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Depuis 1971 Hiver 2010 / 320 N°164 www.amisdelaterre.org Le travail , au cœur des sociétés soutenables

La Baleine 164

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Le travail au coeur des sociétés soutenables

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Depuis 1971 Hiver 2010 / 3€20 N°164w

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Le travail,au cœurdes sociétéssoutenables

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SOMMAIREEditoTravailler, pour quoi faire ?Les derniers mois ont été marqués par une forte mobilisation syndicale, large-ment soutenue par la population, contre la réforme des retraites. L’un des motsd’ordre était le refus du recul de l’âge légal de la retraire de 60 à 62 ans – déjàlargement écorné en pratique, puisque la durée de cotisation nécessaire pourpercevoir une retraite à taux plein oblige de nombreuses personnes à travaillerlargement au-delà de la soixantaine.Ce mot d’ordre n’était pas le seul. Dans les cortèges, s’entendait aussi unegrande colère contre l’absence de modulation de la durée de cotisation selon lapénibilité des parcours, car chacun sait que l’espérance de vie n’est pas la mêmepour un ouvrier de la chimie et pour un cadre supérieur. C’est pourquoi cetteorientation était odieuse.Le Gouvernement a préféré ignorer toute négociation, son principal souci étantde conserver la note AAA pour sa dette publique : car il craint le sort que lesbanques et les grandes institutions financières ont déjà fait subir à la Grèce, àl’Irlande, à l’Espagne, au Portugal… en attendant la suite.Dans ce dossier, face à cette logique du travail forcé et de retraite pour les morts,nous avons souhaité nous interroger sur la place du travail dans les sociétés quenous appelons de nos vœux. Nous avons dénoncé les abus d’une organisationdu travail dont le seul but est la rentabilité et donc le profit.Nous avons montré que d’autres façons de travailler sont possibles, mettantl’humain et l’intérêt général au centre de leurs préoccupations. Nous avons rap-pelé que le travail sera abondant dans une société réduisant la place de lamachine et de l’industrie, pour redonner son espace au travail vivant, et quel’agriculture paysanne, l’artisanat, les structures coopératives et à taille humaineoffrent déjà des perspectives.Dans un cadre où le travail serait considéré en tant qu’utilité sociale et rémunérédignement, mais sans excès, le problème des retraites ne se poserait plus entermes de niveau et de durée de cotisation. La retraite ne serait que l’un desaspects d’un revenu d’existence qui donnerait, tout au long de la vie, la possibi-lité à chacun de choisir son activité. Car la question n’est pas seulement de tra-vailler plus ou moins, mais celle du sens. Travailler, oui : mais pour quoi faire ?C’est pourquoi, plus que jamais, nous devons poursuivre notre lutte contre unsystème qui montre chaque jour ses limites, et rassembler, autour du mot d’or-dre des Amis de la Terre International : résister, mobiliser, transformer.

> MARTINE LAPLANTE Présidente des Amis de la Terre • France

Depuis 1971

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendantede tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premierréseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaientles campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.

Le Courrier de la Baleine n°164« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »

Trimestriel • Hiver 2010 • n°CCPAP : 0312 G 86222 • ISSN 1969-9212Ce numéro se compose d’un cahier principal (20 pages), d’un bulletin d’abonnement, d’un dépliant « Une seule planète ».

Directrice de la publication Martine Laplante Rédacteur en chef Laurent Hutinet Secrétaire de rédaction Benjamin Sourice Comité de rédaction Philippe Collet,Cyril Flouard, Caroline Hocquard, Lucile Pescadère, Caroline Prak Ont collaboré à ce numéro Sylvain Angerand, Anne Bringault, Sophie Chapelle, Mathias Chaplain,Cyrielle den Hartigh, Alain Dordé, Emy de Welle, Aloys Ligault, Jeanne Mahé, Anne Sophie Simpere, Gwenael Wasse Crédits photos Jpeepz, Saad Khadi, Julie Kertesz,Sacha Lenormand/Les Amis de la Terre France, Les Amis de la Terre International, Enercoop, Wambach Communication – Les Amis de la Terre Caroline Prak •

01 48 51 18 96 Maquette Nismo Carl Pezin • 01 48 00 06 94 Impression sur papier recyclé Offset cyclus 90g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50

Nos sites internet I www.amisdelaterre.org I www.renovation-ecologique.org I www.ecolo-bois.org I www.produitspourlavie.org Iwww.prix-pinocchio.org I www.financeresponsable.orgContactez-nous : Les Amis de la Terre France • 2B, rue Jules Ferry • 93100 Montreuil • Tél. : 01 48 51 32 22 • Mail : [email protected]

3 - 5 > INTERNATIONAL• Climat : de Cancun à Cancon, multiplier

les initiatives• Ce qu’exige une véritable justice climatique• Biodiversité : Nagoya ou la victoire du statu quo• AG des Amis de la Terre International :

construire en s’appuyant sur la diversitédu réseau mondial

• Nnimmo Bassey, lauréat du « RightLivelihood Award »

6 - 8 > FRANCE• La calamité des gaz non conventionnels

débarque en France• Prix Pinocchio du développement durable,

édition 2010• Du « greenwashing » au « greenbashing »• Electricité : inquiétantes dérives de la politique

énergétique

9 - 10 > RÉGIONS• Le Grand Paris : plus qu’à côté de la plaque• Segonzac, première commune française

dans le réseau Cittaslow• L’incinérateur qui gâche la forêt• La longue route des déchets

11 > LES GROUPES LOCAUX EN ACTION

12 > JURIDIQUE, COLLECTIFS • PEFC : le label qui n'en est pas un• Urgence climatique, justice sociale

13 - 18 > DOSSIER : LE TRAVAIL, AUCŒUR DES SOCIÉTÉS SOUTENABLES• Eloge de la caissière• A la reconquête du travail vivant• France Télécom : mortifères pertes de sens• Des emplois verts… mais pas trop • Travail coopératif : les lamaneurs mènent

bien leur barque• Structures alternatives : quand

le « tiers-secteur » s’ajoute à l’emploi• Vallée de la Drôme : un territoire engagé

pour l’économie soutenable

19 > COIN DES LIVRES• La décroissance en question • Projet Mopani (Zambie) : l’Europe au cœur

d’un scandale minier

20 > PRATIQUE, HUMEURS• Des fêtes de fin d’année dans la sobriété• En finir avec l’année de la biodiversité ?

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INTERNATIONAL 03

Négociations climatDe Cancun à Cancon, multiplier les initiativesAlors que s’est ouvert un nouveau cycle de négociations onusiennes sur le climat à Cancun (Mexique), la sociétécivile appelle à démultiplier les initiatives face au modèle consumériste responsable de la crise climatique.

Dans le cadre de l'appel « 1 000 Cancun »,la Via Campesina appelle à « reprendre àson compte les propositions de laConférence des Peuples deCochabamba ». Parmi ces pistes, on peutrelever la réduction de 50 % des émis-sions de GES pour la seconde échéancedu protocole de Kyoto (2013-2017), laréférence à 1° C d’augmentation maxi-male et la limite de 300 ppm de CO2 dans

l’atmosphère. Pour la coalition ClimateJustice Now, dont est membre le réseauinternational des Amis de la Terre, l'enjeuest aussi de rejeter toutes les faussessolutions parmi lesquelles les dispositifsREDD – tels qu'ils sont actuellement pen-sés, la géo-ingénierie, les systèmesd’échange de quotas d’émission dedioxyde de carbone et toute participationde la Banque mondiale à la gestion des

fonds et des politiques ayant trait auchangement climatique. Comme le rap-pellent les Amis de la Terre France, « toutesolution devra nécessairement passer parun renforcement du droit des communau-tés locales et des peuples autochtones àgérer eux-mêmes leurs ressources natu-relles, et non pas par une privatisation etune financiarisation de la nature ».

> S.C.

Ce qu'exige une véritable justice climatique

Ceux qui ont tragiquement échoué endécembre 2009 lors des négociationsonusiennes sur le climat à Copenhagueont remis le couvert du 29 novembre au 10décembre 2010 à Cancun (Mexique). Lerisque est réel de voir ces discussions utili-sées par les pays riches et industrialisés, etpar les institutions financières internatio-nales comme la Banque mondiale, quicherchent à imposer leurs fausses solu-tions contre les changements climatiques.Alors que les gouvernements proposentun recours massif à des mécanismes deflexibilité (compensation, crédit carbone,etc.), Sylvain Angerand, chargé de cam-pagne Forêts aux Amis de la Terre Francealerte sur « un risque de dérive lié à l'inté-gration progressive des forêts et de l'agri-culture dans les marchés carbone ». Eneffet, lors des négociations à Cancun, lesforêts primaires pourraient entrer dans lafinance carbone par les mécanismesREDD (Réduction des émissions liées à ladéforestation et à la dégradation desforêts). En cas d'adoption, une entrepriseinvestissant dans « la gestion durable deforêts » se verrait créditée de droits à pol-luer qu’elle pourrait utiliser ou revendre.

Se réapproprierles négociations climatiquesFace à ces risques et à la possibilité extrême-ment mince d'obtenir à Cancun un accordjuste, contraignant et à la hauteur des enjeux,il est décisif de « transformer les négociationsclimatiques » comme le propose AlbertoGomez, de Via Campesina. En alliance avecde nombreux mouvements, Via Campesinaorganise des caravanes qui partiront de diffé-rentes villes du Mexique et se rendront sur leslieux des négociations pour « rendre visiblesles luttes menées contre les activitésminières, la pollution de l’eau et les grandsbarrages ». A Cancun, de multiples espacescitoyens seront organisés pour débattre desvraies solutions, ainsi que de nombreusesactions et manifestations pour faire entendreles voix de celles et ceux qui ne sont pasécoutés dans les arènes officielles.

Du côté des Amis de la Terre International(ATI), une soixantaine de représentants serontà Cancun « en s'inscrivant dans le processusde l'accord des Peuples de Cochabamba ».Ce texte, issu d'un sommet tenu en Bolivie enavril dernier, formule des exigences chiffréesambitieuses (voir encadré) mais propose aussila création d'un Tribunal international desPeuples sur la dette écologique et la Justiceclimatique. Ces demandes ont été intégréesdans le principal texte de négociations lors dela réunion de la Convention Climat à Bonn enaoût 2010. « L'un des intérêts de cet accord,expliquent les ATI, est de mettre en débat aucœur des négociations officielles des ques-tions prééminentes comme la compensation,les marchés carbone et les droits des com-munautés ». Conscients de l'importanced'une véritable mobilisation populaire pourpeser sur les choix que feront les gouverne-ments à Cancun, les ATI sont égalementimpliqués dans les mobilisations à l'extérieurdu centre des négociations.

« 1 000 Cancun »Devant l'extrême difficulté financière et orga-nisationnelle rencontrée pour se rendre àCancun, la Via Campesina a lancé l'appel« 1000 Cancun ». « Soit mille actions paral-lèles, précise Alberto Gomez. Pour transfor-mer profondément ces négociations conver-

ties en un véritable marché d’offres et dedemandes, il est absolument nécessaire demultiplier les initiatives et les exigences auniveau international ». La mobilisation devaitêtre particulièrement forte le 7 décembre2010, journée de la grande manifestationpaysanne à Cancun. Déjà dans ce cadre-là,une semaine internationale d'actions pour lajustice climatique s'est tenue du 10 au 17octobre 2010 mêlant blocages de raffinerieset organisation de villages en transition. Le 4décembre, le collectif Urgence climatique -Justice sociale (UCJS) dont les Amis de laTerre sont membres, a organisé un rassem-blement à Cancon dans le Lot-et-Garonne(voir p. 12 ). Les enjeux ? « Rendre visibles lesluttes et expériences qui, au niveau local,répondent à la crise écologique et climatiquedans les domaines des transports, de l’éner-gie, de la construction, de l’agriculture et del’industrie ».Toutes ces initiatives ont un fil conducteurcommun : mettre en exergue les propositionsdu mouvement écologiste, social et de soli-darité internationale pour sortir d'un modèleconsumériste et productiviste qui broie lespopulations et détruit la planète.

