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SOUDAN DU SUD LE PLUS JEUNE ÉTAT DU MONDE À LA CROISÉE DES CHEMINS COLOMBIE LES 32 JOURS DE ROMÉO LANGLOIS UNE HÉMORRAGIE CONTINUE EXIL

Libre Cours n°3

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Revue des adhérents de Reporters sans frontières

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En vues

1. contre la torture en iran

Une trentaine de militants de Reporters sans frontières ont manifesté, le 10 juillet 2012 sur l’avenue des Champs-élysées, devant le siège de la compagnie Iran Air. Cinq d’entre eux en tenue de prisonniers arboraient des maquillages évo-quant les tortures infligées quotidiennement par le régime de Téhéran aux journalistes, blogueurs et net-citoyens d’opposition. Ce 10 juillet marquait également le neuvième anniversaire du décès de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi, des suites de mauvais traitements subis à la pri-son d’Evin.

2. reporters sans frontières rencontre aung san suu kyi

Aung San Suu Kyi, célèbre opposante birmane, aujourd’hui députée de la Ligue nationale pour la Démocratie, séjournait à Paris du 26 au 29 juin 2012. à l’issue d’un entretien, Reporters sans frontières lui a remis en main propre son rapport sur les violences communautaires survenues depuis le mois de mai dernier dans l’état d’Ara-kan, et leur impact sur le travail d’information mené sur place. Si le drame d’Arakan a témoigné de la lente ouverture de l’information en ligne en Birmanie, la répression qui l’a accompagné rap-pelle que la junte n’a pas désarmé.

3. stop à l'impunité au honduras

Une soixantaine de personnes ont battu le pavé devant la fontaine Saint-Michel, le 28 juin 2012, trois ans après le coup d’état qui renversa le pré-sident hondurien Manuel Zelaya. à l’appel de Reporters sans frontières, la Fédération interna-tionale des ligues des droits de l’homme (FIDH), France Amérique latine et Alerte Honduras, ce rassemblement a voulu rappeler à l’opinion pu-blique extérieure le sort tragique des journalistes et défenseurs des droits de l’homme dans ce pays. En une décennie, 29 confrères y ont été assassi-nés, dont 24 durant la seule période consécutive au coup d’état.

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Le devoir et Le bonheur de combattreChristophe Deloire Directeur général de Reporters sans frontières

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O« Vous, les adhérents,

servez l’idéal d’une humanité plus éclairée. »

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Comment une organisation aussi combative que la nôtre peut-elle être à la fois efficace, heureuse, épanouie, pleinement vivante ? Comme un être humain. En étant fidèle à son passé, en se sentant redevable, et en embrassant l’avenir avec passion. Au début de ses Pensées pour moi-même, Marc-Aurèle remercie ceux grâce à qui il est lui-même. Le sage Romain fonde sa force sur l’art de la gratitude. L’hommage, s’il n’est pas un exercice obligé mais un acte de fidélité libre, dessine une trajectoire, et entretient du même coup un élan.

En mai dernier, le conseil d’administration de Reporters sans frontières m’a fait l’honneur de m’élire directeur général de l’association. notre organisa-tion est respectée et influente partout dans le monde, grâce à son équipe à Paris – d’une efficacité redoutable –, ses dix bureaux et sections à l’étran-ger et ses correspondants dans 150 pays. De l’OnU à new York, aux confins de l’érythrée ou du Honduras, l’organisation plaide, proteste, assiste, sou-tient, finance, propose, conseille. Lauréate en 2005 du prix Sakharov pour la

liberté de l’esprit du Parlement européen, elle sus-cite l’admiration des défenseurs de la démocratie et la crainte des despotes et prédateurs de la liberté.

Dès les premières pages de mon action, je veux donc remercier tous ceux qui ont insufflé à Reporters sans frontières son âme et son énergie. Je citerai ses fon-

dateurs, à Montpellier, en 1985, parmi lesquels Robert Ménard, qui lui a tant donné pendant si longtemps, avant de s’éloigner ; ses compagnons de route dont les chemins ont divergé, mais qui font partie de son histoire, notamment Rony Brauman et Jean-Claude Guillebaud ; ses anciens dirigeants, parmi les-quels noël Copin ; les actuels membres du conseil d’administration, dont son président Dominique Gerbaud et son vice-président Fabrice Drouelle ; mes prédécesseurs, Jean-François Julliard et Olivier Basille ; les salariés, in-croyablement mobilisés, les bénévoles, partenaires, donateurs, amis d’un jour et/ou de toujours ; enfin vous, les adhérents qui, en soutenant Reporters sans frontières, servez l’idéal d’une humanité plus éclairée.

