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Mai 2012 - n° 21 N uit

Le Bonbon Nuit 21

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Nora Arnezeder, Elisabeth Quin, Irène Jacob, Simian Mobile Disco, I:Cube, Crusaders, Miike Snow, Le B018, Light Asylum, Le Corbeau Blanc, Alysson Paradis, Le Cabaret Organique, Jef Barbara, Bus Palladium

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Mai 2012 - n° 21

Nuit

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1 — Nuit

édito

Bonne Nuit

Rédactrice en chef — Violaine Schütz [email protected] | Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner [email protected] | Directeur artistique — Tom Gordonovitch [email protected] | Président — Jacques de la Chaise

Photo couverture — Nora Arnezeder par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Annabelle Ruchat

Régie publicitaire — [email protected] Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — [email protected]

Siret — 510 580 301 00016 | Siège social — 31 bis, rue Victor-Massé, 75009 Paris

Pour 1 euro et 70 centimes, je peux me faire tous les films que je veux. Non pas que je te télécharge comme un taré ou que je me fasse faire des pipes par un sombre patron de salle obscure. Non, mon plan à moi est beaucoup plus simple : il suffit de rentrer de soirée au petit matin et de prendre le premier métro, le samedi, de préférence.Assis sur le skaï des strapontins, les oreilles encore bourdonnantes à cause des infra-basses, je laisse tranquillement mon imagination partir en vrille. Tenez, ce petit groupe de clubbers en re-descente d’ecsta, là, à côté de moi, leurs traits sont terreux, leurs mâchoires font des saltos et ils ont le regard vide. Eh bien mon esprit malade ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre eux et les zom-bies de Roméro, de Wright, de Rodriguez ou de Jackson, enfin je ne sais plus, c’est tellement à la mode les zombies ces derniers temps. Les portes s’ouvrent, ils dégagent et sont remplacés par un attroupe-ment de caillera qui braillent… Vous vous souvenez des Gremlins ? Quatre sièges plus loin, un vieux goth’ tout chauve baille et mate ses dents pourries dans le reflet de la vitre. Inutile de chercher pendant des heures, sur ce coup, c’est bel et bien le Nosferatu* de Murnau qui me montre sa bouche. Et puis il y a les ouvriers saouls qui parlent en russe avec leurs gueules d’acteurs tarkovskiens, les flics en civil qui se la jouent Bad Lieutenant, les travelos divinement Pink Famingo et les schizos sortis tout droit d’un délire de Cronenberg… Bref, tout un festival de mecs canés qui ne me fait pas regretter un seul instant le Festival de Cannes, fil pourtant quasi-conducteur de ce joli numéro de mai.

Michaël Pécot-KleinerRédacteur en chef adjoint

* Oui, oui, je sais, les vampires n’ont pas de reflets.

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clichy montmartre

tables de poker

billards multicolore

84, rue de clichy paris 9

ouvert tous les jours

de 13h à l'aube

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3 — Nuit

sommaire

Le Bonbon Nuit

la bonne comédienne

la bonne parole

les bons choix

le bon duo

le bon producteur

paris la nuit

le bon album

le bon club

le bon concept

la bonne ombre

la bonne sœur

le bon art

la bonne playlist

trousse de secours

bonbon party

le bon agenda

p. 07

p. 11

p. 15

p. 17

p. 21

p.25

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p. 31

p. 33

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p. 43

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p. 47

p.48

Nora Arnezeder

Elisabeth Quin

Irène Jacob

Simian Mobile Disco

I:Cube

Crusaders

Miike Snow

Le B018

Light Asylum

Le Corbeau Blanc

Alysson Paradis

Le Cabaret Organique

Jef Barbara

Bus Palladium

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5 — Nuit

le Bon timing

Les événements à ne pas manquer

Dave Aju release party

Le Circus Company Club célèbre la sortie de Heirlooms

le nouvel album de Dave Aju. Son premier opus annon-

çait déjà la couleur de son style unique. Il revient en

force avec un album encore plus abouti, entre pop,

hip-hop, house d’une musicalité éblouissante. Il sera

accompagné du mythique Pépé Bradock, du cana-

dien Vincent Lemieux et de Sety, manager du label.

Le 5 mai à partir de minuit au Rex Club.

Enfer ou Ciel

Né en 1939 à New York, le photographe Joel Peter

Witkin est à l’apogée de sa carrière. Le vaste réper-

toire de références qui soutient sa recherche plas-

tique trouve sa cohérence à travers deux thèmes

fondateurs, l’Éros et le Sacré. Ses premiers travaux

font appel aux vedettes d’un freak show. Son œuvre

montre des modèles peu communs, engagés au fil de

ses rencontres. Jusqu’au 7 juillet. BNF-Site Richelieu

Le festival de Cannes

Même de Paris, on suivra de près le festival (sur

Canal+,dans la presse et dans l’émission d’Elisa-

beth Quin, Cinéquin sur Paris Première). Avec cette

année, sur le tapis ou sur les écrans : Zac Efron, Kris-

ten Stewart, Tim Roth, Bérénice Béjo, Resnais, Carax,

Haneke, Wes Anderson et bien d’autres. Action !

Du 16 au 27 mai à Cannes

Villette Sonique

Superbe programmation pour Villette Sonique,

« entre metal expérimental, hip hop à tête cher-

cheuse, électronique futuriste et pop aventureuse »

comme le dit le dossier de presse. Chris & Cosey,

Girls, MF Doom, Shabazz Palaces, Melvins, Soft

Moon ou encore Peaking Light seront de la party.

Du 25 au 30 mai 2012 à la Grande Halle, Cabaret Sau-

vage, Trabendo et Cité de la musique

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DR

/ D

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6 — Nuit

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7 — Nuit

la Bonne comédienne

® Manon Troppo Ω Pascal Victor

à peine suis-je rentrée dans la loge de Mlle Arneze-

der au théâtre Marigny, que déjà, ses deux ado-

rables cabots taille miniature m’accueillent en jap-

pant. Nora me présente Milou et Zelda, ses « deux

amours », qui s’octroieront une petite sieste pen-

dant l’interview, parce qu’eux aussi, comme leur

maîtresse, vont monter sur scène dans un peu plus

d’une heure.

Depuis le 17 avril, Nora interprète une jeune pro-vinciale délurée pas très finaude dans Après tout, si ça marche, création inspirée du scénario de Woody Allen, Whatever Works. Un personnage comique sur les planches d’un grand théâtre parisien à 2 minutes des Champs Elysées… L’exercice n’est pas des plus faciles pour une première expérience sur scène, mais Nora a relevé le défi. Elle commence par dire qu’elle n’a « pas de mots » pour exprimer ce qu’elle ressent, et puis, pendant 10 minutes, elle explique à quel point le challenge était aussi dif-ficile que satisfaisant. «Je vais au théâtre avec ma mère depuis que je suis toute petite, j’ai toujours adoré ça et j’ai longtemps été partagée entre la peur de ne pas être à la hauteur et l ’envie d’y arriver. Quand le metteur en scène Daniel Benoin m’a proposé le rôle, j’ai failli refuser à la dernière minute tellement j’étais effrayée. Mais après un mois au théâtre de Nice et maintenant ici à Paris, il n’y a pas eu un seul soir où j’ai regretté de me lancer là-dedans. »

Les comédiennes habituées au grand écran sont souvent attendues au tournant quand elles osent s’essayer à la sacro-sainte scène. Et nombre d’entre elles finissent par retourner vers le cinéma, considéré comme moins éprouvant. « Je n’ai pas de préférence entre le cinéma et le théâtre, mais oui, c’est vrai que sur un tournage, tu es plus rassurée. Quand le réalisateur te dit « Clap, c’est dans la boîte », tu ne te poses plus de questions, tu lui fais confiance. Au théâtre, tu t’interroges sans cesse, tu te remets toujours en question. » Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’y trouve pas son plaisir. « J’ai l ’impression de réelle-ment apprendre le métier de comédienne, justement, en ce moment. Je suis dans le doute permanent, mais ce n’est pas un frein, ça me fait progresser, c’est très motivant. »

Pourtant, le métier de comédienne, elle semble l’avoir déjà pas trop mal assimilé. Après un rôle remarqué dans Faubourg 36 en 2008, les propo-sitions n’ont pas tari : aujourd’hui à l’affiche d’un film aux côtés de Denzel Washington, Sécu-rité Rapprochée et 3 autres longs qui débarque-ront courant 2012. Maniac, un thriller horreur d’Alexandre Aja avec Elijah Wood qu’elle décrit comme « le rêve de ma vie puisque j’adore les films d’horreur. » Ce que le jour doit à la nuit, d’Alexandre Arcady, une histoire d’amour impossible entre un Algérien et une Française de 1930 à 1960.

Nora arNezeder

NoRA L’exPLoRAtRiCe

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8 — Nuit

Et the Words, de Brian Klugman et Lee Stern-thal ; un film chorale qui a déjà été acheté à Sun-dance.

On peut dire qu’elle ne chôme pas, la Nora. Et, d’ailleurs, elle n’a presque pas assez d’heures dans une seule journée pour mener à bien tous ses projets. Son album, par exemple. Je vous entends déjà marmonner « Pouah, encore une actrice qui chante ! », alors que toutes les conditions sem-blent réunies pour que ça ne sonne pas comme un énième recueil fourre-tout d’un joli minois sans voix qu’on réserve aux ascenseurs et, parfois, dans notre grande mansuétude, aux salles de bains. Premièrement parce que c’est une envie qu’elle a depuis longtemps et qu’actrice ou pas, elle

l’aurait menée à bien. Le travail est d’ailleurs déjà très avancé. « J’ai 10 chansons. J’en veux 13, c’est mon chiffre porte-bonheur ; mais comme je m’y consacre entièrement, je le mets un peu en off et je repartirai travailler après la pièce. » Deuxième-ment parce qu’elle a son groupe de musiciens, en Louisiane, avec qui elle ne cesse d’apprendre. « ils sont touche-à-tout, c’est un plaisir de découvrir des styles et des instruments improbables à leurs côtés. » Troisièmement parce qu’elle n’est pas seulement interprète, elle compose et écrit ses textes. « en Anglais, ça sonne mieux pour moi et aussi peut-être pour toucher vraiment mon père quand il entendra mes morceaux. » Enfin parce qu’elle aime toutes sortes de musiques et tient à rester hétéroclite. « J’ai beaucoup de mal à définir cet album parce que je ne pense pas qu’il rentre dans un registre précis. Ne tombons pas dans le cliché des « musiciens de la Louisiane », c’est autre chose : j’aime la musique clas-sique, le hip-hop, l ’électro, donc je mélange tout ça et j’en fais mon univers. »

Si cette définition volontairement vague ne nous permet pas de deviner à quoi ressemblera l’EP, on sait déjà, en revanche, quel grain de voix elle a. Dans Faubourg 36, Nora interprétait 6 titres de la bande originale, et l’un d’eux, Faubourg Paname avait été nommé dans la catégorie « Meilleure Chanson » des Oscars 2010. Ce qui ne lui a pas tellement tourné la tête, d’ailleurs. « ça ne me concerne pas vraiment, j’étais contente pour l ’équipe, je l ’ai vu comme un cadeau pour le film et pour Rein-hardt Wagner et Franck thomas (compositeur et parolier) mais je l ’ai pas pris personnellement. C’est pas de moi, c’est l ’oeuvre de deux autres personnes. »

Quant à ceux qui n’auraient pas vu le film, ils l’au-ront certainement entendue sans le savoir dans le spot publicitaire pour le parfum Idylle où elle entonne Singing in the Rain. Ah parce que je ne vous avais pas dit ? Oui, à 22 ans, Nora ajoute « égérie Guerlain » à la liste de son palmarès.