> SOPHIE CHAPELLE

Retrouvez l'interview d'Alberto Gomez sur le sitehttp://www.alter-echos.org

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BrèvesLe ministre indien de l’Environnement examine le cas Vedanta – En Inde, le profit n’est plusun critère suffisant pour obtenir l’accord du gouvernement pour développer des projets miniers. L’évaluation de leursimpacts sur l’environnement et sur les populations locales a ainsi abouti au blocage voire à l’annulation de grands projetstels une fonderie de cuivre du groupe Vedanta, fermée à Madras en septembre 2010 pour « protéger la Terre-Mère ».En août 2010, le ministre de l’Environnement Jairam Ramesh a interdit au même groupe la construction d’une mine debauxite sur des terres tribales dans l’Est du pays en raison d’un « risque de destruction des modes de vie des peuplesprimitifs ». Très décrié par la société civile pour ses activités, Vedanta n’a pas commenté ces décisions.

Nanotechnologies, un rapport très critique – Les Amis de la Terre Etats-Unis, Australie et Europe ontpublié le rapport Nanotechnology, climate and energy : over-heated promises and hot air, qui révèle que sous leur formeactuelle, les nanotechs n'augmenteront pas significativement l'efficacité énergétique et n'aideront pas à combattre leschangements climatiques. L'industrie des nanotechs essaie pourtant de faire passer pour « verte » des technologiescomplexes dont les usages actuels ne produisent aucun bénéfice contre les changements climatiques, l'épuisement desressources et les pollutions. Le rapport souligne au contraire que les nanotechnologies augmentent la consommationénergétique et créent de nouveaux risques environnementaux. A lire en ligne sur www.amisdelaterre.org, rubrique« Publications/presse ».

04 INTERNATIONAL

BiodiversitéNagoya ou la victoire du statu quo

Du 18 au 29 octobre 2010, 193 payssignataires de la Convention sur la diver-sité biologique (CDB) se sont réunis àNagoya, pour négocier un nouvel accordvisant à mieux protéger les espèces etles écosystèmes, mais aussi à partagerplus équitablement les bénéfices tirésdes richesses naturelles. Succès très relatif : les Etats signatairesont adopté une feuille de route sur lesprincipaux objectifs à suivre pour ralentirl'extinction de la biodiversité. Le nouveauprotocole fixe une augmentation de lapart des aires protégées portées à 17 %de la surface totale des terres (13 %aujourd’hui), et à 10 % de celle desocéans et des côtes (moins de 1 % àl’heure actuelle). Mais pour SylvainAngerand, des Amis de la Terre France :« La seule conservation ne pourra à elle

seule garantirune protection àlong terme desespaces natu-rels et dese s p è c e s .L ' i m p l i c a t i o ndes populationslocales restefondamentale. »

Haro sur labiopiraterieEn revanche, lespeuples étaientbien au cœurdes négocia-tions duProtocole deNagoya sur l’ac-cès et le partage

des avantages tirés des ressourcesgénétiques et des savoirs traditionnelsassociés. Cet accord contraignantdevrait pour partie enrayer la biopiraterieet obliger les entreprises (médicales,pharmaceutiques et cosmétiques) àmodifier leurs pratiques d’accaparementdes ressources génétiques. D'aprèsAurélie Hoarau du Collectif Biopiraterie : «Cet accord établit une obligation d’ob-tention du consentement préalable, libreet informé de l’Etat fournisseur, ainsi quel’obligation de partage des avantagesissus de l’utilisation des ressources etsavoirs cédés ».Une victoire saluée par tous, mais ànuancer. Les peuples autochtonesauraient souhaité une implication plusimportante dans la procédure de consen-tement préalable. Par ailleurs, la propriété

intellectuelle (brevets sur le vivant) en res-sort légitimée. Et surtout, la plupart desbrevets ayant donné lieu à des litigessont enregistrés aux Etats-Unis, pays quin'a jamais ratifié la CDB.

Tentative d'OPA sur la natureA Nagoya, le secteur financier a tenté uneOPA sur la nature, en cherchant à impo-ser « ses mécanismes financiers inno-vants ». Les experts mandatés par lesentreprises sont unanimes : « Le pro-blème de la nature, c'est sa gratuité ! » Iln'est donc pas surprenant qu'ils soientapparus d’enthousiastes adeptes desthéories de l'économiste Pavan Sukhdevsur la financiarisation de la nature et lamonétarisation des services environne-mentaux.Face à cette menace de spoliation finan-cière, les Etats du Sud, riches en biodiver-sité, ont refusé de brader leurs res-sources. Selon Simone Lovera, des Amisde la Terre Paraguay, mandatée au Japon :« C'est une victoire importante : les Etatsont balayé d'un revers de main ces méca-nismes de compensation financière. »Les Amis de la Terre Europe « applaudis-sent le changement de cap sur la protec-tion de la biodiversité intervenu à Nagoya »,car les participants ont redouté le pire :moins de 24 heures avant la clôture, lesnégociations se sont retrouvées au pointmort et le fantôme de Copenhague estrevenu hanter les esprits. C'est finale-ment le gouvernement japonais qui, avecun texte consensuel et peu contraignant,a permis qu'un accord soit conclu inextremis.

> BENJAMIN SOURICE

Sauvées de justesse par une proposition peu contraignante, les négociations de Nagoya (Japon) sur le proto-cole de la Convention sur la diversité biologique se terminent sur un bilan en mi-teinte.

Destruction de la biodiversité,les pompiers pyromanes près à faire un geste.

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INTERNATIONAL 05

Assemblée générale des Amis de la Terre InternationalConstruire en s’appuyantsur la diversité du réseau mondialLes associations membres du réseau international des Amis de la Terre se sont réunies en Malaisie en octobre2010 pour décider des futures orientations de l'organisation. Mobiliser, résister, transformer sont les maîtres mots.

L’assemblée générale des Amis de la TerreInternational (ATI) a réuni des représentantsde 55 groupes nationaux du 14 au 23 octo-bre 2010 à Penang (Malaisie). Cette année,le réseau s’est encore étoffé avec l’arrivée denouveaux membres : l'Ouganda, le Liberia,la Tanzanie, le Mozambique, le Mexique, leTimor Leste et le Sri Lanka, portant le nom-bre total de groupes nationaux à 77.Les débats ont porté principalement sur ladéfinition d'axes de développement de lafédération internationale et la mise en placede méthodes de travail communes. Avec lenouveau plan d’actions stratégique validé enAssemblée générale, les Amis de la TerreInternational ont désormais une feuille deroute partagée qui permettra à chaquegroupe national, avec ses spécificités, decontribuer à un projet commun : la transitionvers des sociétés soutenables.Le ton de l’Assemblée générale a étédonné lors des deux jours de pré-confé-rence consacrés aux forêts et à la diver-sité biologique, aux droits communau-taires et aux peuples autochtones. Denombreux témoignages sont venus rap-peler que des communautés autoch-tones, sur plusieurs continents, se battentpour préserver leur liberté, leurs terres,

l’accès à l’eau et aux ressources natu-relles, et fondamentalement pour défen-dre le respect de leur culture. Pour les Amis de la Terre International, ladéforestation visant à installer des palmiersà huile ou des hévéas, l'exploitation de nou-velles mines et des gisements de pétrole, etautres opérations massives… relèventd'une logique commune liée à puissancedes multinationales, à la corruption desÉtats et à la croissance sans fin d’uneconsommation prédatrice. Face à ceconstat, il est plus que jamais urgent d’agir.

Résister, mobiliser, transformerCes trois mots forts illustrent les actions desATI et reflètent l'identité du réseau interna-tional. En Malaisie, la fédération internatio-nale a avancé dans la construction de sonprojet commun en validant un plan straté-gique autour de ces trois orientations. Lesgroupes nationaux ont décidé de résisteraux institutions, politiques et mécanismesqui préconisent ou imposent le néolibéra-lisme et le développement non soutenable.Ils veulent démanteler le pouvoir et l’impu-nité des grandes entreprises pour mettre finà leur contrôle des décisions gouverne-mentales et institutionnelles.

La mobilisation passera par la constructiond’« un mouvement populaire plus fort et lerenforcement de nos alliances stratégiques ».Pour cela, il faudra développer la capacitédes ATI pour influer sur les décisionspubliques, ainsi que la réflexion et l’appren-tissage collectifs avec les autres partici-pants au mouvement. Ces résistances etcette mobilisation sont au service d'un pro-jet de transformation qui vise la justice envi-ronnementale, sociale, économique, l’éga-lité hommes/femmes et les libertéspubliques : « La fédération agira pour créerdes sociétés justes et durables en bâtissantla souveraineté des peuples, en stoppant eten inversant la dégradation environnemen-tale et en vivant sans dépasser les limitesécologiques. »La diversité des membres de la fédéra-tion internationale, leur ancrage territorialet leur capacité à agir aussi bien auniveau local que national et internationalsont autant d'atouts pour contribuer auprojet de la fédération internationale.Rendez-vous est maintenant donné pourla prochaine assemblée générale des ATIau Salvador à l'automne 2012.

> ANNE BRINGAULT Directrice • Les Amis de la Terre France

Nnimmo Bassey,lauréat du « Right Livelihood Award »Président des Amis de la TerreInternational depuis 2008 et directeurgénéral de ERA/Les Amis de la TerreNigeria, Nnimmo Bassey compte parmiles militants écologistes les plus actifs enAfrique. Après avoir été nommé « hérosde l’environnement » par le magazineTime en 2009, Nnimmo a reçu le 6décembre 2010 à Stockholm le RightLivelihood Award, plus connu sous lenom de Prix Nobel alternatif.

Le jury a distingué Nnimmo Bassey« pour avoir révélé l’étendue des horreursécologiques et humaines dues à la pro-duction de pétrole et pour sa profondeaction en faveur du renforcement dumouvement environnemental au Nigeriaet au niveau mondial ». Selon Nnimmo,cette récompense est un signal fort pournotre mouvement : « Ce prix reconnaît lescombats pour la justice environnemen-tale, menés au niveau mondial par les

communautés touchées. Nous voulonsvoir cesser les crimes des grandes entre-prises, tels que ceux commis par lesgéants pétroliers comme Shell au Nigeriaet partout dans le monde. »

> CAROLINE PRAK

Plus d’informations sur le« Right Livelihood Award » :

http://www.rightlivelihood.org/

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Ressources naturellesLancement de la campagne « Une seule planète »

« La prise en compte des problèmes envi-ronnementaux nécessite prioritairementune remise en cause d’un système inéga-litaire de partage et de gestion des res-sources naturelles, qui génère pauvreté etmal développement. » C'est sur ceconstat que Nathalie Peré-Marzano, direc-trice Centre de recherche indépendant surle développement (CRID), ouvre le 19 octo-bre 2010 la conférence de presse pour lelancement de la campagne « Une seuleplanète » pour une gestion durable et équi-table des ressources naturelles.Le programme « Une seule planète » réu-nit des acteurs du développement et del’environnement de plusieurs pays euro-péens (France, Belgique, Hongrie etSlovaquie) et du Sud (Côte d’Ivoire,Indonésie, République démocratique duCongo, Sénégal) ainsi que des syndicats etdes chercheurs. Le programme se déclineen trois axes majeurs : la responsabilitédes multinationales et la régulation desmodes de production ainsi que deconsommation, les limites de la croissanceet la gestion soutenable des ressourcesnaturelles, la justice sociale et environne-mentale. Ce projet souligne aussi l'impor-tance de la lutte contre la concentrationéconomique des entreprises pour renfor-cer les démocraties dans les pays du Sud.

