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Nucléaire S’en sortir Depuis 1971 Automne 2011 / 3,20 N°167

La Baleine 167

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Nucléaire, s'en sortir

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NucléaireS’en sortir

Depuis 1971 Automne 2011 / 3,20 ! N°167

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Édito

Nucléaire!: arrêter avant qu’il soit trop tard Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima... bientôt Nogent-sur-Seine etses douze millions de Franciliens!?

Avec Internet, impossible de dissimuler tout à fait l’ampleur descontaminations subies au Japon et ailleurs. Quoi qu’il advienne à présent,le plus gros de la radioactivité ne disparaîtra pas mais, concentrée ou dis-persée, perdurera. Dans le sol, les eaux, c’est durant des siècles pour lecésium 137, des milliards d’années pour d’autres radioéléments, qu’il fau-dra la surveiller, comme le savent bien les Amis de la Terre en Limousinmaintenant que les mines d’uranium y sont fermées.

Condensé antidémocratique de périls écologiques, sanitaires, énergé-tiques, alimentaires, le nucléaire ne peut subsister que par le mensonge. En de-hors même des catastrophes, les centrales atomiques produisent chaque jourplus de radioactivité. Qui sait qu’il y en a bien davantage dans un réacteur élec-tronucléaire que dans une bombe atomique!? Ou que la vie n’a pu se déve-lopper sur Terre que quand la radioactivité naturelle avait suffisamment décru!?

C’est au nom de la justice sociale et environnementale que nousavons toujours rejeté un système nucléocratique foncièrement inégalitaire etdévastateur, au plan national et international. Technologie intrinsèquementguerrière et centralisatrice, axe structurant des politiques françaises depuisdes décennies, le nucléaire doit être combattu en soi, indépendamment dela lutte pour la transition énergétique et climatique. Mais il est vrai, égale-ment, que celle-ci restera pour l’essentiel impossible en France tant que lerecours au nucléaire persistera – car il s’oppose à toute réelle alternative.

Pour les Amis de la Terre, la perspective d’un référendum sérieux surle bourbier nucléaire n’est pas crédible en l’absence de levée du secret dé-fense, voire du secret commercial et industriel. Nous avons néanmoins co-signé l’appel du 17 mars 2011 “Nucléaire, nous voulons avoir le choix” carson texte – qui engage, espérons-le, les 67 associations, syndicats et par-tis politiques signataires – pose déjà, en tout état de cause, la nécessité dene plus dépasser trente ans d’exploitation pour les 58 réacteurs de l’Hexa-gone, ainsi que de cesser les exportations nucléaires françaises.

Nous soutenons aussi la proposition d’un tribunal Russell pour lescrimes du nucléaire civil, qui rejoignait l’idée de tribunal mondial que nous avionsavancée le 16 mars. Mais vu l’urgence et le nombre de promoteurs de l’atomeà juger, la question se pose au fond!: tribunal, ou amnistie générale en échanged’un renoncement immédiat à l’emploi de ces technologies mortifères!?

Aujourd’hui, les Amis de la Terre Japon appellent leur gouvernement àprendre la tête du mouvement planétaire de dénucléarisation civile et militaire.La France aussi est l’un des deux ou trois Etats les plus nucléarisés, et lesplus nucléarisants. Cessons de laisser faire en notre nom. Il est déjà tard, trèstard. Tâchons de sauver ce qui peut encore l’être. > MARTINE LAPLANTE

Présidente des Amis de la Terre France

Depuis 1971

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendantede tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premierréseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaientles campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.Nos sites internet • www.amisdelaterre.org • www.renovation-ecologique.org • www.ecolo-bois.org • www.produitspourlavie.org • www.prix-pinocchio.org • www.financeresponsable.orgContactez-nous Les Amis de la Terre - France • 2B, rue Jules-Ferry, 93100 Montreuil • 01 48 51 32 22 • [email protected]

Le Courrier de la Baleine n°167« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »Trimestriel • Automne 2011 • n°CCPAP : 0312 G 86222Direction de la publication Martine Laplante Comité de rédaction Sophie Chapelle, Philippe Collet, Laurent Hutinet, Lucile Pescadère, Caroline Prak Secrétariat derédaction Caroline Prak Dossier coordonné par Marie-Christine Gamberini et Laurent Hutinet Ont collaboré à ce numéro le Bureau fédéral des Amis de la Terre France,Sylvain Angerand, Stéphanie Cabantous, Maxime Combes, Benjamin Dessus, Alain Dordé, Marine Fabre, Meike Fink, Yves Lenoir, Martine Laplante, Philippe Mühlstein,Stéphane Lhomme, Romain Porcheron, Juliette Renaud, Juliette Rousseau, Thierry Salomon, Julie Solenne, Isabelle Taitt, Annie Thébaud-Mony, Christian Vélot Mise enpages Edwige Benoit Relations presse Caroline Prak (01 48 51 18 96) Impression sur papier recyclé Offset Cyclus 90g avec encres végétales • Stipa (01 48 18 20 50)

4 INTERNATIONAL> Sobriété énergétique

Un plan européen bien timide > Hommage à Helen Holder

5 > 7 FRANCE> Après Lézan S’unir, pour amorcer

la transition énergétique> Algues vertes Traiter au delà de la surface> MarcouleAccident nucléaire grandeur nature> Un rapport accablant Les banques

françaises, si peu citoyennes!!> Prix Pinocchio du développement

durable Les entreprises démasquées

8 RÉGIONS> Emissions de gaz à effet de serre

Ils veulent les enfouir dans le sol!!

9 TRIBUNE> Procès de Colmar

Le point de vue de Christian Vélot

10 > 21 DOSSIER NucléaireS’en sortir> Adopter une nouvelle stratégie

pour fermer des centrales> Urgence Remettre l’électricité à sa place> De Tchernobyl à Fukushima

Les germes amers de la désinformation> Fukushima Le Japon abandonne

sa population> Sortie du nucléaire et transition

écologique Nécessité et limites des scénarios énergétiques

> Installations dangereuses Pourquoi il faut arrêter le Tricastin

> Politiques alternatives L’Autriche vise l’indépendance énergétique

> Etats-Unis Catastrophes en chaîne> Décisions publiques Déni de démocratie> Risques industriels et sanitaires

Un statut pour les travailleurs du nucléaire

23 LE COIN DES LIVRES> Rencontre avec Marine Jobert, co-auteur

de Le vrai scandale des gaz de schiste.> Bas-Occident Une "ction sur le nucléaire

que l’actualité rend très plausible…

24 PRATIQUES/HUMEURS> Chantiers internationaux> Les casse-houille

Greenpride

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Un rassemblement inédit et prometteur ?C’est en tout cas ce qu’ont ressenti lesparticipants à la “convergence citoyennepour une transition énergétique”, qui s’esttenue les 26, 27, 28 août à Lézan, dansles Cévennes. Au programme de ces troisjours!: dialogues et débats sur les enjeuxactuels, ateliers, démonstrations d’alter-natives et animations festives. Basé surune réelle mobilisation, à l’écart des lo-giques politiciennes, étatiques et indus-trielles, ce rassemblement conçu à l’ini-tiative de collectifs contre les gaz et huilesde schiste, a reçu le renfort de plusieursorganisations et réseaux intervenant dansles domaines du nucléaire, de l’eau, desénergies alternatives, de la santé, contrele pillage du tiers-monde etc. et sur desthématiques plus transversales. On y anoté la présence de représentants dumouvement des Indignés, de collectifsanti-gaz de schiste de plusieurs pays eu-ropéens et de collectifs de luttes sur d’au-tres thématiques.

Organisée dans un délai très court, cetteconvergence visait à amplifier le mouve-ment né autour de deux évènements ma-jeurs qui reposent la question énergétiqueau niveau national comme mondial, et au-delà, celle de l’avenir de l’humanité : le lan-cement de la mobilisation contre l’exploita-tion des gaz de schiste en décembre 2010et le drame de Fukushima en mars dernier.

Contrôle citoyenRemettant en cause le système écono-mique productiviste dominant, la conver-gence a établi une feuille de route qui in-terpelle l’ensemble de la société fran-çaise : la Déclaration de Lézan. Adoptéele dimanche 28 août en assemblée plé-nière, elle insiste sur la nécessité de s’en-gager immédiatement pour une transitionénergétique. Elle met en avant la repriseen main des décisions qui concernent lapopulation par l’instauration du contrôlecitoyen sur des instances politiques sou-mises à la logique des multinationales; lerefus de la marchandisation des res-sources naturelles et du vivant, et leur af-firmation comme biens communs inalié-nables, accessibles à tous. C’est tout na-turellement que les participants ont adosséà cette déclaration l’accord des peuplesde Cochabamba, signé en avril 2010 lorsdu premier sommet alternatif mondial surle changement climatique et les droits dela Terre-Mère. On peut y lire notammentla volonté de combattre simultanément lacourse effrénée aux énergies fossiles, lenucléaire, les agrocarburants et autresfausses solutions. Les réductions dras-tiques d’émissions de gaz à effet de serre

dans les pays industrialisés, l’arrêt du nu-cléaire doivent aller de pair avec l’arrêtdes appropriations de terres qui affamentet assassinent des populations entières(ce dernier thème a cependant été troppeu évoqué à Lézan).

Ces rencontres auront permis non seu-lement de faire le point sur les dérives exis-tantes, mais surtout d’élargir le débat ànos choix de société, de poser les basesd’une société sobre en énergie, inventive,autogérée, relocalisée et qui ne reposeplus sur le pillage des pays du Sud. Laquestion de l’énergie ne peut être abordéede façon isolée. Ainsi, les opposants auxgaz de schiste avaient fait de ce rassem-blement un point de convergence pourceux qui luttent sur le terrain sur des thé-matiques proches : OGM, usine d’huile depalme de Port-la-Nouvelle (Aude), projetd’aéroport de Notre-Dame-des-Landes,près de Nantes…

Absence des pays du SudLes Amis de la Terre ont largement prispart à l’événement, tant par leur participa-tion à l’organisation et à l’animation durassemblement que par leurs contribu-tions sur les thématiques des luttes inter-

nationales, des agrocarburants, de l’es-pace écologique. Nous regrettons cepen-dant que le projet initial de donner à cetterencontre une ampleur internationale eninvitant des représentants des pays duSud n’ait pu se concrétiser. Le Sud a étéle très grand absent de ce rassemblementtrop centré sur les problèmes du Nord.Nous souhaitons que toute future conver-gence prenne en compte cet aspect, pournous incontournable. D’autre part, nousdésapprouvons la présence imposée decertains «experts» défendant de faussessolutions, en particulier sur le thème desagrocarburants.

Des combats importants nous atten-dent : les industriels n’ont pas renoncé àexploiter les gaz de schiste, le gouverne-ment français reste arc-bouté sur le nu-cléaire, les multinationales occidentalesamplifient leur politique de confiscation desterres dans le Sud. Le rassemblement deLézan a permis de programmer des ac-tions à venir. Aujourd’hui plus que jamais,la nécessaire convergence des luttes etdes alternatives est cruciale. D’autresconvergences sont à imaginer, à construire.A Lézan, un nouveau pas a été fait.

> ALAIN DORDÉ

Après LézanS’unir, pour amorcer la transition énergétique Les 26, 27 et 28 août, les collectifs d’opposants aux gaz de schiste, les représentants de réseaux et d’organisations de la société civile se sont retrouvés à Lézan (Gard) afin d’engager une “convergence citoyenne pour une transition énergétique”.

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La “convergence citoyenne pour une transition énergétique” s’est tenue en août dernierà Lézan, dans les Cévennes, à l’initiative de collectifs contre les gaz et huiles de schiste.

Pour la première fois, l’Europe s’est pen-chée sur la question de sa consommationénergétique. Cette communication s’ins-crit dans la Stratégie 2020 de l’Union eu-ropéenne (UE), “stratégie de croissanceque l’UE a adoptée pour les dix années àvenir”2. Et dès le premier paragraphe, lesobjectifs sont établis “un double défi : sti-muler la croissance […] et veiller à ce quela qualité de cette croissance garantisseun avenir durable”. Intention qui donne unepremière idée du contenu... On veut bienarrêter de piller les ressources naturellesde la planète mais, surtout, il ne faut pasque cela affecte notre croissance.

Au XXe siècle, dans le monde, la con -sommation de combustibles fossiles a étémultipliée par douze ; les extractions deressources matérielles ont, quant à elles,été multipliées par trente-quatre. L’Europetient une part importante dans cette ponc-tion croissante de ressources rares, nonrenouvelables et/ou fragiles – part qu’ellereconnaît. Aussi l’Union européenne sepropose-t-elle de mesurer son empreinteen terres, en eau, en matières premières(métaux et minéraux) et en carbone. C’estune avancée. Depuis longtemps, les Amisde la Terre plaident pour que l’UE se doted’indicateurs de mesure de ses consom-mations en ressources.

Un indicateur inadaptéPour autant, l’avancée reste timide. La dé-finition des indicateurs sur ces ressourcesessentielles est renvoyée à un processusde discussion entre les parties prenantespour une adoption d’ici fin 2013. Et en at-tendant, seul un indicateur dit clé est adopté,celui de la “productivité des ressources”,

visant à améliorer la performance écono-mique des produits. N’est-il pas possibled’évaluer dès aujourd’hui la consommationde l’UE en eau, terres, matières premièreset carbone ? D’autres le font. Ainsi, le 10octobre 2011, Les Amis de la Terre Europe,en collaboration avec le Sustainable Eu-rope Research Institute3, ont publié les ré-sultats de leur étude L’Europe, dépendantedes terres des autres. Cette enquête révèlel’étendue des besoins européens en terresdes autres pays du monde.

Il y a de fait une divergence d’objec-tifs. Car pour l’UE, il s’agit essentiellementd’être plus efficace pour rester compéti-tive dans un contexte de pression accruesur les ressources (davantage d’acteurs,des ressources épuisables dont la pro-duction, l’extraction, etc., deviennent deplus en plus coûteuses) et, surtout, de sé-curiser leur accès. D’où les nouvelles pro-positions en matière de développementd’instruments financiers innovants, donton sait qu’ils sont très loin de viser la pré-servation des ressources et encore moinsde remettre en question de nos modes deconsommation et de production. Remiseen question à laquelle des indicateurs per-tinents sur nos empreintes en ressourcespourrait, elle, aboutir... Dès lors, même lespropositions de la feuille de route concer-nant le recyclage et le réemploi apparais-sent bien faibles.

Si l’ossature de la stratégie 2020 nepeut guère évoluer, l’inscription dans lafeuille de route du principe de mise enplace des indicateurs est un acquis nonnégligeable qu’il s’agit de voir traduit enactes.

> STÉPHANIE CABANTOUSChargée de campagne Relocalisation

1 Voir le site http://ec.europa.eu/environment/resource_efficiency/pdf/com2011_571_fr.pdf

2 Voir le site http://ec.europa.eu/europe2020/index_fr.htm

3 SERI!: Institut de recherche européen pour undéveloppement soutenable.

Sobriété énergétique Un timide plan européen pour lutter contre la surconsommation de ressources naturellesLe 20 septembre 2011, la Commission européenne a publié sa feuille de route “Pour une Europeefficace dans l’utilisation des ressources”1. Un premier pas… qui manque cruellement d’ambition.

4 INTERNATIONAL

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avonsappris le décès de notre amieet collègue Helen Holder, le dimanche 28 août 2011,après une lutte de près de sept ans contre le cancer.