Nora Arnezeder

“j’ai pas l’im-pressioN

de me tuer au

travail, au coNtraire,

j’ai l’im-pressioN

d’avoir de la chaNce”

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9 — Nuit

Quand je vous disais qu’il n’y avait pas assez d’heures dans une journée pour une increvable pareille. ça m’échappe tout naturellement et je lui demande si elle trouve le temps de respirer. Ce qui la fait éclater de rire. « Je suis restée pas mal de temps sans travailler, aujourd’hui on me propose des choses intéressantes, je ne peux pas refuser. Y ’a tou-jours des périodes de creux dans une carrière d’actrice, ça ne peut pas durer éternellement, donc je veux rater aucune opportunité, j’en profite. et je me consacre à fond à chacun de mes projets. » Increvable, mais stu-dieuse. Et humble : « et puis, quand même, faut pas exagérer, je fais peut-être beaucoup de choses, mais c’est une passion, j’ai pas l ’impression de me tuer au travail, au contraire, j’ai l ’impression d’avoir de la chance ! » Comme j’aime le demander à ceux et celles qui vivent 4 vies dans une, je me renseigne sur ce qui l’aide à tenir le rythme. « Je remercie la Vitamine C et ça aussi, tu connais ? » Elle me tend un spray, et, devant mon silence, m’ordonne « ouvre la bouche ! ».

Quelques pschitts plus tard du Spray Rescue aux fleurs de Bach qui réconforte et rassure, j’admets que c’est agréable et que je ne manquerai pas de le préciser dans le papier. « oh, non, ça fait un peu la caricature de la comédienne avec ses trucs bio, non ? ». J’objecte qu’assez peu de comédiennes ordon-nent à une journaliste d’ouvrir la bouche pour lui faire goûter son remède anti-stress, et je n’ose pas ajouter que la caricature de la comédienne vou-drait qu’elle m’ait proposé une vitamine bien plus illégale que ça. La comédienne parisienne, en tout cas.

Mais Nora n’est pas plus parisienne que ça. Toute petite, elle a quitté la capitale avec sa famille et a vécu à Aix-en-Provence pendant dix ans, puis, à Bali pendant un an et elle est rentrée au bercail vers 2011. Elle a donc découvert sa ville natale comme une étrangère. « Au début, j’ai vraiment eu du mal. tellement que j’en avais des plaques rouges

de stress. Mais aujourd’hui, je m’y suis faite. J’ap-prends à être heureuse où que je sois. Je me suis créé mon petit cocon et j’en suis très heureuse. » C’est éga-lement au sein de son petit cocon qu’elle festoie, le soir. L’agitation et les faux-semblants la met-tant plutôt mal à l’aise, elle privilégie les soirées chez elle, entre amis. « Quand je peux - et en ce moment, avec la pièce, c’est difficile - je fais des fêtes à la maison, c’est une de mes grandes passions. J’invite tous mes potes, on fait de la musique, on chante. Le contexte fait qu’on est tous plus naturels, je trouve. et puis, quand je fais la fête chez moi, je culpabi-lise moins le lendemain, je suis moins cafardeuse. » Est ce à dire qu’elle n’a pas son petit QG ici-bas ? À cette question, ce n’est plus la pro à l’agenda ministériel qui répond, mais une gosse surexcitée : « J’adore le karaoké à Clichy, c’est trop sympa. toi aussi t’aimes bien ? Non mais attends, c’est génial, cet endroit, hein ? ». C’est d’ailleurs le mot de la fin, ce qu’elle veut dire aux Parisiens : « Donnons nous rendez-vous au karaoké Place Clichy, faisons l ’amour et chantons ! » Je ne suis pas certaine qu’elle sache combien elle risque d’être prise au mot…

Nora Arnezeder

Après tout, si ça marche...

≥ Au Théâtre Marigny du 17 avril au 23 juin

Et en ce moment sur les écrans dans Sécurité

Rapprochée.

Bientôt à l’affiche dans Maniac d’Alexandre Aja,

Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady et

The Words de Brian Klugman et Lee Sternthal.

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10 — Nuit

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11 — Nuit

la Bonne parole

® Michaël Pécot-Kleiner Ω Karl Lagerfeld

Forcément, nous sommes tous tombés un jour pla-

toniquement amoureux d’Élisabeth Quin : que ce

soit pour son élégance ou son intelligence, elle est

indéniablement l’une des personnalités les plus

stimulantes du paysage audio-visuel français. Mois

de mai et actu oblige, le Bonbon Nuit s’est tourné

vers elle pour qu’elle nous parle de son festival de

Cannes. Silence, ça tourne.

Élisabeth Quin, pour notre plus grand plaisir, on ne

vous a jamais autant vue à la télé. Vous animez quo-

tidiennement depuis janvier 28 minutes sur Arte,

une émission qui marie actualité, culture et savoir.

On vous connaît aussi et surtout pour votre culture

encyclopédique du cinéma, que vous avez mise à

l’œuvre dans de nombreux programmes (dont Ciné-

quin, actuellement sur Paris Première.) Combien de

films visionnez-vous par semaine ?

J’en vois de moins en moins, mais là, c’est conjoncturel. Je travaille tellement sur 28 minutes que je n’ai pas le temps, pour des raisons concrètes, d’aller aux projos ou sur des tournages. Quand vous dites cinéphile encyclopédique, c’est faux, je ne suis pas de cette caste de gens qui sont les vrais cinéphiles et pour qui c’est une vocation, une névrose, un mode de vie… Il y a des personnes qui aiment le cinéma, et qui mourront avec une

bobine de fils dans les mains… ou ailleurs. Disons que mon rapport au cinéma est plus indolent.

Avec votre emploi du temps ultra chargé, irez-vous

sur la Croisette cette année ? Oui, quatre jours. Je vais passer un gros week-end là-bas. Je vais descendre avec ma petite caméra, pour Cinéquin, et essayer de faire quelques interviews.

Quelle sera votre journée-type ? C’est la première fois de ma vie depuis vingt ans que je ne serai pas à l’antenne le soir. Cannes, jusqu’à présent, c’était tous les jours fournir une émission de 10 minutes, donc des journées de sportif-maso qui démarrent à 5h30 du mat’, projo à 8 heures, deuxième projo, interviews, pla-teau, tournage de l’émission, ensuite encore un film, encore un dernier film et après au lit sur les rotules. Cette année, j’y vais un peu angoissée en me disant « Putain, Cannes en quasi-vacances, ça va ressembler à quoi ? » Eh bien, vu que j’accuse l’âge de mes artères, je vais me coucher à 11 heures tous les soirs, et voir des films sans devoir délivrer de commentaires immédiats.

Quelles sont vos meilleurs souvenirs de soirées à

Cannes ?

ÉlisaBeth QuiN

L’iNDoLeNCe éRuDite

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12 — Nuit

Il y en a deux. La première était une soirée com-plètement démentielle pour le film underground, à l’époque où les soirées n’étaient pas sponsorisées, n’étaient pas dans cet inceste avec le monde mar-chand. C’était du grand n’importe quoi sur une plage… Il y avait des dingos balkaniques de Kus-turica qui avaient agrégé autour d’eux des musi-ciens, qui ont commencé à tous se foutre sur la gueule à 3 heures du matin dans le sable. Je me souviens de Carole Bouquet, allongée, qui regar-dait ce spectacle souverainement amusée, avec des hommes aux gueules de bellâtres latino-amé-ricains qui la protégeaient en faisant rempart de leurs corps pour ne pas que quelque chose arrive à Dame Carole… C’était de l’alcool, des étincelles, de la baston, on a peut-être même dû voir vague-ment la lumière passer sur une arme blanche… Et la deuxième, c’était une soirée au caviar et à la vodka pour le film Bouge pas, meurs et ressuscite de Vital Kanevski il y a vingt ans. Je vous parle d’une époque où tout coulait à flot, c’est-à-dire la camaraderie, l’innocence, l’amusement, l’alcool… et surtout pas ce côté retour sur investissement obligatoire du « je te fais une fête et je te la sponso-rise mais il faut qu’il y ait des photographes, que les

gens boivent devant la marque ciblée et que ce soit dans la presse le lendemain. » Tout cela est devenu une énorme entreprise à générer des retombées médiatiques, le poison que l’on déteste, et avec lequel nous sommes pourtant tous plus ou moins complices. Voilà, la parenthèse « vieux con » est refermée (rires).

Vu que je suis face à une spécialiste, vous pouvez me

faire un pronostic pour la sélection ?

Mais je crois qu’il y a eu une fuite ! (ndlr : il y eut effectivement une fuite qui a été démentie dans un premier temps, mais qui s’avèrerait être vraie. Rap-pelons que cette interview a été faite le 14 avril.) Il paraîtrait que cela viendrait d’un mec qui bosse au service Internet du festival et il est possible que la sélection ait changé après cette histoire… Le grand étonnement est que Terrence Malick après sa bouse ait eu le temps de refaire un film. Je suis curieuse de la présence des Cronenberg père et fils. Est-ce qu’il y aura Léos Carax ? Je ne l’ai pas vu dans la fuite, mais il a fait un film qui semble incroyable avec Denis Lavant, son acteur fétiche. Le grand événement, c’est Jacques Audiard. Jacques Audiard qui offre un rôle à Marion Cotillard, il y a comme un choc des cultures qui nous interroge, et en plus, je crois qu’elle est bien, ce qui me rend doublement perplexe. Quoi d’autres ? Il y aura surement des films coréens, chinois, japonais… S’il pouvait y avoir pendant les jours où je descends beaucoup de films asiatiques, je serais contente. Ah, et puis il y aura Nanni Moretti, un artiste qui mettra un peu de légèreté à tout cela.

Vous avez une passion pour les Vanités, ces crânes

décharnés qui hantent l’histoire de l’art européenne.

Vous avez par ailleurs écrit deux livres sur ce sujet,

vous en avez dégagé une éthique du Carpe Diem et

de la jouissance de l’instant présent. Quelle film

correspondrait le mieux à l’esthétique des Vanités ?

Bizarrement, et il est pas du tout dans le genre

Elisabeth Quin

“la Nuit, ce soNt les NÉoNs des premiers films de

WoNg Kar-Waï”

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13 — Nuit

Elisabeth Quin

Carpe Diem, c’est même le contraire, ce serait un film de Sokourov. L’Arche russe, réalisé à l’Her-mitage de Saint-Petersbourg. C’est un long plan séquence absolument admirable, où le temps s’écoule à mesure que les participants du bal appa-raissent et disparaissent… Alors ça, c’est exacte-ment (elle répète ce mot trois fois) au cœur de cette idée-là. À la fois on ne filme que des morts, on ne raconte que des histoires mortes, et il y a cette espèce de lumière des étoiles mortes qui arrive jusqu’à vous, qui est déjà révolue, mais qui vous touche de sa grâce et de sa beauté.