L'espace écologiqueLa campagne s'articule en partie sur leconcept d'« espace écologique » déve-loppé par la fédération des Amis de laTerre. Ce concept clé tente d'expliquersimplement l'impossibilité d'une crois-sance perpétuelle (verte ou non) dans unmonde fini. En pratique, il s'agit de définir

pour chaque type de ressource un seuilminimum de consommation et un plafondmaximum prenant en compte la capacitéde régénération des ressources renouve-lables et le stock de ressources nonrenouvelables. Cette démarche fixe lecadre d’un mode de vie équitable au Nordcomme au Sud.L'espace écologique permet égalementde saisir en quoi les mécanismes de com-pensation ou de certifications sont un obs-tacle au partage équitable et soutenabledes ressources naturelles. En juillet 2010,les Amis de la Terre ont été invités à l'uni-versité d'été du CRID pour co-animer,avec des partenaires de la campagne, un

atelier sur les ressources naturelles avec laparticipation de Camilla Moreno, des Amisde la Terre Brésil. La militante expliquaitalors : « L'intégration des forêts dans lemarché du carbone risque de restreindreles droits des communautés autochtonesen les excluant de la gestion des res-sources locales et en portant atteinte àleur mode de vie traditionnel ».

Une campagne pédagogiquepour le grand publicLa campagne « Une seule planète » sebase sur plusieurs outils pédagogiquesdont la brochure rédigée par les Amis dela Terre et encartée dans cette Baleine.« Une seule planète », c'est aussi uneexposition interactive sur les ressourcesnaturelles réalisée par les PetitsDébrouillards à disposition des groupeslocaux. Enfin, ce programme ouvre lapossibilité pour les groupes locaux desassociations partenaires de se regrouperet de valoriser des alternatives locales :création d'une AMAP, récupération etrecyclage, réduction de la consommationde biens à durée de vie limitée... Pourorganiser ces actions locales, le CRIDpropose un soutien financier aux groupeslocaux des associations partenaires.Enfin, une pétition par cartes postales aété lancée en même temps que la cam-pagne.

> SYLVAIN ANGERAND Chargé de campagne • Forêts

Campagne internationale et interassociative pour une gestion durable et équitable des ressources natu-relles, « Une seule planète » offre également des opportunités pour des actions locales pédagogiques. LesAmis de la Terre en sont un acteur central.

La calamité des gaznon conventionnels débarque en FranceUne nouvelle calamité arrive des Etats-Unis : la « révolution des gaz non conven-tionnels », pour reprendre l’expression del’Agence internationale à l’énergie (AIE). Eneffet, aux Etats-Unis en 10 ans, l’extrac-tion de ces gaz a été multipliée par 4 pouratteindre 45 milliards de mètres cubes.Depuis 2000, de nouvelles techniquesd’exploitation permettent d’extraire le gazde schistes, mais aussi les gaz compactset le grisou des veines de charbon. Lerachat du spécialiste XTO Energy parExxonMobil pour 41 milliards de dollarsillustre la démesure des enjeux financiersassociés aux gaz non conventionnels.Tout comme l’extraction des sables bitu-mineux, l’exploitation de ces gaz a un fortimpact environnemental. Des forages

horizontaux sont utilisés pour injecter unmélange d’eau et de produits chimiquessous pression afin de fracturer les rochesrecélant le gaz. La technique nécessitedonc de très grandes quantités d’eauainsi que l’ajout de produits chimiquesqui polluent les nappes phréatiques aubenzène et autres molécules toxiques.

La France toujours révolutionnaireEn France, les services de Jean-LouisBorloo ont accordé en catimini des permisde prospection à Total et Devon Energysur une zone de 4 300 km2 entreMontélimar (Drôme) et le Nord deMontpellier (Hérault). Schuepbach Energy,associé à GDF Suez, prospecteront quantà eux une zone de 900 km2 en Ardèche et

une autre de 4 400 km2 entre Le Vigan(Lozère) et Saint-Affrique (Aveyron).D’autres demandes sont à l’étude, car laruée vers les gaz non conventionnelspourrait s’étendre à la Lorraine et auxalentours des zones déjà attribuées.Selon l’AIE, les réserves mondialesexploitables représentent près de 120ans de production au rythme actuel. Unbeau potentiel pour rallonger l’ère desénergies fossiles, retarder l’indispensablesobriété énergétique et accroître dequelques degrés la température de laTerre. Pour dénoncer ces projets, unepremière réunion publique aura lieu le 20décembre 2010 à St Jean de Bruel(Aveyron).

> PHILIPPE COLLET

06 FRANCE

Pour plus d'information,écrivez à [email protected]

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Et les lauréats sont...Prix Pinocchio du développement durable,édition 2010

Le 9 novembre 2010, se tenait la troi-sième édition des prix Pinocchio dudéveloppement durable organisés par lesAmis de la Terre, avec le soutien de par-tenaires invités, le Centre de rechercheindépendant pour le développement(CRID), l'association Peuples Solidaires(Action Aid), ainsi que l'Observatoireindépendant de la publicité. Depuis troisans, les Amis de la Terre ponctuent leurtravail sur la responsabilité sociale etenvironnementale des entreprises parces prix déclinés en trois catégories,Droits de l'Homme, Environnement et« Greenwashing », qui mettent en lumièrele double discours des entreprises et lesimpasses du « capitalisme vert ».

Des noms !Dans la catégorie Droits de l'Homme,c'est la SOMDIAA, une filiale du groupeVilgrain qui décroche la palme.L'entreprise met en avant les « valeurshumaines » au « fondement » du groupealors que pour augmenter sa productionde cannes à sucre, elle a spolié de mil-liers d'hectares de terres les villageois dela région de la Haute-Sanaga, dans lecentre du Cameroun, en offrant uneindemnité moyenne de 5 euros par an etpar famille.La catégorie Environnement récompenseEramet, le géant du nickel, épinglé pourun projet de mine en Indonésie combattupar nos collègues des Amis de la TerreIndonésie et dénoncé par la campagne« Une seule planète ». Comment en effetse targuer d'être une « entreprisecitoyenne » conduisant « durablement »ses activités quand l'intégralité du projetminier de Weda Bay implique la destruc-tion d'une foret primaire ? Et en pleineannée de la biodiversité, de surcroît ! Dans la catégorie Greenwashing, leCrédit Agricole remporte le pompon ! Sacampagne de publicité, avec l'acteur

Sean Connery,diffusée auxEtats-Unis et surinternet, procla-mait en effet :« It's time forgreen banking »(il est temps depasser à unebanque verte)…Or, en août der-nier, la banquedécidait de finan-cer le projet decentrale ther-mique à charbonde la compagnieEskom à Medupi,en Afrique duSud. Ce projet,qui rejetteraitl'équivalent de 5 %des émissionsannuelles de gaz à effet de serre de laFrance, symbolise bien le double dis-cours toujours plus ancré des industrielset de leurs bailleurs, à l'heure où la criseéconomique représente l'occasion d'unerefonte complète des pratiques.

Silence radioSeul le groupe Vilgrain a réagi à l'attribu-tion du Prix et à l'appel urgent de notrepartenaire Peuples Solidaires, mettant enavant la création d'« un réseau deFondations dont les objectifs sont deréduire les inégalités locales ». Sanscommentaires ! Peu de réactions, donc,de la part des entreprises, mais un intérêtdu public et des médias qui se confirme,démontrant que la communication d'en-treprise et sa petite sœur la publicitétrompent de moins en moins le public. Il reste cependant du chemin à faire pourencadrer, puis stopper ces pratiques. Ilest clair que le démantèlement du pou-

voir des entreprises multinationales nepourra s'effectuer que grâce à une régu-lation contraignante, clairement distinctedes écrans de fumée que sont lesapproches volontaires.A l'heure où notre Premier Ministre affir-mait doctement, lors du discours du 3novembre 2010 devant le Conseil natio-nal des ingénieurs et scientifiques deFrance, que les entreprises françaisesont besoin de moins de régulation, lesAmis de la Terre rappellent que la criseenvironnementale actuelle nécessite aucontraire un retour du politique. Pour sor-tir de l'économie-casino et orienter forte-ment nos modes de production et deconsommation vers des sociétés soute-nables, il faut une volonté publique : der-rière leur cérémonie festive, c'est toutl'enjeu des Prix Pinocchio.

> ALOYS LIGAULT Chargé de campagne • Responsabilité sociale

et environnementale des entreprises

Pour leur troisième édition, les Prix Pinocchio ont rencontré un public plus large et se sont ouverts à despartenaires associatifs. Petit retour sur les heureux gagnants...

FRANCE 07

… que se cache-t-il derrière ces termesbarbares ? Un nouveau produit de com-munication plus vert que vert ? Pas loin !Si le greenwashing désigne l'écoblanchi-ment dans la langue de Molière, le green-bashing renvoie lui au dénigrement – par-fois assez violent – du discours écologiste.Certaines entreprises sont passées maî-tres, jouant de la liberté de ton offerte parla toile. Ainsi la compagnie de pneuma-tiques GoodYear a lancé un site internet

mettant en scène des écolos benêts(Nadine La Radine, Raoul Zéro Fuel ouSimone Anti-Carbone) dans une publicitéinteractive pour son produit « Goodchoice », des pneus censés réduire laconsommation de CO2 du véhicule...Ouvertement agressive et anti-écologie,cette campagne marque un changementde ton dans la veine de « l'environne-ment, ça commence à bien faire ! » Undiscours stigmatisant à la limite de la dif-

famation, et certainement une étape sup-plémentaire de franchie dans la lutte quioppose les associations de défense del'environnement et de l'Homme à cer-taines entreprises aussi indélicates sur leterrain de la communication que dans laprotection de la nature. Bientôt une nou-velle catégorie de Pinocchios ?

> A.L.

Du « greenwashing » au « greenbashing »

Remise des prix Pinocchio à Parisau Comptoir général, le 9 novembre 2010.

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Une nouvelle loi (dite NOME) réorganisantle marché de l'électricité a été votée.Cette loi, la plus lourde de conséquencesdepuis l'ouverture du marché le 1er juillet2007, permettra aux nouveaux concur-rents d’EDF d'obtenir un approvisionne-ment en électricité d’origine nucléaire :EDF devra céder jusqu’à 25 % de cetteproduction à ses concurrents, et ce, àdes prix réglementés beaucoup plus basque ceux du marché. Cela pèsera encoredavantage sur les conditions d’exploita-tion – donc de sécurité – de centralesnucléaires dont beaucoup atteignent lalimite d’âge.

Cette loi ne prévoit rien pour les énergiesrenouvelables, ni la moindre disposition delutte contre les usages abusifs de l’électri-cité (chauffage en tête) auxquels sont trèssouvent contraints les ménages. LaFrance et l’Europe s’éloignent donc tou-jours davantage d’un véritable servicepublic de l’énergie, garantissant l’accès detous aux services de base tout en organi-sant la sobriété énergétique.

Proposer des alternativesMalgré ce contexte hostile, Enercoop née en2005 et dont les Amis de la Terre sont socié-taires fondateurs, fournit de l'électricité à partir

de sources exclusivement renouvelables(hydraulique, éolienne, photovoltaïque, bio-masse), tout en assurant une sensibilisationactive en faveur de la maîtrise de l’énergie.L'organisation permet à ses abonnés dedevenir sociétaires, et donc de prendre partaux décisions de la structure. « Aujourd'hui,après 4 ans de fonctionnement, Enercoopcompte 48 producteurs et 7 000 consom-mateurs, et contribue en parallèle àconstruire un modèle reposant sur l'ap-propriation citoyenne et locale de l'énergiegrâce au développement de coopérativesrégionales. Cette organisation originale sefait sur la base d'un circuit court du pro-ducteur au consommateur, où les deuxparties participent à la prise de décision.Enercoop Ardennes constitue le premierexemple de coopérative locale : ses 100sociétaires ont investi ensemble dans destoits solaires en 2009. La coopérative pro-pose également des audits énergétiquesaux consommateurs de la région, profes-sionnels et particuliers, pour les aider àréaliser des économies d'énergie »,explique Stéphanie Lacomblez, d’Enercoop.Dernière en date, Enercoop Rhône-Alpesa été lancée cet automne et travaille à unprojet de pico-centrale (micro-microcen-trale) hydraulique dans la Drôme. Desprojets de ce type seront développésdébut 2011 par Enercoop Nord-Pas deCalais et Languedoc-Roussillon.Si la coopérative n’est pas en situation des’opposer, à elle seule, à une politique quipoussera les prix vers le haut tout en pous-sant à la consommation, Enercoop demeurele signe que des citoyens s’organisent pourproposer des alternatives et remettre l’élec-tricité à sa place. Il est plus que jamais tempspour les adhérents des Amis de la Terre derejoindre la coopérative s’ils le souhaitent.