Helen était un pilier important à la foisdans nos vies et dans notre travail. Elleétait membre des Amis de la Terre Eu-rope depuis août 2005, d’abord en tantque chargée de campagne contre lesOGM puis comme coordinatrice du pro-gramme sur l’alimentation, l’agriculture etla biodiversité. Elle était une militante éco-logiste brillante et généreuse.

Son expertise sur les OGM et sa maî-trise du français ont beaucoup aidé lesAmis de la Terre France. Helen ne voulaitpas devenir une “technocrate de l’envi-ronnement” et était à l’aise en tant quemilitante de terrain. Elle avait des liens

très forts avec des paysans français, aété active au rassemblement d’Annecypour une réforme de la PAC en 2008.

Au delà de notre douleur, nous vou-lons simplement remercier Helen. Nousavons été chanceux de te connaître, detravailler avec toi, de partager de bonsmo ments ensemble. Tu nous manquerasterriblement.

Hommage

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Ancienne mine d’or et d’argent de Waihi, en Nouvelle-Zélande.

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ATTAC et les Amis de la Terre montent aucréneau et reviennent sur les réponses desbanques au questionnaire envoyé en avrildernier. Ce rapport1 analyse les différentespolitiques financières, salariales et com-merciales des banques, ainsi que l’impactsocial et environnemental des activitésqu’elles financent. Tout cela dans la limitede la transparence de leurs réponses.

L’étude révèle que les banques fran-çaises, à l’exception de la Nef et du Cré-dit Coopératif, sont loin d’être à la hauteuren ce qui concerne le soutien à l’économiesociale et solidaire, le financement desénergies renouvelables, ou encore la priseen compte des besoins des populations etdu respect de l’environnement dans leurspolitiques de crédits. Si les banques pren-nent peu à peu conscience de leurs res-ponsabilités vis-à-vis de la société, leschangements concrets peinent à venir, seheurtant toujours aux objectifs de maximi-sation des profits.

Ce rapport est donc une première dé-marche visant à réaffirmer les devoirs des

banques vis-à-vis des citoyens! : transpa-rence, accessibilité, responsabilité socialeet environnementale.

Après un été durant lequel les valeursbancaires européennes ont joué au yo-yoen bourse, pendant que les dirigeants dela zone euro se montraient totalement in-capables de réagir de façon censée etcoordonnée, la rentrée ne s’est pas an-noncée sous de meilleurs auspices.

Une recapitalisation annoncéeIci et là, les vannes se sont ouvertes géné-reusement pour sauver les banques, ma-lades d’une crise de la dette qu’elles avaientlargement contribué à créer! : prêts de laBanque centrale européenne (BCE), inter-vention des banques centrales mondialespour fournir des liquidités en dollars… Etvoilà maintenant que le FMI propose de re-convertir le Fonds européen de stabilité fi-nancière (FESF) à la recapitalisation desbanques, alors que celui-ci avait été initiale-ment créé pour fournir de la dette publiqueaux États mal en point de la zone euro.

Pourtant, face à cette débâcle, on nevoit pas de politique européenne coor- donnée, et la rencontre des ministres desFinances, en Pologne, à la mi-septem-bre 2011, n’aura permis d’aboutir à aucunaccord sur un second plan d’aide à la Grèce,donnant de surcroît l’image d’une vraie di-vision au sein des pays de la zone euro.

A l’échelle française, les banques négo-cient déjà de nouvelles faveurs, arguant dufait que «!Bâle 3!» – une réglementation dontles contours ont pourtant largement été des-sinés par les banquiers eux-mêmes – exigeplus de liquidités que celles dont elles dis-posent. Elles repartent donc à l’assaut duLivret A, cette épargne solidaire reversée aulogement social, dont les encours se sontvus petit à petit rognés au profit des grandsgroupes bancaires. > JULIETTE RENAUD

ET JULIETTE ROUSSEAU Chargées de campagne “Banques”

aux Amis de la Terre et à ATTAC.

1 Le rapport est téléchargeable en ligne :http://www.amisdelaterre.org/Campagne-A-nous-les-banques.html

Un rapport accablantLes banques françaises, si peu citoyennes!!Face à la démission du G20, les Amis de la Terre et ATTAC ont lancé en avril 2011 la campagne « A nous les banques!! » pour un contrôle citoyen du système bancaire. Après une analyse à mi-parcours sur latransparence des réponses données au questionnaire envoyé, les deux associations publient leur rapport.

7FRANCE

Dès la macabre découverte, l’hypothèseselon laquelle l’hydrogène sulfuré (H2S) ré-sultant de la décomposition des alguesvertes puisse être la cause de la mort dessangliers apparaît comme une évidenceaux yeux du plus grand nombre. Leséchouages d’algues s’aggravent depuisvingt-cinq ans et la toxicité du gaz est bienconnue. Pourtant, le gouvernement ex-plore, en vain, la moindre piste qui pourraitdisculper le H2S.

Un problème de santé publiqueFinalement, toutes les analyses, de cellesde la Préfecture à l’Agence nationale desécurité sanitaire (Anses) à celles de l’Ins-titut national de l’environnement industrielet des risques (Ineris), confirment bel etbien la culpabilité des algues.

Plus encore, avec l’étude de l’Ineris,la question des algues vertes change destatut et devient un danger sanitaire. Ausol, le H2S atteint des niveaux mortels,conclut l’étude, qui précise que des ac-cidents fatals peuvent survenir mêmepour de courtes expositions. Ces conclu-sions renforcent, s’il en était besoin, lanécessité de fermer les plages lorsqueles algues ne peuvent être ramasséessous 24 heures.

Malheureusement, le ramassage desalgues vertes, raclées par des bulldozersau mépris de l’écosystème, et un “Planalgues vertes” poussif restent les deuxplacebo appliqués tant bien que mal parle gouvernement. Placebo, car le ramas-sage ne fait que masquer le problème etle plan se limite à une vague réductiondes nitrates que l’Etat à bien du mal àfaire appliquer. En se limitant à la surface,ces mesures occultent l’aberration agro-industrielle.

La maladie est bien là! : une situationubuesque qui fait de la Bretagne la princi-pale étable française. On y élève 60 % desporcs, 45 % des volailles et 30 % desvaches laitières du pays. L’agriculture bre-tonne est cantonnée à un rôle de produc-

teur alimentaire balloté au gré des mar-chés internationaux. Elle y perd son âme :ce type de production broie de nombreuxexploitants agricoles, produit des alimentsde piètre qualité et détruit inlassablementson environnement en y déversant destombereaux de nitrates. S’il ne faut illustrerqu’un point, constatons simplement queles taux de nitrates ont été multipliés pardix sur le siècle qui a vu l’agrobusinessl’emporter sur la paysannerie locale.

Vers une agriculture soutenableDans ce contexte, l’Etat propose de trai-ter a minima les symptômes et se dé-tourne des causes profondes du mal. Enréalité, le problème n’est pas breton maisnational. En parquant un si grand cheptelsur 5% du territoire français, le modèleagro-industriel ne peut aboutir qu’à un tel

résultat. La Bretagne n’est pas en cause– aucune région ne sortirait indemne d’unetelle concentration ! –, la responsabilité in-combe plutôt à un modèle agricole pro-ductiviste et centralisé.

Nous sommes aujourd’hui bien loind’une agriculture soutenable qui, respec-tant la capacité des écosystèmes, répon-drait à des besoins locaux, recréant le liensocial délité par une industrie imperson-nelle. Il devient urgent d’abandonner cemodèle agricole global qui a fait de la Bre-tagne ce qu’elle est devenue aujourd’hui :une étable concentrant des animaux nour-ris au soja sud-américain.

La transition vers une société soute-nable devient indispensable. Il s’agit derevenir à une échelle humaine afin de re-trouver le lien entre l’Homme, le territoireet l’écosystème. > PHILIPPE COLLET

Algues vertes Traiter au-delà de la surfaceLa découverte d’une trentaine de cadavres de sangliers dans le lit du Gouessant (Côtes-d’Armor), en juillet, inaugurait le triste feuilleton de l’été. La mise en cause indéniable des algues vertes, début septembre, transforme finalement ce problème écologique récurrent des vingt-cinq dernièresannées en une nouvelle question sanitaire. Cependant, si les remèdes proposés ne s’attaquent pas aux causes de cette plaie, les effets perdureront.

Le 12 septembre dernier,l’explosion d’un four sur le sitede Marcoule, dans le Gard, a montré la dangerosité de toute installation nucléaire…et l’impéritie des autorités.

Un four servant à fondre les déchets ra-dioactifs métalliques de faible et très faibleintensité a explosé le 12 septembre dernier

sur le site nucléaire de Marcoule, faisant unmort et quatre blessés, dont un grave. C’estle centre de traitement et de conditionne-ment des déchets de faible activité (Cen-traco), exploité par la Socodei, filiale d’EDFinstallé sur la commune de Codolet, qui aété touché. Cet accident nous rappellecruellement que toutes les installations nu-cléaires – et pas seulement les centrales –sont porteuses de risques intrinsèques, et

que les accidents nucléaires n’arrivent pasuniquement dans les pays étrangers.

A en juger par le début de panique quis’est emparé de la population locale, cetaccident nous rappelle également que nu-cléaire et transparence sont et resterontantinomiques, et que les services de l’Etatne sont pas préparés à faire face à un ac-cident nucléaire, quel qu’il soit. (Voir aussi notre dossier, pages 10 à 21.)

Marcoule Un accident nucléaire grandeur nature

Les Amis de la Terre relancent les Prix Pinocchio du développement durable. Le but : dénoncer lesentreprises françaises qui se réclament du développementdurable… seulement dans leur communication.

Les Amis de la Terre relancent les Prix Pi-nocchio du développement durable et ontouvert l’appel public au vote le mardi 18 oc-tobre 2011 sur le site des Prix1. Cette édi-tion 2011 est organisée en partenariat avecla campagne “Une seule planète” du CRID.Elle reprend le principe-clé du Prix! : dé-noncer les abus de certaines entreprisesfrançaises, avec des exemples qui illustrentleurs mauvaises pratiques (en totale contra-diction avec le concept de développementdurable qu’elles utilisent abondammentdans leur communication), et demanderaux internautes de voter parmi les entre-prises nominées. Les Prix Pinocchio 2011s’offrent une légère refonte, avec de nou-velles catégories de vote : “!Plus vert quevert”, qui récompense l’entreprise ayantmené la campagne de communication laplus abusive et trompeuse au regard deses activités réelles! ; “Une pour tous, toutpour moi!!”, prix décerné à l’entreprise ayant

mené la politique la plusagressive en terme d’ap-propriation et de sur exploi-tation des ressources na-turelles ; et “Mains sales,poches pleines”, qui re-vient à l’entreprise ayantmené la politique la plusaboutie en terme d’opa-cité et de lobbying.2

Les Prix Pinocchio sontorganisés chaque annéedepuis 2008 par les Amisde la Terre dans le cadrede leur campagne sur laresponsabilité sociale et en-vironnementale des entre-prises. Pour l’association, lespolitiques volontaires me-nées par les entreprises etles engagements juridique-ment non-contraignants ont montréleur inefficacité. L’association demandedonc un encadrement juridique strict au ni-veau international afin d’obliger les entre-prises à assumer leurs responsabilités.

> La cérémonie publique de remise des prix aura lieu le jeudi 17 novembre 2011 à “Mains d’œuvre”,1 rue Charles-Garnier, 93400 Saint-Ouen. Plus d’infos sur www.prix-pinocchio.org

1 Pour découvrir les entreprises nominées et voter pour vos Pinocchio, rendez-vous sur www.prix-pinocchio.org jusqu’au 15 novembre 2011.2 Pour plus d’informations, contactez Romain Porcheron, chargé de campagne sur la Responsabilité sociale et environnementaledes entreprises [email protected]

6 FRANCE

Algues vertes sur la plage de Kervel, en Bretagne, cet été. Les échouages d’algues, dont la décomposition produit de l’hydrogène sulfuré, s’aggravent depuis vingt-cinq ans.

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Prix Pinocchio du développement durable Les entreprises démasquées!!!

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9TRIBUNE

Les essais de vigne transgénique de l’Insti-tut national de recherche agronomique (Inra)de Colmar étaient prétendument réalisés àdes seules fins de recherche et non à desfins commerciales – cela reste à être dé-montrer. Mais, en admettant qu’il s’agissevéritablement de recherche fondamentale,cela donne-t-il le droit de faire tout et n’im-porte quoi ? Certes, il ne s’agit pas ici deplante-pesticides (ni productrice d’un insec-ticide, ni tolérante à un herbicide) comme lesont plus de 99 % des OGM agricoles. Est-on sûr de l’innocuité de cette vigne au pointde se permettre de faire des essais en pleinair!? Il faut savoir qu’à l’instar de toutes lesplantes transgéniques conçues pour résis-ter à des virus, elle est un véritable réservoirà virus recombinants.

Un réservoir à virusDans ce type de plantes transgéniques,le transgène est un gène viral. La pré-sence de ce transgène protège la plantecontre le virus en question et les virusapparentés. Or les virus ont une trèsgrande capacité à échanger spontané-ment leur matériel génétique (phénomènede recombinaison). Par conséquent,quand cette plante est victime d’une in-fection virale, il peut se produire très fa-cilement des échanges entre le matérielgénétique (ADN ou ARN") du virus infec-tant et le transgène viral (ADN) ou sa ver-sion ARN. Cela conduit à l’apparition devirus dits recombinants, dont on ne maî-trise rien et qui vont pouvoir se propagerdans la nature.

Avec des plantes conventionnelles, unetelle situation ne peut se produire que si laplante est infectée simultanément par deuxvirus. Avec ces plantes transgéniques, unseul virus suffit. De tels essais à ciel ouvertfont donc courir des risques considéra-bles. C’est d’ailleurs très drôle de consta-ter la contradiction de l’Inra sur cette ques-tion. Dans un article, paru dans Le Mondedaté du 16 août 2010, l’institut dit, à pro-pos des faucheurs : “Ils contribuent à ré-pandre la peur en évoquant des risquesenvironnementaux qui n’existent pas surcet essai, alors que l’Inra essaie de déter-miner, en toute indépendance, la perti-nence et les risques éventuels de ce typede technologie dans la lutte contre le courtnoué [maladie de dégénérescence de lavigne].” L’Inra fait des essais pour détermi-ner les risques mais affirme que les risquesn’existent pas !

Encore une fois, la planète n’est pasune paillasse de laboratoire. Pourquoi nepas faire ces essais au moins sous serre,dans les conditions de confinement ap-propriées ? Toute demande de manipula-tion d’organismes génétiquement modi-fiés en laboratoire faisant courir le moindrerisque d’apparition de virus recombinantsse verrait exiger un confinement de niveau2 minimum (il existe essentiellement troisniveaux – 1, 2 et 3 – de confinements pourla manipulation d’OGM). Le plein air, c’estle confinement zéro ! Ce n’est pas unebâche dans le sol pour isoler la terre de laparcelle ni la suppression des inflores-cences# qui peuvent garantir la non-pro-pagation d’éventuels virus recombinants.Un essai en plein air doit être une simula-tion et ne doit pas faire courir de risques.Quand on fait une simulation d’une at-taque chimique dans le métro pour entraî-ner la coordination des secours, on mettous les ingrédients mais on ne met pasl’agent chimique!!