Albert Einstein a dit un jour que le mal ne vient pas de ceux qui le font, mais du faible nombre de personnes disposées à lui résister. RSF peut se targuer d’avoir défendu, libéré, exfiltré, sauvé, fait connaître, promu des hommes et des femmes qui se battent partout sur la planète pour apporter la lu-mière de l’information malgré les propagandes et les violences. Du journal Oslobodjenje à Sarajevo à la radio érythréenne Erena aujourd’hui à Paris, du journaliste russe Sergueï Kouznetsov, gréviste de la faim en 1989, à l’intel-lectuel chinois Liu Xiaobo – à qui nous avions décerné un prix six ans avant qu’il n’obtienne le nobel de la paix en 2010 –, Reporters sans frontières a toujours fait preuve de fermeté et de lucidité dans l’action.

Une grande organisation est comme un arbre, une harmonie des racines, du tronc, des branches qui s’allongent et des nouvelles feuilles qui absorbent l’air et réalisent la photosynthèse. Ainsi la sève continue-t-elle de couler et l’arbre de croître. à nous, les « fils et filles fondateurs », d’apporter des idées nou-velles, de lancer des actions inédites, d’être fidèles aux pères fondateurs, à leur esprit, et de nous montrer d’une loyauté supérieure qui ne consiste pas à mimer le passé mais à prolonger la trajectoire. Pour que soit garanti notre avenir au service de la liberté de l’information, sans laquelle aucun progrès politique, économique et social, ni même aucune émancipation des esprits, ne sont possibles.

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Un homme se lave dans un camp de réfugiés. Tunisie, 2011.

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Sri LankaSomalie

Iran

ÉrythréeSoudan

Rwanda

Éthiopie

SyrieIrak

Afghanistan

à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin dernier, Reporters sans frontières a alerté Antonio Guterres, Haut Commissaire des nations unies pour les réfugiés (UnHCR) sur la néces-sité de mieux protéger les journalistes en exil et publié une mise à jour de son guide destiné à les aider dans leurs démarches. Cet appel sera-t-il entendu ?

Au cours des années 2000, la guerre civile au Sri Lanka a entraîné la fuite de dizaines de confrères, à la fois des belli-gérants cingalais et tamouls. Si le nombre

de départs forcés a diminué depuis 2010, d’autres conflits ont pris le relais. Une vingtaine de journalistes syriens ont ainsi dû quitter leur pays depuis le début de la révolution, en mars 2011. Les plaies iraniennes et des états de la Corne de l’Afrique semblent, quant à elles, ne pas devoir se refermer.

Parmi les premières prisons au monde pour les professionnels de l’information et les net-citoyens, la République isla-mique d’Iran a érigé la répression envers les voix discordantes en système de gou-

vernance après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de l’état, en juin 2009. Depuis, le pays s’est vidé de près de 200 de ses journalistes. Parmi eux, les deux figures réputées que représentent Reza Alijani et Abdolreza Tajik, respectivement lauréats du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse en 2001 et 2010.

le bunker érythréenDevenue indépendante de l’éthiopie au terme d’une lutte trentenaire, l’érythrée représente aujourd’hui le pire cau-chemar de toute une profession. Rien n’en filtre, et pour cause. Depuis son indépendance en 1993, le pays doit à son dictateur Issaias Afeworki d’être devenu un véritable bunker. Aucune presse libre n’y existe depuis 2001, époque de rafles au cours desquelles 13 journalistes ont été emprisonnés, et la poignée de titres indépendants, sus-pendus. Au moins quatre d’entre eux n’ont pas survécu aux conditions inhu-maines de leur détention et depuis, 31 professionnels des médias croupissent dans les geôles secrètes du régime d’Asmara. Les médias publics ne font que relayer la propagande ultranationa-liste du régime, et les autorités n’hésitent pas à faire disparaître les journalistes qui osent tenir un autre discours.

une hémorragie continue vers des refuges incertains

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En trois ans, plus de 350 journalistes ont été contraints à l’exil. Comme leurs confrères empri-sonnés, assassinés ou censurés, les professionnels de l’information poussés au départ sont au-tant de témoins gênants réduits au silence. Les persécutions dont ils sont victimes ne s’arrêtent pas aux frontières de leur pays.