> LAURENT HUTINET

ElectricitéInquiétantes dérives de la politique énergétique

08 FRANCE

La loi NOME aggravera la situation énergétique en France en favorisant les concurrents d’EDF sans modifierles conditions de production. Mais Enercoop résiste encore et toujours à l’envahisseur…

BrèvesBretagne : un pesticide détruit la vie aquatique – Le 23 octobre 2010, un agriculteur du Finistèreépand un pesticide, le Trimaton extra, dans son champ de salades. Mais de fortes pluies, dans les heures qui suivent,lessivent le terrain et entraînent la molécule toxique dans la rivière adjacente. Une pisciculture touchée et 130 tonnesde truites sont décimées en 15 minutes, et la pollution du cours d'eau a entraîné la mort de toute vie aquatique sur12 kilomètres. Ce pesticide est pourtant autorisé et l'agriculteur n'a apparemment pas outrepassé les doses prescrites.L’affaire se passe, hélas, de commentaire.

Calculer l'empreinte carbone de votre épargne – Les Amis de la Terre, en partenariat avec le cabinetde conseil Utopies et le site web Mescoursespourlaplanete.com, ont lancé le 22 novembre 2010 un outil en ligne inéditpour calculer l’empreinte carbone de l’argent déposé par les épargnants dans leur(s) banque(s). Car les dépôts etplacements des particuliers financent des activités économiques potentiellement polluantes ou émettrices de gaz à effetde serre. Pour Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre :« Il est temps de prendre conscience que nos choix d’épargne peuvent être un levier majeur pour agir sur la société etla transformer. » Accédez à la calculette sur notre site : www.financeresponsable.org

Barrage hydraulique produisant de l’électricité pour Enercoop.

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A priori, prendre son temps n’a rien de bienoriginal. Mais dans la course à la producti-vité qui caractérise nos modes de viecontemporains, revendiquer le droit à lalenteur est devenu quasiment subversif.Cette année, Segonzac (Charente, 2 200habitants) est la première commune deFrance à adhérer au réseau internationalCittaslow qui relie déjà 140 villes aux qua-tre coins de la planète. Ce programme par-

ticipatif créé en 1999 à l’initiative dequelques maires de Toscane s’inspire desprincipes du mouvement Slow Food (pré-servation du lien social et de l’écologie parune « écogastronomie » basée sur les cir-cuits courts) pour les étendre à la gestiondes villes de moins de 50 000 habitants.Pour le directeur du réseau Pier GiorgioOlivetti (cité dans le Monde.fr), « les décisionsimportantes ne sont généralement plus dansles mains des citoyens. Il n'y a qu'au niveaulocal qu'on a une chance de reprendre enmain son futur. Le monde de Cittaslow, cesont des centaines de petits projets dans lasolidarité, l'énergie, le tourisme, l'éducation,avec au centre la question de l'alimentationet la place du paysan. » Soit une vraie minede références pour les communes enmatière de gestion alternative.

EscargotEn rejoignant Cittaslow, VéroniqueMarendat, maire de Segonzac, avoue

clairement au quotidien La Charente librevouloir « sortir de la consommation abru-tie des zones commerciales. » Malgré desatouts économiques certains – avec prèsde 1 700 hectares de vignes situés enplein terroir de Grande Champagne,Segonzac exporte l’un des meilleurscognacs français – la commune n’est pasà l’abri des risques d’exode rural.« Pour garder notre population, nousdevons lui donner accès à des services etdes emplois », précise la maire, qui reven-dique le droit à une « croissance raison-née ». Encore un petit effort, Madame lamaire… Pour la petite histoire, Segonzacet le réseau Cittaslow ont choisi, àquelques siècles d’intervalle, un emblèmecommun : l’escargot. La bestiole, paraît-il, ne recule jamais : chi va piano, va sano.

> CYRIL FLOUARD

Site Cittaslow : http://www.cittaslow.net/

Villes en transitionSegonzac, première commune françaisedans le réseau Cittaslow

Aménagement urbainLe Grand Paris : plus qu’à côté de la plaque

Le débat public sur le Grand Paris,auquel les Amis de la Terre Ile-de-Franceont participé, a montré le caractère tota-lement inadapté du réseau de transporten commun issu du projet d’aménage-ment initié par Nicolas Sarkozy fin 2007.Le schéma retenu relie des pôles excen-trés censés être des moteurs de compé-titivité internationale. Le tracé passe engrande partie par des villes peu denses,oubliant les communes de la petite cou-ronne, où la population et l’activité sontconcentrées et les besoins de transporttrès bien identifiés : le prétendu dévelop-pement du plateau de Saclay reposeainsi sur un pôle éloigné de Paris situédans une zone à très faible densité.

Projet dépasséLe but n’est pas de répondre à unedemande, mais bien d’aménager l’Ile-de-France selon la vision d’un démiurgerêvant de structurer les besoins de dépla-cement autours de 9 pôles économiquesaux contours vagues. Le projet estdépassé d’avance : les transports franci-liens sont déjà surchargés et la Cour desComptes a révélé que les fréquentationsaugmentent de 2 % à 3 % par an, alorsque le Grand Paris envisage de soulagerces liaisons de 10 % à 15 % enmoyenne… à partir de 2023.

Avec ce projet, les longs trajetsdeviendront la norme et deshectares d’espaces naturelset agricoles seront bétonnéspour être plantés depavillons et autres centrescommerciaux. La dessertedes aéroports, symbole del’hypermobilité déconnectéedes réalités environnemen-tales, impose un tracé coû-teux et inadapté : la lignereliant La Défense et l'aéro-port d'Orly ne compte que 7gares pour 44 km.Selon Claude Bascompte, prési-dent des Amis de la Terre Paris, « ceprojet d'aménagement devenu un projetde transport conçu pour le businessinternational doit être redéfini pour satis-faire aux enjeux auxquels les francilienssont confrontés : mobilité régionale,mixité territoriale et préservation desterres agricoles ». Un projet conséquentaurait dû privilégier un aménagementéquilibré alliant proximité, mixité sociale,report modal vers les transports publics,habitat, services et activités. Et surtout,chercher à rapprocher les lieux de travailet de vie, ce qui est totalement absent duprojet. Au lieu de cela, le tracé ne pro-pose qu’une ronde frénétique évitant lar-

gement les zones denses où vivent 8,5millions de Franciliens. En matière de financements, le GrandParis mise sur une croissance écono-mique de 4 % pendant vingt ans, chiffrepour le moins surréaliste… mais de toutefaçon, savoir si l’exacerbation d’unecroissance aveugle et la poursuite d’unaménagement urbain ultra spécialiséaurait la moindre chance d’effacer desdécennies de ségrégation sociale enbanlieues parisiennes n’effleure mêmepas l’esprit des promoteurs du projet.

> PHILIPPE COLLET

Le débat public sur le Grand Paris, portant sur le réaménagement de la « région capitale » en termes detransports et d'activités, a abouti à un projet dangereux et déconnecté des attentes de la population.

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Parc naturel régionalL'incinérateur qui gâche la forêt

C'est une affaire quisecoue depuis plusieursmois élus locaux et mili-tants écologistes del’Aube. En juin 2010,des élus locaux dudépartement obtiennentla classification de laforêt d'Orient en Parcnaturel régional (PNRFO) pour assurer saprotection. D'unesuperficie de 70 000hectares, et englobantplus de 50 communes,le parc constitue unespace naturel à pré-server et un atout pourla région. Une Chartedu PNR FO, établie parles collectivités locales,a été proposée auministère de l'Ecologiepour renforcer la pro-tection du parc contretoute activité industrielle à risques. Ainsila rédaction initiale de son article 49 spé-cifiait que : « L’État et les signataires s’en-gagent à ne pas implanter sur le territoiredu Parc de nouveaux centres d’enfouis-sement technique (CET), ni aucun inciné-rateur, ni centre de stockage de déchetsnucléaires. »Mais à la surprise générale, le décretministériel établissant la charte et clas-sant le territoire comme parc naturelparaît au Journal officiel le 16 juin 2010avec un article 49 tronqué, stipulant dés-ormais : « L’Etat et les signataires s’enga-gent à ne pas implanter sur le territoire duParc de centre de stockage de déchetsnucléaires ». Les élus locaux s’interrogentet la grogne monte. Ils s’expriment dans

une lettre ouverte à à l'ex-ministre del'Ecologie, Jean-Louis Borloo : « Un telprocédé est la porte ouverte au pouvoirdes lobbies économiques qui crain-draient de trouver dans les chartes unelimitation de leurs visées territoriales pourorienter l’activité d’un PNR. Il n’est pasacceptable que l’Etat se livre à un tel dénidémocratique et succombe aux pres-sions dont il peut être l’objet. »

Discret lobby Il apparaît qu'un élu local, NicolasDhuicq, député maire de Brienne-le-Château, situé dans les limites du parc,soit intervenu unilatéralement pour fairemodifier l'article par les services du minis-tère de l'Ecologie. L'intéressé reconnaît

dans un entretien :« Ce n'est pas l'arti-cle 49 qui posait pro-blème mais un alinéaqui ne laissait pas depossibilité à uneextension du site deMontreuil-sur-Barsequi gère les déchets.(...) Il était incohérentde ne pas se donnerla possibilité d'exten-sion du site deMontreuil (...) alorsque l'on sait trèsbien que demain,nous serons amenésà augmenter notrecapacité de stockageet de traitement, et ilme semblait dérai-sonnable de secontraindre. » Si ledéputé se défend devouloir installer dans

l'immédiat un nouvel incinérateur sur sacommune, le CET de Montreuil-sur-Barse devra fermer ses portes au plustard en 2021, et c'est donc dèsaujourd’hui que s'envisagent de nou-velles installations. Une possibilité qui n'apas échappé à Veolia, leader sur le mar-ché du déchet, qui a invité une poignéed'élus aubois à une visite promotionnellede son incinérateur « de pointe » àChâlons-en-Champagne. Une suite decoïncidences troublantes ayant éveillé lasuspicion des écologistes locaux, qui, àn'en pas douter, suivront de près ce dos-sier dans les prochaines années.

> BENJAMIN SOURICE

Les manœuvres d'un élu local pour amoindrir les protections accordées au Parc naturel régional de la forêtd'Orient (Aube) pourraient mener à l'installation d'un incinérateur dans la région.

Ille-et-VilaineLa longue route des déchetsEn octobre 2010, les Amis de la Terre, leCentre national d'information indépen-dante sur les déchets (CNIID), ainsi quedes associations locales ont dénoncél'entreprise de retraitement de déchetsSéché Environnement dans une affairede transit de déchets dangereux.Chaque année, ce sont 40 000 tonnesde résidus d'incinération classés« déchets dangereux » de niveau 1 quitraversent en train les 800 kilomètresséparant l'incinérateur de Trédi/Séché(Isère) du site d'enfouissement dugroupe, situé à Changé (Mayenne). Encours de route, les déchets transitent par

la plateforme de stockage de containeursBrangeon Logistique à Rennes. Au-delà des risques posés par le transportde déchets dangereux sur une telle dis-tance, cette affaire pose un problème delégalité qui a attiré l'attention des associa-tions. En effet, les faibles moyens logis-tiques (deux camions) de la sociétéBrangeon obligent à stocker provisoire-ment les déchets dangereux sur place ; orcette situation devrait entraîner l'obligationde classement de la plateforme enInstallation classée pour l'environnement :ce qui ne sera jamais le cas puisque l'entre-prise est située en zone urbaine. Par ail-

leurs, les associations ont mis en lumière lemanque d’informations des organismesd’Etat qui ignoraient que des déchets dan-gereux transitaient dans le département.Une action juridique a un temps été envi-sagée, mais les associations attendentdésormais les conclusions de la préfec-ture qui devrait opérer une nouvelle ins-pection de la plateforme en tenantcompte des éléments apportés par lesassociations.