Des solutions naturellesPar ailleurs, on nous dit qu’il n’existe pasde solution contre le court noué, si ce n’estde tuer les nématodes (ces vers micro-scopiques du sol qui transportent le viruset le transmettent au pied de vigne) avecdes produits fortement toxiques. Certes, iln’y a pas de solution directement sortiedes laboratoires, mais il existe en revanchedes pratiques culturales qui permettent des’affranchir du court noué, telles que la

culture de plantes nématicides (ou néma-tifuges). Ces plantes secrètent par leursracines des substances qui affaiblissent ouchassent les nématodes.

Par ailleurs, sans même avoir recoursà ces plantes, certains viticulteurs ne sontpas ou peu embêtés par le court noué. Il ya donc de véritables pistes à exploiter quiconduiront à des stratégies subtiles, dura-bles et moins invasives que l’artillerie lourdedes OGM. Cet exemple soulève une foisde plus la nécessité de développer la re-cherche participative à laquelle les viticul-teurs contribueraient activement. Leur im-plication ne se réduirait pas à siéger dansun comité de suivi de la mise au pointd’une technologie – qui leur sera ensuiteservie clés en mains pour qu’ils s’empres-sent d’oublier leurs bonnes vieilles pra-tiques paysannes, respectueuses de l’en-vironnement. Faut-il qu’une solution à unproblème agronomique sorte d’un labopour qu’elle mérite d’être qualifiée de pro-grès ? N’oublions pas que ce ne sont pasles chercheurs, ni même les agronomes,qui ont inventé l’agriculture, mais les pay-sans – qui sont d’ailleurs les premiers gé-néticiens du monde.

Ces essais n’étaient qu’un cheval deTroie pour l’ensemble des essais en pleinair et pour l’acceptation des OGM et desbiotechnologies en général. Ainsi ce fau-chage a le mérite de soulever la questionfondamentale du choix des orientationset des stratégies de recherche publique(ou de ce qu’il en reste).

Il est urgent de contrebalancer les po-litiques actuelles de recherche publique,trop exclusivement orientées vers des in-térêts mercantiles à court terme, pour re-mettre la recherche au service du biencommun. Les faucheurs ne sont pas desanti-science mais des alter-science.

> CHRISTIAN VÉLOTDocteur en biologie,

généticien moléculaire à l’université Paris-Sud 11. Auteur de OGM : tout s’explique (éd. Goutte

de Sable) et de OGM, un choix de société(éd. de l’Aube).

L’intégralité de cette tribune est publiée sur le sitedes Amis de la Terre!: www.amisdelaterre.fr

1 L’acide ribonucléique (ou ARN) est une moléculetrès proche chimiquement de l’acidedésoxyribonucléique (ou ADN). Il est indispensable à la synthèse des protéines.

2 Mode de groupement des fleurs sur une plante(par exemple : grappe, épi…)

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Procès de Colmar Vigne transgénique : quand les vilains faucheurs s’attaquent à une recherche innocente...Le 15 août 2010, 60 faucheurs volontaires arrachaient des pieds de vigne OGM près de Colmar, dans un champ appartenant à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Parmi eux, des membresdes Amis de la Terre. Cet acte de désobéissance civile voulait dénoncer une expérimentation qui vise à rendre les OGM acceptables par le grand public. Fin septembre, les faucheurs comparaissaient devantle tribunal de Colmar. Christian Vélot, membre du Conseil scientifique du Comité de recherche etd'information indépendantes sur le génie génétique, nous livre son point de vue sur ces essais de l’INRA.

Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissionsmondiales de CO2 ont atteint30,6 milliards de tonnes en 2010, soit 5 % de plus que le précédent record de 2008.Plutôt que de s’engager sur de véritables politiques de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), les industriels, encouragés parde nombreux pays et agencesinternationales, préfèrent capterle CO2 produit par les raffineriesou les centrales pour l’enfouirdans le sous-sol.

Selon la récente feuille de route de l’AIE etl’Organisation des Nations unies pour ledéveloppement industriel (Onudi), la sé-questration géologique du CO2 pourraitconcerner 4 milliards de tonnes en 2050.Avec des perspectives économiques allé-chantes. Les 1 800 installations industriellesespérées d’ici 2050 nécessiteraient un in-vestissement de 900 milliards de dollarsdont plus des deux-tiers dans les pays duSud. Autant d’installations qui engendre-raient d’innombrables crédits carbone va-lorisables sur les marchés du carbone.

En France, l’Ademe finance d’ores etdéjà à hauteur de 45!millions d’euros qua-tre projets portés par Alstom, Arcelor-Mit-tal, EDF et Total. Alstom mènerait actuelle-ment seize projets pilotes dans le mondeet vient de signer un accord avec le groupepublic chinois Datang pour capter ledioxyde de carbone de deux centrales àcharbon. De son côté, Total a converti unepartie de ses installations de productionde gaz de Lacq (Pyrénées-Atlantiques)

pour capter du CO2. Il est ensuite trans-porté par des pipelines de 27!km jusqu’ausite de la Chapelle-de-Rousse, à Juran-çon, où il est enfoui dans un ancien puitsd’extraction de gaz naturel de 4 500 mè-tres de profondeur.

Après avoir obtenu l’autorisation pré-fectorale en mai 2009, Total projette d’en-fouir en deux ans 120 000 tonnes de CO2,pour un coût de 60 millions d’euros. L’en-jeu pour Total est de pouvoir se prévaloirde la maîtrise d’une chaîne industrielle com-plète portant sur le captage, le transport etle stockage. Située en zone habitée et cul-tivée, le projet industriel de Lacq comportedes risques de fuite, d’acidification du mi-lieu, de remontée gazeuse vers une napped’eau potable, voire de dégazage brutal,selon des rapports de l’Institut national del’environnement industriel et des risques.

Fortement inefficace, coûteuse en éner-gie, cette technologie est un pari très criti-quable sur l’avenir : Total prévoyant de sedésengager du site en 2013, qu’en sera-t-il

de la surveillance au cours des prochainesdécennies, des prochains siècles!? S’ajou-tant à des consultations citoyennes bâclées,ces arguments sont à la base de la lettreque le collectif climat de Pau vient d’envoyerau Parlement européen pour exiger l’arrêtde ce projet industriel. > MAXIME COMBES

Pour en savoir plus!: > Après les gaz de schiste, Total expérimentel’enfouissement industriel de CO2...!:http://www.bastamag.net/article1722.htmlhttp://iea.org/Papers/roadmaps/ccs_industry.pdf> http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=70192&ref=23980&p1=B > http://www.romandie.com/news/n/_Alstom_s_associe_a_Datang_pour_des_projets_de_captage_de_CO2_en_Chine210920111109.asp > Institut national de l’environnement industriel etdes risques!; rapport de mars et décembre 2010!:http://www.ineris.fr/centredoc/95145-11842b-stockage-co2-2.pdf et http://www.ineris.fr/centredoc/drs-10-100887-12619a-eureka&evariste-v4.3def-rapport.pdf > http://climatjustice.org/2011/08/19/non-au-stockage-du-co2-a-jurancon/

Emissions de gaz à effet de serre Plutôt que réduire les émissions de C02, ils veulent les enfouir dans le sol!!

8 RÉGIONS

Après les vélibs, voici en régionparisienne l’autolib’. A partir du 1er octobre, 3 000 voituresélectriques seront mises en circulation progressivement.

Depuis le 1er octobre, la mairie de Paris etla Région Ile-de-France ont lancé un pro-gramme de location de voitures électriquesen libre service.

3 000 automobiles seront progressive-ment mises à la disposition des habitantsd’une cinquantaine de communes de larégion – dont Paris, Saint-Ouen, La Ga-renne-Colombes, Créteil, Montrouge, Nan-terre, Pantin, Ville-d’Avray, Joinville-le-Pont. Pour Bertrand Delanoë et son équipe,

Autolib’ doit permettre de répondre auxproblèmes de circulation et de pollutionurbaine qui entravent la région parisienne.

Problème!: comment prétendre réduirele trafic lorsque que l’on augmente le nom-bre de voitures individuelles circulant surles routes franciliennes!? Il est quasimentcertain que les possesseurs d’automobilene délaisseront jamais leur véhicule pourse mettre au volant d’un des 3 000 véhi-cules Autolib’. Sans oublier la question desbatteries, très polluantes… et de l’origine(nucléaire à 80 %) de l’électricité en France !

Au lieu d’investir dans ce service, lamairie de Paris devrait promouvoir de vraiesalternatives à la voiture individuelle. Seulsla mise en place de transports en commun

performants et l’aménagement de voiriesfacilitant l’utilisation de modes de déplace-ment doux, comme le vélo, permettront dediminuer sensiblement la circulation auto-mobile et de lutter contre la pollution at-mosphérique. > L. P.

Autolib’ La fausse bonne idée

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Le vignoble de la Chapelle de Rousse, à Jurançon, sous lequel Total enfouit du CO2à 4 500 mètres de profondeur, dans un ancien puits d’extraction de gaz naturel.

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de leurs conditions d’exploita-tion avaient amené dès 2007l’Assemblée fédérale et leConseil fédéral des Amis de laTerre France, après d’intensesdébats, à se prononcer pourun arrêt rapide de l’électronu-cléaire en un quinquennat oudeux maximum!– échéancesdes scénarios que venait alorsde publier le Réseau Sortir dunucléaire, dont des Amis de laTerre sont membres fonda-teurs. Cette position est cohé-rente avec les indispensablesdécroissance du train de vieénergétique et réduction dras-tique des émissions nationalesde GES, ce qui n’exclut évi-demment pas une hausse tran-sitoire des émissions dans lesecteur de la production élec-trique, com me le prévoient enpratique tous les scénariosénergétiques alternatifs.Il s’agit désormais d’une posi-

tion de compromis!: après Fuku shima, le débat interne des milieuxantinucléaires se polarise en effet entre partisans d’un arrêt immé-diat et adeptes de sorties à dix ans, vingt ans ou plus, à qui nousdonnons aussi la parole dans ce dossier. Partant d’un parti prismoral en faveur de la justice sociale et environnementale, au Nordcomme au Sud, nous prenons acte de la possibilité technique etcollective d’organiser rapidement une transition énergétique, préala-ble indispensable à la transition vers des sociétés soutenables. Acondition de mener des politiques publiques fortes et coordonnéesqui auront d’autant plus de chances d’emporter l’adhésion que leurséchéances seront lisibles, leurs mesures équitables, leurs objectifsconformes à l’intérêt du plus grand nombre. Cela implique de rom-pre avec la fuite en avant énergétique, et donc avec le consumé-risme, pour organiser la solidarité entre citoyens, entre territoires,tout en limitant le risque de nouveaux accidents nucléaires majeursen arrêtant les réacteurs au plus vite.

A l’usage, hélas, les volontés de sortie du nucléaire affichéespar les gouvernements ont tendance à se révéler hypocrites. Leséchéances longues relèvent souvent de la temporisation ou du pureffet d’annonce. Ainsi, la Suisse prétend maintenant vouloir sortirdu nucléaire d’ici à 2034, alors que le plus jeune de ses cinq réac-teurs a déjà 27 ans et que les trois plus vieux ont dépassé 40 ans.A l’inverse, le débat quasi théologique entre pro et anti nucléairesmanque parfois de pertinence. De fait, nombre d’organisations quin’ont pas encore pris position pour une sortie du nucléaire ontquand même signé l’appel du 17 mars 2011, qui exige le renon-cement à l’exploitation de tous les réacteurs de trente ans ou plus,alors que d’autres affichent une volonté de sortie toujours différée,sans assumer de réclamer des fermetures immédiates.

Sortir un jour... ou amorcer tout de suite l’arrêt!?Car le débat sur les délais de sortie n’est qu’un des aspects dubourbier nucléaire où la France a été plongée. Peut-on réellementsortir des effets d’une technologie qui, en quelques décennies, adéjà accumulé des milliards de tonnes de déchets radioactifs,souvent non répertoriés, à la toxicité parfois extrême et dont lanocivité persistera des centaines de milliers (plutonium 239), desmillions (neptunium 237), voire des milliards d’années (uranium238) ? A raison de 30 à 40 kg de plutonium produits chaque jourpar les réacteurs français, le plutonium ne représentant que 1!%du combustible dit usé, le terme de sortie du nucléaire est-il en-core approprié ? Peut-on faire mieux que cesser de rajouter dela radioactivité!?

Au delà de débats récurrents sur des décisions de sortie, quin’appartiennent qu’à l’Etat et n’engageraient que ceux qui ycroient, les opposants au nucléaire ne devraient-il pas unir leursforces pour réclamer la fermeture effective de réacteurs, à com-mencer par les plus vieux et les plus dangereux!? Cela rendraittangible l’idée qu’il est possible d’arrêter quelque chose, et aide-rait les citoyens à se réapproprier des luttes et des objectifs dontdes discours d’experts, trop intimidants et techniques, les ont dé-possédés!– bref, à imaginer autre chose. C’est ce débat que lesAmis de la Terre souhaitent ouvrir avec leurs alliés.

> LE BUREAU FÉDÉRAL DES AMIS DE LA TERRE FRANCE

1 Voir pages 14 à 17.2 EPR : European Pressurized Reactor. Type de réacteur électronucléaire à eau sous pression (REP), plus puissant (1 600 MW) que les 58 actuellement en service en France.

UrgenceRemettre l’électricité à sa place, tout de suite

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L’électricité doit être réservée à ses usages spécifiques!:industrie, transports en commun, électroménager,télécommunications,éclairage… Les Amis de la Terredemandent que les mesuressuivantes soient prisesimmédiatement.

! Arrêt des chantiers ITER (fusionnucléaire) et EPR (réacteurs de génération 3)

! Arrêt de tout retraitement à La Hague

! Suppression des publicités faisant appel à l’électricité

! Suppression des distributeurs de nourriture et de boissons dans le métro et les gares

! Restriction de l’éclairage public aux zones indispensables à la sécurité de la circulation, limitation de sa puissance

! Limitation du chauffage à 20°C dans les lieux publics

! Arrêt des escalators là où existent des ascenseurs pour les personnesmoins mobiles

! Mise en place de la progressivité des tarifs de vente d’électricité

! Stricte limitation de la puissance des serveurs Internet, et instaurationd’un service public de l’Internet

! Arrêt de l’automatisation des systèmesde surveillance, des portails…

! Interdiction des véhicules électriques

individuels, sauf pour les personneshandicapées

! Stricte limitation de la climatisation!;interdiction du chauffage des terrasses

! Interdiction de la commercialisationd’appareils électroménagers neufshors classe A et plus

! Interdiction immédiate de toutenouvelle installation de chauffageélectrique et mise en place très rapide de chaudières en cogénération partout où cela est possible

! Distribution d’interrupteurs dans tous les ménages

! Rajoutez vos propres mesures…et consultez les positions des Amis de la Terre sur l’énergie,l’électronucléaire, la production et la consommation d’électricité, les sociétés soutenables...www.amisdelaterre.org

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Quelques semaines après le début des fusions de réacteurs à Fu-kushima, les langues se sont momentanément déliées. Des publi-cations parfois aussi conservatrices que Le Point ont publié desdossiers honnêtes sur la situation du nucléaire au Japon, en Europe,en France. Mais, depuis, la question semble, comme Tchernobyl,passée aux oubliettes... Or sur place, la situation reste incontrôlableet la population d’un des pays les plus technophiles du monde, enprincipe démocratique, est exposée à des radiations supérieuresaux seuils qui avaient, en 1986, déclenché les évacuations en URSS.