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Martial Tourneur Responsable du bureau Assistance

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Nombre de journalistes réfugiés en 2011

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Une jeune réfugiée somalienne à Dadaab. Kenya, 2011.

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Des dizaines de journalistes érythréens cherchent donc le salut ailleurs chaque année, au péril de leur vie. Quitter l’érythrée impose en effet de franchir les frontières gardées en permanence par des militaires chargés de tirer à vue sur les fuyards qu’Asmara considère comme des « traîtres à la nation ». Or, une fois aux frontières, la menace reste entière sur le territoire de l’ennemi éthiopien ou de l’allié soudanais. Le 17 octobre 2011, trois cents ressortissants érythréens ont ainsi été expulsés vers leur pays d’origine par Khartoum sans que le Haut Commis-sariat des nations unies pour les réfugiés (UnHCR) ait pu intervenir.

Sans gouvernement stable depuis 1991, la Somalie demeure l’un des pays les plus meurtriers pour les journalistes : 23 d’entre eux ont payé de leur vie le prix de leur métier au cours des cinq der-nières années. Le danger vient autant des représentants du gouvernement transitoire que des miliciens Al-Sha-

baab. Ennemis de tous, des centaines de confrères ont abandonné en vingt ans le terrain pour l’Ouganda ou le Kenya. Le quartier d’Eastleigh à nairobi est deve-nu un « Little Mogadishu », souvent trop conforme à son modèle, où sévissent ces mêmes « talibans somaliens » d’Al- Shabaab que les réfugiés pensaient avoir fuis.

la menace pour bagageSignant leurs articles, passant à la télé-vision ou à la radio, les journalistes sont identifiés et identifiables par les agents des régimes prédateurs, sur-tout lorsqu’ils échouent en terre voisine.

nombre d’entre eux nous ont confié avoir reçu des messages de menaces ou des appels anonymes en exil. Certains ont même subi des agressions de la part de représentants diplomatiques de leurs pays. Le 30 novembre 2011, le journaliste rwandais Charles Ingabire, connu pour son opposition au régime de Kigali et réfugié à Kampala, a été assassiné dans de troubles circonstances.

Dans son courrier adressé au Haut Com-missaire Antonio Guterres, Reporters sans frontières a donc plaidé pour que voient le jour des mécanismes de protec-tion adaptés sous l’impulsion de l’agence onusienne. Enfin, consciente que le UnHCR ne détient pas l’ensemble des clés du problème, l’organisation a appelé de ses vœux une déclaration publique du Haut Commissaire pour mobiliser les états membres en faveur de l’ac-cueil de ces centaines de journalistes, bannis pour avoir voulu servir leurs semblables.

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« Des dizaines de journalistes cherchent

le salut ailleurs chaque année, au péril

de leur vie. »

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Marche de journalistes contre la violence. Mexico, 2011.

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FranceassembLée généraLe de reporters sans frontières : biLan et défisDaniel Junqua membre du conseil d’administration

Rien de tel que le rite annuel de l’assemblée générale de Reporters sans frontières pour prendre conscience de la vitesse vertigineuse avec laquelle le monde change. Les adhérents qui se sont retrouvés, le 11 juin 2012 dans la salle du cinéma L’Entrepôt, rue Francis de Pres-sensé, dans le XIVe arrondis-sement de Paris, en ont pris toute la mesure en écoutant le rapport moral présenté par le président, Dominique Gerbaud et le rapport d’acti-vité d’Olivier Basille, direc-teur général par intérim. L’organisation a, certes, été confrontée en 2011 à une actualité particulièrement dramatique et a dû répondre à de nombreux défis.