> UNE AMIE DE LA TERRE EN QUÊTE D’UNGROUPE EN ILLE-ET-VILAINE

Contact : [email protected]

10 FRANCE

Le futur Parc naturel régional de la forêt d’Orientpourrait être menacé par un centre de traitement des déchets.

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Riche d’une trentaine de groupes locaux en France la fédération des Amis de la Terre a été très active cesderniers mois, comme le montrent ces actions en photos.

Du 11 au 17 octobre 2010, une semaine d'action contre Monsanto etl'agrobusiness a été organisée dans toute la France à l'appel de la Via Campesinaet d'un collectif d'associations et de syndicats (Amis de la Terre, la Conf', Attac,Faucheurs volontaires...). Une douzaine d'actions locales ont été organisées surdes sites stratégiques ou des communes résistantes aux OGM. A Paris,les manifestants ont dénoncé la collusion entre les grandes entreprises del'agrobusiness et certains organismes scientifiques « indépendants », abritantles lobbies. Une centaine de personnes a répondu à l'appel pour cettemanifestation défilant au rythme d'une fanfare et accompagné de savants fouset d’épis transgéniques géants.

Mobilisation contre l'agrobusiness

Samedi 30 Octobre 2010, à l'occasion du « jour de la nuit », des associationsont incité des villes à éteindre l'éclairage public, notamment pour redécouvrir leciel étoilé en zone urbaine. Les Amis de la Terre Savoie ont décidé de parler dugaspillage énergétique que représente l'éclairage publicitaire et public mal géré.Le groupe savoyard a envoyé un communiqué de presse et une série decourriers pour inciter les entreprises, commerçants et mairies à s’interroger surles moyens d'éviter ce gaspillage énergétique, sans oublier de glisser que dessolutions existent déjà. Cette démarche de sensibilisation s'est conclue par uneaction d'extinction des néons à Aix-les-Bains, un acte revendiqué par un motd'explication collé sur la vitrine.

Le jour de la nuit

Alternatives aux pesticides : des élus désobéissants

LES GROUPES EN ACTION 11

Le 8 decembre 2010 à l'occasion de l'assemblée générale de l'Association pour la promotiondes préparations naturelles peu préoccupantes (ASPRO PNPP), une action de désobéissancecivile a été organisée avec des élus de la région Ile-de-France et de la mairie de Montreuil(Seine-St-Denis). Il s'agissait de remettre à ces représentants des préparations de purinsd'ortie et d'huile de Neem. Ces deux produits emblématique des PNPP sont aujourd'huiinterdit de commercialisation et d'utilisation d'après la loi actuelle, objet de toutes lescritiques. Les élus ont ensuite réalisé une pulvérisation à l'extérieur de la mairie, et JeanFrancois Lyphout (Amis de la Terre) a traité une plante d'intérieur à l'huile de Neem pourdémontrer l’innocuité du produit. L'association ASPRO et les Amis de la Terre dénoncent lesentraves règlementaires s'opposant à la libre utilisation de ces préparations naturelles,véritables alternatives aux pesticides tant pour les agriculteurs que pour les collectivitéslocales ou les jardiniers amateurs. Plus d'info www.aspro-pnpp.org

Le 20 novembre 2010, à l'initiative du Comité anti-olympique d'Annecy dont les Amis de la Terre Haute-Savoie sont membres fondateurs, a eu lieu unemanifestation qui a réuni près de 700 personnes.Conscients de la démesure de ce genre d'événementsaux impacts incalculables, tant d'un de point de vueenvironnemental que financier, les participants à cette marche ont affirmé haut et fort leur point de vue en la matière.Soutenue par de très nombreuses organisations cette manifestation légitime les propos du CAO qui étudie et suit cedossier « Annecy 2018 » depuis bientôt 2 ans. Et, plus la date du choix définitif de la ville organisatrice approche (Munichen Allemagne et Peyongchang en Corée sont également dans la course), plus les soutiens au CAO se multiplient... A n'enpas douter, la prochaine fois, ils seront encore plus nombreux à défiler pour dénoncer un projet rétrograde, qui ne réponden rien aux enjeux actuels et futurs, tellement « l'esprit olympique » s'est laissé corrompre par le libéralisme le plussauvage. Pour plus d'informations et pour signer la pétition « NON aux JO d'Annecy 2018 » rendez-vous sur le site duCAO : http://www.comiteantiolympiqueannecy.com/logo/

Votre groupe a récemment organisé une action et vous souhaitez en parler dans La Baleine ? Contactez Benjamin Sourice, chargéde l’animation du réseau : [email protected]

La Haute-Savoie anti-Olympique

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JuridiquePEFC : le label qui n’en est pas un

Vous l'avez sûrement vu au bas d'unepage de magazine, y compris le plus mili-tant, ou sur un meuble en bois de grandedistribution : censé garantir une gestiondurable des forêts, le label Programmede reconnaissance des certificationsforestières (PEFC) a envahi notre quoti-dien. Et pour cause, la plupart des forêtsfrançaises exploitées sont certifiées parce label. Depuis 2004, cette certificationest devenue mondiale, et des études decas avérés tendent à prouver que le labelPEFC cautionnerait des entreprises pro-voquant la destruction de forêts pri-maires, notamment en Tasmanie, où desbombes au napalm semblent utilisées.Suite à une enquête de Télémillevaches(Limousin) auquel ont participé les Amisde la Terre, il a été clairement démontréque cette certification n'imposait aucunecontrainte aux exploitants forestiers etaux gestionnaires. Sur le terrain, leconstat est accablant : les pires pra-tiques, comme les coupes rases sur de

grandes surfaces ou la conversion deforêts naturelles en monocultures de pinsDouglas, peuvent être écocertifiées.

Une absence totale d'auditDepuis des années, les Amis de la Terredénoncent publiquement les insuffi-sances de ce label, pourtant reconnu parle Grenelle de l'environnement, et ontdécidé de changer de stratégie.L'association a décidé de saisir laDirection générale de la répression desfraudes en portant plainte contre PEFCpour appellation environnementale trom-peuse. Les arguments sont nombreux :cahiers des charges minimalistes (qui nereprennent parfois qu'a minima les loisexistantes), certification par défaut despropriétaires adhérents à une coopéra-tive en cas d'absence de réponse à uncourrier... Le plus aberrant pour unorgane de certification étant l'absencetotale d'audit avant de décerner le droitde pouvoir utiliser la certification.

En pratique, il suffit d'envoyer un chèque etde signer en bas d'une page pour être cer-tifié. Ensuite, l’adhérent dispose de cinqans pour envoyer un hypothétique docu-ment de gestion : cela laisse largement letemps aux plus mal attentionnés dedétruire la forêt et de vendre le bois « certi-fié ». Les Amis de la Terre France contes-tent donc à PEFC le droit de pouvoir utili-ser des expressions comme « ce produitparticipe à la bonne gestion des forêts » ou« garantie issue d'un gestion forestièredurable » puisqu'aucun contrôle ne permetde le vérifier de façon systématique.Cette plainte s'inscrit dans le contexte derévision de la charte française de PEFC,car le projet présenté à l'heure actuelle nechangerait rien au fonctionnement dulabel. Pour les Amis de la Terre, PEFC serapproche donc davantage d'une chartevolontaire que d'une certification censéegarantir l'application strictes de critèresde qualité au consommateur.

> SYLVAIN ANGERAND

ClimatUn french Cancon timide, mais gaillard

Environ un millier de personnes ont parti-cipé samedi 4 décembre 2010 à Cancon(Lot-et- Garonne) à l'événement, orga-nisé au niveau régional par Bizi !, laConfédération Paysanne, ATTAC et lesAmis de la Terre France, comme réponsenationale au sommet sur le climat deCancun (Mexique). Divers ateliers se sont

tenus sur l'agriculture, l'énergie, lestransports, ou bien la relocalisation desactivités humaines. Puis, le moment fortde la soirée fut le duplex depuis Cancunavec Geneviève Azam (ATTAC) et JosieRiffaud (Conf', Via Campesina). A cetteoccasion, les représentantes associa-tives ont rapporté une série de nouvellesinquiétantes : une place prépondéranteserait donnée au secteur privé pourfinancer « les politiques d'adaptation etd'atténuation » sous la coupe de laBanque mondiale. Cerise sur le gâteau,l'Union européenne annonce une diminu-tion de 17 % de ses émissions en prétex-tant de la crise économique, tout en res-tant sur sa position de réduction globalede 20 % pour 2020 !La participation des Amis de la Terre àl’événement s’est concrétisée par latenue d’un stand d’information, la partici-pation à l'atelier sur l'agriculture, ainsique par l'intervention de SylvainAngerand à la table ronde finale pour par-tager aux cotés des organisateurs son

constat sur les effets dévastateurs descrédits carbone. Des liens se sont renfor-cés entre les associations impliquéesdans les luttes régionales comme lamobilisation contre l'autoroute A65(Bordeaux-Langon-Pau), mais aussicontre le projet d'Arkema (nanotubes decarbone), l'entreprise espagnoleAbengoa (n° 2 mondial de la productiond'éthanol) et enfin contre le prototype desystème d'enfouissement du CO2 deTotal à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques.Les Amis de la Terre persistent à penserque ce genre de rassemblement estabsolument nécessaire, mais posent plusprécisément la construction d'une mobili-sation permanente sur le climat – passeulement à l'occasion des réunionsinternationales. La construction de cettemobilisation élargie et permanente seral'un des objectifs prioritaires des Amis dela Terre France pour 2011 et pour la suite.

> ALAIN DORDÉ Secrétaire fédéral • Les Amis de la Terre France

A l'occasion du sommet de Nations unies sur le climat à Cancun (Mexique), des organisations françaises ontorganisé un contre-sommet à Cancon (Lot-et-Garonne) pour réclamer des alternatives crédibles pour stopperla crise climatique.

12 JURIDIQUE

Les Amis de la Terre ont lancé une procédure légale contre le label Programme de reconnaissance descertifications forestières en tant qu’« appellation environnementale trompeuse ».

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Qui n’a pas ressenti une gêne – et parfois de secrets émois –pour trouver les quelques mots à adresser à la personnechargée d’encaisser au supermarché ? Dans son livre Poursauver la planète, sortez du capitalisme, Hervé Kempf écrit :« On tend à remplacer les caissiers et les caissières par desmachines : le consommateur lui-même fera le travaild'enregistrement – sous l'œil suspicieux des vigiles. Ainsi serasupprimé l'ultime vestige du caractère essentiel de l'échangemercantile – deux personnes qui se parlent – pour ne pluslaisser visible que le seul enjeu : la création de profit par desindividus réduits à leurs besoins. »Peut-être ne devrions-nous pas regretter la disparitionprogrammée des caissiers (qui sont d'ailleurs presquetoujours des caissières) ni celle du poinçonneur des Lilas.Et sans doute relativiserons-nous l’optimisme de Kempf…mais nous partageons le fond de son argument. Car au Monoprix du quartier des Rigollots, à Fontenay-sous-Bois,des jeunes gens, étudiants pour la plupart, tiennent depuisquelque temps les caisses et là, les caissières sont aussi (ettout autant) des caissiers. Ils font cela, comme – dans desconditions bien plus dures – leurs ancêtres travaillaientcomme forts des Halles pour payer leurs études. Depuis

l'embauche de ces jeunes gens, l'ambiance, au supermarché,a un peu changé. Sans doute que ces caissiers-là imaginent(à tort ou à raison) qu'ils ne passeront pas leur vie à ce poste.Leur rapport au travail contraint n'est pas le même, et cela seressent dans leurs relations aux clients, et sans doute à leurhiérarchie. Quant aux vétérans du métier, allons au-delà de nospropres clichés, et demandons-leur comment ils le vivent… Pour les Amis de la Terre, il faudrait bien sûr qu'il n'y ait plusde supermarchés, donc moins de caissiers. Que l’onrelocalise les activités, que l’on en revienne aux commercesde proximité, que les quelques « moyennes surfaces »survivantes soient des épiceries à taille humaine, que l’onpartage le travail et les ressources. Mais en attendant, alors que le machinisme impersonnel segénéralise dans l’espace public, la machine à faire manger lesouvriers sans qu'ils quittent la chaîne mise en scène parCharlie Chaplin dans Les temps modernes relève encore de lafiction. Nos lecteurs voudront bien nous passer le luxe de fairel’éloge du travail et de son reste d’humanité – donc celui de lacaissière, digne, aimable ou mal aimable… mais pas encorechangée en robot.