D’une ampleur sans précédent, cette catastrophe a ouvert undébat sur la probabilité d’accident majeur en Europe, donnant lieuà un débat statistique animé, mais sinistre!: les calculs des expertsBernard Laponche et Benjamin Dessus1, publiés par Libération le3 juin dernier, ont été corrigés par un laboratoire de mathéma-tiques du CNRS, qui évalue tout de même le risque à 72!% aucours des trente prochaines années. L’ordre de grandeur fait fré-mir, car aucun pays d’Europe ne dispose de plans d’évacuationcrédibles, voire de plan tout court, l’accident grave, jugé impossi-ble, n’étant pas prévu. Or la France compte nombre de sites nu-cléaires proches de grandes agglomérations! : Aix-Marseille, Lille-Roubaix-Tourcoing, Bordeaux, régions parisiennes et lyonnaises...

Le basculement de l’opinion mondiale et française, la détresseque les autorités japonaises ne parviennent pas à dissimuler, met-tent l’industrie nucléaire en difficulté. Si l’expert indépendant MycleSchneider, prix Nobel alternatif 1997, avait démontré depuis long-temps que la prétendue renaissance de l’électro nucléaire est unmythe, le lobby atomique ne peut plus dissimuler les coûts hu-mains et financiers exorbitants d’une technologie qui ne peutprospérer que dans le mensonge. Acculé à la fuite en avant pourdissimuler des décennies de turpitudes et éviter à tout prix un vraibilan, le lobby repasse dès lors à l’offensive, niant ou banalisant

ce qu’il faut bien nommer l’horreur, pour justifier la poursuite desa politique du fait accompli.

Dix ans après la catastrophe d’AZF, nul ne peut ignorer com-bien laisser perdurer des usines vieillissantes est dangereux et mul-tiplie les probabilités de drames. Nous sommes donc, pour unefois, pleinement d’accord avec Nicolas Sarkozy quand, en visite àla centrale nucléaire de Gravelines le 3 mai 2011, il affirmait : “Soiton croit dans le nucléaire... et dans ce cas-là on continue d’inves-tir... soit on ne croit pas dans le nucléaire et dans ce cas-là on ar-rête le nucléaire et on ferme le nucléaire.” Au passage, notonsl’aveu : il s’agit bien d’une affaire de croyance, pour ainsi dire de re-li gion. Et, en l’occurrence, d’une religion d’Etat. Patrie du précur-seur Becquerel et terre d’adoption de sainte Marie Curie, la France,détentrice d’une “force de frappe” destinée à panser la peu glo-rieuse défaite de 1940, reste un cas à part. Pays le plus nucléarisédu monde, elle tente depuis des décennies, au nom de son “rayon-nement”, d’exporter partout des technologies très dangereuses etproliférantes! : combustible MOX (mélange d'oxydes d’uranium etde plutonium), retraitement, armes à l’uranium appauvri...

Fermer le nucléaire... Chiche!?Alors qu’il ne fait plus de doute que l’EPR2 suivra sur la voie dufiasco industriel le Concorde, le Rafale – et même le TGV, qui de-vient difficile à exporter –, la technocratie française n’a qu’une ré-ponse!: le déni et l’obstination. On rirait, si le choix du nucléaire,sans effet vertueux sur les émissions de gaz à effet de serre(GES), n’était pas, outre qu’infiniment risqué, préjudiciable à l’exer-cice des libertés fondamentales et à la démocratie. D’où la res-ponsabilité colossale de l’exemple que notre pays donnera ounon en matière de dénucléarisation y compris militaire. La vétustédes installations nucléaires françaises et l’inéluctable dégradation

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Adopter une nouvelle stratégie pour fermer des centralesQue se passe-t-il vraiment au Japon!? Comment manifester notre solidarité avec les Japonais sans oublier les autres victimes de la radioactivité!? Comment résister à la désinformation, au déni de démocratie!? Et quelle protection pour les travailleurs de l’atome!? Par ailleurs, après Fukushima, la France peut-elle ne pas décider d’arrêter le nucléaire!? Comment font les pays qui s’en passent!? Qu’attendre des scénarios de “sortie” du nucléaire!?Comment remettre l’électricité à sa juste place et obtenir de premières fermetures de réacteurs!? Autant de questions brûlantes que nous tentons d’aborder dans ce dossier.

DOSSIER

NUCLÉAIRE S’en sortir

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1312 DOSSIER NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR

En matière de contamination post-accident, il est clair que l’ex-périence ne vaut rien. Le 18 avril 1989, j’étais à Novozybkov, enRussie, à 180 km de Tchernobyl, à proximité des frontières du Bé-larus et de l’Ukraine. La radioactivité ambiante était de 3 à 7µSv1/h, soit en moyenne 44 mSv/an. J’ai reproduit dans un rap-port – dont une version révisée fut présentée à la presse en 1996avec Les Amis de la Terre, le CEDI et Bulle Bleue – des donnéesfournies par le responsable médical du district. “Sida des radia-tions”, état d’abrutissement des enfants, tableau lamentable desthyroïdes... tout y était déjà. Mais ces troubles avaient officielle-ment été mis sur le compte de la radiophobie, pathologie crééead hoc et citée dans les congrès médicaux à partir de fin 1988pour se dispenser de chercher des liens réels avec la contamina-tion. Mon rapport n’eut aucun écho. Il a fallu attendre 2006 pourque l’association Les Enfants de Tchernobyl redécouvre Novo-zybkov. L’incapacité des écologistes a donc conforté la stratégiede dénégation des services de radioprotection nationaux et desagences atomiques.

Etudes scientifiques interditesPubliés en 1996, les travaux de Youri Bandazhevsky2 sur l’accu-mulation sélective du césium 137 dans les organes essentiels (cer-veau, cœur, rate, thyroïde, pancréas, foie, muscles des yeux) ontexaspéré la communauté radioprotectrice officielle – dont la biblereste le modèle dérivé Hiroshima-Nagasaki, fondé sur l’hypothèseinjustifiée d’une répartition homogène du césium dans l’orga-nisme. Bandazhevsky a aussi démontré que la dose sous laquelleaucune atteinte somatique déterministe n’est observée est, en fait,ridiculement basse!(20 Bq/kg chez l’enfant). A Novozybkov, vingt-cinq ans après Tchernobyl et malgré de nombreuses opérations dedécon tami nation des sols, le dépôt moyen est passé de 2,5 à0,2 MBq/m2 3 : les enfants y sont donc toujours aussi malades.

La seule pathologie imputable aux radiations reconnue par l’Or-ganisation mondiale de la santé (OMS) est le cancer de la thyroïde.Dans les régions touchées, l’incidence de ce cancer a augmentéaprès quelques années de latence, puis a marqué un pic et engagéune régression, sans retomber au niveau d’avant 1986. Seul lechoc initial de l’iode est incriminé, jamais le césium 137. L’affaire estdonc officiellement bouclée – tout comme on avait bouclé Ban-dazhevsky pour faire cesser le scandale de la réalité radiologique

qu’il avait décrite. L’OMS avait d’ailleurs pris les devants en mis-sionnant trois experts au printemps 1989 (MM. Pellerin4, Waight etBeninson) pour plaider la non-évacuation des zones contaminées,dont Novozybkov. Il m’a été rapporté qu’ils avaient visité la villequelques semaines avant moi, eux-mêmes précédés par des agentsdu Commissariat français à l’énergie atomique et de son Institut deprotection et de sûreté nucléaire.

L’OMS sert la soupe nucléaireA défaut de capacité d’évaluation en matière radiologique – elle nedispose que d’un bureau et d’un salarié, tous deux à Genève –,l’OMS couvre la secte atomique, qui jouit de passe-droits exorbi-tants. La gestion des “crises radiologiques” a été confiée à l’Agenceinternationale de l’énergie atomique, en vertu du traité WHA 12-40de 1959 voté par l’assemblée générale de l’ONU (surtout en quiconcerne la communication), puis de la Convention internationalede 1986 sur l’assistance radiologique. Le seul rôle de l’OMSconsiste donc de fait à avaliser les rapports officiels des agencesnucléaires et des services de radioprotection. Tout se passe commesi l’on avait confié au syndicat des industries chimiques la gestionde la catastrophe de Bhopal – information scientifique de l’OMScomprise. La directive européenne 96/29/Euratom de 1996 vadans le même sens, en considérant qu’un enfant portant une dosede moins de 10 000 Bq (soit entre 200 et 800 Bq/kg selon l’âge)n’est pas contaminé.

La machine à mentir semble remise en route après Fuku -shima, où les ravages de la prétendue radiophobie ont été évo-qués dans un communiqué de l’OMS moins d’une semaine aprèsle 11 mars 2011. Ainsi, aucune recherche particulière ne seraitjustifiée!: seule l’épidémie de radiophobie sera en cause. Les ma-ladies somatiques inconnues chez l’enfant avant Tchernobyl (ca-taracte, troubles cardio-vasculaires aigus, perte d’immunité, vieil-lissement précoce, apathie...), si elles se manifestent à Fuku -shima, ne sauront être imputées à la radioactivité, dont la doctrineofficielle restreint l’impact aux cancers et aux atteintes génétiques.

Dès lors, la réaction japonaise ayant conduit à la non-évacua-tion des zones contaminées est à comparer avec celles des autori-tés américaines lors de la crise de Three Mile Island, ou soviétiquesaprès l’explosion de Tchernobyl. Dans les trois cas, l’évacuation estapparue comme une mesure de dernière extrémité, car elle coûte

fort cher et suppose des mesures autori-taires, voire coercitives – dans un contexted’information incomplète et fluctuante, in-fluencée par une image gentillette de l’éner-gie atomique et des radiations (dites telle-ment utiles en médecine… les atomes pourla paix, la santé et le progrès! !) –, et aussipar crainte de ne pouvoir a posteriori la jus-tifier face aux pontifes atomiques.

> YVES LENOIRhttp://enfants-tchernobyl-belarus.org

1 Microsievert = 1 millionième de sievert. En France, la limite supposée admissibled’exposition de la population hors radioactiviténaturelle et médecine est de 1 millisievert (mSv)par an. Voir aussi p. 21.

2 Voir encadré p. 16.

3 Mégabecquerel!= 1 million de becquerels, soit1 million de désintégrations radioactives parseconde. La dangerosité dépend aussi du typede radioélément et du mode d’irradiation. Pour aller plus loin, voir les stages de la CRIIRADsur la radioactivité!: www.criirad.org.4 Voir note p. 21.

De Tchernobyl à Fukushima!Les germes amers de la désinformationAprès Tchernobyl, la désinformation officielle couverte par l’OMS a nié les ravages sanitaires de la contamination. L’institution espère répéter le même scénario à Fukushima.

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Un terrifiant gâchis!: la gestiondes régions contaminées parles eff luents radioacti fs deFuku shima ignore les leçonsde Tchernobyl, ou plutôt choi-sit de n’en retenir que le soucide culpabiliser d’éventuelsgrincheux. “Les radiations n’af-fectent pas les gens qui sou-rient, mais ceux qui sont sou-cieux”, proclamait en mars lePr Shunichi Yamashita1. Bref,les malades ne pourront s’enprendre qu’à eux-mêmes.Quant à la leucémie aiguë quivient de tuer un homme quiétait intervenu sur le site de lacentrale sinistrée, TEPCO nietout rapport avec la radioacti-vité.

Situation non maîtriséeA Tchernobyl, où les masses decombustible en fusion étaientquatre à cinq fois moindres, lasituation, au prix du sacrifice dedizaines de milliers de premiers“liquidateurs”, avait été à peuprès stabilisée en dix jours,même s’il avait ensuite fallu desmois pour refroidir vraiment cecorium2. Mais, à Fukushima, sixmois après le séisme (qui, avantmême le tsunami, avait fait per-dre le contrôle d’au moins unréacteur), on ignore toujoursjusqu’où la lave radioactive s’estenfoncée. Pourtant peu suspectd’alarmisme, l’Institut de radio-protection et de sûreté nucléairenotait le 25 août dernier!: “Pource qui concerne l’évacuationdes cœurs des réacteurs 1, 2 et 3, une des premières difficultésà résoudre sera le noyage complet du combustible, rendu au-jourd’hui impossible du fait des fuites des cuves et des enceintes.Cette évacuation nécessitera des développements technolo-giques spécifiques et pourra nécessiter une dizaine d’années3”.Or sans noyage complet, pas de refroidissement suffisant, d’oùun risque permanent de reprise des réactions en chaîne. Outre lamenace de nouveaux séismes et typhons pouvant provoquer uneffondrement des piscines suspendues bourrées de combustible,la proximité de l’océan exacerbe les risques de diffusion massiveet prolongée de radioéléments durablement toxiques.

A plus de 200 km de la centrale accidentée, les faubourgsEst de Tokyo sont atteints. La ville de Fukushima est sévèrementtouchée, comme nombre de villes et villages de la région. Des di-zaines de milliers de km2 de sols sont déjà aussi contaminés queceux de régions du Bélarus, d’Ukraine et de Russie où plus de80!% des enfants sont perpétuellement malades depuis un quartde siècle. Et ce n’est qu’un début. Les mesures prises – ou non –par les autorités et les déclarations incohérentes ou menson-gères ont lâché une sournoise bombe à retardement sanitaire surde vastes territoires et dans l’organisme de centaines de milliersd’êtres humains. On prétend régler le problème en recourant à la

stratégie du Sapeur Camem-ber!: creuser un trou pour fairedisparaître un tas de terre gê-nant dans la cour de la caserne.Une campagne de grattage dela couche superficielle des lieuxles plus fréquentés est en effeten cours, sans que l’on sacheoù ira cette terre contaminée.

Décisions scandaleusesLes Amis de la Terre Japon sebattent depuis longtemps pourune société à basse consom-mation d’énergie, affranchie dunucléaire. En décembre 2010encore, ils diffusaient une péti-tion contre l’utilisation de fondspublics pour promouvoir l’ex-portation de centrales nu-cléaires aux Etats-Unis, enThaïlande, au Kazakhstan eten Jordanie – déplorant en par-ticulier le versement à JapanAtomic Power Company deprès de 2 milliards de yens desubventions pour l’étude defaisabilité de deux réacteursnucléaires au Vietnam. Car To-shiba-Westinghouse et Hita-chi-General Electric sont deuxdes cinq grands cons tructeursde centrales nucléaires, der-rière le français Areva et de-vant le russe Atomstroyexportet le coréen KEPCO.Suite à la décision scandaleusede ne pas évacuer des zonesoù la radioactivité ne dépassepas 20 mSv/an – seuil maximalen principe prévu par les ins-tances de radioprotection in-

ternationales pour les travailleurs du nucléaire –, les Amis de laTerre Japon luttent aussi avec d’autres ONG japonaises pour lerespect du droit des enfants de Fukushima et des alentours à nepas être exposés à une radioactivité supérieure à 1 mSv par an,dose maximale partout admise pour la population générale. Et,le 31 août dernier, ils demandaient solennellement à leur gouver-nement de prendre la tête d’une dénucléarisation planétaire.Pour le physicien David Boilley, président de l’Association pour lecontrôle de la radioactivité dans l’Ouest2, le gouvernement japo-nais n’a certes pas été à la hauteur, mais, selon lui, aucun gou-vernement n’aurait fait mieux. A méditer. > M.-C. GAMBERINI ET Y. LENOIR

Signez les pétitions des Amis de la Terre Japon sur le site www.foejapan.org.