L’année 2011, c’est surtout, c’est d’abord, la formidable explosion des printemps arabes en Tunisie, en égypte, en Libye, la chute de dictateurs que Reporters sans frontières combattait sans relâche depuis des décennies. En ouvrant un

bureau à Tunis, l’organisation a égale-ment voulu répondre aux demandes des acteurs du changement en matière de protection de liberté de la presse et de l’information. Mais 2011, c’est aussi la fin d’une prise d’otage qui avait mobi-lisé l’association pendant 547 jours et

avait suscité quelques polémiques en France. C’est dire avec quelle joie, avec quel sou-lagement avait été accueillie, le 29 juin, la libération de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, deux jour-nalistes de France Télé-visions enlevés par les talibans en Afghanistan en décembre 2009.

Au-delà de ces événements marquants et son suivi quotidien de l’actualité de la liberté de la presse dans le monde, l’équipe du secrétariat international a poursuivi en 2011 ses recherches et son travail d’analyse et d’information sur des

dossiers majeurs : le crime organisé, responsable, en Amérique latine notam-ment, de la mort ou de l’exil de nombreux journalistes ; la lutte contre la censure sur Internet qui recourt à des méthodes et des outils de plus en plus sophisti-qués. Enfin, en cette année préélectorale, Reporters sans frontières a consacré un important rapport à l’état de la liberté d’information en France même.

Les rapports mis aux voix ont été adoptés à l’unanimité ainsi que le rapport financier présenté par le trésorier, Jean-Michel Boissier. Les débats terminés, les parti-cipants ont été invités à visionner le film Sarajevo mon amour de Fredéric Tonolli et Arnaud Hamelin, prix Quemener 2012 au Festival international du grand reportage et du documentaire d’actualité (FIGRA) du Touquet-Paris-Plage.

« 2011, c’est aussi la fin d’une prise d’otage qui

avait mobilisé l’association

pendant 547 jours. »

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MONDEmonde

Le pLus jeune état du monde à La croisée des chemins

s O u D a n D u s u D

Reporters sans frontières s’est rendue au Soudan du Sud en mai 2012 et a publié un rapport d’enquête sur la liberté de l’information dans ce pays, quelques jours avant le premier anniversaire de son indépendance, le 9 juillet.

Pour une émanation du Soudan, qui fait partie des dix pays au monde les moins respectueux de la liberté de la presse, le Soudan du Sud occupe une place très honorable dans le dernier classement de Reporters sans frontières (111e sur 179 pays). Mais la situation demeure extrê-mement fragile.

« L’indépendance n’a rien apporté aux médias. Je crains même que la situa-tion ne s’aggrave », a confié nhial Bol, le rédacteur en chef de The Citizen, le seul quotidien de la capitale, Juba.

En effet, le rapport de Reporters sans frontières démontre que le divorce avec Khartoum n’est pas entièrement consommé et que l’indépendance n’a

pas apporté d’amélioration significative de la liberté de l’information. Les vieux réflexes répressifs hérités de la police du nord et de près de quarante ans de gué-rilla sont toujours là. Omniprésence de forces de sécurité « aux mains lourdes », rhétorique belliqueuse et nationaliste du gouvernement, propagande, brutalités policières et intimidations : tous ces élé-ments alimentent la peur parmi les jour-nalistes et les incitent à l’autocensure.

L’organisation recommande aux autori-tés de protéger les acteurs de l’informa-tion, de combler le vide juridique actuel en adoptant trois projets de lois sur la presse, et de faire le choix de l’ouverture et du développement du secteur des mé-dias.

Conclusion de l’enquête : « Le Soudan du Sud n’est pas aujourd’hui un pays en proie à une répression concertée et sys-tématique envers la presse. Il enregistre cependant une somme inquiétante d’inci-dents et d’actes isolés de répression ou d’intimidation qui finissent par saper le climat dans lequel évoluent journalistes et médias ».

Ce pays est à la croisée des chemins. Après des débuts aussi prometteurs qu’hésitants, sous le regard attentif de la communauté internationale, il peut désormais soit avancer positivement soit sombrer dans la répression et la dicta-ture. Autrement dit, la voie des libertés reste à ouvrir dans le plus jeune état du monde.