Je pense me tromper mais n’est-ce pas Sokourov qui

a réalisé Khroustaliov, ma voiture ? Non, Khroustaliov, c’est l’œuvre d’Alexei Guer-man, un génie absolu. Pour moi ce film a été l’un des grands chocs de Cannes. Le cinéma russe est tout de même un grand art dont on ne parle que très peu, il ne crée malheureusement pas un immense engouement… Dans le même genre, il y avait eu aussi un film chinois qui était incroyable et qui s’appelait Les démons à ma porte. C’était également un choc esthétique lié à un événement historique, la guerre sino-japonaise, traité sur un mode totalement débridé, totalement fou furieux. Ce sont des films où il y a un avant et un après. Les démons à ma porte, c’est mon conseil de l’année, et pourtant ce film date d’il y a plus de dix ans.

Quels sont vos films préférés ayant pour thème la

nuit ? Je ne peux m’empêcher de penser à Millénium Mambo de Hou Hsiao Hsien, à ces errances noc-turnes, les errances de cette fille dans la nuit des clubs… Pour moi, la nuit en termes de rapport entre la lumière et l’ombre, de l’image en général, c’est l’Asie, ce sont les néons des premiers films de Wong Kar-Waï à Hong-Kong… La nuit, ce peut être dans une voiture aussi, comme le film de Nuri Bilge Ceylan, il était une fois en Anatolie, qui était à Cannes l’année dernière et qui est un

chef-d’œuvre indiscutable, qui dure deux heures et quelques et qui se déroule intégralement pour la première heure et demi de nuit. Il y a une bagnole qui circule dans les champs, sur une route en Ana-tolie, avec un médecin, un flic, un suspect, et deux braves types d’un commissariat, qui cherchent à repérer l’endroit où le meurtrier présumé aurait enterré un cadavre. Ils sillonnent les routes, avec juste des phares, ils descendent de la voiture, ils cherchent, ils ne trouvent pas, ils ne se souvien-nent plus, ils vont dans des fermes, ils boivent un coup, ils voient soudain un visage de fille qui est une sorte de Madone, ils remontent dans la voiture… C’est l’épuisement total. Et en même temps, au fur et à mesure de cet épuisement, se noue une relation entre les individus, c’est totale-ment prodigieux. ça du coup, oui, c’est un sum-mum !

Quand vous sortez à Paris, vous allez où ?

Je sortais il y a trente ans de cela. J’allais aux Bains, au Palace, au Privilège. Et puis j’allais dans des endroits que la décence m’interdit de nommer (sourire malicieux). Mais je ne sors plus du tout, je suis trop fatiguée. Sortir, il faut le faire bien ou ne pas le faire du tout. J’ai connu des profession-nels de la nuit pour qui la sortie s’envisageait sans limite. Tout était cul par-dessus tête, il n’y avait pas de responsabilité, pas de question de travail le lendemain, ni d’enfant. La nuit était un ruban de miel et de souffre, et quand on s’y engageait, cela pouvait durer plusieurs jours… Maintenant, la vie est saccadée, la vie est arrêtée, il y a des petits bar-rages comme l’école le lendemain matin, le bou-lot, le livre à lire, mais ce sont des petits barrages qui fabriquent de l’électricité vitale.

28 minutes

≥ sur Arte, du lundi au vendredi à 20h05

Cinéquin

≥ sur Paris Première, le mercredi à 20h20

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14 — Nuit

les Bons choix de

® Violaine Schütz Ω Sonia Sieff

Superbe actrice, Irène Jacob, nous a marqué au

cinéma chez Louis Malle, Jacques Rivette, Wenders

ou encore Paul Auster. Elle restera aussi à jamais

l’héroïne de La Double Vie de Véronique de Krzysz-

tof Kieslowski, rôle pour lequel elle obtiendra le prix

d’interprétation féminine à Cannes, à 24 ans et celle

de Rouge, le dernier volet de Trois Couleurs, la tri-

logie culte du même réalisateur. Sa dernière aven-

ture, à côté du grand écran et du théâtre, un très bel

album, Je sais nager, composé avec son frère Francis

Jacob, guitariste de jazz et sorti en 2011. à l’occa-

sion de la publication américaine du disque et d’une

tournée là-bas, on en a profité pour lui demander ce

qu’elle aimait, pour mieux cerner son univers.

Un film ?

La Strada de Fellini.Un DVD ?

Aujourd’hui c’est Ferrier de l’humoriste Julie Fer-rier ou oss 117 avec Dujardin.Une chanson ?

Le tube Marcia Baila des Rita Mitsouko.Un disque ?

elle Fitzgerald sings Cole Porter.Un acteur ?

Jean-Louis Trintignant (avec qui Irène a tourné dans trois Couleurs : Rouge, ndlr).

Une actrice ?

Kate Winslet, en ce moment sur les écrans dans la version 3D de titanic.Un réalisateur ?

Charlie Chaplin.Une pièce de théâtre/spectacle ?

Le Costume de Peter Brook, joué au théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 5 mai.Une expo ?

Modigliani et Soutine à la Pinacothèque jusqu’en septembre à Paris.Un auteur ?

Plusieurs : Romain Gary, Modiano, Balzac, Cyrulnic.Un lieu / une bonne adresse à Paris ?

Le marché d’Aligre.Une émission télé ?

téléchat.Un créateur?

Carven, la marque de Guillaume Henry.Votre nuit idéale?

À la belle étoile.Vos projets?

Des films en France cet été. Avant je serais sûre-ment à Cannes, et là je fais mes valises pour partir faire une tournée de concerts sur la côte est des états-Unis pour la sortie du disque là-bas.

irèNe jacoB

à LA BeLLe étoiLe

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15 — Nuit

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16 — Nuit

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17 — Nuit

le Bon duo

® Thibaut Victor Ω Kate Moross

Jusqu’ici, le duo formé par James Ford et Jas Shaw

était hanté. Hanté par un premier succès auquel ils

ne devaient pas grand chose : en 2006, Justice res-

sort son remix d’un morceau de leur groupe d’ori-

gine, Simian, et crée le tube We are your friends.

Les deux comparses poursuivent leur carrière avec

deux albums Attack Decay Sustain Release (2007)

et Temporary Pleasure (2009) dont beaucoup ne

retiendront que le tube Hustler et son clip racoleur.

Le groupe revient aujourd’hui avec le justement

intitulé Unpatterns, premier album libéré de ses

fantômes et recentré sur les motifs personnels du

duo, jusqu’à les faire exploser en hymnes house ou

obsessions weird. Rencontre.

Votre nouvel album est celui du recentrage et de l’in-

trospection…

James Ford : Oui c’est vrai. L’album est certaine-ment le plus représentatif de nos goûts et de notre personnalité. Dans le précédent, avec toute cette guest-list, on ne pouvait pas faire autrement que d’avoir une succession de personnalités différentes sur l’album. On a voulu faire en sorte que cette fois-ci ce soit vraiment le nôtre. L’utilisation des voix a été essentielle. Elles n’ont plus un rôle majeur mais sont incorporées dans la musique, comme une texture ou une boucle.

On sent quelques regrets. Quel a été votre plus

grande erreur jusqu’ici ?

James Ford : Pour moi, la plus importante est d’avoir laissé autant de morceaux dans l’album précédent. On aurait du enlever trois ou quatre tracks vocales au profit de morceaux instrumen-taux pour avoir un album plus équilibré. Sélec-tionner les morceaux et leur ordre dans l’album est presque la chose la plus importante en réalité.

Une erreur que vous n’avez pas commise sur Unpat-

terns?

James Ford : Cette fois-ci, on s’est laissé le temps entre le moment où l’on terminait les chansons et celui où l’on faisait la sélection. Parce que si vous revenez sur un morceau et que vous n’êtes plus aussi excités en le réécoutant…

Justement, puisque vous êtes aussi Dj, qu’est-ce qui

vous excite?

Jas Shaw : En tant que DJ, c’est la tension que vous créez sur la piste en passant des morceaux qui ne sont pas évidents pour le public, lorsque vous prenez le risque de le perdre. Troubler le public et le rattraper au moment où il risque de décrocher.James Ford : L’idée est d’arriver à faire danser les gens sur une musique qu’ils ne connaissent pas !

simiaN moBile

discotouJouRS NoS AMiS

Page 20: Le Bonbon Nuit 21

18 — Nuit

Et c’est aussi souvent la meilleure manière de vider

la salle…

James Ford : La seule fois on l’on a vidé une salle c’était lors de notre premier Dj set à la Fabric à Londres. On était habitué à jouer de la musique psyché, très 60’s. Et on a réussi à vider totalement le dancefloor… Jas Shaw : Eh oui, on a vidé la Fabric ! (rires)James Ford : Ouais ! Et je me souviens qu’on s’est dit « Merde. Peut-être qu’on devrait faire en sorte que les gens continuent à danser ». On n’y avait jamais pensé avant.

On dirait que vous aimez faire des erreurs. à écou-

ter l’album, on a même l’impression que c’est votre

manière de travailler.

James Ford : L’album n’est qu’une multiplication d’erreurs ! Ce que nous aimons, c’est brancher les machines et voir ce qui se passe, faire évoluer les choses vers des résultats que nous n’attendions pas. Par essence, ce sont toujours des erreurs ou tout au moins des accidents qui font un morceau. Jas Shaw (en riant) : De grosses erreurs ! James Ford : Cela concerne aussi bien notre musique que l’aspect visuel. Nous aimons partir

d’un motif simple et le modifier, le moduler et le distordre. Tout d’un coup quelque chose de très simple devient très compliqué, chaotique. Jas Shaw : Sinon, rien à voir mais j’ai aussi une question. On peut sortir où à Paris ?

Bonne question.

Jas Shaw : Oui parce que la dernière fois on est allé au Social Club…

Maintenant, il y a le club de David Lynch au sous-sol

si vous aimez les cocktails…

James Ford : Mais on ne recherche pas vraiment des cocktails ! (rires) Ce que je ne comprends pas c’est qu’avec une scène électro aussi importante vous n’ayiez pas de gros clubs comme à Berlin. Ou comme à Londres avec la Fabric et tous ces trucs de raves !

Si je comprends bien, on doit sortir à Londres. Mais

où ?

Jas Shaw : On fait les Dj tous les week-ends. Du coup on choisit les soirées en fonction des autres personnes bookées pour voir nos potes Dj !James Ford : Les gros clubs comme la Fabric sont toujours intéressants. Mais on traîne surtout dans des trucs undergrounds comme les raves organi-sées dans des hangars à Hackney Jas Shaw : Back to basics !James Ford : On adore aller dans des raves ! L’An-gleterre est très douée pour en organiser.