1 Ce professeur de l’université de Nagasaki a été nommé le 19 mars dernierconseiller en gestion du risque radioactif à Fukushima. Les Amis de la TerreJapon réclament sa démission.2 Magma ultraradioactif résultant de la fusion, entre 2!500 et 3!000 °C, ducombustible nucléaire et des métaux (gaines, cuve...) censés le contenir. Voir : http://fukushima.over-blog.fr/article-le-corium-de-fukushima-1-description-et-donnees-81378535.html3 Voir la page “Situation au Japon” sur www.irsn.fr.2 Voir le site http://www.acro.eu.org

FukushimaLe Japon abandonne sa populationAlors que la catastrophe ne fait que commencer, le gouvernement japonais et les industriels optent pour le déni des conséquences sanitaires des rejets de radioactivité présents et à venir.

Le réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi. Comme les 5 et 6, il était heureusement à l’arrêt lors du séisme.

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1514 DOSSIER NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR

Sortie du nucléaire et transition écologique Nécessité et limites des scénarios énergétiques

" La sortie du nucléaire, on le sait, n’est pas une question fondamentalement technique, mais de choix politiques. Ainsi, en 1986, une sortie quasi immédiate du nucléaire en Franceeût été possible, en remettant en service les centrales thermiques alors fermées pour causede surcapacité. La situation, depuis, a changé. Quel peut être aujourd’hui le rôle de scénariosénergétiques!? Ces scénarios peuvent-ils êtrepolitiquement neutres!? #Meike Fink Les scénarios montrent les évolutions possibles de la demande des différents secteurs (transport, habitat,industrie…) et des différents acteurs (particuliers, administration,secteur privé). Ils cherchent à équilibrer la demande et la production énergétique, globalement sur l’année ou en temps réel, et permettent de tester l’effet de mesurespolitiques ou d’hypothèses géopolitiques, démographiques et macroéconomiques. L’intégration de la sortie du nucléaire dans un scénario ne relève pas uniquement de choix sur l’offre.En réalité, offre et demande sont étroitement liées!: le choixpolitique du “tout nucléaire” en France a façonné un réseauélectrique très centralisé, une quasi-absence de réseaux de chaleur, et la promotion du chauffage électrique. Il est indispensable de comparer plusieurs scénarios de sortieavec différentes solutions de transition, en intégrant leurs coûts et en évaluant les émissions associées de gaz à effet de serre(GES) par rapport à un scénario tendanciel. Ces scénariosmultiples, y compris en matière de choix technologiques,devraient ensuite être une des bases du débat public.Aucun scénario n’est véritablement neutre. Les perspectives de pénétration des diverses technologies se fondent sur des justifications très variées!: technologiques, économiques,politiques, voire idéologiques ou méthodologiques... Un scénario prétendument technique porte donc toujours les traces de son commanditaire ou de son créateur. C’est pourquoi il est impératif de respecter le principe de transparence sur les hypothèses technologiques et économiques utilisées, pour permettre aux lecteurs de comprendre les choix sous-jacents.Benjamin Dessus Les scénarios de sortie du nucléaire, qu’ils tablent sur cinq, dix ou vingt ans, n’ont pas d’autre but que de montrer que, techniquement et économiquement, il est possible de faire autrement. Les choix à opérer, ensuite,restent entièrement politiques.Thierry Salomon Pour négaWatt, la sortie du nucléaire ne peut être abordée uniquement sous l’angle de la production et de la consommation d’électricité, mais dans la perspectived’une très large transition énergétique. Il faut jouer sur les grandsvecteurs énergétiques – réseaux d’électricité, de gaz, de chaleur – pour optimiser la réponse à l’ensemble des besoins.La priorité est la réduction de la demande électrique, notammentgrâce à l’abandon du chauffage électrique et à l’isolation des bâtiments. Ensuite, il faut bannir le charbon et le pétrole pour produire l’électricité, le gaz étant de loin le plus efficace.Notre scénario 2011 montre que le gaz permet de suppléertransitoirement une partie des capacités nucléaires grâce aux centrales en cogénération en attendant la montée en chargedes énergies renouvelables (ENR). Le méthane est essentiel,

parce que l’approvisionnement en gaz naturel peutprogressivement être relayé par la production de biogaz et par celle provenant du processus de méthanation. Cette dernière permet de recombiner du CO2 (qui serait capté en sortie de centrale électrique thermique, de cimenterie, etc.)avec de l’hydrogène produit par hydrolyse en utilisant la production électrique renouvelable, qui sera, à certaines heureset selon la météo, excédentaire. Le gaz peut ensuite être utilisélocalement en cogénération et servir de carburant aux véhiculesGNV. Notre scénario, présenté le 29 septembre 2011, est compatible avec la limitation à 2° C de la hausse moyenne de température en 2050 en émissions de GES cumulées, et donc avec les exigences du GIEC3, ce qui est tout à faitnouveau. Très exigeant, il va au-delà du facteur 54. Nous souhaiterions que les autres scénarios se positionnent sur ce point. Il s’agit d’un scénario très technique et industriel, ce que nous assumons totalement.

" En 2007, le Réseau Sortir du nucléaire avait publié une Etude sur des sorties du nucléaire en cinq et dix ans, que les Amis de la Terre ont soutenue en tant qu’étape crédible d’une transition vers le tout renouvelable. Après le séisme du 11 mars 2011 au Japon, les Amis de la Terre, le RAC-F, Attac, l’Union syndicale Solidaires, etc.ont cosigné, avec nombre de partis politiques,l’appel solennel Nucléaire, nous voulons avoir le choix qui exige la fermeture des réacteursfrançais ayant atteint trente ans. Or c’est déjà le cas de 21 réacteurs sur 58, auxquels s’en ajouteront 21 autres lors du prochainquinquennat. Comment intégrer cette exigence aux scénarios existants!? #Thierry Salomon Les promoteurs du nucléaire ont focalisé leur discours sur les émissions de GES, omettant volontairementles deux autres risques environnementaux et énergétiques. Mais après Fukushima, le temps du débat “monocarboné” est révolu. A l’inverse, les partisans d’une sortie rapide omettentd’autres aspects. Notre travail permettra de montrer que l’hypothèse d’une sortie en cinq ans n’est pas tenable,notamment du point de vue économique et financier. NégaWatt a effectué une modélisation très précise de la duréed’exploitation des réacteurs afin d’établir des plannings concretsde fermetures de tranches. Entre six et huit réacteurs doivent être fermés immédiatement. Nous avons aussi tenu compte de la proximité des grandes agglomérations, de la sismicité et du vieillissement. Mais fermer les réacteurs français au bout de trente ans est un objectif très difficile à tenir. Ensuite, ils devront être fermés les uns après les autres avant d’arrêter le dernier en 2033, soit une sortie en 22 ans.

1 Voir La Baleine n° 163, p. 14. 2 L’intégralité des entretiens est disponible sur www.amisdelaterre.org ou parcourrier sur simple demande. Voir aussi les sites www.rac-f.org, www.global-chance.org, www.negawatt.org et http://observ.nucleaire.free.fr.3 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Cet organisme international, créé en 1988, a pour membres des Etats.4 Division par 5 des émissions nationales de GES d'ici à 2050.

L’état du parcnucléaire français

$ En France, 32 réacteurs sur les 58 en service sont situés en zone sismique. Et, selon Bella Belbéoch, membre du Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire(GSIEN) et cofondatrice du Comité Stop Nogent pour la fermeture de la centrale de Nogent-sur-Seine, 16 des 19 centrales nucléaires françaises sontvulnérables aux inondations. De surcroît, les réacteursvieillissent : 48 sur 58 auront plus de trente ans avant fin 2018... Sans préjuger des risques de catastrophes sur des réacteurs récents, comme à Tchernobyl et à Three Mile Island.

$ En pratique$ 21 réacteurs ont déjà dépassé 30 ans!: Fessenheim (2) Bugey (4) Tricastin (4) Dampierre (4) Saint-Laurent (2) Gravelines (4 sur 6) Blayais (1 sur 4) Nous demandons leur fermeture immédiate.$ 21 autres auront plus de trente ans avant mi-2017, fin du prochain quinquennat, et sont donc à fermer d’ici-là : Blayais (3 derniers sur 4) Gravelines (2 derniers sur 6) Cruas (4) Paluel (4) Cattenom (1 sur 4) Chinon (3 sur 4) Flamanville (2) Saint-Alban (2)

Voir l’appel “Nucléaire, nous voulons avoir le choix”http://groupes.sortirdunucleaire.org/Appel-solennel-

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Depuis le premier scénario Alter1 du groupe de Bellevue en 1978, les scénarios énergétiquesalternatifs semblent s’être mués en référence obligée pour nombre d’antinucléaires. La Baleine a demandé à deux auteurs de scénarios récents – Benjamin Dessus, de l’association Global Chance, et Thierry Salomon, de négaWatt – ainsi qu’à Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire, et à Meike Fink, du Réseau Action Climat France (RAC-F), ce que l’on peut ou non attendre de ce type d’exercice. Cela a donné lieu à des entretiens très riches, dont nous vous proposons ici quelques extraits2.

Pour négaWatt, il n’existe que deux types de sorties. Celle que nous présentons, meilleur arbitrage possible entre des risques multiples, tient pleinement compte des aspectsindustriels, économiques, et du temps de montée en puissancedes ENR. L’autre sortie du nucléaire aurait lieu, elle, dès demain matin. Les partisans d’une sortie rapide devraientplutôt demander au gouvernement s’il a prévu ce “bouton rouge”permettant d’arrêter du jour au lendemain tous les réacteurs d’un même modèle si un accident majeur l’exigeait. Quel serait le coût, en vies humaines, de la panique qui s’emparerait de l’Ile-de-France en cas d’accident majeur à Nogent-sur-Seine!?Stéphane Lhomme En proposant une échéance lointaine,négaWatt est très en retrait par rapport à l’urgence qu’illustreFukushima. Il faut prendre exemple sur le Japon. Et avant toutdéconstruire la désinformation pronucléaire qui nous accuse de vouloir que la France utilise du pétrole, du gaz et du charbon.En effet, ce trio couvre déjà 75!% de la consommation françaised’énergie!! Le nucléaire, lui, plafonne à 15!%. Ce n’est donc pasparce que la France sortirait du nucléaire qu’elle se mettraitsubitement à utiliser ces énergies carbonées, déjà majoritaires.Au niveau mondial, le nucléaire couvre 2!% de la consommationtotale d’énergie, les renouvelables 13!% et le trio carboné 85!%.Le nucléaire français couvre à peine 0,3!% de la consommationd’énergie sur Terre. Même si la France remplaçait stupidementtout son nucléaire par du charbon (sans faire aucune économie d’énergie et sans développer les renouvelables!!), cela n’augmenterait que de façon infinitésimale les émissionsmondiales de CO2. Il faut savoir mettre les risques en balance au niveau planétaire.Il faut aussi prendre acte de l’étonnante “expérience” menée par les Japonais. Depuis plus de six mois, une quarantaine de réacteurs (43 aux dernières nouvelles) sont arrêtés sur 55. Le Japon a réduit d’un coup sa production nucléaire de prèsde 80!%!! Le gouvernement japonais lance continuellement des messages révolutionnaires incitant la population, les collectivités, les entreprises à... économiser l’électricité ! Il a fallu une catastrophe pour imposer cette démarche de bon sens!: éliminer les gaspillages, déconnecter les appareilset installations non indispensables comme les escalators, ne pas utiliser les climatiseurs, éteindre les enseignes lumineuses,etc. Finalement, les Japonais vivent très bien avec 43 réacteursarrêtés. Ce sont les quatre réacteurs accidentés qui tuent.Après Fukushima, les arguments éculés de l’industrie nucléairesont devenus dérisoires, tout comme les scénarios très élaboréspour sortir du nucléaire!: il faut décréter la sortie du nucléaire,fermer immédiatement les réacteurs ayant atteint trente ansd’âge, et programmer la fermeture rapide des autres, si possibleen moins de cinq ans. Ce délai peut sembler excessivementcourt, mais laisse pourtant encore cinq ans à l’industrie nucléairepour causer un Fukushima français. On doit tout de mêmepouvoir trouver en France des ministres aptes à délivrer les mêmes messages “subversifs” qu’au Japon !Benjamin Dessus Les scénarios de prospective indiquent tous clairement que les économies d’électricité sont le premierlevier d’action, et de loin. Surtout en France, où aucune politique en ce sens n’a jamais été menée. Depuis 1986, notre consommation d’électricité a dérapé sous prétexte de production nucléaire surabondante!: 27!% de plus par têtedepuis 1991. A l’inverse, l’Allemagne, ayant décidé de sortir du nucléaire, a adopté en 1998 une politique privilégiant les économies. Douze ans plus tard, les Allemands dépensent en moyenne 28!% d’électricité en moins au niveau domestiqueque les Français sur une base comparable (hors chauffageélectrique par effet joule, spécialité française). L’Allemagne n’est pas pour autant retournée à la bougie et a diversifié

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d’un subterfuge pour préserver le système actuel, au lieu de construire un système plus écologique, plus social, et protecteur des libertés.

" Agir sur les systèmes énergétiques et techniquesn’implique-t-il pas le passage à un nouveau type de société, en rupture avec le mythe de la croissance!? Comment mener une transitionglobale, qui nécessite des politiques publiquesfortes et coordonnées!? Le système technocratiquereposant sur la toute-puissance des grands corpsd’Etat peut-il porter une politique fondamentalementdifférente de celle qu’il a menée depuis unequarantaine d’années (TGV, nucléaire,autoroutes...)!? #Benjamin Dessus Je pense que non. Ces mesures supposentune réforme politique pour mettre en place des institutionspartant du citoyen, et non d’une oligarchie technico-politique. Il est clair que les actions à mener ne peuvent partir que du niveau local. Une politique de chauffe-eau solaires ne peutpas être gérée depuis le ministère de l’Industrie!! La logique est la même pour l’agriculture relocalisée ou les économies d’énergiedans le bâtiment. Il importe de redistribuer le pouvoir au niveaulocal, dans le cadre d’unecoordination nationale des politiques.Thierry Salomon Il faut que soientdébattus très rapidement les grandsprincipes qui déboucheraient sur un plan de transition énergétique.A partir de la loi-cadre qui en découlerait, la représentationnationale en discuterait aussi les modalités techniques. NégaWattpropose la création d’une HauteAutorité de la Transition Energétique,composée de personnes qualifiées– dont des représentants d’ONG –nommées par l’Assemblée nationale,et qui disposerait de pouvoirs de police. Cela suppose que le peuple se soit exprimé en faveurd’une forte transition énergétique en 2012. Sa planification porteraitsur les objectifs nationaux déclinésau niveau régional et aurait pour rôled’éviter que le pouvoir politique se saisisse des enjeux techniques. La consultation des citoyens aurait

lieu par le biais des élections, car ouvrir un référendum sur la transition énergétique peut être dangereux. Il faut prendreles lobbies de vitesse.Meike Fink La gouvernance énergétique actuelle, très centralisée, représente en effet un obstacle à la mise en placede solutions locales de maîtrise de la consommation et au développement des ENR, donc à la sortie du nucléaire. La nécessaire décentralisation du système énergétique françaisdevra s’accompagner d’une nouvelle répartition des compétencesde l’Etat et des collectivités en matière de production et de distribution. La transition énergétique ne peut être qu’un projet sociétal impliquant tous les acteurs de la société.Stéphane Lhomme L’arrêt du nucléaire doit être mis en œuvre sans attendre que les pays soient devenus des démocraties totales. L’Allemagne est encore loin d’êtreparfaite, mais il est quand même salutaire que le nucléaire s’y arrête bientôt.