Ambroise Pierre Responsable du bureau Afrique

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Soudandu Sud

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Superficie : 1 886 068 km2

Population (2011) : 31 957 965

Capitale : Khartoum

Chef de l’état : Omar el-Béchir, depuis 1989

170e sur 179 dans le classement 2011-2012 de la liberté de la presse

SouDAN Du SuD

Superficie : 619 745 km2

Population (2011) : 9 150 000

Capitale : Juba

Chef de l’état : Salva Kiir Mayardit, depuis 2005, confirmé avec l’indépendance en juillet 2011

111e sur 179 dans le classement 2011-2012 de la liberté de la presse

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monde

Les 32 jours de roméo LangLois, une guerre dans La guerre

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L’affaire s’est vite dénouée par compa-raison au sort interminable qu’ont pu connaître d’autres prisonniers des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Détenu trente-deux jours aux mains de la guérilla colombienne, du 28 avril au 30 mai 2012, Roméo Langlois a même reçu les excuses de ses geôliers à l’issue de sa libération. La compensation paraît légère au regard de l’épreuve subie dans la jungle du Caquetá (sud du pays), de ses séquelles, et même des basses controverses médiatiques qu’elle a géné-rées.

Les FARC, Roméo Langlois les connaît sans doute mieux qu’aucun autre jour-naliste étranger longtemps établi dans le dernier pays en guerre ouverte du continent américain. Installé en 2002 à Bogotá avec sa consœur Pascale Mariani, le documentariste correspond pour dif-férents médias français – notamment

France 24 et Le Figaro –, suisses et cana-diens. Reconnu pour son travail de ter-rain et sa capacité à nouer des contacts auprès de tous les acteurs du conflit armé, le couple a su gagner l’estime des confrères colombiens les plus experts. Ce 28 avril, alors qu’il accompagne un bataillon d’élite de l’armée en terre contrôlée par les FARC, Roméo Langlois ne méconnaît rien des risques. Mais l’opération antidrogue tourne mal. Isolé et cerné par la guérilla, le détachement militaire se scinde. évacué d’urgence, Roméo Langlois tombe dans une embus-cade au cours de laquelle trouve la mort le sergent Cortes, préposé à sa sécurité personnelle. Blessé au bras, le journa-liste, qui a perdu sa carte de presse lors de l’échange de tirs, s’identifie auprès des guérilleros. Les FARC confirment sa détention le 6 mai tout en promettant sa libération rapide.

Passé par quatre unités de la guérilla en quinze jours, Roméo Langlois n’a pas seulement dû composer avec les dis-cours et exigences parfois intenables des rebelles, dont un large débat national… sur le thème de l’information. Les condi-tions de sa capture et ses relations avec les FARC lui ont valu le soupçon, sinon l’hostilité de certains grands médias audiovisuels colombiens, rompus au paradigme de la guerre totale contre la guérilla des années de présidence d’Al-varo Uribe (2002-2010). Car en Colom-bie, l’information est aussi un levier de la guerre. Sur ce front-là, Roméo n’a pas pu se défendre pendant trente-deux jours. Reporters sans frontières l’a fait pour lui. Avant d’être à son tour fustigée par les mêmes comme « alliée des FARC » !

Benoît Hervieu Responsable du bureau Amériques

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Quel aspect le plus éprouvant retenez-vous de ces trente-deux jours de capti-vité ? » Mon bras blessé, bien sûr, et mainte-nant plâtré qui m’a souvent empêché de dormir. Mais le plus difficile, au moins dans les premiers jours, était moins la détention elle-même que les calomnies véhiculées contre moi par de prétendus confrères. Tout cela pour complaire aux franges les plus dures de la classe poli-tique colombienne. Les FARC écoutent la radio toute la journée. J’entendais, par exemple, que j’avais couru vers eux après l’échange de tirs comme si j’allais re-trouver des amis en vacances. On a éga-lement polémiqué sur le gilet que m’avait fourni l’armée avant l’embuscade. Je ne pouvais pas répliquer à des gens qui salissaient ma réputation et mettaient en doute ma qualité professionnelle. Ensuite est venue l’attente de la bonne nouvelle. J’ai toujours cru en une libération rapide.