Simian Mobile Disco

Simian Mobile Disco — Unpatterns Wichita Recordings / Pias

≥ Sortie le 14 mai

“l’alBum N’est

Qu’uNe multi-

plicatioN d’erreurs!”

Page 21: Le Bonbon Nuit 21

19 — Nuit

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20 — Nuit

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21 — Nuit

le Bon producteur

® Michaël Pécot-Kleiner Ω DR

Dans le petit monde magique de la musique électro-

nique, il existe encore des gens discrets pour qui le

son n’est pas une histoire de packaging ou de mar-

keting. Nicolas Chaix aka I:Cube boxe bien évidem-

ment dans cette catégorie : producteur réservé mais

respecté, pilier du label Versatile et inlassable défri-

cheur de découvertes sonores, cet ours aux épaules

carrées nous gratifie enfin de son cinquième album

au concept novateur, ‘M’ Mégamix.

Tu es un mec réputé secret, on ne te connaît pas très

bien en fait. Jeune tu étais qui et tu faisais quoi ?

J’ai grandi dans le 14e. Ado, j’étais du style soli-taire avec l’idée un peu romantique que la musique était mon échappatoire. Je ne sais pas si je rentrais dans la catégorie nerd mais y’avait un peu de ça. Ce goût pour la solitude m’a sans doute servi pour la musique plus tard.

Comment as-tu fait ton éducation musicale ?

Essentiellement par la radio parce que je n’avais pas de disques à la maison. J’accrochais sur des sons new wave comme Art of Noise ou des trucs plus bizarres qui passaient sur Nova ou France Culture. Après, j’ai commencé à faire de la musique en bricolant des machines rudimentaires.

Les musiciens ont toujours un souvenir ému de leur

première machine. Pour toi, c’était laquelle ?

C’était un petit sampler de Casio, le SK-1 avec 0,5 secondes de mémoire et un clavier tout pourri. Avec ce petit jouet, je pouvais passer des heures à sampler ma voix, des bouts de radio et faire des boucles.

Ton wikipédia dit que tu as 29 ans, c’est une grosse

connerie, non ?

(rires) Oui, ça doit être un faute de frappe ! J’en ai 37.

Une question me turlupine. Ton nom I:Cube, tu le

sors d’où ?

C’est un peu une boulette, c’était pas fait exprès. Début 90, j’avais un délire avec des potes, on vou-lait faire un petit collectif et il fallait que je trouve un nom. J’ai pris celui-là et maintenant le pro-blème, c’est que je ne peux plus le changer. ça fait un peu Ice Cube, mais bon c’est trop tard. Il n’y a aucune association profonde dans ce nom. J’ai fait une espèce de tentative typographique avec les deux points mais la feinte n’est pas du plus bel effet.

Imaginons qu’il y ait un cataclysme et que tu sois

obligé de te planquer sous terre pendant dix ans.

Quels disques tu emporterais ?

Y’aurait d’abord un coffret, histoire de tricher. Le coffret de Steve Reich A nonesuch retrospective,

i:cuBeLA GéoMétRie Du DANCe FLooR

Page 24: Le Bonbon Nuit 21

22 — Nuit

parce que c’est une musique où tu peux revenir souvent, à des moments différents de ta vie et c’est très contemplatif. Ensuite sans doute un livre audio ou une pièce dramatique enregistrée, parce que si t’es seul, t’as besoin de voix. Allez l’ubu Roi d’Alfred Jarry. Après sans doute un mix de house. J’opterais pour Hot Mix 5, un groupe de DJ qui officiait sur une radio appelée WBMX au début des années 80.

Il y a un style musical que tu exècres actuellement ? Il y a des choses qui me laissent indifférent ou que je ne comprends pas.

Tu as des noms ? Aïe, je vais me faire des ennemis. Il y a une radio qui s’appellent Radio Néo qui passent pas mal de trucs que « je ne comprends pas », comme du ska festif, du jazz manouche, du rock gavroche… J’ai beaucoup de mal avec ce genre de musique !

Tu disais dans une de tes interviews que le format

album musique électronique est mort. Tu peux déve-

lopper ?

J’aimerais même dire qu’il n’a jamais vraiment existé, parce que cette musique à la base, quand je te parle de house, c’est essentiellement une musique de tracks qui peuvent durer dix minutes. En fait la notion d’album, c’était plus à un moment donné pour qu’un artiste puisse dépasser un peu ce truc là, pour être plus accessible peut-être. En soi, lorsqu’on écoute un album entier composé de tracks longs, ça me laisse dubitatif. C’est un format qui se prête plus à la compilation ou au mix. À la limite, c’est peut-être dans des mix que la musique électronique s’exprime le mieux car c’est un assemblage de titres faits par quelqu’un d’autre. Et au pire, cette musique est une musique de maxis jetables et éphémères, ça peut-être très bien aussi parce qu’elle n’a pas la prétention de l’album. Le problème avec le format album, c’est que ça se la joue un peu, faut que ça reste, faut que

ça dure. Et puis la façon dont les gens écoutent de la house n’a rien à voir avec l’écoute d’un album à la maison.

Tu fais partie des inclassables même si tu es très

marqué Versatile. Tu as échappé aux différents cou-

rants qui ont traversé l’électro parisienne. Ni french

touch versaillaise, ni issu de la vague dark minimale

ou électro-clash du Pulp, ni de celle du Rex/Kata-

pult, ni de la néo french touch. Cette position te per-

met-t-elle d’être indémodable ?

Disons que ces différents courants étaient des zones qui s’interconnectaient parfois. C’est aussi un peu le style du label que de mettre un pied dans ces zones et un autre ailleurs. Peut-être que cette position explique la longévité de Versatile, car du coup on est moins rattaché à une époque et ça nous permet de conserver une certaine fraî-cheur, sans vouloir jouer les avant-gardistes ou les incompris. C’est ni opportuniste ni calculateur, on a toujours été entre deux. Alors oui, c’est bien et c’est pas bien parce qu’au final on est moins iden-tifié et marketable. Mais bon, on s’en fout un peu de ça…

Venons-en à ton nouvel album-mixtape-concept.

‘M’ Mégamix, c’est une référence un peu kitch aux

compilations des radios grand public des 90’s ? Il y a un peu de ça en effet. Mégamix, c’est super ringardos comme nom. Je ne voulais pas trop me prendre au sérieux. En plus c’est pas vraiment mixé, les morceaux s’enchaînent les uns les autres comme une sélecta à l’ancienne.

Est-il vrai que c’est toi qui a fait le visu ? Qu’est-ce

que t’as voulu exprimer ? Tu as fait ça avec Photos-

hop et Illustrator ?

Oui c’est moi. Il y a beaucoup de choses sur cette pochette et je l’ai réalisée avec des techniques composites (rires). Le principe c’est qu’il y a des scans de pochettes de vinyles que j’ai à la maison, des symboles cabalistiques qui renvoient à des

I:Cube

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23 — Nuit

choses belles… Y’a un véritable effort mais ça ne se voit pas !

Mais si, mais si, on la trouve très belle ta pochette !

Tes trucs cabalistiques il veulent dire quoi ?

Ah, je ne vais pas te le dire. Il y a aussi des ondes sonores car je trouvais l’idée pas mal. Enfin voilà, c’est un peu Lego, un peu simple, mais c’est quelque chose de personnel. Ce n’est ni lisse ni passe-partout.

Tu as composé cet album qu’avec des titres inédits.

Ont-ils été créés spécifiquement pour l’album, en

vue de les enchaîner les uns les autres, ou as-tu fait

un mélange de nouveautés et d’anciens morceaux

dans les tiroirs ?

C’est surtout un mélange, oui. Il y avait plein de tracks que j’avais accumulés et dont je voulais faire quelque choses mais je ne savais pas sous quel for-mat j’allais les présenter. Je ne voulais pas répéter ce qui avait déjà été fait, et comme je te l’ai dit tout à l’heure, le format traditionnel album pour la musique électronique ne fait plus sens. Un jour, j’ai tout condensé et je l’ai envoyé à l’arrache à Gilb’r (ndlr : boss de Versatile et son acolyte sur Château Flight), avec écrit Mégamix dessus. Ce nom cristallise un peu tout ça, et l’idée de présen-ter le L.P sous cette forme est venue de là. Bien sûr, après, j’ai retravaillé beaucoup de morceaux pour fignoler l’album.

22 morceaux pour 54 mn. Les morceaux sont forcé-

ment très courts. Quel est le parti-pris ? Pas 54 mn mais 55 mn 55s, c’est encore cabalis-tique ! (rires). Ben ça rejoint l’idée des skits (ndlr : sketchs très courts sur les mixtape hip-hop ). La durée maximum est de 3 minutes et la minimum de 20 secondes. ça pousse l’oreille à vouloir pour-suivre l’écoute. Le fait que j’aurais aimé étirer certains de mes morceaux a fait un peu partie de ma prise de tête. Pour des versions plus longues, il y a déjà un maxi qui est sorti (Lucifer en Disco-

thèque), il y en aura un prochain qui va sortir avec 3 tracks (Yourock, Popular electronics et in Alfa), donc jouable en club. Après il y aura peut-être un autre maxi encore. Je sais qu’il y a des tracks que j’aimerais avoir plus longs.

As-tu voulu retracer une histoire choisie de la

musique électronique avec cet album. Si oui,

laquelle ?

C’est vrai qu’il y a beaucoup de références. J’espère que ça ne sonne pas trop nostalgique ou exercice de style. C’est peut-être une mise au point per-sonnelle mais j’ai essayé de faire un pont entre les influences passées et aujourd’hui. Voilà, c’est un peu le concept… J’ai voulu synthétiser de la disco, de l’italo, même un peu de variet’ naïve et cheesy à des sons plus deep, plus électronique weird. Mais clairement, le gros des courants représentés se situe entre les années 70 et 90, je le revendique.

Qu’est-ce que tu penses justement du courant nu-

disco qui est très en vogue depuis quelques années ?

Ce qui est bizarre c’est qu’il y avait déjà eu un cou-rant nu-disco fin 90 avec The Idjut Boys, entre autres. Il y avait des choses vachement bien mais ça s’est un peu dilué je trouve. Maintenant, pour être franc, j’ai l’impression que c’est devenu une formule. Moi, ça me fait penser à du trip-hop ou à de la transe au ralentie, avec des arpégiat-tors comme gadgets. C’est vachement mou. À l’époque, quand ils faisaient des trips cosmiques, il y avait vraiment un sens derrière et pas seulement une histoire d’imagerie.

Ton programme à venir ?

Je vais essayer d’emmener tout ça en live, il y aura des dj sets aussi. Et on va sans doute bientôt re-bosser sur Château Flight avec Gilb’r.

I:Cube

I:Cube — ‘M’ Mégamix Versatile

≥ Disponible le 7 mai

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The Night Rider Kevin Lucbert crusaders-drawings.tumblr.com

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Thunderstruck edouard Baribeaud crusaders-drawings.tumblr.com

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26 — Nuit

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27 — Nuit

le Bon alBum

® Michaël Pécot-Kleiner Ω Jörgen Ringstrand

Les gars de Miike Snow aiment les films gores mais

ne portent pas de rangers, n’ont pas le cheveux gras

et ne mangent pas leurs guitares. Non, les gars de

Miike Snow arborent un insolent teint frais et fabri-

quent une éléctro-pop émotionnelle qui risque de

plaire au plus grand nombre. Malgré cet aspect pro-

pret, les trois gars de Miike Snow sont tout de même

légèrement fêlés… Extraits.

