1
Faut-il prescrire des examens complementaires devant une asthenie persistante isolee ? p. CATHEBRAS*, A. MAZUY*, C. SANSON*, H. ROUSSET* Devant une asthenie persistante isolee, la question• est souvent posee & I'interniste de la signification strictement psychogene de la plainte. Quelle est I'utilit6 du bilan complementaire dans ce cadre ? Une etude prospective concernant des patients adresses pour asthenie isolee durant plus d'un mois, et invalidante par ses repercussions sociales et professionnelles a ete realisee : 20 patients ont ete etudies (~ge moyen 37,6 4- 11 ans) avec une duree du sympteme en moyenne de 18,5 mois (extremes ,d'un mois ~ 10 ans). Les examens mis en oeuvre etaient les suivants : - - reponse ~ un questionnaire original sur les conditions et habitudes de vie, les symptemes fonction- nels, auto-evaluation de la depression et de I'anxiete, perception de la cause de la fatigue ; -- bilan systematique radiologique et surtout biologique en 25 points cherchant ~ mettre en evidence un syndrome inflammatoire, un desordre immunologique, une perturbation metabolique ou endocri- nienne, une infection virale recente ou persistante ; -- un entretien psychiatrique. Les resultats sont les suivants : - - un evenement de type infectieux a inaugure 9 fois (45 %) la periode d'asthenie et 7 lois (35 %) les crit~res du syndrome de fatigue chronique 6taient remplis ; -- des facteurs objectifs de stress ou d'epuisement ont ete retrouves 13 fois (65 % des cas) ; -- aucune donnee clinique nouvelle significative n'a ete raise en evidence. Aucune donnee biologique susceptible d'orienter vers une 6tiologie specifique n'a ete utile au diagnostic et au traitement (un seul cas correspond aux criteres serologiques d'infection persistante ~ EBV) ; -- sur le plan psychiatrique, seuls 2 patients (10 %) presentaient une depression majeure, alors que 5 (25 %) repondaient aux criteres DSM3 du trouble panique, 3 (15 %) de I'anxiete generalisee, 3 (15 %) de la somatisation ; - - la fatigue etait jugee ~{ incomprehensible >> par 12 patients (60 %), 7 (35 %) pensaient qu'il s'agissait d'un probleme {{ uniquement medical >~, 7 (35 %) accusaient le ~{surmenage >~ et 8 (40 %) une c{ infec- tion ~ ; Le rapport b~nefice/coQt d'une hospitalisation devant une asthenie prolongee est faible. Notre etude confirme la frequence des causes ~cinfectieuses ~ (bien qu'aucun argument clinique ou biologique simple ne puisse en faire la preuve definitive) et la frequence des troubles psycho-pathologi- ques (avec une importance plus significative des troubles anxieux que de la depression et de la somatisation). * Service de Medecine Interne, Hdpital Nord, Avenue A. Raimond, 42277 Saint-Priest-en-Jarez. 1990 - Tome XI Bulletin de la SNFMI N ° 23 $21

Faut-il prescrire des examens complémentaires devant une asthénie persistante isolée?

  • Upload
    h

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Faut-il prescrire des examens complementaires devant une asthenie persistante isolee ?

p. CATHEBRAS*, A. MAZUY*, C. SANSON*, H. ROUSSET*

Devant une asthenie persistante isolee, la question• est souvent posee & I'interniste de la signification strictement psychogene de la plainte.

Quelle est I'utilit6 du bilan complementaire dans ce cadre ?

Une etude prospective concernant des patients adresses pour asthenie isolee durant plus d'un mois, et invalidante par ses repercussions sociales et professionnelles a ete realisee : 20 patients ont ete etudies (~ge moyen 37,6 4- 11 ans) avec une duree du sympteme en moyenne de 18,5 mois (extremes

,d'un mois ~ 10 ans).

Les examens mis en oeuvre etaient les suivants :

- - reponse ~ un questionnaire original sur les conditions et habitudes de vie, les symptemes fonction- nels, auto-evaluation de la depression et de I'anxiete, perception de la cause de la fatigue ;

-- bilan systematique radiologique et surtout biologique en 25 points cherchant ~ mettre en evidence un syndrome inflammatoire, un desordre immunologique, une perturbation metabolique ou endocri- nienne, une infection virale recente ou persistante ;

-- un entretien psychiatrique.

Les resultats sont les suivants :

- - un evenement de type infectieux a inaugure 9 fois (45 %) la periode d'asthenie et 7 lois (35 %) les crit~res du syndrome de fatigue chronique 6taient remplis ;

-- des facteurs objectifs de stress ou d'epuisement ont ete retrouves 13 fois (65 % des cas) ; -- aucune donnee clinique nouvelle significative n'a ete raise en evidence. Aucune donnee biologique

susceptible d'orienter vers une 6tiologie specifique n'a ete utile au diagnostic et au traitement (un seul cas correspond aux criteres serologiques d'infection persistante ~ EBV) ;

-- sur le plan psychiatrique, seuls 2 patients (10 %) presentaient une depression majeure, alors que 5 (25 %) repondaient aux criteres DSM3 du trouble panique, 3 (15 %) de I'anxiete generalisee, 3 (15 %) de la somatisation ;

- - la fatigue etait jugee ~{ incomprehensible >> par 12 patients (60 %), 7 (35 %) pensaient qu'il s'agissait d'un probleme {{ uniquement medical >~, 7 (35 %) accusaient le ~{ surmenage >~ et 8 (40 %) une c{ infec- tion ~ ;

Le rapport b~nef ice /coQt d'une hospitalisation devant une asthenie prolongee est faible. Notre etude confirme la frequence des causes ~cinfectieuses ~ (bien qu'aucun argument clinique ou biologique simple ne puisse en faire la preuve definitive) et la frequence des troubles psycho-pathologi- ques (avec une importance plus significative des t roubles anxieux que de la depression et de la somatisation).

* Service de Medec ine Interne, Hdp i ta l Nord, Avenue A. Raimond, 4 2 2 7 7 Saint-Priest-en-Jarez.

1990 - Tome XI Bul let in de la SNFMI N ° 2 3 $21