantd’économies. Pour le consommateur comme pour l’environnement.

CONSOMMER

Une épargne très classiqueLes Spira placent leurs économies sur descomptes d’épargne. « Le taux n’est pas trèsefficace, mais nous n’avons jamais pris le tempsde nous renseigner pour avoir autre chose »,détaille Michaël. Son épouse ajoute : « Par

contre, au salon Valériane, nous étions tombés sur lestand de Triodos et les arguments nous avaient vraimentinterpellés. Mais ce n’est pas pour autant que nousavons changé. » La famille a aussi une épargne-pen-sion déductible fiscalement. Michaël a juste investiune petite somme en sicav.Un placement financier n’est pas l’autre. Or l’épar-gnant ignore généralement ce que l’on fait de sonargent placé sur un compte, dans une sicav, uneassurance-vie ou une épargne-pension. A y regarderde près cependant, l’affaire n’est pas sans intérêt. Etl’on ne parle pas seulement de celui qui tombe en finde mois. Notre argent peut ainsi servir à des investis-sements néfastes pour l’environnement ou pour le

développement durable (énergies polluantes, activi-tés néfastes pour le milieu, spéculation alimentaire,soutien à des entreprises non socialement respon-sable…). Voilà qui accroît considérablement notreempreinte carbone. Inversement, cette épargne peutsoutenir des projets, des entreprises qui contribuentà réduire les émissions de CO2, soutenir une agricul-ture respectueuse de l’environnement, financer ledéveloppement d’énergies renouvelables, soutenirdes activités dans les pays en développement.Tout cela intéresse-t-il les Belges ? Leur épargnereste massivement logée dans des institutions et desoutils « classiques ». Mais plus de 43.000 coopéra-teurs et 101 organisations ont récemment apportéleur soutien à la création de New B, une nouvellebanque dont l’un des engagements est d’exclure« tout produit ou projet nuisible à l’environnement et àla société ».

PLACER SON ARGENT

En voiture et à piedChacun son moyen de transport, chez les

Spira : « Les enfants ont la chance de pouvoiraller à l’école à pied, 8 fois sur 10, raconte Mar-

tine. Nous essayons aussi de faire nos petitescourses en ville à pied, d’autant plus que noushabitons dans le centre. Mais pour le travail, mon

mari et moi sommes forcés de prendre la voiture. J’ai la mienne etlui utilise sa voiture de société. » Les transports en commun, ils y

ont pensé, mais la perte de temps serait trop importante :

35-40 minutes en voiture contre 1h30 en transport en commun

pour Michaël, par exemple. Et le vélo ? Réservé aux balades du

dimanche et aux vacances. « Dans la circulation, je trouve cela unpeu dangereux », précise la mère de famille. Pour les vacances,

les Spira optent majoritairement pour la voiture parce qu’ils

aiment rayonner à partir de leur endroit de location.

Pour les trajets entre son domicile et son lieu de travail, le

Belge est, en Europe, le plus gros « navetteur automobile ».

Idem pour les courses (60 % utilisent la voiture pour faire des

achats en ville contre 16 % à pied, 11 % en bus, 6 % à vélo et

2 % en train). Pour les achats en périphérie, dans un centre

commercial, 83 % des Belges utilisent la voiture. Outre l’omni-

présence de la voiture de société, « c’est à la fois le résultat desinfrastructures développées depuis l’après-guerre et d’un aménage-ment du territoire qui ont mis la priorité sur la route, indique un

cadre d’une administration de l’environnement. Difficile derevenir en arrière compte tenu des conservatismes et qu’il règneencore chez une série d’acteurs économiques l’idée que la voitureest le sang de l’économie ». Un cercle vicieux qui explique no-

tamment la frilosité à investir massivement dans le rail. Diffi-

cile cependant de poursuivre dans cette voie. Avec la conges-

tion qui atteint des sommets et les prix de l’énergie qui ne

cesseront de croître, le réveil sera brutal. Un frémissement

déjà ? En Région bruxelloise, les déplacements courts se font

désormais plus à pied qu’en voiture, il y a de plus en plus de

cyclistes et le service Cambio d’autos partagées compte près

de 10.000 clients. En Wallonie, l‘idée d’une autre mobilité fait

également son chemin chez certains.

SE DÉPLACER

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Le Soir Mardi 12 novembre 2013

4 LE BULLETIN CLIMATIQUE

VOUS

Changer quelques habi-tudes a un impact posi-tif pour l’environne-ment, pour la santé etpour le portefeuille.