> ALAIN DORDÉ ET LAURENT HUTINET

Eloge de la caissière

Il ne suffit pas, pour répondre à la crise écologique, de « verdir l’économie », car le travail n’est pas« l’emploi », mais l’œuvre d’êtres humains qui, maniant des outils dont ils restent maîtres, composent avecleurs propres limites, celles d’autrui et celles de la planète. Il faut donc avant tout libérer le travail. Enouvrant des territoires, comme le font des collectivités drômoises. En redonnant du pouvoir auxtravailleurs, comme le font les artisans, les associations ou les sociétés ouvrières comme celle deslamaneurs de Marseille. En redonnant du temps et en luttant contre le travail machinique dont ont étévictimes des salariés de France Télécom. Et par-dessus tout, en luttant contre l’industrialisation totalede nos vies, qui tue le travail, c’est-à-dire l’humain.

Le travail, au cœurdes sociétés soutenables

DOSSIER

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Comme les militants du monde entier enfont l’expérience, personne, ou presque,n’échappe au travail. Si les penséesjudéo-chrétiennes, libérales, socialistes,marxistes, anarchistes, se sont pen-chées sur la question, il est plus rare quel’on sache que les plus sérieux théori-ciens de la jeune écologie politique y ontconsacré de longues années. La question peut sembler à la mode : ilne se passe plus un mois sans que lesmédias ne se fassent l’écho du « poten-tiel d’emplois » représenté par les activi-tés « vertes » ; et de fait, répondre à lacrise écologique obligera à reconvertirdes secteurs entiers de l’industrie, del’administration publique et privée, del’agriculture. Mais la question du travailne se résume pas à celle de la nature dela production.A l’image du célèbre slogan publicitairedu candidat Nicolas Sarkozy : « Travaillerplus pour gagner plus », le travail est unedes valeurs focales de la société indus-trielle. André Gorz, dans son ouvrageMétamorphoses du travail rappelaitpourtant que « le travail à but écono-mique (…) n’est dominant à l’échelle detoute la société que depuis l’avènementdu capitalisme industriel. Avant cela,dans les sociétés prémodernes, auMoyen-Age et dans l’Antiquité, de mêmeque dans les sociétés précapitalistes, ontravaillait moins, beaucoup moins que denos jours. A tel point que les premiersindustriels (…) avaient les plus grandesdifficultés à contraindre leur main-d'œu-vre à venir travailler toute la journée ». L’idéologie dominante contemporaineréduit le travail à l’emploi rémunéré et passesous silence toutes ses autres formes, quisont pourtant les conditions de la survie dusystème industriel : travail domestique,éducation des enfants, temps passé dansles transports… théorisés par Ivan Illichcomme « travail fantôme ».

Opération machinique ou travail ?S’inspirant de Christophe Dejours,Philippe Mulhstein, cheminot et syndica-liste (SUD-Rail) explique que « le travail-leur s’implique subjectivement dans lerapport à sa tâche et affronte les difficul-tés liées au décalage entre les procé-dures formelles (le travail prescrit) et l’ac-tivité qu’il doit effectivement déployerpour atteindre les objectifs de produc-tion (le travail réel). Il acquiert ainsi uneexpérience du réel, qui se fait toujoursconnaître du sujet par sa résistance, etqui est très souvent une expérience del’échec, de l’impuissance, du doute. Letravail vivant est l’invention du travailleur :

ce sont les ruses, les astuces, la trichepar lesquelles il parvient à affronter ceréel pour accomplir sa tâche ». De sorteque l’archétype du travailleur est l’artiste,qui, face à un Réel qui le déborde – ima-ginons Vincent Van Gogh aux prisesavec son champ de blé – ne peut queproduire une œuvre dont il n’a aucuneidée lorsqu’il commence son travail.Or, le « nouveau management » ne laisseaucune place à l’inventivité et à l’inves-tissement subjectif. Si le travail est àl’œuvre chez l’artiste, l’artisan, l’ou-vrier… il a disparu chez l’opérateur appli-quant un process dont les tâches sontprogrammées d’avance, détruisant toutamour du métier. Passé un certain point,la hausse de la productivité détruit le tra-vail vivant. Ainsi Ivan Illich, dans Laconvivialité, considérait « l’échec de l’en-treprise moderne, à savoir la substitutionde la machine à l’homme. » Redonnantson prestige au travail de l’homme, ilpromouvait l’outil juste et convivial,« porteur d’efficacité sans dégrader l’au-tonomie personnelle (…), avec lequeltravailler, et non un outillage qui travailleà sa place ». Il appelait convivialité « l’in-verse de la productivité industrielle. »

Contre la destruction du travailPartageant l’essentiel de ces analyses,les Amis de la Terre militent contre ladestruction du travail et pour des socié-tés moins productives. La prétenduehausse de la productivité s’appuieessentiellement sur le remplacement dela force humaine et animale par les éner-gies fossiles et nucléaires. La débauched’énergie et de matières mise en branlepar les productions et les consomma-tions détruit désormais – ce qui n’estplus scientifiquement contesté – les éco-systèmes sur lesquels se fondent lessociétés humaines : la prise en comptedes contraintes écologiques redonnedonc d’emblée une très large place autravail humain en faisant reculer une pro-ductivité qui n’est qu’apparente et dontles dégâts humains et écologiques sontconnus de tous. Mais il est au moins aussi important dedéfendre le travail vivant et autonomepour permettre à chacun de choisir, d’in-venter son travail – ce qui exige dutemps. Renforcer la position des citoyensface au travail forcé justifié par le pouvoirsuppose trois grandes conditions. Toutd’abord, décrocher une part importante

DOSSIER I Le travail, au cœur des sociétés soutenables

Sociétés soutenablesA la reconquête du travail vivantPlusieurs théoriciens de l’écologie politique ont montré qu’il ne suffisait pas de verdir l’économie pourtraiter les questions de l’emploi et affronter la crise écologique : car désindustrialiser le monde oblige àrepenser le travail pour le rendre au désir.

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du revenu de tout contrat, pour augmen-ter la latitude d’initiative, en s’inspirantdes principes du revenu d’existence.Ensuite, valoriser et faire connaître lesformes d’organisation alternatives auxsociétés commerciales, qui accordentaux travailleurs (y compris indépendants)un large rôle dans la prise de décision.Enfin, à l’heure où les Etats et lesgrandes firmes luttent pour s’accaparerles terres arables et les friches urbaines,libérer le travail suppose d’ouvrir des ter-ritoires où les initiatives se déploieront. La question n’est donc pas de créer del’emploi, mais de libérer le travail : carplus les sujets seront autonomes, plusils travailleront. Les Amis de la Terre fontle pari que les travailleurs sauronts’orienter selon leur désir (et non leursbesoins) pour créer leurs métiers et s’or-ganiser en tenant compte de l’utilitésociale et écologique, soucieux del’équilibre entre les activités humaines etla nécessaire restauration des écosys-tèmes. Existe-t-il vraiment d’autres parisface aux impasses hyperinégalitaires dela croissance – fut-elle « verte » – et à laperspective de dictatures écologistes ?

> LAURENT HUTINET

Face à des suicides récurrents depuis 2008 et à une crise sociale sans précédenten France, « un nouveau contrat social » : voilà ce qu’a promis la direction deFrance Télécom dans un document remis fin septembre 2010 aux syndicats etaux salariés. Il est trop tôt pour juger de l’efficacité de ses mesures, censées, pourun coût de 900 millions d’euros, « remettre l’humain au centre de l’entreprise ». Mais les propos du Directeur général Stéphane Richard, s’exprimant dans LeFigaro daté du 16 septembre 2010, font déjà douter : « Nous sommes face à desdrames de la vie, sans liens entre eux, et qui sont a priori sans lien avec l'entre-prise. » France Télécom ne souhaite donc pas comprendre que ses méthodesmanagement et d’organisation peuvent affecter intimement les individus, lesdémoraliser… Pourtant, travailler, « ce n’est pas seulement produire, mais se tra-vailler soi-même », rappelle la psychologue Marie Pezé, dans son livre Ils ne mou-raient pas tous mais tous étaient frappés. « Nous savons par la psychodynamiquedu travail qu’aucun travail de qualité n’est possible sans engagement de la sub-jectivité toute entière. »

Rejet du travail bien faitLa qualité, justement, était chère aux salariés de France Télécom lorsque l’entre-prise assumait avant tout une mission de service public, aujourd’hui reléguée ausecond plan. « Dégradation du sens du travail bien fait », « défaillance des méca-nismes de la reconnaissance au travail », « précarisation du rapport au travail »,« pression temporelle », tels sont les maux relevés par le cabinet d’expertiseTechnologia dans son rapport de mai 2010 sur la souffrance au travail dans legroupe. Alors que le plan Next a poussé vers la sortie 22 000 salariés sur plusde 120 000 entre 2004 et 2007, France Télécom vit donc toujours sous le jougde l’impératif de résultats parfois inatteignables. Mais le lien fort entre les fonc-tionnaires et leur « maison » ne s’est pas évaporé, que cela arrange ou non lesnouveaux faiseurs de la politique de Ressources humaines. « Le managementà France Télécom est particulier puisqu’il mélange le management « moderne» du privé avec le principe d’obéissance auquel sont soumis les fonctionnaires.Ce principe est culturellement fort au sein de l’entreprise », relève Ivan du Roy,auteur d’Orange stressé, le management par le stress à France Télécom, aucours d’un débat sur lemonde.fr.

Les anciens, premiers frappésAinsi, analyse l’auteur, si la perte de sens du travail est vécue douloureusementpar tous, elle affecte plus particulièrement les fonctionnaires, parce qu’« ils ont enmajorité plus de vingt ans d’ancienneté, donc un grand attachement et un grandinvestissement dans l’entreprise, qu’ils ont contribué à construire. Toutes lesatteintes actuelles – les humiliations, les non-reconnaissances du travail ou le sen-timent d’inutilité qui peut apparaître chez beaucoup de salariés – sont plus malressenties par des gens qui y travaillent depuis vingt ans que par des gens plusjeunes qui viennent d’entrer dans l’entreprise ».Depuis 1996, quand France Télécom est devenue une société anonyme, tout acontribué à la perte de repères. Les mobilités géographiques forcées sont deve-nues courantes. Des employés, à qui on a attribué de nouveaux métiers du jourau lendemain et sans accompagnement, se sont trouvés en position d’échec.Une telle organisation du travail, accompagnée d’un management formaté fuyantle dialogue, a fait des employés des pions et les isole. Cette solitude orchestréeest d’ailleurs un autre rouage crucial du mécanisme infernal qui pousse les « vic-times » dans l’impasse de leur situation personnelle, au lieu de leur permettre depenser le problème hors d’eux, et éventuellement de se rebeller.

> CAROLINE HOCQUARD

France TélécomMortifères pertes de sens Depuis 2008, France Télécom connaît des vagues de suicidesincessantes. Après la privatisation et une série de plans de restruc-turation, le personnel a été considéré comme une simple ressourceet le sens du travail et la reconnaissance ont été perdus en chemin.

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DOSSIER I Le travail, au cœur des sociétés soutenables16

Nouvelles activitésDes emplois verts… mais pas trop

« Faire cracher de l’emploi au Grenelle del’environnement ». Voilà comment LaurentWauquiez, alors secrétaire d’Etat chargéde l’Emploi, résumait il y a peu les espoirsd’un Gouvernement qui a fait des emplois« verts » l’alpha et l’omega du retour auplein emploi. Les estimations pleuvent.600 000 emplois selon le BostonConsulting Group, cabinet internationalde conseil en stratégie, axés autour de laréduction de 25 % des émissions de gazà effet de serre de la France d'ici 2020.Jusqu’à un million selon d’autres grenello-enthousiastes.S’ils devraient impliquer un changementde paradigme – Jean-Louis Borloo,encore ministre de l’Environnement préfé-rait plus sobrement parler « non pasd'une révolution, mais d'une métamor-phose totale des modes de production etde consommation » (janvier 2010) – cesemplois « verts » sont surtout pris dans undouble mouvement destruction-création.