Il paraît que le nom de votre groupe est un hommage

à Takashi Miike. C’est vrai cette histoire ? Christian : Oui et non. Disons qu’au début, on avait déjà décidé de s’appeler Mike Snow avec un seul « i ». C’est seulement par la suite qu’on a changé l’orthographe de « Mike » en « Miike » pour faire référence à Takashi. Pontus : L’hommage s’est fait dans un second temps en effet. On adore ce que fait ce type.

Quels sont ses films qui vous ont marqués ? Andrew : Il y en a pas mal. Là, tout de suite, je peux te citer les plus connus comme Visitor Q ou ichi the Killer. Pontus : Arf, j’adore le moment dans ichi the Killer où le mec se coupe la langue.Christian : J’ai un petit faible pour Audition et Sukiyaki Western tango, un western bien destroy avec Quentin Tarantino.

Vous connaissez un peu le cinéma underground

japonais ?

Andrew : On est complètement fans ! Je viens juste de mater tetsuo the iron Man de Shinya Matsu-moto, c’est un putain de chef-d’oeuvre !

Avant de former Miike Snow, Christian et Pontus,

vous bossiez déjà en duo. Vous avez notamment fait

la prod’ de noms ronflants comme Madonna, Kylie

Minogue, Miss Dynamite, Britney Spears (ndlr : Toxic,

c’est eux). Vous avez une petite anecdote marrante

sur Brit’ ? Promis, on ne dira rien à personne ! Pontus : Je me souviens d’une fois où Britney a voulu faire un tour dans un peep show à Ham-bourg.Christian : On a dû sortir de l’hôtel et l’accom-pagner sans ses gardes du corps. Une fois dans le peep show, elle s’est foutue à poil et a commencé à danser, comme ça, devant nous. Et on est arrivé carrément à la bourre pour son concert. Il y avait un peu près 15 000 personnes qui l’attendaient.

On reste dans les films d’horreur, un peu là… Christian : Britney est complètement folle, ce n’est pas une légende. Pontus : Je dirais qu’elle est décalée malgré elle. Elle veut faire des choses en pensant que c’est fun, mais elle ne se rend pas compte des conséquences.

BeLLe PouDReuSe

miiKesNoW

Page 30: Le Bonbon Nuit 21

28 — Nuit

Andrew, tu viens de New York, Christian et Pontus

de Suède. Il y a un fossé culturel parfois entre vous ? Andrew : Pas vraiment, je trouve que l’on est assez similaires.Christian : Andrew parle même quelques mots de suédois.Andrew : Oui, quelques mots seulement, ce n’est pas terrible terrible. Je préfère parler français.

Andrew, toi aussi avant Miike Snow tu as travaillé

avec pas mal de monde (ndlr : Carl Barat, Mark

Ronson, Dragons of Zinth, Bruno Mars, Coco Sum-

ner…) Tu étais aussi sur un projet artistique nommé

Waves. Tu peux nous en parler ? Andrew : J’ai fait des installations sonores pour mon ami photographe Sebastien Mlynarski. Son travail vidéo traitait de la mer et des vagues, et on a exposé ça au New Museum à New York. C’est le genre d’expérience que j’ai envie de renouveler.

Ton nom de famille est Wyatt. Dis nous la vérité, tu es

le fils caché de Robert Wyatt, non ? Andrew : (rires) Oh non, je n’ai pas du tout sa capacité à faire des chansons aussi cool. C’est quelqu’un que j’écoute et que je respecte depuis de nombreuses années. Tu dis ça aussi à cause de ma voix ? Parce qu’elle est un peu haute et fragile ?

On peut y voir quelques similitudes en effet.

Andrew : Ma voix est comme ça parce que je suis « high » et fragile, tout simplement (rires)

Happy to You est votre second album. C’est de

l’électro-pop, un genre musical un peu fourre-

tout très en vogue en ce moment. Vous vous sen-

tez appartenir à ce courant qui fait tant d’émules

aujourd’hui ? Andrew : Basiquement, on fait vraiment ce que l’on a envie de faire sans regarder autour de nous. Je sais que l’on prend toujours des choses à droite, à gauche, que l’on ne produit jamais rien à partir de rien. Plutôt que d’émulation, je préfère parler de dialogue entre les groupes d’électro pop…

J’aimerais en venir maintenant à vos 3 clips et qui

sont à mon sens aussi réussis que votre L.P. Ces 3

clips forment un petit court-métrage et pourtant,

les 3 morceaux qu’ils illustrent (Padding out, Devil’s

Work, The Wave) ne se suivent pas chronologique-

ment dans l’album. En quoi ces 3 titres sont-ils

connectés ? Pontus : Disons qu’ils sont connectés symbolique-ment, mais pas d’une manière narrative. Ce qui nous intéresse, c’est de créer quelque chose d’irra-tionnel, comme dans un rêve, avec des transitions

Miike Snow

“oN Boit souveNt eN

tourNÉe. oN picole

pour se rÉveiller

le matiN et s’eNdormir

le soir. et aussi des

fois sur scèNe.”

Page 31: Le Bonbon Nuit 21

29 — Nuit

abruptes et illogiques. Andrew : Je veux écrire et chanter ce que je ne peux pas raconter. ça paraît un peu paradoxal, un peu complexe, mais c’est vraiment un point important pour nous.

D’ailleurs, à qui les doit-on ces clips ?

Andrew : Le mec s’appelle Andreas Nilsson, c’est un grand fan de science-fiction bizarre. Tu vois, dans un certain sens, on y revient à Takashi Miike.

Le personnage principal est une sorte de Michael

Jackson atrophié évoluant dans une ambiance

quelque peu apocalyptique. Est-ce un clin d’oeil au

King de la pop ? Une mise en garde contre les travers

de notre monde actuel ?

Pontus : On peut vraiment y voir ce que l’on veut, chacun à sa propre interprétation. Ce peut être Michael Jackson où la fin de notre civilisation, tout dépend de la sensibilité du spectateur. Je crois qu’il y a quelques fragments de cela, mais tu sais, on ne veut donner de leçon morale à personne, l’importance était surtout d’ordre esthétique. Il n’y a pas de message politique ou de critique contre quelque chose. Ces clips renvoient plutôt à un ensemble de sensations, toujours comme dans un rêve. On a fait ça aussi pour le fun.

Donc l’album dans sa globailité n’a également

aucune cohérence narrative.

Pontus : Non, aucune. Prends ça comme un voyage.

Mais un voyage qui mène où ? Andrew : (il chantonne) « A journey to nowhere, a journey to nowhere… »

Vous avez une technique particulière pour écrire les

paroles de vos chansons, genre écriture automa-

tique ?

Andrew : Non, pas de technique particulière. C’est avant tout la mélodie qui est directrice, c’est elle

qui dirige les mots qui vont lui correspondre. De toute façon dans Miike Snow, ce seront toujours les mélodies et non les paroles qui joueront un rôle de premier plan.

Vous êtes amateurs de littérature française ? Andrew : Je suis très fan de Cocteau et de Proust. Pontus : Oula, la littérature française, c’est telle-ment vaste…

Et Paris, vous connaissez un peu ?

Andrew : Oui, j’ai vécu ici à une époque.

Quand tu sortais, tu allais où ?

Andrew : J’avais mes habitudes au Baron. Je suis allé au Silencio il y a peu. Si je me souviens bien, c’était le soir du réveillon de Noël et je dansais seul avec une femme de 75 ans. C’était un grand moment (rires). J’aimais bien aussi aller boire des verres au bar du Ritz, mais je crois qu’il va bien-tôt fermer à cause des rénovation, c’est bien ça ? Sinon, il m’arrivait aussi de faire du patin à glace la nuit.

Quand vous décidez de vous mettre une mine, vous

faites quoi ?

Christian : On boit souvent en tournée. On picole pour se réveiller le matin et s’endormir le soir. Et aussi des fois sur scènes. En fait, on boit quand même pas mal en tournée.

Vous avez un cocktail de prédilection ?

Christian : Notre must, c’est la vodka redbull.

Vous avez un remède contre la gueule de bois ? Christian : Sérieusement ? Ne jamais s’arrêter !

Miike Snow

Miike Snow — Happy to You Columbia

≥ En concert le 23 mai à la Gaîté Lyrique

Page 32: Le Bonbon Nuit 21

30 — Nuit

le Bon cluB

Qui n’est jamais allé au B018 à Beyrouth n’a jamais

clubbé. Au-delà de la simple virée en boîte, c’est une

expérience totale qui se vit à fond. Récit d’une nuit.

C’est au milieu de nulle part. On y va en voi-ture, en taxi, ça prend du temps, puis on arrive sur une sorte de zone désaffectée qui a été rasée. Le quartier s’appelle la Quarantaine, ça veut tout dire. C’est à cet endroit aussi qu’on mettait les personnes contaminées pour éviter les risques d’épidémie. Ce lieu fut investi par des déplacés de guerre (environ 20 000 en 1975) et en jan-vier 76, à la suite d’une attaque pendant la guerre civile, la quarantaine fut entièrement détruite. En 2012, en arrivant sur les lieux, on se demande bien où se trouve le club et si on ne s’est pas trompé d’adresse. En fait, le B018 s’immisce sous terre, dans un bunker en sous-sol (désigné par le génial Bernard Khoury) dont l’entrée est gardée par deux cerbères colossaux. On y va à 3h du mat car le B018, ouvert depuis 2006 est un lieu d’after. On amadoue les videurs puis on descend les escaliers et là, le choc. Une atmosphère noire et blanche macabre et envoûtante. Un homme nous glisse à l’oreille pendant qu’on descend sous terre : « tout ce qui se passe au B018 reste au B018 ». « Le B018, ajoute-t-il, c’est là que les gays au Liban flirtent et que le Moyen-Orient s’encanaille », aspirés par la noirceur souterraine et les effluves de BPM. On croise des couples récents qui se roulent des pelles

dans les recoins, dans l’anonymat hypnotique de la boîte de nuit.

Pulsions de vie

Il faut dire que le lieu prête à tous les excès. Très sombre (on distingue à peine le visage des club-bers), on voit tout juste les serveurs sapés en infir-miers, le sol en pierre grise, les décors en bois, du velours rouge, et des guéridons en marbre blanc veiné. Dans ces viscères, on danse pendant des heures sur des banquettes en forme de cercueils de bois, comme si il n’y avait pas de lendemain, sur de la minimal mixée par un DJ aux faux airs de Ben Laden (barbe longue et tee shirt). On boit beaucoup de vodka. Et au bout de plusieurs heures de danse exaltée, le toit s’ouvre sur le ciel, on lève alors les bras sous les étoiles, en respirant enfin. Il règne dans cet endroit quelque chose de très fort, une ambiance : « dansons sous les bombes ». On sent que la guerre et la mort ont rôdé ici il y a peu, et que des pulsions de vie se déchaînent sur le dancefloor. On ressent dans cet antre un peu la même liberté qu’à Berlin, poussée à son paroxysme. Son rituel d’ouverture semble être une métaphore du quotidien par temps de guerre : se montrer expose au danger alors vivons cachés. La jeunesse branchée de Beyrouth vient aujourd’hui oublier. Parce que la nuit, c’est fait pour ça, oublier.