Comment jugez-vous le comportement des FARC à votre égard ? » Je n’ai jamais été attaché ni ligoté comme beaucoup d’otages avant moi. Je ne l’aurais pas supporté. Lorsque les guérilleros ont vraiment su qui j’étais, je me suis senti soulagé car ils n’avaient, au fond, aucun intérêt à me garder long-temps. J’ai tout de même douté, et même déprimé peu de temps avant l’annonce finale de ma libération car ils m’ont par-fois tenu des discours flous ou ambigus. à chaque changement de camp, il fallait amadouer tout le monde, essayer d’éta-blir une confiance minimale, répondre à des tas de questions. Certains m’ont même demandé s’il existait une guérilla en France !

Qu’avons-nous apporté, à Reporters sans frontières, au processus de votre libération ? » Vous avez rappelé constamment que

j’étais, et que je suis, journaliste. Les FARC haïssent la presse colombienne mais se soucient énormément de leur image auprès des médias internationaux. Pour eux, Reporters sans frontières en fait partie. Vous avez défendu ma réputa-tion et ça m’a aidé.

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Propos recueillis par : Benoît Hervieu Responsable du bureau Amériques

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de passage en france, Le comédien Zarganar « n’est pas Là pour bLaguer »

bIrmanIe

nouveLLe formuLe, nouveLLe édition et nouveau grand nom de La photographieSteve McCurry, grand photoreporter américain largement primé, parcourt les continents et couvre les conflits, les cultures en disparition et les traditions anciennes. Il nous offre un tour du monde en images d’une troublante humanité.

Son travail est étroitement lié à un pays, l’Afghanistan, qu’il arpente depuis main-tenant trente ans. En témoigne cette image de cette jeune Afghane, rendue célèbre par son énigmatique et puissant regard vert. Cette photo fait bien entendu partie de la sélection des 100 plus belles photos de Steve McCurry que nous avons

sélectionnées pour vous, et qui vous fe-ront découvrir ce peuple et son histoire.

Cet album, dont la sortie est prévue le 13 septembre, sera le deuxième numéro de la nouvelle collection des albums de photographies de Reporters sans frontières. Vous retrouverez les nouvelles rubriques toujours entièrement dédiées à la photographie et à la rencontre de photoreporters engagés.

album

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DAnSl’actu

Ses trois dernières années d’emprison-nement n’ont pas réussi à entamer son humour aiguisé. Comédien, réalisateur, écrivain satiriste et blogueur, Zarga-nar avait remporté, en 2008, le 17e prix Reporters sans frontières de la catégorie « Cyberdissidents », tandis qu’il croupis-sait dans la célèbre prison d’Insein, près de Rangoun, en compagnie du blogueur nay Phone Latt, colauréat du prix. à sa libération, le 12 octobre 2011, ses pre-miers mots à la presse étrangère ont révélé un homme entièrement tourné vers l’avenir, celui des prisonniers poli-tiques encore emprisonnés et celui des libertés publiques.

C’est dans cet état d’esprit que Zarganar a commencé sa tournée européenne. Il n’est pas venu parler de son calvaire, a-t-il souligné, ni de celui de ses co détenus, mais afin de mobiliser en fa-veur de la démocratisation de son pays. « Bien que je sois comédien, je ne suis pas là pour faire des blagues », nous a-t-il confié avec humour, lors d’un entre-tien. Le 13 juin 2012, Zarganar est venu à Paris rencontrer l’équipe de Reporters sans frontières, désireuse de lui remettre son prix quatre ans après le lui avoir dé-cerné, et répondre à quelques interviews. Il a invité l’organisation à contribuer aux réformes des lois encadrant les médias

et à prendre part à l’essor de la libre circulation de l’information en Birma-nie. Lui est déjà très actif. à travers son organisation, HOME, et sa collaboration avec nay Phone Latt, il est déjà à l’origine de plusieurs échanges académiques et promeut énergiquement les activités de réalisateurs et documentaristes vidéo, au nom du développement de l’information citoyenne.

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internet

La découverte de La Liberté de L'informationReporters sans frontières s’est rendue quatre fois en Libye au cours de l’année passée, et devrait être représentée sur place à temps plein à la rentrée 2012.