Sans affecter le confort et la qua-lité de vie. Et si beaucoup s’ymettent, les bénéfices seront trèsimportants. Si ce n’est pas par al-truisme, pourquoi ne pas le fairepour alléger la facture ou se sen-tir en meilleure forme ?

Voilà pour la théorie, rabâchéepar des campagnes d’informa-tions. Ça marche ? Moyenne-ment, si l’on en croit les études etles chiffres. Depuis le tempsqu’on lui parle du changementclimatique et de la hausse desprix de l’énergie, de l’impact né-gatif des gaspillages et de l’obses-sion de surconsommer, le Belgeest loin d’avoir modifié radicale-ment son comportement. Cer-tains perçoivent tout de mêmedes frémissements. La familleSpira que nous avons rencontréeà Nivelles n’est pas un exemplereprésentatif. Mais commed’autres, elle se pose des ques-tions. Elle change.

Evolutions, contradictionsSi le Belge évolue, toute

contradiction n’a pas disparu :« On va payer une caution pourun gobelet recyclable dans un fes-tival de musique, mais on vaprendre l’avion à 50 euros pourassister à un concert celtique àDublin », lâche un syndicaliste.« Les sondages montrent un re-cul généralisé des préoccupationsstrictement environnementaleset une fuite-refuge dans l’indivi-dualisme, soulève Ann Wulf(Ecoconso). Mais en mêmetemps, des initiatives de transi-tion se multiplient. » La transi-tion vers une société plus sobreet plus solidaire. Un mythe ?« On a tendance à penser que lesgens ne sont pas ambitieux, ditGwendoline Viatour (WWF).Nous pensons au contraire qu’il ya une prise de conscience. »

« Les gens sont peut-être unpeu plus conscients qu’il y a vingtans. Mais ils n’ont pas dramati-quement changé leurs comporte-ments de consommation, nuancePierre Ozer, chargé de rechercheen environnement à l’ULg. Lescampagnes d’information n’ontqu’un impact limité. Chassez lenaturel, il revient au galop. » Lesinitiatives de citoyens mobili-sés ? « Pas plus de 8 à 9 % de lapopulation. » Un autre cher-cheur : « Nous vivons toujoursdans un monde où les gens quin’ont rien aspirent d’abord à pos-séder avant de partager. »

Deux choses avérées : de plusen plus de gens s’interrogent etaspirent à des changements.Mais pour que ce mouvementcontamine la population, il fau-dra davantage que des cam-pagnes d’informations et que des« carottes ». Des mesures poli-tiques s’imposeront. ■

ANN-CHARLOTTE BERSIPONTet MICHEL DE MUELENAERE

Se loger,manger,

se déplacer,consommerautrement…Des Belges

s’interrogent.Des groupes

se mobilisent.La crise est

passée par là.

Audit énergétique en vueLa famille Spira loge dans une maisondepuis 15 ans, à Nivelles. « Nous avonsrefait toute l’isolation du toit il y a quatre ans,car il faisait vraiment très froid dans le gre-nier. Et nous avons souhaité rentabiliser cet

espace en chambre d’ami », explique Michaël. Selonune enquête de Test Achats, 40 % des Belges se-raient dans ce cas. Bien vu : entre une maison malisolée et une maison « basse énergie », les dépensesde chauffage sont divisées par deux. Et il y a encorede la marge. La consommation d’énergie par m2 dusecteur résidentiel belge est à plus de 70 % supé-rieure à la moyenne européenne. Une étude dubureau de consultant McKinsey a montré qu’il estencore possible de réduire de moitié la consomma-tion à l’horizon 2030. Tant à Bruxelles qu’en Wallo-nie, on en fait beaucoup trop peu, jugent tous lesexperts. Mathieu Sonck, secrétaire général d’InterEnvironnement Bruxelles : « Il faut un plan à l’échellerégionale visant à rénover tous les logements et singu-lièrement les logements locatifs très importants. Pourcela, il faut mettre des grosses sommes sur la table etcibler les plus pauvres. » Encore faudra-t-il, tant dansla capitale qu’en Wallonie, simplifier les procédureset accélérer le mouvement.Les gestes qui sauvent ? Double vitrage (37 % desBelges l’ont fait), vannes thermostatiques et chau-dière à condensation. Comme 45 % des Belges, les

Spira y sont passés : récemment, ils ont remplacé

leur vieille chaudière âgée de 25 ans.