Chiffrages à l’empanenant compte des destructions d’em-plois dans les filières polluantes (138 000postes dans l'énergie et 107 000 postesdans l'automobile), mais aussi desemplois induits par les économies réali-

sées par les ménagesdans leur consom-mation énergétique,le WWF table sur unecréation de 684 000postes. Le délégué àl’environnement de laCFDT, Jean-PierreBompard, est beau-coup plus réservé :« Le solde net decréations d’emploispour 2020 serait plusproche des 60 000que des 600 000annoncés en fanfare ».Le Conseil d'orienta-tion pour l'emploi(COE) prévient :« Le développementdurable ne sauraittenir lieu de stratégieunique pour atteindrele plein emploi » etmise plutôt sur le ver-dissement des forma-tions des jeunes dansle bâtiment.Car au fait, c’est quoi,un « emploi vert » ?Des métiers nou-veaux ou des jobsripolinisés au « Dédé » ?

Un indice : le ministère de l’Ecologie aidentifié 11 secteurs intéressés par lacroissance verte et estime qu’un actif surdeux serait concerné en France.Transport, bâtiment, eau, assainisse-ment, énergies renouvelables, agricul-ture… autant de secteurs dont lesmétiers ne vont sûrement pas être révo-lutionnés.Tout au plus peut-on s’attendre à unemutation des fiches de poste. « Unconducteur de ligne en chimie, parexemple, doit désormais savoir gérer lesdéchets que son travail génère... » illustreGérard Pignault, le directeur de l’Ecolesupérieure de chimie physique électro-nique de Lyon. Hier, on devait parleranglais. Demain, à un entretien d’em-bauche, on vous demandera « parlez-vous « DD ? » ». Le COE prévient que« l’employabilité », elle, ne sera pas dura-ble ! « Certains emplois liés aux investis-sements de la croissance verte ne serontpas pérennes ». CDD, temps partiel, bassalaires sont donc encore et toujours aumenu. Enfin, les emplois directement liésaux énergies renouvelables sont tribu-taires de leurs fournisseurs. Or éolienneset installations photovoltaïques sontessentiellement produites en Chine.

Le potentiel de la bioOù sont-ils, alors, les « vrais » emplois« verts » ? Dans les champs, peut-être.Un paradoxe car, chaque année, ce sontenviron 10 000 fermes qui disparaissenten France, pour des raisons écono-miques ou suite à un départ en retraite.Les agriculteurs en exercice, influentsdans les Sociétés d’aménagement fon-cier et d’établissement rural (Safer), sontprioritaires dans l’affectation des terres.Résultat, l’heure est plus à l’embonpointdes parcelles qu’au partage.Selon le groupe de la Bussière, groupe detravail impliquant des chercheurs, des pro-fessionnels agricoles et représentantsd’associations, 500 000 exploitations et unmillion d’emplois pourraient pourtant êtrecrées d’ici 2025 dans l’agriculture, à condi-tion que celle-ci soit biologique. Conditionsd’une telle révolution : établir des politiquesprotectionnistes, renforcer l’élevage et lessurfaces en herbe pour assurer l’autono-mie protéique, relocaliser les productionsagricoles et la transformation, abandonnerles pesticides, allouer des aides en fonc-tion de critères à « haute performance envi-ronnementale ». Le tout appuyé sur unbudget de 15 milliards d’euros.Le problème majeur de l’accès au foncierne doit pas occulter d’autres considéra-tions. « Il faut aussi que le métier d’agricul-teur soit attrayant et gratifiant, que les genssoient formés », insiste Jean-Luc Favreau,ancien agriculteur en bio et chercheur. Onvoit pas mal de jeunes s'installer et galérerpendant longtemps, voire abandonner aubout de quelques années. »Y a-t-il seulement un million de personnesprêtes à troquer le stylo pour le tracteur ?Les causes de l’exode rural ont été analy-sées : la pénibilité du travail et la difficulté deprendre du repos et des vacances restentdes freins. « Le métier d'agriculteur est unmode de vie », rappelle Jean-Luc Favreau.« Et ses avantages sont aussi des inconvé-nients », prévient-il, citant l'autonomie, l'im-plication et l'engagement en temps de tra-vail, les risques financiers. Mais le dévelop-pement de l’agriculture paysanne entraîne-rait aussi un cortège d’activités localesinduites, non délocalisables.L’autonomie alimentaire et un passageradical à la « bio » : des ambitions bienéloignées du Grenelle de l’environne-ment, avec ses 10 000 emplois « verts »dans l’agriculture et ses 6 % de surfacecultivée en bio en 2012. Pour paraphra-ser les Shaddocks, « à force de verdirtout, il finit toujours par en sortir quelquechose. Et réciproquement. »

> JEANNE MAHÉ

Face à la crise économique et la percée des écolos, le Gouvernement dégaine l’arme des emplois verts.Mais en fait, c’est quoi un emploi vert ?

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Structures alternativesQuand le « tiers secteur » s’ajoute à l’emploiBien que peu reconnu, le travail du tierssecteur (ni public, ni privé) est déjà abon-dant et s’appuie sur des structures spéci-fiques ou originales. Celles de l’économiesociale et solidaire se distinguent par larépartition du pouvoir, les formes juri-diques, les modèles de rémunération. Lemodèle le plus connu est l’association : nerecherchant pas le profit, elle est financéepar les dons et les subventions et recourtau travail des salariés et des bénévoles. Lacoopérative, elle, associe aux décisionsassociés, employés et clients qui dispo-sent d’un droit de vote identique, et lasociété coopérative de production

reprend le modèle de l’entreprise com-merciale mais assure le contrôle par lestravailleurs, en leur garantissant la majoritéabsolue.

Travail non conventionnelSi le salariat est souvent utilisé, il est aussienrichi par d’autres apports : les struc-tures d’insertion sociale par le travail dis-pensent ainsi une formation tout en créantdu lien social, et apportent au salarié bienplus qu’une simple rémunération. Le tierssecteur échappe parfois aux règles clas-siques. C’est le cas du travail au noir et du« système D », mais aussi des activités

basées sur la gratuité, le partage etl’échange, telles que les systèmesd’échange locaux (SEL) qui, en s’affran-chissant du système monétaire, valorisentle temps et les savoir-faire. Le woofingajoute un échange humain à un échangede service puisque le travailleur esthébergé en contrepartie du travail effectuésur une ferme biologique. Enfin le bénévolat, massif en France,démontre que l’intérêt porté à une cause,à un loisir ou à travail non rémunéré moti-vent déjà d’innombrables personnes quin’entrent pas dans les statistiques du PIB.

> PHILIPPE COLLET

Travail coopératifLes lamaneurs mènent bien leur barque

Port de Bouc, quai de la jetée, àquelques encablures du fort Vauban. Lescanotes sont à quai, dormantes jusqu’àla prochaine intervention. Marc Ambélas,silhouette imposante et crâne rasé, par-tira à la retraite dans quelques mois, à 55ans.Le métier est dur : « Nous sommes dis-ponibles 365 jours sur 365, 24 heuressur 24, mais être son propre patron,c’est une vraie prise de conscience ».Avant de rejoindre la SCOP, Marc étaitemployé dans une entreprise maritimefamiliale. « J’étais salarié de la sociétéprivée POLI, rachetée en 1982 par lacoopérative ouvrière. Nous avons étéfusionnés, mais sans aucun licenciement !On aurait pu rester de simples employésmais nous avons été totalement inté-grés, y compris dans les prises de déci-sions. J’ai rapidement pu me présenterau conseil d’administration ». Comme toute entreprise, la SCOP pos-sède un conseil d'administration, com-posé de douze membres – mais ils sontélus au suffrage universel direct. Chaquecoopérateur est patron, inscrit maritimeet possède une part de l'entreprise. Unepart qui se transmet le plus souvent depère en fils ou en beau-fils. « Mon fils apassé son diplôme et prend la relève »,se réjouit d’ailleurs le futur retraité.

« Loman » en vieux français,l’homme des fonds Lamaneur, un métier qui demande d'êtreprésent corps et âme, « une passion »selon Dominique Martin, un Ardéchoisque l'amour a mené vers ces rivagesméditerranéens. Amarrer, déhaler, lar-

guer les amarres denavires longs de 80 à370 mètres : aucuneplace n'est laissée àl'amateurisme. Unstage de 42 mois formetout nouvel arrivant, « etmême si l'on est fils delamaneur on apprendde l'expérience desanciens » explique JeanPoli, descendant d'unelignée familiale « qui n'aconnu que ça ». Diplômés du Capitaine200, du brevet pourconduire les vedettes àmoteur de plus de 150chevaux et du CRO(certificat de radiotélé-phoniste restreint pourutiliser la VHF, le moyen de communica-tion international) les lamaneurs sontaussi très investis dans la lutte contre lapollution. « Elle est omniprésente, quandun bras de branchement est trop vieux,à cause des intempéries ou de fausses-manip… Avant, on ne faisait tout simple-ment rien, tout était rejeté à la mer.Heureusement, ça a bien changé depuis »résume Jean, dont le père œuvre depuisplus de dix ans pour un système fiablede lutte antipollution. Une lutte d’uneredoutable efficacité comme l’a démon-tré le naufrage du Lyria en 1991 lorsque2 200 tonnes de pétrole s'étaient déver-sées au large de la Provence : la pollu-tion avait alors été confinée sans dom-mages pour l’environnement avec la par-ticipation des lamaneurs.

Les bordées alternentd’une semaine sur l’autreLe téléphone sonne et un navire appellela demi-bordée du dimanche pour un lar-gage. La canote fend les flots etle gaillard aux yeux clairs poursuit :« Chaque poste est équipé d'un contai-neur comme celui-ci, avec du matérielpour un barrage antipollution. On esttous formé, et depuis 1997 on exportenotre savoir-faire pour uniformiser lesméthodes d'action auprès des groupe-ments de lamaneurs français ». Un espritde groupe, une vision de demain « parcequ'on travaille pour nous et pour ceux quiarrivent derrière » rappelle Marc Ambélas.Et sait-on jamais, peut-être qu’un jour laporte s’ouvrira aussi aux femmes…

> EMY DE WELLE

Depuis l’après-guerre, la société coopérative ouvrière de production des lamaneurs (SCOP) de Marseilleet du golfe de Fos offre d’honnêtes conditions de vie et de retraite à ses 80 patrons.

Entre deux manœuvres, les sourires de Dominique Martin,Jean Poli et Brice Marchand.

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18 DOSSIER I Le travail, au cœur des sociétés soutenables

Vallée de la Drôme Un territoire engagé pour l’économie soutenable

En mars 2009, quatre communautés decommunes de la Drôme, représentant102 municipalités et 52 000 habitantsdepuis le pays de Die jusqu'au Rhône(soit un tiers du département) se sontassociées pour lancer le grand projetBiovallée. Celui-ci veut faire de la valléede la Drôme un « Fribourg rural » d'ici à2015, un écoterritoire exemplaire àl'échelle européenne en même tempsqu'un laboratoire du développementsoutenable.

Aidés financièrementpar la région Rhône-Alpes et le départe-ment de la Drôme, lesdécideurs locaux sesont activementconcertés pour unprogramme d'actionglobal : développe-ment de modes detransport propres,rénovation écolo-gique du bâti ancienet applications desnormes thermiquesles plus ambitieusespour le neuf,construction de 15écoquartiers, mise enplace de formationstechniques et univer-sitaires spéciali-sées… et alors que20 % des exploita-tions de la vallée sontdéjà en bio, le projetentend porter cettepart à 50 %.