La première mission a eu lieu à Benghazi en juillet 2011, alors que l’Ouest du pays était encore sous l’emprise des forces pro- kadhafistes, et que l’Est découvrait la liberté d’expression après 42 ans de dictature. L’orga-nisation s’est rendue une deuxième fois dans le pays pour y découvrir et analyser le déve-loppement du champ médiatique libyen après la chute de Kadhafi. Tripoli, Misrata, Zawiya et Zouarah ont constitué les étapes de cette mis-sion. Les déplacements suivants ont été consa-crés aux différences de contexte entre l’Ouest et l’Est du pays.

Les thèmes de la régulation des médias, de la structuration du système médiatique, notam-ment des médias publics, sont au cœur des débats à la veille des élections du Congrès général national qui ont eu lieu le 7 juillet der-nier. Aujourd’hui, les besoins sont immenses, notamment en formation, mais également en terme de structuration des projets afin que ces médias perdurent. Les risques sont grands de concentration des médias, les tentations liber-ticides sont présentes, comme on a pu le voir avec l’adoption de la loi 37, abrogée sur décision de la Cour suprême. Un des principaux défis de la Libye résidera dans la préservation de ces libertés fondamentales.

un abri et un site pour défier La censure

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La censure n’est pas une fatalité. Reporters sans frontières compte bien le prouver en lançant, début octobre 2012, un site Internet destiné à héberger des contenus censurés et interdits, et à relayer ses actions de lutte contre la cybercensure : wefightcensorship.org.

Reporters sans frontières a ouvert, en juin 2010, dans ses bureaux, le pre-mier « Abri anti-censure », un espace dédié aux journalistes, blogueurs et dissidents réfugiés ou de passage à Paris pour leur apprendre à contour-ner la censure, à sécuriser leurs communications et à conserver leur anonymat en ligne.

La démarche de publier sur wefightcensorship.org des articles, vidéos ou images censurés ou inter-dits répond à la volonté de rendre la censure caduque, de démontrer qu’emprisonner l’auteur d’un article n’empêchera pas l’article lui-même de circuler partout ailleurs. à cet effet, le futur site sera conçu pour

être facilement dupliqué, sur le prin-cipe de sites miroirs hébergés dans le monde entier. Ainsi, les tentatives de blocage de ce site par divers gou-vernements seront vouées à l’échec.

Un formulaire sécurisé en ligne offrira à tout internaute la possibilité de faire parvenir des documents à Reporters sans frontières de manière anonyme. Après vérification des pièces recueillies dans ce coffre-fort numérique, la décision sera prise, en comité de rédaction, de les publier ou non, en prévoyant leur traduction en français et en anglais, et leur mise en contexte.

L’article d’un blogueur vietnamien emprisonné, sur la corruption, les problèmes environnementaux au Brésil en passe d’être étouffés, les extraits du livre qu’un journaliste bangladeshi s’apprêtait à publier lorsqu’il a été assassiné, etc. : autant de sujets qui auront leur place sur ce site. Autant d’articles qui devraient provoquer l’ire des censeurs.

Lucie Morillon Responsable du bureau Internet et nouveaux Médias

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13 septembre 2012

Sortie de l’album "100 photos de Steve McCurry pour la liberté de la presse"

2, 3 et 4 octobre 2012

les assises internationalesdu journalisme à Poitiers

9 octobre 2012

lancement du site wefightcensorship.org8 au 14 octobre 2012

Prix Bayeux-Calvadosdes correspondantsde guerre

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Page 12: Libre Cours n°3

Le total des produits s’est élevé en 2011 à 4 116 K€ et le total des charges à 4 371 K€ soit une perte de 255 K€ contre une perte de 78 K€ en 2010. Au total, les ressources propres (hors cotisations des adhérents et refacturation à Reporters sans fron-tières International) ont baissé de 18 %, et représentent 39 % des ressources totales, contre 46 % en 2010. Cette forte baisse s’explique principalement par la diminution de 18 % des ventes d’albums de photographies réalisés par l’associa-tion (124 000 exemplaires vendus, contre 152 000 exemplaires). Le chiffre d’affaires des ventes d’albums a également dimi-nué de 10 % sur l’exercice. Cela s’inscrit dans un contexte particulièrement diffi-cile des marchés de la presse et de l’édi-tion.