≥ www.b018.com

® Violaine Schütz Ω Bernard Khoury

le B018DANSoNS SouS LeS BoMBeS

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31 — Nuit

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32 — Nuit

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33 — Nuit

le Bon concept

® Marie Prieux Ω DR

New-wave, gospel, post-punk synthétique, qu’im-

portent les mots : chez Light Asylum, groove et

mélancolie sont omniprésents, nous prennent aux

tripes. Et si, avec certains, échanger relève du défi,

avec eux les langues se délient, digressent parfois.

Shannon et Bruno nous parlent de leur rencontre, de

foi, d’espoir, et de leur vision du monde.

Bruno, tu aimes la house, sortir en club, tandis que

toi, Shannon, tu as eu un groupe de punk et appré-

cie cette mouvance. Qu’est-ce qui vous a rapproché,

tous deux ?

Bruno : Nous nous sommes rencontrés en 2007, en tournée, et nous sommes rendu compte que nous avions finalement les mêmes influences : punk, house, freestyle, new wave, synth pop… Telle-ment de points communs, que nous avons décidé de travailler ensemble, deux ans plus tard. Nous avons commencé à écrire des morceaux, afin de remanier ces différents styles, à notre manière.

Avoir les mêmes références dans autant d’univers

musicaux paraît presque impensable !

B : En fait, nous avons chacun notre background, mais exploitons cette complémentarité pour créer un environnement qui nous est propre. Les ambiances nous lient plus que les artistes en eux-mêmes. Notre vision des choses est telle que rien ne se catégorise, aucun son n’est déterminé de

manière immuable. Shannon et moi nous retrou-vons, posons nos idées sur la table, et parfois, nous sommes plutôt d’humeur punk, ou dance music…

Bruno, quels sont tes outils de prédilection ?

B : J’utilise une Korg Electribe, des drums machines, un sampler SP 404, et deux pédales.

Shannon tu t’occupes des paroles ?

Shannon : Pour ce nouvel album, nous avons tra-vaillé ensemble, fifty fifty. Nous écrivons, compo-sons la musique en binome. Parfois, nous allons simplement au studio, et discutons : « Salut ! Comment était ta journée ? As-tu passé une bonne semaine ? » Et de là, tout se fait naturellement, le processus est enclenché.

Light Asylum était pourtant un projet solo, au départ.

S : Oui ! J’ai commencé en chantant pour de mul-tiples producteurs, connaissances, amis. J’offrais ma voix à d’autres groupes. Puis j’ai senti qu’il était temps d’avoir le mien. A cet instant, il ne s’agissait plus de désirer, espérer, mais il a fallu tout mettre en œuvre pour concrétiser ce dessein. Ce qui n’est pas forcément facile. C’est pour cela que je suis partie à New York, à l’époque. Analyser ce que je voulais, ou comprendre comment parve-nir à toucher un public m’a pris énormément de temps. C’était une sorte de réflexion, et de remise

light asYlum

SeNtieR LuMiNeux

Page 36: Le Bonbon Nuit 21

34 — Nuit

en question … Vocaliser pour les autres m’a éclai-rée sur ce que j’aspirais à construire, ou non. Cette expérience a fondé ce qui est aujourd’hui devenu un duo.

Tu vis maintenant à Brooklyn. Cette ville influence-

t-elle vos sons?

S : Absolument… Notre musique est chaque jour conditionnée par la poussée d’énergie, la vague de ressentis que provoque en nous Brooklyn. Son environnement est partout dans nos productions. Il a des conséquences directes sur nos émotions. Le dynamisme de nos tracks est le résultat de ce que nous avons vécu, de notre quotidien. Le lieu où nous résidons y occupe donc une place fonda-mentale.

Du côté de l’Hexagone, des artistes vous tiennent-ils

particulièrement à cœur ?

S : Nous sommes de grands fans de Unison, Daft Punk, et de ce chanteur des seventies… Mais comment s’appelle-t-il ? J’ai oublié. (elle chante) Si tu le retrouves, n’oublie pas de me transmettre son nom ! (ils rient) B : Et Brigitte Bardot !S : Aussi ! Comme Serge Gainsbourg, Jane Birkin, et Catherine Deneuve dans ses comédies musi-cales. Je peux continuer à t’en citer pendant un moment.

Toutes époques et genres confondus !

S : Les artistes américains ne sont d’ailleurs pas négligeables. J’adore Joséphine Baker, par exemple. Et un tas de jazzmen qui ont migré en France. À leur époque, ils étaient persécutés, dis-criminés. Il ne faisait pas bon d’être Afro-Amé-ricain aux états-Unis. Ici, à Paris, ils étaient bien plus respectés pour leur travail. Alors ils ont quitté leur pays … J’ai beaucoup de respect pour eux.

Light Asylum

“Notre musiQue

est chaQue jour coNdi-

tioNNÉe par la

poussÉe d’ÉNergie,

la vague de resseNtis

Que provoQue

eN Nous BrooKlYN.”

Page 37: Le Bonbon Nuit 21

35 — Nuit

Shannon, ta voix est grave, et d’une puissance

déroutante. La prépares-tu, avant un concert ?

S : Pas vraiment… Je fume. Et je bois, de la téquila, ou de la vodka (rires).

Elle est d’ailleurs souvent comparée au gospel. Une

sorte de gospel d’un nouveau genre, électronique. Tu

sembles pourtant loin de tout dogme religieux.

S : Je souhaite en effet m’éloigner de toutes ces croyances… Le chant est le moyen d’expression que j’ai choisi pour y parvenir. Petite, je n’ai-mais pas qu’on m’emmène à l’église. Cela m’in-supportait. Je pense que les communautés sont bénéfiques aux peuples, elles leur permettent de trouver certains repères. Mais choisir sa voie, se connaître est très délicat. Pour moi, le christia-nisme est juste une institution, qui contrôle les masses. Quand je suis devenue adolescente, j’ai naturellement grandi contre ces choses-là, bien qu’on ait tenté de me les imposer. L’expérience que j’ai de la religion a formé mon opinion, et a développé mes sens artistiques. J’ai simplement traduit ce ras-le-bol dans la musique. J’ai le devoir de partager mon vécu, et de le transmettre à tra-vers mes chansons.

Ce ras-le-bol est-il aussi présent dans les sonorités

que les paroles ?

S : Oui, dans les deux. C’est une performance, complète. Une méditation. A chaque fois que nous nous produisons, je me confronte à moi-même. C’est un mouvement perpétuel. Et, tu sais, tous ceux qui écrivent des chansons parlent d’amour, de peurs, de résolutions…

Quel message voulez-vous transmettre, au-delà de

toute notion de religion ?

S : Celui du pouvoir, et de la liberté d’être en mesure de changer le monde. Nous désirons rendre les gens vivants par la musique. Les rendre lucides, qu’ils voient la société telle qu’elle est. Ils doivent réaliser qu’elle est souvent sombre, et

qu’un besoin de changement est évident. Que le public se réveille est nécessaire, il doit croire en l’évolution. Il s’agit d’espoir. Comparable à l’exci-tation d’un enfant lorsqu’il réalise qu’il peut faire des choix, par lui-même.

Ce processus passe également par les live, et leur

énergie.

S : Quand les gens viennent nous voir, il faut qu’ils dansent, s’abandonnent, soient dans un état exta-tique, profond …Qu’ils bougent, se lâchent, et se disent « Wow » ! C’est pour cela que je suis ici !’ (elle mime). Nous répétons énormément, dès que nous le pouvons. Nous essayons d’être pro-fessionnels, tout en restant libres, incontrôlables ! Et nous sommes avant tout naturels, pour que le public se sente près de nous, dans notre ‘voyage’ (elle le dit en français, et rit).

Le travail de votre album était-il finalement diffé-

rent de celui de vos précédentes sorties ?

B : Non, pas vraiment. Il s’agit plutôt d’une conti-nuité. Mais avec plus d’entrée en matière, car l’EP est plus court. Le LP est plus abouti, plus dense, mais dans la même veine.S : Nous voulions de nouveau provoquer un impact !

Êtes-vous aussi sombres que votre musique ?

S : Oui ! Totalement ! (ils rient)

Light Asylum

Light Asylum — In Tension Mexican Summer

≥ Disponible

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36 — Nuit

la Bonne omBre

® Manon Troppo

Parce que travailler chez soi tous les jours finit par rendre insupportable chaque centimètre carré de son nid douillet, il faut parfois reprendre ses bonnes vieilles habitudes d’étudiante et migrer dans un bar proche. C’est ce que je m’apprêtais à faire ce jour-là quand une averse que seul le mois d’avril sait nous servir, s’abattait sur moi comme la colère de Dieu sur le pêcheur. Je rentrais donc dans le premier rade à disposition.

Le Corbeau Blanc, avenue Parmentier, avait déjà attiré mon attention. Pas pour sa beauté ou sa terrasse, ces deux qualités étant quasi inexis-tantes, mais pour son nom. « Le Corbeau Blanc », tout de même, je me demandais d’où ça pouvait bien venir et s’il y avait une explication der-rière ou si le patron avait simplement perdu un pari et honoré son gage. Avant de mener cette indispensable enquête, je m’inquiétais de savoir si je pouvais m’installer dans un coin, près d’une prise, avec mon ordinateur. Le patron m’invite à le suivre, m’installe à une table pour quatre, écarte la chaise et dispose même ma veste sur le dossier avec une prévenance habituellement réservée à la reine d’Angleterre. - C’est pas souvent qu’on vient travailler ici. C’est un honneur. J’vais vous baisser un peu la musique.

C’était donc ça. Gênée, j’essaie de changer de sujet en causant superficie et clientèle :- J’ai pas besoin d’une table pour quatre, vous savez. Ca bloque la place de trois clients. Son éclat de rire me fait comprendre que j’ai dit une bêtise grosse comme moi mais je ne devine pas laquelle. - Vous savez, ici, les gens, c’est au comptoir qu’ils se mettent, m’explique-t-il en désignant les piliers de bar.

Effectivement, les quelques dix clients présents sont tous debout, tous accoudés, tous seuls, tous à la bière. L’un d’eux m’intrigue plus que les autres. Légèrement voûté, il ne lève jamais les yeux et ne regarde rien d’autre que sa bière. Qu’il vide en deux gorgées, comme un ogre. Et qu’il recommande d’un tour de main auquel le barman semble être très habitué. Bien qu’un léger sourire, quasiment imperceptible, ne quitte jamais son visage, il respire la tristesse. N’importe qui d’un tant soit peu humain donnerait tout pour lui faire un câlin et lui promettre que tout va bien se passer. Même si c’est pas vrai.