" Et s’il n’y a pas de décision de sortie du nucléaire!?Comment obtenir la fermeture des sites les plusdangereux!? #Thierry Salomon Le gouvernement va sans doute créer un effet d’annonce fort en annonçant la fermeture de Fessenheim

début 2012. NégaWatt n’a pas à prendre parti pour la fermeture de telle ou telle tranche.Benjamin Dessus La seule stratégievalable est celle qui a été menéecontre les gaz de schiste ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : à un moment donné, les gens sortentles fourches... A condition de ne pasdire n’importe quoi sur les dangersréels des installations, les prises de conscience et les luttes localespeuvent pousser les populations dans la rue – et, dans une certainemesure, cela fonctionne.Meike Fink En parallèle, l’Europe jouera un rôle essentiel.Même si l’abandon du nucléaire relève des Etats, la radioactivité ignore les frontières. Les Etatsmembres ayant décidé d’en sortirdevraient s’organiser pour fairepression sur les autres.

> PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT HUTINET

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sa production. En douze ans, la France peut au moins faire aussi bien. C’est le point de départ de notre étude, qui montrequ’en appliquant uniquement les objectifs du Grenelle de l’Environnement, peu ambitieux en production d’électricitérenouvelable, on peut arrêter tous les réacteurs atteignant l’âge de trente ans en moyenne (27 à 33 ans selon leur état) sans même agir sur les modes de vie.Meike Fink Le RAC-F est évidemment en faveur d’une sortieprogrammée du nucléaire et, en particulier, de la fermeture la plus rapide possible des réacteurs les plus anciens. Cependant,si les 21 réacteurs nucléaires qui on atteint trente ans en 2011étaient fermés immédiatement, cela diminuerait de 16!% la capacité électrique française (18,94 GW1 sur 120 GW au total).On pourrait croire que cela ne poserait pas de problème, puisquela puissance appelée a été de 96,7 GW au maximum en 2010.Mais les capacités de production d’électricité ne sont pas toujoursdisponibles, étant souvent arrêtées pour entretien, chargement du combustible ou arrêts non programmés. Pour fermer la totalitédes réacteurs trentenaires dès cette année, la mise en route de centrales thermiques à court terme pourrait techniquementêtre nécessaire pour éviter des difficultés d’approvisionnement.

" Vu la hausse inévitable des prix de l’énergie,comment conjuguer réduction drastique des consommations et diminution des inégalitéssociales tout en maintenant les libertésfondamentales!? Comment défendre, comme l’a fait Benjamin Dessus le 23 septembre 2010devant le corps des Mines, l’indispensable baissedu train de vie énergétique des plus riches et la relocalisation des activités!? Quels outilsfiscaux!et tarifaires!? #Benjamin Dessus Cette déclaration a provoqué quelquesremous… Pourtant, on ne sortira de la crise écologique et de la hausse croissante des inégalités entre riches et pluspauvres au sein des sociétés et entre les sociétés qu’en mettanten place des régulations nouvelles. Elles pourraient porter sur les revenus – en instaurant le cas échéant un revenumaximum grâce à une imposition très élevée des tranchessupérieures. Mais les populations l’accepteraient peut-être

plus facilement si cela portait sur les consommations. Les consommations de base seraient alors quasi gratuites, puis les prix de l’énergie seraient croissants par tranches. Cette régulation peut aussi porter sur les achats d’appareilsélectriques, par une politique de bonus/malus.Meike Fink La façon de conjuguer une réduction drastique des consommations d’électricité avec la réduction des inégalitésdépend beaucoup des situations nationales. En France, 32!% des logements sont équipés en chauffage électrique,contre moins de 3!% en Allemagne. Mais le kWh en Allemagnecoûte en moyenne 130!% de plus qu’en France. Réduire la consommation électrique en France en fixant un budget de kWh par logement au-delà duquel la consommationdeviendrait très chère pèserait davantage sur des personnesvivant dans des passoires énergétiques, dont les factures sont déjà importantes à cause du chauffage électrique, et qui sont souvent les plus pauvres.Stéphane Lhomme Une baisse de la consommation d’énergiepeut être imposée par un gouvernement totalitaire ou émanerd’un régime démocratique. Diminuer la consommation d’énergiedes plus riches et relocaliser les activités ne serait pas suffisant,mais apparaît effectivement indispensable pour réduire les inégalités sociales sur la planète. Il faut en revanche se méfierd’options techniques comme les compteurs électriques dits intelligents, tels le fameux Linky (ce boîtier censé permettredes économies d’énergie transmet aux opérateurs des donnéessur la vie privée des consommateurs). Il ne s’agit que

Cahiers de Global Chance!: Nucléaire!:le déclin de l’empire français, 2011!;Nucléaire!: la grande illusion, 2008. Aussi sur www.global-chance.orgLa consommation d’énergie en Franceet en Allemagne, une comparaisoninstructive, B. Laponche, mai 2011.

Nucléaire!: comment en sortir!? Etude sur des sorties du nucléaire en 5 ou 10 ans, RSDN, 2007.http://www.sortirdunucleaire.org

M. Schneider, A. Frogatt, S. Thomas,The World Nuclear Energy Status,Report 2011. Nuclear Power in a Post-Fukushima World, WorldWatchInstitute 2011, téléchargeable sur!:http://www.rue89.com/planete89/2011/04/

29/apres-fukushima-sans-doute-la-fin-du-developpement-nucleaire-201561

Un entretien avec le Pr Bandazhevskyhttp://www.yvesmichel.org/yves-michel/espace-ecologie/entretien-avec-yuri-bandajevski-apres-laccident-de-fukushima-et-25-ans-apres-tchernobyl

Ecologie et service public de l’énergie,in Le Courrier de la Baleine n°!157.

Positions des AT France sur l’énergie,l’électronucléaire, la production et la consommation d’électricité, les sociétés soutenables... http://www.amisdelaterre.org/-Nos-positions-.html ;voir aussi, sur les fausses solutionshttp://www.amisdelaterre.org/-Nanotechnologies-climat-et-energie,691-.html

Sur le coût énergétique du Cloudcomputing, (“informatique en nuage”,espace de sauvegarde proposé auxparticuliers sur les gros serveurs Internet)http://www.greenpeace.org/international/en/publications/reports/make-it-green-cloud-computing/

Sur les probabilités de catastropheshttp://images.math.cnrs.fr/Accident-nucleaire-une-certitude.html

Le point de vue d’un philosophe paru dans les pages “Rebonds” de Libération http://www.liberation.fr/terre/01012353455-sortir-du-nucleaire-ou-y-rester-une-meme-illusion

Sur le suivi de la catastrophe deFukushima Daiichi, voir http://fukushima.

over-blog.fr (qui donne également desliens vers d’autres sites importants)

Voir aussi, très complet sur le nucléaireen général, www.dissident-media.org/infonucleaire ; sur les sites et matièresnucléaires, www.francenuc.org ; sur le travail en centrales,www.ledecontamineur.comLe coin des livres (extraits de labibliographie détaillée de la rubrique“énergie nucléaire” du site des ATF)

De Roulet Daniel : Tu n’as rien vu à Fukushima, Buchet Chastel, 2011

Lepage Corinne : La Vérité sur le nucléaire. Le choix interdit,Albin Michel, 2011

Nesterenko V.B. et A.V., Yablokov A.V.,

Chernobyl: Consequences of the Catastrophe for People and theEnvironment, New York Academy of Sciences, 2010

Langewiesche William: Atomic Bazaar,Allia, 2010

Lemieux Julie : Avez-vous peur du nucléaire ? Vous devriez peut-être,MultiMondes (Québec), 2009

Scheer Hermann : L’autonomieénergétique, Actes Sud, 2007

Lhomme Stéphane : L’insécuriténucléaire. Bientôt un Tchernobyl en France ? Yves Michel, 2006

Barrillot Bruno : Le complexe nucléaire!:des liens entre l’atome civil et l’atome militaire, Obsarm/RSDN, 2005

Hecht Gabrielle : Le rayonnement de la France. Energie nucléaire et identiténationale après la Seconde Guerremondiale, La Découverte, 2004

Morichaud Jean-Pierre : La filièrenucléaire du plutonium – menace sur le vivant, Yves Michel, 2002

Belbéoch Roger : Tchernoblues. De la servitude volontaire à la nécessitéde la servitude, L’Esprit frappeur 2001

Thébaud-Mony Annie : L’industrienucléaire, sous-traitance et servitude,Inserm/EDK 2000

Puiseux Louis : La Babel nucléaire,Galilée 1977-1981

Simonnot Philippe : Les nucléocrates,P. U. de Grenoble, 1978

Pour en savoir plus

Dans les années 1970, les Amis de la Terre faisaient déjàcampagne pour l’arrêt du nucléaire (détail d’une affiche coéditéeà l’époque avec le CRIN-Breizh).

DOSSIER NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR

1 Gigawatt, soit 1 milliard de watts. La puissance moyenne des réacteursfrançais en service est de 1 GW, ou 1 000 MW (1 million de kW). La production d’électricité se mesure en multiples du wattheure (quantitéd’énergie produite en 1 h par une source d’énergie d’une puissance de 1 W).En 2009, la production électrique de la France a été de 521 térawattheures(521 milliards de kWh), pour une consommation de 7 600 kWh par habitant. En 2007, les Africains avaient consommé en moyenne 578 kWh par habitant. ©

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Installations dangereusesPourquoi il faut arrêterle TricastinAu Tricastin, les défaillances graves s’accumulent.Une catastrophe serait humainement et moralement inacceptable. Seule solutionresponsable : la fermeture immédiate des quatre vieux réacteurs.

Les quatre réacteurs de 900 MW de la centrale du Tricastin ontété connectés au réseau électrique il y a plus de 30 ans!: en 1980pour les n°1 et n°2, et au premier semestre 1981 pour les n°3 etn°4. En 2010, son réacteur n°1 – le premier en France, avantmême ceux de la doyenne Fessenheim – a reçu de l’Autorité deSûreté nucléaire (ASN) une autorisation de prolongation de dix ans.Le n°2 a récemment subi sa troisième visite décennale. Il ne faitguère de doute que la même autorisation lui sera accordée.

Graves défauts de conception, vétusté...De fait, l’ASN avait préalablement donné son accord génériquepour la prolongation de tous les réacteurs du même type que Tri-castin, bien qu’en dénonçant, paradoxalement, de nombreux pro-blèmes communs. En février 2011, l’ASN révèle un défaut sur lesgroupes électrogènes de secours à moteur diesel, qui vaudra ausite de Tricastin un classement en incident de niveau 2 et unemention spéciale pour cumul d’anomalies. Le même mois, uneanomalie générique est relevée sur le système d’injection de sé-curité d’eau borée dans le circuit primaire, qui assure le refroidis-sement du cœur en cas de fuite.

Autre facteur commun à tous les réacteurs de 900 MW!: le vieil-lissement de leurs principales composantes – générateurs de vapeur,enceinte en béton, soudures, et surtout cuve du réacteur, le seul élé-ment qu’il n’est pas concevable de remplacer malgré son rôle cru-cial dans la sécurité de l’installation. En 2008, l’ASN déclarait : “Larupture de la cuve est un accident inenvisageable dont les consé-quences ne sont donc pas prises en compte dans l’évaluation de lasûreté du réacteur.” Dans la même veine, nous avions appris avecstupéfaction que “les accidents avec fusion du cœur n’ont pas étéconsidérés lors de la conception des réacteurs de 900 MW”. Outre

ces problèmes génériques, les réacteurs du Tricastin présententdes spécificités qui font frémir. On se souvient des deux barres decombustibles restées accrochées en 2008 au couvercle de la cuvedu réacteur 2 pendant deux mois, menaçant de tomber sur les155 barres restantes. Depuis, les dysfonctionnements majeurs sesuccèdent, témoignant de la vétusté du site. En 2011 ont déjà eulieu pas moins de dix inspections de l’ASN, dont les rapports égrè-nent des successions de défaillances graves! : béton des murséclaté, mauvaise coordination entre intervenants, défauts dans lesprocédures, etc. De plus, le site du Tricastin accueille la plus im-portante concentration d’industries nucléaires et chimiques deFrance!: l’ASN a récemment demandé à EDF-Tricastin de réévaluerles risques liés à son environnement industriel.

Enfin, tous les réacteurs du Tricastin utilisent du combustibleMOX, dont le point de fusion est nettement plus bas que celui descombustibles à l’uranium classiques, ce qui accroît considérable-ment le risque de réaction en chaîne incontrôlable en cas d’accident.

Risques d’inondation et de séisme sous-évaluésPour clore cet inventaire non exhaustif, signalons que l’ASN de-mande à EDF de prendre en compte avant le 15 septembre 2011les risques conjugués d’un “tsunami” (dû par exemple à la rupturedes digues du Canal de Donzère qui borde la centrale) et d’unséisme. Or les séismes dans la zone se caractérisent par une confi-guration “en essaims” qui rend quasiment impossible de prévoirleur magnitude ou la profondeur des foyers.

A ce jour, trois des quatre réacteurs du Tricastin servent à pro-duire l’électricité pour alimenter l’usine d’enrichissement d’ura-nium Eurodif. Celle-ci sera bientôt remplacée par l’usine Georges-Besse II, qui requiert considérablement moins d’électricité (50 MWau lieu de 3 000 MW aujourd’hui). Comment, au vu des risquesdécrits, envisager la prolongation de ces réacteurs à seule fin deproduire de l’électricité excédentaire ?

En cas de catastrophe nucléaire au Tricastin un jour de mistral,il suffirait de deux heures pour que les rejets atmosphériques attei-gnent Marseille et son million d’habitants. Ces rejets auraient déjàsurvolé le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Gard... soit quelquetrois millions de personnes. Les axes de circulation routière et lesvoies ferrées qui longent le fleuve seraient fermées, rendant impos-sible l’évacuation en urgence de la population et transformant labasse vallée du Rhône en un redoutable piège. > ISABELLE TAITT

http://collectifantinucleaire13.wordpress.com

19

S’il y a un pays où l’opposition au nucléaire ne fait pas débat,c’est l’Autriche. Au lendemain de la catastrophe de Fukushima, lechancelier Werner Faymann du SPÖ, le parti social-démocrate,insiste pour que soit déclenchée “une large discussion sur l’utili-sation de l’énergie nucléaire, pas seulement en Europe mais dansle monde”. La présence dans les pays voisins – Suisse, Alle-magne et République tchèque en particulier – de centrales jugéesdangereuses à proximité de la frontière provoque d’intenses re-mous dans la société autrichienne. Le gouvernement lance alorsl’initiative Get out of nuclear (Sortons du nucléaire) exigeant le dé-mantèlement des 150 centrales nucléaires de l’Union européenne(UE). Il demande également à ce que les Vingt-Sept de l’UE réaf-fectent les fonds d’Euratom, l’organisme public européen chargéde coordonner les programmes de recherche sur l’énergie nu-cléaire, vers les modalités d’un abandon progressif de cette der-nière au profit des énergies renouvelables.