Structuration des filièresDeux objectifs témoignent à eux seuls del'ambition du projet : diviser par quatre laconsommation énergétique par habitant(hors transports) d'ici à 2020, et la couvrirà 100 % par les énergies renouvelableslocales grâce au fort potentiel éolien etsolaire du territoire. Mais il s'agit aussi de donner au territoireles moyens de vivre d'une façon plus res-pectueuse de la biosphère sans oublier

les contraintes socio-économiques, quiconstituent souvent un point d'achoppe-ment dans la transition vers des écono-mies soutenables. Le projet Biovalléeambitionne ainsi d'aider à la structurationde trois filières en plein essor dans la val-lée de la Drôme, et appelées à un avenirradieux : la valorisation des « bio-res-sources » (agriculture biologique et trans-formation des plantes aromatiques etmédicinales en tête) les énergies renou-velables, et l'écoconstruction à partir dematériaux transformés ou fabriqués surplace.

Faire adhérer la populationL'objectif est chiffré et volontariste : la pre-mière étape consiste à créer de1 000 à 2 000 emplois dans ces filières d'icià 2015. Autant d'emplois non délocalisa-bles et soutenables qui permettront auxhabitants de la vallée de travailler à la foisprès de chez eux, et pour le développe-ment et l'aménagement de leur territoire.Une dynamique positive qui devrait aussipermettre aux décideurs locaux de rempor-ter l'adhésion de la population à Biovallée.Nul ne sait encore si tous les objectifs duprojet seront remplis, et le calendriertenu. Mais dans une France ultracentrali-sée, en retard dans bien des domainesen matière d'écologie, Biovallée aura aumoins le mérite de prouver que les terri-toires peuvent, eux aussi, expérimenterdes solutions aussi innovantes que sou-tenables en matière d'emploi. Un vraipied-de-nez à la crise économiqueactuelle, symptôme d'un modèle produc-tiviste et ultramondialisé voué à décliner...

> GWENAEL WASSE

A l’issue d’une vaste concertation, un tiers du département de la Drôme a décidé de s’investir dansBiovallée, un projet de territoire donnant la priorité à l’agriculture biologique et aux activités soutenables.

Bibliographie

Les Amis de la Terre, L’écologie contre le chômage, Cahiers libres 389, La Découverte, 1983.Confédération paysanne, Maintien de l'emploi agricole, Actes du Colloque de St-Lo (Basse-Normandie), 20-21 octobre 2006.Christophe Dejours, Travail vivant, Tomes 1 et 2 (Sexualité et travail, Travail et émancipation), Payot, 2009.Ivan du Roy, Orange stressé, le management par le stress à France Telecom, La Découverte, 2010.Entropia, n° 2, Décroissance et travail, Parangon, 2007.Philippe Godard, Contre le Travail, Hommisphères, 2005.André Gorz, Métamorphoses du travail, Galillée, 1988.Ivan Illich, La convivialité, Le Seuil, 1973 ; Le travail fantôme, Le Seuil, 1981.Bernard Nicolas, France Télécom, malade à en mourir (film, 2010).Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude, La Fabrique, 2010.Le Nouvel Ane, n°10, Evaluer tue, février 2010.Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom : www.observatoiredustressft.org

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Après deux enquêtes approfondies sur le terrain, les Amis de la Terre publient un rapportde mission sur la mine de cuivre de Mopani, en Zambie. En 2005, le projet a obtenu unprêt de 48 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui devaitpermettre de réduire la pollution autour du site minier. Mais sur le terrain, la réalité estmoins rose. Des problèmes de corruption à l’évasion fiscale, en passant par les dégrada-tions des conditions de travail et les expulsions forcées des agriculteurs locaux, le travaild’investigation des Amis de la Terre démontre que la mine de Mopani n’a en rien contri-bué à réduire la pauvreté des Zambiens. Pire, les dégradations environnementales sesont intensifiées. L’air, l’eau et les terres autour du projets sont gravement polluées parl’acide sulfurique utilisé pour l’extraction du cuivre. Les bénéficiaires réels du projet ?Glencore, un géant minier très controversé, et les pays industrialisés vers lesquels le cuivreest exporté. A travers le cas de Mopani, le rapport des Amis de la Terre met en lumièreun système d’exploitation des ressources naturelles au profit des pays les plus riches etde leurs multinationales, soutenu par des institutions publiques telles que la BEI, pour-tant censées financer le développement en Afrique. Depuis 2007, les Amis de la Terredemandent à la BEI d’arrêter de financer des projets miniers en Afrique, tant qu’ellen’est pas capable de contrôler leurs impacts et de prouver leurs effets positifs pour lespopulations locales. Grâce à cette campagne, la Banque a drastiquement ralenti sesfinancements dans ce domaine.

> ANNE SOPHIE SIMPEREChargée de campagne • Finance publique

Projet Mopani (Zambie) :l’Europe au coeur d’un scandale minier

La Baleine : Alors que les ouvragessur la décroissance se multiplient,qu’est-ce qui vous a amené à enpublier un à votre tour ?

Fabrice Flipo : « Notre motivation était declarifier un peu les enjeux de la décrois-sance, tels qu’ils se présentent pour ceuxqui s’en réclament ou s’y intéressent deprès. Cela apparaissait nécessaire tant lesujet est à la fois complexe, d’une impor-tance cruciale, et pourtant très mal des-servi par certains critiques, qui semblentse contenter de caricatures. Ce qu’onapporte, je l’espère, c’est un ouvrageclair, concis, qui introduit bien à l’énormemasse de littérature produite sur le sujet. ».

LB : Pourriez-vous définir la décrois-sance en quelques mots ?

FF : « L’un des intérêts de la décroissanceest sa polysémie... mais s’il ne fallait quequelques mots « décroissance » signe laposition de celles et ceux qui pensentqu’une hausse du produit intérieur brut(PIB) ne peut en rien aller dans le sensd’un progrès pour les plus démunis. ».

LB : De plus en plus d’ouvrages fleu-rissent proposant des politiques detransition et de reconversion écolo-gique de l’économie basées surl’idée de décroissance (Jean Gadrey,Tim Jackson, Lester Brown, etc.).Pour autant, le mouvement décrois-sant reste embryonnaire. Commentexpliquer ce décalage ?

FF : « Le mouvement décroissant esthétérogène, mais en même temps il s’ins-crit dans des continuités et favorise cer-tains dialogues. Ce mouvement ne partpas de rien. Les ouvrages que vous men-tionnez sont tous des ouvrages d’écono-mistes, or la décroissance est surtout unecritique de l’économisme. Tim Jacksonpar exemple fait un bon diagnostic mais iln’aperçoit pas ce qu’implique une remiseen cause du « développement » tel qu’onl’a conçu jusqu’ici. Pourtant, l’économieelle-même est une science de la crois-sance. Cela seul devrait indiquer lanature du défi : les économistes nepourront pas y répondre seuls. »

> PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIAS CHAPLAIN

La décroissance en question Entretien avec Fabrice Flipo, co-auteur.

Face au culte fétichiste de la croissance et des bienfaits du progrès technoscientiste, le mouvementdécroissant tente depuis une dizaine d’années de décoloniser les imaginaires. Pour répondre aux critiqueset aux préjugés, Denis Bayon, diplômé en Economie, Fabrice Flipo, maître de conférences en Philosophiedes sciences et techniques et François Schneider, chercheur en environnement, ont publié en juin 2010La décroissance : dix questions pour comprendre et en débattre, à La Découverte.

Publication

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Tout d’abord, qu’offrir ? Pour les plustéméraires et non conventionnels, il esttoujours possible de ne rien offrirpuisque, après tout, pourquoi se sentirobligé par les conventions sociales d’of-frir un cadeau à chacun des membres desa famille un jour précis de l’année ? Cecidit, Noël peut aussi être un momentconvivial en famille, et ce soir-là, vousn’avez peut-être pas envie de rentrerdans des discussions à n’en plus finirpour justifier votre geste...

Des cadeaux dématérialisésou d’occasion ?Alors si l’on joue le jeu, pensons à desidées-cadeaux écolos ! En premier lieu,quoi de plus sobre que de penser à descadeaux non matériels ? Il est rare quenous ayons encore réellement besoin dechoses. Un paillasson ? Une cafetière ?Un rideau de douche ? Non, sincère-ment, la plupart d’entre nous a déjà toutce qu’il lui faut. Alors pourquoi pas nepas penser à un dessin, un poème, à touttype de création dans lequel on s’épa-nouisse et susceptible de faire plaisir àl’autre... au moins dans l’intention ! Unpetit slam, écrit pour chacun des mem-bres de sa famille et déclamé le soir deNoël égaillera votre soirée ! Vous allez medire : « Oui, d’accord, mais ça prend dutemps ! » Et bien peut-être pas tant queça, si l’on compare au temps passé dansles magasins, les transports, les intermi-nables tergiversations pour trouver « labonne idée », sans compter le tempsqu’il a été nécessaire pour « produire »l’argent qui vous servira à acheter cescadeaux tout faits. N’oubliez pas non

plus l’abonnement à un magazine,une adhésion aux Amis de la Terreou à toute autre association enrapport avec les affinités despersonnes, un week-end enyourte à Trouville (Seine-Maritime) ou encore un coursde cuisine chinoise ! Mais, si vraiment vous avez« la bonne idée-cadeau » utile etqui fera plaisir :pensez aux bou-tiques d’occasion !Les brocantes, lesboutiques d’antiqui-tés, de livres, de fripes,les Emmaüs ou autres associa-tions spécialisées dans la récup’.Non seulement vous pouvez touty trouver si vous cherchez bien,mais en plus vous pouvez ydénicher des perles rares ! Petiteastuce à ne pas oublier non plus : lepapier-cadeau en papier journal ouautres papiers récupérés. En plus d’êtreécologique et économique, cela donneun coté personnalisé à vos cadeaux pourpeu que vous choisissiez des articles dejournaux correspondant à l’heureux desti-nataire du cadeau.

Un repas de Noël écologique :est-ce possible ?Oui, il est tentant de mettre les petitsplats dans les grands pour le réveillon enservant foies gras et autres viandes àgogo, fruits rouges surgelés, ananas,oranges et buche au chocolat. Maispourquoi ne pas justement profiter de

l’occasion pour faire rimer créativité culi-naire et écologie ? Vous préfèrerez alorsréduire la quantité de viande et cuisinerdes légumes locaux et de saison, desfruits secs et noix ou encore préparer undélicieux gâteau pommes-poires cara-mélisées… De quoi régaler son monde,et s’offrir des produits bio grâce aux éco-nomies réalisées sur la viande et labûche. Les Amis de la Terre vous souhaitent dejoyeuses fêtes dans la sobriété matérielleet la convivialité partagée !

> CYRIELLE DEN HARTIGH

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

HumeursEn finir avec l’année de la biodiversité ? Au Jardin des Plantes de Paris, on a constaté ces dernières années uneinvasion de corneilles. La raison ? Elles ne trouvent plus assez de nourriture autour de la capitale, la monoculture et l’urbanisationgalopantes étant passées par là. Ces oiseaux se sont tellement acclimatés à la ville qu’ils mangent Mc Do ! Claude Bureaux, maîtrejardinier des lieux, en a fait l’expérience : les corneilles repèrent dans les poubelles les boîtes de hamburgers, et se jettent dessusdans d’effrayants battements d’ailes. Certains disent que ces oiseaux sont réputés parmi les plus intelligents, en voici bien lapreuve ! Aujourd’hui, les abeilles produisent par individu plus de miel en ville qu’à la campagne. Pour Maya, il vaut mieux habitersur le toit de l’Opéra Garnier qu’au cœur de la Creuse. On connaît la fameuse proposition de l’humoriste Alphonse Allais, conseillantde construire les villes à la campagne, puisque l’air y est plus pur. Aujourd’hui, la campagne rapplique en ville. Entendons les villesde chez nous, bien propres et dépolluées, pas ces mégalopoles du Sud où abeilles, corneilles et êtres humains se bousculent,hélas, pour subsister autour de la même poubelle.

> ALAIN DORDÉ

PratiquesDes fêtes de fin d’année dans la sobriétéDe plus en plus marquée par la frénésie consommatrice et la gloutonnerie hard discount,les fêtes de fin d’année auraient tout à gagner à se recentrer sur la convivialité et l’échange.Quelques pistes pour des fêtes écolos.