Il faut que je décroche de ce type et que j’essaie de travailler un peu mais j’y arrive pas. Il doit sentir

le corBeau BlaNc

uN SiLeNCe Qui VouLAit DiRe BeAuCouP

Page 39: Le Bonbon Nuit 21

37 — Nuit

que je l’observe puisqu’en passant à côté de moi pour aller aux toilettes, il me tapote l’épaule, sans me regarder, et me dit très bas « Je vous félicite, il faut travailler dur de nos jours, c’est tout ce qu’il nous reste, le travail. Le travail et les jeunes filles comme vous. C’est tout ce qu’il nous reste. »

En quelques mots, ce type a balancé toute la peine du monde dans mes oreilles et je pourrais éclater en sanglots dans la seconde si les illuminés du bar ne me surveillaient pas régulièrement. Quand il repasse, je prie pour qu’il ne me parle pas à nou-veau. Sans quoi, c’est sûr, je me pendrais sur le champ. Pourtant, toujours en me tapotant l’épaule, il dit, toujours extrêmement bas : « Je vous offre une bière, d ’accord. » sans point d’interrogation. Quand la bière arrive à ma table, je me sens obligée de déserter mon Perrier-citron et mon ordi pour aller

la boire en territoire « houblon », à la gauche de mon hôte, au comptoir, comme tout le monde. Jusqu’à minuit, on est restés comme ça, à se tenir compagnie sans se parler. J’avais le sentiment que nous étions l’humanité à nous seuls. Quand j’ai enfin décidé de partir, il m’a dit, sans me regar-der, en me tapotant l’épaule : « Je vous aurai oubliée demain, c’est ça que je fais dans la vie, essayer de tout oublier, mais je vous en prie, si vous me revoyez un jour, revenez vous asseoir à côté de moi. » Je hochais la tête et partais à toute allure pour cacher mes yeux mouillés sous la pluie. En fran-chissant la porte, sous les saluts scandés par la clientèle, je pensais « en fait c’est lui, le corbeau blanc, c’est lui. »

Le problème avec les oiseaux de nuits, c’est qu’on sait jamais où les dénicher pendant la journée.

Page 40: Le Bonbon Nuit 21

38 — Nuit

Page 41: Le Bonbon Nuit 21

39 — Nuit

la Bonne sœur

® Nicolas George Ω Benoît Pétré

Entre le théâtre, le ciné et la musique, Alysson Para-

dis fourmille de projets… Celle que l’on présente

trop souvent comme la « sœur de… » aime faire val-

ser les étiquettes pour se lancer dans des projets

décalés et souvent rock’n’roll. Rencontre avec une

fille de son temps.

On vient de te voir au théâtre dans la pièce Salle des

Profs à l’Archipel à Paris… Heureuse de retrouver les

planches ?

Oui ! C’est une comédie à sketchs sur la vie d’un collège relatée par trois professeurs… Il y a la prof stricte jouée par Audrey Garcia, le prof de sport cool interprété par Yannick Mazzilli, et moi je campe la jeune prof qui vient d’arriver. C’est rigolo on a un public éclectique dont beaucoup d’ados et de profs ! Et en plus, il faut le dire, les profs qui viennent sont souvent dissipés et qu’est ce qu’ils bavardent dans la salle !

C’est étonnant de te retrouver dans ce type de projet.

Au début j’étais un peu sceptique. Mais j’y joue avec deux de mes amis donc j’avais envie de le faire et puis, on me propose rarement de jouer des choses drôles donc ça changeait un peu ! Après, jouer au théâtre dans Paris, c’est toujours un peu difficile : ça évolue chaque soir en fonction du public et de sa réaction. Et ça, c’est souvent dés-tabilisant !

Ton autre actu, c’est aussi le grand écran, avec un

film un peu sur la musique rock !

Oui, il va sortir cet été ! Cela s’appelle « Riot on Redchurch Street », un film sur le rock anglais : ça se passe dans un quartier de Londres, sur fond de tensions entre la génération « bobo-cool » et la communauté religieuse dans un quartier musul-man. En toile de fond, on y décrit l’ascension d’un groupe de rock et moi je joue le rôle d’une chanteuse prénommée Astrid Angel. D’ailleurs, de vrais groupes jouent dans le film, comme par exemple Johnny Borrell de Razorlight. En tout cas c’est sans doute le film dont je suis la plus fière !

Il semble que le tournage a été un peu rock’n’roll jus-

tement.

En fait, on a tourné durant les émeutes en Angle-terre l’an dernier. Donc automatiquement, c’était très particulier. C’était une drôle d’expérience, ça cramait autour de nous, on a dû s’enfermer dans un bar car il y avait des pilleurs qui voulaient entrer… Mais bon, d’une manière générale, je trouvais que les médias français en faisaient beaucoup : moi je ne me suis jamais sentie en danger.

Toi même, tu avais un groupe de rock quand tu étais

ado…

Oui je jouais de la basse dans un groupe. Mais en fait j’ai toujours été passionnée par la musique !

alYssoN paradis

ANGe RoCK

Page 42: Le Bonbon Nuit 21

40 — Nuit

J’aime le rock, mais j’ai surtout une culture jazz et j’aime les classiques de la Motown. Du bon Elvis aussi. Par contre, je ne suis vraiment pas fan de la nouvelle scène française des chanteurs à texte comme Grégoire, Bénabar… A part Ben-jamin Biolay. En fait, il faut que la musique me transcende un peu : j’aime les grandes envolées qui t’emportent. J’écoute beaucoup l’album de mon amoureux en ce moment, un mélange de pop et de hip-hop : ça s’appelle Zuzoom ! Sinon, j’aime beaucoup les groupes Edward Sharpe & the Magnetic Zeros ainsi que Nightmare & The Cats !

Tu as l’air un peu en décalage avec ce qu’écoute ta

génération !

Non, je ne pense pas mais par exemple, je n’écoute pas la radio. Au bout d’une heure tu as déjà entendu 10 fois Shakira… Sérieux, ça gonfle. Les Victoires de la Musique, cette année, ça m’a saou-lée aussi. Si on se creuse un peu, il y a des choses sympas à faire mais on ne prend pas suffisamment de risques en France. En Angleterre, il y a toujours un milliard de groupes. Mais c’est beaucoup plus compliqué de percer en France. Je trouve aussi que, lorsqu’un artiste fait un titre ou deux qui fonctionne, on le déclare trop vite comme la nou-velle star. Sérieusement, comment tu fais pour te solidifier quand tu es rapidement mis sur le devant de la scène ?

On t’a souvent vu passer des disques en soirée…

C’est quelque chose qui te plaît ?

Ouais j’aime ça ! Mais je ne me considère pas comme DJette toutefois… Je fais juste une sélec-tion de chansons qui me plaisent. Je faisais déjà ça quand j’étais jeune en soirée ou en boum. Même en famille, on se fait des battle d’Ipod ! J’aime sur-tout passer du Stevie Wonder et les Black Keys.

Tu es un oiseau de nuit ou pas ?

Pas vraiment… Je n’aime pas quand c’est trop

branché. Par exemple, je n’aime pas le Baron pour son côté hype. Et tout le monde parle du Silencio comme le nouveau lieu où il faut être : eh bien, je n’y suis jamais allé.

Alors, à quelles adresses peut-on avoir une chance

de t’apercevoir ?

J’aime bien le 114 rue Oberkampf, parce qu’il y a toujours des groupes rock un peu décalés qui y jouent. Côté resto, j’adore la Pizzetta, avenue Tru-daine dans le 9e ou alors le resto japonais Nanashi, rue Charlot dans le Marais, où ils font d’excellents bentos et de très bons thés. Sinon, je suis souvent Chez Jeannette dans le 10e : j’aime l’ambiance de ce lieu entre bar de quartier le matin et endroit branché le soir… Sinon, j’adore le Petit Théâtre de Paris : je rêve d’y jouer ! Autres lieux que je trouve fascinants : le Grand et le Petit Palais.

Tu ne cours pas les soirées people ?

Non, je n’ai pas envie d’aller dans telle ou telle soi-rée juste pour y aller ! Je m’y rends uniquement parce que j’aime le thème, parce que c’est pour une marque que j’aime ou que ce sont des amis qui organisent… Mais je ne cours pas après la presse people. Je ne suis pas une bonne cliente pour elle ! Et puis, pas sûr qu’un réalisateur te propose un rôle parce que tu apparais dans les pages Nuit de Voici…

Les paroles prononcées la nuit voient-elles le jour,

selon toi ?

Cela fait longtemps que je ne crois plus à cette phrase ! (rires)

Pour finir, quelle est la question que les journalistes te

posent le plus souvent et qui commence à t’agacer ?

« Alors, il est gentil Johnny Depp ? » (rires)

Et donc il est gentil Johnny ?

Oui, il est adorable. C’est un beau-frère au top !

Alysson Paradis

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42 — Nuit

le Bon art

Communiqué ® Bruno Jamin Ω Nobuyoshi Araki - Kaori 50 x 60 - 2004

Du 15 mai au 6 juin le collectif d’artistes Nyctalopes

lance Le Cabaret Organique et propose pour cette

première édition trois semaines d’expo, dont trois

soirées live les samedis 19, 26 mai et 2 juin.

L’expo : Déployés sur deux étages, 40 artistes - Joel-Peter Witkin, Ray Caesar, Jan Saudek, Nobuyoshi Araki, Shu Lea Cheang, C215,… - sont invités à se réunir autour du thème du corps féminin, et à le décliner à travers un parcours découpé en 6 zones : la chair, le sexe, la mort, l’esprit, le temps, le virtuel. Les lives : Les 3 samedis soirs de l’exposition sont animés par des musiciens, danseurs et performers de tous horizons : Julie Atlas Muz, la Compagnie Ariadone, Lydia Lunch, Nelisiwe Xaba, ainsi que la performance de Velocity Chyaldd sur le plai-sir féminin… Ces samedis live sont présentés par Isadora Gamberetti, maîtresse de cérémonie pour l’occasion, et DJ Son Of A Pitch.Manifeste des Nyctalopes

Fondé en 2010 dans un contexte de lissage mar-telant, de prohibition feutrée, de peurs intestines, ce collectif alternatif pluridisciplinaire regroupe des créateurs de toutes inspirations, de tout art, de tous horizons. Leurs créations sont par essence organiques. Elles plongent dans les chairs, dans les trous et leurs miasmes, creusant les corps tel l’orpailleur extrait, tamise, pioche et recommence : avec acharnement, patience et compulsif espoir du Saint Graal. Leurs créations sont libres. Elles ont échappé à une subversion adoubée et à une censure sourde, rampante, hype. Ce sont, à notre

ère, les Bruts de l’Art. Nyctalopes, ils s’efforcent de percevoir le monde dans la pénombre nauséa-bonde d’un XXIe siècle aveugle, atonique et lifté jusqu’à l’anus. Performances, arts visuels et de la scène, littérature s’y entremêlent sans complai-sance, contrainte et imposture d’usage. Visible pour la première fois après deux ans de gestation, Le Cabaret Organique abrite une mosaïque de corps. Le corps, tel un thermoscope de l’époque, un transmetteur qui recueille et transmet le monde, sans filtre, et qui semble être le seul à ne pas mentir dans cette inhumaine comédie. Autant de corps que d’œuvres d’artistes vivants et réunis par les Nyctalopes. Plasticiens, artistes numériques, performers, illustrateurs, écrivains, photographes, danseurs, musiciens, street artistes, cinéastes, stylistes déclinent le corps féminin dans une ruche urbaine et primitive aux alcôves lumi-nescentes. Les Nyctalopes composent et donnent vie, de toutes ces créations assemblées, à un Golem Femelle. Entre parcours initiatique et chocs réti-niens, le visiteur pénètre de tout son corps le kaléi-doscope de chairs, la matrice originelle.

le caBaret orgaNiQue

Le Cabaret Organique

≥ Du 15 mai au 6 juin, du dimanche au vendredi de

11h à 21h : entrée 5 € (tarif réduit 3 €)

Les samedis de 19h à 2h du matin : entrée 29 €

16, passage Choiseul – Paris 2e

Réservations sur www.nyctalopes.net

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43 — Nuit

Page 46: Le Bonbon Nuit 21

44 — Nuit

Miami Sound Machine - Conga

Gloria Estefan doit être la reine de la latin pop fusion. Elle englobe selon moi tout ce qu’il y a de plus sincère, dynamique et jovial dans la pop américaine.