Déjà, en 1978, un référendum populaire…Cette méfiance envers l’atome remonte à plus de trente ans. En1978, l’Autriche s’apprête à inaugurer sa première centrale nu-cléaire à Zwentendorf – à 60 km à l’ouest de Vienne – dont la

construction a coûté 380 millions d’euros. Mais, à l’occasion duréférendum populaire du 5 novembre de cette même année, lesAutrichiens, à une courte majorité de 50,5!%, se prononcentcontre l’utilisation de l’énergie nucléaire pour produire de l’électri-cité. La centrale ne démarrera jamais. Dans la foulée, le Parlementautrichien vote une loi de non-utilisation de l’énergie nucléaire (laloi Atomsperrgesetz).

Après des années de débats houleux, c’est finalement la ca-tastrophe de Tchernobyl, en 1986, qui permet à la classe politiqueautrichienne de s’entendre sur la fin de l’utilisation du nucléairecivil. L’interdiction d’exploiter cette forme d’énergie est élevée aurang de clause constitutionnelle le 13 août 1999. Symbole decette hostilité résolue, le site de la centrale de Zwentendorf a étéracheté en 2005 par EVN, le producteur et distributeur d’électri-cité de Basse-Autriche, pour le transformer en site de productiond’énergie solaire.

Descente énergétiqueSi l’Autriche ne produit pas d’électricité par le nucléaire, elle enimporte une petite quantité, estimée à 6!% du total de la consom-mation électrique nationale. De nombreuses voix s’élèvent pourenvisager l’indépendance énergétique, mais le défi est immense!:70!% de l’énergie actuellement consommée dans le pays est pro-duite à partir de sources importées. “L’autosuffisance énergétiqued’ici 2050 est un objectif réalisable”, a déclaré le ministre de l’en-vironnement Nikolaus Berlakovitch en janvier dernier. Conscientque “ces changements requièrent de gros efforts et une refonteà long terme de nos systèmes économiques et énergétiques”, leministre met la priorité sur l’efficacité énergétique et les énergiesrenouvelables.

Depuis cette annonce, les scénarios de descente énergétiquese multiplient avec des mesures fortes dans le déploiement de lamobilité douce et de la rénovation thermique des logements. Labiomasse et l’hydroélectricité pourraient couvrir plus de la moitiéde la demande en énergie d’ici 2050. En 2009, la part de marchédes énergies renouvelables en Autriche représentait 27!% de laconsommation totale intérieure brute d’énergie. Plusieurs com-munes autrichiennes ont d’ores et déjà gagné leur autosuffisanceénergétique, à l’instar de Schenkenfelden, en Haute-Autriche, oude Güssing, dans le sud-est du pays. > SOPHIE CHAPELLE

Politiques alternativesL’Autriche vise l’indépendance énergétique sans nucléaireLes citoyens d’Autriche ont refusé le nucléaire chez eux et le pays milite pour son abandon en Europe. Il a mis en œuvre une politique ambitieuse d’autonomie énergétique.

18 DOSSIER NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR

Les situations catastrophes se sont enchaînées durant l’été 2011pour plusieurs installations nucléairesaméricaines. Fin juin, les centralesnucléaires de Fort Calhoun et Cooper,dans le Nebraska, sont encerclées parles eaux, suite à la crue du Missouri. Au même moment, un incendie ravageles forêts entourant le Laboratoirenational de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, où sont stockés 30!000 barilsde déchets radioactifs contaminés au plutonium. Le 23 août, un séisme de magnitude 5,8 secoue la côte Est des Etats-Unis, entraînant l’arrêt

de six réacteurs nucléaires situés dans un rayon de 240 kilomètres autour de l’épicentre. Deux de cesréacteurs appartiennent à la centraleNorth Anna, en Virginie, construite selondes normes lui permettant de résister àun séisme de magnitude 6,2. Vingt-septcontainers en béton renfermant desdéchets radioactifs sont égalementdéplacés de plusieurs centimètres. Le 28 août, toujours le long de la côte Est, plus d’une douzaine de centrales nucléaires sont sur le passage de l’ouragan Irene. Deux réacteurs sont mis à l’arrêt,

l’un dans le New Jersey, “à titre de précaution”, et l’autre dans le Maryland, après qu’une grosse piècede revêtement d’aluminium se soitengouffrée dans le transformateurprincipal du site. Alors que les Etats-Unissont la première puissance atomique du monde avec 104 réacteurs (pour 20!% de la production électriquenationale) l’administration Obama n’a toujours pas tiré un trait sur son ambition de relancer le programmenucléaire, à l’arrêt depuis l’accident de Three Mile Island, en 1979.

> S. C.

Etats-UnisNucléaire!: catastrophes en chaîne

“Sortez maintenant !” Manifestation antinucléaire co-organisée par les Amis de la Terre Autriche (Global 2000) en juillet 2011.

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Le long du couloirrhodanien, entreMontélimar et Orange, le site du Tricastin accueillenombre d’entreprises de l’atome. Parmi elles, la Socatri,condamnée le 30 septembre 2011 à verser 530!000 euros à divers plaignants, dont les Amis de la Terre,pour pollution radioactivedes eaux en juillet 2008.

Le site du Tricastin

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Souvenons-nous que, par la grâce del’Autorité nationale de protection contreles rayonnements ionisants, le nuageradioactif de Tchernobyl s’est arrêté en1986 à la frontière française, ou quec’est après la décision de construirel’EPR de Flamanville que le gouverne-ment a annoncé, en 2008, l’organisa-tion d’un “débat public” (sic). En outre,les antinucléaires actifs savent qu’ilspeuvent être surveillés, voire que la po-lice peut perquisitionner chez eux et lesgarder à vue s’ils dévoilent les faiblessesdu parc nucléaire français qu’EDF en-tend garder secrètes.

L’électronucléaire civil s’est appuyésur des technologies issues des appli-cations militaires à l’origine des tragé-dies d’Hiroshima et de Nagasaki!; il n’ajamais perdu les réflexes de ses ori-gines. De fait, la gravité d’un accidentpossible et la crainte des réactions d’unepopulation écartée des choix énergé-tiques rendent plus autoritaires les so-ciétés nucléarisées!: cette source d’éner-gie n’apparaît guère compatible avec ladémocratie. C’est ainsi que, après 1945,pour faciliter le lancement de la fabrica-tion des bombes H et du nucléaire civil,le discours médical officiel a introduitune notion de limite inférieure de dosede radiation nocive pour la santé – alorsque son existence ne repose sur aucunfondement scientifique, comme l’a ex-pliqué Jean-Philippe Desbordes1 – et c’est pourquoi l’Organisationmondiale de la santé (OMS) doit soumettre toutes ses publicationssur les effets sanitaires des radiations nucléaires à la censure del’Agence internationale de l’énergie atomique (voir p.!12).

La très discrète commission PéonLes décisions sur le programme électronucléaire français ont étépréparées par une sorte de discret parlement interne des diri-geants du secteur nucléaire!: la commission “Péon” (Commissionconsultative pour la production d’électricité d’origine nucléaire).Elle s’est réunie régulièrement entre 1955 et 1980 pour concocteren vase clos les programmes nucléaires français, appliqués en-suite sans débat public ni vote parlementaire. Péon a orchestré en1974 un véritable coup de force en profitant du choc pétrolier de1973 et de la panique entretenue à son sujet. Pour obtenir du gou-vernement le lancement du programme délirant qui a conduit àconstruire les 58 réacteurs actuellement en service, les nucléo-crates ont affirmé, à “dire d’experts”, que la consommation d’élec-tricité française doublerait tous les dix ans de 1974 à 2000. Or lacroissance observée a été deux fois moindre, et ce malgré l’acti-visme d’EDF dans la promotion du chauffage électrique.

L’objectif de Péon était moins de répondre aux besoins natio-naux que de mettre en place, grâce aux commandes publiques,un capitalisme nucléaire apte à participer à la course aux contratsinternationaux, sans se soucier de prolifération. Les nucléocratesinstrumentalisent aujourd’hui le changement climatique pour nour-rir une rhétorique selon laquelle leurs centrales, peu émettrices degaz à effet de serre, seraient indispensables. Cet argument depure opportunité – car ces braves gens ne montrent pas une tellesensibilité pour les effets de l’accumulation de déchets radioactifs

sur terre – ne résiste cependant pas àl’examen, comme l’ont démontré Ben-jamin Dessus et Philippe Girard dans“Le scénario SUNBURN de relancedu nucléaire” (in Cahiers de GlobalChance n°!21, mai 2006).

Centralisme technocratiqueLa confiance aveugle dans le progrèstechnique, qui caractérise nos socié-tés industrielles, est amplifiée en Francepar une organisation centralisée et parle pouvoir qu’elle confère à des féoda-lités technocratiques – comme le Con -seil général des Mines en matière éner-gétique – qui préemptent la définitionde l’intérêt général au profit des lob-bies industriels. Or, les choix énergé-tiques mettent en jeu toute l’organisa-tion de la société et les décisions affé-rentes débordent de tous côtés lescompétences de l’économiste et dutechnicien. Le personnel politique –gauche et droite confondues – abdiquepourtant sa responsabilité et ânonne lecredo de ses “experts”, témoignant dudegré élevé de fusion entre l’économieet l’Etat sous l’emprise du capitalisme.Le nucléaire illustre le mieux l’inadap-tation des mécanismes politiques tra-ditionnels face à la toute-puissancetechnicienne, du fait de l’extrême dis-symétrie entre, d’un côté, une techno-logie qu’un nombre très réduit de per-

sonnes peut comprendre et maîtriser et, de l’autre, l’ampleur consi-dérable des impacts sociaux de son emploi à grande échelle.

Puisque le congédiement de la démocratie a permis à undogme technocratique d’établir son empire, c’est du débat publicque jailliront les transformations énergétiques nécessaires – dontla sortie progressive du nucléaire. La démocratie est la clé de ladéfinition et de la réussite de la transition à opérer, car les ques-tions d’énergie sont beaucoup moins techniques que politiques.Les décisions prises jusqu’ici portent la marque d’intérêts puis-sants, auxquels ne peut s’opposer que l’expression d’un intérêtgénéral forgé par la délibération. Il appartient donc aux forces dumouvement social d’imposer ce débat. > PHILIPPE MÜHLSTEIN

Fédération SUD-Rail – Union syndicale Solidaires

1 In Atomic Park. A la recherche des victimes du nucléaire, Actes Sud, 2006.

Le conseil municipal de Latour (Haute-Garonne) lance unappel à tous les conseils municipaux pour qu’ils demandentavec lui aux autorités concernées la sortie rapide du nucléaire,“l’arrêt immédiat des réacteurs les plus vétustes, l’arrêt desautres avant cinq ans, l’abandon immédiat des travaux denouvelles installations nucléaires (…). Il restera bien assez deproblèmes à régler (et d’emplois…) avec la dénucléarisationdes déchets et des sites. Investissons dans les énergiesrenouvelables, génératrices d’emplois, y compris localement.”

> Voir l’intégralité de l’appel sur http://latourcontreatome.free.fr

InitiativeDélibération à suivre

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En France comme ailleurs, les travailleurs du nucléaire sont mas-sivement exposés à des radiations importantes, ce qui est peuconnu, puisqu’une chape de plomb pèse sur le sujet. Leur rôleest essentiel, car l’exploitation des réacteurs nucléaires exige unemaintenance constante et extrêmement soigneuse, notammentdurant les opérations de renouvellement du combustible. Au dé-part, les travailleurs qui pénétraient dans les zones les plus ra-dioactives étaient salariés d’EDF et des constructeurs. Mais, trèsvite, il est apparu impossible de respecter les limites réglemen-taires d’exposition aux rayonnements ionisants sans immobilisertrès souvent les nombreux salariés qui les atteignaient très rapi-dement. A partir des années 1970, le plus grand désordre arégné dans la radioprotection des travailleurs extérieurs. Cen’était pas alors la préoccupation dominante de Pierre Pellerin1,pourtant directeur à l’époque du Service central de protectioncontre les rayonnements ionisants (SCPRI)2. En 1987, la Com-mission européenne a exigé que la France y mette de l’ordre,puisque de nombreuses informations provenant d’EDF contredi-saient les données du SCPRI sur ces travailleurs.

Sacrifice des travailleursEDF a alors décidé, après avoir dressé un rapport sur la mainte-nance, de transférer toute la décontamination et les opérationssur les structures radioactives à des sous-traitants effectuant,pour certains, des missions très courtes. Ces personnes sont toutsimplement sacrifiées. Des chercheurs et plusieurs collectifs demédecins du travail l’ont fait savoir à partir du tournant des an-nées 1990 – y compris auprès du député Claude Birraux, qui,dans son rapport de juin 2011, demande une nouvelle fois l’arrêtde la sous-traitance en cascade. Leurs enfants sont aussi sacri-fiés, puisque ces salariés peuvent être atteints de troubles repro-ductifs. L’expérience de Tchernobyl démontre maintenant à trèsgrande échelle les impacts cumulatifs de la contamination sur les

organismes! : ce sont désormais trois générationsqui ont subi les conséquences des irradiations,puisque les malformations se transmettent.Or les travailleurs du nucléaire encourent exactementles mêmes risques. Le nucléaire ne peut donc fonc-tionner qu’en créant une classe d’esclaves. La Francen’a réduit leur dose individuelle maximale annuelle à20 mSv que sous la contrainte de la directive euro-péenne de 1996 et n’y est parvenue qu’en 2003,sous la menace d’une sanction financière. Mais celaa accéléré la précarisation d’une partie des sous-trai-tants. Un de ces salariés, que j’ai récemment ren-contré, a ainsi cumulé une dose de 316 mSv survingt ans avant de se retrouver avec un cancer bron-cho-pulmonaire (reconnu radio-induit) à l’âge de 52ans. Un autre a effectué la décontamination radioac-tive en centrales pendant un an. Il est atteint d’uncancer de la thyroïde, d’une leucémie et d’un lym-phome – trois pathologies typiques de l’irradiation.Pour un cas connu, combien demeurent invisibles!?Aucun suivi médical ne permet de les identifier.

Atteintes fondamentales à la sûretéEDF s’est abrité derrière des prétextes industriels etéconomiques pour justifier la sous-traitance, maiscette organisation du travail porte aussi fondamenta-lement atteinte à la sûreté. En effet, la mémoire dutravail et des interventions se dilue dans une popula-tion qui circule très rapidement d’un réacteur à l’au-tre. Les sous-traitants ne sont pas rattachés aux sitesde production, tandis que le personnel EDF part à la

retraite. Les pratiques actuelles, de “retour d’expérience” sur dos-siers, transforment donc les actes de prévention en une “sûreté depapier”. Il n’existe plus de mémoire collective du travail réel effectuésur les installations, car la connaissance du travail réel suppose laparole sur le travail dans le cadre d’un échange. Mais la parole destravailleurs extérieurs n’est jamais sollicitée. Or les travaux d’analysedes catastrophes industrielles pointent le rôle capital de l’anticipa-tion des conditions de possibilité de l’accident pour le prévenir. Celasuppose que les installations soient parfaitement connues des ex-ploitants. La logique d’ignorance à l’œuvre chez AZF, où il a été im-possible de retracer les opérations effectuées dans les jours ayantprécédé l’accident du 21 septembre 2001, est quotidiennement re-produite dans la maintenance des centrales nucléaires.