Cette chute des ressources propres a été compensée par l’augmentation du mécé-nat (incluant les dotations issues des prix ou autres distinctions), c’est-à-dire le soutien sans contrepartie d’institutions privées, entreprises et fondations, fran-çaises ou étrangères. Le total des produits comptabilisés à ce titre s’élève à 859 K€ contre 740 K€ en 2010, soit une progres-sion de 119 K€ rendue possible grâce au soutien de nouveaux mécènes privés dont le soutien de BnP Paribas à l’édition de l’album Inde. Le poids du mécénat et des dotations s’établit donc à 22 % des pro-duits de l’exercice, alors qu’il représentait

18 % des produits en 2010. Les dons is-sus de la générosité du public ont égale-ment progressé sur l’exercice, passant de 203 K€ en 2010 à 250 K€ en 2011, soit une augmentation de 23 %, en majeure partie imputable aux mailings papiers et web mis en place en fin d’année 2011. Les subventions (poste comprenant à la fois les subventions publiques et les contrats signés avec des fondations pri-vées ou étrangères) sont également en hausse (29 % versus 25 % en 2010).

Les frais de gestion et de structure, hors locaux, sont en baisse et s’établissent à 502 K€. Les charges liées aux locaux sont en diminution de 32 K€ et s’élèvent à 280 K€ en 2011 versus 312 K€ l’année précédente du fait d’un rattrapage d’amortissement ayant dû être comp-tabilisé. Les charges de personnel connaissent une hausse de 68 K€, s’expliquant principalement par l’ouver-ture du bureau de Tunis en mai 2011 et par l’impact en année pleine de l’em-bauche d’une personne à temps plein dédiée à la recherche de fonds privés. Le fonds d’assistance et de soutien aux médias a connu une augmentation de 54 K€. Son niveau atteint 582 K€, soit 14 % des charges en 2011 contre 12 % en 2010. Une hausse de 30 K€ des bourses individuelles versées aux jour-nalistes, à leurs familles ou à certaines associations locales caractérise l’enga-

gement de Reporters sans frontières auprès des journalistes haïtiens, sud-coréens, érythréens (Radio Erena), des blogueurs chinois (plate-forme de blog Boxun) ou encore des confrères des pays de l’ancienne Union soviétique.

En conclusion et en guise de perspec-tives 2012, il est à noter que la part des charges liées à l’assistance devraient fortement diminuer du fait de l’arrêt des programmes en Haïti et auprès de mé-dias indépendants, alors que la part des actions de sensibilisation et des missions sera amenée à rester stable. Compte tenu du déficit prévisionnel, un effort particulier devra être effectué quant à la maîtrise des dépenses.

Au chapitre de ses ressources, l’associa-tion doit trouver les moyens de dévelop-per davantage ses ressources propres (par l’élaboration de nouveaux produits dérivés et de partenaires pouvant per-mettre la prise en charge partielle des coûts d’impression des albums), déve-lopper et diversifier les mécénats d’en-treprises mais également développer les revenus provenant des legs et des donations. L’association doit également mettre en place rapidement une stra-tégie de sollicitation auprès des grands mécènes (particuliers).

Jean-Michel Boissier Trésorier de Reporters sans frontières

2011, une année en demi-teintele rappOrT Du TrÉsOrIer

libre cours la revue de reporters sans frontières pour la liberté de l’information - Publication trimestrielle - Prix 2 € - Abonnement un an : 6 € - n°ISSn 1814-8190 - Directeur de publication : Olivier Basille - Rédacteur en chef : Benoît Hervieu - Directeur de la communication : Alexandre Jalbert - Directrice du développement des ressources : Perrine Daubas - Impression et routage : Imprimerie Chauveau - 2 rue du 19 Mars 1962 - 28630 Le Coudray - Conception graphique : Claire Béjat - édité par Reporters sans frontières - Association loi 1901 reconnue d’utilité publique - 47 rue Vivienne - 75002 Paris - Tél : 01 44 83 84 84 - E-mail : [email protected] - Site : www.rsf.org - Dépôt légal à parution

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