Nos Nivellois avaient aussi commencé les dé-

marches pour poser des panneaux photovoltaïques,

mais celles-ci n’ont pas abouti : « Nous n’avons pasune grande surface de toiture et la maison n’est pasbien orientée. Nous n’avons pas pris le temps d’appro-fondir la question et nous avons préféré investir dansl’isolation. » Michaël pense réaliser un audit énergé-

tique, notamment pour améliorer l’isolation des

châssis et du sol.

SE LOGER

Ne pas acheter trop viteLes Spira mettent un point d’honneur à utiliserleurs appareils le plus longtemps possible.« Nous avons acheté une nouvelle télévision il y adeux ans, mais nous avons gardé l’anciennejusqu’au bout, même si les couleurs n’étaient plus

terribles. » Lorsqu’ils achètent, ils sont attentifs à la consom-mation énergétique, par exemple, celle du frigo, acquis récem-ment. Il y a un ordinateur familial, pas plus. « On essaie derésister à la tentation, on ne veut pas être débordés d’écrans. Pournous, c’est important de maintenir des contacts sociaux chaleu-reux dans la famille. » Maxime a récupéré un vieux GSM etEmilie en a eu un neuf parce qu’elle entrait en secondaire.Pour un nombre croissant de Belges (50 % environ), laconsommation énergétique est un critère important dansl’achat d’électroménager. La Belgique arrive 3e (sur 23) dans leclassement des pays européens pour l’achat de produits label-lisés A++ et A+++. Le prix de l’électricité est clairement encause. On est en revanche moins regardant quand il s’agit demultimédia et de matériel high-tech.Comme les Spira, une partie croissante de la population réflé-chit à deux fois avant de se jeter sur le dernier équipement àla mode (télé, GSM, ordinateur, électro…) alors que l’ancienfonctionne correctement ou peut être réparé. Il s’agit encored’une tendance marginale – parfois motivée par le manque demoyens – et agir de la sorte va à contre-courant des messagesenvoyés par la publicité et les médias oublieux de leur respon-sabilité sociale. Mais le message progresse, en témoigne no-tamment le succès des Repair Café où l’on peut redonner unenouvelle vie à des engins qu’on aurait naguère jetés.

S’ÉQUIPER

ABCDEF

Un panier de fruits et légumes bio par semaineMartine explique que depuis près d’un an, elle passe par une coopérative d’achats

groupés pour se procurer ses fruits et légumes. « Cela fonctionne très bien, je faiscela en moyenne une fois par semaine. » « On peut choisir d’avoir un panier soit defruits, soit de légumes, ou un mélange des deux », précise Emilie. Son père renché-

rit : « Nous essayons d’acheter bio pour tout ce qui est lait, jus de fruits ou purée detomates. Dans la mesure du possible bien sûr. » La famille Spira essaie donc d’être

attentive au bio, surtout pour les produits frais ou basiques. Mais cela n’est pas envisa-

geable pour la totalité des aliments. Le liquide vaisselle est, par contre, toujours labellisé

écologique.

Les achats bio progressent fortement en Belgique, l’exemple de la famille Spira n’en est

qu’un énième exemple. Logiquement – l’une des premières préoccupations des Belges est

leur santé –, c’est surtout dans le domaine alimentaire que cette tendance se marque.

Soixante pour cent des ventes de l’alimentation bio se font aujourd’hui via la grande distri-

bution, mais les coopératives, la vente chez les producteurs, les groupements d’achats qui

proposent des « paniers bio » connaissent de plus en plus de succès, souligne-t-on à l’ASBL

Ecoconso. Résultat : depuis 1987, les terres consacrées à l’agriculture biologique ont vu

leurs surfaces multipliées par presque soixante. Reste un souci : pour deux Belges sur trois

interrogés par Test Achats en 2012, les produits bio restent trop chers. Une enquête réali-

sée en Allemagne a effectivement montré que les consommateurs payent en moyenne

30 % plus cher, dit-on chez Nature et Progrès. Mais que leur budget alimentation est de

8 % moins élevé que celui des autres consommateurs. Moins de gaspillage, plus de ma-

tière sèche, plus de goût… Au moment de comparer, il est bon de savoir ce qu’il y a der-

rière l’étiquette tant en termes de respect de l’environnement que de la santé.

ACHETER BIO

La famille Spira aaccepté de nousouvrir les portes desa maison et deréfléchir sur samanière deconsommer : ali-mentation, trans-ports, bio, loge-ment... Tout a étépassé au cribledans le salond’Emilie, Michaël,Martine etMaxime. © THOMAS

BLAIRON

Ces petits gestes qui ouvrent la porte au changement