Il faut donc revenir au plus tôt à une exploitation industrielle ri-goureuse pour réduire au maximum les risques d’accident, avantd’arrêter le nucléaire. Et, alors que le démantèlement est le seulavenir souhaitable pour la filière, l’expérience montre que les tra-vailleurs chargés du désamiantage sont infiniment mieux protégésque les anciens travailleurs ayant manipulé l’amiante – même si lerespect de la réglementation reste insuffisant. Il faudra s’en inspi-rer pour exclure toute sous-traitance, mettre en œuvre des tempsd’intervention très réduits, créer des procédures et des matérielsexcluant tout contact avec les matériels contaminés. Enfin, tenircompte de l’extrême pénibilité et dangerosité des métiers du nu-cléaire en accordant à tous un droit à la retraite anticipée.

> ANNIE THEBAUD-MONYSociologue, directrice de recherche

à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)

1 Sur le non-lieu prononcé à l’égard du Pr Pellerin le 7 septembre 2011 et le pourvoi en cassation de l’AFMT, voir www.asso-malades-thyroide.org

2 Dirigé par Pierre Pellerin de 1957 à 1993, le SCPRI a été renommé OPRI en 1994, puis a fusionné avec l’IPSN (voir p. 12) pour former en 2002l’actuel IRSN (voir p. 13).

20 DOSSIER NUCLÉAIRE, S’EN SORTIR

Décisions publiquesUn déni permanent de démocratieL’histoire française montre que le nucléaire n’a pu proliférer que contre la démocratie. C’est n’est donc que par le débat démocratique qu’il pourra être rejeté.

Affiche des Amis de la Terre, 1975.

Pour sa maintenance, hautement dangereuse, l’industrie nucléaire a créé une classe d’esclaves.

Risques industriels et sanitairesTravailleurs du nucléaire!:l’urgence d’un statut décentL’industrie nucléaire ne peut fonctionner qu’en sacrifiant une partie de ses travailleurs. Mais la prévention sanitaire, la sûreté industrielle et la nécessité du démantèlementobligent dès à présent à définir un statut spécifique et très rigoureux.

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Le nombre d’études techniqueset scientifiques sur les gaz et huiles de schiste se multiplient.Pourquoi, dans ce contexte,publier un documentsupplémentaire sur ce thème!?Quelle a été votre approche ?Marine Jobert Ce livre s’adresse aussibien au militant chevronné qu’au citoyennovice sur la question. Nous avonsessayé avant tout de présenter les aspects scientifiques et techniques du débat, pour ensuite le resituer

dans le cadre plus global de l’avenirénergétique de notre société. L’impact climatique des gaz et huiles de schiste est aussi largement traité,illustrant la toxicomanie énergétique de notre société.Nous faisons également un tour d’horizonde la situation des gaz et huiles de schisteà l’étranger, notamment aux Etats-Unis,en décortiquant les liens entre les mondesindustriels et politiques. Nous décryptonsainsi les activités de Dick Cheney et de George W. Bush pour mettre horsd’état de “nuire” l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis.

Que pensez-vous de la loi,promulguée le 13 juillet dernierpar le président de la République,qui “interdit” l’utilisation de la fracturation hydraulique!?Cette loi est évidemment insatisfaisante,puisqu’elle se contente d’apporter une solution technique à un problème de société. Quelle est la volonté des parlementaires sur ce dossier!? Si vous considérez que le danger des gaz et huiles de schiste est réel, vous interdisez définitivement leur exploitation. Les parlementaires

ont fait un choix bien différent en laissantune opportunité aux détenteurs de permisde conserver leurs droits en misant sur une acceptabilité future de leur activitépar la population.

Vous avez reçu des pressions de la part de Julien Balkany, ex vice-président de la sociétéToreador (qui détient des permisd’exploration d’huiles de schistedans le Bassin parisien) et demi-frère de l’hommepolitique Patrick Balkany.Il est clair que ce livre a l’air de le déranger!! Dans une lettre qu’il nousa adressée avant la sortie du livre, l’avocat de Monsieur Balkany nous informe que notre livre comporteraitdes éléments diffamatoires, ce pourquoi il a souhaité nous “mettre en garde”.Il nous menace aujourd’hui de porterplainte pour diffamation. S’il espérait que l’on cèderait aux pressions et que l’on modifierait le contenu du livre,il se trompait lourdement!! > PROPOS

RECUEILLIS PAR ROMAIN PORCHERONchargé de campagne Responsabilité sociale

et environnementale des entreprises

* Editions Les Liens qui Libèrent.

Rencontre“Nous avons décortiqué les liens entre les mondes industriel et politique”Après plusieurs mois d’une lutte intense, les citoyens et organisations écologistes ont finalement eu raison des gaz de schiste. Le 2 octobre dernier, le ministère de l’Ecologie a en effetannoncé l’abrogation des trois permis de recherche d’exploitation de ces hydrocarbures. Dans Le vrai scandale des gaz de schiste*, Marine Jobert, journaliste, et François Veillerette, président de l’association de protection de l’environnement Générations futures, reviennent sur l’histoire de l’exploitation de ces gaz. Explications avec Marine Jobert.

23

2040. Au Japon, l’accident tant redouté a eu lieu. Le blackout a été aussitôt décrété ; il est impossible d’obtenirla moindre information. Vols, échanges commerciaux, tout a été annulé ; aucun Japonais ne peut quitter le pays. “Ce n’est plus une énième récession qui nous attend,commente un écologiste japonais, c’est la faillite du pays et la mort.”Au cœur d’une révolution mondiale en marche, regroupés à Kumquat, village d’Écharde (France), des êtres avides de liberté, d’art et d’amour, vont travailler à constituer une nouvelle forme de société. Parmi leurs ennemis réputésinvincibles : le nucléaire. Henry Wall, venu s’isoler pour fuir un passé trouble, devient malgré lui le mentor de la communauté.Cette recherche d’une reconstruction possible de la vie sur terre, face à l’œuvre irréversible des accidents nucléaires,résonne particulièrement en cette période qui suit le 11 mars 2011. Roman d’anticipation, Bas-Occidentest aussi un réquisitoire. Pour l’auteur, l’industrie nucléaire

figure parmi les piresmonstruosités que l’humanitéet la Terre aient jamaisconnues. Si Bas-Occidentest captivant, c’est parce que l’on y découvre une vision de notre mondedans trente ans, et que cette fresque humaine,chaleureuse et drôle, estégalement pleine d’espoir.

> Bas-Occident – Civilisation nucléaire, dernières années,Frédéric Gobert, éditions Les deux encres, 2011, 440 pages, à commander auprès de l'éditeur au prix de 25 " franco de port (02 41 56 57 30, www.les2encres.net). > Bénéficiez d’une offre spéciale jusqu’à la mi-décembre en vous recommandant de La Baleine lors de votre commande!: un autre livre des éditions Les deux encres vous sera offert.

RomanNucléaire Quand la fiction s’approche de la réalité

22 LE PLUS GRAND RÉSEAU ÉCOLOGISTE MONDIAL

> Contacts en FranceBAS-RHIN Jean-Serge BOZON / [email protected] • BOUCHES-DU-RHÔNE Véronique SINOU / Tél. : 06 76 13 62 16 /[email protected] • DUNKERQUE Nicolas FOURNIER / Tél. : 03 28 20 30 40 / [email protected] • GERS Robert CAMP-GUILHEM / Tél. : 05 62 65 64 50 / [email protected] • HAUT-VAR Jean-Alexandre LAROCHE / Tél. : 04 94 80 32 32 / [email protected] • HAUTE-LOIRE Yanni HADJIDAKIS / Tél. : 04 71 59 75 88 / [email protected] • HAUTE-SAVOIE Khaled DEGHANE /Tél. : 06 24 27 45 04 / [email protected] • HYÈRES Jacqueline HERBRETEAU / Tél. : 04 94 65 05 27 / [email protected] •ISÈRE Marc PEYRONNARD / Tél. : 04 76 45 27 95 / [email protected] • LANDES Christian BERDOT / Tél./Fax : 05 58 75 34 50 /[email protected] • LIMOUSIN Martine LAPLANTE / Tél. : 06 87 03 80 32 / [email protected] • LOIRE Hervé CHAPUIS /Tél. : 06 07 37 03 14 / [email protected] • LOIRE-ATLANTIQUE Antoine FEUILLET / [email protected] • MARNE DenisROUSSEAUX / Tél. : 03 26 04 03 78 / [email protected] • MEURTHE-ET-MOSELLE Jean-François PETIT / Tél. : 03 83 64 53 88 /[email protected] • MIDI-PYRÉNÉES / Tél./Fax : 05 61 34 88 15 / [email protected] • MONTREUIL LéaBACCHETTA / Tél. : 06 66 65 28 12 / [email protected] • MOSELLE Gérard BOTELLA / Tél. : 03 87 62 19 16 / [email protected] • NORD Gérard CABY / Tél. : 03 20 89 19 09 / [email protected] • PARIS Claude BASCOMPTE / Tél. : 01 43 56 93 18 / [email protected] • PÉRIGORD Olivier GEORGIADES / Tél. : 05 53 09 27 90 / [email protected] • POITOU (VIENNE) FrançoiseCHANIAL / Tél. : 05 49 58 25 55 / [email protected] • PYRÉNÉES-ATLANTIQUES Mélia MAKHLOUFI / Tél. : 06 14 91 36 52 /[email protected] • RHÔNE [email protected] • SAVOIE Patrick BASTIEN / Tél. : 06 37 54 47 60 / [email protected] • SEINE-ET-MARNE Jean-Claude LE MARECHAL / Tél. : 01 64 05 84 37 / [email protected] • VAL DEBIEVRE Richard COTTIN / Tél. : 01 60 13 99 51 / [email protected] • VAL D’OISE [email protected] • VAL D’YSIEUXArlette NOEL / Tél. : 01 34 68 73 16 / [email protected] • VAUCLUSE Bénédicte BONZI / [email protected]

> Contacts dans le mondeLes Amis de la Terre International PO Box 19199 / 1000 GD Amsterdam / PAYS-BAS / Tél. 31 20 622 1369 / Fax. 31 20 639 2181 / [email protected] / www.foei.orgLes Amis de la Terre EuropeMundo-B Building - Rue d’Edimbourg 26 / 1050 Bruxelles / Belgique / Tél. 32 2 542 0180 / Fax. 32 2 537 55 96 / [email protected] /www.foeeurope.org

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Août 2011. Une équipe de dix volontaires,venant des quatre coins de l’Europe, atter-rit dans une ferme au milieu de la char-mante région vallonnée des Marches, à Cu-pramontana, petite ville située à une heured’Ancône. Sa mission! : épauler l’hôte deslieux, “Franz le fermier”, dans ses tâchesquotidiennes. Soit cueillir de maigres fruitshauts perchés pour concocter de la confi-ture, s’arracher les cheveux pour monterune douche solaire au beau milieu du jar-din, entretenir ce fameux jardin et y récol-ter les légumes… La tâche la plus réjouis-sante! : la consolidation des murs des toi-lettes sèches en utilisant une méthodetraditionnelle africaine consistant à mélan-ger de la glaise, de l’eau et de la paille, soi-gneusement malaxées par nos pieds.

Réflexion et pratiques soutenablesDans le jardin de Franz, nous avons été ini-tiés aux principes de la permaculture1 etsensibilisés par exemple à l’importance decertaines “mauvaises” herbes qui aidentles plantes à fixer l’azote et font barrière(grâce à leurs feuilles piquantes) aux escar-gots qui raffolent des épinards. Nous avonségalement découvert comment entortillerdes haricots autour du maïs pour fabriquerun piège solaire… qui aidera les melons àgrossir. Toutes ces astuces stimulent lescultures. Cela s’accompagne d’une ré-flexion sur la consommation énergétiquedu lieu!(récupération de l’eau de pluie et decelle de la douche pour arroser le jardin, decelle du lavabo pour les toilettes, etc.).

Mais adopter des pratiques soutena-bles et remettre en question nos habitudes

de vie est plus difficile qu’il ne semble.Lorsqu’il s’est agit de monter la structurede la douche solaire, par exemple, le pre-mier réflexe a été d’imaginer une structurecomplexe, avec différentes portes, en re-courant à l’achat des matériaux qui man-quaient. Heureusement, nos camaradesitaliens nous ont appris l’art de bidouiller etde récupérer. En plus de ses vertus écolo-giques (voir notamment la campagne Pro-duits pour la Vie2 des Amis de la Terre),cette façon de faire nous a permis d’es-

sayer de nous défaire de nos habitudesconsuméristes et de nos réflexes ancrésdans une vie faite de confort.

Participer à un chantier international,c’est vivre une expérience humaine unique,découvrir et partager les cultures de tousles participants. Chacun s’exprimant dansune langue qui n’est souvent pas la sienne– la plupart du temps, l’anglais –, il s’éta-blit un mode de communication forçant latolérance, et aussi, il faut bien le dire, par-fois la patience.

Car cette expérience est aussi celle del’apprentissage de la vie en communauté.Chaque volontaire a dû mettre la main à lapâte et alterner travaux pratiques, net-toyage de l’espace collectif et cuisine. Nousnous sommes ainsi régalés des boulettesliégeoises, des feuilles de vignes turqueset du verdicchio local.

Ce que nous avons réellement appré-cié dans notre petite communauté coupéedu monde fût de revenir à des choses sim-ples, d’être comblé par des rencontres en-richissantes et par le résultat direct de tra-vaux manuels et de pratiques harmonieusesavec la nature. En résumé, ce chantier aété un avant-goût de ce que peut être unevie sobre mais heureuse.

>JULIE SOLENNE ET MARINE FABRE

1 Selon le réseau français de permaculture!:“science de conception de cultures, de lieux de vieet de systèmes agricoles humains utilisant des principes d'écologie et le savoir des sociétéstraditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilitéet la résilience des écosystèmes naturels.”

2 www.produitspourlavie.org

Chantiers internationauxRejoindre un projet local et convivial pour la solidarité internationaleLes vacances responsables ont du succès. Les chantiers internationaux, dont le principe est departiciper à un projet culturel, social ou environnemental contre nourriture et logement, sont l’occasionde conjuguer simplicité du mode de vie et épanouissement. Témoignage depuis Cupramontana, en Italie.

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

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HumeursLes casse-houille Après le pétrole extrait des sables bitumineux, les gaz et huiles de schiste tirés de la roche-mère, voici le gaz de houille, plus connu dans nos contrées sous le nom de grisou. Composé de méthane emprisonné dans les veines de charbon, il présente, comme pour les précédentessources d’énergies citées, les plus grands risques – liés aux énormes quantités d’eaux utilisées et polluées lors des extractions, à l’empoisonnement des sols, à la destruction de la végétation – et, par conséquent, de grands dangers pour la santé humaine ; et, cerise sur le gâteau, d’importantes fuites dans l’atmosphère de méthane, gaz vingt-cinq fois plus nocif que le CO2. En France, des permis de prospection ont été octroyésdepuis des années, bien entendu dans le secret le plus total, à des compagnies nord-américaines et australiennes, en particulier dans la région de Saint-Etienne, ce qui ne pourra que rappeler de bons souvenirsaux descendants de mineurs victimes du fameux coup de grisou. Là aussi, une mobilisation est en cours. Mais ne nous y trompons pas : quel que soit l’avenir de ces projets, il restera toujours aux plus riches, comme ultime recours pour le maintien de leur niveau de vie, l’exploitation de la bonne vieille huile de coude : une valeur sûre et éprouvée, qui ne se démode pas malgré les plus brillantes innovations technologiques. Il suffit de demander aux mineurs d’Afrique du Sud, du Pérou et de partout ailleurs. > ALAIN DORDÉ

Construction de douches solaires. “Nos camarades italiens nous ont apprisl’art de bidouiller et de récupérer…”