Monyaka - Go Deh Yaka (Go To The Top)

Ce morceau dancehall reggae est lustré d’un vernis post-disco effi-cace.

Lionel Richie - All Night Long (All Night)

Mon enfance. Il y avait le disque de Lionel Richie à la maison. Hello en était le titre fétiche de ma mère. Quant à moi, j’ai toujours préféré All Night Long.

Billy Ocean - Caribbean Queen (No More Love On The Run)

Qu’est-il arrivé à Billy Ocean?

Wham! - Blue (Armed With Love)

B-side du single Club Tropicana de Wham!, paru en 83.

Sade - Paradise

Rien à dire. J’adore Sade.

Rebbie Jackson - Centipede

Les paroles de cette chanson sont assez drôles. J’ai sélectionné le morceau car il évoque la pensée du vidéoclip, qui selon moi reste un monument kitch de son époque.

Talking Heads - Once In A Lifetime

C’est le moment rafraîchissant du mix, non pas uniquement à cause du texte de David Byrne mais beaucoup en raison du son «aqua-tique» qu’on entend en loop tout au long de la pièce.

Carly Simon - Why

La chanson qui a inspiré le thème de cette playlist, soit la décadence tropico-touristique.

Washed Out - Feel It All Around

Afin de rester sur un registre eighties, j’aurais bien voulu mettre la version originale, celle du chanteur italien Gary Low, mais j’ai fini par céder car la voix de Ernest Greene est plus belle et mieux traitée.

la Bonne playlist

Ω Conta

Le Chamfort français qui vient

de sortir un superbe album mi

électro-mi chanson chez Tricatel

(Contamination) s’est inspiré des

stations balnéaires tropicales

pour nous délivrer cette playlist

qui sent bon l’été. Son mix

s’intitule Tropiques synthétiques

ou le Club Med imparfait.

www.myspace.com/jefbarbara

jef BarBara

Page 47: Le Bonbon Nuit 21

45 — Nuit

Pharmacies de garde

84, av. des Champs-Élysées 8e

≥ 01 45 62 02 41

6, place de Clichy 9e

≥ 01 48 74 65 18

6, place Félix-Éboué 12e

≥ 01 43 43 19 03

Livraison médicaments 24/24

≥ 01 42 42 42 50

Urgences

SOS dépression

≥ 08 92 70 12 38

Urgences psychiatrie

Se déplace sur région parisienne

≥ 01 40 47 04 47

Drogue, alcool, tabac info service

≥ 0800 23 13 13 / 01 70 23 13 13

Livraison sextoys

Commande en ligne

www.sweet-delivery.fr/

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Livraison alcool + food

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

Allô Hector 01 43 07 70 70

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Apéritissimo 01 48 74 34 66

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Allô Glaçons

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Épiceries

L'Épicerie de nuit

35, rue Claude-Bernard 5e

≥ Vendredi et samedi jusqu'à 3h30

Épicerie Shell

6, boulevard Raspail 7e

≥ 7/7 — 24/24

Minimarket fruits et légumes

11, boulevard de Clichy 9e

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

Alimentation 8 à Huit

151, rue de la Convention 15e

≥ 7/7 — 24/24

Supérette 77

77, boulevard Barbès 18e

≥ Mardi au dimanche jusqu'à 5h

Resto

L’Endroit, 67, place du Docteur-

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

samedi de 10h à 5h

Tabac

Tabac du Châtelet

4, rue Saint-Denis 1er

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

Tabac Saint-Paul

127, rue Saint-Antoine 4e

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

Le Pigalle

22, boulevard de Clichy 18e

≥ Vendredi et samedi jusqu'à 5h

Poste de nuit

52, rue du Louvre 1er M° Louvre-

Rivoli / Étienne-Marcel

Boulangeries

Snac Time

97, boulevard Saint-Germain 6e

≥ 7/7 — 24/24

Boulangerie pâtisserie

99, avenue de Clichy 17e

≥ 7/7 — 24/24

Chez Tina

1, rue Lepic 18e

d≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

Boulangerie Salem

20, boulevard de Clichy 18e

≥ 7/7 — 24/24

Fleuristes

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

78, rue Monge 5e

≥ 01 45 35 17 42

Relais Fleury

114, rue Caulaincourt 18e

≥ 01 46 06 63 97

Carwash

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

Porte de Clichy 17e

Shopping

Virgin Megastore

52, av. des Champs-Élysées 8e

≥ jusqu'à minuit

Librairie Boulinier

20, boulevard Saint-Michel 6e

v≥l jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

Kiosques à journaux 24/24

38, av. des Champs-Élysées 8e

16, boulevard de la Madeleine 8e

2, boulevard Montmartre 9e

Place de Clichy 18e

Internet 24/24

53, rue de la Harpe 5e

≥ 01 44 07 38 89

20, rue du Fg-Saint-Antoine 12e

≥ 01 43 40 03 00

Envoyez-nous vos bons plans

ouverts la nuit : [email protected]

trousse de secours

Ouvert toute la nuit !

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Page 49: Le Bonbon Nuit 21

Bonbon Party | Tous les vendredis au Bus Palladium Ω Antoine Garnier / Face 2 Bus

Page 50: Le Bonbon Nuit 21

48 — Nuit

Jeudi 03/05 19h30 Le Trabendo 22 €

≥ Ghostpoet + Micachu And The Shapes21h Le Bus Palladium 5 €

≥ Missils Airlines + Madame Monsieur

Vendredi 04/05 21h Le Bus Palladium 5 €

≥ Zulu + Arthur Ribo + La Dingue23h Social Club

≥ Cameroscope w/ Skream, Kill Frenzy, Sam Tiba23h30 La Rotonde10 €

≥ Star Wax Hip Hop Party avec Supernatural, Imani

(The Pharcyde)…00h Nouveau Casino 10 €

≥ Grill avec Solo, Maelstrom, Ed Isar, Chef

Samedi 05/05 23h Le Cabaret Sauvage 23 €

≥ MME w/ Benoit & Sergio, Tale Of Us, Slow Hands,

Le Loup, Jozif 23h55 Le Point Ephémère 13 €

≥Kill The DJ avec Ivan Smagghe, Chloé, Rebolledo

Lundi 07/05 23h La Bellevilloise 12 €

≥A DJ For President avec Boombass, DJ Feadz &

Irfane

Jeudi 10/05 20h La Bellevilloise 27 €

≥General Elektriks & Congo Punq20h30 Olympia 38 €

≥Amon Tobin

Vendredi 11/05 18h Le Petit Bain 10 €

≥ Pop In Fifteen avec Zombie Zombie - Rob My Life

Is Acid - Peter & Villeneuve, Luz, Hush Puppies,

Autour De Lucie, Lisa Li-Lund

Samedi 12/05 23h La Bellevilloise 14,80 €

≥ Excuse My French Missill Release Party

Vendredi 18/05 23h La Machine 18 €

≥ Sunset Club avec Surkin, Klaxons DJ Set, Sunset

DJ’s

Samedi 19/05 21h Le Bus Palladium 5 €

≥ Niki Demiller + Lady Chevrotine + La Classe23h La Bellevilloise 12 €

≥ Free Your Funk x Beats & Rhymes avec Cool

Connexion, Häzel, Union

Mardi 22/05 20h Le Trianon 32 €

≥ Theophilus London & Live Band

Mercredi 23/05 20h Le Petit Bain 20 €

≥ Socalled & Boogie Balagan

Jeudi 24/05 21h Le Bus Palladium 5 €

≥ Lou Marco + Kinski Elevator + Glass Petals23h30 Le Rex Club 12 €

≥ Face To Face avec Agoria & The Hacker23h Le Social Club Gratuit

≥Pelican Fly avec Lol Boys, Dubble Dutch

Vendredi 25/05 20h La Maroquinerie

≥ Django Django21h Le Bus Palladium 5 €

≥ Jess King + Grimm + Red Clubs23h Le Trabendo

≥ Villette Sonique avec Canblaster, Redinho…

Samedi 26/05 23h Le Trabendo 18,80 €

≥ Villette Sonique avecJohn Talabot, Chris & Cosey,

George Isakidis, Ital

Dimanche 27/05 23h Le Social Club

≥ Marble Party avec Para One, Surkin et Bobmo

Mardi 29/05 19h30 Le Trabendo 18,80 €

≥ Villette Sonique avec Peaking Lights, Julia Holter,

Dirty Three

Mardi 05/06 La Cigale 18h30 29 €

≥ Hanni El Khatib,The Virgins et The Dough Rollers

Envoyez votre prog à : [email protected]

le Bon agenda

La sélection de ParisLaNuit.fr

Page 51: Le Bonbon Nuit 21

03/05 21H MISSILS AIRLINES + MADAME MONSIEUR + JULIA CINNA04/05 21H ZULU + ARTHUR RIBO + LA DINGUE 00H SOIRéE BONBON05/05 21H ULMANN KARAROCKé10/05 21H THE BURNIN JACKS + LE SPARK + BOUTON ROUGE By TIM BARGEOT11/05 21H MR D. AND THE FANGS + JOSEPHINE STREET12/05 21H MOTION OF HIPS + CHARLIE L + GASPARD ROyANT

16/05 21H APRIL WAS A PASSENGER + WOLFPACK BEARTRACK17/05 21H LITTLE SISTER + DISCO MOJO CLUB + LOST VOLTAIR18/05 21H KAMI + VELOCITy BIRD + FROGS IN FIRE19/05 21H NIKI DEMILLER + LADy CHEVROTINE + LA CLASSE24/05 21H LOU MARCO + KINSKI ELEVATOR + GLASS PETALS25/05 21H JESS KING + GRIMM + RED CLUBS26/05 21H CATHEDRALE + WASTED WASTED + D’AUSTERLITZ31/05 21H THE ELECTRONIC CONSPIRACy

Page 52: Le Bonbon Nuit 21

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